LOUISE DE LA VALLIÈRE ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV

TROISIÈME PARTIE. — 1667-1674

 

CHAPITRE V. — JANVIER 1670 — DÉCEMBRE 1670.

 

 

Si Louise de La Vallière, abandonnée par le maître, se laissa séduire à l'idée de plaire au monde par ses propres mérites et d'édifier la cour par l'exemple d'une vie chrétienne, son illusion dut vite s'envoler. Le monde se détourna en un clin d'œil. Tous les hommages, toutes les sollicitations, coururent à Mme de Montespan, et cette habile femme ne les écarta pas, comme l'avait fait en son temps sa discrète rivale. Louise fut aussi promptement renseignée sur l'efficacité de l'exemple. Loin d'admirer son désintéressement, cette cour sceptique affectait de croire qu'à l'imitation des favorites royales elle visait à quelque bel établissement. On citait des noms de futurs maris, un entre autres, le plus invraisemblable de tous, celui de Lauzun.

Or, il se trouva qu'à l'heure même du désenchantement de Louise, le besoin d'aimer et d'être aimée s'empara un peu tardivement de Mademoiselle de Montpensier, l'ambitieuse princesse qu'on appelait déjà la Grande Mademoiselle en 1661, lorsqu'elle donnait des bals d'enfants à ses jeunes sœurs et à « la petite » La Vallière. Elle avait passé quinze ans de sa vie à provoquer, à repousser, à regretter toutes les demandes d'alliances royales et princières. Tel roi d'Angleterre n'était pas assez solidement assis sur son trône ; tel de Portugal pas assez galant ; ce duc de Lorraine laissait tomber les remparts de sa capitale, tant et si bien qu'il ne restait plus de princes mariables ; et c'est tout justement alors que l'infortunée ressentit un désir ardent d'être mariée. Elle le raisonnait en elle-même, ce désir (car elle n'en parlait à personne), et elle disait : « Ce n'est point une pensée vague ; il faut qu'elle ait quelque objet ».

Mais elle ne trouvait pas qui c'était. Elle cherchait, songeait, ne trouvait point. Enfin, après s'être bien inquiétée, elle s'aperçut que l'envahisseur de son cœur, c'était M. de Lauzun.

On connaît Lauzun, l'amant de Mme de Monaco et de tant d'autres, l'homme qui avait écrasé la main de sa maîtresse du talon de sa botte ; au demeurant, cavalier spirituel, brave, fantasque, original. C'était tout naturellement ce garçon à succès, tête légère et sans cœur, que la Grande Mademoiselle, en son quarantième printemps, devait regarder comme le plus agréable ; rien ne manquait à son bonheur que d'avoir un mari fait comme lui, qu'elle aimerait fort, qui l'aimerait bien aussi. Pauvre princesse ! Personne ne lui avait témoigné d'amitié. Elle voulait une fois en sa vie goûter la douceur d'être aimée de quelqu'un, qui valût la peine qu'elle l'aimât. Puis il lui parut qu'elle trouvait plus de plaisir à voir Lauzun et à l'entretenir ; que les jours où elle ne le voyait point, elle s'ennuyait. Elle se persuada, cette amoureuse quadragénaire, que la même pensée était venue à son adoré, mais qu'il n'osait le lui dire[1]. Enfin, plaisir encore bien grand, elle ne laisserait rien à ses héritiers, pas même l'espérance d'avoir son bien.

Elle aborda insidieusement Lauzun, le consulta sur son idée de mariage, sur le choix à faire. Lauzun, surpris, incertain, circonspect, en dit assez pour laisser entendre qu'il avait compris, puis battit la campagne et répondit en enfant aux enfantillages de la Grande Mademoiselle.

Sur ces entrefaites, la cour partit (28 avril 1670) pour -un voyage dans les Flandres. A Noyon, la princesse pressa encore Lauzun de la tirer d'embarras dans cette grave difficulté du choix d'un mari. Sa réponse fut équivoque ; il ne fallait présentement songer qu'au voyage. Elle ne demanda rien de plus, « comptant M. de Lauzun pour tout ».

Les ennuis cependant ne manquèrent pas. Près de Landrecies, le débordement d'une rivière obligea la cour de s'arrêter dans une misérable maison. Un seul lit. On jeta quelques matelas à terre : « Quoi, s'écria Marie-Thérèse, coucher tous ensemble, ce seroit horrible ? » Le roi, Mademoiselle plaidèrent la nécessité. La reine se mit sur le lit, mais de manière à voir dans toute la chambre. « Vous n'avez qu'à laisser votre rideau ouvert, lui dit le roi, non sans quelque aigreur, vous nous verrez tous. » C'était vraiment une curieuse chambrée. Sur les matelas étendus, Monsieur prit place le premier, puis Madame, puis le roi, puis Mademoiselle, à côté d'elle Louise de La Vallière, et enfin Mme de Montespan[2]. C'est le voisinage de la marquise qui répugnait à la délicatesse de Marie-Thérèse ; car, à cette époque, la défiance de la reine ne pouvait plus s'égarer. Mais Louise, épargnée de ce côté, ne jouissait pas pour cela d'une entière tranquillité. Une autre jalousie se jetait sur cette infortunée, celle de la Grande Mademoiselle. Cette triste passion, la fille de Gaston l'avait, pour prendre son style, sentie se glisser dans son cœur en même temps que l'amour. Un « sot bruit » avait couru que Lauzun voulait épouser la duchesse de La Vallière. Quelques jours après cette mémorable couchée devant Landrecies, la princesse ne put y tenir et questionna indirectement Lauzun. « Non, répondit l'honnête personnage, quand on m'en a voulu donner l'idée, je m'en suis toujours éloigné ; la seule chose à quoi je songerais, ce serait à la vertu de la demoiselle, car s'il y avait la moindre faute, je n'en voudrais pas, fût-ce vous, qui êtes au-dessus de tout[3]. » Et la grande innocente de s'écrier : « Dites-vous bien vrai ? Si cela était, je vous aimerais encore mieux. Moi, je suis sage. »

Moins de six semaines plus tard, ce grand amour donnait sa juste mesure. La cour étant à Calais, on répandit la nouvelle que le roi d'Angleterre allait répudier sa femme et qu'il voulait épouser Mademoiselle de Montpensier. Louis en entretint la princesse, qui s'en remit à sa volonté. Monsieur trouvait le projet fort beau, et Mme de Montespan que cela serait fort joli. La duchesse de La Vallière ne disait rien. Marie-Thérèse, l'esprit le plus droit de toute cette assemblée, donna seule le mot juste, aussi rapide que sincèrement indigné : « Cela serait horrible », s'écria-t-elle. On ne fit pas attention à ce que dit Marie-Thérèse. Quant à Lauzun, il déclara qu'il souhaitait passionnément la fin de cette affaire ; et Mademoiselle de se persuader qu'il ne pensait pas ce qu'il disait.

