Intervention de Madame Mère, pour réconcilier le chef de l'État avec le chef de l'Église. — Ses lettres a la princesse Élisa et à son fils Louis. — Réponse de Louis. — Rapport du nouveau secrétaire des commandements. — Deux lettres de la princesse Pauline à M. Decazes sur le collier de diamants, dont elle veut offrir le prix à l'empereur. — Coalition étrangère contre la France. — Napoléon confie la régence à l'impératrice. — Dévouement conjugal de la reine Catherine. — Mort du maréchal Duroc. — Lettre de Marie-Louise à Madame Mère. — Lucien offre ses services à Napoléon. — Rencontre de l'empereur d'Autriche à Dresde. — Encore la généalogie. — Visite de la reine Catherine à Pont. — Lettre de Madame à la princesse Élisa. — Anniversaire du 15 août aux Tuileries, et le 25, fête de Marie-Louise, la veille de la bataille de Dresde. — Lettres de dames hospitalières à Madame Mère. — Lettres du roi Jérôme à sa mère. — Visite de la Contemporaine apportant des nouvelles de la princesse Élisa. — Lettre de Madame au cardinal.Le premier jour de l'année 1813 fut, pour les gens superstitieux, un jour néfaste. La pauvre Joséphine y retrouvait les impressions de son origine créole et le contraste de son bonheur passé avec son malheur présent. Cette année s'ouvrit néanmoins, sous de meilleurs auspices, grâce au bon génie de Madame Mère et à sa fervente intervention auprès de l'empereur, pour rapprocher de lui le cardinal, et pour réconcilier le chef de l'État avec le chef de l'Église, retenu plutôt que détenu au château de Fontainebleau. L'empereur, à l'occasion du nouvel an, et grâce à l'intervention de sa mère, envoya un chambellan au pape, afin de le complimenter et vint en personne, avec l'impératrice, lui témoigner des égards qui semblaient oubliés. Le pape s'en montra touché. Il était bon, généreux et sympathique au souverain qu'il avait offensé, en se voyant offensé à son tour. Dans ces conditions et sous de tels auspices, furent entamées, suivies et conclues, les négociations favorables au nouveau concordat. Madame Mère croyait à peine que son intervention si simple dans les préliminaires de ce grand acte de paix, entre l'État et l'Église, eût contribué à sa promulgation. Il donnait à la religion de sérieuses garanties, en rétablissant et en affermissant des croyances fort ébranlées jusque-là. La lettre suivante de Madame Mère à sa fille ainée la princesse Élisa, lui annonce la réconciliation de l'empereur et du pape, sans en faire valoir, de sa part, la moindre influence. Elle informe sa fille du rappel du cardinal, pour assister, avec Leurs Éminences, ses collègues, à la déclaration officielle du concordat de Fontainebleau. La lettre de Madame commence par des souvenirs du nouvel an, et finit par des vœux illusoires pour le couronnement du roi de Rome[1]. Paris, le 28 janvier 1813. Ma chère fille, J'ai reçu la jolie corbeille que vous m'aviez annoncée. Vous ne pouviez m'envoyer rien qui me fût plus cher. Votre portrait, à la vérité, n'y est pas bien ressemblant, mais celui de Napoléon l'est d'une manière frappante. J'en ferai l'usage que vous désirez. Par la même occasion, j'ai aussi reçu la petite caisse de cédrats, que j'ai trouvé excellents. Je vous remercie bien de l'une comme de l'autre. Ma santé est assez bonne, malgré la continuité du mauvais temps. L'empereur et l'impératrice sont attendus, de retour de Fontainebleau, d'aujourd'hui à demain. Je suppose que vous avez déjà connaissance de l'accommodement avec le pape, qui s'est fait à Fontainebleau, dans ces derniers jours. C'est une des meilleures nouvelles dont nous puissions nous réjouir. Elle me procurera, en outre, le plaisir de voir ici votre oncle. L'invitation est déjà partie, pour qu'il ait à se rendre, de suite à Fontainebleau, avec les autres cardinaux et un certain nombre d'évêques. Je ne sais si j'aurai la satisfaction de vous embrasser vousmême, ici, au prochain couronnement du roi de Rome. Vous ne doutez pas de toute la consolation que j'en éprouverais. Pauline me mande qu'elle commence à aller un peu mieux. J'ai des nouvelles de Louis, des premiers jours de ce mois. Sa santé se soutient. Adieu, ma chère fille, je vous prie de dire mille choses affectueuses au prince, d'embrasser ma chère petite Napoléone et d'être bien persuadée de toute l'affection et de la tendresse Della vostra affectma Madre. Madame Mère à son fils Louis[2]. Paris, 20 février 1813. Mon cher fils, Vos lettres du 1er et du 2 janvier m'ont été remises par l'empereur. Il m'a communiqué, en même temps, celle que vous m'adressiez pour lui. Je ne peux pas vous dire combien j'en ai éprouvé de satisfaction et de contentement. Je bénis le ciel, du fond de mon âme, de vous avoir inspiré cette démarche dans la circonstance actuelle. Elle fait honneur à votre cœur, aussi bien qu'à votre esprit ; et je vous en aimerais