§ 1. — Considérations générales sur les rapports de l’Inde avec les peuples étrangers. N° 1. — Isolement de l'Inde. Opposition religieuse entre les Indiens et les étrangers.L’isolement est comme une nécessité du régime théocratique. Le désir du sacerdoce de séparer les peuples qui lui obéissent des autres nations est-il le résultat d’une politique égoïste ? les prêtres ne sont-ils inspirés que par le désir d’affermir leur domination par la crainte que la communication avec l’étranger, en élargissant les idées et les sentiments des classes inférieures, ruine la basé de leur pouvoir fondé sur la fraude et l’ignorance. La grande figure de Moise est une protestation suffisante contre ces imputations. Tous les peuples de l’antiquité vivaient plus ou moisis isolés. Lycurgue a voulu séparer complètement Sparte des autres républiques grecques : cependant, il n’y avait pas de caste sacerdotale à Lacédémone. Cette tendance à l’isolement devait être plus prononcée chez les peuples régis par une théocratie. Plus la constitution d’une société est parfaite, plus il importe de la mettre à l’abri de toute influence qui pourrait l’altérer : c’est ce motif qui inspira à Platon son antipathie pour le commerce maritime. Quel devait être l’empire de ces considérations dans des sociétés qui faisaient remonter à Dieu même l’origine de leurs lois ! Les théocraties étaient par leur nature condamnées à proscrire les relations avec les peuples étrangers. L’Inde plus que les autres états théocratiques obéit à cette loi fatale. L’Égypte, placée sur la route des grands conquérants, a été forcément entraînée dans le mouvement de l’humanité ; les desseins de la Providence ont dispersé les Hébreux ; mais les brâhmanes ont réussi en apparence à faire de la terre sacrée du Gange un monde à part. L’Inde brahmanique parait n’avoir aucune relation avec les autres peuples ni par la guerre, ni par le commerce, ni par les voyages. La tradition représente plusieurs des anciens rajahs comme conquérants ; mais la mythologie elle-même n’a pas attribué à ses héros des expéditions lointaines semblables aux conquêtes des Sésostris et des Ninas[1]. Le peuple sanscrit, imbu d’une doctrine qui place le bonheur suprême dans l’inaction, dans l’anéantissement, n’était pas disposé à s’aventurer sur l’Océan pour chercher des richesses que son sol lui fournissait d’ailleurs en abondance ; il n’éprouvait pas davantage le besoin d’aller puiser chez des nations étrangères une science dont il se croyait lui-même dépositaire. Les voyages étaient sinon défendus, au moins moralement réprouvés[2]. La religion établit entre les Indiens et les étrangers une barrière insurmontable. Les brâhmanes ont montré jusqu’à nos jours une vive répugnance pour toute relation avec les étrangers. Sans doute ils doivent voir avec jalousie, avec haine, les oppresseurs de leur patrie ; mais les passions politiques n’ont fait que fortifier un préjugé religieux[3]. Les Indiens qualifiaient les autres peuples de Mlétchas ! ce mot désigne des hommes parlant une langue étrangère, il répond à l’expression Barbares des Grecs[4]. Mais l’opposition qui existait entre le peuple sanscrit et les nations étrangères, était bien plus profonde, que celle des Grecs et des Barbares. Dans le monde occidental, c’est surtout l’orgueil du citoyen, la conscience d’une civilisation supérieure qui est le principe de la séparation chez les Indiens, la division est la conséquence des dogmes religieux[5]. Nous avons vu qu’un ab9me sépare les Indiens des quatre castes et les malheureux qui N’ont pas trouvé place dans la société de leurs vainqueurs. Pourquoi le tçhândâla est-il l’objet du mépris incroyable qui pèse sur lui ? parce qu’il est en dehors de la communion religieuse, c’est un être impur. Les étrangers étaient dans la même condition, et on les confondait dans le même mépris[6]. L’Inde est une terre sainte, destinée au séjour des Aryas[7] ; tous ceux qui se trouvent hors des limites de ce monde privilégié sont impurs de mœurs et de langage[8] ». L’horreur qu’ils inspirent aux riverains du Gange est dépeinte en vives couleurs dans leurs poètes. Ce qui frappe surtout l’Indien chez les nations étrangères, c’est la confusion des diverses classes : l’homme qui naît dans l’ordre sacerdotal passe dans celui des guerriers, ou des artisans ou des esclaves, il s’avilit jusqu’à devenir barbier ; après avoir été barbier, il peut de nouveau se faire prêtre, et retomber encore dans la classe servile[9]. La vie de l’Indien est réglée par la religion jusque dans ses moindres détails ; il se soumet a de strictes observances pour sa nourriture : que doit-il penser des étrangers qui mangent indistinctement de toute espace de chair animale[10] ? Des hommes qui vivent confondus, s’unissent entre eux sans distinction de classes et mangent toutes espèces d’aliments, sont aux yeux des Indiens des êtres d’une nature inférieure. Le législateur place les Mlètchas dans la hiérarchie des créatures après les éléphants, les chevaux et les çùdras ; c’est à peine s’ils l’emportent sur les animaux sauvages, les lions, les tigres et les sangliers[11]. Quels rapports pouvait-il y avoir entre la race pure des Aryas et des êtres placés au-dessous des animaux ? Tout contact avec eux serait une souillure pour la pureté indienne. Telle est la source de cette insociabilité excessive qui étonne les européens résidant dans l’Inde[12]. La religion se mêlant à tous les actes de la vie civile, et toutes les pratiques religieuses étant souillées par la présence d’un impur, il en résulte que les relations entre Indiens et étrangers deviennent presque impossibles[13]. Cette opposition religieuse n’empêche pas seulement le contact des Indiens avec les autres nations, elle inspire à la race élue des Aryas un profond mépris pour ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Un Mlétcha est un être plus méprisable encore qu’un Tchândâla ; celui-ci foule au moins le sol sacré de l’Inde, le premier, créature impure, vit dans une contrée impure. Cet éloignement poussé jusqu’à l’aversion a frappé tous les dominateurs étrangers, il est encore aujourd’hui témoigné aux Européens[14] ; s’il s’affaiblit, c’est dans les classes où l’antique foi s’efface. Des sentiments véritablement fraternels ne prendront la place de cette haine superstitieuse, que lorsque le brahmanisme disparaîtra sous l’influence toute puissante de la civilisation européenne : N° 2. — L’hospitalité indienne.Telle est la force des préjugés religieux qui séparent les Indiens des peuples étrangers. Cependant à entendre les écrivains grecs, les riverains du Gange seraient les plus hospitaliers des hommes : Il y a chez eux des magistrats qui ont pour fonction de recevoir les étrangers et de veiller à ce qu’on ne leur fasse aucune injustice. Ils donnent des médecins à ceux qui sont malades, ils en ont bien d’autres soins encore ; ils les ensevelissent quand ils meurent, et rendent aux héritiers les biens des défunts[15]. Quand on compare ces rapports, avec les témoignages authentiques des livres sacrés, il est impossible d’admettre comme l’expression de la réalité le tableau que les Grecs ont tracé de l’Inde. L’hospitalité est pour ainsi dire incompatible avec les antipathies religieuses qui animent les Indiens. Les castes supérieures ne pratiquent aucun devoir d’humanité envers les tchândâlas, et toute la race sanscrite est vis-à-vis des étrangers dans des rapports analogues à ceux qui existent entre les misérables rejetés hors des castes et la population arienne. Poussée jusque dans ses dernières conséquences, cette opposition détruirait tout lien à d’humanité. Heureusement l’homme trouve dans son âme un contrepoids aux funestes doctrines qui obscurcissent son intelligence et affaiblissent son sentiment moral. L’hospitalité s’est fait jour chez les Indiens en dépit des croyances brahmaniques. L’hospitalité est exaltée dans la littérature indienne autant que par les poètes de la Grèce et de Rome. Le Bhâgavata Purâna compare un précepteur à Brahmâ, un père au chef des créatures, une sœur à la pitié, l’hôte est réellement la forme de la justice[16]. Le livre sacré fait de l’hospitalité un droit pour ceux qui la demandent[17], un devoir pour le maître de maison. Ce devoir est une des rares obligations imposées à tout homme sans distinction de castes. Le Dieu du feu, dit l’Hitopadésa[18], doit être adoré par les brâhmanes, le brâhmane par les autres castes, le mari par son épouse, l’étranger par tout homme. Les lois de Manou entrent jusque dans le détail des services qu’on doit rendre à l’hôte : Que le maître de maison fasse tout son possible pour qu’aucun étranger ne séjourne jamais chez lui, sans qu’on lui ait offert, avec les égards qui lui sont dus, un siège, des aliments, un lit, de l’eau, des racines ou des fruits[19]. Le législateur ajoute cette recommandation qui caractérise bien le doux génie de l’Inde : de l’herbe, la terre pour se reposer, de l’eau pour se laver les pieds, de douces paroles, voilà ce qui ne manque jamais dans la maison des gens de bien[20]. La loi ordonne au brâhmane de s’abstenir de toute contestation avec son hôte[21], elle menace des peines les plus graves ceux qui le reçoivent sans amour[22]. Si nous en croyons les maximes sur l’hospitalité que l’on rencontre dans les poètes, cette vertu était un bonheur plutôt qu’un devoir. Un brâhmane dit dans un drame qu’il préfère la mort à la pauvreté : il ne regrette pas sa fortune passée pour lui : mais que l’hôte ne vienne plus frapper à la maison d’où la richesse a fui, voilà ce qui m’afflige ![23] Mais le législateur indien dans ses touchants préceptes pense-t-il à