LOUISE DE LA VALLIÈRE ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV

TROISIÈME PARTIE. — 1667-1674

 

CHAPITRE PREMIER. — JANVIER 1667-JUIN 1667.

 

 

La fin de cette année 1666 et le commencement de celle qui succéda virent s'achever la transformation du caractère de Louis XIV, commencée au lendemain de la mort de sa mère. Anne d'Autriche avait-horreur de la guerre. Le jeune prince, au contraire, la désirait. Les succès militaires qui avaient illustré sa minorité ne paraissaient pas lui appartenir[1]. Il en voulait de personnels, qui lui assurassent la gloire du vainqueur et du conquérant. Dès le début de son règne effectif, il avait donné le plus grand soin à la réorganisation de son armée, mais en quelque sorte à la muette, faisant sans dire, au besoin disant le contraire de ce qu'il faisait, de peur d'attirer l'attention de ses voisins. A partir de 1666, il dissimula moins et commença ces inspections de troupes qui le firent traiter par les gazettes de Hollande de cadet de revues, A Saint-Germain, à Fontainebleau, à Vincennes, ces spectacles entrèrent dans le programme des divertissements. Louis, qui, ne pouvait examiner ses troupes sans les réunir ni les réunir sans les montrer à tous, trouvait bon de donner à ces sérieuses réunions de frivoles apparences. Les dames y venaient en amazones, jetaient leurs écharpes sur les cuirasses, leurs rubans sur les armes.

Par le même calcul, le roi voulut que les fêtes de l'automne et de l'hiver fussent magnifiques.

A peine relevée de ses couches, Louise de La Vallière rentra dans le tourbillon. Dès le 1er octobre, on quittait Vincennes pour Saint-Germain, où l'on répétait les pas et les figures d'un ballet nouveau, le ballet des Muses, qu'on dansa à Paris (2 janvier 1667)[2]. Benserade se surpassa, marquant en traits aussi exacts que délicats la physionomie de divers personnages : le roi d'abord :

Ce berger n'est jamais sans quelque chose à faire,

Et jamais rien de bas n'occupe son loisir,

Soit plaisir, soit affaire ;

Mais l'affaire toujours va devant le plaisir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La saison est passée,

Où les bergers dormoient sur la foi de leurs chiens.

Paissez, brebis, pendant qu'il s'apprête à détruire

Avec tant de vigueur tous les loups, s'il en vient,

Et laissez-vous conduire

A qui sçait mieux que vous tout ce qui vous convient.

Madame Henriette entrait ensuite, et le poète disait :

Elle vous prend d'abord, vous entraîne, vous tue,

Vous pille jusqu'à l'âme : et puis, après cela,

Sans être émue,

Vous laisse là.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Telle erreur devroit être excusable et légère,

Qui trompe les plus fins et leur fait présumer

Qu'étant bergère,

On peut l’aimer.

. . . . . . . . . . . .

Le meilleur sort

Qui s'en ensuive

Est d'être mort.

Pouvait-on plus hardiment évoquer les figures de Guiche et de Vardes en exil ?

A peine les spectateurs étaient-ils remis de l'étonnement causé par des allusions si transparentes, que Mme de Montespan paraissait en bergère.

Dans le ballet de la Naissance de Vénus (1605), la marquise figurait une Heure à la marche « bien réglée ». En 1607, Benserade changea de ton et se permit une certaine impertinence envers la pastourelle :

Elle est promptè à la fuite

Et garde une conduite

Dont chacun est surpris ;

Mais nous en avons pris

Qui tenoient même route,

Et nous serions sans doute Au comble du bonheur,

N'étoit son chien d'honneur :

Ce mot pourra déplaire :

Mais qui sçaurions-nous faire ?

Il est, en effet, douteux que ce mot ait plu au marquis de Montespan.

Le librettiste accueillait tout autrement l'entrée de Mlle de La Vallière :

Jeune bergère en qui le ciel a mis

Tout ce qu'il donne à ses meilleurs amis,

De la beauté, du cœur, de la sagesse

Et si j'en crois vos yeux, de la tendresse,

Vous me semblez l'ornement du hameau,

Et j'aime à voir dans un objet si beau,

Parfaitement l'une à l'autre assortie,

Et tant de gloire, et tant de modestie.

C'est le dernier hommage publiquement rendu à Louise. A la fin de l'à-propos, le poète lança une de ces allusions auxquelles il excellait :

Que vous peut-on souhaiter et quel bien ?

Je croy qu'il faut ne vous souhaiter rien.

L'on ne sçauroit croistre un bonheur extrême,

Et pour tout dire, enfin, que sçay-je mesme

Si, méritant tant de prospéritez,

Vous n'avez point ce que vous méritez ?

Et quand Mlle de La Vallière eut danse, le roi vint se placer à côté d'elle[3]. Vraiment nul n'aurait pu croire, ce jour-là, qu'on avait évoqué contre ce berger et cette bergère toutes les puissances infernales.