davantage, si ma tendresse pour vous était susceptible d'augmentation. Mais ce n'est pas assez, mon cher fils, d'avoir fait un premier pas ; il faut ne pas se rebuter et couronner l'œuvre. L'empereur m'a fait lecture de la réponse qu'il vous a faite. Autant que je peux en juger, à part l'article de la Hollande, vous devez en être content. Il finit par vous engager fortement à le venir rejoindre à Paris, et je joins mes instances aux siennes pour vous prier de ne pas vous refuser, cette fois-ci, à son invitation. Je vous le demande, au nom de tout ce que vous avez de plus cher et comme la plus grande preuve que vous puissiez me donner de votre attachement : Je vous l'ordonne, s'il est nécessaire, comme votre mère. Si je pouvais confier au papier tous les motifs puissants qui vous appellent à Paris, je suis sûre que vous n'hésiteriez pas un instant à quitter votre exil et à vous rendre au sein de votre famille ; mais c'est assez de vous dire que votre présence ici est de toute urgence, et beaucoup plus nécessaire que vous ne pouvez l'imaginer de loin. Mettez de côté toutes les raisons qui pourraient encore votre tenir loin de nous : N'écoutez que la voix de la nature ; rendez-vous à votre famille qui a besoin de vous dans ce moment. La circonstance d'ailleurs ne peut pas être plus favorable pour vous. Votre retour, dans cette crise, excitera la même admiration dans l'Europe, qu'a excité votre fermeté de caractère, depuis trois ans. Le public applaudira à votre noble dévouement. Et puis, quelle consolation n'éprouverez-vous pas de revoir vos enfants, de surveiller, de près, l'éducation de votre Napoléon, qui est si aimable, si intéressant et qui donne déjà tant d'espérance ! Il vous fera oublier, je n'en doute pas, tout le passé. Je ne vous répéterai pas ce que je vous ai dit mille fois sur mon compte. Je vous devrai le calme et la tranquillité de mon âme, si vous revenez ; dans le cas contraire, vous vous aurez à vous reprocher d'avoir abrégé les tristes restes de mes jours et de m'avoir fait descendre au tombeau, sans regretter la vie. Ma santé se soutient passablement jusqu'ici. Paulette me mande qu'elle commence à aller mieux. Votre oncle est toujours à Lyon où il jouit d'une bonne santé. La reine d'Espagne vous donne de ses nouvelles directement. L'empereur, l'impératrice et le roi de Rome se portent bien. L'empereur a oublié de me remettre vos poésies ; mais je vais les lui demander et vous en parlerai dans ma première lettre. Adieu, mon cher fils ; ne me faites pas désirer votre réponse, et qu'elle soit conforme aux vœux de mon cœur. Je vous embrasse de toute mon âme. Vostra affectma Madre. Lettre de Louis à Madame Mère[3]. Grætz, 7 mars 1813. J'ai reçu votre lettre du 26 février, avec celle de Julie. Si je suis resté longtemps à vous répondre, c'est parce que cela tient à des choses qui m'affectent trop pour que j'en puisse parler tranquillement. Pourquoi, ma chère maman, me faire toujours redire les mêmes choses ? Je ne puis rester qu'en Hollande, devenue, malgré moi, mon pays, depuis 1806. Je consentirais à redevenir Français, si mon frère voulait rendre la Hollande à mon fils et consentir à ce que je devinsse simple particulier. Que puis-je faire ? Aller en France, y voir des Hollandais infidèles et paraître remercier, par ma personne, mon frère de ce qu'il m'a ôté, ainsi qu'à mes enfants, le trône qu'il avait tant contribué à me faire obtenir ? S'il ne peut ou ne veut convenir que j'ai été forcé d'abdiquer, et soutient que j'ai quitté mon royaume par ma seule volonté, peut-il disconvenir que mon fils au moins n'a point abdiqué ? Il n'avait rien fait pour qu'on le déshéritât, ainsi que son père ! Non, ma chère maman, je souffrirais mille fois plus, en restant à l'étranger ; je souffrirais plutôt mille morts, que de faire ce qui est contre ma conscience et mon devoir. Ne m'en parlez plus. — Cependant si jamais mon frère pouvait reconnaître la vérité, soyez assurée que je ne perdrais pas une minute pour me placer dans une situation naturelle, seule faite pour moi. Mais je crains que nous ne soyons trop près de grands et terribles événements, contre lesquels les intrigues de ses ennemis et l'amour-propre d'un grand homme l'empêchent de combattre et d'agir efficacement, ou de chercher à les prévenir, ainsi que cela serait si nécessaire. Adieu, mes amitiés à Julie et ses enfants ; j'embrasse Pauline et mon oncle. Votre très mal et résolu fils, LOUIS. Le rapport suivant, adressé à S. A. I. Madame Mère par le secrétaire de ses commandements, pourrait s'analyser en peu de mots, s'il n'offrait de l'intérêt par la multiplicité des demandes soumises à Madame Mère. Madame, Je prie Votre Altesse Impériale de daigner me donner ses ordres sur les diverses demandes ci-jointes qui lui ont été adressées : 1° Les administrateurs de l'hospice de Tournon demandent que Votre Altesse Impériale sollicite du gouvernement 3.000 fr. pour la confection des bâtiments de l'hospice. 