Ce projet à peine formé s'évanouit avant la fin du voyage. L'amour reprit aussitôt la place de l'ambition. La jalousie suivit l'amour. Malgré la conversation d'Avesnes, Mademoiselle ne se sentait pas rassurée sur les méchants bruits du mariage de Lauzun avec la duchesse de La Vallière. Voulant se faire redire qu'il n'en était rien, elle entreprit à ce sujet la sœur du Gascon, Mme de Nogent : « N'avez-vous pas été bien fâchée des bruits que l'on a fait courir de monsieur votre frère ? » Cette fine personne témoigna qu'elle en avait été au désespoir[4].

Jamais amoureuse ne nourrit jalousie plus persistante.

De retour à Paris, Mademoiselle rencontra le chevalier de La Hillière, simple lieutenant aux gardes, dans la compagnie de M. de Lauzun. C'était un bien petit personnage, mais il venait de dîner avec son chef, et la princesse ne résista pas à l'envie de le faire parler. « Qu'est-ce, lui dit-elle, que ce bruit que l'on fait courir, qu'il va épouser la duchesse de La Vallière ? — Il m'en a parlé aujourd'hui même, répondit La Hillière, et il m'a dit en propres termes : — Je suis enragé contre les gens qui font ce conte ; le roi n'a jamais déshonoré personne ; il ne voudroit pas commencer par moi. » Cette réponse fit un sensible plaisir à Mademoiselle[5], sans qu'elle cessât cependant de jalouser Louise, alors que de la Montespan elle tolérait tout, trouvait tout bien ; et il en était ainsi dans toutes les coteries de la cour.

Pendant que Mademoiselle ne songeait qu'à Lauzun, Lauzun qu'à cette fortune inespérée ; pendant que le roi était tout à Mme de Montespan et aussi à ses projets sur la Hollande ; enfin quand La Vallière oubliée, dédaignée, exploitée, se débattait entre ses idées de retraite et ses obligations de famille, la mort donna à tout ce monde un avertissement aussi subit que solennel.

Le dimanche 29 juin 1670, Mademoiselle finissait à regret une de ses confidences amoureuses à la sœur de Lauzun, quand, tout à coup, le duc d'Ayen, la rencontrant, lui cria : « Madame se meurt ! » Aussitôt Mademoiselle de monter dans son carrosse. Mais, à quelques pas delà, rencontrant la reine : « Madame se meurt, lui dit Marie-Thérèse, Madame se meurt, et savez-vous ce qu'elle a dit ? Qu'elle croyait être empoisonnée. » Les mauvaises nouvelles vont vite. On savait déjà tous les détails. Madame était dans le salon à Saint-Cloud, en bonne santé ; elle avait bu un verre d'eau de chicorée, et un quart d'heure après s'était écriée qu'elle sentait un feu dans l'estomac, qu'elle n'en pouvait plus.

Il n'était que trop vrai. La mort saisissait cette jeune princesse au moment où il lui était permis de croire qu'échappée aux frivolités de la cour, elle allait utilement employer tant de nobles qualités. Revenue d'Angleterre avec toute la gloire et le plaisir que peut donner un voyage entrepris par amitié et couronné d'un plein succès, « elle se voyait, à vingt-six ans, le lien des deux plus grands rois du siècle[6] ». Un air de satisfaction intime rehaussait encore sa beauté séduisante, et, en vérité, aux yeux les moins prévenus, elle paraissait belle comme un ange[7]. Depuis huit jours, tout le monde, hors Monsieur, rendait hommage à cette nouvelle puissance, puissance fragile comme l'humanité. Madame avait subi de grandes fatigues au cours de son voyage, beaucoup de veilles surtout. Son estomac, éprouvé par la traversée, restait capricieux. On cite ce symptôme qu'elle ne pouvait plus voir les fraises[8]. Cependant, toujours imprudente, elle jouait avec une santé précaire, comme jadis avec sa réputation, sauvée seulement à force de charmes, de grâces et de sincérité.

On était aux derniers jours de juin. La beauté du temps rappelait la splendeur de l'admirable été de 1661, et les ombrages de Saint-Cloud avaient autant de peine que naguère ceux de Fontainebleau à défendre leurs hôtes contre les chaleurs excessives. Henriette se baignait malgré la défense des médecins, se promenait tard au clair de lune, tout en se plaignant d'une douleur de côté. Le matin de ce dimanche, 29 juin, quoique ayant bien passé la nuit, elle dit à sa confidente, Mme de La Fayette, qu'elle se sentait chagrine ; mais quoi ! sa mauvaise humeur aurait fait les belles heures des autres femmes, tant elle avait de douceur naturelle.

On ignorait alors, on sait exactement aujourd'hui ce qui chagrinait Madame. Il lui fallait écrire à une princesse qui avait entrepris de la remettre en bons termes avec Monsieur. Voici cette lettre, en quelque sorte testamentaire : « J'étois, à mon retour, écrit-elle, persuadée que tout le monde seroit content, et je trouve les choses pires que jamais. » Elle avait été chargée par Monsieur d'obtenir de Charles II : i° une confiance sur toutes les affaires entre Charles et lui, accordée ; 2° une pension pour son fils, promise à peu près ; 3° le retour du chevalier de Lorraine, à solliciter de Louis XIV ; demande déclinée ; mais offre d'un asile en Angleterre pour le chevalier. En somme, la négociation n'avait pas été infructueuse. Cependant « Monsieur ne veut entendre à rien tant qu'on ne lui rendra pas le chevalier », et alors Madame de déclarer : « On ne me fera jamais rien faire à coups de bâton. »

« Le seul parti que j'aie à prendre, ajoute-t-elle, c'est d'attendre la volonté de Monsieur. S'il veut que j'agisse, je le ferai avec la dernière joie, n'en pouvant avoir de véritable que je n'aie ses bonnes grâces. Sinon je me tiendrai dans un silence proportionné à l'état où je serai auprès de lui, attendant tous les méchants traitements dont il se pourra aviser, desquels je ne me défendrai jamais qu'en taschant de ne pas lui donner occasion par ma conduite de me blasmer. La haine est volontaire ; l'estime ne l'est pas ; et j'ose dire que si j'ai l'une sans l'avoir méritée, je ne suis pas absolument indigne de l'autre par beaucoup d'endroits. C'est ce qui me console en quelque façon dans l'espérance qu'il peut y avoir des retours favorables pour moi[9]. »

Sur cette pensée consolante, elle ferma sa lettre et se rendit à la messe. Au retour, elle alla voir un artiste anglais (Lély ?), qui peignait sa fille et son mari. Un peu fatiguée elle s'endormit. Pendant son sommeil, elle changea si considérablement que Mme de La Fayette, qui ne l'avait pas quittée, et la considérait à loisir, fut toute sur- prise et pensa qu'il fallait que l'esprit de Madame Henriette contribuât fort à parer son visage, si agréable quand elle était éveillée, si déformé quand elle était endormie ; effet peut-être particulier à ce jour, mais incontestable, car d'autres personnes l'observèrent[10].

