A la
mort d'Anne d'Autriche, on avait interdit les fêtes et les mascarades ; mais,
tout en supprimant le carnaval à la ville, la cour trouva bon d'apporter, dès
le 13 mars, quelque diversion à sa douleur par un voyage à Mouchy[1], où le roi passa quinze mille
hommes de troupe en revue. « Il y vint beaucoup de dames. Quoi qu'on fut en
justaucorps de deuil, on se divertit fort bien. Le roi étoit d'une grande
gaieté et fit des chansons, pendant le chemin, en revenant. » La Vallière se
trouvait encore près du roi ; mais toutes les chansons ne se faisaient plus
pour elle. Le
carême était déjà fort avancé. Le prédicateur de la cour, Bossuet, avait, le
jour de l'Annonciation, rendu un premier et solennel hommage à la mémoire
d'Anne d'Autriche[2]. Fidèle aux recommandations de
la princesse, à celles de sa conscience, et cela seul suffisait,
l'archidiacre de Metz, que déjà l'opinion publique proclamait évêque[3], ne ménagea pas ses conseils au
jeune prince privé de son dernier frein. Louis ne les entendit qu'à des
intervalles très irréguliers. L'orateur prêchait contre la vanité des
plaisirs à une cour sans cesse en mouvement, de Saint-Germain allant au galop
aux divertissements de Versailles, revenant de même à ceux de Saint-Germain.
Entre le 6 et le 15 avril, commencèrent ces parties à Versailles, « où il y
avoit très peu de monde » et qui « furent très agréables[4]. » Il faut entendre la Gazette
rimée : Dans
ce lieux délicieux Notre
Cour s'ébaudit des mieux. La
ramasse, l'escarpolette, Le
volant avec la raquette Et
d'autres petits jeux nouveaux, La
chasse, le vol des oyzeaux Et
le plus souvent des cœurs mêmes Sont
là les délices suprêmes Que
l'on goûte à ce renouveau, Où
l'amour, mille fois plus beau, Se
fait de toutes les parties, Qui
sans lui sont mal assorties[5]. Ce
dieu, puisque c'est un dieu, troublait, comme toujours, autant de cœurs qu'il
en assortissait. Ce fut, par exemple, pendant un de ces petits jeux que
Lauzun (Puy-Guilhem) se montra extraordinairement
brutal envers sa tant aimée cousine, Mme de Monaco. Il avait su, à n'en pas
douter, que cette princesse s'était au moins compromise dans une intrigue
avec Louis XIV. La personne du roi étant sacrée, il se vengea sur l'infidèle
en lui écrasant la main sous son talon. La victime eut plus de peur que de
mal ; mais, quand elle apprit que l'auteur du coup était Lauzun, ses plaintes
furent sans bornes. Lauzun jura qu'il avait agi par mégarde, offrit de se
jeter par la fenêtre ; mais n'en fit rien. M. de Monaco, pauvre mari, déclara
qu'il tirerait vengeance de cette injure et partit pour la Hollande, afin de
se concerter avec Guiche, son beau-frère. Le roi, ennuyé de l'aventure, prit
la peine de dresser une sorte de procès-verbal de l'incident et de l'envoyer
à d'Estrades, à la Haye, avec ordre de surveiller Guiche et Monaco. « Vous
sçaurez, écrivait-il, que lundi dernier, étant à Versailles, on jouoit dans
le salon un bijou de douze cents pistoles, et que les dames étoient toutes
assises à terre, sur un plancher fort net, pour y être plus fraîchement.