2° La supérieure des filles de la Charité de Saint-Pont, département de l'Hérault, demande que Votre Altesse obtienne pour sa communauté un secours annuel de 400 francs pour avoir un aumônier. 3° La supérieure des sœurs de la Présentation, à Joinville, demande à être autorisée à acheter une maison et à quitter Joinville. Elle demande aussi à quitter l'habit bleu pour le noir. 4° La fille Kenem expose qu'elle désire entrer dans une communauté, mais qu'elle n'a pas de quoi payer la dot, ou elle demande à en être dispensée. 5° Le sieur Gobert, passementier, demande une recommandation à M. François, pour une dame Demant qui désire un bureau de tabac. 6° Les administrateurs de l'hospice de Fontenay demandent à Votre Altesse Impériale des secours pour leur hospice. 7° Même demande de la part de ceux de Romorantin et lettre d'envoi du préfet. 8° Les autorités de Bagnères demandent deux sœurs de la Charité (29 février 1812). 9° Même demande de celles de Chatou. 10° Les religieuses augustines de la ville de Valognes (département de la Manche) se plaignent de ce qu'on leur fait loger des gens de guerre. 11° Les religieuses de l'hospice de Roanne, du diocèse de Lyon, sont en dispute avec le curé. Elles adressent à Votre Altesse Impériale un mémoire pour Mgr le cardinal, leur archevêque. 12° Les sœurs de Saint-Charles d'Angers demandent un secours extraordinaire du gouvernement. 13° Le ministre des finances fait connaître qu'il n'a point trouvé de maison plus grande pour le chef de la communauté des sœurs de Saint-Vincent de Paul. 14° Le ministre de l'intérieur assure la première place vacante aux Sourds-et-Muets à mademoiselle de Vilette. 15° Votre Altesse Impériale me fait connaître ses ordres sur la demande du prieur du Mont-Cenis. 16° Le ministre de l'intérieur a fait ce que Votre Altesse désirait pour les sœurs ursulines de Dôle. 17° Le sieur Sœff, ancien portier de Votre Altesse Impériale, implore ses secours. 18° Même demande de la veuve Le Préfet, veuve d'un lieutenant colonel tué à Eylau. 19° Même demande du sieur Le Brun, ex-religieux. 20° M. d'Orvillier demande que la rente due (à lui) soit affectée à sa commune et non à celle de Meaux. 21° D'après les ordres de Votre Altesse j'ai recommandé à M. le comte de Montalivet M. Ducoudray, et à M. le comte Duchatel, M. Bardarier, etc. Deux lettres adressées au duc Decazes, secrétaire des commandements de Madame Mère, par la princesse Pauline, exposent, avec des détails précis, la valeur considérable d'un collier de diamants bien connu du joaillier Picot[4]. La première lettre recommande de porter ce collier à Madame Mère, avec le prix d'estimation, de 211.000 francs. La princesse indique 100.000 francs comptant et le reste en billets : cet argent lui servirait à acquérir un château en Westphalie, où la princesse désire se retirer. La seconde lettre adressée par elle au duc Decazes, pour être soumise aussi à Son Altesse impériale, lui signale onze pièces relatives à ce collier. L'énumération de ces pièces comprend deux lettres, des notes estimatives, un dessin du collier de diamants, l'appréciation de leur valeur et la facture de vente. Une lettre confidentielle de la pauvre princesse, retombée malade, recommande le secret sur les détails donnés par elle relativement à ce collier, en demandant qu'il soit présenté à Madame Mère. Elle se proposait enfin, dans la prévision des catastrophes de la guerre, d'offrir la valeur de ce collier à l'empereur, qui pourrait en avoir besoin dans une adversité prochaine. Pauline savait qu'un argument pareil auprès de leur mère serait décisif, pour obtenir ce qu'elle lui faisait demander, sous le sceau du secret. Une coalition formidable se déclarait contre la France. L'armée russe unie à l'armée prussienne, dès les premiers jours de mars, par une alliance entre les deux nations, arrivait en vue de Dresde et les forces hostiles déclaraient privés de leurs États les princes qui ne se joindraient pas à cette coalition. L'empereur Napoléon annonçait, le 23 mars, au Corps législatif, qu'il allait se mettre à la tête de l'armée et en prescrivant les préparatifs nécessaires, à la défense du pays, il donnait un ordre salutaire pour le service des ambulances et des hôpitaux. Il pouvait, à la veille de soutenir cette nouvelle campagne, en redouter les suites, après la désastreuse retraite de Russie. Il se décida donc à constituer une régence et à la confier à l'impératrice, dont il voulait consolider le pouvoir par l'expérience de l'archichancelier Cambacérès. Napoléon n'avait pas, alors, de tendance à désigner l'un de ses frères pour guider la régente, quoique Joseph, l'aîné de la famille, lui offrît, à cet égard, les garanties les plus désirables. Telle était