PARIS - DIDIER ET Cie - 1873
Parties : I — II — III — IV — V — VI — VII — VIII — IX — X — XI — XII — XIII — XIV — XV — XVI — XVII — XVIII — XIX.L'ÉVASION D'UNE REINE DE FRANCE. Parties :
I —
II
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VI.
LA MORT DE GABRIELLE D'ESTRÉES. Parties :
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V.
La politique de la France dans la révolution de Naples de 1647, d'après des documents inédits.Parties : I — II — III — IV — V — VI — VII — VIII — IX.PRÉFACELes questions traitées dans ce volume se rapportent à l'histoire de la première moitié du dix-septième siècle. On a beaucoup écrit sur cette période, moins éclatante, plus agitée, mais plus originale et plus féconde que le demi-siècle qui la suit ; car si c'est l'époque des agitations révolutionnaires, des ambitions sans frein, des vices éclatants, des crimes même, c'est celle en même temps des vastes projets de réforme, des plans hardis, des nobles vertus, des talents primesautiers, des fortes conceptions politiques et littéraires. Aussi n'est-il guère d'historien français dont ce demi-siècle n'ait tenté la plume, à qui il n'ait fourni d'heureuses découvertes ou de fécondes inspirations. M. Cousin, sur le tard de sa vie, lui a dû un brillant regain de célébrité : sa galerie des femmes illustres qui éclairèrent de leurs grâces, de leurs talents et de leurs aventures les commencements du dix-septième siècle, a plus fait pour sa popularité que ses hautes études de métaphysique spiritualiste. Mais il y aura toujours, même dans les époques les mieux étudiées, quelques coins obscurs où l'érudition la plus patiente ne portera pas la lumière. Certains problèmes sont, par leur nature propre, condamnés à la controverse et il est inutile de compter, pour les résoudre, sur la découverte de documents décisifs. Tels sont les crimes émanés d'une volonté unique, les mobiles de certaines combinaisons politiques, les grands attentats publics, comme celui de la Saint-Barthélemy, dont la pensée première a été si longtemps un mystère, tontes les actions, en un mot, où l'initiative individuelle a seule eu part. Pour tous les événements de cette nature qu'aucun témoignage direct ne saurait illuminer, la critique historique est seule compétente. L'auteur a déjà expliqué ailleurs la méthode qu'il emploie à leur égard et qui n'est autre que celle de l'instruction judiciaire, méthode qui va du connu à l'inconnu, en se gardant de tout système préconçu, en usant de toutes les ressources de l'analyse et de l'induction, en rassemblant, pour en former un faisceau de probabilités, toutes les circonstances ambiantes ou accessoires, en déduisant des précédents acquis au débat toutes ces conséquences logiques que notre Code abandonne à la prudence et aux lumières du magistrat. Cette méthode d'investigation ne se contente pas de. l'examen et du rapprochement des faits ; elle range aussi, parmi ses moyens de conviction, une étude plus difficile, celle des ressorts qui font mouvoir les hommes, des sentiments et des passions qui les agitent : toute enquête historique qui ne va bas jusqu'à l'analyse du cœur humain se prive, par cela même, de son meilleur moyen de conviction. Tel est, cette fois encore, le procédé mis en œuvre dans les études qui composent le présent volume. La première a trait au meurtre de Henri IV. C'est là un de ces événements de portée lointaine et presque illimitée qui changent brusquement le cours de l'histoire, et pèsent, pour une longue suite d'années, sur les destinées d'un peuple. Aussi rien de ce qui peut les faire comprendre dans leurs détails les plus particuliers ne saurait-il être indifférent. Quel fut au juste le mobile de l'assassin ? N'eut-il d'autre guide que les solitaires inspirations du fanatisme religieux, ou bien obéis-sait-il à de puissants instigateurs assez habiles pour se dissimuler dans l'ombre, peut-être même pour laisser croire au meurtrier que ce projet homicide qu'ils le poussaient à accomplir, c'était la seule voix de sa conscience qui le lui dictait ? Ravaillac, en un mot, eut-il ou non des complices ? S'il n'en avait pas, comment expliquer les avertissements, les révélations, tous les faits si concordants et si nombreux qui montrent Henri IV, au moment de sa mort, enveloppé dans les réseaux d'une vaste et déjà ancienne conspiration ? Et, s'il en avait, comment comprendre ses persistantes dénégations en présence des supplices les plus raffinés que le génie de la torture ait jamais inventés, en présence surtout de l'abandon où le laissaient ses fauteurs, et qui devait soulever d'indignation cette âme irritable et ulcérée ? Tous les historiens qui ont scruté ce difficile problème se sont nettement prononcés pour l'affirmative ou pour la négative, n'apercevant aucun milieu entre les deux termes de la question qui, en effet, ne semble pas en admettre, bien qu'au fond, et comme on le verra, il y ait une part de vérité dans les deux thèses. Après les deux grands maîtres qui ont examiné ce problème en dernier lieu, chacun le résolvant dans un sens tout à fait opposé, peut-être y a-t-il quelque hardiesse à risquer une solution nouvelle. Celle que je propose soulèvera-t-elle toutefois de sérieuses objections ? J'ose espérer le contraire ; car, en tenant