l’étranger ? Les lois de Manou ne laissent pas de doute sur la nature et la portée des sentiments hospitaliers des brâhmanes. Elles prescrivent des obligations différentes du maître de maison, suivant la caste à laquelle l’hôte appartient[24]. L’hospitalité est assez sacrée pour s’étendre jusqu’aux castes inférieures ; le vâiçya et le çùdra ne doivent pas être repoussés[25], mais ils mangeront avec les domestiques, le maître se contentera de leur témoigner de la bienveillance[26]. Quels sont les hôtes que les livres sacrés ont en vue quand ils exaltent les devoirs de l’hospitalité ? Ce sont les membres des castes et surtout les brâhmanes[27]. C’est à ces dieux de la terre que les maîtres de maison doivent prodiguer tous leurs trésors, toutes leurs attentions. Quant aux étrangers, aux Mlétchas, leur nom n’est prononcé dans le code de Manou que pour être flétri. Nous voyons ici l’hospitalité, dans son premier développement. Ce n’est pas l’homme qu’on honore, c’est le membre de la famille, de la caste. Ne flétrissons pas du nom d’égoïsme cette préoccupation exclusive des peuples primitifs : saluons plutôt dans cette charité étroite le germe d’un sentiment qui se développera successivement, jusqu’à ce qu’il devienne la fraternité universelle. L’instinct de l’hospitalité n’a pas suffi pour briser l’isolement de l’Inde. Cependant cet isolement n’a pas été absolu. L’histoire serait muette sur les rapports des Indiens avec les autres peuples, que nous devrions en admettre l’existence. L’homme n’accomplit pas un acte qui n’influe sur ses semblables, comment la vie d’une nation puissante ne se lierait-elle pas à la vie générale de l’humanité ? Il est impossible qu’un des peuples, les plus remarquables du monde ancien ait vécu solitaire. Si civilisation précoce, les méditations de ses sages n’ont pas été sans fruit pour le reste du genre humain. Essayons de suivre la race arienne dans sa mission civilisatrice. § 2. — Le peuple sanscrit et les habitants primitifs de l’Inde. Pour apprécier l’influence que la race sanscrite a exercée sur l’humanité il faut se représenter le milieu dans lequel elle a vécu. Les deux péninsules indiennes par leur étendue, la merveilleuse fertilité du territoire, la richesse des productions, la population, forment presque un monde[28]. Quand les Ariens n’auraient rien fait que répandre la civilisation dans cette partie de la terre, leur mission semait encore une des plus hautes que la Providence ait confiées a un peuple. L’Inde était habitée par une de ces tribus, que nous n’osons pas appeler inférieures, parce que nous doyens à l’unité du genre humain, mais dont la triste destinée est de disparaître devant les nations civilisées, sans laisser d’autre souvenir de leur existence que leurs malheurs. Les indigènes appartenaient à une race noire mais distincte des Nègres ; les débris qui en subsistent encore doivent être rangés parmi les sauvages plutôt que parmi les Barbares[29]. Ils sont livrés au plus grossier fétichisme, plusieurs pratiquent les sacrifices humains, d’autres ont si peu le sentiment de l’humanité, qu’ils tuent les hommes avec la même indifférence que les animaux[30]. La dégradation dans laquelle vivent ces tribus avilies depuis plus de trois mille ans, a sans doute contribué à les abrutir, mais si nous comparons les récits des voyageurs modernes avec ceux d’Hérodote et du Mahâbhârata, nous serons forcés d’admettre que les habitants primitifs de l’Inde étaient dans un état pire que la barbarie, parce qu’il semble s’opposer à tout progrès[31]. Quel fut le sort de ces populations après l’immigration des Ariens. Nous savons qu’une partie fut reçue dans la société des vainqueurs à des conditions plus ou moins dures. Le plus rand nombre résista à l’action de la civilisation, les uns se retirèrent dans les montagnes inaccessibles, les autres continuèrent à vivre au milieu des nouveaux maîtres du sol, mais dans la condition la plus vile dont l’histoire des misères humaines ait gardé la mémoire. Comment s’est opérée la transformation des uns, comment s’est maintenue jusqu’à nos jours l’humiliation des autres ? Nous n’avons pas de réponse à ces questions si intéressantes pour l’histoire de l’humanité. C’est à peine si nous pouvons nous faire une idée de l’occupation de l’Inde par les Ariens. Peuple essentiellement civilisateur, ils ont attiré ou refoulé les indigènes par la puissance de l’intelligence, autant que par la force des armes. Les poèmes épiques nous montrent les brâhmanes se retirant dans les forêts à l’approche de la vieillesse[32]. Ces solitaires étaient les missionnaires de la civilisation ; ils exerçaient sur les habitants primitifs l’influence d’êtres supérieurs et presque divins[33]. Ainsi s’explique la profonde impression que le brahmanisme fit même sur les populations qu’il rejeta : il les convainquit de leur irrémédiable infériorité. Mais il y a dans les races réellement sauvages comme une force qui repousse toute culture. Plus d’une fois les ascètes furent surpris par les autochtones qui se voyaient dépouillés des terres, héritage de leurs ancêtres ; les pacifiques brâhmanes appelaient à leur aide les rois, les guerriers ; alors sans doute il se faisait un immense carnage de ceux qui avaient osé porter la main sur les saints habitants de la forêt (vânapractha). La résistance des possesseurs du sol fut vaine : les sauvages reculent fatalement devant les nations civilisées ; quand il y a eu eus un élément vital, progressif, ils se fondent parmi leurs vainqueurs, les autres végètent et s’éteignent[34]. Ainsi les Ariens ne sont pas parvenus à occuper tout le territoire que la nature semblait leur avoir assigné. Dans les contrées mêmes où ils dominent, ils n’ont pu s’assimiler les habitants primitifs[35] ; quelques-uns n’ont adopté qu’en partie les institutions brahmaniques, d’autres, ont été rejetés dans la caste impure des çùdras ; le plus grand nombre placé en dehors des cistes présente l’affligeant spectacle de populations abruties[36]. Est-ce à l’opposition des indigènes ou à l’impuissance du brahmanisme qu’il faut attribuer la civilisation incomplète de l’Inde ? Nous croirions faire injure à l’humanité en rejetant sur les tribus primitives tout le poids de la dégradation qui pèse aujourd’hui sur les parias. Une grande partie de la responsabilité doit retomber sur les conquérants. Aucune race n’est imbue comme le peuple sanscrit du sentiment de l’inégalité native des hommes dans cette vie : cette conviction religieuse conduit fatalement aux castes, et rien ne s’oppose autant à l’assimilation des vainqueurs et des vaincus que ce génie de la division. Mais quoique l’œuvre civilisatrice des Indiens soit imparfaite, leur gloire n’en doit pas souffrir : ils sont les premiers venus dans la glorieuse carrière du développement de l’humanité ; nous ne pouvons leur demander ce que les Grecs et les Romains ont fait après eux. § 3. — Relations de l’Inde avec les peuples étrangers. No 1. — Commerce. Colonisation.La civilisation originale qui se développa sous l’influence du génie brahmanique ne resta pas concentrée dans les limites dû monde indien. L’Inde est entrée en rapport avec les peuples de l’Orient par la conquête, la colonisation, le commerce. Les Indiens disaient à Mégasthène qu’ils n’avaient pas fait de guerre extérieure ; cependant dans la première ardeur de l’invasion, les Ariens s’élancèrent au-delà des limites de la péninsule, et occupèrent une partie de l’immense archipel qui borde l’Asie orientale. Les brâhmanes, les pieux solitaires répandirent dans ces îles le bienfait de leur civilisation, comme ils l’avaient fait sur le continent, par l’action toute puissante de la religion. Mais les relations nées de la conquête et étendues par les colonies furent bordées ; le mouvement d’expansion s’arrêta, l’esprit guerrier des kçhattriyas plia sous le génie rêveur, des brahmanes. Le commerce, lien des nations, pouvait mettre les Indiens en contact avec le monde entier. La. nature, tout en, isolant l’Inde des grands empires de l’Asie, veilla à ce qu’elle fût reliée à l’humanité, pour que les bienfaits de sa culture précoce profitassent aux peuples moins avancés, et pour qu’elle-même un jour fût régénérée par le génie européen[37]. La mer établissait une communication facile non seulement avec l’Archipel, mais avec la Chine, la Perse, l’Arabie, et les côtes orientales de l’Afrique. Les Indiens mirent-ils les dons de la nature à profit ? La doctrine brahmanique est peu favorable au commerce. Le sacerdoce n’aime pas plus le commerce que la guerre ; son intérêt peul exiger qu’il favorise l’accroissement de la richesse nationale jusqu’à mue certaine mesure, mais des, que les relations doivent s’étendre aux autres peuples, la politique sacerdotale les entrave, comme toute liaison avec l’étranger. Dans le Mahâbhârata, la navigation est frappée d’une espèce de réprobation[38]. Cependant les brâhmanes n’avaient pas la même antipathie pour la navigation que les Égyptiens[39] et les Perses[40] ; d’après la mythologie indienne, la mer, loin d’être impure, doit son origine aux émanations du fleuve sacré[41]. Le Code de Manou ne prohibe pas le trafic maritime, il en consacre même tacitement la légitimité, en reconnaissant force obligatoire aux contrats qui y sont relatifs[42]. L’Égypte a été le siége d’un commerce considérable malgré l’horreur religieuse que la mer inspirait à ses habitants ; comment l’Inde, où ce préjugé n’existait pas, et qui était plus favorisée encore par la nature que l’Égypte, n’aurait-elle pas été commerçante ? Des témoignages positifs attestent que l’Inde brahmanique ne cessa pas d’être en relation