§ XVIII. — Les armées ennemies s'approchent l'une de
l'autre. Bataille du Tésin. Bataille de Cependant Annibal et Publius s'approchaient l'un de l'autre, et tous deux animaient leurs troupes par les plus puissants motifs que la conjoncture présente leur offrait. Enfin, voilà Annibal et Publius qui s'approchent pour combattre. C'est de Turin sans doute qu'Annibal s'est mis en marche, car, depuis que l'auteur a parlé de la prise de cette ville, il n'a point dit qu'Annibal l'eût quittée. Quant à Publius, rien encore ne nous indique de quel endroit de ces immenses plaines du Pô il arrive ainsi vers Annibal. Et nous ne savons pas mieux où et à quelle distance réciproque Annibal et lui s'y trouvent actuellement et animent leurs troupes, chacun de la manière qu'il juge la meilleure pour les disposer à combattre vaillamment. Voici la manière dont Annibal s'y
prit. Il assembla son armée, et fit amener devant elle tout ce qu’il avait
fait de jeunes prisonniers sur les peuples qui l’avaient incommode dans le
passage des Alpes. Pour les rendre propres au dessein qu'il s'était
proposé, il les avait chargés de chaînes, leur avait fait souffrir la faim,
avait donné ordre qu'on les meurtrît de coups. Dans cet état, il leur
présenta les armes que les Gaulois prennent lorsqu'ils se disposent à un
combat singulier. Il fit mettre aussi devant eux des chevaux et des saies
très-riches, et ensuite il leur demanda qui d'entre eux voulaient se battre
l'un contre l'autre à ces conditions, que le vainqueur emporterait pour prix
de sa victoire les dépouilles qu'ils voyaient, et que le vaincu serait
délivré par la mort des maux qu'il avait à souffrir. Tous ayant élevé la voix
et demandé à combattre, il ordonna qu'on tirât au sort, et que ceux sur qui
le sort tomberait entrassent en lice. A cet ordre, les jeunes prisonniers
lèvent les mains au ciel, et conjurent les Dieux de les mettre au nombre des
combattants. Quand le sort se fut déclaré, autant ceux qui devaient se battre
eurent de joie, autant les autres furent consternés. Après le combat, ceux
des prisonniers qui n'en avaient été que spectateurs félicitaient tout autant
le vaincu que le vainqueur, parce qu'au moins la mort avait mis fin aux
peines qu'ils étaient contraints de souffrir. Ce spectacle fit aussi la même
impression sur les Carthaginois, qui, comparant l'état du mort avec les maux
de ceux qui restaient, portaient compassion à ceux-ci et croyaient l'autre
fort heureux. Annibal, ayant par cet exemple
mis son armée dans la disposition où il la souhaitait, s'avança au milieu de
l'assemblée, et dit qu'il leur avait donné ce spectacle, afin qu'ayant vu
dans ces infortunés prisonniers l’état où ils étaient eux-mêmes réduits,
ils jugeassent mieux de ce qu'ils avaient à faire dans les conjonctures
présentes ; que la fortune leur proposait à peu près un même combat à
soutenir, et les mêmes prix à remporter ; qu'il fallait ou vaincre, ou
mourir, ou vivre misérablement sous le joug des Romains : que,
victorieux, ils emporteraient pour prix, non des chevaux et des saies, mais
toutes les richesses de la république romaine, c'est-à-dire tout ce qui était
le plus capable de les rendre les plus heureux des hommes ; qu'en mourant au
lit d'honneur, le pis qui leur pouvait arriver serait de passer, sans avoir
rien souffert, de la vie à la mort, en combattant pour la plus belle de
toutes les conquêtes ; mais que, si l'amour de la vie leur faisait montrer le
dos à l'ennemi, ou commettre quelque autre lâcheté, il n'y avait pas de maux
et de peines auxquels ils ne dussent s'attendre ; qu'il n'était personne parmi eux, qui, se rappelant le
