André Joubert, Un mignon de la Cour de Henri III. Louis de Clermont, sieur de Russy d'Amboise, 1885. Mémoires-Journaux de Pierre de l'Estoile, édition pour la première fois complète et entièrement conforme aux manuscrits originaux, Paris, Jouaust, 1875-1883, 11 vol., et 1 vol. de tables. LE CHANGEMENT de règne, c'est l'approche des épreuves de Marguerite. Henri III revenait de Pologne, résolu à la punir d'avoir trompé ses espérances et déserté sa cause. Elle s'en étonnait et s'en indignait presque comme d'une querelle gratuite. Aurait-elle voulu qu'il lui sût gré de pactiser avec ceux qui projetaient de le mettre en tutelle dès son avènement ou même de lui ravir sa couronne ? Mais si inconsciente qu'elle fût de sa faute, elle appréhendait au fond de l'âme de se retrouver en présence de ce frère, maintenant son roi, qui pouvait avoir la tentation, et qui avait les moyens de se venger. A la première nouvelle de la mort de Charles IX, Henri III s'était enfui de Cracovie, sa capitale, pour empêcher les Polonais de le retenir de force, et, prenant par l'Autriche et l'Italie, pays catholiques, où il ne risquait pas, comme en Allemagne, d'être arrêté par les coreligionnaires des huguenots, il s'était dirigé sans hâte vers Lyon, où Catherine de Médicis et la Cour l'attendaient. La Reine-mère avait amené dans son coche, sous sa main, libres en apparence, et en réalité prisonniers, le roi de Navarre et le duc d'Alençon, pour laisser à son fils le mérite de leur délivrance. Le roi de France avait pardonné, mais il n'oubliait pas. Marguerite était là. De son émotion bien naturelle à leur première rencontre, elle est allée chercher très loin dans l'histoire sainte et profane une explication qui n'est pas une justification. Quelques-uns tiennent, dit-elle, que Dieu a en particulière protection les grands, et qu'aux esprits où il reluit quelque excellence non commune il leur donne, par des bons génies, quelques secrets advertissemens des accidens qui leur ont préparez ou en bien ou en mal. Elle en cite plusieurs exemples lui se sont vus en sa mère, une de ces âmes privilégiées. Elle-même, bien qu'elle ne s'estime pas digne de pareille faveur, toutefois pour ne se taire comme ingrate des grâces qu'elle a eues de Dieu, elle convient n'avoir jamais esté proche de quelques signalez accidens, ou sinistres ou heureux, qu'elle n'en ait eu quelque advertissement ou en songe ou autrement[1]. Ainsi lui arriva-t-il cette fois. Pendant les embrassades et les réciproques bien venues de son frère et de sa mère, elle fut malgré la chaleur du jour (5 sept.) et la presse étouffante de l'entourage, prise d'un grand frisson avec un tremblement universel. Présage de malheur, mais qu'elle tourne à sa gloire comme venant de Dieu. Pourquoi ne pas avouer simplement qu'à l'instant où elle a revu son frère, elle a eu l'intuition soudaine du mal qu'il avait le droit de lui reprocher ? Aussitôt après l'exécution de La Molle, Marguerite avait pris un consolateur. Elle n'a jamais aimé, semble-t-il, deux hommes à la fois, mais il est vrai que, s'il n'y avait dans son cœur qu'une place, elle ne restait pas longtemps vacante. Brantôme pense sans aucun doute à elle dans une page des Dames où il est question du cheval Seian (ou de Seius) passé en proverbe dans l'antiquité pour être funeste à tous ses cavaliers. Si ay je cogneu une fort honneste et grande darne qui a eu cela en elle de malheur que de cinq ou six serviteurs que je luy ay veu de mon temps avoir se sont morts tous les uns après les autres, non sans un grand regret qu'elle en portoit, de sorte qu'on eust dit d'elle que c'estoit le cheval de Séjan[2], d'autant que tous ceux qui montoient sur elle mouroient et ne vivoient guieres, mais elle avoit cela de bon en soy et cette vertu que, quoy qui aist esté, n'a jamais changé ny abandonné aucun de ses amys vivans pour en prendre d'autres : mais eux venans à mourir elle s'est voulu tousjours remonter pour n'aller à pied[3].... Charles de Balzac d'Entragues avait succédé à La Molle. Il était si beau, quoiqu'il n'y paraisse pas dans les crayons du temps, qu'on l'appelait le bel Antraguet. Sa figure longue et sèche, son air impérieux, ses yeux durs sont d'un homme qui s'impose aux femmes et qui les exploite. Il eut longtemps pour maîtresse, après Marguerite, la duchesse de Retz, autre intellectuelle galante, l'ancienne amie intime du duc d'Alençon. Henri III, qui soupçonnait l'intrigue de sa sœur, guettait l'occasion d'un flagrant délit pour le dénoncer au roi de Navarre et obliger ce mari indifférent à sévir contre une femme publiquement compromise. Mais il se laissa égarer par le mirage de la haine. La Cour séjourna plusieurs semaines à Lyon, tout occupée des préparatifs de campagne contre Damville, le gouverneur rebelle du Languedoc. Le Roi, les Reines et les princes logeaient sur la rive droite de la Saône au palais de l'archevêché et dans la cité tout ecclésiastique groupée autour de la cathédrale Saint-Jean. Un jour les duchesses de Nevers et de Retz et d'autres dames proposèrent à Marguerite une promenade en ville, et, pour être agréables à Mlle de Montigny, nièce de la duchesse d'Uzès, décidèrent d'aller à l'abbaye de Saint-Pierre, entre Saône et Rhône, une fort belle religion de dames nobles, où la jeune fille qui y avait une tante n'aurait pu entrer seule, la clôture n'étant levée qu'en faveur des plus grandes dames. Au moment où elles montaient dans le chariot de la Reine, deux gentilshommes, Lenoncourt et Camille, se jettèrent sur les portières et s'y tinrent comme ils purent, gaussans, comme ils estoient d'humeur bouffonne, et déclarant qu'ils vouloient venir voir ces belles religieuses. Le monastère s'ouvrait sur une place bordée de maisons où cantonnaient beaucoup de seigneurs et, parmi eux, le bel Antraguet. Les visiteuses laissèrent à la porte les deux bons compagnons et le chariot si facile à reconnaître pour estre doré et de velours jaune garny d'argent. Là-dessus Henri III vint à passer avec quelques favoris et le roi de Navarre, et voyant le chariot de sa sœur près du logis d'Antraguet, que l'on disait malade, il le montra du doigt à son beau-frère. Je gage, lui dit-il, qu'elle y est. Sur son ordre, le gros Ruffec, ami de Le Gast, alla s'en assurer. Il ne trouva ni Marguerite ni Bidé (c'était le surnom d'Antraguet), mais en bon courtisan, pour flatter son maître, il affirma : Les oiseaux y ont esté, mais ils n'y sont plus. Henri III ne parvint pas à induire en jalousie le roi de Navarre, qui avait intérêt à rester en bonne intelligence avec sa femme, mais il eut tout succès auprès de Catherine de Médicis. La Reine-mère, indulgente aux écarts de ses fils, était, selon la morale de ce temps-là et d'autres temps, très chatouilleuse sur l'honneur de ses filles. Elle commença