avec les peuples du midi de l’Asie et de l’Afrique. Les Indiens paraissent déjà comme peuple navigateur dans les Védas, le plus ancien de leurs livres sacrés. Il y est fait mention de barques ou vaisseaux[43] portant ceux qui cherchent fortune en voyageant sur mer ; le nom de trafiquant est donné à celui qui s’expose dans l’espoir d’un gain[44]. Le Mahâbhârata parle d’hommes hardis qui pratiquent la mer au péril de leur vie[45], de vaisseaux innombrables chargés de perles, de navires qui bravent la tempête[46]. Le brahmanisme amortit l’activité de la race arienne. Mais la première époque de vie surabondante et d’expansion suffit pour établir des liens entre l’Inde et les autres peuples ; ces relations ne cessèrent jamais, bien que les Indiens y jouent de plus en plus un rôle passif. Constatons, autant que la rareté et l’incertitude des témoignages le permettent, ces antiques rapports des peuples. N° 2. — Relations avec les peuples du Nord et à l’Est. Colonisation de l’Archipel.Les communications avec les peuples du Nord ont peu d’importance dans l’époque brahmanique. Le Tibet est voisin de l’Inde, mais séparé par les immenses chaînes de l’Himalaya ; cette barrière rendait toute conquête impossible ; mais elle n’empêcha pas les relations commerciales et intellectuelles : les missionnaires bouddhistes franchirent les sentiers escarpés de ces montagnes presque inaccessibles pour prêcher la bonne loi[47]. Les Indiens ont encore connu d’autres peuples du Nord. Le Mahâbhârata parle de plusieurs tribus qui apportèrent des présents au puissant roi des Pandavas[48]. Les présents envoyés comme marque de soumission sont probablement une invention indienne[49]. Cependant des collisions hostiles eurent lieu entre les Ariens et les populations guerrières qui les touchaient ; malgré leur mépris pour les Mlètchas, ils admiraient le courage de leurs indomptables ennemis[50]. Mais les rapports avec la Haute Asie n’acquirent de l’importance, pour la civilisation que lorsque, le Bouddhisme porta au milieu de ces populations barbares des germes de culture et d’humanité. Les Ariens entrèrent à une époque très reculée en relation avec l’Asie orientale. Le commerce et les colonies furent un premier lien ; plus tard le Bouddhisme transforma l’Indo-Chine en une dépendance de la civilisation indienne[51] ; la langue des habitants, dérivée du sanscrit, atteste la profonde action que l’Inde a exercée dans ces contrées[52]. Les hindous étaient-ils aussi en rapport avec les Chinois ? Les déserts qui séparent les deux peuples, rendent des communications peu probables ; cependant il n’est pas permis de douter qu’il n’y en ait eu dès les temps les plus reculés. Les brâhmanes empruntèrent leur système chronologique à la Chine, déjà vers le onzième siècle avant notre ère[53]. Ces liens intellectuels supposent des liaisons commerciales plus anciennes encore. Le savant historien qui a éclairé d’une si vive lumière le commerce de l’antiquité, a prouvé qu’il existait un trafic par terre entre l’Inde et le Céleste Empire[54]. Les Indiens du nord allaient en nombreuses caravanes chercher les produits de la Chine, soit pour les exporter eux-mêmes, soit pour les faire exporter par leurs voisins de la Bactriane. Des tribus nomades facilitaient ces relations ; placés par la Providence partout où des déserts menacent de séparer les stations, les pasteurs servent de lien entre les hommes ; grâce à eux, une chaîne non interrompue reliait la Chine à l’Inde et à la Mer Noire ; c’est par eux que les produits du lointain Orient étaient répandus dans toute l’Asie. La mer offrait une communication facile avec l’Archipel. Ceylan est à peine détachée du continent, elle conserva des rapports intimes avec l’Inde[55]. Elle fut conquise par les Ariens dès l’époque héroïque[56]. Plus tard Ceylan devint un des sièges principaux de la doctrine bouddhique et le centre d’une active propagande. Elle fut pendant l’antiquité l’entrepôt du commerce entre l’Arabie et l’Inde[57]. Java, occupée de bonne heure par les Indiens[58], fut entièrement transformée par les conquérants ou les colons ; ils y transportèrent leurs traditions, leurs institutions[59], leur langue, leur littérature[60]. Les marchands et les brâhmanes visitèrent également les autres îles de l’Archipel[61]. Les relations ne furent pas toujours directes, mais dans toutes ces îles on trouve des traces de civilisation indienne[62]. L’étude des langues permet de suivre les progrès de la race arienne dans l’Océanie. L’identité du kawi et du sanscrit prouve qu’à Java la fusion des colonies hindoues et des indigènes fut complète. Le malai présente, quoiqu’à un degré beaucoup moindre, la même parenté : il doit à la langue sacrée de l’Inde une partie des mots qui rappellent des idées morales, métaphysiques ou religieuses. A mesure qu’on s’éloigne de Java, l’affinité des dialectes océaniens avec le sanscrit devient moins étroite et s’efface. L’orientaliste auquel nous empruntons ces détails[63] a cru pouvoir tracer les limites dans lesquelles la civilisation indienne à agi sur le monde océanique : de l’île de Java, elle se répandit à l’ouest, dans toute l’île de Sumatra, et sur les côtes de la péninsule de Malaca, au nord jusqu’aux Philippines ; à l’est jusqu’aux Moluques, qu’elle ne dépassa pas. L’occupation de l’Archipel par la population arienne a conquis à la civilisation des pays qui sont si richement dotés par la nature qu’on y a cherché le paradis terrestre. Les habitants primitifs appartenaient probablement à cette même race noire qui occupait l’Inde avant l’immigration des Ariens ; l’état intellectuel, moral, des insulaires était aussi bas que celui de leurs frères du continent : les Indiens les représentent comme des démons, des géants, des monstres[64]. Les conquérants les firent entrer dans la grande famille humaine en les civilisant. On doit, dit un savant orientaliste, pardonner bien des extravagances au brahmanisme pour cet immense bienfait[65]. N° 3. — Relations avec l’Occident. Guerre. Commerce.L’influence civilisatrice de la race arienne dans l’Orient est incontestable. Mais quels furent ses rapports avec l’Occident ? Ici nous entrons dans le domaine des probabilités et des conjectures. L’Inde continentale est pour ainsi dire fermée du côté de l’Occident par une chaîne de montagnes qui laisse à peine quelques passages pour les communications[66]. Ces barrières n’arrêtèrent pas l’ambition des conquérants : ils semblent fascinés, par cette terre à laquelle la nature a prodigué tous ses dons. Nous ne parlons pas des conquêtes de Bacchus et d’Hercule[67], mélange de mythes grecs et indiens, qui se forma lorsque les deux peuples entrèrent en relation sous la domination macédonienne[68]. Sémiramis est aussi un personnage à moitié mythique ; cependant le fait d’une expédition assyrienne, longtemps rejeté comme fabuleux, ne peut plus être nié, en présence des monuments de Ninive ; d’après les traditions recueillies par les auteurs grecs, la reine de Babylone échoua dans son entreprise[69] ; elle ne laissa aucune trace de son passage. L’invasion de Sésostris, en supposant qu’elle reçoive une confirmation par les monuments, fut passagère[70]. L’histoire acquiert plus de certitude, lorsque les Perses paraissent sur la scène. Darius étendit son empire jusqu’à l’Indus[71], mais il ne pénétra lias clans l’intérieur de la péninsule. Les Hindous et les Persans appartenaient à la même famille, ils étaient voisins ; niais leur contact ne fut pas assez intime pour qu’il en résultât une profonde modification des deux branches ariennes.’ il y avait à la vérité des mercenaires indiens dans les armées du Grand Roi[72] ; mais ils ne venaient pas de l’Inde gangétique ; la Perse n’avait de rapport qu’avec la Pentapolamie. Le héros macédonien qui renversa la domination persane, entama également l’Inde : la résistance obstinée de son armée l’empêcha d’achever sa conquête. Alexandre éleva des monuments gigantesques pour éterniser la mémoire de son expédition ; mais le sol de l’Inde conserva seul le souvenir de sa grandeur[73]. La domination grecque dans Inde ne finit pas avec Alexandre ; la langue, les arts, la littérature de la Grève envahirent les régions les plus reculées de l’Orient ; mais l’hellénisme ne fit que glisser sur les peuples imbus des dogmes brahmaniques ; d’après un savant orientaliste, les Indiens n’auraient emprunté aux Grecs que quelques connaissances mathématiques, mais le fond de la civilisation indienne resta intact. Ainsi les conquêtes des Assyriens, des Perses, des Grecs, n’eurent pas la puissance de modifier l’Inde. Mais les voies par lesquelles les conquérants passèrent n’ont-elles pas servi à la communication des idées[74] ? Il est certain que les missionnaires bouddhistes pratiquèrent les défilés qui séparent l’Inde du continent asiatique ; des caravanes suivent depuis des milliers d’années ces routes tracées par la nature[75] ; l’échange des marchandises n’a-t-il pas eu pour conséquence un commerce intellectuel ? Nous ne pouvons que soulever des questions ; pour réponse nous avons à peine quelques probabilités résultant des relations commerciales qui eurent lieu des la plus haute antiquité entre l’Orient et l’Occident. La nature elle-même a préparé les communications de l’Inde et du monde occidental en dotant une partie de ces pays de productions dont l’autre est privée et qui lui sont cependant indispensables. L’Inde produit seule ces épices si recherchées, la cannelle et le poivre, qui servent au luxe dans les climats froids, mais qui sont des objets de première nécessité sous le ciel à la fois brûlant et humide des pays méridionaux. L’Arabie