Comme il n'est pas d'hiver où ne se montre le sourire de quelques beaux jours, l'amour ne s'en va point sans quelques retours de passion. Louise un instant put croire encore à la constance de Louis. Il donnait à sa maîtresse des gages non équivoques de sa tendresse. En même temps, sa femme, Marie-Thérèse, était grosse et demeurait dans ses appartements. Mari, amant infatigable, Louis n'en continuait pas moins de danser. Le 2 janvier, il était déjà costumé, quand on annonça les douleurs de la reine ; il n'eut que le temps de reprendre ses habits ordinaires et de courir près d'elle[4].

Enfin, pour couronner le carnaval, on donna de grandes fêtes à Versailles. Des tables furent préparées pour tous les masques qui se présenteraient ; les courtisans rivalisèrent de dépenses avec le souverain. Malgré ces invitations trois ou quatre-carrosses seulement vinrent de Paris. Les gazettes en prose et en vers déclarèrent que la foule était accourue ; mais le roi, qui savait la vérité, fut chagrin de ce « que sa magnificence n'étoit vue de personne ». Pas plus de mascarades à Paris, « peu de gens ayant le cœur en joie[5] ». C'est que, sous le masque, le public devinait le visage soucieux du politique et les regards avides du conquérant. Six années n'avaient point suffi à effacer le souvenir néfaste des guerres, et l'on craignait de les voir renaître. de ce mariage espagnol, gage trop fragile de la dernière paix. On cherchait quelque assurance dans cette idée que Colbert, alors grand « ménager », s'opposerait à des dépenses belliqueuses, et, de fait, Colbert s'éleva d'abord contre elles avec une vigueur trop vite épuisée. Louis, comme il avait déjà résolu de n'avoir point de maître chez lui, voulait à cette heure dominer chez les autres.

Bien que, dans tous ses actes diplomatiques, Louis XIV se présentât en bon mari allant en Flandre recueillir une succession non douteuse échue à la reine sa femme, au fond, il s'attendait à une vive résistance[6]. Cette perspective même ne laissait pas de lui plaire, et cependant il se sentait ému comme un soldat à sa première campagne. Dès que le carême eut étouffé les derniers bruits de la joie factice du mardi gras, une sorte de veillée des armes commença. Ce prince de vingt-sept ans, brave par sa volonté comme par sa naissance, « résolu à ne pas se tenir hors du danger », se mit par la pensée en présence de la mort et fit un retour sur sa vie privée. Louis, naguère esprit fort, qui ne se confessait plus, à ce point qu'on ne citait que ses pratiques extérieures, Louis, aux Pâques de 1667, communia « en l'église de sa paroisse[7]. » Très vraisemblablement, c'est en conséquence de cette espèce de conversion in articulo mortis qu'il prit une résolution méditée depuis un an, et dont la cause et la portée mirent singulièrement à l'épreuve la curiosité de la cour, de Paris et de l'Europe.

 

Le samedi 13 mai, le Parlement, toutes chambres assemblées, et le lendemain la Chambre des comptes, reçurent communication à fin d'enregistrement de lettres patentes telles qu'on n'en avait pas vu depuis un demi-siècle :

« Louis[8], par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.

« Les bienfaits que les roys exercent dans leurs États estant la marque extérieure du mérite de ceux qui les reçoivent et le plus glorieux éloge des subjets qui en sont honorez, nous avons cru ne pouvoir mieux exprimer dans le public l'estime toute particulière que nous faisons de la personne de nostre chère et bien-amée et très-féalle Louise de La Vallière qu'en luy confiant les plus haults titres d'honneur qu'une affection très-singulière, excitée dans notre cœur par une infinité de rares perfections, nous a inspirés depuis quelques années en sa faveur. Et, quoique sa modestie se soit souvent opposée aux désirs que nous avions de l'eslever plus tôt dans un rang proportionné à notre estime et à ses bonnes qualitez, néantmoins l'affection que nous avons pour elle et la justice ne nous permettant plus de différer les témoignages de nostre reconnoissance pour un mérite qui nous est si connu, ni de refuser plus longtemps à la nature les effets de nostre tendresse pour Marie-Anne, nostre fille naturelle, en la personne de sa mère, nous luy avons fait acquérir la terre de Vaujours, située en Touraine, et la baronnie de Saint-Christophe en Anjou, qui sont deux terres également considérables par leurs. revenus et par le nombre de leurs mouvances ;

« Mais, faisant réflexion qu'il manqueroit quelque chose à nostre grâce sy nous ne rehaussions la valeur de cette terre par un titre qui peut satisfaire tout ensemble à l'estime qui provoque nostre libéralité et aux mérites du subjet qui la reçoit : mettant d'ailleurs en considération que nostre chère et bien-amée Louise-Françoise de La Vallière est issue d'une maison très noble et très ancienne et dont les ancestres ont donné, en plusieurs occasions importantes, des marques signalées de leur zèle au bien et avantage de nostre État et de leur talent et expérience dans le commandement des armées. »

Suit la formule de création d'une duché-pairie « pour en jouir par ladite damoiselle Louise-Françoise de La Vallière, et, après son décès, par Marie-Anne, nostre dite fille, ses hoirs et descendans tant masles que femelles, en légitime mariage ».

