JULES CÉSAR EN GAULE

 

DEUXIÈME ÉPOQUE (SUITE).

CHAPITRE SIXIÈME. — BLOCUS D'ALÉSIA. - CATASTROPHE. - DÉVOUEMENT SUBLIME DE VERCINGÉTORIX. - INDICES D'UNE TRAHISON DE QUELQUES PRINCES GAULOIS EN FAVEUR DES ROMAINS.

 

 

§ VII. — Dévouement sublime de Vercingétorix et fin de la lutte contre César. (Liv. VII, ch. LXXXIX et XC.)

 

Le lendemain Vercingétorix, après avoir convoqué le Conseil, expose qu'il a entrepris cette guerre, non en vue de quelque intérêt particulier pour lui-même, mais pour la liberté commune de la Gaule ; et que, puisqu'il faut céder à la fortune, il s'offre à eux pour l'une ou l'autre de ces deux alternatives, à leur volonté, soit qu'ils veuillent par sa mort donner satisfaction aux Romains, soit qu'ils veuillent le livrer vif. On envoie une députation consulter César sur ces diverses propositions. Il ordonne qu'on livre les armes, qu'on fasse comparaître devant lui les chefs. Lui-même prend place sur ses lignes de blocus devant son propre camp. Là on fait avancer les chefs. Vercingétorix est livré, les armes sont jetées bas. César, après s'être réservé les Éduens et les Arvernes, dans la pensée que peut-être par leur entremise il pourrait se rétablir dans de bous rapports avec les cités, distribue le reste des captifs à toute son armée, dans le rapport de un par soldat, à titre de butin de guerre. Quel descendant des anciens Gaulois pourrait, sans se sentir profondément ému, arrêter un moment son attention sur cette grande page de notre histoire nationale, sur cette page admirable de nos propres annales qui nous est transmise à nous-mêmes, avec une complète certitude et une authenticité incontestable, par cet homme qui fut jadis le farouche dévastateur de notre patrie, et l’implacable meurtrier de nos ancêtres ? Quel génie politique dans ce grand Gaulois, à qui nous devons d'avoir réuni en un corps de nation nos cités précédemment isolées sur leur territoire primitif ! Quel exemple sublime de fermeté et de dévouement il a voulu donner aux siens, qui avaient souffert et combattu avec lui pour la liberté de cette patrie gauloise qui venait de naître ! Quel courage surhumain dans cette grande âme de Vercingétorix, pour avoir, avec tant de calme et de simplicité, offert à ses Gaulois d'être personnellement livré vif à César !

Sans doute pour expier lui-même ce que le proconsul de Rome, si habile dans l’art de l’hypocrisie, comme l’a dit Appien, appelait perfidie gauloise et crime envers la république romaine.

Ainsi, résumons le fait en deux mots : quelle prodigieuse fermeté dans l'&me, et quel sublime dévouement aux siens dans le cœur de cet homme incomparable qui fut à la fois, on peut le dire sans crainte et avec un légitime orgueil national, le premier défenseur, le premier roi, le premier martyr et la grande victime de notre unité nationale !

Ces choses terminées, César part pour le pays des Éduens. Il reçoit la soumission de la cité. Là, une députation envoyée par les Arvernes, vient promettre de faire ce qu'il ordonnera. Il ordonne qu'on lui livre un grand nombre d'otages. Il envoie les légions dans leurs quartiers d’hiver. Il rend environ 30,000 prisonniers aux Éduens et aux Arvernes. Il fait partir T. Labienus avec deux légions et la cavalerie, pour le pays des Séquanes, et il attache à son commandement M. Sempronius Rutilus. Il envoie chez les Rhèmes le lieutenant Caius Fabius et Lucius Minucius Basilus, pour veiller à ce qu'ils n'éprouvent aucun dommage de la part des Bellovaques qui sont leurs limitrophes. Il envoie Gaius Antustius Reginus chez les Ambivarëtes, Titus Sextius chez les Bituriges, Caius Caninius Rebilus chez les Ruthènes, chacun avec une légion. Il assigne à Quintus Tullius Cicéron (frère de l'orateur) et à Publius Sulpicius la résidence de Chalon et de Mâcon, chez les Éduens, sur les bords de la Saône, pour veiller à l'approvisionnement des blés. Lui-même prend la résolution de passer l'hiver à Bibracte (Autun).

Ces choses ayant été annoncées à Rome par des lettres de César, le Sénat y fait rendre des actions de grâce, aux Dieux durant vingt jours.