J'étois debout et regardois le jeu avec quelque application pour voir qui le
gagneroit. Il arrive que, m'étant retiré de deux pas pour mieux voir, ceux
qui se trouvèrent entre moi et le mur, furent obligés de quitter ce poste,
et, entre autres, Puy-Guilhem, lequel, sortant de ce lieu-là avec quelque
hâte pour me faire place, marcha malheureusement, par hasard, sur la main de
Mme la princesse de Monaco, qu'elle avoit, comme j'ai dit, sur le plancher,
pour s'appuver, mais qui étoit couverte de sa jupe, en sorte qu'on ne pouvoit
pas même la voir, circonstance fort remarquable pour tout ce que vous
apprendrez dans la suite. » Le
comte de Guiche s'appliquait alors à ne pas se faire oublier. Brave, comme on
le connaissait, il avait servi avec les troupes françaises envoyées contre
l'évêque de Munster. L'hiver, il s'était essayé à la diplomatie, et non sans
habileté[6]. A cette heure, il se laissait
aller à ses fantaisies. C'est ainsi qu'il se présenta un jour sur le
Voorhout, vêtu de la façon la plus extraordinaire, partie à la grecque,
partie à la romaine, avec emprunts aux costumes italiens, espagnols,
hongrois, à la bizzaria. Avec lui faisait assaut d'excentricité un autre
écervelé, qui venait lui aussi de se signaler sur le champ de bataille, le
marquis de La Vallière. Mais on trouva que ce dernier n'avait pas su se
dépouiller de ses façons françaises. Ces deux grands enfants n'avaient pas
achevé leur mascarade qu'arrivait le comte de Louvigny, vêtu simplement en
seigneur de la cour de France, et tout le succès fut pour lui. Guiche - et La
Vallière paraissent là comme une paire d'amis. Les bons Hollandais, que les
libellistes mettaient si bien au courant des histoires de la cour, ne
devaient pas en croire leurs yeux[7]. Ce qui augmentait encore leur
étonnement, c'était de voir avec quelle aisance ces jeunes fous rejetaient
leurs déguisements pour endosser le harnois militaire. Le voyage, l'air du
pays, les conseils de d'Estrades ayant calmé sans doute la colère de Monaco,
il obtint de son beau-frère de s'embarquer avec lui sur la flotte
hollandaise. Leur vaisseau, presque aussitôt engagé, fut abordé, coulé par
les Anglais. Ils n'échappèrent qu'à grand'peine à la mort[8]. Jean-François
avait servi sur terre et sous les ordres de Pradel, à la tête des
chevau-légers du dauphin, dont il venait d'être nommé capitaine-lieutenant,
et de recevoir ainsi le commandement effectif. Sa compagnie était un peu
renouvelée, la plupart des officiers qui la composaient allant, conformément
aux anciennes vues du Roi, former les cadres de corps nouveaux. Cependant,
complétée par les plus beaux hommes de quatre autres compagnies, elle fit
bonne figure, et à l'attaque du cimetière d'Oudenborch, près Bois-le-Duc, le
marquis enleva la position, tua six cents ennemis sur huit cents, enleva un
drapeau et fit prisonnier le colonel Carp, commandant des Hollandais. Les
plaisanteries de Louvois qui débutait, lui, au ministère de la guerre,
confirment plutôt qu'elles n'affaiblissent le mérite du jeune La Vallière[9], son ancien camarade de
plaisir. On peut
être bon soldat comme l'un de ces deux jeunes gens, bon administrateur comme
l'autre, sans donner l'exemple de toutes les autres vertus. « Le jour où se
répand le bruit de la paix avec Munster, le ministre fait une peinture
complaisante de l'inquiétude émue des dames de Paris à la nouvelle du
prochain retour du marquis. » Elles appréhendent que les lauriers que
vous avez cueillis en pays étrangers ne vous rendent insolent dans le pays
natal, et que votre langue ne leur soit plus dangereuse que votre plume. « Je
leur ai assuré que les héros des siècles passés avaient autant de douceur
pour les demoiselles que de fureur pour les ennemis, que vous marchiez sur
leurs pas, que vous étiez un gentilhomme d'honneur et que j'étois votre
caution[10]. » Ce ton
assez rare alors entre un ministre et un jeune officier s'explique par la
camaraderie intime dont on a parlé plus haut ; il faut peut-être y voir
encore un effet des bruits qui couraient alors à la cour. Dès le
mois de mars 1666, le refroidissement du roi pour sa maîtresse était visible.
Le 23 avril suivant, le prince de Condé écrivait à la reine de Pologne : « On
croit que Sa Majesté va bientôt faire Mlle de La Vallière duchesse ; elle le
mérite et on ne peut pas être plus aimée qu'elle n'est à la cour, ne faisant
jamais de mal à personne et faisant toujours tout le bien qu'elle peut[11]. » Au
milieu de ces incidents et de ces parties « assorties par l'amour », l'œil
exercé d'une femme découvrait chez le roi des symptômes d'ennui, indices
d'une passion marquant l'heure propice aux passions nouvelles. C'est du moins
ce qu'imagina Mme de Choisy, cette même personne qui avait donné à Madame
Henriette « la petite La Vallière ». Peut-être n'avait-elle pas trouvé assez
de reconnaissance dans sa protégée (c'est là le grand reproche), qui ne sollicitait pas plus
pour les autres que pour elle. Quoi qu'il en soit, la dame produisit alors
une héritière de Pousse, assez belle, un peu niaise, avec les minauderies
d'une demoiselle de campagne. En ce point l'habile entremetteuse se méprit.