aussitôt que Marguerite rentra de la promenade, à jetter feu et à dire tout ce qu'une colère oultrée et démesurée peut jeter dehors, et, malgré ses protestations et ses explications, elle ne cessa de tanser, crier et menacer. Mais le lendemain quand Henri III sut par Liancourt, Camille et Mlle de Montigny l'erreur ou la malice du gros Ruffec l'avoit fait tomber, il alla prier sa mère de rabiller cela en quelque façon que sa sœur ne lui demeurât point ennemie[4]. Catherine manda sa fille et accusa un de ses valets de chambre, un mauvais homme qu'elle chasserait, de la médisance dont elle avait été dupe. Mais Marguerite connaissait le véritable auteur de cette charité. Le Roi, qui, derrière une cloison, se rendait compte des vains efforts de sa mère pour faire passer cette couverture, entra dans le cabinet et fit forces excuses à sa sœur, sans réussir à la convaincre qu'on le lui avoit faict accroire. Marguerite raconte avec un grand luxe de détails cette promenade innocente, comme si elle n'en avait jamais fait d'autres. Cette fois Henri III, dupe de son ressentiment, ne réfléchit pas que sa sœur ne serait pas allée en plein jour visiter au logis un amant malade, dans un quartier rempli de gentilshommes, en laissant à la porte son carrosse comme enseigne. Il ne s'était pas d'ailleurs obstiné contre l'invraisemblance et le rapport de tant de témoins, et, se ravisant si vite, faisait figure d'un prince uniquement soucieux, sans haine ni colère, de la bonne renommée des femmes de sa famille. Il pouvait attendre une meilleure occasion. Ce n'était pas seulement par appétit de vengeance qu'Henri III engageait l'attaque. Il savait par Le Gast et par beaucoup d'autres que Marguerite avait, pendant son exil de Pologne, rapproché le duc d'Alençon et le roi de Navarre, et depuis maintenu entre les deux princes une entente étroite et qui pouvait à un moment devenir pour lui dangereuse. S'il avait réussi à brouiller le ménage navarrais, il aurait du même coup rompu la liaison dont la Reine était l'agent, le Duc étant trop attaché à sa sœur pour ne pas prendre parti contre son beau-frère. Sur les instances de sa mère, qui l'estimait un César ou un Alexandre pour les victoires d'emprunt de Jarnac et de Moncontour dues à l'habileté manœuvrière du vieux maréchal de Tavannes, il avait résolu, contre l'avis des chefs militaires, d'écraser sous la force des armes les huguenots et les catholiques unis du Midi, au lieu d'inaugurer son règne par une amnistie générale et généreuse. Il se disposait à marcher en personne contre Damville, pendant que trois autres armées opéreraient au sud et à l'ouest. Mais justement parce que ce dessein était hasardeux, il était politique, pour en accroître les chances, d'opposer l'un à l'autre les chefs en expectative des deux factions afin de diviser leurs partisans. Son impatience avait ruiné l'effet de son calcul. Marguerite, forte de la présomption de son innocence, recommanda bien à son mari d'avoir l'œil ouvert à tous les artifices que le Roi pourrait imaginer pour les mettre mal ensemble et avec le duc d'Alençon, et, celui-ci survenant, elle les fit par nouveau serment obliger à la continuation de leur amitié[5]. De tous les événements qui se passèrent depuis le départ de Lyon jusqu'au retour d'Henri III à Paris, après son sacre et ses noces à Reims, Marguerite ne dit presque rien. L'arrêt du Roi à Avignon, son impuissance contre Damville, et sa retraite humiliante devant les rebelles du Languedoc, puis l'insolent ultimatum des députés des églises, la levée en Allemagne d'une armée de reîtres et de lansquenets protestants pour rejoindre les protestants de France, autant de faits qu'elle passe sous silence, comme s'il n'y allait pas de l'avenir du catholicisme, de la monarchie et de la sécurité du royaume. C'est qu'il lui faudrait avouer qu'en resserrant l'union du duc d'Alençon et du roi de Navarre, elle faisait, toute fervente catholique qu'elle se crût, le jeu des hérétiques. Elle s'en prenait à Le Gast, qui, par moyens contraires, défendait du mieux qu'il pouvait son Roi, son pays et sa religion. Il n'y a pas un homme qu'elle ait détesté autant que celui-là, comme l'artisan de son malheur, le mauvais génie d'Henri III, l'ennemi du duc d'Alençon, un fusil de haine et de division. Mais peut-être ne mérite-t-il pas le mal qu'elle en dit. Brantôme, qui le connut intimement et qui, adorateur enthousiaste de Marguerite, inclinerait plutôt à dénigrer les ennemis de la Reine, fait un grand éloge de son caractère et de sa culture. Il était lettré et se plaisait à réunir à sa table les écrivains, les gentilshommes et les gens d'église qui aimaient les doctes entretiens. En un de ces dîners d'intellectuels, le poète Dorat fit le conte de la Matrone d'Ephèse, cette veuve inconsolable qu'un soldat, chargé de garder tout près de là le corps d'un pendu, consola le jour même sur le tombeau de son mari. Une autre fois la discussion vint sur les plaisirs et les peines d'amour, et tous les convives furent d'avis qu'il y avait plus à perdre qu'à gagner au service des dames. Là-dessus le maître du logis proposa d'en dire les raisons en quelques vers, un concours, où l'évêque de Dol, Charles d'Épinay, auteur de Sonnets amoureux, remporta la palme. Le Gast n'était pas un de ces éphèbes équivoques, comme il s'en vit tant après lui, autour du nouveau Roi. Plus âgé qu'Henri III, capable de le bien conduire, il avait dans le secret du cabinet le courage de lui représenter ses erreurs de direction. Mais en public il ne laissait voir que respect et dévouement. Passionné pour la grandeur de son maître, violent et autoritaire, il déclarait, à l'intention de ceux qui étaient tentés de se prévaloir de leur rang ou de leur naissance, qu'il ne connaissait que la personne royale. A-t-il ajouté, comme on le lui a fait dire, qu'au besoin il porterait la main sur Monsieur, si le Roi le lui ordonnait. A-t-il affecté, en le croisant, de ne pas le reconnaître pour se dispenser de le saluer ? Une provocation qui dépasserait toutes les autres, c'est, s'il faut en croire un ambassadeur florentin, d'avoir qualifié la reine de Navarre de regina delle p.... Mais les galanteries ne lui paraissaient que peccadilles. Ce qu'il poursuivait en elle, c'était l'esprit de désobéissance et de cabale et son ardeur à maintenir, en face du souverain, son mari et son frère, ces vieux comploteurs de fuite, étroitement unis. La première tentative pour rompre cet accord venait d'échouer, il en imagina une autre, bien combinée celle-là et qui opposait femme à femme. La beauté alors à la mode était Charlotte de Beaune-Semblançay, épouse très brillante d'un secrétaire d'Etat très effacé, M. de Sauves. Son visage d'un ovale très pur, ses traits fins, ses yeux tendres, sa bouche mignonne donnent