Enfin, les lettres étaient terminées par une clause de retour au domaine : « Et, comme nostre couronne est la source de toutes les grâces et que, dans ce cas, elles y doivent naturellement retourner, aussy nous voulons qu'arrivant le décès de Marie-Anne, nostre fille, sans enfans ou descendans masles ou femelles, soit avant ou après sa mère, la propriété de ce duché soit conservée tout entière à ladite demoiselle Louise-Françoise de La Vallière, à la charge néantmoins qu'elle n'en pourra disposer et qu'après sa mort il demeurera ainsi que toutes les parties qui le composent en nostre couronne, sans que ses hoirs, successeurs et ayants cause autres que Marie-Anne nostre fille, ou les enfans descendant de nostre dite fille, laquelle nous avons déclarée et déclarons légitime et capable de tous honneurs et effets civils, y puissent rien prétendre, soit en titre de succession ou par quelque voye que ce puisse estre. »

La simple lecture du procès-verbal de la séance du Parlement prouve que l'affaire était prévue et d'avance acceptée : « Conclusions du procureur général, la matière mise en délibération, (la Cour) a arrêté et ordonné que lesdites Lettres seront registrées au greffe d'icelle pour estre exécutées selon leur forme et teneur[9]. »

La postérité s'est montrée plus sévère pour cet acte d'autorité que les contemporains, que la reine Marie-Thérèse elle-même. C'est qu'elle l'a trouvé lié à des actes postérieurs, de même nature et de plus en plus odieux. Où l'on aperçoit aujourd'hui un scandale et le triomphe de la passion, on voulait voir en 1667 un commencement de retour à l'ordre, tout au moins une rupture avec le désordre et comme la liquidation d'une erreur de jeunesse. Le roi avait dit à la reine qu'à trente ans il se rangerait. On pouvait croire qu'il était en avance d'un an.

Sans présenter comme œuvre édifiante la légitimation d'un enfant naturel, né d'un commerce adultérin, il faut reconnaître que les déclarations de ces lettres patentes sont empreintes de réserve. Qu'on les compare aux termes hardis employés jadis par Henri IV : « Disons et déclarons César notre fils naturel, et icelui avons légitimé et légitimons et de ce titre et honneur de légitimation avons décoré et décorons par ces présentes[10]. » Cette libre allure de son aïeul, Louis XIV la prendra un jour ; mais, pour en arriver là, il lui faudra subir six ans d'adulations et de passions fausses[11]. En 1667, ce prince, s'il se considérait déjà comme l'incarnation des droits de son pays, gardait encore un certain respect de la toute-puissance qu'il s'attribuait. On peut dire qu'il accomplit alors une sorte de devoir de conscience[12]. Au surplus, Louis XIV lui-même a précisé le vrai sens de ces lettres dans les Mémoires qu'il dicta et fit rédiger pour le Dauphin. « N'étant pas résolu d'aller à l'armée pour y demeurer éloigné de tous les périls, je crus qu'il étoit juste d'assurer à cet enfant l'honneur de sa naissance et de donner à la mère un établissement convenable à l'affection que j'avois pour elle depuis six ans[13]. »

C'est la vérité. Il avait fallu le grave avertissement d'une guerre prochaine pour ouvrir les yeux de cet égoïste. Louise ne possédait presque rien en propre, que ses bijoux. Avant le 14 mai, sa fille n'avait d'autre nom que celui de Marie-Anne, et, ne vivant d'aucune vie légale, n'était capable d'aucune succession[14]. Après la publication de ces lettres, Louise devenait duchesse, et Marie-Anne avait le droit de s'appeler La Vallière[15]. Quant aux biens de la duché, qui valaient cent mille francs de rente, le premier rédacteur des lettres les fit reposer uniquement sur la tête de la fille du roi. Partout on sentait l'arrangement d'un procureur qui n'avait pensé qu'à la fille du roi. À elle seule la propriété de Vaujours, dont l'usufruit ne revenait à la mère que si sa fille mourait, et mourait sans enfants[16].

Les lettres de 1667 disaient vrai, la modestie de Louise avait plutôt écarté que sollicité les faveurs royales. La pauvre femme ignorait ce qu'on avait préparé. Cette terre de Vaujours, que le roi était censé lui donner, elle n'en connaissait même pas le nom. Quelqu'un de ces nombreux agents que Colbert tenait en province, toujours à l'affût des bonnes occasions, l'avait sans doute achetée en secret. On en a une preuve convaincante. L'acte d'acquisition porte bien la même date que les lettres de légitimation, mais cette date est supposée. Le répertoire du notaire existe. La mention de l'acte y fut intercalée après coup[17].

Ce que la nouvelle duchesse ressentit d'abord, ce fut non de l'orgueil, mais de la honte[18]. Celle qui, à Vincennes, à peine délivrée de sa responsabilité maternelle, avait exposé sa vie pour sauver son amour-propre, pouvait-elle sans rougir voir sa faute publiée, enregistrée à perpétuité ? Mais quel fut son saisissement, et quelle fut sa douleur, quand sa réflexion ou l'indication cruelle d'un ami lui montra, sous les mots trompeurs de ces lettres royales, leur sens exact ; faite duchesse et déclarée mère d'une fille du roi, elle cessait non moins publiquement d'être aimée du père de son enfant !

Eût-elle voulu fermer les yeux à l'évidence de ces lettres où Louis, libéral envers sa fille, prenait à peine soin de la mère, toutes les voix de la cour eussent crié à Louise son abandon. Dès le lendemain de cette publication, on annonçait sa retraite et qu'elle irait à Fontainebleau « attendre les r ordres du roi[19] ». On parlait à nouveau de son mariage.