l'opinion de Madame Mère sur le choix à faire de Joseph, certain de son estime et de son affection maternelles. Madame seule, de sa famille, à défaut de son fils aîné, aurait pu faire intervenir, auprès de l'impératrice régente, l'autorité de son âge et de son rang, la sagesse de sa raison et la fermeté de son caractère. C'est à de tels titres, avec de si hautes qualités, que Son Altesse Impériale eût dignement occupé la place de régente honoraire de l'empire. Napoléon ne méconnaissait pas tous les titres de sa mère à cette haute mission ; mais il pouvait craindre, de sa part, le libre arbitre de son jugement et l'impartialité de ses opinions. Il ne lui assigna qu'un rang secondaire à la régence et il dut le regretter plus tard, dans la solitude ou l'isolement de ses souvenirs. Sans la nommer régente honoraire de l'empire, il chercha néanmoins à donner un témoignage public de sa déférence pour Madame Mère, en l'appelant, le 30 mars, au palais de l'Élysée, à prendre place dans le conseil de cabinet, avec mission d'instituer la régence de l'impératrice Marie-Louise. Les femmes dignitaires siégeant auprès d'elle, étaient : la reine d'Espagne, la reine de Hollande et S. A. I. et R. Madame, mère de l'empereur et roi. Après lecture du décret instituant la régence, l'impératrice Marie-Louise jura d'accomplir dignement comme régente, la triple mission de bonne épouse, bonne mère et bonne Française, selon les lois et la constitution de l'empire, et de rendre ses pouvoirs, dès que son époux le voudrait. Il faut rappeler, à l'égard de Madame Mère, un noble exemple de dévouement conjugal qui mérita toute son admiration. L'empereur était à la veille de partir de Saint-Cloud, le 15 avril, pour aller, à Mayence, prendre le commandement de son armée, tandis que le roi de Saxe refusait noblement d'entrer dans la coalition contre la France. La reine Catherine de Westphalie, en résidence au château de Meudon, avait écrit, le 14 avril, à son père, le roi de Wurtemberg, une lettre de tendre affection, et n'oubliait pas Madame Mère qu'elle aimait beaucoup. Elle disait[5] : Je vais quelquefois voir l'empereur et l'impératrice ; mon devoir et mon inclination m'y portent ; quelquefois aussi Madame Mère, qui me comble d'amitié. Telle était la situation de la reine Catherine, ayant dû abandonner Cassel, au moment de la déclaration de guerre, dans l'espoir de revoir, en France, son époux le roi Jérôme. Le frère de la reine, le prince royal de Wurtemberg, et le roi lui-même, méconnaissant leur alliance avec Napoléon, voulurent obliger la reine Catherine à se séparer de son mari. Elle écrivit sans délai à son père une lettre touchante et digne, témoignant sa tendresse pour Jérôme, sa fidélité à ses devoirs d'épouse, et refusant avec fermeté de se séparer de son mari : Ma résolution, écrit-elle, est inébranlable là-dessus ; elle m'est inspirée par le sentiment et par l'honneur. Et elle tint parole. Madame, jusque dans les derniers temps de sa longue existence, se rappelait avec émotion, cette noble conduite de sa belle-fille. L'empereur allait déplorer déjà la mort de l'un de ses compagnons de guerre les plus dévoués, de l'un de ses amis les plus vrais. Le maréchal Duroc, bien connu de Madame Mère, était blessé mortellement, à la bataille de Würtzen, par un boulet de canon qui tuait, en même temps, le général Kirschner. Et si Napoléon en personne, exposé au feu, n'éprouva pas le même sort, c'est que sa destinée n'était pas là. Fort affligé de la mort de Duroc, expirant auprès de lui, l'empereur recevait, en même temps des nouvelles de Madame Mère, et par un hasard providentiel, une lettre touchante de Lucien, lui donnant encore une preuve de son attachement. Lucien lui offrait de le rejoindre à l'armée, en sortant de sa détention en Angleterre. Napoléon, ému de la lettre de ce frère disgracié par lui, ne pouvait mieux y répondre qu'en adressant à leur mère un tendre remerciement. Madame pleura de joie, dit madame d'Abrantès[6], en lisant cette lettre. Elle y voyait enfin la cessation de cette lutte fratricide qui lui coûtait des larmes, depuis dix années. Son éloge renouvelé, à ce sujet, par l'auteur des Mémoires, réfute une fois de plus les critiques des gens qui ne savaient pas apprécier Madame Mère comme elle méritait de l'être. Et même temps que la lettre de l'empereur relative à Lucien, Madame Mère recevait de l'impératrice Marie-Louise la lettre suivante[7] : Saint-Cloud, 25 mai 1813. 