Madame, à son réveil, vers cinq heures du soir, avait si mauvais aspect que Monsieur lui-même en fit la remarque. La douleur de côté persistait. A ce moment, la princesse demanda et reçut des mains de Mme de Gourdon un verre d'eau de chicorée apporté par Mme de Gamaches. Elle le but et aussitôt se prit le côté, s'écriant : « Ah ! quel mal ! je n'en puis plus ! » Elle rougit, pâlit, devint livide. On l'emporta toute courbée. Mise en son lit, elle s'y tordait de souffrances. Le premier médecin appelé, M. Esprit, crut à une colique ; mais Henriette assura qu'on se trompait, qu'elle allait mourir, et demanda un confesseur. Alors, se tournant vers son mari, elle l'embrassa, et avec une douceur et un air capables d'attendrir les cœurs les plus barbares : « Hélas ! Monsieur, vous ne m'aimez plus, il y a longtemps ; mais cela est injuste, je ne vous ai jamais manqué. » Monsieur parut fort touché. Si la jeune femme avait été imprudente, était-il lui-même exempt de torts ? L'heure des expiations sonnait pour tout le monde, pour lui le premier.

Tout à coup Madame s'écria « qu'on regardât à cette eau qu'elle avait bue, que c'était du poison ; on avait peut-être pris une bouteille pour l'autre[11] ». Enfin elle était empoisonnée, elle le sentait bien et demandait du contrepoison. A cette exclamation, Mme de La Fayette ne put s'empêcher de porter les yeux vers Monsieur et de l'observer avec attention. Nullement troublé, Philippe commanda de donner de cette eau à un chien. Il en but lui-même[12]. Mais cette défiance instinctive était déjà la juste punition des propos si inconvenants qu'il avait tenus, que sa femme ne vivrait pas et qu'il devait — une sorcière le lui avait promis — se marier deux fois ? Ce soupçon injurieux, la cour, la France, l'Europe entière ne purent s'en défendre. La postérité même en a gardé longtemps l'impression.

Madame persistait à se croire empoisonnée, et même elle croyait l'être à dessein. Quand Sainte-Foi, premier valet de chambre de Monsieur, lui apporta comme contrepoison de la poudre de vipère, elle déclara qu'elle la prenait de sa main, parce qu'elle se fiait à lui[13].

Cependant le curé de Saint-Cloud avait confessé Henriette. Après la confession, elle dit à voix basse à son mari quelques mots qu'on n'entendit pas, mais qui parurent doux et obligeants. Entrevoyant ce tribunal où l'on ne mentira pas, elle affirma de nouveau qu'elle n'avait jamais manqué à ses devoirs d'épouse. Se croyant empoisonnée, elle n'imagina point que son mari fût capable d'un pareil crime.

Sur l'ordre de Philippe, on commanda à l'église de Saint-Cloud de sonner les cloches, d'assembler les chanoines, de réciter les prières pour les malades. Au bout de trois heures, arrivèrent deux autres médecins, Vallot et Gueslin. Sitôt que Madame vit ce dernier, en qui elle avait beaucoup de confiance, elle lui dit qu'elle était empoisonnée et qu'il eût à la traiter en conséquence. Toutefois, après consultation, les trois médecins assurèrent « sur leur vie » qu'il n'y avait pas de danger. Monsieur s'empressa de le dire à Madame. Elle répondit, comme la première fois, « qu'elle connaissoit mieux son mal que les médecins, et qu'il n'y avoit point de remède », et cela avec la même tranquillité et la même douceur « que si elle eût parlé d'une chose indifférente[14] ». Ses souffrances étaient pourtant si vives qu'elle souhaitait de mourir. « Si je n'étois pas chrétienne, je me tuerais ! »

A onze heures, le roi, la reine, Mme de Soissons et Mademoiselle de Montpensier arrivèrent. Puis vinrent ensemble ces compagnes de chaîne qu'on appelait les Dames, la marquise de Montespan et Louise de La Vallière. Le maréchal de Grammont, père de M. de Guiche, entra en même temps. Ainsi se trouvèrent réunis ou représentés, presque au complet, les personnages de toutes les intrigues que nous avons racontées, si importantes jadis aux yeux de ces vivants qui dévoraient la vie, si mesquines, si misérables devant la mort. Quand Madame reçut ces visiteurs, ou plutôt quand ils entrèrent, on avait dû l'enlever de son lit de parade. Elle était sur une petite couchette, toute échevelée, le temps ayant manqué pour la coiffer de nuit, sa chemise dénouée au cou et aux bras. Maigre comme elle était, le visage pâle, le nez déjà retiré, on l'aurait crue morte, si elle n'eût crié : « Voyez l'état où je suis ! » disait-elle. Tout le monde pleurait.

A ce moment suprême, les caractères parurent dans leur naturel. Le roi se montra bon, sensible, avec un sang-froid supérieur à tout ce qui l'entourait. Madame lui dit, et il ne l'ignorait pas, qu'il perdait la plus véritable servante qu'il aurait jamais ; et comme, tout en l'encourageant, il la félicitait de sa fermeté : « Vous savez bien, dit-elle, que je n'ai jamais craint la mort, mais seulement de perdre vos bonnes grâces. » Louis alors lui parla de Dieu, et, après l'avoir louée de son courage, il lui recommanda d'être humble devant la mort ; puis, sur l'avis de Monsieur, il ordonna qu'on envoyât chercher Bossuet[15], et qu'on préparât tout pour faire communier la moribonde. A son départ, Henriette l'embrassa tendrement, lui fit ses confidences dernières. Voyant ses yeux pleins de larmes, elle le pria de ne point pleurer, parce qu'il l'attendrissait. Enfin elle ajouta : « La première nouvelle que vous aurez demain sera celle de ma mort[16]. » Ce furent ses dernières paroles au roi. Elle embrassa aussi la reine, qui s'était montrée bien bonne pour elle, depuis son retour à une vie sérieuse. Seule Marie-Thérèse n'avait rien à se reprocher dans les fautes de cette jeunesse trop vite fauchée.

Mademoiselle, qui n'aimait pas les malades, prétendit qu'elle pleurait si fort qu'elle n'osait approcher de Madame. Elle fit son adieu du pied du lit. Au surplus, elle s'était donné beaucoup de mouvement, ne trouvant personne assez triste ; sans elle on n'eût pensé à rien. Au fond, sa seule préoccupation était la conséquence que cet événement pouvait avoir sur sa destinée. A peine rentrée à Versailles, et quand Henriette vivait encore : « Voici ce qui nous déconcerte », dit-elle à Lauzun[17].

Le maréchal de Grammont, venu aussi à Saint-Cloud, s'était approché. Madame, comme pour s'excuser des chagrins qu'elle avait causés à ce brave homme par ses intrigues avec son fils M. de Guiche, lui adressa un mot aimable et lui dit qu'il perdait une bonne amie[18]. Elle ajouta qu'elle avait cru d'abord être empoisonnée par méprise[19]. Ses idées, sans doute sur les assurances des médecins, avaient alors pris un autre cours.