Vardes, son ennemi d'autrefois, avait, disait-on, obtenu son pardon[20], et, s'il revenait, c'était pour épouser la maîtresse répudiée, titrée, enrichie. A ces heures décisives, les événements de la veille, inaperçus ou mal vus, se présentent tout à coup à l'esprit sous leur vrai jour : Louise vit son frère nommé brigadier général, son oncle pourvu de l'évêché de Nantes ; diverses autres marques de la faveur royale se transformèrent en symptômes trop certains de délaissement. C'est ainsi que les grands congédient leurs domestiques quand ils ont cessé de plaire.

Enfin, quel moment choisissait ce maître, ce roi, cet amant, unique passion de Louise, pour annoncer cette rupture ? Celui où la malheureuse sentait une fois encore le sang royal se nourrir de son sang à elle et de leurs deux êtres former dans ses entrailles un être nouveau. Et le roi le savait 1 et quand il donnait la vie civile à Marie-Anne, il semblait oublier la mère, et l'oublier, n'était-ce pas renier d'avance ce dernier fruit de leur amour ? Comment ne pas lire et relire cette clause des lettres patentes, où il est dit que le duché restera à La Vallière en cas de prédécès de sa fille, « mais sans que ses hoirs (à elle Louise), successeurs et ayants cause, autres que Marie-Anne. y puissent rien prétendre » ? Quoi ! l'une duchesse et riche, et l'autre, le garçon, bâtard et misérable !

Cependant le Maître avait parlé. Il avait commandé pour la duchesse un équipage et voulait qu'elle prît elle-même possession de son titre dans le carrosse de la reine. Tendre à l'infortune, crédule au repentir, Marie-Thérèse montrait un meilleur visage à l'abandonnée[21]. Car, à ses yeux, c'était la rupture que cette élévation à la duché-pairie. La conséquence de la légitimation de Marie-Anne, une fine personne, la Grande Mademoiselle, la déduisait doctement : c'est « qu'on ne verroit plus d'enfants[22] ». Plus d'enfants ! Et La Vallière était grosse de cinq mois.

Du 14 au 24 mai, la malheureuse suivit la cour « en qualité de duchesse », et chaque jour la rapprochait d'une séparation définitive. Le roi allait partir à la tête de ses troupes, risquer sa vie sans avoir rien fait pour l'enfant à naître. On annonça la marche de l'armée pour le 24. C'est à cette même date qu'on trouve une lettre signée de Louise et adressée à Mme de Montausier, son ancienne amie, alors surintendante de la maison de la reine. Cette lettre est-elle de la main de la nouvelle duchesse ? On n'oserait l'affirmer. Qu'elle représente l'état de son esprit, il n'est pas permis d'en douter.

« Le 24 mai 1667.

« Madame, les inquiétudes nouvelles causées par ma nouvelle grandeur me tiennent si fort éloignées de l'état tranquille que je pensois me préparer par cette élévation, que m'estant impossible de la cacher plus longtemps, j'ay recours à vostre confidence et veux vous communiquer, à la deschargc de mon cœur, les réflexions que j'y ai faites.

« C'est une coutume parmy les gens raisonnables, aux changemens qu'ils font de leurs domestiques, d'en prévenir le congé par le payement de leurs gages, ou par des reconnoissances de leurs services. J'ay peur qu'il ne m'en arrive de mesme, et que le roy, par son honneur si grand, ne prétende m'apprivoiser à la retraite et me jetter tant de vanité dans l'esprit que, l'ambition l'emportant sur mon amour, je souffre les mespris avec plus de modération.

« Je sçay encore que la fortune a un terme d'élévation limité, au-dessus duquel on ne monte point, et que le degré où je me vois assise estant le plus haut où puisse monter une personne de ma naissance, il est difficile d'y subsister longtemps sans quelques traverses, qui ne peuvent être autres que la froideur du roy[23].

« Tout le royaume de France et je peux dire toute l'Europe, n'ignore point combien mes amitiés, et dans leur naissance, et dans leur progrès, ont été désintéressées, et qu'en considérant le roy, sa couronne, parmi ses autres qualités, m'a paru la moins aimable[24].

« J'ai reçu beaucoup de bien de ses mains libérales. Je ne pouvois les refuser sans crime, comme j'ai toujours cru ne pouvoir les demander sans importunité, une grande prévenance ayant à mon égard légitimé tous ses bienfaits.

« Les nouvelles amertumes que l'on m'a faites du mariage de Vuardes avec moy justifient mon appréhension et mes soupçons : l'accueil et le bon visage que j'ay de la reine me paroît une prière tacite d'y consentir. Mais elle ne sait pas que mon cœur y a des répugnances plus grandes que celles de l'antipathie, et que je suis incapable de manquer au serment que j'ay fait, de ne changer jamais d'amour et de ne prendre point de mary.

« Permettez-moi, madame, de faire une petite disgression sur le subject de ce mariage. J'enchaisneray mon amour pour quelques tems, et feray parler ma raison, suivant les lumières médiocres que la nature m'a données.