compte de tous les faits, de ceux même qui semblent les plus contradictoires, elle ale mérite de les concilier et de satisfaire ainsi à la première condition imposée à la critique en matière de controverse historique. L'Évasion d'une reine est le corollaire de cette première étude : l'appui prêté par le duc d'Épernon à la prise d'armes de Marie de Médicis et à sa dramatique évasion du château de Blois semblera, en effet, une révélation implicite de leur ancienne complicité, surtout quand on verra dans quelles étranges et périlleuses circonstances et par quelles combinaisons audacieuses fut accompli ce grand acte de rébellion. J'ai traité ailleurs avec d'amples développements, de la mort de Gabrielle d'Estrées[1] : j'y reviens dans ce volume, grâce à la découverte d'un document inédit du plus haut intérêt, obligeamment fourni par des archives privées, et qui permet de serrer de près la vérité. Écrite par un témoin des derniers moments de la duchesse de Beaufort, cette pièce confirme pleinement mes primitives inductions. Elle prouve combien est utile et féconde, quand on en use avec quelque sagacité, cette méthode empruntée aux usages de l'information judiciaire qui peut s'appliquer à presque tous les points obscurs et controversés de l'histoire, mais qui n'a jamais un emploi plus opportun que lorsqu'il s'agit de ces morts subites et mystérieuses qui frappent vivement l'imagination populaire, telle que fut celle de la célèbre maîtresse de Henri IV. Ces rencontres inattendues, qui viennent confirmer une thèse historique, sont la meilleure pierre de touche pour le système d'investigation qui l'a produite. Une seconde découverte, relative à un autre problème traité par le même procédé, a encore vérifié l'efficacité de cette méthode. Je veux parler de certaines pièces concernant le prisonnier connu sous le nom assez impropre de l'Homme au masque de fer. Les lecteurs qui s'intéressent à ce genre d'études connaissent assurément le livre de M. Marius Topin, livre marqué au coin du talent littéraire le plus distingué, et qui abonde en aperçus ingénieux, en portraits curieusement étudiés : ils savent peut-être aussi comment j'ai combattu, dans la Revue contemporaine, les conclusions de cet ouvrage, et essayé de faire dans l'histoire du mystérieux prisonnier, la part de la vérité et celle de la légende. L'ouvrage récemment publié par M. Th. Iung est venu confirmer le caractère légendaire que j'avais attribué à ce drame obscur où tant de personnages différents ont été confondus, où tant de particularités propres à plusieurs prisonniers ont été groupées sur la tête d'un seul, et j'oserai même affirmer que, dans cette ténébreuse histoire, ce point est à peu près le seul que ce nouveau livre ait complètement mis en lumière : la dernière individualité, sur la tête de laquelle s'est concentrée la légende, reste toujours une énigme. L'étude qui termine le présent volume nous introduit dans les secrets les plus intimes de la politique qui fit échouer la révolution napolitaine de 1647, cette révolution qui eut pour principaux acteurs Masaniello, Gennaro Annèse et le duc Henri de Guise, et qui, favorisée à temps et exploitée à notre profit, eût pesé si utilement dans la lutte que nous soutenions alors contre Philippe IV, si l'épée de la France, au lieu de vaciller entre les mains habiles, mais timorées de Mazarin, et d'être retenue par l'opposition intéressée d'Anne d'Autriche, eût encore été guidée par la libre et ferme volonté de Richelieu. Ce qu'il s'agit d'éclairer ici, c'est moins la trame et l'enchaînement des faits que l'esprit politique qui les inspira. Sur cette pensée directrice, les missives inédites qui ont servi à la rédaction de cette étude jettent un jour utile et nouveau. Mais les documents originaux, même les plus étendus et les plus précis, ne révèlent jamais tout le secret des événements : ils ne disent que ce que leurs rédacteurs ont bien voulu exposer aux investigations de la postérité. Même quand on les a lus, il reste encore à découvrir le plan général auquel ils se rapportent, l'intérêt qui les a dictés, le mobile secret de leurs auteurs. Ce plan, cet intérêt, ce mobile, on ne les pénètre que par cette enquête minutieuse qui vise au delà des textes et cherche à lire entre leurs lignes, qui, par voie de rapprochement et d'induction, nous initie aux ressorts les plus cachés de la politique et éclaire les intentions, presque toujours cachées au plus profond de l'âme humaine. Les travaux historiques qui composent ce volume ont déjà paru, soit dans le journal Le Temps, tribune ouverte à toutes les idées sérieuses, soit dans la Revue contemporaine et la Revue des questions historiques. Si le public que sollicitent tant de graves préoccupations, a semblé leur accorder quelque attention, peut-être le doivent-ils à la bonne foi, à l'absence de parti-pris et d'idées préconçues avec lesquelles ils sont traités, et qui ont pour conséquences naturelles la clarté, la modération et ce qu'on peut appeler la loyauté des conclusions. Ces procédés du reste sont, de nos jours, obligatoires pour tout écrivain qui se respecte et qui tient moins à éblouir le lecteur qu'à le persuader : le respect du lecteur, c'est encore, et sous sa forme la plus élevée, le respect de soi-même. |