est la patrie de d’encens et de la myrrhe ces baumes odorants sont aussi nécessaires pour entretenir la pureté de l’air que les épices pour conserver la santé ; la religion en consacrant l’usage des parfums dans les temples en rehausse encore la valeur. L’Afrique orientale fournissait l’or qui servait au luxe et à l’échange. La barrière que les mers paraissent élever entre ces contrées, n’est qu’apparente ; des vents réguliers guident les vaisseaux à travers le vaste Océan presque sans le secours de l’art[76]. Ne soyons donc pas étonnés de rencontrer les produits indiens dans l’Occident dès les temps les plus reculés. Il est déjà fait mention des épices de l’Inde dans les livres de Moïse ; les parfums les plus variés étaient employés pour préparer l’huile sacrée[77]. Aussi loin que remonte notre connaissance de l’Égypte, nous trouvons les marchandises des pays méridionaux[78] : l’âge des momies égyptiennes enveloppées de coton atteste l’antiquité des relations entre l’Inde et l’Égypte[79]. Un autre témoignage tout aussi positif, prouve l’existence de liaisons antiques entre l’Orient et l’Occident. Les noms qui désignent dans les langues occidentales les marchandises de l’Orient, appartiennent au sanscrit, même dans les pays dont les habitants ne sont pas liés avec les Ariens par une communauté d’origine et de langage[80]. L’étude comparée des langues a fourni de nos jours une solution probable un problème historique qui partage les savants depuis des siècles. Rien de plus célèbre dans l’histoire du commerce que les voyages des Phéniciens et des Juifs à Ophir. Quel est ce mystérieux pays, but d’une expédition qui durait trois ans ? D’après les derniers travaux des orientalistes, il parait que l’Inde était le terme de la navigation juive et phénicienne[81]. L’existence, de cet antique commerce donne des probabilités nouvelles sur les rapports de l’Orient et de l’Occident. Les voyages dont parle la Bible, et qui eurent lieu mille ans avant l’ère chrétienne, ne furent pas les premiers que les Phéniciens eussent faits sur les côtes de l’Inde. C’est l’occupation de deux ports situés sur le golfe arabique qui fit momentanément un peuple commerçant des Hébreux ; avant cette conquête, les Phéniciens étaient sans doute en rapport avec les maîtres d’Eliath et d’Eziongeber : originaires de la péninsule arabique, ils conservèrent naturellement des relations avec leur patrie. Mais si nous devons admettre que les voyages des Phéniciens à Ophir sont antérieurs à Salomon, aucun témoignage ne nous autorise à leur attribuer la conception de cette entreprise. Il est plus probable que les riverains des côtes de l’Arabie, ou de l’Inde s’aventurèrent les premiers sur les mers qui séparent les deux pays. La nature elle-même les y invitait ; pendant la moitié de l’année les moussons soufflent régulièrement dans la direction de l’Arabie, et pendant l’autre moitié ils ramènent le navigateur de l’Arabie dans l’Inde. On ne peut supposer que ces vents soient restés inconnu à des peuples qui avaient leur demeure sur les côtes mêmes où ils règnent, et où ils produisent une véritable révolution atmosphérique, accompagnée des phénomènes les plus imposants[82]. Est-ce aux Arabes ou aux Indiens qu’il faut faire honneur de la découverte des moussons ? La tradition penche en faveur des Indiens[83]. Quelques rares, faits viennent la confirmer. Il se trouve à l’entrée du golfe arabique une lie qui par sa position est destinée à servir d’intermédiaire entre l’Inde, l’Arabie et l’Afrique : les Grecs l’appelaient Dioscoride ; les orientalistes ont prouvé que ce nom est sanscrit[84]. Cette étymologie jette une vive lumière sur l’histoire de la navigation. Elle n’atteste pas seulement la présence des Indiens dans le golfe arabique : ils n’ont pu donner un nom sanscrit à une ale arabe que parce qu’ils s’y étaient établis, soit comme conquérants, soit comme colons ; les Arabes n’auraient pas souffert l’occupation d’une position aussi avantageuse pour le commerce, si dès lors ils avaient été navigateurs. L’établissement des Indiens dans le golfe arabique étant constant, on peut conjecturer que leur navigation s’étendait jusqu’en Afrique ; car les moussons les portaient sur ses côtes plus facilement que dans l’île de Dioscoride. A l’appui de cette hypothèse nous citerons les écrivains arabes qui qualifient une ville située sur la côte de Malabar, d’indienne ; c’est cette même Sofâla ou Sefareh que plusieurs savants ont prise pour l’Ophir de la Bible. D’autres conjectures viennent à l’appui de celle-ci. On a remarqué que beaucoup de noms de l’île de Madagascar appartiennent à la langue sanscrite ; la constitution physique, l’organisation sociale semblent également rappeler une origine indienne. Des colons indiens ont peuplé les îles de l’Océan qui baigne l’Asie ; il n’est pas impossible qu’ils se soient établis sur les côtes africaines. Les Abyssins s’appelaient eux-mêmes Indiens[85] ; la célèbre division des Éthiopiens déjà mentionnée par Homère, parait se rattacher à des relations entre l’Afrique et l’Inde[86]. Un fait d’une haute importance résulte de ces recherches : des communications ont existé dès les temps les plus anciens entre l’Inde et l’Occident. Ces rapports ont-ils été exclusivement commerciaux, ou ont-ils réagi sur les idées ? Les systèmes les plus contradictoires ont prévalu tour à tour sur cette importante question ; les travaux des savants n’ont encore abouti à aucun résultat certain : Nous ne pouvons qu’exposer l’histoire des variations de la science ; les progrès considérables déjà accomplis dans l’étude de l’Orient, légitiment l’espoir qu’un jour la lumière éclairera l’obscurité des origines intellectuelles des peuples. N° 4. — L’Inde et la Grèce.L’opinion que la Grèce procède de l’Orient remonte à l’antiquité ; non seulement on rapportait les germes de la civilisation hellénique à des colonies venues de l’Egypte et de l’Asie, on rattachait plus spécialement la philosophie grecque à la sagesse orientale ; plusieurs des philosophes les plus célèbres, disait-on, Pythagore, Démocrite, avaient visité les mages et les brâhmanes[87]. La croyance des anciens parut recevoir une confirmation éclatante par la découverte de la littérature sanscrite. La langue grecque ayant ses racines dans le langage harmonieux des Indiens, il était naturel de chercher également dans l’Inde la source du développement philosophique, littéraire et religieux des hellènes. Ces premiers essais de la science orientale offrent un spectacle intéressant à la fois et triste. C’était une époque d’enthousiasme et de foi. Mais bientôt le résultat des recherches sur la parenté de l’Europe et de l’Inde fut contesté ; à la place de la vérité absolue qu’on croyait posséder, il ne reste que doute et incertitude. Un des premiers savants qui à la fin du dernier siècle se livrèrent avec passion à l’étude du sanscrit, M. Jones s’occupa des rapports entre la Grèce et l’Inde. La parenté de la philosophie grecque et des doctrines indiennes lui parut évidente : Les six systèmes dont les principaux sont expliqués dans le Dersana Sastra comprennent toute la métaphysique de l’ancienne Académie, du Lycée et des autres écoles philosophiques. On ne peut, lire le Védanta et les beaux commentaires qui y sont ajoutés sans croire que Pythagore et Platon doivent leurs sublimes préceptes aux mêmes enseignements que les sages de l’Inde[88]. Les analogies qui existent entre la théologie de Pythagore et les spéculations des Indiens frappèrent surtout les Orientalistes ; ces rapports, dit un savant français, sont si intimes, qu’on doit supposer que le philosophe grec a puisé ses croyances à une source indienne[89]. Chézy ajoute que le système de Pyrrhon lui semble avoir la même origine. La tradition le fait voyager dans l’Orient à la suite d’Alexandre ; n’aurait-il pas emprunté aux brahmanes la doctrine d’après laquelle tout est illusion ? La vie du sceptique grec, son indifférence absolue rappelle l’existence contemplative des ascètes de l’Inde. — Le philosophe citait sans cessé les vers d’Homère qui compare les races humaines aux feuilles des arbres que, l’automne emporte ; les gymnosophistes aimaient à comparer la brièveté de la vie humaine à une goutte de rosée qui brille un instant à la feuille tremblante du lotus et disparaît[90]. Dans le domaine de la religion, les ressemblances entre l’Inde et la Grèce paraissent plies nombreuses encore et plus frappantes. Jones a écrit une dissertation spéciale sur les dieux de la Grèce, de l’Italie et de l’Inde[91]. Une rapide analyse montrera ce qu’il y a d’exagéré dans ce système de comparaison ; mais si les déductions du savant orientaliste font parfois sourire, elles laissent cependant, la conviction d’une parenté réelle des mythes grecs et indiens. Jones commence ses études de religions comparées par les dieux les plus anciens de l’Olympe gréco-romain. Saturne est identique avec Noë, et Noë est le Manou de l’Inde[92]. L’auteur anglais rapporte à l’appui de cette comparaison un extrait du Bhâgavata sur le déluge ; la doctrine des quatre âges de l’humanité qui se rattache au règne de Saturne, existe également chez les Indiens. Le dieu Ganésa est le Janus des Latins ; Ganésa garde les portes du ciel, s’appuyant sur un oreiller parsemé d’étoiles, il tourne ses deux faces vers le solstice et dirige ses quatre bras vers les quatre points de l’horizon. Jupiter, comme personnification du firmament, est le même qu’Indra ; les qualités attribuées au dieu indien sont presque toutes reproduites dans les épithètes que les poètes donnent à Jupiter[93]. Mais où retrouver en Grèce la Triade de