« Je porte maintenant la qualité de duchesse de Vaujours. Je jouis de toutes les prérogatives attribuées à la duché. J'ai le tabouret chez la reine. Je marche au rang des duchesses. J'ai cessé d'être La Vallière[25]. Le roy a reconnu le fruit de nos embrassemens : ma fille est légitimée ; il ne me reste qu'à choisir un mary pour en faire un grand du royaume.

« Non, madame, je me trompe, je ne suis point duchesse. Le duché est un présent royal fait à ma fille reconnue et légitimée par le roy son père ; mon administration et la jouissance des prérogatives de sa duché n'est qu'un estat trompeur et ruyneux à mes affaires, si je les appuyois sur ce fondement. Il faudra tout rendre quand elle sera en âge, et que je ne demeureray que La Vallière.

« Où est le gentilhomme assez sot qui voudroit épouser une duchesse, sans devenir duc ; estre beau-père d'une fille naturelle du roy, sans avoir de qualité qui y corresponde ?... Il y a tant de contraires à assembler pour réunir à la fois ce qui regarde les interests du roy et de ma fille, de celui que j'épouserois et les miens, qu'il ne faut que conclure avec vous que la chose est impossible, et qu'il y a du ridicule à en faire des propositions[26].

« Cependant, si vous prenez la peine de considérer avec moi l'état de mes affaires, vous me regarderez comme un exemple de compassion, et plaindrez par advance les inconvénients où je suis exposée.

« Le roy est mortel, il va faire la guerre ; s'il lui arri voit quelque chose de funeste, ou si, par des exercices violens, il contractoit une maladie mortelle qui nous le ravist, que deviendrois-je, alors ? Il n'y auroit point de milieu à prendre. Il faudroit s'acheminer à Vauxjours, et en prévenir l'ordre infaillible, pour me confiner dans une province éloignée, fixer ma demeure dans une maison champêtre, et passer le reste de mes jours auprès de la duchesse ma fille, en regrets et en larmes, sans consolation de personne et sans aucun support. Hélas ! je sens bien en moi mesme qu'après un pareil accident je n'aurois ny force ny confiance pour survivre, et mesme qu'il y auroit de la générosité à mourir.

« Mais que deviendroit le sang royal que je sens depuis cinq mois se mouvoir dans mes flancs ? Vous le savez, et je vous en ai révélé le secret dans le tems de la conception. Le roy le sait, et il s'est promis un garçon de ma grossesse, sans avoir rien fait pour l'enfant ni pour la mère. Ah ! que cette pensée est mortelle à tous mes plaisirs ! Quelle différence de frère et de sœur ! Celle-cv, duchesse légitime, l'autre bastard sans reconnoissance.

« Je ne me prépare pas à ce coup, qui ne se peut adoucir par la prévoyance, et dont la moindre pensée redouble mes inquiétudes, mais j'ai trop de confiance au Dieu des ...[27] que non-seulement je reverray mon roy sain et glorieux, mais avec autant d'amour qu'il en ait jamais eu.

« Avec tout cela, les événemens sont incertains et mes ennuis inévitables. Je n'auray point de courrier à l'avenir qui ne me fasse trembler, et mon imagination, où déjà la crainte a établi son empire, ne me représente que les images fascheuses de tout ce que je peux encourir de disgrâces. Le sommeil qui a le don de charmer les peines, n'a de la vertu que pour m'en faire ; et si je ne trouvois véritables, à mon réveil, les illusions fausses de mes songes, j'en tirerois des conséquences contraires à mon bon sens, et d'une peine imaginaire, je me ferois un véritable supplice. — Tantost je vois la reyne me faire des reproches et m'imputer les indifférences du roy, tantost commander que j'aye à monter sur-le-champ en carrosse et me retirer à Vaujours, avec deffenses de ne jamais revenir à la cour, tantost ordonner qu'on me jette dans un monastère, et enfin mille autres choses dont le sommeil a accoustumé de travailler les esprits inquiets et appréhensifs.

« J'ay tous les besoins du monde de votre assistance et de votre sage conseil, et je m'en suis si bien trouvée que je vous conjure à m'ayder à sortir de ce mauvais pas. Il y va quelque chose de votre interest, vous n'en doutez pas, puisque je procureray sans cesse votre avancement, et que vous avez et aurez toujours occasion de reconnoistre que je suis, madame ma très-chère, vostre très-fidèle amie et servante,

« La duchesse DE VAUJOURS[28]. »

Vraisemblablement cette lettre a été arrangée par quelque ami. Mais il est certain que telle a dû être, en mai 1667, la situation d'esprit de Louise de La Vallière. C'est bien l'écho du suprême appel de cette âme tendre et déchirée.

L'appel ne fut pas entendu. On interdit à Louise de suivre la Cour à Compiègne. C'était lui commander de rentrer chez elle. Malgré son équipage blasonné et les honneurs rendus à sa couronne ducale, combien dut paraître pénible à cette femme de vingt ans ce retour solitaire à Versailles, près de ce palais dont chaque embellissement lui avait été présenté jadis comme un hommage à sa beauté, où tous les bosquets conservaient un souvenir d'amour ! Elle y revenait délaissée, et sa fille même ne lui était pas donnée comme consolation. On la gardait pour le roi chez Mme Colbert[29].