Quelques paroles furent-elles échangées entre Henriette et Mme de Soissons, 'tour à tour son alliée, sa rivale, sa complice, mais complice pervertie de cette jeune femme qui n'était que légère ? Y eut-il un mot d'Henriette à son ancienne fille d'honneur ? Les Mémoires du temps n'en rapportent pas. L'Italienne, on le vit bien plus tard, n'était pas femme à s'étonner pour un empoisonnement ; mais quelles pensées durent assiéger l'esprit si droit, quels sentiments envahir l'âme si tendre de La Vallière ! Elle voyait périr subitement cette princesse, cause de sa fortune et de sa perte.

« Ô mort, que tes approches sont cruelles à celui qui n'a jamais pensé à toi et qui a mis toutes ses espérances dans les biens de la terre ! Ô mort, que ta vue est terrible à celui dont tu finis tous les plaisirs et dont lu commences déjà les appréhensions et les peines ![20] » Ces réflexions, que Louise de La Vallière avait faites, étant elle-même aux portes du tombeau, avec quelle puissance ne devaient-elles pas lui revenir au spectacle de cette effrayante agonie !

Enfin, tout ce monde des visiteurs sympathiques ou indifférents se retira. Près de Madame restaient son aumônier et M. Feuillet. Ce confesseur ordinaire, le Révérend Père Chrysostome[21], était un capucin à belle barbe et qui faisait bonne figure dans les voyages officiels ; mais à cette heure il ne s'agissait plus de parade. Comme le Révérend se perdait dans des exhortations confuses, la mourante le pria de laisser parler M. Feuillet ; voulant toutefois ménager sa susceptibilité, cette princesse, aimable jusqu'au plus fort de ses souffrances, ajouta doucement : « Vous parlerez ensuite[22]. » Il était onze heures du soir.

Le chanoine Feuillet était un homme austère, rude dans ses discours, à ce point qu'on lui avait interdit la prédication ; au demeurant plein de zèle. Très défiant quant à l'efficacité de ces repentirs de malades à demi morts, il ne ménagea rien pour exciter la contrition dans l'âme de la jeune femme qui allait bientôt paraître devant le souverain juge.

« Madame, votre vie n'a été que péché. Il faut employer si peu de temps qui vous reste à faire pénitence. — Montrez-moi donc comment il faut que je fasse. Confessez-moi, je vous en prie. » Alors, Henriette se confessa de nouveau, et Dieu lui donna des sentiments qui surprirent le confesseur. Elle parlait un langage qu'on n'entend point dans le monde et demandait avec grande instance de recevoir le Seigneur. Pendant qu'on était allé prévenir le curé, M. Feuillet reprit à haute voix : « Humiliez-vous, Madame, voilà toutes les grandeurs anéanties sous la puissante main de Dieu. Vous n'êtes qu'une misérable pécheresse, qu'un vaisseau de terre qui se casse en pièces, et de toute cette grandeur, il n'en reste aucune trace. — Il est vrai, mon Dieu », disait la moribonde.

Sa douleur attendrissait ce prêtre sévère et arrachait à sa rigueur des paroles de miséricorde qui consolaient Henriette et ramenaient une expression de joie sur le visage de la mourante. Elle demanda la croix dont la Reine mère s'était servie à sa mort et elle la baisa très humblement.

L'ambassadeur d'Angleterre, lord Montagu, était l'un des premiers accourus près de la sœur du roi son maître. On le tenait en dehors des négociations entreprises contre la Triple-Alliance. Madame cependant, par quelques confidences mesurées, avait su rendre sa situation moins pénible. La mort la pressant, elle le chargea de dire au roi Charles qu'en lui recommandant l'alliance française, elle n'avait obéi à aucun intérêt contraire au sien, qu'elle pensait toujours que son honneur et son avantage étaient conformes à ceux du roi de France[23]. Lord Montagu lui demanda alors si elle ne croyait pas qu'on l'eût empoisonnée. Je ne sais si elle lui dit qu'elle l'était, rapporte Mme de La Fayette ; mais je sçai bien qu'elle lui dit « qu'il n'en falloit rien mander au roi son frère, qu'il falloit lui épargner cette douleur, et qu'il falloit surtout qu'il ne songeât point à en tirer vengeance, que le Roi n'en étoit point coupable, qu'il ne falloit point s'en prendre à lui. » M. Feuillet, quoique l'ambassadeur s'exprimât en anglais, ayant entendu ce mot de poison : « Madame, lui dit-il, n'accusez personne et offrez votre mort à Dieu en sacrifice, et ne pensez à autre chose. » Montagu n'en renouvelant pas moins ses questions, Henriette ne répondit plus que par un mouvement d'épaules[24].

A ce moment on apporta le saint viatique. - « Ô mon Dieu, s'écria Henriette, je suis indigne que vous veniez visiter une misérable pécheresse comme moi. — Oui, Madame, vous en êtes indigne, reprit aussitôt M. Feuillet, mais il vous a fait la grâce de vous préparer. Anéantissez-vous devant ce Dieu miséricordieux. » Après avoir communié, la princesse demanda qu'on - lui administrât l’extrême-onction, pendant que la bonté divine lui laissait le jugement libre. Puis, ses douleurs s'aggravant : « Eh ! mon Dieu, ajouta-t-elle, qu'on me fasse la charité de me saigner au pied, car j'étouffe. — Laissez, Madame, faire les médecins ; ne pensez plus à votre corps ; sauvez seulement votre âme. »

Cependant les médecins trouvèrent à propos de saigner Henriette. Au moment où on lui appliqua les saintes huiles, Feuillet, de plus en plus rude, disait à haute voix : « L'Église demande à Dieu, Madame, qu'il vous pardonne tous les péchés que vous avez commis, par tant de mauvaises paroles, par les plaisirs pris aux parfums et aux senteurs, par tant de regards illicites, tant de rapports et de médisance, de concupiscence, d'œuvres mauvaises, défendus par la loi de Dieu. » Si, à raison du temps si court laissé à la jeune femme pour se reconnaître, on n'ose blâmer la rudesse du confesseur, on ne peut non plus s'empêcher de plaindre la patiente : « Mon Dieu, s'écriait-elle, ces grandes douleurs ne finiront-elles pas bientôt ? Quoi, Madame 1 vous vous oubliez ! Il y a vingt-six ans que vous offensez Dieu (la malheureuse avait juste vingt-six ans), et il y a six heures que vous faites pénitence. Dites plutôt avec saint Augustin : Coupe, tranche, taille ; que ce cœur me fasse mal ; que je ressente dans tous mes membres de très sensibles douleurs ; que le pus et l'ordure coulent dans la moelle de mes os ; que les vers grouillent dans mon cœur, pourvu que je vous aime, mon Dieu[25]. »

J'espère, Madame, reprit Feuillet, que vous vous souviendrez de vos promesses. — Oui, monsieur et je vous conjure, si Dieu me renvoie la santé, ce que je ne crois pas, de me sommer de [les tenir. — Madame je vous puis assurer que vos peines finiront bientôt. — A quelle heure Jésus-Christ est-il mort ? — A trois heures. — Peut-être me fera-t-il la grâce de mourir à pareille heure. — Elle prit alors le dernier breuvage que les médecins lui présentèrent.