Vishnou, Siva et Brahmâ ? C’est Jupiter qui résume en lui la Trinité, il est créateur, protecteur ou conservateur et destructeur. Neptune et Mahadéva sont évidemment les mêmes divinités ; le trident, la musique des Tritons, rien ne manque : au dieu des mers de l’Inde. Yama, le souverain des enfers, porte comme Pluton, une fourche dans sa main droite ; dans la gauche il a un miroir où se répètent les œuvres de toutes les créatures. Mais l’enfer des Indiens est plus terrible que celui de la Grèce ; on y voit des âmes damnées dans des chaudières ou sur des charbons ardents. Câli[94], l’Hécaté des Grecs, se plait aux sacrifices humains. Hâtons-nous de passer à des mythes plus riants. La naissance de Crichna[95], ses amours avec lez bergères, sa lutte contre le grand serpent Calinouya rappellent l’Apollon des Grecs. Comme Dieu du soleil, Apollon a son pendant dans Sourya : les poètes décrivent son char de feu, attelé de sept coursiers verts ; l’Apollon indien a donné le jour à des jumeaux, comme le dieu hellénique Castor et Pollux ont la même mission dans les deux mythologies. Narad est le Mercure des Grecs ; il est législateur, inventeur des arts et en même temps le messager des Immortels. Les Indiens ont aussi leur Vulcain qui fabrique des armes pour les dieux, dans leurs guerres contre les Titans (les Daityas). Il est difficile de rencontrer un Bacchus chez un peuple a qui l’usage des liqueurs spiritueuses est défendu ; cependant en cherchant bien, l’écrivain anglais trouve une déesse du vin. Considéré comme héros, le Dionysos des Grecs est évidemment d’origine indienne : c’est le divin Râma ; l’expédition de Bacchus dans l’Inde est un souvenir de l’origine orientale du dieu. Râma est aussi un grand conquérant ; dans la guerre de Lânka, il fut secouru par Hanouman, roi des singes, fils de Pavana, roi des vents, qu’il traîne à sa suite ; Pavama est identique avec Pan, roi des satyres, qui suivent le char triomphal de Bacchus. Les conquêtes de Râma inspirèrent les poètes, on les représentait dans les drames ; les fêtes de Bacchus furent le berceau du théâtre grec. Les déesses de la Grèce ont des sœurs sur les bords du Gange. L’épouse de Siva réunit en elle trois attributs. Comme Pârvâti, elle ressemble à Junon ; le paon, l’oiseau chéri de la fière épouse de Jupiter, à son représentant auprès de la déesse indienne. Comme Dourgâ, c’est la Minerve des Grecs, l’idéal de la valeur unie à la sagesse. Comme Bhavani, elle rappelle la Vénus Céleste. Vénus, la déesse des plaisirs, ne pouvait manquer chez un peuple dont les tendances sont partagées entre un mysticisme démesuré et un matérialisme énervant. Les Apsaras[96] sont au service des dieux qui les emploient pour séduire les sages, lorsque ceux-ci par la force de leurs pénitences ébranlent la puissance des immortels. Cama Déva est le digue frère de Cupidon par sa grâce et sa malice ; enfant aimable, il a pour compagnons le printemps et les zéphyrs ; ses armes sont un arc de canne à sucre, son carquois contient cinq traits[97] aigus, armés de fleurs aromatiques : ces armes frappent avec la rapidité de l’éclair et allument des passions irrésistibles[98]. Cérès est la Lakchmi de l’Inde[99] ; la déesse indienne préside n l’agriculture, elle enseigne à semer ; l’un de ses noms, Sri ou Sris, parait être la racine du nom qu’elle porte chez les Romains. Les Muses devaient avoir un culte chez un peuple qui brilla comme les Grecs, par les dons de l’imagination. Il n’y a qu’une déesse que Jones ne retrouve pas dans l’Inde, c’est Diane : les violentes émotions de la chasse s’harmonisent avec le génie actif des races européennes, elles se concilient peu avec le goût du peuple sanscrit pour l’inaction. En présence de tant d’analogies dans la religion, la philosophie, les langues, qui aurait pu conserver un doute sur la parenté des deux civilisations ? Le système de Jones fut accepté par les savants comme une vérité incontestable. L’Anglais Maurice lui donna de nouveaux développements ; il chercha à prouver que les mystères de la Grèce ont leur origine dans l’Inde[100]. Jones ne s’était pas expliqué positivement sur la manière dont les doctrines indiennes M’aient été transmises aux Grecs ; dans le système de Maurice ils furent initiés à la théologie indienne par l’intermédiaire de l’Egypte[101] : l’influence directe exercée par des colonies parties de l’Inde sur l’Asie occidentale, la Grèce et l’Europe, forme l’idée dominance d’un ouvrage ingénieux mais paradoxal de Ritter[102]. Un littérateur célèbre, Schlegel, exalta la sagesse des brâhmanes[103]. Il y eut dans le monde savant une véritable indomanie[104]. Le système des orientalistes qui cherchaient dans le brahmanisme la source et le type de la civilisation grecque, tendait à faire de la Grèce la reproduction de l’Inde : il souleva une violente réaction parmi le grand nombre de savants nourris d’études classiques. Ils repoussèrent les prétentions des Indianistes avec plus de dédain encore que le dix-huitième siècle n’en avait mis à rejeter celles des hébraïsants. C’est surtout, dans le domaine de la pensée qu’ils revendiquèrent l’originalité pour les Hellènes. Les Grecs, dit-on étaient peu disposés à aller chercher la science chez les autres peuples : l’orgueil de leur autochtonie, leurs préjugés, la conscience de leur supériorité les éloignaient des Barbares, et ne leur laissaient pas même soupçonner qu’il y eût une sagesse étrangère dont ils pussent profiter. Ceux qui admettent dans ces temps reculés un échange d’idées avec le lointain Orient, se font illusion sur la nature des rapports qui existaient entre les nations de l’antiquité : les relations étaient rares, et l’ignorance des langues rendait pour ainsi dire tout commerce intellectuel impossible. Comment les doctrines de l’Inde, qui sont encore un mystère pour l’Europe moderne, auraient-elles été connues de la Grèce ancienne, qui ignorait jusqu’à l’existence de la littérature sanscrite ? Rien de si difficile que l’enseignement des idées, rien de si rare que leur transmission d’homme à homme, de peuple à peuple. D’ailleurs la science grecque en elle-même diffère essentiellement de la science indienne. Celle-ci, quoique distincte de. la foi et des mythes, y est toujours relative : chez les Hellènes, la philosophie, absolument indépendante, produisit ce développement si varié qui fait de son histoire, une histoire de l’esprit humain, parcourant librement ses phases et se rendant toujours compte de lui-même[105] La Grèce ne doit donc rien à l’Inde : Les spéculations des brâhmanes sont aussi étrangères à celles des philosophes grecs, que le Gange est distinct de l’Eurotas, que l’Himalaya l’est de l’Inde[106]. Quelle conclusion tirer de ces opinions contradictoires ? Écartons d’abord les exagérations qu’on pourrait qualifier d’indomanie. Ce qui excuse les écrivains modernes, c’est que les anciens en ont donné l’exemple. On supposait je ne sais quelles communications entre Socrate et un voyageur indien ; Aristote, disait-on, emprunta sa logique à un philosophe de l’Inde[107]. Renvoyons ces fables à celles que de pieux savants ont imaginées pour expliquer les rapports entre là morale des philosophes anciens et celle du christianisme. Mais si nous n’admettons pas que la Grec soit la copie de l’Inde, il y a cependant des analogies incontestables dans les idées religieuses et philosophiques. Dans le domaine de la mythologie, le langage même des deux peuples conserve des traces d’une origine commune. L’une des divinités principales et primitives des Grecs est le Ciel : l’Ousranos répond exactement au Varuna des Indiens[108]. L’aurore était adorée dans l’Inde sous le nom d’Ushas : le nom et le culte se retrouvent chez les Hellènes[109]. Nous empruntons ces détails, que nous pourrions multiplier[110], à un orientaliste dont le témoignage n’est pas suspect : Lassen, tout en constatant la ressemblance des mythes indiens et grecs, ne croit pas à une influence des brâhmanes sur la philosophie. Si l’on applique une critique rigoureuse aux rapports philosophiques de l’Inde et de la Grèce, il est difficile de les admettre. Mais dans l’obscurité qui couvre la filiation et la parenté des idées, ne faut-il pas attacher quelque importance aux traditions ? Les anciens mettaient les philosophes les plus célèbres en relation avec l’Orient. Ces voyages n’étaient pas impossibles, puisque les commerçants fréquentaient l’Inde. Mais il n’est pas nécessaire d’admettre une communication directe entre les brâhmanes et les philosophes grecs, pour expliquer l’influence de l’Orient sur la Grèce. Thalès était d’origine phénicienne ; Oriental lui-même il a pu être initié soit en Égypte, comme le disent Plutarque et Jamblique, soit en Asie à la sagesse renommée de l’Orient. Les voyages de Pythagore chez les Syriens, les Babyloniens, les Perses, les Indiens, les Thraces et les Druides des Gaules sont en partie fabuleux, comme tous les détails qui nous sont parvenus sur la vie de cet illustre personnage ; nous aimerions à y voir un symbole du lien qui unit les divers membres de l’humanité et les doctrines de ses sages. Mais si tout n’est pas vrai dans les récits que les savants d’Alexandrie nous ont transmis sur Pythagore, ce n’est pas une raison pour rejeter tout comme faux. Les Alexandrins étaient entourés des trésors de l’antiquité, des monuments de tous les peuples, de tous les tiges, recueillis par les soins des Ptolémées ; ils vivaient au milieu des témoins dû passé c peut-on leur refuser toute créance[111] ? Les dogmes de Pythagore, la métempsycose, l’esprit religieux de sa philosophie, l’organisation et les tendances des sociétés auxquelles il