7 heures du soir. Ma chère maman, Je viens de recevoir la nouvelle que l'empereur a gagné une bataille à Bautzen ; il se porte bien et ne s'est pas exposé un instant. J'espère que cette seconde bataille aussi décisive, nous amènera la paix et le retour de l'empereur. J'aurais bien des choses à vous dire encore, ma chère maman, mais je ne veux pas retarder d'une minute le plaisir que vous causeront ces bonnes nouvelles. Je vous prie de croire à tout mon tendre attachement, ma chère maman, Votre très attachée fille, LOUISE. Cette lettre fait supposer que Marie-Louise ne savait pas le danger couru par l'empereur, le 20 mai, à Bautzen, où il resta exposé au feu de l'ennemi, pendant toute la durée de la bataille, comme un simple combattant. Ce n'était pas assez qu'en 1810, après le mariage de Marie-Louise, l'empereur d'Autriche eût fait rechercher les titres officiels constatant l'origine ancienne et nobiliaire de la famille Bonaparte en Italie. L'empereur François, se rencontrant à Dresde, en mai 1813, avec l'empereur Napoléon, voulut lui démontrer de nouveau, d'après des pièces authentiques, la souveraineté ancienne de la famille Bonaparte à Trévise. On se trompe, lui dit encore Napoléon, en riant, ma noblesse ne date que de Marengo. La réponse était brève et plus directe que la précédente. Madame Mère, la trouva définitive, dès qu'elle en eut connaissance. La reine Catherine, invitée par Son Altesse Impériale à venir, dans le courant de mai, passer quelques jours à Pont, en donne des nouvelles à son père, dans une lettre datée de Meudon, du 5 juin 1813[8] : Mon très cher père, Je suis de retour de Pont depuis avant-hier ; mon voyage aurait été beaucoup plus agréable, si le temps m'avait mieux secondée ; mais nous en avons eu un ici détestable. Madame Mère m'a reçue à merveille, elle est très bonne femme et comme elle me témoigne toujours beaucoup d'amitié, je ne puis que m'être très bien trouvée chez elle. Lettre de Madame Mère à la princesse Élisa[9]. Pont-sur-Seine, le 23 juin 1813. Ma chère fille, Je reçois votre lettre du 14 de ce mois, avec celle que Napoléone (fille de la princesse) m'a écrite, dont j'ai été fort contente. Je suis bien aise de savoir que vous n'y avez pas touché et que c'est en entier son ouvrage. Je trouve qu'elle fait des progrès rapides et sensibles et je vous en félicite. Je me console d'apprendre que vous jouissez tous d'une bonne santé, dans ce moment, et j'applaudis à votre projet d'aller prendre les bains de mer. C'est une des choses que je regrette bien de ne pouvoir me procurer dans ce pays-ci et qui me rappelle souvent la Corse, dans cette saison. Je n'irai aucune part, cette année. Je suis à Pont, depuis le 20 du mois dernier. Ce séjour convient à ma santé, aussi bien qu'à mon caractère. J'y suis libre et tranquille, et m'occupe à faire travailler à un jardin à l'anglaise, plus encore pour donner du pain aux habitants du pays, que dans l'espoir de jouir de mon ouvrage. Pauline a quitté Nice pour se rendre aux eaux de Grévaux d'où l'on me mande qu'elle est arrivée heureusement et sans accident. Elle espère beaucoup l'efficacité de ses eaux. La reine d'Espagne est partie pour aller à Vichy. La reine de Westphalie a renoncé à aller aux eaux de Forges ; elle les prend à Meudon. Elle est venue passer ici huit jours avec moi, et me fait espérer qu'elle y reviendra encore, après les eaux. Votre oncle le cardinal doit être de retour de sa visite pastorale à Lyon. Vous avez vu, dans les papiers publics, l'accident affreux arrivé à une des dames de la reine Hortense. Il y a longtemps que je n'ai pas de nouvelles de Louis. Nous attendons ici, avec anxiété, l'issue de la médiation de l'empereur d'Autriche pour le congrès proposé à Prague. Fasse le ciel qu'il ait lieu et qu'il nous amène aussi la paix Je sais que l'impératrice et le roi de Rome se portent bien. Je suis inquiète du silence de Caroline. Je vous embrasse de tout mon cœur avec Napoléon et le prince. Vostra affectma Madre. Cette lettre de Madame Mère à sa fille aînée caractérise bien sa correspondance familiale, donnant, en peu de mots des nouvelles de chacun des siens et se terminant par le vœu qui résumait tous les autres, pour chacune des guerres de l'empire : l'espoir de la paix. Dans une lettre à ses deux petites-filles, les princesses Zénaïde et Charlotte, filles de Joseph, Madame Mère met bien à leur portée l'expression toute simple de sa tendresse pour elles deux[10] : Pont-sur-Seine, 18 juillet 1813. J'ai reçu, mes chers enfants, la lettre que vous m avez écrite, le 12 de ce mois et suis bien aise de savoir que vous jouissiez d'une bonne santé, l'une et l'autre. Je vous engage à continuer de me donner de vos nouvelles qui me sont toujours bien chères. Votre maman m'a donné des siennes de Vichy, et me dit qu'elle commence à éprouver du bien de ses eaux. Je me porte assez bien et vous embrasse, comme je vous aime, toutes les deux bien tendrement. La vostra Buona Mama. Madame Choiseul de Stainville, ancienne abbesse du chapitre Saint-Louis à S. A. I. Madame Mère[11]. Metz, 31 juillet 1813. Madame, Permettez que je recoure à Votre Altesse Impériale pour la supplier de s'intéresser à la conservation de l'église de l'hospice général de Saint-Nicolas