chemin qu'il avait fait depuis Carthage Le spectacle et la harangue firent tout l'effet qu'Annibal avait en vue. On vit le courage renaître dans le cœur du soldat. Le général, après avoir loué ses troupes de leurs bonnes dispositions, congédia l'assemblée, et donna ordre qu'on se tint prêt à marcher le lendemain. (III, XII.) On le voit, Annibal met avec fermeté sous les yeux de ses soldats le spectacle d'hommes combattant dans une situation pareille à la leur, dans les conditions où ils se trouvent amenés en Italie ; et, après avoir ainsi démontré clairement à tous qu'il ne leur reste plus d'espoir que dans la victoire, il se contente d'ajouter que, s'ils en viennent aux mains dans cette conviction, la victoire leur est assurée et toutes les richesses de Rome et de l'Italie sont à eux. Effectivement, ce généreux guerrier, si dévoué à sa patrie, pouvait-il faire appel à ce noble sentiment de la patrie chez des soldats tirés de tant de nations différentes ? Aussi leur parle-t-il déjà de la gloire, qui s'accommode de tout acte de courage militaire et de toutes sortes de guerres. Remarquons bien qu'Annibal ici, non-seulement relève le courage de son armée, mais encore y fait entrer avec enthousiasme tous les jeunes prisonniers, Allobroges ou autres Gaulois, tombés entre ses mains dans les combats livrés au passage des Alpes. Publius s'était déjà avancé au-delà du Pô, et, pour passer le Tésin, il avait ordonné que l'on y jetât un pont. Mais, avant d'aller plus loin, les troupes assemblées, il fit sa harangue. (III, XIII.) Comme l'auteur vient de dire plus haut (p. 269) que Publius avait déjà passé le Pô avec son armée, sans doute ici il veut ajouter que le consul s'était déjà avancé par-delà le Pô jusqu'au Tésin (Ticinus), rivière qu'il se proposait de passer ; car il avait ordonné qu'on y jetât un pont. Mais remarquons bien que Publius ne passe pas actuellement le Tésin ; nous verrons même qu'il ne le passera point du tout dans la suite, et qu'il ne sera plus question de ce pont sur le Tésin. On est donc autorisé à induire ici que ce membre de phrase où le consul ordonne de jeter un pont sur le Tésin, a été placé là par l'auteur, son ami, pour bien montrer que Publius va attaquer Annibal ; d'autant plus qu'il ajoute ces mots : Mais, avant d'aller plus loin, les troupes assemblées, il fait sa harangue. Nous aurons soin de regarder où il se dirigera ensuite. Constatons d'abord ici qu'enfin nous apprenons, pour la première fois, où se trouve ce consul, qui est censé depuis si longtemps accourir avec ses légions, pour combattre Annibal à son débouché des Alpes en Italie. Nous savons donc maintenant où est Publius, sinon en quel lieu précis, du moins assez approximativement. Il est sur la ligne militaire du Tésin, entre le lac Verbanus (lac Majeur) et le Pô ; ligne militaire souvent mentionnée depuis dans l'histoire des guerres d'Italie. Lisons la harangue que Publius adressa aux soldats sur les bords du Tésin, avant de s'y trouver en face du guerrier carthaginois, qui va bientôt survenir. Il s'étendit d'abord beaucoup sur
la grandeur et la majesté de l'empire romain, et sur les exploits de leurs
ancêtres : venant ensuite au sujet pour lequel il avait pris les armes, il
dit que, quand même jusqu'à ce jour ils n'auraient jamais essayé leurs forces
contre personne, maintenant qu’ils savaient que c'était aux Carthaginois
qu'ils avaient affaire, dès lors, ils devaient compter sur la victoire : que
c'était une chose indigne qu'un peuple vaincu tant de fois par les Romains,
contraint de leur payer un tribut servile, et depuis si longtemps assujetti à
leur domination, osât se révolter contre ses maîtres. Mais, à présent,
ajouta-t-il, que nous avons éprouvé qu'il n'ose, pour ainsi dire, nous
regarder en face, quelle idée, si nous pensons juste, devons-nous avoir des
suites de cette guerre ? La première tentative de la cavalerie numide contre
la nôtre lui a fort mal réussi. Elle y a perdu une grande partie de son
monde, et le reste s'est enfui honteusement jusqu'à son camp. Le général
et toute son armée n'ont pas été plus tôt avertis que nous étions proches,