à l'ensemble de sa physionomie un charme et une douceur que n'avaient pas au même degré, si l'on en juge par les portraits du temps, d'autres grandes dames, d'une beauté plus noble, mais moins alléchante. La Reine-mère restée alerte et toujours en mouvement, malgré son âge et son embonpoint, aimait à emmener dans ses villégiatures et ses voyages, cette favorite jeune et gracieuse, et par surcroît diplomate en marge. Charlotte traînait à sa suite une troupe d'adorateurs et les gouvernait si gentiment qu'elle n'en désespérait aucun, si elle ne les contentait pas tous. Marguerite, qui ne savait pas jouer à l'amour, lui en voulait de sa maîtrise sur elle-même, ce puissant moyen d'empire sur les hommes. Le roi de Navarre et le duc d'Alençon courtisaient, en compagnie de beaucoup d'autres, cette grande coquette, mais jusque-là sans fougue de passion, comme il est naturel, dit Marguerite, chez des personnes si jeunes. Le Gast, à qui elle prête l'art de la plus rouée des entremetteuses, cette Célestine, l'une des créations les plus originales du roman espagnol à ses débuts, aurait si bien endoctriné Mme de Sauves, qui, semble-t-il, n'avait pas besoin de leçons, qu'en peu de temps elle rendit l'amour de mon frère et du roy mon mari paravant lente et tiède... en une telle extrémité (oublians toute ambition, tout devoir et tout dessein), qu'ils n'avoient plus autre chose en l'esprit que la recherche de cette femme. Et en viennent à une si grande et véhémente jalousie l'un de l'autre qu'encor qu'elle fust recherchée de M. de Guise, du Guast, de Souvray et plusieurs aultres qui estoient tous plus aimez d'elle qu'eux, ils ne s'en soucioient pas ; et ne craignoient, ces deux beaux-frères, que la recherche de l'un et de l'aultre [6]. Cette habile manœuvrière de cœurs sut persuader au roi de Navarre que sa femme était jalouse d'elle et tenait pour cette cause le parti du duc d'Alençon. Jalouse de mon mari, s'exclame Marguerite, moi qui ne désirant que son contentement avais écouté avec la sympathie d'une sœur le progrès de cette phantaisie. Jalouse, mais c'était lui faire une injure, et, pis encore, c'était lui faire tort. L'amant dupé s'éloigna d'elle et la privant de la franchise et de la familiarité dont il avoit jusques alors usé, il en vint à cette mesfiance qui est le principe de la haine. Aussi, continue-t-elle, pour ôter tout fondement à ses injustes soupçons, elle usa de tous les moyens pour divertir le duc d'Alençon de l'affection de Mme de Sauves. De tous les moyens ! L'indulgence de l'épouse, ce rôle de confidente, et enfin son dévouement aux plaisirs de son mari, voilà qui ouvre un jour singulier sur sa conception de la vie conjugale. Mais si puissants étaient les charmes de cette Circé, aidés de l'esprit diabolique de Le Gast, que
le duc d'Alençon, d'ordinaire si docile aux conseils de sa sœur, alla, au
lieu d'en tirer profit, tout redire à l'enchanteresse. Elle s'en animoit contre moy, ajoute Marguerite, et servoit avec plus d'affection au dessein du Guast, et
pour s'en venger disposoit tousj ours davantage le Roy mon mary à me hayr et
s'estranger de moy ; de sorte qu'il ne me parloit presque plus. Il revenoit
de chez elle fort tard, se trouvait au lever
de la Reyne, où elle estoit subjecte d'aller, et après tout le jour il ne
bougeoit plus d'avec elle. Mon frère ne rapportoit moins de soin à la
rechercher, elle leur faisant accroire à tous deux qu'ils estoient uniquement
aimez d'elle. Ce qui n'advançoit moins leur jalousie et leur division que ma
ruine[7]. Le Gast eut tout le succès qu'il attendait. Le roi de Navarre, brouillé avec sa femme et le duc d'Alençon, s'unit au duc de Guise, et ces nouveaux amis se montrèrent ensemble si empressés auprès d'Henri III que la Reine-mère, écrit l'ambassadeur florentin, en conçut de l'ombrage[8]. La haine était si vive entre les deux rivaux d'amour, qu'ils furent sur le point d'en venir aux mains. Avec sa bravoure un peu fanfaronne, le Béarnais appelait de ses vœux le combat dans une lettre à son cousin, Jean d'Albret, baron de Miossens, son lieutenant-général en ses pays de Béarn et de Basse-Navarre. La Cour est la plus estrange que vous l'ayez jamais veue. Nous sommes presque toujours prestz à nous couper la gorge les uns aux aultres. Nous portons dagues, jaques de mailles et bien souvent la cuirassine soubz la cape. Le Roy est aussi bien menacé que moi ; il m'aime beaucoup plus que jamais. M. de Guise et M. du Maine ne bougent d'avec moy. Vous ne vistes jamais comme je suis fort. En ceste cour d'amis je brave tout le monde. Toute la ligue que sçavez me veult mal à mort pour l'amour de Monsieur et ont faict défendre pour la troisième fois à ma maistresse (Charlotte de Sauves) de parler à moy et la tiennent de si près qu'elle n'oseroit m'avoir reguardé. Je n'attends que l'heure de donner une petite bataille, car ils disent qu'ils me tueront et je veuls gagner les devans[9]. Quand Henri III et Le Gast se crurent assurés du roi de Navarre, ils se tournèrent contre le duc d'Alençon. Là encore ils trouvaient sur leur chemin Marguerite. L'aristocratie avait, par tradition féodale, l'habitude de s'entourer de gentilshommes, qui vivaient dans ses maisons, l'accompagnaient à la guerre et lui formaient en tout temps comme une escorte d'honneur. Pendant les troubles, sous un gouvernement faible et mal obéi, ,cette clientèle noble servait à garantir la sécurité et les moyens d'action de celui qui l'entretenait. Aussi les grands pour ajouter à leur prestige et à leur force, recrutaient-ils le plus possible de ces gardes du corps. Le duc d'Alençon, le roi de Navarre, les Guise, les Montmorency, avaient chacun leur bande. Celle du roi de Navarre était la moins nombreuse, à la mesure de sa situation présente et de ses chances d'avenir, qui semblaient petites. Le roi de France avait aussi sa troupe de fidèles, comme si la puissance de l'Etat ne suffisait pas à le défendre contre ses ennemis. Chef de parti il avait été du vivant de Charles IX, et chef de parti il resta. Catherine, dans les instructions qu'elle lui fit porter jusqu'à Turin, à son retour de Pologne, avait essayé sans succès de lui apprendre ses droits et ses devoirs. ...Vous n'estes plus Monsieur qui faille dire je gagneray ceste part affin d'estre le plus fort. Vous estes le Roy, et tous fault qu'ils vous fassent le plus fort, car tous fault qu'ils vous servent[10].... Entre tous ces gens d'épée, jeunes, hautains, pointilleux, qui entraient dans les passions de leurs maîtres et y ajoutaient les leurs, les querelles étaient fréquentes et se réglaient le plus souvent les armes à la main. La violence et le meurtre avaient tant d'attrait qu'on invitait ses amis à un combat comme à une fête, pour s'affronter deux contre deux, trois contre trois, quatre contre