Enfin Bossuet arriva. « Elle fut aussi aise de le voir comme lui affligé. » Depuis quelque temps, Madame - cherchait à s'instruire près de lui. Pour reconnaître ses soins, elle avait fait monter, à son intention, une émeraude en anneau. Presque expirante, elle s'en souvint et commanda qu'on la lui donnât quand elle ne serait plus ; mais ce commandement, elle l'exprima en anglais, « conservant ainsi jusqu'à sa mort la politesse de son esprit ».

Bossuet lui prodigua les consolations de sa parole évangélique. Il récitait des actes de foi, de confiance et d'amour. Un instant il s'arrêta : « Croyez-vous, monsieur, lui dit l'agonisante, que je ne vous entende pas parce que je me suis un peu retournée ? Continuez encore un peu. » Vers le milieu de la nuit, les douleurs s'apaisèrent. Henriette crut avoir sommeil et demanda quelque repos. Bossuet partit un instant « pour aller prendre l'air. » Mais peu de temps après, la malade se retourna et voyant Feuillet : « — Je vous prie, lui dit-elle, qu'on appelle M. de Condom ! M. Feuillet ! c'en est fait de moi à ce coup-ici ! — Eh bien, Madame, n'ètes-vous pas bien aise d'avoir accompli en si peu de temps votre course ! Après un si petit combat, vous allez recevoir de grandes récompenses ! » Bossuet arriva ; mais elle ne parlait plus. Il commença à dire les prières des morts pendant que Feuillet continuait de parler à l'agonisante. « En deux ou trois instants elle rendit son âme à Dieu. » Madame mourut assez doucement, le lundi 30 juin à deux heures et demie du matin, à peine âgée de vingt-six ans.

Les esprits restèrent longtemps sous l'impression de ce tragique événement. Aux premières paroles d'Henriette, à ce sentiment intime qu'elle ne cessa de manifester qu'après avoir renoncé à la vie et pardonné à tout le monde, l'idée d'un empoisonnement s'était si vite répandue, que sa maison entière demanda qu'on procédât à l'autopsie du corps[26]. Monsieur y consentit. Le roi délégua son médecin Vallot pour assister à l'opération[27]. On pria l'ambassadeur d'Angleterre, dont on devinait les soupçons, d'y venir avec tels médecins et chirurgiens de sa nation qu'il désignerait. L'examen fut fait avec soin. On conclut d'abord à une mort naturelle par choléra morbus, puis, par voie de conséquence, à l'inanité de tout soupçon de poison lent ou actif[28]. Il semble toutefois que les Anglais ne furent pas aussi convaincus que les Français, et qu'ils reconnurent des traces d'empoisonnement[29]. Presque aussitôt, un écrit très injurieux pour Monsieur circula et fut attribué au médecin de lord Montagu[30], qui le désavoua faiblement. En effet, l'ambassadeur pensa toujours que Madame avait été empoisonnée[31].

Bien que la constatation faite par les médecins français dût être tenue pour vérité officielle, bien que le roi fût déjà décidé à présenter l'événement sous ce jour favorable, de grandes inquiétudes subsistaient. Le procès-verbal concluant à la mort naturelle n'était pas signé, que le soir du 30 juin, Louis, après son coucher et la retraite de tous les courtisans, se releva, fit appeler le lieutenant de ses gardes, Brissac[32], et lui commanda d'enlever sur-le-champ, à Saint-Cloud, le premier maître d'hôtel de Madame[33]. Le coup de main réussit, et quelques heures après le maître d'hôtel arrivait à Versailles. « Mon ami, lui dit le roi, en regardant ce malheureux des pieds jusqu'à la tête, écoutez-moi bien. Si vous m'avouez tout et me répondez vérité sur ce que je veux savoir de vous, quoi que vous ayez fait, je vous pardonne, et il n'en sera jamais question ; mais prenez garde à ne pas me déguiser la moindre chose, car, si vous le faites, vous êtes mort avant de sortir d'ici. Madame n'a-t-elle pas été empoisonnée ? — Oui, Sire. — Et qui l'a empoisonnée, et comment l'a-t-on fait ? — C'est le chevalier de Lorraine qui a envoyé le poison à Beuvron et à d'Effiat. » Alors le roi, accentuant ses promesses de grâce et ses menaces de mort : « Et mon frère le savait-il ? — Non, Sire. » Le domestique de Madame ajouta qu'on n'avait pas assez de confiance dans Monsieur pour l'associer à ce complot qu'il eût empêché ou même dénoncé[34]. A ces mots, le roi poussa un grand « ah ! » de soulagement. « Voilà, dit-il, tout ce que je voulais savoir », et il fit secrètement renvoyer le maître d'hôtel.

Si jamais entretien dut être secret, c'est assurément celui qui précède. Entre le domestique et Saint-Simon, qui nous a conservé ces paroles, il n'y a qu'un seul intermédiaire, le procureur général Joli de Fleuri, et il est à noter qu'un parent de Joli faisait partie, également à titre de procureur général, de la maison de Monsieur. Autre élément de conviction : la seconde femme de Monsieur, la princesse Palatine, si intéressée à se rendre un compte exact des choses, donne en substance le même récit que Saint-Simon. D'Effiat, le jour du crime, fut trouvé touchant au gobelet de Madame et le frottant avec un papier. Un valet de chambre, que la Palatine eut à son service, entra alors et dit à d'Effiat : « Monsieur, que faites-vous à notre armoire, et pourquoi touchez-vous à la tasse de Madame ? » Sans se troubler, ce personnage si suspect répondit qu'il crevait de soif, cherchait à boire, et que, voyant la tasse malpropre, il l'avait essuyée[35]. Ce fait est considérable. La tisane dont Monsieur, dont tant de personnes burent sans inconvénient, était saine ; c'est la tasse qu'il eût fallu examiner.

Peu d'années après l'événement, lord Montagu écrivait au premier ministre d'Angleterre que si Madame Henriette avait été empoisonnée « comme tout le monde le croit », la France et l'Europe entière dénonçaient le chevalier de Lorraine comme son empoisonneur.

Tout serait dit, et l'on n'hésiterait plus à se prononcer, si l'on ne savait pas que ce qui motivait cette déclaration de l'ambassadeur, c'était la rentrée en France du chevalier, sa nomination au grade de maréchal de-camp, sa faveur renaissante auprès de Monsieur[36], si l'on ne savait pas que d'Effiat non seulement ne fut pas inquiété, mais continua d'habiter au Palais-Royal et à Saint-Cloud[37]. Une telle conduite renverse tous les raisonnements. Elle donne à penser qu'on a voulu précisément enlever toute base à une opinion définitive sur la véritable cause de la mort de Madame. Mais, si l'on a pu empêcher la déclaration d'évidence, on n'enlèvera jamais cette idée d'empoisonnement qui fut celle de la victime et de ses contemporains. Une chose encore certaine, c'est que Monsieur n'était pas coupable. Saint-Simon, la seconde Madame en ont donné plusieurs preuves. Voici la meilleure de toutes. La Grande Mademoiselle, qui avait si peur de mourir, aurait volontiers épousé Monsieur. Elle aurait voulu cependant qu'on écartât tous ceux qui étaient auprès de lui[38].