de cette ville qui est menacée d'être démolie. etc. pour être remplacée par une chapelle... Madame de Choiseul démontre, à son point de vue, combien cette décision serait regrettable pour le culte, pour l'édification des malades, etc., et sollicite avec instance Madame More de protéger cette église, en assurant son maintien. La lettre est bien faite, mais peut se réduire à cette courte analyse, assez applicable à beaucoup de lettres du même genre, suivant les attributions de Madame. Telle serait une lettre datée du 15 septembre, pour l'hôtel-Dieu de Château-Thierry. On célébrait, le 15 août, la fête de l'empereur, avec l'éclat accoutumé, sans la présence aux Tuileries du chef de l'État, redevenu le chef de l'armée combattant la coalition. Madame Mère n'assistait pas non plus, à la fête, qui était aussi la sienne. Elle vivait si retirée, dans son domaine de Pont-sur-Seine, qu'elle reportait toutes ses pensées d'inquiétude vers son fils et ne pouvait s'en séparer que par l'obligation de ses devoirs, de ses prières et de ses œuvres de charité. La fête de Marie-Louise, régente, suivit celle de l'empereur, du 15 au 25 août, jour de la Saint-Louis. L'impératrice présida, dans le jardin des Tuileries, le cérémonial de l'ouverture du grand bassin. La souveraine parut triste, préoccupée du présent, à ces deux solennités. Madame Mère le fut davantage, de l'avenir, dans sa retraite solitaire. Le 26 et le 27 août, l'empereur livrait et gagnait la bataille de Dresde, succédant à celles de Lutzen, de Bautzen et de Würtzen. C'était la dernière grande victoire annoncée à Madame Mère. Cette victoire entraînait à la fois, la mort d'un transfuge, le général Moreau, tué par un boulet de canon français qui lui mutila les deux jambes en traversant le ventre de son cheval. Un autre incident singulier fut raconté à Madame Mère : ce fut le retour immédiat dans les lignes françaises du chien qui avait suivi son maître le général Moreau. De nouvelles défections entraînèrent la bataille de Leipzig, fatal précurseur d'une dernière invasion. Une lettre des hospitalières de l'hôtel-Dieu de Château-Thierry à Madame Mère[12] fait à propos diversion à ces graves événements. 13 septembre 1813. Madame, Votre Altesse Impériale a daigné, il y a deux ans, honorer de son intérêt, l'hôtel-Dieu de Château-Thierry, et cet hospice, dont on avait ordonné la suppression, a été conservé. Il a reçu, par le concours de toutes les autorités, des améliorations, même des accroissements, qui, en complétant ses moyens de service, l'ont rendu toujours plus digne de sa destination, et lui promettent la protection plus particulière de son auguste bienfaitrice. Cependant, Madame, le projet que votre haute sagesse a fait proscrire, se reproduit sous des modifications qui ne sont qu'apparentes ; et Votre Altesse Impériale en sera facilement convaincue. Proposer d'établir des prisons sur le terrain qu'occupent la basse-cour et les jardins de l'hôtel-Dieu, c'est revenir en effet, à proposer la destruction de cet hospice, que la pudeur et l'humanité préservaient de ce hideux rapprochement. Nous supplions Votre Altesse Impériale de se faire rendre compte des observations que nous déposons à ses pieds. Enhardies par les premières bontés de Votre Altesse Impériale, nous osons la supplier de faire remarquer à Son Excellence le ministre de l'intérieur, combien est favorable le vœu des administrations locales réunies, dans l'intérêt de l'État et des pauvres, en repoussant de toutes les forces de la vérité et de la justice, les efforts renouvelés d'un déplorable esprit de destruction. Nous avons l'honneur d'être, etc. Le roi Jérôme à Madame Mère[13]. Cassel, 18 septembre 1813. Ma chère maman, J'étais occupé à faire peindre, pour vous, une petite boîte en émail, depuis trois mois, on y a travaillé et j'espère qu'elle vous sera agréable ; je vous prie de l'accepter comme une marque de ma tendresse pour la meilleure comme pour la plus chérie des mères. Nous sommes toujours dans l'attente de grandes nouvelles du côté de Berlin ; il parait que l'on se repose un peu du côté de la Bohême : l'empereur doit être arrivé à Torgau ; que Dieu nous accorde bientôt la paix, c'est le souhait de tout le monde et le besoin de chacun. Adieu, ma chère maman, je vous embrasse de tout mon cœur. Votre affectionné et dévoué fils, JÉROME. Madame adresse la lettre suivante à sa belle-fille l'ex-reine Julie[14] : Pont, le 6 octobre 1813. Ma chère fille, Je vous remercie d'avoir pensé à me donner de vos nouvelles et de celles de vos enfants. Je suis bien aise d'apprendre que vous êtes contente de votre santé ainsi que de la leur. Je ne doute pas de tout le plaisir avec lequel leur oncle les aura vus à Mortefontaine. Il me tarde de les embrasser. Veuillez, en attendant, leur dire les choses les plus tendres et les plus affectueuses