La réclamation de Louise ne resta pas cependant sans résultat. Les lettres patentes furent modifiées. On y inséra que le duché appartiendra à Mme de La Vallière, et, « après son décès », à Marie-Anne, sa fille. D'autre part, on y laissa cette mention contradictoire « qu'arrivant le décès de Marie-Anne, soit avant, soit après sa mère », la propriété serait conservée à Louise de La Vallière, à charge de n'en pas disposer. En somme, c'était la sécurité de la vie matérielle, et bien peu de chose au prix du bonheur perdu.

 

Le 24 mai, pendant que la disgraciée reprenait tristement le chemin de Paris, le roi se mettait définitivement en campagne. En quinze jours, il réduisit à son obéissance un certain nombre de places, notamment celle de Charleroi. C'est alors, dès le 9 juin, qu'on apprit qu'il mandait la cour vers lui et que lui-même il revenait au-devant d'elle jusqu'à Avesnes. Dès ce temps-là, l'opposition (sous une forme ou sous l'autre, elle a toujours existé) reprocha à Turenne d'avoir brusquement arrêté ses opérations par un calcul ambitieux ; au roi d'avoir interrompu le cours de ses succès par le seul désir de revoir sa maîtresse. Injustes reproches. Turenne s'arrêta parce que ses troupes, réunies pour une promenade militaire, avaient épuisé leurs forces et demandaient du repos. Si Louis revint à Avesnes, c'est que, n'ayant pas mieux à faire[30], il était bien aise de se montrer aux dames en guerrier, à une d'elles entre autres, qui n'était pas La Vallière.

Le bruit toutefois de ce voyage parvint rapidement à Louise dans sa solitude de Versailles. Solitude, hélas 1 où elle n'était pas seule, puisqu'un petit être, plus oublié qu'elle s'il se peut, tressaillait dans son sein. Elle n'y tint pas et partit, « non mandée[31] », accompagnée seulement de sa belle-sœur, jeune femme charmante et bonne, à qui cette preuve de dévouement fut comptée plus tard.

La reine, de son côté, ayant quitté Compiègne, était dès le 20 juin[32] arrivée à la Fère. Ce même jour, elle jouait à son ordinaire, car elle avait un faible pour le jeu. Soudain, on remarque des allées et des venues. Mademoiselle, toujours l’œil au guet, sort sous un prétexte quelconque, en réalité pour s'informer. « Mme de La Vallière, lui dit-on, doit arriver ce soir ! » Cette nouvelle rend Marie-Thérèse toute chagrine. Le lendemain matin, en effet, on aperçut, assises sur un coffre dans la chambre de la reine, Louise, sa belle-sœur, et la d'Artigny, devenue comtesse du Roure. N'ayant pas dormi, elles étaient toutes lasses. Mademoiselle leur demanda si elles avaient vu la reine, et, sur leur réponse négative, rentra dans le cabinet où s'habillait Marie-Thérèse.

Cette princesse à l'esprit noble et grand, mais jalouse et facile à circonvenir, avait été encore une fois méchamment excitée contre Louise. Moins occupée de sa toilette que de sa jalousie, elle pleurait, se trouvait mal, éprouvait même de violents soulèvements. Près d'elle étaient trois dames, la princesse de Bade[33], Mme de Montausier et Mme de Montespan, et le trio répétait à l'unisson : Voyez l'état où est la reine !

A l'heure de la messe, Marie-Thérèse monta à la tribune de l'église et en fit fermer la porte, de peur que La Vallière ne la suivît. Louise était restée en bas, dans la foule. Toutefois, quelque précaution que l'on prît, elle se présenta à la reine qui montait en carrosse et ne lui dit rien. Mais la colère s'amassait sous ce silence, à ce point qu'à la dînée la souveraine laissa échapper cette dure parole : « Qu'on ne lui envoie pas à manger. » Villacerf, le maître d'hôtel, n'osa pas obéir.

Chemin faisant, on ne parla que de La Vallière. « Mme de Montespan disoit : — J'admire sa hardiesse de s'oser présenter devant la reine, sans savoir si elle le trouvera bon ; assurément le roi ne lui a point mandé de venir. — Mme de Bade et Mme de Montausier se récrioient. Enfin tout le monde raisonnoit sur cette venue. Mme de Montespan disoit encore : — Dieu me garde d'être maîtresse du roi ! Mai si je l'étois, je serois bien honteuse devant la reine. » Marie-Thérèse pleurait. Quant à Mademoiselle de Montpensier, son principe était de garder un grand silence sur ce chapitre.

A Guise, à la couchée, la duchesse, sentant cette sourde hostilité de la cour, ne parut pas. De plus en plus irritée, « la reine défendit que personne partît devant elle, et aux troupes venues à sa rencontre de donner aucune escorte à personne ». Toutefois, quand on arriva près d'Avesnes, le roi, qui venait au-devant des dames, fut signalé sur la hauteur. Alors Louise ne se contint plus. « Elle fit aller son carrosse à travers les champs et trotter à toute bride. La reine voulut l'envoyer arrêter et se mit fort en colère[34]. »

Elle se serait apaisée si elle eût pu voir avec quelle froideur le roi accueillit l'infortunée. Arrivé à Avesnes, il ne rendit visite que par forme à Mme de La Vallière, qui ne vint pas ce soir-là au cercle de la cour, sans doute par craintes de reproches. Le roi cependant prétendait être seul arbitre des convenances. Le lendemain, la duchesse se présenta pour accompagner la reine à la messe, et, quoique le carrosse fût plein, on se pressa pour lui faire place. Ce même jour encore, elle dîna à la table royale[35]. Honneurs rendus au titre. En fait, Louis XIV sacrifiait la reine et sa maîtresse à une idole nouvelle. Les bons propos formés pendant le carême étaient oubliés ; l'air vif des camps, les marches militaires, l'entrain de la vie de soldat avaient chassé bien loin les idées pénitentes.