 

Ainsi périt, à la fleur de l'âge, cette aimable Madame. Elle quittait, la première, cette scène du monde où elle avait fait monter à sa suite Louise de La Vallière. Toutes les deux y avaient commis de grandes fautes. Seulement, pour l'une, la survivante, l'expiation devait durer plus de la moitié de sa vie. Pour l'autre, il semble que l'on eût ramassé en quelques heures les souffrances d'une vie entière. Toutes les deux avaient, dans leur rapide carrière, en apparence triomphale, éprouvé plus de peines encore que de plaisirs. Le médecin Bourdelot, qui combattait l'idée de l'empoisonnement de Madame, cherchant une cause probable, à cette mort, l'attribuait « à ses grands chagrins[39] ».

Quoi qu'ils pensassent au fond, Louis XIV et Charles II échangèrent avec solennité leurs compliments de condoléance. Le maréchal de Bellefonds porta à Londres ceux du roi de France. Le roi d'Angleterre renvoya les siens vers le commencement du mois d'août par le duc de Buckingham, qu'on reçut avec les plus grands honneurs. Cette mission se termina au milieu de festins et de parties de plaisir qui contrastaient singulièrement avec la cause funèbre du voyage. Une de ces fêtes présenta même un caractère intime et piquant. Lauzun invita l'ambassadeur et deux Anglais de sa suite à souper. Il leur avait ménagé la société de trois dames aimables, « une de ses maîtresses », on ne dit pas laquelle, la marquise de La Vallière, belle-sœur de la duchesse[40], et la grosse et toute réjouie Mme de Thianges, cette sœur de la Montespan, dont la maxime était qu'on ne vieillissait pas à table. Les convives festoyaient gaiement, au son de divers instruments, quand on vit entrer dans la salle un cavalier masqué, tenant par la main deux dames également en masque. Tous les trois se mirent à danser. Alors les amies de Lauzun, entourant le trio, dansèrent à leur tour, et à chaque figure affectaient d'admirer l'épée de l'inconnu, tant et si bien qu'elles s'en emparèrent et l'offrirent au duc. Puis, le cavalier et ses compagnes se démasquèrent, et l'on reconnut le roi et Mme de Montespan. On ne nomme pas la seconde danseuse. Louis, s'approchant de Buckingham, lui dit que, désarmé par ces dames, il le priait d'accepter son épée[41]. L'épée et le baudrier étaient estimés plus de vingt mille écus[42].

Ainsi, les bruits du mariage projeté entre Monsieur et Mademoiselle ne préoccupaient pas beaucoup Lauzun, qui n'avait pu garder grand espoir. Moins de six heures après la mort de Madame — on voit que des plus grands coups de tonnerre le retentissement dure peu —, le roi, prenant Mademoiselle de Montpensier à part, lui disait : « Ma cousine, voilà une place vacante ; voulez-vous la remplir ? — Vous êtes le maître, Sire : je n'aurai jamais d'autre volonté que la vôtre. » Le roi la pressa : « Y avez-vous de l'aversion ? » Mademoiselle ne répondit pas. A l'en croire, elle était pâle comme la mort, confuse, interdite ; et cependant Louis, qui ne manquait pas de coup d'œil, comprit qu'elle approuvait son projet. « J'y travaillerai, dit-il, et je vous en rendrai compte. » Peu de temps après, entre le 9 et le 22 octobre, la cour étant à Chambord, Mademoiselle, Mme de Montespan, duchesse de La Vallière et M. de Lauzun jouaient des montres. Lauzun affectait de ne pas regarder Mademoiselle, qui s'aperçut alors qu'un ruban de sa manchette était dénoué. Elle pria le petit homme de le lui remettre en état ; mais il ne se sentit pas assez adroit. La princesse dut accepter cet office de sa prétendue rivale, Mme de la Vallière, et n'en trouva pas moins très plaisantes les mines du rusé courtisan[43]. Il reprenait sa puissance à mesure que diminuaient les chances du mariage avec Monsieur, toujours très froid. (3-22 octobre 1670.) Mademoiselle, qui voyait à cet automne tomber les feuilles de son quarantième printemps, en revint à son idée de faire le bonheur de Lauzun.

Le séducteur déployait une habileté consommée, affectant de s'immoler discrètement au succès des grandeurs promises à la future Madame. Cependant, il se préparait d'utiles alliances. Il se rapprochait de la Montespan, grande amie de Mademoiselle. Ami lui-même de toute personne en faveur, il avait repris pour son compte à Saint-Germain le rôle tenu jadis par Colbert au palais Brion. Quand la marquise mit au monde son premier enfant adultérin, c'est Lauzun qui l'emporta sous son manteau à travers le petit parc et le remit à la veuve Scarron. Il réussit encore par des prodiges d'adresse à faire épouser la nièce de la favorite, Mlle de Thianges par M. de Nevers, cet homme « si difficile à décider ». Grâce à son savoir-faire, Mme de Montespan accomplissait partout des merveilles[44].

Très charitable aux faiblesses des autres, il se disait pour lui très délicat ; bien loin d'être capable de se déshonorer en épousant La Vallière, il faisait remercier la famille de M. de Roquelaure, où on lui proposait une alliance. « Il ne se marieroit pas ou il se marieroit mieux[45]. » Mademoiselle ne tint pas devant tant de sacrifices. Elle s'offrit à ce dédaigneux. Et pourtant, lorsqu'on parla du mariage de Lauzun avec une personne encore inconnue, quel nom vint d'abord sur toutes les lèvres ? Celui de cette duchesse de La Vallière tant jalousée[46]. Mais où l'étonnement commença et devint saisissant, c'est lorsqu'on fut certain qu'il s'agissait de Mademoiselle de Montpensier.

Comment le croire ? Mademoiselle, petite-fille de Henri IV, cousine germaine du roi ! Comment ne le croire pas ? Le roi avait donné son consentement. Les chefs de la noblesse venaient remercier Mademoiselle de l'honneur qu'elle faisait aux gentilshommes français. Colbert lui-même proposait à Lauzun de régler ses affaires, et aussitôt travaillait au projet de contrat[47]. Avec toute la cour, Louise de La Vallière présenta ses compliments à Mademoiselle. Par bien des raisons, Louise n'avait jamais souhaité pour elle un mariage où elle n'aurait apporté ni honneur ni amour. Elle connaissait trop le futur mari pour se faire illusion sur le succès de cette singulière union. Sans affectation, très simplement, elle complimenta la sœur de Lauzun et Mademoiselle. « Vous faites une belle chose, dit-elle à la princesse, j'en suis bien aise, M. de Lauzun est de mes amis[48]. » Mademoiselle ne répondit rien.