quatre. Les grandes darnes raffolaient de ces duellistes, et les partis se disputaient les plus adroits et les plus heureux à ce jeu de la mort. Le Roi s'était attaché l'un de ces brillants escrimeurs, Bussy d'Amboise, l'arrière petit-neveu du cardinal d'Amboise, dont il portait le nom, brave entre les plus braves, mais sanguinaire, l'un des massacreurs de la Saint-Barthélemy, et chatouilleux sur l'honneur et le point d'honneur, toujours prêt à dégainer pour un propos, pour un regard, pour le désaccord le plus futile. Et toutefois ce furieux aimait les livres et les doctes, et il était lui-même poète à ses heures, et même en une autre langue que la sienne. Un jour que d'Aubigné alla le voir, il le trouva, si l'on peut croire ce grand imaginatif, en train de corriger et de polir des vers grecs de sa composition. La vue de ce capitaine appliqué à des recherches délicates de style, en lui révélant qu'il n'y avait pas incompatibilité entre les armes et les lettres, l'aurait déterminé à rester fidèle aux muses, avec qui, par amour de la guerre, il se croyait tenu de divorcer. Or, Bussy passa subitement du service du Roi à celui du duc d'Alençon ; Estans à Paris (au retour du sacre, 3 mars), mon frère (le duc d'Alençon), raconte Marguerite, approcha de lui Bussy, en faisant autant d'estime que sa valeur le méritoit[11]. Elle explique l'intérêt du Duc à se l'attacher pour n'y avoir en ce siècle-là, de son sexe et de sa qualité, rien de semblable en valeur, réputation, grâce, et esprit. Mais elle ne dit pas comment il le détacha de la personne du Roi. N'y fut-elle pour rien ? Elle convient que depuis elle le vit souvent. Il estoit toujours auprès de mon frère, et par conséquent avec moy, mon frère et moy estans presque toujours ensemble. Rien de plus naturel, à l'en croire, que ces relations. Mais beaucoup de gens ne les trouvaient pas innocentes. Henri III, ou de lui-même ou poussé par Le Gast, alla dénoncer l'intrigue de sa sœur à la Reine-mère, tâchant de la mettre aux mêmes aigreurs qu'à Lyon. Catherine, qui commençait à s'inquiéter des divisions de la famille royale, s'éleva contre cette manie de diffamation. Bussy, dit-elle au Roi, voit ma fille devant vous, devant son mary, devant tous les gens de son mary en sa chambre, et devant tout le monde ; ce n'est pas à cachette ny à porte fermée[12]. Marguerite prête à sa mère ses moyens de défense. Son meilleur argument, ou qu'elle croit tel, puisqu'elle y insiste, c'est que sa vie était si publique que les serviteurs du roi de Navarre, témoins de tous ses pas, pouvaient se porter garants de sa vertu. Mais des amants bien épris ont, quelque nombreux que soient les obstacles, trouvé toujours l'occasion complice. Henri III, si mauvaises que fussent ses mœurs, n'était pas insensible, par préjugé d'homme et de roi, à une faiblesse qui entachait le bon renom des filles de France. Mais il en voulait surtout à Bussy de s'être débauché de lui pour s'engager au service d'un frère qu'il détestait. C'était une défection qu'il pensait avoir le droit de punir, et il le pouvait sans paraître, le coupable s'étant fait autant d'ennemis par ses bravades et ses provocations que d'amis par sa bravoure et sa générosité. Un jour à une représentation de comédiens, il fut sur le point d'en venir aux mains avec un galant de la Cour, Saint-Phal, au sujet d'une broderie de jayet, où celui-ci voyait des X et lui, contre toute évidence, des Y. Il fallut qu'une dame qui avait sur lui puissance grande c'est Marguerite que Brantôme veut dire, — commanda de se taire et de passer plus advant, craignant un scandale arriver si près d'elle qui luy importeroit de beaucoup. Mais le lendemain il était aller chercher querelle à ce contradicteur jusqu'en la chambre de sa maîtresse, et au sortir de là, après un combat en troupe, furieux d'avoir été blessé au doigt d'un coup de pistolet, il l'avait provoqué en combat singulier. Henri III défendit le duel. Bussy obéit de mauvaise grâce ; obligé de consentir à un accord, il se rendit au Louvre accompagné de plus de deux cens gentilshommes. Le Roi vit entrer cette escorte et il en porta jalousie, disant que c'estoit trop pour un Bussy. Il est possible que Le Gast ait voulu profiter de cette esclandre pour se défaire de Bussy sans qu'on pût savoir d'où venait le coup. Une nuit qu'il sortait du Louvre, raconte Brantôme, et rentrait en son logis, rue des Grenelles, il fut chargé et assailli à coups de pistolet par une douzaine de cavaliers montez tous sur des chevaux d'Espagne, qu'ils avoient pris en l'escurie d'un très grand (Henri III ou le roi de Navarre), qui leur tenait la main. Mais ni lui ni ses gens, par hasard, ne furent blessés, sauf un qui eut un coup de pistolet au bras. Dans la bagarre les flambeaux avaient été jetés à terre et éteints. Bussy voyant que ses gens s'escartoient, se coula pour échapper à la poursuite dans l'embrasure d'une porte, qui par bonheur se trouva ouverte. Il la referma derrière lui et, quand les agresseurs furent éloignés, il se retira chez M. Drou, capitaine des Suisses du duc d'Alençon. C'est là que le brave Crillon, son ami, alla le chercher et le ramena au logis[13]. Le lendemain quand il sut d'où estoit venu le jeu, il commença à braver, à menasser de fendre naseaux, et qu'il tueroit tout ; mais amprès, il fut adverti de bon lieu qu'il fust sage et fust muet et plus doux... et de bon lieu fut adverti de changer d'air et de s'absenter de la Cour pour quelques jours, ce qu'il fit avec un très grand regret. Toute la noblesse de Monsieur lui fit cortège jusqu'en dehors des portes de la ville. Bussv, en se séparant d'elle, chargea Brantôme, son cher cousin, de présenter ses humbles recommandations à une dame de laquelle il portoit deux faveurs sur lui ; l'une à son chapeau, l'autre à son col, car il portoit un bras en écharpe, et que les faveurs seroient bien cause qu'il en tueroit quelques-uns avant qu'il fust longtemps, et que l'affront qu'on luv avoit faict seroit vengé par plus de sang qu'on luy avoit voulu faire perdre. Le récit de Marguerite est bien différent. Le Gast organise le guet-apens à l'aide de soldats du régiment des gardes, dont il était capitaine, et avec le concours de quelques gentilshommes du roi de Navarre, jaloux de l'advancement et de la gloire de Bussy et musc d'un zèle inconsidéré au service de leur maistre. Au nombre de deux ou trois cents, ils l'assaillent une nuit au sortir du Louvre. Après une salve d'arquebusades et pistolades qui eust suffi non à attaquer une troupe de quinze à vingt hommes, mais à desfaire un régiment, ils poussent droit à Bussy reconnaissable à une écharpe colombine — un cadeau royal, comme elle le laisse entendre — où il portoit son bras droit blessé. Ses compagnons privés de son secours ne laissent pas de lui