qu’ils se sont retirés, et ils l'ont fait de façon que c'était autant une
fuite qu'une retraite. C'est par crainte et contre leur dessein qu'ils ont
pris la route des Alpes. Annibal est dans l'Italie, mais la plus grande
partie de son armée est enterrée dans les Alpes, et ce qui s'en est échappé
est dans un état à n'en pouvoir attendre aucun service. La plupart des
chevaux ont succombé à la longueur et aux fatigues de la marche, et le peu qu'il
en reste ne peut être d'aucun usage. Pour vaincre de tels ennemis, vous
n'aurez qu'à vous montrer. Et pensez-vous que j'eusse quitté ma flotte,
que j'eusse abandonné les affaires d'Espagne, où j'avais été envoyé, et que
je fusse accouru à vous avec tant de diligence et d'ardeur, si de bonnes
raisons ne m'eussent persuadé et que le salut de la république dépendait du
combat que nous allons livrer, et que la victoire était sûre ? Ce discours, soutenu de l'autorité de celui qui le prononçait, et qui d'ailleurs ne contenait rien que de vrai, fit naître dans tous les soldats un ardent désir de combattre. Le consul, ayant témoigné combien cette ardeur lui faisait de plaisir, congédia l'assemblée, et avertit qu'on se tint prêt à marcher au premier ordre. (III, XIII.) Il est clair que cette harangue se ressent de la gêne où s'est trouvé notre auteur pour la composer, de manière à être à la fois d'accord et avec l'aspect sous lequel il désirait présenter Publius Scipion, et avec son attitude véritable telle que les faits la démontraient. Quelle différence avec la simplicité, la fermeté et la grandeur de celle que ces mêmes faits lui ont permis de placer dans la bouche d'Annibal ! Dans la harangue de Publius Scipion, tout n'est que faux éclat, phrases habilement tournées et vanteries pitoyables. Aussi, comme il arrive toujours en pareil cas, les faits qui vont suivre lui donneront-ils immédiatement un éclatant démenti sur presque tous les points que nous avons soulignés dans le texte. Ils démontreront en particulier et avec évidence que la cavalerie d'Annibal, si diminuée qu'elle fût, pouvait encore lui être de quelque usage. Suivons donc le récit jusqu'à la fin de ce qui concerne la bataille qui va se livrer, pour en finir sur ce point. Le lendemain les deux armées s'avancèrent
l'une contre l'autre le long du Tésin, du côté qui regarde les Alpes, les
Romains ayant le fleuve à leur gauche, et les Carthaginois à leur droite.
Au second jour, les fourrageurs ayant donné avis que l'ennemi était proche,
on campa chacun dans l'endroit où il était. Au troisième, Publius avec sa
cavalerie soutenue des armés à la légère, et Annibal avec sa cavalerie seule,
marchèrent chacun de son côté dans la plaine, pour reconnaître les forces l’un
de l'autre. Quand on vit à la poussière qui s'élevait que l'on n'était pas
loin, on se mit en bataille. Publius fait marcher devant les archers avec la cavalerie
gauloise, forme son front du reste de ses troupes, et avance au petit
pas. Annibal lui vient au devant, ayant au centre l'élite de la cavalerie à
frein, et la numide sur les deux ailes pour envelopper l’ennemi. Les chefs de la cavalerie ne
demandant qu'à combattre, on commence à charger. Au premier choc, les armés à
la légère eurent à peine lancé leurs premiers traits, qu'épouvantés par la
cavalerie carthaginoise qui venait sur eux, et craignant d'être foulés aux
pieds des chevaux, ils plièrent et s'enfuirent par les intervalles qui
séparaient les escadrons. Les deux corps de bataille s'avancent ensuite, et
en viennent aux mains. Le combat se soutient longtemps à forces égales. De
part et d'autre beaucoup de cavaliers mettent pied à terre, de sorte que
l'action fut d'infanterie comme de cavalerie. Pendant ce temps-là les Numides
enveloppent, et fondent par derrière sur ces gens de trait qui d'abord
avaient échappe à la cavalerie, et les écrasent sous les pieds de leurs chevaux.