donna son nom, rappellent l’Inde avec son mysticisme, sa doctrine de la transmigration des âmes et ses ascètes. Nous ne voulons pas transformer Platon en prêtre oriental ; mais en rejetant avec dédain la tradition qui le met en rapport avec l’Orient, on tombe dans un autre extrême : on isole entièrement le philosophe athénien du mouvement antérieur de l’humanité. Platon procède en partie de Pythagore[112] ; si le sage de Santos est initié à la science orientale, Platon s’y rattache également : ce n’est pas diminuer sa gloire que d’en faire le représentant suprême de la philosophie qui l’a précédé, et l’initiateur du monde occidental[113]. Ainsi, la République de Platon est à la fois une réminiscence du passé et un élan vers l’avenir. La distribution de ses citoyens en classes rappelle les castes ; il y a quelques traits de ressemblance entre les philosophes qui gouvernent sa cité idéale et les corps sacerdotaux qui dirigent les destinées des peuples théocratiques[114]. Mais, Il y a en même temps dans le disciple de Socrate une aspiration vers l’égalité, un sentiment d’amour qui l’élève bien au-dessus de l’égoïsme brahmanique. Un historien allemand dit qu’une ressemblance générale entre les spéculations philosophiques des Grecs et des Indiens ne suffit pas pour établir la parenté des deux civilisations : l’esprit humain, le même en Grèce et sur les bords du Gange, peut être conduit à des conceptions semblables[115]. Mais ces analogies, rapprochées des traditions qui admettent des relations entre l’Orient et la Grèce, ne font-elles pas naître au moins des probabilités en faveur d’un commerce intellectuel des deux mondes ? Si une critique sévère peut contester les rapports de la Grèce ancienne avec l’Inde, si l’influence du brahmanisme sur Pythagore et Platon est douteuse, l’action de l’orient sur la philosophie grecque devient certaine dans les derniers siècles de l’antiquité. Les conquêtes d’Alexandre brisèrent les barrières qui séparaient la Grèce de l’Inde ; les croyances orientales firent invasion dans le monde européen[116]. Le polythéisme ne satisfaisait plus au besoin de croire que l’homme peut renier parfois, mais qui éclate ensuite avec d’autant plus d’énergie. Il fallait pour nourrir le sentiment religieux quelque chose de plus intime que des systèmes de métaphysique ; la philosophie grecque essaya de répondre à ces exigences, elle se fit religion. Cette philosophie religieuse s’empreignit de l’esprit oriental. Les temps étaient venus où les conceptions philosophiques et les dogmes religieux de l’Occident et de l’Orient devaient se combiner, se modifier réciproquement, pour préparer l’humanité au baptême d’une religion nouvelle. § 4. — Géographie. La race, arienne a civilisé l’Inde et les îles de l’Archipel ; plus tard elle a porté des germes d’humanité et de culture chez les hordes de l’Asie centrale ; elle a eu la puissance de vaincre l’orgueilleux isolement de la Chine et d’implanter ses dogmes dans l’Empire du Milieu ; on lui attribue la gloire d’avoir inspiré les philosophes de la Grèce. Ce peuple qui a tant donné n’aurait-il rien reçu ? Quelle influence un commerce séculaire avec les autres nations a-t-il exercé sur les riverains du Gange ? Sur ce point des relations internationales de l’Inde, nos connaissances sont plus défectueuses encore que sur le rôle de ses habitants comme peuple civilisateur. L’Inde parait tout à fait passive dans ses communications avec l’humanité ; les plus grands conquérants l’ont visitée, et y ont à peine laissé un souvenir de leur passage ; elle a fini par subir le joug de l’étranger, mais ses institutions, ses croyances restent encore debout. Conclurons-nous de lia que la civilisation de l’Inde est autochtone et immobile ? Ce serait ériger notre ignorance en théorie. Un homme ne peut avoir commerce avec un homme sans qu’ils se modifient réciproquement. Si les Indiens ont agi sur le monde, par cela seul il est prouvé que le monde a agi sur eux. Cependant un fait est certain, c’est que le mouvement d’expansion qui dans l’époque héroïque entraîna les Ariens sur les mers, s’arrêta. L’Inde ne cessa pas d’être fréquentée par, les autres peuples, parce qu’elle les attirait par la richesse de ses produits ; mais au moment où elle parait dans l’histoire, ce ne sont plus les Indiens, mais les Phéniciens, les Arabes, les Grecs d’Alexandrie qui servent d’intermédiaires aux relations commerciales[117]. Le brahmanisme éloignait les riverains du Gange de tout contact avec les populations impures, il ne leur prêchait pas le travail et l’activité, mais l’inaction et la rêverie ; ils se laissèrent visiter par les étrangers, mais ils ne quittèrent pas leur sol sacré, et ils ne s’inquiétèrent pas de ce qui se passait au-delà. Rien ne prouve mieux combien les Indiens étaient indifférents au monde, que leurs idées sur ce monde. Il y a une vérité d’instinct dans le système cosmogonique des Indiens, c’est celle de l’infini ; ils comptent les univers par myriades de myriades ; la création est immense, innombrable, indicible[118]. Mais quand on abandonne le domaine de la cosmogonie pour la géographie de notre globe, on ne trouve plus chez les Indiens aucune notion réelle. Dans la conception mythique, la Terre est une surface arrondie reposant sur une tortue ou sur quatre éléphants. Plus tard les brâhmanes reconnurent que le monde n’est pas porté par quelque chose d’extérieur, mais qu’il se soutient par sa propre force. Mais la description que les Pourânas font de la terre ressemble plus au rêve d’un poète qu’à un système scientifique. Elle est représentée sous la forme d’une fleur de lotus qui surnage à la face de l’Océan. Du centre s’élève le pistil, type de la plus grande élévation de l’écorce terrestre, le Mérou, le Mont Sacré. Autour de lui se pressent les organes de la fécondation, les filaments, les anthères, les nectaires, comme les crêtes des montagnes et les pics principaux des chaînes d’où découlent les grands fleuves. Tout autour du mont Mérou se trouvent, comme les feuilles du lotus, sept îles baignées par l’Océan. Les livres sacrés les décrivent avec leurs montagnes, leurs rivières, leurs territoires ; ils donnent même la mesure, l’étendue, la situation de chacune d’elles. Mais toute cette géographie est imaginaire ; une seule des sept îles a une existence réelle, c’est l’Inde, et même sur le pays qu’ils habitent, les écrivains indiens donnent des renseignements tellement vagues, qu’ils ne pourraient faire la base d’une description exacte[119]. |
[1] Heeren, Inde, Sect. II (T. III, p. 377, trad.. fr.).
[2] Encore de nos jours un brâhmane qui avait accompagné le voyageur anglais Burnes fut traité à son retour comme un être impur, comme un paria (Staatslexikon, T. II, p. 696, note).
[3] Dubois, Mœurs, institutions et cérémonies des peuples de l’Inde, préface, p. 31.
[4] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 855. L’opposition entre la race pure et vénérable des Aryas et les Mlètchas d’origine impure, et parlant un langage barbare, se trouve déjà dans les Védas (Nève, Études sur les Hymnes du Rig-Véda, p. 88, 89).
[5] Le mot Mlétcha finit par désigner ceux qui méprisent la sainte loi (Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 5).
[6] Von Bohlen, Das alte Indien, T. II, p. 34.
[7] Fragments du poème du Bharatea, dans Lassen, Pentapotamia indicas, p. 73.
[8] Fragments de Bharatea, ibid.
[9] Le tableau que le Bharatea trace de la vie physique des Barbares respire une indignation qui paraît presque comique ; mais c’est une vive expression de l’antipathie que notre manière de vivre excite chez les Indiens. Nous citons la traduction de Lassen : E vasis ligneis et fictilibus, escis impuris perunctis, carnium lambitu fœdatis, cibos sumunt impudentes ; lacte ovillo, camelino, asinino, escisque quas inde præparant, fruuntur Bâhîri, carne caprina, bubula, asinina, camelina qui vescuntur, horum natales prorsus sunt inanes.
[10] Lois de Manou, XII, 43.
[11] Omnibus cibis et potibus sibi indulgentes, colluvie ordinum liberos sibi procreantes,... ab homine prudenti, sunt evitandi. Fragments de Bhararea, p. 73.
[12] Leop. Sebastiani, Storia dell’ Indostan, p. 80 : Gl’ Indiani, benché miti e mansuoti, sono resi nella maggior parte delle ordinarie azioni della vita, piu insociabili degli nomini. Occupati ad ogni momento da religiose cerimonie e sempre col timore di divenire impuri, appariscono disprevegoli a quegli stranieri, ch’ essi evitano come profani ed immonde.
[13] Les témoignages abondent pour prouver la force et l’étendue de cette séparation religieuse entre l’Indien et l’étranger. Les idolâtres, dit Tavernier, (Voyage des Indes, Liv. I, ch. 16), ne permettent pas aux Européens de toucher seulement les parois de leurs maisons, de peur d’être obligés de les abattre.
Les Indiens à bord d’un navire anglais ayant consommé toute l’eau qui était destinée à leur usage particulier, refusèrent obstinément d’en prendre de la provision générale ; ils se seraient plutôt laissés mourir de soif, dit l’historien à qui nous empruntons ce fait (Leopardi, p. 36).
Les disciples de Râmânoudja font leur cuisine eux-mêmes, et si, pendant la préparation, les mets viennent à fixer l’attention d’un étranger, ils les jettent à terre, et s’interrompent à l’instant. (Rémusat, Mélanges posthumes d’histoire et de littérature orientales, p. 145). Un officier, dit Warren (L’Inde anglaise en 1844 ch. 27), que l’on volait, dit de faire toucher la vaisselle que l’on employait à sa table par le balayeur (de la classe la plus abjecte des parias). Le serviteur répondit : Le maître n’a qu’à toucher, cela suffit, personne n’en voudra plus.