Pendant les quatre ou cinq jours passés à Avesnes (9-14 juillet 1667), Mademoiselle de Montpensier, grande fille de quarante ans et de plus en plus perspicace, entrevit bien des choses. « Mme de Montespan, dit-elle, me laissa jouer (avec la reine). Elle logeait chez Mme de Montausier, dans une de ses chambres, qui étoit proche de la chambre du roi ; et l'on remarqua qu'à un degré qui étoit entre les deux, où on avoit mis une sentinelle, on la vint ôter. Le roi demeuroit souvent tout seul à sa chambre, et Mme de Montespan ne suivoit point la reine[36]. » Mademoiselle ne dit rien de plus ; mais cela suffit bien.

Cependant, avisé de la remise sur pied de son armée, le roi repartit, dès le 14, pour Charleroi[37]. Il avait d'ailleurs, pendant ces six jours de repos, donné la moitié de son temps aux revues, aux visites de fortifications, et à cette vie militaire, passion nouvelle, qui, sans exclure les autres, restera longtemps prédominante. Quant à la reine, les dévotions du jour de la Fête-Dieu et du dimanche qui suivit absorbèrent tous ses instants. Plus honnête que clairvoyante, toute sa rancune allait à La Vallière, déjà abandonnée et plutôt digne de pitié que de colère.

La favorite sentait cet abandon, et, comme la reine, elle n'en devinait pas la cause. Devant elle, sa rivale se montrait son amie. En retournant à Compiègne, on passa par Notre-Dame de Liesse, où Mme de La Vallière et Mme de Montespan se rendirent à confesse ensemble[38]. Qui sait si la pécheresse déclarée, chargée du poids encore secret d'une nouvelle faute, n'envia pas la légèreté de conscience avec laquelle la belle dame du palais, si sûre d'elle-même et de sa vertu, en même temps cliente de la Voisin et de l'assassin Guibourg, abordait le tribunal de la pénitence ?

 

Ici l'on peut réfléchir sur l'incertitude des jugements humains et sur les erreurs de l'histoire. Dans ce voyage d'Avesnes, où Louise compta les journées par les humiliations, plus d'un de ses biographes, même entre ceux qui l'ont aimée, a vu et sévèrement blâmé « les folles hauteurs et la vanité cruelle de la duchesse de La Vallière[39] ».

 

 

 



[1] Montglat a très bien exposé cette phase des idées du roi. Voir Mémoires, p. 358, collection Michaud. V. aussi GUY-PATIN, Lettres, III, 218, 219, 220.

[2] 1667, 2 janvier, ballet interrompu par l'accouchement de la reine ; 5, ballet pastoral ; 6, promenade à Versailles ; 8-10, ballet des Muses ; 12, ballet à Paris chez Madame ; 22, revue à Houilles ; 24, bal à Versailles ; 25, ballet des Muses ; 30, grand bal au château neuf de Saint-Germain ; 31, ballet des Muses ; 4 février, revue ; 5, 14, 16, 19, ballet des Muses ; 20, 28, carnaval à Versailles.

[3] D'ORMESSON, Journal, t. II, p. 494.

[4] Gazette de France, 1687, p. 35.

[5] D'ORMESSON, Journal, t. II, p. 101.

[6] V. C. ROUSSET, Histoire de Louvois, t. I, p. 99. L'éminent historien a très bien précisé la situation en droit et en fait.

[7] « Par les mains du sieur Fiot, son aumônier ordinaire. » Gazette de France, 1667, 9 avril, p. 367.

[8] Le Père ANSELME, Histoire généalogique, t. V, p. 28.

[9] Le texte de ces lettres a été publié très exactement par le P. Anselme, et moins exactement par P. Clément, Réflexions sur la miséricorde, t. II, p. 208, Si nous insistons sur ce point, c'est qu'on a souvent copié le livre de M. Clément, sans souci de ces incorrections. Cet ouvrage est d'ailleurs très consciencieusement fait, comme tout ce que faisait M. Clément.

[10] Lettres de légitimation de César de Vendôme, janvier 1595. Recueil des pièces pour et contre les princes légitimés, t. III, p. 81.

[11] V. légitimation du duc du Maine, Recueil, t. II, p. 372.

[12] « La bâtardise ira désormais la tête haute », dit M. Dreyss, dans son Introduction aux Mémoires de Louis XIV, p. CVI. Presque tous les historiens modernes se sont trompés sur ce point.

[13] Mémoires de Louis XIV, t. II, p. 290, 313, édition Dreyss.