Ils tombent ensuite sur les derrières du centre des Romains, et le mettent en
fuite. Les Romains perdirent beaucoup de monde dans ce combat, la perte fut
encore plus grande du côté des Carthaginois[1]. Une partie des Romains s'enfuit à vauderoute (à la débandade), le
reste se rallia auprès du consul. Publius décampe aussitôt, traverse les plaines et se hâte d'arriver au pont du Pô, et de le faire passer à son armée, ne se croyant pas en sûreté, blessé dangereusement comme il l'était, dans un pays plat et au voisinage d'un ennemi qui lui était beaucoup supérieur en cavalerie. Annibal attendit quelque temps que Publius mit en œuvre son infanterie : mais, voyant qu'il sortait de ses retranchements, il le suivit jusqu'au pont du Pô. Il ne put aller plus loin : le consul, après avoir passé sur le pont, en avait fait enlever la plupart des planches. Il prit prisonniers environ six cents hommes, que le Romain avait postés à la tête du pont pour favoriser sa retraite, et, sur le rapport qu'ils lui firent que Publius était déjà loin, il rebroussa chemin le long du fleuve, pour trouver un endroit où il pût aisément jeter un pont. Après deux jours de marche, il
fît faire un pont de bateaux, et ordonna à Asdrubal de passer avec l'armée.
Il passa lui-même ensuite, et donna audience aux ambassadeurs qui lui étaient
venus des lieux voisins. Car, aussitôt après la journée du Tésin, tous les
Gaulois du voisinage, suivant leur premier projet, s'empressèrent à
l’envi de se joindre à lui, de le fournir de munitions, de grossir son armée.
Tous ces ambassadeurs furent reçus avec beaucoup de politesse et d'amitié. Quand l'armée eut traversé le Pô,
Annibal, au lieu de le remonter, comme il avait fait auparavant, le descendit
dans le dessein d'atteindre l’ennemi. Car Publius avait aussi passé ce
fleuve, et, s'étant retranché auprès de Plaisance, qui est une colonie des
Romains, il se faisait là panser lui et les autres blessés, sans aucune
inquiétude pour ses troupes, qu'il croyait avoir mises à couvert de toute
insulte. Cependant Annibal, au bout de deux jours de marche depuis le Pô,
arriva aux ennemis, et le troisième il rangea son armée en bataille sous
leurs yeux. Personne ne se présentant, il se retrancha à environ cinquante
stades ( Comment ne pas reconnaître, à tant d'indices manifestes, à tant de signes positifs, que l'armée romaine tout entière a pris la fuite à la bataille du Tésin ? Alors les Gaulois qui s’étaient
joints à Annibal, voyant les affaires des Carthaginois sur un bon pied, complotèrent
ensemble de tomber sur les Romains, et, restant dans leurs tentes, épiaient
le moment de les attaquer, Après avoir soupe, ils se retirèrent dans leurs
retranchements, et s'y reposèrent la plus grande partie de la nuit. Mais à la
petite pointe du jour ils sortirent au nombre de deux mille hommes de pied et
d'environ deux cents chevaux, tous biens armés, et fondirent sur les Romains
qui étaient les plus proches du camp. Ils en tuèrent un grand nombre, en
blessèrent aussi beaucoup, et apportèrent les têtes de ceux qui étaient morts
au général carthaginois. (III, XIII.) Doit-on bien ajouter foi à ce trait du récit ? Un tel acte de sauvagerie serait unique, croyons-nous, dans l'histoire de ces Gaulois cisalpins. Et si ces Gaulois, qui s'étaient joints à Annibal, dit le texte, allèrent hardiment attaquer les avant-postes de Scipion, qui se croyait à l'abri de toute attaque, en quoi cela constituerait-il un complot ? N'étaient-ce pas des soldats de l’armée d'Annibal ? On est donc induit à ne voir dans tout cela qu'un petit moyen imaginé par l'auteur, pour tâcher de motiver ci-après un départ nocturne de Scipion, qui paraîtra néanmoins exécuté sous l'impulsion de la terreur. Annibal reçut ce présent avec
reconnaissance ; il les exhorta à continuer de se signaler, leur promit des
récompenses proportionnées à leurs services, et les renvoya dans leurs
villes, pour publier parmi leurs concitoyens les avantages qu'il avait
jusqu'ici remportés, et pour les porter à faire alliance avec lui. Il n'était
pas besoin de les y exhorter. Après l'insulte que ceux-ci venaient de faire
aux Romains, il fallait que les autres, bon gré mal gré, se rangeassent du
parti d'Annibal. Ils vinrent en effet s'y ranger, amenant avec eux les Boïens,