ouvrir par force d'armes un chemin jusqu'à son logis. Aussitôt à l'abri, son premier soin est d'avertir et de rassurer le Duc. Le Duc, sitôt que survint la nouvelle de l'attentat, se fust précipité à tous dangers pour courre à la vengeance, en pleine nuit, si sa sœur et sa mère ne l'avaient retenu de force au Louvre, dont Catherine, pour plus de sûreté ordonna de fermer les Portes. Le lendemain, au jour, Bussv retourne sans crainte au Louvre avec la façon aussi brave et aussi joyeuse que si cet attentat luy eust esté un tournoi pour plaisir. S'il quitte Paris et la Cour, c'est par grandeur de dévouement, pour permettre à Catherine de rapprocher deux fils ennemis. Quelle puissance d'illusion et d'admiration ! Marguerite fait de son frère, cet être égoïste et pusillanime, un maitre passionné de colère contre les assassins de son serviteur et capable pour le venger de se jeter aux filets de Le Gast, sans l'intervention de sa mère. Elle veut que Bussy, garanti miraculeusement par Dieu de la mort, ne se soit pas troublé pour ce hasard, son âme n'estant susceptible de la peur, estant nay pour estre la terreur de ses ennemis, la gloire de son maistre et l'espérance de ses amis. Elle ignore ou feint d'ignorer que le héros s'est tapi dans un couloir derrière une porte fermée et qu'il n'en est sorti qu'après la retraite des assaillants. Il n'était pas blessé au bras, bien à propos pour les agresseurs, comme elle dit méprisante, mais simplement au doigt. Il n'eut pas affaire à trois cents hommes, mais seulement à une douzaine de cavaliers montés et bien armés, dont l'escoupetterie, sans tuer personne d'ailleurs, effraya ses gens. Il apparaît en toute cette aventure, comme en quelques autres, et on ne saurait l'en blâmer, aussi prudent que brave. Mais Marguerite ne voit ou ne signale que la bravoure. Elle dissimule son amour bien que ce travestissement des faits en soit l'aveu involontaire. Elle l'aimait pour sa culture, son courage invincible, son mépris de la vie des autres, comme de la sienne, fière de commander à qui ne cédait à personne. Et lui l'adorait comme femme et comme reine, sujet respectueux et soumis, mais qui, en guise d'hommage, aurait voulu lui offrir en sacrifice tous leurs ennemis. Des stances en vers français, celles-là, où succèdent aux images alambiquées et aux sentiments précieux les cris de colère et de haine, peignent au vif ce gladiateur de lettres, qui maniait aussi dextrement les pointes que l'épée. Ce sont mots inventez du Jour et de la Nuict De dire qu'il est jour quand le soleil nous luist, Et que la nuict survient quand la terre s'oppose. Il n'y a d'autre nuict, d'autre jour, d'autres cieux, Que voir ou ne voir point le ciel de vos beaux yeux. Vous, le ciel, le soleil, estes la mesme chose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Et voici contre les traistres conjurez à la ruine de leurs amours : Lors d'un brave désir je veux pour me vanger ; Sortir, bleczer, tuer, me jeter au danger, Vous raporter la main de leur sang toute teincte, Mais la peur d'offenser, au fort de mon desseing, L'honneur que je vous doibs me saisit par la main. Jamais un grand amour ne marche sans la craincte[14]. A l'époque où Marguerite écrivit ses Mémoires (en 1599 ou 1600), elle ne voulait pas se souvenir, y ayant intérêt, que son mari avait été le confident ou le complice de l'attentat contre Bussy. La gloire de l'amant de sa femme, dont son honneur faisait les frais, touchait aussi, dans les idées du temps, à celui de son entourage. Aussi Lavardin, son grand favori, avait-il mené l'attaque[15]. Mais c'est chez elle un parti pris d'imputer à Le Gast et à Henri III et à ces morts seuls toutes les violences et les humiliations dont elle se dit victime. Entre toutes les filles nobles attachées à sa personne, il y en avait une, Thorigny (Gilonne de Goyon), qui lui était très chère. Pour la blesser en ses sentiments, le Roi son frère, dit-elle, invita son mari à la renvoyer, sans en amener d'autre raison, sinon qu'il ne falloit point laisser à de jeunes princesses des filles en qui elles eussent une particulière amitié. Le roi de Navarre se défendit quelque temps de donner ce cruel déplaisir à sa femme, mais Henri III lui signifia un jour qu'il ne l'aimeroit jamais, si dans le lendemain il n'avait ôté Thorigny à la Reine, et il fut à son grand regret contraint de céder. Marguerite en pleura de colère et ressentit tellement cette humiliation qu'elle cessa de rechercher son mari. Mais peut-on la croire ici encore sur parole ? Est-il vraisemblable qu'elle en ait voulu au roi de Navarre jusqu'à rompre avec lui, s'il n'était coupable que de faiblesse et de déférence aux volontés du roi de France ? L'ambassadeur florentin, Alamanni, dans une dépêche de juin ou juillet 1575, rapporte au grand duc de Toscane que la reine de Navarre est outrée contre le Roi (de France), qui a laissé chasser d'auprès d'elle par son mari la plus chère de ses dames appelée Perigny (lisez Thorigny), laquelle, croit-on, tenait la main à l'amitié que Bussy avait avec sa maîtresse[16]. Ainsi ce serait le roi de Navarre, qui, de lui-même, avec l'agrément d'Henri III, se serait débarrassé d'une suivante trop dévouée aux amours de sa femme. Il ne s'était pas montré jusque-là si susceptible, mais les suggestions de Mme de Sauves avaient porté. Il croyait que la Reine lui enviait ses plaisirs et rendait jalousie pour jalousie. Il est assez difficile de préciser le rôle de la Reine dans les événements qui suivirent. Son mari et son frère avaient fini par se convaincre ou furent convaincus par des amis communs qu'ils étaient aussi défavorisés l'un que l'autre. Le Gast seul gouvernoit le monde ; il fallait qu'ils mendiassent de lui ce qu'ils vouloient obtenir auprès du Roy. Si quelqu'un se rendoit leur serviteur, il estoit aussitost attaqué de mille querelles que l'on luy suscitoit. Aussi résolurent-ils voyant que leur division estoit leur ruine de se réunir et se retirer de la Cour, pour, ayant ensemble leurs serviteurs et amis, demander au Roy une condition et un traitement digne de leur qualité[17]. Avant de partir, le Duc voulut raccommoder le ménage de Navarre. Il engagea Marguerite à oublier tout ce qui s'estoit passé ; le Roi son mari, lui dit-il, en avoit un extresme regret, et se résolvait de l'aimer et de lui donner plus de contentement, la priant aussi, de son costé, de l'aimer et de l'assister en ses affaires en son absence. C'était une réconciliation par intermédiaire, où l'on n'est pas bien sûr que l'artisan de liaison n'ait pas interprété les paroles selon ses convenances et ses désirs. Probablement aussi était-il le seul, quoi qu'il parlât pour deux, à regretter de laisser Marguerite à la Cour, mais il se disait sûr qu'on n'oserait faire déplaisir à sa sœur, quand on