Les passions se suivent et ne se ressemblent pas. Louis n'était plus dans cet
âge tendre où l'homme se rend aux premières grâces ; cependant l'ex-patronne
de la petite La Vallière n'était pas femme à tenter une entreprise dénuée de
toutes chances. Elle avait manqué le but, mais d'autres pouvaient
l'atteindre. C'est
alors qu'une femme se révéla, qui, pour combattre Louise, s'établit chez
Louise même. Cette dernière, bien qu'elle eût logis au château, possédait à
Versailles, rue de la Pompe, un petit pavillon qui subsiste encore[12]. Plus élégant que l'hôtel
Brion, il n'en avait pas l'importance. Cette demeure élevée à l'amour subit
d'étranges fortunes. A la Révolution, elle servit de tribunal, puis de
prison, et, en 1792, une populace sanguinaire y égorgea un grand nombre de
royalistes. A l'époque où se passe cette histoire, on y menait une vie
joyeuse, en apparence du moins. Là on trouvait une sorte d'abri contre la
foule. Il y venait cependant beaucoup de monde, et, dans ce monde, toutes ces
dames de qualité, si dédaigneuses autrefois, si empressées à cette heure,
quelques-unes même trop empressées. On y remarquait Mme de Montespan, « femme
de beaucoup d'esprit, d'un esprit agréable, d'une conversation attachante ».
La Vallière, disait-on, en a peu. Aussi, ajoutaient les bonnes langues, « on
avait besoin de ce secours pour amuser le roi ». Françoise
de Montespan appartenait à une illustre famille, et près d'elle une La
Vallière était du commun. Sur l'arbre antique des Rochechouart un rameau
avait poussé, le rameau Mortemart, un peu tard venu, mais plein de sève. Le
chef de cette branche, admis à l'honneur d'être l'auxiliaire de Richelieu
contre Cinq-Mars, était père d'un garçon, Vivonne, camarade et favori de
Louis XIV enfant, et de trois filles, belles et spirituelles, une des trois
strictement vertueuse, l'autre vertueuse et coquette, la troisième altière et
conquérante. Produite à la cour en 1661, à l'âge de vingt ans, cette dernière
se faisait appeler Athénaïs de Tonnay-Charente. Les dames dont la fleur de
jeunesse s'était ouverte aux grands jours de la régence d'Anne d'Autriche,
alors que la beauté n'était admise qu'aimable et gracieuse, trouvaient
Athénaïs froide et d'un esprit agressif. Elle ne réussissait à plaire aux uns
qu'en blessant les autres, rieurs et victimes lui restant d'ailleurs très
indifférents. Quand
cette belle parut, le roi aimait La Vallière, et, tout à sa passion, il eût
défié les plus vives attaques. Monsieur avait un cœur que nulle femme ne
pouvait enflammer. Point de place à prendre. Ne trouvant à qui céder, la
Tonnay-Charente se maria et, par dépit, devint dame de Montespan. La mariée
avait vingt et un ans, le mari vingt. Premier défaut de proportions dans
cette union précipitée. Homme
d'esprit et de courage, le jeune Montespan possédait dans les Pyrénées, à
Bellegarde, un de ces châteaux posé sur la cime des monts et qu'environne un
vaste domaine de rochers stériles. Qui eût entendu lire le contrat de mariage
des nouveaux époux se fût imaginé qu'assez sages pour renoncer à la cour, ils
iraient chercher dans les facilités de la vie provinciale la sécurité de leur
bonheur. M. de Mortemart donnait, en apparence, cent cinquante mille livres
de dot à sa fille, et, de fait, n'en comptait que soixante mille, se
réservant de fournir la rente du surplus, rente comme toujours mal servie.