qui lui livrèrent les trois Romains que la République avait envoyés pour
faire le partage des terres, et qu'ils avaient arrêtés contre la foi des
traités, comme je l'ai rapporté plus haut. Le Carthaginois fut fort sensible
à leur bonne volonté, il leur donna des assurances de l'alliance qu'il
faisait avec eux, et leur rendit les trois Romains, qu'il les avertit de
tenir sous bonne garde, pour retirer de Rome par leur moyen les otages qu'ils
y avaient envoyés, selon ce qu'ils avaient d'abord projeté. (III, XIII.) Cette trahison des deux
mille Gaulois donna de grandes inquiétudes à Publius, qui craignait avec
raison que ces peuples, déjà indisposés contre les Romains, n'en prissent
occasion de se déclarer tous en faveur du Carthaginois. Pour aller au-devant
de cette conspiration, vers les trois heures après minuit il lève son camp,
et s’avance vers II est certain maintenant que le véritable motif du départ
nocturne des Romains, c'était de passer Publius passa la rivière et mit
son camp auprès des hauteurs. Il se fortifia d'un fossé et d'un
retranchement, et, en attendant les troupes que Sempronius lui amenait[3], il prit grand soin de sa plaie, pour être en état de
combattre, si l'occasion s'en présentait. Cependant Annibal s'approche et
campe à quarante stades ( Là les Gaulois qui habitaient dans ces plaines, partageant avec les Carthaginois les mêmes espérances, leur apportèrent vivres et munitions en abondance, prêts eux-mêmes à entrer de leur part dans tous les travaux et tous les périls de cette guerre. (III, XIV.) Voilà donc l'alliance des Gaulois avec Annibal mise complètement à exécution ; et désormais la guerre va se poursuivre, d'un côté, par les Carthaginois et les Gaulois, réunis sous les ordres de ce général, de l'autre côté, par les Romains et leurs alliés, réunis sous les ordres des consuls : sauf ceux de ces alliés qu'Annibal parviendra à détacher de l’alliance romaine, et a faire passer de son côté. L'expédition d'Annibal fut donc bien, comme nous l'avons dit, une guerre autant gauloise que carthaginoise. Voilà même déjà les deux armées ennemies en présence sur
le terrain où va se livrer la grande bataille de Ensuite Annibal mit son armée en quartiers d'hiver, pour
le reste de la saison, dans Pouvait-on rencontrer dans Polybe une confirmation plus précise et plus complète de l'opinion que nous avons formulée dans la première partie de ce travail, concernant le but politique de l’expédition d'Annibal en Italie ? Quant à la remarque ajoutée par notre auteur, que c'était là une ruse, on peut répondre, non-seulement que c'était là une ruse honnête, mais encore que lui-même Polybe a apprécié tout différemment un moyen identique, employé en Espagne contre les Carthaginois par Scipion l’Africain : car il a, au contraire, comblé de louanges ce consul à ce même sujet. (X, VI.) Si grande est l'influence des sentiments personnels, même chez les plus honnêtes historiens ! Nous voici parvenu au terme de notre programme dans cette
deuxième partie de notre travail. Car Annibal, dès le printemps venu, va
sortir de Mais, avant de passer à cette troisième partie, jetons un dernier coup d'œil sur la reprise de cette deuxième guerre punique en Gaule cisalpine, et sur les conséquences de la stratégie d'Annibal en Gaule transalpine. |
[1] On ne comprend guère comment la perte a pu être plus grande du côté du vainqueur que du côté du vaincu mis en déroute. D'autant qu'on va voir le consul décamper à l'instant avec toute son infanterie, qui était restée dans son camp, et se jeter au-delà du Pô avec toutes les apparences d'une fuite.
[2] Voilà encore les mots trahison, conspiration, placés là évidemment pour donner le change sur le véritable motif de ce brusque départ de Publius Scipion, à trois heures du matin en hiver : départ dont le but patent, d'après la suite du récit, était d'échapper à une attaque d'Annibal dans la première position qu'il avait prise, lui Scipion, et d'aller, à la faveur de la nuit, occuper une position plus forte. Il semblerait vraiment que la terreur continue d'agiter l'armée romaine.
[3] Nous avons vu que Publius Scipion avait déjà deux armées romaines réunies sous ses ordres : en voici une troisième qui vient en renfort.