les saurait loin. Le soir du 15 septembre, un peu avant le souper du Roi son frère, le Duc sortit du Louvre, un manteau d'emprunt autour du nez, sans être reconnu, et passa la porte Saint-Honoré dans le carrosse d'une grande dame — probablement la duchesse de Retz. — Il trouva à un quart de lieue des chevaux qui l'attendaient et fut bientôt rejoint par deux ou trois cents de ses serviteurs ; il était libre[18]. Au Louvre, dans la soirée, sur les neuf heures, quand on eut constaté sa disparition, l'alarme fut chaude. Le Roy se met en colère, se courrouce, menace, envoye quérir tous les princes et seigneurs de la Cour, leur commande de monter à cheval et le luy ramener vif ou mort, disant qu'il s'en va troubler son estat pour luy faire la guerre.... Mais il s'aperçut qu'il ne suffit pas d'être roi pour être obéi. En un an de règne, il s'était aliéné une grande partie de la noblesse par ses attachements exclusifs, la faveur de quelques petits compagnons et la défaveur des grands qui n'étaient pas en disgrâce ou en prison. Aussi plusieurs des princes et seigneurs refusèrent de poursuivre son frère sous prétexte que le Roy leur en sçauroit un jour mauvais gré ; ceux qui acceptèrent attendirent le lever du jour pour se mettre en route, en retard de toute une nuit. Des milliers de gentilshommes se déclarèrent pour le fugitif dans tout le royaume et se préparèrent à le rejoindre. L'armée de secours que le prince de Condé avait levée en Allemagne se disposait à entrer en France. Henri III, qui n'avait pas le temps de faire venir des Suisses, allait se trouver pris entre les auxiliaires étrangers et les forces des malcontents. Catherine courut à la recherche du duc d'Alençon pour le désarmer par des concessions, avant que Condé franchît la frontière. Elle avait une si haute et si juste idée de l'influence de Marguerite sur son jeune fils qu'en chemin elle écrivait à Henri III (23 sept. 1575) : Je ayscripts (écris) à vostre seur afin d'adusir (adoucir) le marché[19]. Le Duc exigea tout d'abord la mise en liberté des maréchaux prisonniers ; il fallut céder (2 oct.). Alors commencèrent entre la mère et le rebelle des négociations qui, traînées en longueur par les scrupules, la haine et l'orgueil du Roi, aboutirent à un armistice de sept mois signé à Champigny (21 nov. 1575). Le duc d'Alençon recevait pour sa sûreté Angoulême, Niort, Saumur, Bourges et La Charité ; Condé aurait Mézières ; le libre exercice du culte était accordé aux protestants dans toutes les places qu'ils occupaient et dans deux autres villes par gouvernement ; les reîtres toucheraient 500 000 livres comme indemnité de rapatriement. Marguerite eut elle aussi sa revanche. Les amis que son frère avait laissés à Paris guettaient l'occasion de se défaire de l'homme le plus enclin à donner à Henri III des conseils d'énergie. Marguerite, qui ne dissimulait pas sa haine contre lui, passait pour avoir préparé avec la duchesse de Nevers, une autre diffamée, ce qu'elle appelle un jugement de Dieu. L'exécution était si difficile qu'elle supposait, au dire de Brantôme, résolution ou miracle de Mars ou fortune. Aussi l'opinion en croyait-elle seul capable un client du duc d'Alençon, le baron de Vitteaux, brave duelliste et féroce assassin, qui avait, en combat loyal ou de guet-apens, dépêché nombre d'adversaires. Mais Vitteaux se défendit toujours de ce meurtre glorieux[20]. Le Gast, qui se savait menacé, retenait toujours à la porte de sa maison, le service du Roi assuré, quelques soldats du régiment des gardes. Mais, pour se soigner plus à l'aise d'un mal que sa grande ennemie imagine honteux, il s'était retiré dans un autre logis qui n'était connu que d'un seul de ses serviteurs. Cet homme le trahit. Les assassins surgirent dans la chambre. Le malade sauta du lit et saisit pour se défendre un pieu qu'il avait toujours à portée de la main, mais, gêné par le défaut d'espace et la longueur de l'arme, il fut mortellement blessé. Marguerite, instigatrice ou non du crime, en eut une joie féroce et poursuivit jusque dans la mort cet ennemi tué si justement pendant qu'il suoit une diette, comme aussy c'estoit un corps gasté de toutes sortes de villanies, qui fust donné à la pourriture qui dès longtemps le possédoit et son ame aux daemons à qui il avoit faict hommage par magie et toutes sortes de meschancetez. Le détestant ainsi qu'on en peut juger, et l'estimant coupable de tous ses malheurs, il est probable qu'elle a trouvé légitime de le faire assassiner. Ce n'est pas à la date du 31 octobre 1575 que Marguerite parle
de la disparition de ce fusil de hayne et de
division, mais longtemps après, comme pour le rendre responsable de
tous les événements qui suivirent. Les mensonges et les imprécisions de la
chronologie sont une des habiletés de ses Mémoires. Elle intervertit à cette
fin l'ordre des faits, ou bien elle réduit à quelques jours l'histoire de
plusieurs mois. En voici entre beaucoup d'autres un exemple. Elle passa,
dit-elle, toute la nuit du départ du duc d'Alençon à pleurer, probablement
pour se dispenser d'explications embarrassantes, et ses pleurs lui esmeurent le lendemain un
si grand rheume sur la moitié du visage qu'elle fut avec une grosse fièvre arrestée dans le lict pour quelques
jours, fort malade et avec beaucoup de douleurs. Pendant cette maladie
de quelques jours le roi de Navarre, ou qu'il fust occupé à disposer de son partement, ou
qu'ayant à laisser bientost la Cour, il voulust donner ce peu de temps qu'il
avoit à y passer à la seule volupté de jouir de la présence de sa maîtresse,
ne trouva pas le loisir de venir la voir en sa chambre. Il rentrait tard, il
se levait tôt, et uniquement occupé de Mme de Sauve, il
ne se souvenoit point de parler à moy, comme il avoit promis à mon frère, et