pour leur bonne maman, à laquelle ils sont plus chers qu'on ne saurait l'exprimer. Je suis ici au bord de la mer, et connais assez les bains de mer. Je ne sache pas que chez nous on les conseille aux personnes qui ont des maux de tète, mais, dans le reste, ils sont d'une grande efficacité. Si vous n'en avez pas éprouvé du bien, je crois que vous devez l'attribuer au temps qui n'était guère propre aux bains, cette année-ci et à la saison qui était trop avancée. Je suis passablement contente de ma santé ici. Adieu, ma chère fille, je vous embrasse de cœur. La vostra affetma Madre. Une femme assez célèbre vers 1830, par la publication de ses Mémoires[15], s'appelait Ida Saint-Elme et ce nom effacé avait pour synonyme plus connu le surnom de la Contemporaine. Elle raconte une visite faite par elle, vers la fin de 1813, à Madame Mère, pour lui remettre une lettre de la princesse Élisa, en lui apportant de ses nouvelles. Le récit montre Son Altesse Impériale dans la simplicité de son intérieur, de ses habitudes et de son langage. Cette simplicité même, dont on a voulu faire une critique, est un éloge de plus adressé à la mère trop méconnue de l'empereur. Ce récit de la Contemporaine a été défait, refait et surfait, comme provenant d'une dame de la cour impériale. Il suffira d'en donner un extrait précis, attestant la bienveillante simplicité de l'accueil fait à l'auteur par Madame Mère. Je songeai, raconte l'auteur avec esprit, à porter une lettre dont j'étais chargée, de la part de la grande-duchesse Élisa pour Madame Mère. Je fus introduite par M. de Cossé-Brissac, dont les manières étaient tout imprégnées d'ancien régime. La bonne Madame Letizia avait pris la royauté comme une sinécure ; c'était une reine sans cérémonie. Je la trouvai assise près d'une table encombrée de petits paniers contenant des ouvrages en perles. Savez-vous, me dit-elle, faire de ces sortes d'ouvrages ? — Non, Madame. — Eh bien, ni moi non plus. Je les achète de l'une de ces dames riches d'autrefois, devenue pauvre aujourd'hui. Puis, s'adressant à M. de Brissac : Vous savez, Cossé, c'est l'ouvrage de ma boiteuse ; elle est adroite comme une fée. Croyez-moi, c'est joliment fait. Je rends service à cette digne femme, car toutes ces dames m'en prennent, croiriez-vous ? Il me prit envie de sourire, mais l'humble attitude de M. de Brissac me rappela le haut rang de la dame qui me parlait et je ne répondis que par un silence respectueux. — Madame me questionna ensuite sur les perles de Rome. Je crus faire un trait d'adresse, en lui disant : Elles sont beaucoup plus chères que celles qu'on emploie pour ces sortes d'ouvrages. — Oh ! ma petite, j'en sais le prix, ce n'est pas à moi qu'on en fait accroire. En m'inclinant, je déguisai un sourire sous l'apparence d'une approbation très humble. Je fus reconduite avec la même
étiquette et me retirai à reculons, mon pied s'embarrassa dans ma longue robe
et moins leste, je serais tombée. — Madame montra, dans cette occasion,
qu'elle avait conservé toute la bonté de ces mœurs simples et familières qui
ont leur prix pour ceux qui en sont l'objet : Ah ! mon Dieu ! me
cria-t-elle, allez-vous-en donc, tout ouniment droit devant vous ;
vous avez failli vous faire dou mal, pour l'étiquette. Madame Mère avait dû être fort jolie. Elle était, à cette époque, bien encore. Sa physionomie avait surtout ce trait de bonté facile qui donne du charme aux femmes qui ont conservé le moins d'agréments. Les secours officiels distribués par l'ordre de Madame Mère, quelle que fût leur valeur, devaient être tous inscrits sur un registre qui ne semble pas avoir été conservé. Voici, par exemple, le libellé de l'un de ces secours accordé par Madame, en 1813, feuillet 1863[16] : La veuve Delille, mère des deux militaires (noms et prénoms) dont un est prisonnier de guerre, demande seulement un secours. — Trente francs. Dans sa situation, Madame ne pouvait oublier, sur son budget personnel, la gouvernante dévouée qui, était devenue la compagne fidèle de sa solitude. L'empereur voulut aussi la récompenser, et, par un décret du 4 décembre 1813[17], il accorda une pension annuelle, viagère de douze cents francs, sur le Trésor de la couronne, à la dame Saveria, femme du service de Madame, dont elle avait élevé, en Corse, tous les enfants. Après la fatale retraite de Russie, Napoléon avait à subir les revers de la malheureuse expédition d'Espagne, et rappelait son frère Joseph en France, menacée de l'invasion étrangère. L'ex-roi d'Espagne s'était retiré, plein de tristesse, dans sa retraite de Mortefontaine, tandis que l'empereur cherchait, à force d'activité, à réparer tant de malheurs. Voici comment un témoin de ces événements graves, le comte Miot de Mélito[18] fait intervenir Madame Mère : Au milieu de l'activité que l'empereur cherchait à exciter autour de lui, il ne pouvait tolérer que son frère restât oisif dans sa retraite de Mortefontaine, et qu'au lieu de se mettre, comme le premier après lui, à la tête du mouvement, il se tînt à l'écart, et que, loin de le seconder, il eût lieu de le désapprouver. Madame Mère arriva, le 27