Mais les politiques ont le cœur moins tendre que les amoureuses de quarante ans et l'humeur moins facile. Entre tous, Louvois[49] détestait « le petit homme ». Déjà en i668, il avait obligé le roi à revenir sur une promesse faite à son favori et à lui reprendre la charge de grand maître de l'artillerie. Satisfaite en ce point, sa jalousie reparut avec une force nouvelle quand le roi donna, en 1670, à Lauzun, chef habile, au moins à la parade, le titre de général d'armée. Derrière ce mariage, favorisé par Mme de Montespan, et qui plus est, par Colbert, le soupçonneux ministre flaira « une cabale[50] ». Dès le 8 décembre, il était avisé, et commençait sa résistance[51]. Lauzun l'apprit et se sentit perdu. Ce fut Mademoiselle (reconnaissons sa vaillance) qui lui rendit un semblant de courage.

Louis, cependant, continuait d'autoriser les préparatifs du mariage, préparatifs très lents. Alors une femme encore obscure essaya son génie. Mme Scarron, jeune veuve d'un vieux poète podagre et future épouse d'un vieux roi, trouva mauvais qu'une princesse sur le retour prît pour mari un jeune gentilhomme. Quelles furent ses raisons ? Cette femme qui a tant écrit, discuté, analysé, n'a jamais rien dit à ce sujet. Ce qu'on sait, c'est que cette alliée de Louvois eut le talent d'effrayer Mme de Montespan. Elle lui fit voir « que la famille royale et le roi lui-même lui reprocheroit le pas qu'elle lui faisoit faire[52] ». La favorite se rendit aux discours de sa confidente, et, à son tour, impressionna le prince, aux moments les mieux choisis.

En même temps, surgit une opposition très forte et d'inspiration plus haute, celle du prince de Condé, de Madame d'Orléans, belle-mère de Mademoiselle, et surtout de Marie-Thérèse. La fibre royale de cette princesse tressaillit à l'idée d'une telle mésalliance. Louis était aussi un roi de grande race. S'il avait d'abord cédé, c'est peut-être qu'il ne lui déplaisait pas de voir son ancienne ennemie se ridiculiser. Les conseils de ses ministres, son bon sens naturel eurent vite modifié ses idées. Ses derniers scrupules s'évanouirent à la lecture du contrat prodiguant à Lauzun des biens qu'on aimait à regarder comme appartenant à la maison de France. Il retira donc sa promesse, et ce projet de mariage, admiré la veille, parut grotesque le lendemain.

Lauzun se montra calme et plus que résigné. Mademoiselle voulut croire qu'il pleura. Elle seule alors vit ses larmes. Au surplus, elle pleura, soupira, cria pour deux. Ô misères de la vie mondaine ! Cette infortunée, qui n'avait voulu recevoir ni sa belle-mère, ni sa sœur, envoya quérir Mme de Montespan et la pria fort de parler au roi. La favorite, qui l'avait trahie, n'en sut que mieux lui servir une réponse honnête. Louise de La Vallière, toujours bonne, revint tout naturellement vers l'affligée et s'efforça de la consoler. « Je vous plains fort, lui dit-elle, une personne de votre condition ayant fait les pas que vous avez faits inutilement, cela est digne de pitié. Pour M. de Lauzun, il n'est point à plaindre ; le roi lui donnera plus de dignités et du bien plus que vous ne lui en donneriez ; et, quand il ne se marieroit pas, il n'en sera que plus heureux. » Mademoiselle ne prit pas ces paroles sincères en bonne part. Plus de quatre ans après, elle ne pouvait s'empêcher de dire : « Je trouvai ce discours fort sot ! » Triste discours, en effet, pour ces oreilles d'amoureuse dépitée.

Celui-là seul qui lit au fond des esprits féminins pourrait dire si, en parlant des avances de Mademoiselle à Lauzun, la duchesse s'était souvenue des sarcasmes dont on l'accablait depuis plus d'une année, pour des prétentions imaginaires. Louise n'avait pas le goût des représailles. Désenchantée, elle commençait à voir le monde comme il était r « Et quand M. de Lauzun ne se marieroit pas, il n'en sera que plus heureux ! » Cette jeune femme, réputée si légère, avait très bien jugé ce rusé personnage et deviné que les passions mobiles du petit vainqueur des dames s'accorderaient mal avec les liens indissolubles du mariage, du mariage dont elle se faisait une idée d'autant plus haute qu'elle se sentait à jamais exclue de cette terre promise, hors de laquelle on ne trouve ni la famille ni cette affection qui dure toute la vie.

 

 

 



[1] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 92, 94. S'il est des observateurs qui aiment à étudier la pensée d'une même personne appréciant après un' long intervalle les mêmes événements, nous ne pouvons que les inviter à lire dans les éditions anciennes et dans l'édition Chéruel le passage des Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, où elle raconte son aventure.

[2] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 111. — PELLISSON, Histoire de Louis XIV, et Lettres historiques, t. I, p. 1 et suiv. — BUSSY-RABUTIN, Correspondance, t. I, p. 270.

[3] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t VI, p. 119, 120. Entre le 4 et le 6 mai 1670.

[4] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 136. Sur La Hillière, v. SAINT-SIMON, Mémoires, t. V, p. 365, éd. Boislisle.

[5] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 159. La place qu'occupe cette anecdote indique que les préoccupations de Mademoiselle ont dû être bien vives, car elle l'intercale au milieu d'un récit tout différent.

[6] Histoire de Madame Henriette, p. 165 et suiv. La première partie de l'Histoire, celle que Madame dictait et parfois écrivait en 1669 (v. Préface de Mme DE LA FAYETTE), finit à l'année 1665. La seconde partie commence en juin 1670.

[7] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 137.

[8] Rapport du médecin Bourdelot.

[9] RAVAISSON, Archives de la Bastille, t. IV, p. 33, 36. GUY-PATIN, Lettres, t. III, p. 364, parle dès le 8 avril 1670 de la médiation de la princesse Palatine ; il la considère comme ayant alors réussi. Il se trompait.

[10] D'ORMESSON, Journal, t. II, p. S93.

[11] Histoire de Madame Henriette, p. 174. Bossuet rapporte que Madame dit au maréchal de Grammont qu'elle avait cru être empoisonnée par méprise. Lettre de Bossuet : FLOQUET, Etudes sur la vie de Bossuet, t. III, p. 416.

[12] Lettre de Bossuet, ci-dessus citée.

[13] Histoire de Madame Henriette, p. 175, 193. L'Etat de la France pour 1669, p. 405, cite à l'article de la maison de Monsieur, parmi les quatre valets de chambre, couchans en icelle, et ayans la clef des coffres, Jacques Thivol, M. de Sainte-Foy. Il servait aux gages de 600 livres par an. Son quartier était d'avril à juin.

[14] Histoire de Madame Henriette, p. 180, 183.

[15] Histoire de Madame Henriette, p. 189.

[16] M. Floquet s'est trompé en disant que Madame avait demandé tout d'abord : « Monsieur de Condom ! monsieur de Condom ! » Études, t. III, p. 393.

[17] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 148.

[18] Histoire de Madame, p. 189.

[19] Lettre de Bossuet : FLOQUET, Études, t. III, p. 418.