partit de cette façon sans me dire à Dieu. Il semble à la lire, et même elle dit formellement que la fuite du roi de Navarre a suivi de quelques jours celle du duc d'Alençon. Ainsi ce départ sans adieu, après des nuits sans conversation, ne témoignerait pas d'un manque d'amour pour la femme légitime, mais d'une passion plus vive et absorbante pour la maîtresse. Mais cette explication ne concorde pas avec les dates. Le rhume de Marguerite n'a duré que quelques jours, tandis que la brouille du ménage s'éternisa. La fuite du duc d'Alençon est du 15 septembre 1575 ; celle du roi de Navarre, du 5 février 1576. Pendant cinq mois qui s'ajoutaient à d'autres mois, le mari affecta d'ignorer sa femme et de ne se souvenir plus des protestations d'amitié que son beau-frère lui avait portées en son nom. Etait-ce pour lui bien marquer ses véritables sentiments ? D'Aubigné raconte que le roi de Navarre, dépité de tous les déboires qu'il recevait à la Cour et des galanteries de la Reine sa femme résolut de s'en retirer et de mettre la Loire entre elle et lui. Turenne parle aussi du mauvais mesnage qu'ils avoient... estant en la Cour, et des divers soupçons qu'elle lui avoit donnés de ses deportemens. Il se ressentait de sa situation de mari trompé ou feignait subitement de s'en ressentir. Cette sorte de rupture ouverte avec la sœur chérie du duc d'Alençon, et son ardeur empressée à voir tous les jours et plusieurs fois par jour Mme de Sauves, c'était le meilleur moyen de persuader à Henri III qu'il ne quitterait pas sa mignonne pour rejoindre un prince avec qui on ne le savait pas réconcilié. La surveillance devint très lâche et il en profita. Sorti de Paris sous prétexte de courre un cerf dans la forêt de Senlis, il se déroba de la compagnie des chasseurs le soir du 5 février 1576 et chevaucha tout d'une traite jusqu'à Vendôme. Non sans quelque hésitation, il retourna au prêche et se refit huguenot. On a dit que Catherine l'avait laissé fuir pour donner un chef de plus aux rebelles et augmenter d'autant les causes de zizanie. Mais elle fut trompée en ce calcul si tant est qu'elle l'ait fait. Le roi de Navarre se retira dans son royaume, dont il était absent depuis quatre ans, afin d'y pourvoir à ses affaires. A vingt-deux ans il s'annonçait déjà prudent et avisé. Chef naturel du parti protestant, en sa qualité de premier prince du sang de la religion, il ne montra point de haine contre l'Eglise qu'il venait à nouveau de quitter. Il eut des catholiques à sa Cour, dans ses conseils, dans ses armées. Il se tint dans le Midi, loin du théâtre principal des opérations militaires, évitant par là toute attaque directe contre le Roi, et laissant à Condé et au duc d'Alençon la gloire dangereuse de le braver en face. La guerre civile s'allumait partout. Le prince de Condé, au mépris des engagements de Champigny, passa la Meuse le 9 février, et traversa la Bourgogne, pillant et ravageant tout. Le duc d'Alençon, même s'il l'eût voulu, n'aurait pu arrêter sa marche. Pour ressaisir la direction du mouvement, qui risquait de lui échapper, et d'ailleurs inquiet des dispositions de la Cour, il dénonça l'armistice, sous prétexte d'une tentative d'empoisonnement, et reprit la campagne avec ses troupes. Les coalisés s'installèrent dans la plantureuse Limagne, d'où ils pouvaient tendre la main à Damville, le maître de Languedoc, et à Lesdiguières, qui commandait aux huguenots du Dauphiné. Henri III, était pris encore une fois au dépourvu. Il accusa sa sœur de la fuite du roi de Navarre et, dit-elle, jettant feu contre moy, s'il n'eust été retenu de la Royne ma mère, sa colere, je croys, luy eust fait exécuter contre ma vie quelque cruauté. Tout au moins résolut-il de lui bailler des gardes et de la confiner dans sa chambre, sans communication avec personne, pour l'empêcher de suivre son mari ou de l'avertir, de ce qui se passoit à la Cour[21]. Il trouva encore le moyen de lui faire le plus cruel desplaisir, dit-elle, qui se pouvoit imaginer. A l'instigation de Le Gast — de Le Gast assassiné trois mois et demi auparavant, mais qui, mort, restait vivant et agissant dans le souvenir implacable de Marguerite — il envoya des gens s'emparer de Thorigny dans la maison de Chastellas, son cousin, où elle s'était retirée, et, sous ombre de la prendre pour la lui amener, la noyer en une rivière qui estoit près de là — du moins c'est Marguerite qui le dit. La troupe pénétra chez Chastellas, saisit Thorigny, la lia et l'enferma dans une chambre et, en attendant que les chevaux fussent repus, fit bombance aux dépens de l'hôte involontaire. Après s'être gorgés jusques au crever de tout ce qui estoit de meilleur, ces scélérats voulaient mettre la jeune fille sur un cheval pour la conduire à la mort, lorsque par la providence de Dieu, qui a, dit Marguerite, toujours regardé mon affliction, survinrent deux gentilshommes du duc d'Alençon bien accompagnés. Avertis du pillage et de l'arrestation, ils se précipitèrent l'épée la main : Arrestez-vous bourreaux ! si vous lui faites mal vous estes morts ! La bande fuit, Thorigny est sauvée[22]. Au ton dramatique de ce récit — eh qu'importe que tout en soit vrai ? — comment douter de la passion de Marguerite pour l'amant, puisqu'elle en éprouve tant pour la fidèle servante de ses amours. Elle-même était prisonnière au Louvre, où elle demeura quelques mois, abandonnée de tous, même de ses plus privez amys[23]. A la Cour, remarque-t-elle, l'adversité est tousjours seule, comme la prospérité est accompagnée ; et la persécution est la coupelle (la pierre de touche) des vrais et entiers amys. Seul le brave Crillon mesprisant toutes deffénses et toutes desfaveurs alla la voir cinq ou six fois en sa chambre estonnant tellement de crainte les Cerbères qui gardaient sa porte qu'ils n'osèrent jamais le dire ny luy refuser le passage. Pendant cette réclusion, elle lut et prit goût à la lecture, ce bon remède dont elle est obligée à la fortune ou plustost à la Providence divine pour le soulagement des ennuys qui lui estoient préparez à l'avenir. Je receus ces deus biens de la tristesse et de la solitude à ma première captivité, de me plaire à l'estude et m'addonner à la dévotion, biens que je n'eusse jamais goustés entre les vanitez et les magnificences de ma prospère fortune[24]. Elle n'était pas occupée que de Dieu et des livres. Son mari lui écrivit une très honneste lettre où il s'excusait d'être parti sans lui dire adieu, la priait d'oublier ce qui s'était passé entre eux et de croire qu'il la voulait aimer et le lui faire paraître plus qu'il n'avait jamais fait. Les protestations ne coûtaient rien à cet habile homme pour se procurer un concours, et il avait l'art des appels qui vont au cœur. Ce n'est ni par repentir ni par regain d'affection qu'aussitôt éloigné de Mme de Sauves, il est revenu à sa femme, comme celle-ci voudrait le faire croire, mais par raison et par calcul. Dans le sud-ouest, où il se confinait volontairement, il importait de savoir les nouvelles d'au delà. Marguerite pouvait être à l'occasion un bon informateur des dispositions de la Cour et de celles du duc d'Alençon. Il lui demandait donc de le tenir adverty de l'estat des affaires là où elle se trouvait, de son état à elle et de celui de son frère. C'était un ordre au bout d'une déclaration d'amour. Elle s'empressa d'obéir et (bien que les gardes eussent charge de ne la laisser écrire), elle ne manqua pas depuis aidée de la nécessité, mère de l'invention, de lui faire souvent tenir de ses lettres. Même prisonnière, elle reprenait son office d'agent de liaison. Il fallut bientôt la relâcher. Catherine s'efforçait d'apaiser la sœur et le frère. A Marguerite qui avait d'autres passions que le roi de Navarre, elle expliqua sans rire son emprisonnement comme une juste précaution contre le