Ces soixante mille livres, péniblement versées, furent avidement empruntées
par les père et mère du Montespan, bien entendu à charge d'intérêts, payés
comme ceux de la dot, quand cela se pouvait, rarement. Le
jeune ménage se trouva vite endetté, s'obligea : pour payer ses dettes, et,
de dettes échues en obligations nouvelles, arriva promptement à cette misère
sans honneur, inévitable meurtrière de l'amour imprudent. Ils prirent alors
de l'argent de toutes mains, et la spirituelle Mortemart devait signer ces
actes d'emprunts, pénibles soutiens d'une existence mesquine[13]. Se voir
autant et plus de beauté que pas une, se sentir assez d'esprit pour tromper
mari, reine, favorite, le roi lui-même avec eux, et cependant végéter ! Quel
supplice ! En 1666, Mme de Montespan courait, l'après-midi, chez La
Vallière, y soutenait l'agrément de la conversation, le soir jouait le même
rôle chez la reine. Détail plus répugnant, elle couvrait sa légèreté
caustique du manteau de la piété et communiait fréquemment. Dominée par ses
vues ambitieuses, froidement sacrilège, la jeune femme cherchait sa voie, la
voulait large, ascendante, et montant jusqu'auprès du trône. Telle était
Françoise, lorsqu'en 1666 on partit pour Fontainebleau. Les
lieux ne changent pas, les hommes changent. Les regards du roi, cherchés,
sollicités, se tournèrent enfin vers cette beauté, qui vraiment paraissait un
autre soleil. Tous
les jeunes gens, selon l'usage, et entre eux le duc de Longueville, âgé de
dix-sept ans, se chargeaient de signaler aux plus attentifs l'ascension de
cet astre éclatant. La déesse nouvelle, « pour faire voir à la reine sa bonne
conduite et persuader au roi qu'elle ne songeoit qu'à lui, faisoit tous les
jours quelques plaisanteries de ses amans (on dirait aujourd'hui adorateurs) au coucher de la reine et
redisoit ce que chacun lui avoit dit[14] ». Louis s'intéressait à ces
confidences, et l'un des jeunes admirateurs de Mme de Montespan, ayant cru
que le prince avait quelque dessein, se retira en bon ordre[15] : le mot est de lui. Bientôt
tous les autres l'imitèrent. Ainsi dans ce même palais, en 166i, avaient fait
Brienne et Guiche. Mme de
Montespan était alors dans toute sa beauté. De deux ans plus âgée que Louise
de La Vallière, elle paraissait plus jeune de quatre ans. Mère de deux
garçons, on l'eût encore prise, non pour une femme, mais pour une de ces
étranges jeunes filles dont on ne saurait dire si elles sont naïves ou
provocantes. Avec l'air superbe de la vertu sûre d'elle-même, elle déployait
toutes les séductions de l'esprit[16] ; et cependant, elle ne se
fiait pas à ses charmes. Quand
de tous côtés on saluait déjà dans sa personne la favorite de l'avenir, elle
en était encore à consulter la magicienne et les sorciers. Comme
Mme de Soissons, cette ambitieuse se rendit chez la Voisin et lui demanda les
secours de son art contre La Vallière. La chiromancienne ne fut pas surprise. Depuis
quelque temps et « de toutes parts », on la sollicitait aux mêmes fins. Force
gens de qualité « cherchoient à faire des pactes avec le diable et les
scelloient de leur propre sang, pour détrôner Mlle de La Vallière hors
d'auprès du roi (sicJ pour entrer en sa place[17] ». Ce sont les propres termes
d'un des associés de cette coquine. Tout ce
qui suit est tiré d'une longue et minutieuse instruction judiciaire. menée
par un homme intègre et d'une rare pénétration. Plus tard, l'autorité royale
voulut anéantir les traces de ces odieuses superstitions ; mais la vérité
s'est fait jour et est venue jusqu'à nous. Il est avéré que beaucoup de dames
demandèrent à la Voisin les moyens de plaire au roi. Le funèbre jardin de la
Villeneuve-sur-Gravois reçut Mme de La Motte, qui voulait être aimée du
prince et, par occasion, se défaire de son amant, M. d'Albret. Ce pauvre
homme devait de toutes façons mal finir et fut tué par les gens de M. de La
Motte, au château de Pinon, en Picardie[18]. Là vinrent encore Mme de
Grammont, née Hamilton[19], Mme de Polignac, née du Roure[20], âgée de vingt-cinq ans à
peine, et qui voulait supprimer La Vallière. Pour la consultation, elle donna
quatre pistoles, environ deux cents francs d'aujourd'hui. M. de Polignac
d'ailleurs connaissait, paraît-il, « les desseins de madame sa femme d'être bien
auprès du roi[21] ». Ce qu'il ne savait pas,
c'est qu'elle voulait aussi se débarrasser de lui, débarras qu'elle eût payé
plus de quatre pistoles. Cette jeune personne n'entendait pas toutefois être
prise au dépourvu ; elle demandait, en même temps, aux sorciers la continuation
de l'amitié de M. le comte du Lude, de M. le vicomte de l'Arbouste et M.