[14] Nous citerons quelques traits de cette aversion : Les Indiens, dit Lacroze (Histoire du Christianisme des Indes, liv. VI, T. II, p. 299), fuient avec un soin extrême l’attouchement des Européens et pour rien au monde ils ne voudraient manger aucune chose qui eût passé par leurs mains. Ils ont même en horreur celles que des étrangers auraient regardées, auxquels ils défendent à cause de cela l’entrée de leurs maisons, et l’attouchement des vases dont ils se servent pour boire et pour préparer leur nourriture ; il arrive qu’un Europe les touche, ils les cassent aussitôt. Ils évitent avec le même soin de voir marger des étrangers ; leurs superstitions sont sans nombre sur ce sujet.
D’après Sonnerat (Voyage aux Indes, T. I, p. 102), les Européens sont tout ce que les Indiens connaissent de plus méprisable ; ils les détestent plus que les parias. — Rien ne peut les familiariser avec les usages des Européens ; leur haine en vivant parmi eux ne fait qu’augmenter ; ils ont une horreur invincible pour tout ce qui se ressent des mœurs de l’Europe (ibid., T. II, p. 6). — Comparez Lettres Édifiantes, T. II, p. 599, édit. du Panthéon.
[15] Diodore, II, 42. — Strabon, XV, p. 487, éd Casaubon. — Philostrate, Vit. Apollonius, II, 11.
[16] Bhâgavata Purâna, VI, 7, 29, 30.
[17] Dans le drame de Sacontala, un ascète exige l’hospitalité comme un droit ; une simple négligence à accomplir ce devoir sacré, attire de sa part la plus sévère malédiction sur Sacontala (Sacontala, acte IV, scène 1).
[18] Hitopadésa, I, 4, 101.
[19] Lois de Manou, IV, 19.
[20] Lois de Manou, III, 101. Comparez Hitopadésa, I, 4, 53.
[21] Lois de Manou, IV, 179, 180. Comparez sur les devoirs de l’hospitalité, Lois de Manou, III, 94, 99, 105, 116.
[22] Un hôte qui sort d’une maison, avec une espérance déçue, laisse au maître l’héritage de ses péchés, et il emporte les vertus de celui qui a manqué au devoir de l’hospitalité (Hitopadésa, I, 4, 56).
Le maître de maison qui souvent à la vue d’un hôte éprouve des accès de colère, et le reçoit avec des regards mécontents comme s’il voulait le consumer, voit dans l’Enfer des vautours, des hérons, des corbeaux et des grues venir lui arracher de force ces yeux qui n’avaient que des regards cruels (Bhâgavata Purâna, V, 20, 85).
[23] Théâtre indien de Wilson, T. I, p. 14, trad. fr.
[24] Lois de Manou, III, 107 et suiv.
[25] Pour recommander ce devoir envers les classes inférieures, les livres sacrés dépouillent en quelque sorte le çùdra de l’enveloppe de sa caste, et ne voient plus en lui que l’étranger égal à tous les dieux. Hitopadésa, I, 4, 57.
[26] Lois de Manou, III, 112.
[27] Lois de Manou, III, 116.
[28] L’Inde proprement dite a une étendue de 65.000 milles géographiques carrés ; la population actuelle est de plus de 140 millions, elle était probablement plus forte dans l’antiquité : l’Inde surpasse sous ce rapport deux continents, l’Afrique et l’Amérique (Lassen, Indische Alterthumskunde, T. I, p. 77, 359).
[29] G. Schlegel, De l’origine des Hindous, chap. VI : Sauvages indigènes de l’Inde (Essais historiques, p. 471 et suiv.).
[30] Lassen, Ind. Alt., I, 363-365, 375-377, 388-390.
[31] Hérodote représente les tribus indiennes vivant les unes des poissons crus, comme les sauvages de l’Océanie ; les autres se nourrissant de chair humaine, et tuant leurs plus proches parents, dès qu’ils sont malades, de peur que la maladie ne les fasse maigrir, et que leur chair n’en devienne moins bonne ; tous s’accouplant publiquement comme les bêtes (Hérodote, III, 98, 89, 101).
Pline parle d’après Mégasthène (H. N., VII, 2, 15. Cf. Solin. 52) d’une race d’homme à tête de chien, couverts de peaux de bêtes, aboyant au lieu de parler et armée de griffes, se nourrissant du produit de sa chasse sur les quadrupèdes et les oiseaux.
Le Mahâbhârata (X, 452-451) donne les mêmes détails sur les peuples sauvages qui occupaient l’Inde lors de l’immigration arienne.
[32] Lois de Manou, VI, 2 : Lorsque le chef de famille voit sa peau se rider et ses cheveux blanchir, et qu’il a sous ses yeux le fils de son fils, qu’il se retire dans une forêt.
[33] Ueberlegenheit in Erkenntniss und in Gottinnigkeit giebt überall dem Menschen die Obmacht über den Menschen. Krause, Philosophie der Geschichte, p. 332.
[34] Nous empruntons cette esquisse de l’occupation de l’Inde par la race arienne à Lassen, Ind. Alt., p. 449, 535, 537, 579-585.
[35] Il y a encore aujourd’hui une peuplade primitive, dans un état sauvage, près des rives du Gange, au centre de l’Inde (G. Schlegel, De l’origine des Hindous, p. 475).
[36] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 383-385, 189, 190, 363, 364, 379, 359, 156, 66, 70, 162, 163, 185.
[37] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 76, 77, 74, 192.
[38] C’est l’avarice qui pousse les hommes à pratiquer la mer, car elle prend mille formes, la soif des richesses (Passage cité par Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 854, note 9).
La pratique du commerce, dit le Rhâgavata Purâna (V, 14, 37) ne fait que développer les haines mutuelles.
[39] Voyez plus bas, Livre de l’Égypte, ch. III, § I, n° 2.
[40] Voyez plus bas, Livre de la Perse, ch. III, § 2.
[41] Le Gange (Râmâyana, I, 44, éd. Schlegel). D’après un autre mythe, la déesse du Gange épousa Santangu, incarnation du dieu de la mer.
[42] Lois de Manou, VIII, 157. Les Purânas défendent de passer l’Indus et de pratiquer la mer ; mais il paraît que cette prohibition n’est pas ancienne, et qu’elle n’a jamais été observée dans toute sa rigueur (Von Bohlen, Das alte Indien, T. II, p. 116. et suiv.)
[43] Nâvas-naû, de là les termes grecs et latins ναΰς et navis.
[44] Le Rig-Véda emploie déjà le mot banidj, marchand, banquier, dans le sens du sanscrit usuel. Néve, Études sur les hymnes du Rig-Véda, p. 89-90. — Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 577.
[45] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 854, note 3.
[46] Von Bohlen, Das alte Indien, T. II, p. 140. Comparez Râmâyana, II, 61 (T. III, p. 287, éd. de Serampore).
[47] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 18.
[48] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 848.
[49] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 853.
[50] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 852 et note 4.
[51] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 75.
[52] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 193.
[53] Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 752 et suiv., 850 et suiv.
[54] Heeren, Inde, Sect. II, (T. III, p. 414-431 de la trad. fr.).
[55] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 193.
[56] Le Mahâbhârata rapporte la conquête au divin Râma. Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 198, 199.
[57] Heeren, De Græcia Indis cognita (Commentar. Soc. Gœtting, T. X, p. 145-148, et Appendice IV du Tome V des Idées). — Lassen, T. I, p. 191, 192, 194.
[58] Sur l’établissement des Indiens à Java, voyez Raffles, History of Java, T. I, p. 71.
[59] Raffles, History of Java, T. II, p. 76.
[60] Le kawi, la langue savante de Java, a neuf mots d’origine sanscrite sur dix. La littérature javanaise est en grande partie l’imitation de celle de l’Inde. Raffles a analysé plusieurs de ces compositions, entre autres un poème épique emprunté au Mahâbhârata. Un orientaliste français, Dulaurier, qui a fait une étude spéciale des littératures de l’Archipel d’Asie, en a traduit quelques fragments (Revue des deux Mondes, 1841, T. III, p. 79, et suiv.). Les bas-reliefs des temples dont les ruines couvrent le sol javanais sont également une reproduction de l’art indien.
[61] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 75.
[62] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 847. — Von Bohlen, Das alte Indien, T. I, 28-32.
[63] Dulaurier, dans la Revue des deux Mondes, 1841, T. III, p. 75.
[64] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 198, 199.
[65] Von Bohlen, Das alte Indien, T. I, p. 82.
[66] Schlegel, De l’origine des Hindous (Essais littéraires et historiques, p. 459, et suiv.).
[67] Diodore, II, 88, 89.
[68] Von Bohlen, Das alte Indien, T. I, p. 148.
[69] Strabon, XV, p, 472, éd. Casaubon. — Arrien, Ind., c. 8.
[70] Les conquêtes de Sésostris, après avoir été niées par les savants les plus éminents, ont reçu une confirmation inattendue par les monuments égyptiens ; cependant on n’a pas découvert jusqu’ici de trace d’une expédition indienne (Voyez Égypte, chap. II, § 2).
[71] Hérodote, IV, 44.
[72] Nous devons cependant mentionner une tradition recueillie par Ammien Marcellin, (XXIII, 6), d’après laquelle le brahmanisme aurait modifié la religion des mages : Darius pénétrant les régions reculées de l’Inde, parvint jusqu’à de solitaires forêts, sanctuaire silencieux de la doctrine transcendante des brahmanes ; et quand il eut tiré de ses communications avec ces mages tout ce qu’il lui fut possible de recueillir de notions sur les lois primordiales à notre monde, sur les mouvements célestes et sur la théologie brahmanique, la plus pure de toutes, il s’appliqua de retour en Perse, d’inculquer ces idées aux mages, qui les ont transmues à la postérité.