désir si naturel chez une femme de rejoindre son mari. Elle remontrait au Roi doucement que le cas échéant — c'est toujours Marguerite qui parle — peut estre on auroyt besoin de se servir de moy ; que comme la prudence conseilloit de vivre avec ses amys comme debvans un jour estre ses ennemys, pour ne leur confier rien de trop, qu'aussy l'amitié venant à se rompre et pouvant nuire, elle ordonnoit d'user de ses ennemys comme pouvant estre un jour amys. La Reine-mère pressait Henri III de s'entendre avec son frère. Depuis la campagne du midi contre Damville, elle le savait incapable de conduire ou même d'organiser la guerre. Elle lui recommandait la paix comme une nécessité, dont il fallait prévenir les échéances toujours plus coûteuses. A contrecœur, le Roi attaqué, dit Marguerite, en Gascogne, Dauphiné, Languedoc, Poitou et du roy mon mary et des huguenots qui tenoient plusieurs belles places, et de mon frère en Champaigne, qui avoit une grosse armée composée de la plus brave et gaillarde noblesse qui fust en France, prêta l'oreille aux remontrances de sa mère et la chargea de faire la paix. Mais il ne lui permit pas d'emmener Marguerite, dont il pensait se servir comme d'un grand otage, bien qu'elle lui représentât l'action de la reine de Navarre sur son frère. Comme elle l'avait prévu, le Duc, quand il la vit, refusa d'écouter aucune ouverture tant que le tort fait à sa sœur ne fust réparé et qu'il ne la vist satisfaicte et en liberté. Elle revint donc à la Cour et le Roi céda. Mais il n'est pas sûr que Catherine ait fait deux voyages au camp des coalisés. Marguerite brouille, peut-être sans parti pris, par défaut de mémoire, la trêve de Champigny conclue depuis cinq mois et le traité que sa mère avait mission de conclure. Cette confusion tourne à sa gloire ; sans elle, Catherine, rebutée une première fois, n'aurait pu même entrer en pourparlers. Elle fait étalage de beaux et nobles sentiments. A sa mère qui la supplie d'oublier ses injures, elle répond qu'elle ne préférera jamais son bien particulier au bien de ses frères et de cet Etat, pour le repos et contentement duquel elle se voudrait sacrifier ; qu'elle ne souhaite rien tant qu'une bonne paix et qu'elle y voudrait servir de tout son pouvoir[25]. Elle aurait dû y penser plus tôt. Ses protestations ne sont qu'à moitié sincères. Elle gardait rancune à Henri III, qui, avec une infinité de belles paroles tâchait à la rendre satisfaite et la conviait à son amitié. Si elle ne lui laissait voir ni en façons ni en paroles aucun ressentiment, c'était, elle l'avoue, plus pour le mespris de l'offense que pour sa satisfaction, et sans amour pour lui. Elle partit avec Catherine pour la Champagne, et les négociations se poursuivirent dans la gentilhommière d'Etigny, à une lieue près de Sens. Le Duc y vint accompagné d'une partie de ses troupes et des principaux seigneurs et princes catholiques et protestants de son armée, parmi lesquels Jean Casimir. Ce fils de l'Electeur palatin, calviniste ardent et champion de la Réforme, mais à prix débattu, un vrai condottière, avait levé en Allemagne et amené en France six Mille reîtres par le moyen de ceux de la religion qui s'estoient joints avec mon frère, dit Marguerite, à cause du roy mon mary. Elle ne nomme ni Condé, ce huguenot sectaire, ni Montmorency-Méru, qui avaient signé la capitulation avec Jean Casimir (27 sept. 1575)[26]. Est-ce pour laisser au premier plan le roi de Navarre ? Est-ce pour ne pas avouer que ces alliés de son frère consentirent à ce prince allemand la cession du gouvernement de Metz, Toul et Verdun, à titre, il est vrai, de lieutenant-général du roi de France et à condition d'y entretenir une garnison française réformée. Mais que valaient ces réserves ? La révolte du duc d'Alençon aventurait les conquêtes d'Henri II et rouvrait à des capitaines étrangers les portes du royaume. Ce fut le seul point sur lequel Catherine ne céda pas. Par la paix d'Etigny (6 mai 1576), le duc d'Alençon reçut en apanage la Touraine, le Berry et l'Anjou, avec le titre ducal attaché à cette dernière province, et un revenu de 200.000 écus. Les huguenots, ses alliés ou plutôt ses maîtres, obtinrent la liberté de conscience et de culte dans tout le royaume, la réhabilitation des victimes de la Saint-Barthélemy et huit places de sûreté. Les envahisseurs étrangers eurent promesse de 3.388.549 florins. Henri III signa les larmes aux yeux ces clauses humiliantes. Au moins Catherine lui en avait-elle épargné une, en persuadant à Marguerite de ne pas intervenir, comme partie contractante au traité, pour y faire régler sa dot au même titre que l'apanage du duc d'Alençon. C'était laisser la voie ouverte à une réconciliation du frère et de la sœur. Mais cette marque de déférence pouvait-elle contrebalancer les anciens et éternels griefs ? Un homme était entre elle et le roi de France, dont l'action s'ajoutait à toutes les raisons du passé pour entretenir la haine. Henri III s'irritait d'une liaison qui lui paraissait plus que dangereuse, criminelle. Il lui faisait des avances, s'offrait à des réparations, allait même jusqu'à s'excuser de son ingratitude, mais le prix qu'il mettait à une sincère amitié était, comme il est naturel, toujours le même, la rupture avec ce frère ennemi. Elle s'y refusa toujours, quelques avantages dont il la tentât ou de quelques dangers qu'il la menaçât, avec une constance qui mériterait l'admiration, si la sécurité du royaume n'avait pas été l'enjeu de cette querelle. Leurs réconciliations ne furent que des trêves plus ou moins longues, toujours compromises par de nouveaux soupçons. Le duc d'Alençon fut à un autre titre qu'Henri III, mais à un plus haut degré le mauvais génie de Marguerite. |
[1] Guessard, pp. 41-44.
[2] Brantôme prend l'equus Seianus ou cheval de Seius pour le cheval
de Séjan, t. IX, p. 188. Aulu-Gelle, Nuits attiques, l. II, chap. IX.
[3] Brantôme, IX, p. 188 et la
note.
[4] Guessard, pp. 47-50.
[5] Guessard, pp. 49-50.
[6] Guessard, p. 52.
[7] Guessard, p. 53.
[8] Desjardins, IV, p. 36 (mars
1575).
[9] Lettres missives, t. I,
p. 81. Cette lettre que l'éditeur date de fin janvier 1576 est évidemment
antérieure à la fuite du duc d'Alençon, qui est de septembre 1575. Car lui
parti, comment imaginer que tant de gens à la Cour pussent s'intéresser aux
affaires de cœur de l'absent.
[10] Lettres, IV, p. 311.
[11] Guessard, p. 54.
[12] Guessard, p. 55.
[13] Brantôme, t. VI, p. 191.
[14] Joubert, pp. 207-209.
[15] Joubert, p. 34.
[16] Desjardins, IV, p. 38.
[17] Guessard, p. 63.
[18] Guessard, p. 64.
[19] Lettres de Catherine, X, p. 385.
[20] Brantôme, V, p. 334.
[21] Guessard, p. 67.
[22] Guessard, p. 68-71.
[23] Guessard, pp. 71-72.
[24] Guessard, p. 76.
[25] Guessard, p. 75.
[26] Decrue, Le Parti des politiques, pp. 284-285.