décembre à Mortefontaine, avec la reine Julie qui était allée, la veille, à
Paris. Ces princesses étaient chargées de déclarer que l'intention de
l'empereur était que le roi se rendît, sur-le-champ, à Paris, sans condition
et comme prince français, pour habiter le Luxembourg ; que Napoléon
demandait, en même temps, que Joseph lui écrivit une lettre, dans laquelle il
annoncerait cette résolution et se présenterait comme premier sujet de
l'empereur et non plus comme roi d'Espagne. Cette lettre devait être conçue
de manière à pouvoir être insérée dans le Moniteur. Sur les instances de sa mère et de sa femme, le roi écrivit cette lettre, à la date du 29 décembre. Madame Mère se chargea de la remettre à l'empereur et d'excuser en même temps le roi de ce qu'il ne se rendait pas immédiatement à Paris, sous le prétexte qu'il était malade et hors d'état de faire le voyage. Madame Mère au cardinal Fesch[19]. 30 décembre 1813. Mon cher frère, J'ai parlé à l'empereur, dans le sens de votre lettre. Il m'a répondu de vous engager à rester à Lyon, tant qu'il n'y aura pas de danger ; et que, dans le cas où les ennemis s'en approcheraient, au point de faire craindre que la ville pourrait tomber en leur pouvoir, vous vous retiriez, mais toujours dans votre diocèse et que vous continuiez à faire le bien. J'ai été enchantée d'apprendre que Louis est avec vous : l'empereur m'a demandé pourquoi il n'est pas venu de suite à Paris : Dites-lui que je l'attends chez moi et que, ce soir, ses frères doivent arriver. Vostra affetma Sorella. Mon cher frère, il n'est plus temps de tenir aux étiquettes. Les Bourbons se sont perdus, pour ne pas avoir su mourir, les armes à la main. Tâchez de faire savoir à Paulette qu'il est urgent qu'elle quitte le lieu où elle se trouve. Cette lettre curieuse à tous égards, a été acquise par M. Thibaudeau, à Londres, pour M. Morrison, qui a bien voulu permettre d'en adresser la copie à l'auteur de l'Histoire de Madame Mère. Une autre copie lui en a été donnée avec obligeance par M. Faugère. Le cardinal Fesch, depuis sa rentrée en grâce, auprès de l'empereur, avait repris les tournées de son diocèse, en établissant sa résidence passagère au château de Pradines. Il en avait fait un séjour de repos qu'il destinait à sa sœur, lorsque Madame Mère viendrait passer quelques jours dans cette demeure présumée paisible. Mais Pradines devint, l'année suivante, un lieu menacé par les Autrichiens. Ils avaient ordre de s'emparer du cardinal qui, bientôt averti, put leur échapper, sous les habits d'un paysan, accompagné par son domestique de confiance, déguisé comme lui ; tous deux montant d'ailleurs de bons chevaux. Madame Mère, pendant ce temps, pouvait se mettre à l'abri des recherches hostiles ; mais Napoléon, accablé par le destin, devait assister aux défections honteuses et successives de ceux dont il avait fait la fortune et qui allaient l'abandonner, dans son malheur. Les calamités du présent et les menaces de l'avenir faisaient oublier les gloires du passé. — La mère du pauvre empereur voyait se réaliser déjà les jours néfastes prévus par elle et, comme aux temps prospères, elle se réfugiait avec sa tristesse dans la pratique de la bienfaisance et de la charité. |
[1] Copie de la deuxième des lettres (sur neuf) communiquées de la part de S. M. l'impératrice Eugénie, en 1884.
[2] Archives de la cour d'Autriche. Copie de lettre adressée par le baron d'Arneth.
[3] Archives de la cour d'Autriche. Copie transmise par le baron d'Arneth.
[4] Ventes d'autographes, par Étienne Charavay, 1859 et 1866.
[5] Correspondance de la reine Catherine, t. II.
[6] Mémoires de la duchesse d'Abrantès, t. XVI.
[7] Lettre extraite de la collection Morisson (de Londres) et transmise par M. Thibaudeau.
[8] Correspondance de la reine Catherine, 1887, t. II.
[9] Copie de la troisième des neuf lettres communiquées par S. M. l'impératrice Eugénie (juillet 1884).
[10] Correspondance du roi Joseph, communiquée par le comte Primoli.
[11] Lettre communiquée par le duc Decazes.
[12] Communiquée par le duc Decazes.
[13] Mémoires et correspondance du roi Jérôme, 1865, t. VI.
[14] Vente d'autographes, par Étienne Charavay, le 5 juin 1891.
[15] Mémoires d'une contemporaine, ou Souvenirs d'une femme sur les principaux personnages de la République, du Consulat et de l'Empire, etc., 1827, 6 vol. in-8°.
[16] Manuscrits de la Bibliothèque nationale.
[17] Registre des Archives.
[18] Mémoires du comte Miot de Mélito, 1880, t. III.
[19] Lettre inscrite au catalogue d'Eugène Charavay fils, mai 1886. (V. l'Appendice, aux noms précités).