[73] Lassen, De Pentapotamia, p. 27.
[74] Burnouf, Préface du Bhâgavata Purâna, p. 100.
[75] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 32.
[76] Heeren, Éthiopiens, ch. 3 (T. V, p. 179-181 de la trad. fr.).
[77] Exode, XXX, 23. — Comparez Job, XXVIII, 16 ; Ezéchiel, XXVII, 6, 15 ; Jérémie, VI, 20 ; Cantique des Cantiques, IV, 14.
[78] D’où tirait-elle ces épices et ces armes qui servaient à embaumer » tous les ans des milliers de morts ? D’où venaient ces encens qui brûlaient sur ses autels ? Où prenait-elle cette quantité inouïe de coton, dont se couvraient ses habitants, lorsque la nature l’avait cependant si peu dotée de cette production ? Heeren, Éthiopie, ch. 3 (T. V, p. 190). — Comparez Livre de l’Égypte, ch. III, § 1, n° 2.
[79] Le coton et l’indigo se trouvent dans les tombeaux de la 18e dynastie de Thèbes (1823 à 1478 avant Jésus-Christ). Dulaurier, dans le Journal Asiatique, 1846, T. VIII, p. 182.
[80] Le mot hébreu ou phénicien qui désigne le coton (karpas) est sanscrit (karpasa) ; de la langue phénicienne il passa dans les langues grecque et latine (Ritter, Asien, T. IV, Sect. I, p. 436. Larsen, Ind. Alt., T. I, p. 250, note 2). Le mot nard vient du sanscrit, il se trouve dans le Cantique des Cantiques (IV, 14, 14, Lassen, T. I, p, 289, note). Le mot sanscrit pipali, poivre, est passé dans le grec et de là dans toutes les langues de l’Europe (Ritter, Asien, IV, 1, p ; 439). Le nom que les Grecs donnaient à l’étain a sa source dans le sanscrit : κασσίτερος est le vieux mot indien, kastira ; on retrouve la même racine dans l’arabe kasdir (Lassen, T. I, p. 239 ; Humboldt, Cosmos, T. II, p. 436, note 29).
[81] Voyez la note sur le Voyage d’Ophir.
[82] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 211 et suiv. — Jansigny, l’Inde, p. 188 et suiv. — Heeren, Éthiopie, ch. 3 (T. V, p. 180, 187)
[83] Agatarchid. ap. Hudson, Géogr. Min., I, 86. Les premiers essais de navigation ont peut-être été faite dans l’Inde, dit Pardessus (Collection des Lois Maritimes, Introduction, p. 8, 10), on peut le conjecturer d’après d’anciens monuments de leur littérature.
[84] Von Bohlen, Das alte indien, T. II, p. 139. — Benfey, dans l’Encyclopédie d’Ersch, Sect. II, T. XVII, p. 90. — Une ville de l’Arabie Heureuse, dans le pays des Sabéens, un des peuples les plus anciennement civilisés, porte un nom sanscrit (Nagara, c’est à dire ville. Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 748).
[85] Voyez le livre de l’Egypte, ch. I, § 2.
[86] Nous avons suivi dans ces recherches : Benfey, dans l’Encyclopédie d’Ersch, II, 17, p. 27-32. — Comparez Von Bohlen, p. 134-141. — Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 748.
[87] Lucien, Les esclaves fugitifs, c 8, — Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 16, p. 305. — Diogène Laërte, Proœm.
[88] Asiat. Research., T. I (p. 14 de la trad. all.).
[89] Chézy, Journal Asiatique, IIe série, T. I, p. 3 et suiv.
[90] Comparez sur les rapports entre la philosophie grecque et les doctrines brahmaniques, Colebrooke, Transactions of the royal asiatic Society, T. I, p. XX, 574, 579. — Von Bohlen, Das alte Indien, T. I, p. 328-335.
[91] Asiat. Research., T. I. — Sonnerat (Voyage aux Indes Orientales, Livre II, T. I, p. 194 et suiv.) a déjà remarqué l’analogie qui existe entre les dieux de l’Inde et ceux de la Grèce. — Comparez Cantu, Histoire Universelle, T. I, p. 315 et suiv.
[92] Manou, fils de Brahmâ, est considéré comme le père du genre humain. C’est à lui, qu’on attribue le code qui porte le nom de Lois de Manou.
[93] Indra est le roi du ciel. On le représente la main droite armée du tonnerre, et la main gauche d’un arc. Il est souvent comme Jupiter, engagé dans des aventures galantes, dont il ne sort pas toujours avec honneur.
[94] Câli, femme de Siva, le dieu destructeur. On la représente sous des formes terribles. Elle a pour pendants d’oreilles deux cadavres, un collier de crânes, une ceinture formée de mains de géants, etc.
[95] Crichna est une incarnation de Vishnou, l’un des dieux de la Triade indienne. Il est quelquefois représenté avec une flûte à la bouche.
[96] Les Apsaras sont les nymphes du ciel d’Indra, elles sont, dit-on, au nombre de trente-cinq millions. Comme Vénus, elles sont sorties de l’eau. Le nom d’Aphrodite vient d’άφρός, écume ; celui d’Apsaras du mot ap, eau, et de sara, aller.
[97] Ces cinq traits répondent aux cinq sens.
[98] Chézy, dans le Journal Asiatique, Ire Série, T. I, p. 3 et suiv.
[99] Chézy (Ibid.) comparez la Lakchmi des Indiens à la mère des Grâces ; la déesse indienne est née de l’écume des mers, comme Vénus.
[100] Indian Antiquities, T. II, p. 417-160, 281-325.
[101] Maurice, ibid., p. 327-394.
[102] Ritter, Die Vorballe europaischer Völkergeschichte, 1830. Voyez notamment p. 307-316.
[103] F. Schlegel, Ueber die Sprache und Weisheit der Indier. Comparez plus bas, ch. IV, § 1.
[104] On rapporta même à l’Inde le droit de la Grèce, Bunsen (De jure hereditario Atheniensium, p. 112) dit qu’il serait plus facile d’expliquer le droit athénien par le Code de Manou que par la législation de Solon.
[105] Bitter, Geschichte der Philosophie alter Zeit, T. I, p. 167-171. — Renouvier, Manuel de philosophie ancienne, T. I, p. 5-7.
[106] Barthélemy Saint-Hilaire, Mémoire sur le Nyaya, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, T. III, p. 286.
Ces paroles du savant traducteur d’Aristote de s’appliquent qu’à la Logique aristotélicienne. Il admet que la Grèce a fait des emprunts considérables à l’Inde.
[107] Dictionnaire des Sciences Philosophiques, au mot Philosophie des Grecs, T. II, p. 589.
[108] Lassen, Ind. Alt., T. I, p. 758.
[109] ήως, dans le dialecte éolique αΰως pour αΰσως répond au nominatif sanscrit ushâs. La forme latine aurora est la reproduction du sanscrit ushâsâ. Lassen, T. I, p 76 et note a.
[110] Voyez Böettiger, Kunstmythologie, T. I, p. 174 et suiv. — Barthélemy Saint-Hilaire dit (dans le Dictionnaire des Sciences Philosophiques, au mot Philosophie des indiens, T. III, p. 350) que la conception mythologique des Grecs et des Indiens est la même : De part et d’autre les forces diverses de la nature sont divinisées : une hiérarchie plus ou moins régulière est de part et d’autre établie entre les dieux qui sont tout pareils. Les attributions sont parfois aussi tout à fait les mêmes, comme les caractères essentiels des divers personnages. Il est impossible d’admettre que ces ressemblances sont fortuites, et qu’elles ne viennent que de l’identité même de l’esprit humain. Évidemment les deux systèmes sont liés par une unité qui est aussi éclatante que celle des deux langues.
[111] Gœrres, Mythengeschichte, Préface, p. XII, XXII.
[112] In Pythagora Plato magna ex parte continetur. Cousin, Præfat. ad Proclum, p. V.
[113] Goerres, Mythengeschichte, T. I, p. XXIII, XXIV.
[114] Cousin, Nouveaux fragments philosophiques, Antécédents de Phèdre (Œuvres, T. II, p. 320, éd. de Bruxelles) : Les traditions de l’Orient, celles des orphiques et des pythagoriciens par leur antiquité, leur renommée de sagesse, leur caractère religieux et les vérités profondes qu’elles renfermaient, avaient charmé Platon, comme tous les grands esprits de tous les siècles, et servent de base à ses conceptions. — Barthélemy Saint-Hilaire dit qu’on retrouve dams la philosophie de Platon, le célèbre dogme de la libération, fondement des croyances et des spéculations indiennes (Dictionnaire des sciences Philosophiques, T. III, p. 250).
[115] Ritter, Geschichte der Philosophie, T. I, p 68.
[116] Wilson dit qu’il y a de grandes analogies entre le néoplatonisme et la doctrine des Purânas ; une communication entre les philosophes d’Alexandrie et les adorateurs de Siva et de Vishnou lui paraît probable (Vishnu Purâna, Translated by Wilson, 1840, Pref., p. VIII).
Sur les rapports entre le Bouddhisme et le Christianisme, voyez plus bas, ch. V, § 4.
[117] Heeren, Inde, Sect. II (T. III, p. 440 et suiv.)
[118] Rémusat, Essai sur la Cosmographie des Bouddhistes (Journal des Savants, 1831, p. 878).
[119] Asiatic Research, T. VIII, p. 321. — M. Benfey, dans l’Encyclopédie d’Ersch, Ie Sect., T. XVII, p. 271, 272. — Ritter, Asien, T. I, p. 5-10. L’illustre géographe reconnaît cependant une idée vraie dans le système géographique des Indiens, c’est qu’ils rapportent tout le développement de l’Asie à l’immense plateau qui domine cette partie du monde.