[14] La jurisprudence était devenue fort sévère pour les bâtards. V. Recueil général des pièces touchant l'affaire des princes légitimes et légitimés, t. III, p. 244.

[15] M. Dreyss (l. c., p. 6) dit à tort que Marie-Anne fut appelée dès lors Mademoiselle de Blois. Elle ne reçut ce titre que plus tard. Il faut dire que le contemporain Pellisson a aussi commis une erreur à ce sujet. Histoire de Louis XIV, t. II, p. 149.

[16] Nous avions déduit ces hésitations si curieuses de la pensée du roi et de Colbert de la seule analyse des lettres patentes. Une relation contemporaine, que je ne connais qu'à l'état manuscrit, affirme qu'il y eut deux lettres patentes. — Nous n'aurions donc que les secondes. Ce sera un point à vérifier si la chose est possible. Voyez à l'Appendice une note sur ce sujet.

[17] Le répertoire existe dans l'étude de Me Vassal, notaire à Paris. Le Fouin, titulaire de l'étude en 1667, était notaire du roi et vraisemblablement devait cette clientèle à Mazarin.

[18] Correspondance de la duchesse d'Orléans, t. II, p. 90, édit. Brunet.

[19] GUY-PATIN, Lettres, t. III, pt 244.

[20] GUY-PATIN, Lettres, t. III, pt 228.

[21] Voyez ci-après lettre attribuée à La Vallière.

[22] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 47.

[23] « Or, soit que ce mal m'advienne par l'un ou l'autre de ces moyens, je le prévois inévitable. Mais le roy se trompera s'il croit que l'ambition effacera mon amour. Elle n'en a pas esté la mère. Elle n'en sera pas le tyran, et ce brillant de nouvelle grandeur ne commettra pas un parricide. »

[24] Cf. le Palais-Royal, dans l'Histoire amoureuse des Gaules, t. II, p. 86.

[25] Il y a là comme un souvenir de la chanson de 1663 ou 1664 :

Et cependant quoique je luy sois chère

Je suis La Vallière, moy,

Je suis La Valière.

Manuscrit du temps, p. 283.

[26] « Je m'en resjouis, et remettant mon amour en liberté, je m'inspire que tout ce qui s'est fait en cecy est une marque plus assurée de la constance de mon amant, qui a voulu donner, sous ce faux jour, au monde quelque témoignage de son désintéressement, en estreignant plus fort, par cette politique amoureuse, les liens de notre bonne intelligence et les nœuds d'un commerce que la seule mort peut dissoudre.

« Vous voyez mon faible, et vous le pouvez accuser ; je l'ay commun avec les autres amans, dont l'ordinaire est de se flatter et de sentir plutost leurs disgrâces que de les prévenir. » Partie du texte rejetée par nous en note.

[27] Le mot manque dans le Recueil de M. Matter, d'où cette lettre est tirée.

[28] V. sur ce texte une note que nous devons reporter à la fin de cet ouvrage.

[29] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 47. L'autre version des Mémoires de Mademoiselle semble dire le contraire ; mais cette version, arrangée par un secrétaire, affaiblit parfois la vérité.

[30] « Ne voyant rien à faire dans mon camp, je pris le temps de revenir sur ma frontière, où la reine se rendit de son côté. » Mémoires de Louis XIV, t. II, p. 251.

[31] D'ORMESSON, Journal, t. II, p. 506. — Dans un passage des fragments historiques de Racine, on dit : « Feu Madame persuada à Mlle de La Vallière qui étoit à Mouchi de suivre la reine et lui prêta un carrosse. » — Mais ce détail ne peut tenir contre le texte si précis de Mademoiselle de Montpensier à qui La Vallière déclara qu'elle arrivait « de Versailles ». Mémoires, t. IV, p 78. La Vallière passa peut-être par Mouchy et dut être encouragée par Madame.

[32] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 46, 48. Les notes chronologiques données par l'auteur ne sont pas toujours exactes.

[33] Sur la princesse de Bade, v. le Palais-Royal : Histoire amoureuse des Gaules, t. II, p. 79, éd. Boiteau.

[34] Voici le récit de la Gazette : « Cette princesse (la reine) fut reçue par le roi à la tête de ses gardes, le reste de sa troupe estant rangé en bataille proche la ville et le long du chemin ; et, après quelque conversation entre Leurs Majestez, avec tous les témoignages d'une particulière tendresse, la reine continua sa route dans son carrosse où elle estoit accompagnée de Mademoiselle, de la princesse de Bade, de la duchesse de Montausier et de quelques autres dames. Le roi continua aussi la marche à cheval à la tête des troupes. » Gazette, 1667, p. 582.

[35] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 50.

[36] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires, t. IV, p. 50.

[37] Mademoiselle, dans ses Mémoires, dit qu'on passa deux ou trois jours à Avesnes. (Mémoires, t. IV, p. 50.) Louis, dans ses Mémoires (t. II, p. 302), indique qu'il y resta quatre jours. La vérité est qu'il arriva le 9 et repartit le 14. Archives historiques du Nord, 2e série.

[38] Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoire, t. IV, p. 51.

[39] P. CLÉMENT, Réflexions, t. I, Préface. M. Dreyss (Introduction aux Mémoires, p. 7) parle de l'audace de la duchesse qui se croit encore passionnément aimée.