[20] Réflexions sur la miséricorde de Dieu, t. I, 97, vingt-troisième réflexion. — Depuis longtemps, Louise et Madame vivaient en très bons termes, témoin cet article des Comptes de la maison du Roi, t. I, p. 359 : « Au sieur Nocret, pour un portrait de Madame la duchesse d'Orléans qu'il a fait et posé dans la cheminée de la petite chambre de Mme de La Vallière. »

[21] Jean Chrysostome d'Amiens, capucin, confesseur et prédicateur ordinaire. Etat de la France pour 1669, t. I, p. 434.

[22] Histoire de Madame Henriette, p. 192. Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 147.

[23] Lettres de milord Montagu au roi d'Angleterre, 15 juillet 1670. V. Histoire de Madame Henriette, p. 214.

[24] Histoire de Madame Henriette, p. 193.

[25] Le récit de M. Feuillet, chanoine de Saint-Cloud, plusieurs fois publié, se trouve au t. III, p. 407, des Mémoires intéressants pour servir à l'histoire de France, par PONCET DE LA GRAVE. Paris, 1789. La Bibliothèque nationale, la bibliothèque de l'Arsenal en possèdent des copies manuscrites supérieures au texte imprimé.

[26] « Une maladie si courte et si douloureuse donnoit de l'étonnement et pouvoit faire penser à quelque chose d'étrange. Monsieur, à la prière de tous ses domestiques, donna ordre pour ouvrir le corps. » Relation de la maladie, mort et ouverture dit corps de Madame, par l'abbé BOURDELOT, médecin, au t. III, p. 411, des Mémoires intéressants pour servir à l'histoire de France, par PONCET DE LA GRAVE, Paris, 1789.

[27] Vallot a donné son sentiment particulier sur les causes de la mort de Madame. Il conclut à la mort naturelle. V. Archives de la Bastille, t. IV, p. 37.

[28] « De toute cette relation et discours il résulte que Madame est morte de choléra morbus, dont les causes sont très connues et l'effet ordinaire, ce qui ne laisse aucun soupçon de poison lent ni actif ». (Relation par Bourdelot, ou peut-être d'après Bourdelot.) On ne peut oublier que cet homme capable finit par s'empoisonner par imprudence.

[29] Bourdelot prétend qu'il fit « comprendre à l'ambassadeur d'Angleterre et à Milord qui étoient là » que la cause de la mort était naturelle. V. Relation citée, l. c., p. 417. Il se flatta peut-être. « Madame, dit Bouillau, est morte de mort naturelle suivant les médecins français, de poison suivant les Anglais. » Archives de la Bastille, t. IV, p. 36.

[30] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 151.

[31] Lettre de lord Montagu, Vie de Madame, p. 203. Le même écrivait dès le 6 juillet : « Je ne suis pas assez bon médecin pour juger si elle a été empoisonnée ou non. »

[32] SAINT-SIMON, Mémoires, t. II, p. 226, sur l'année 1701. Nous avons contrôlé le récit de Saint-Simon. L'État de la France pour 1669 indique bien Brissac comme lieutenant de la compagnie d'Aumont. On pourrait dire que le service de M. d'Aumont ne commençait qu'en juillet ; mais, par mesure de précaution, le roi faisait servir le capitaine d'une compagnie avec le lieutenant d'une autre compagnie. Brissac devait donc servir à un autre moment que son capitaine. V. État, t. I, p. 162.

[33] Selon Saint-Simon, ce maître d'hôtel s'appelait Purnon, et c'est aussi le nom que lui donne l'État de la France, t. I, p. 438.

[34] « Non, Sire, aucun de nous trois n'étoit assez sot pour le lui dire, il n'a point de secret ; il nous auroit perdus. » SAINT-SIMON, Mémoires, t. II, p. 226, éd. 1865. La seconde Madame, dans sa Correspondance, « a donné une bonne version de cette partie du complot. » Lorsque ces coquins tinrent conseil entre eux pour décider que l'on empoisonnerait la pauvre Madame, ils discutaient s'ils devaient ou non prévenir Monsieur. Le chevalier de Lorraine dit : « Non, ne le lui disons pas, il ne saurait se taire ; s'il n'en parle la première année, il nous fera pendre dix ans après. » Et l'on sait que ces misérables ajoutèrent : « Gardons-nous bien de le dire à Monsieur, qui le « dirait au roi, qui nous ferait pendre. » Correspondance, t. I, p. 252. V. encore ibid., t. II, p. 206.

[35] Correspondance complète de Madame, t. II, p. 522. SAINT-SIMON, Mémoires, t. II, p. 229. La Palatine entendit le valet de chambre ; Saint-Simon entendit Joli de Fleuri, qui avait interrogé le maître d'hôtel de Madame Henriette. V. note à la fin du volume.

[36] Lettre de milord Montagu à milord Arlington, 5 février 1672, Histoire de Madame Henriette, p. 218. « Si Madame a été empoisonnée, comme tout le monde le croit, toute la France le regarde comme son empoisonneur. »

[37] Correspondance de Madame la duchesse d'Orléans, t. II, p. 114.

[38] Mémoires-anecdotes de Segrais, p. 101.

[39] Relation citée, l. c., p. 417.

[40] Le texte d'où nous tirons cette anecdote dit cousine. C'est une erreur.

[41] Dépêche de M. de Iturieta, ambassadeur espagnol, du 4 septembre 1670. Il dit tenir le récit de la fête de l'une des dames qui y assistèrent. Certes, on doit se méfier des dames ! Mais cette fois, le reporter, bien qu'indiscret, était véridique. V. la Gazette de France, septembre 1670.

[42] C'est le chiffre donné par la Gazette. Le reporter de don Iturieta dit plus de 16.000 louis. Voici une preuve de la véracité de l'ambassadeur espagnol. Lorsqu'il déclara que son diseur était une femme, il eut soin d'ajouter : « Je crois qu'on peut retrancher quelque chose de cette évaluation. » Archives de la Bastille, t. IV, p. 46.

[43] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 167.

[44] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 201. Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, t. II, p. 23 (10 décembre 1670), édition Hachette.

[45] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 194.

[46] Mme DE SÉVIGNÉ, lettre du 15 décembre 1670, t. II, p. 27, édition Hachette.

[47] Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, t. II, p. 23, édition Hachette, 1860.

[48] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoire, t. IV, p. 181, 241.

[49] V. C. ROUSSET, Histoire de Louvois, t. I, p. 237. Le savant historien traite Lauzun de « fou » ; ambitieux soit, mais non pas fou. Le récit de cette affaire ne rentre pas assez dans notre sujet pour l'aborder ici. Disons, toutefois, qu'il faut se tenir en garde contre Saint-Simon, qui a dû brouiller deux historiettes. Si vers mars 1669 Lauzun eût traité la favorite comme il est dit dans les Mémoires du duc, on ne comprendrait pas qu'il se fût lié à elle en 1671. M. Clément, dans son ouvrage Madame de Montespan et Louis XIV, p. 33 à 55, a aussi confondu les dates.

[50] D'ORMESSON, Journal, t. II. p. 605.

[51] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 189.

[52] Mémoires de M. de marquis de La Fare, p. 188, édition d'Amsterdam, 1643.