d'Oradour[22]. Une
autre solliciteuse se présentait encore, qui, elle aussi, voulait être « mise
bien avec le roi » et faire place nette en empoisonnant La Vallière. Mais, à
ce coup, pour ne pas se sentir émue en entendant une telle demande sortir
d'une telle bouche, il fallait être la Voisin. La femme, qui ne craignait pas
de provoquer la mort d'une innocente, c'était la d'Artigny, devenue comtesse
du Roure et digne belle-sœur de Mme de Polignac[23]. L'abominable intrigante
cherchait à mordre la main qui l'avait nourrie, à la mordre avec des dents
venimeuses. A cette riche clientèle ajoutez Mme de Montespan, et l'on verra
que la Voisin, si son mari perdait ses boutiques, était en passe de bien
achalander la sienne. Elle ne
se plaignait pas, et cependant elle avait à subir une concurrence qu'elle
qualifiait de déloyale. On lui volait ses pratiques, parce qu'elle était trop
confiante avec ses confrères. Malgré la grande science « que Dieu lui avait
donnée », cette artiste consciencieuse jugeait bon d'invoquer parfois le
concours d'autres savants. Elle en connaissait tout particulièrement trois.
Le premier, parisien d'origine, de la paroisse Saint-Eustache, était alors
âgé de cinquante-six ans environ et se nommait Étienne Guibourg[24]. Il se
donnait comme fils naturel de M. de Montmorency, celui qui avait été exécuté
à Toulouse. Prêtre à Paris, puis à Saint-Spire de Corbeil, puis aumônier du
comte de Montgomery, au château de Villebousin, on le trouve encore à
Versailles, où il desservait la chapelle du Buisson et à Saint-Denis, comme
prêtre habitué de l'église Saint-Marcel. L'honnête curé de cette paroisse lui
recommandait bien de ne pas fréquenter certaines personnes soupçonnées de
sorcelleries. Peine perdue. Guibourg, sorcier, empoisonneur artiste, habile à
la recherche de toutes sortes de maléfices, ayant connu La Boissière, un des
élèves de Sainte-Croix, ayant connu Sainte-Croix lui-même, l'opérateur de la
Brinvilliers, Guibourg, ami ou plutôt complice de la Voisin, de la Filastre, était
acoquiné depuis vingt ans avec une autre empoisonneuse et en avait eu
plusieurs enfants, que presque tous il avait fait périr. Son physique était
digne de l'emploi. Très coloré de teint, louche, il tournait tout à fait un
œil[25]. On l'appelait le Prieur, soit
parce qu'il avait obtenu le prieuré de Bois-Courtilz, près le mont
Saint-Michel, soit plutôt parce qu'on était sûr de lui faire prononcer, pour
quelque argent, les prières les plus exécrables. Un peu
plus jeune que Guibourg, apparenté par sa mère à une très bonne famille, le
second collaborateur de la Voisin, François Mariette, était prêtre de
Saint-Séverin. Il avait aussi une maîtresse, la Leroux, empoisonneuse de
profession. Sa sœur, appelée Chapelle, ne valait pas mieux que lui. Mariette
se chargeait d'exposer les enfants dont la naissance était importune. Sa
famille habitait les environs de Montlhéry, détail qui n'est pas inutile à
l'intelligence de cette histoire[26]. Le trio
était complété par un sieur Lesage, dit du Buisson, de son vrai nom Cœuret,
homme de trente-huit ans environ, originaire de Venoix, près Caen[27]. En apparence commerçant en
laine, en réalité il vendait des poudres de taupes et d'autres de toute
provenance. Bien qu'il eût laissé une femme en Normandie, il tenta d'entrer
dans la famille de la Desmarets, personne du genre de la Voisin. Éconduit après
renseignements pris par une mère prudente[28], il se rabattit sur la Voisin
elle-même, gaillarde de trente ans, mariée il est vrai, mais qui pouvait
devenir veuve. Très rusé, le bas Normand affectait de ne rien connaître aux
poudres ; il savait seulement où l'on en vendait. Ni souffleur, ni artiste,
ni simple magicien de la magie blanche ; en somme, coquin de basse mine[29]. Des
mains de la Voisin, Mme de Montespan passa bientôt à celles de ses acolytes ;
de la chiromancie elle tomba dans la magie, de la magie dans la sorcellerie.
La Voisin regardait un peu dans la main, beaucoup dans les yeux, entendait à
demi-mot, donnait des poudres pour l'amour. Ces poudres, le prêtre Mariette
les faisait passer sous le calice, et le magicien Lesage récitait sur elles
les plus magiques paroles. C'était beaucoup, et ce n'était rien comparé à une
certaine messe que Guibourg seul savait dire. Or,
entre les femmes de chambre de Mme de Montespan figurait une demoiselle
Desœillets, intimement liée avec un sieur Le Roy[30], gouverneur des pages de la
Petite Écurie[31]. Le Roy possédait une maison au
hameau du Mesnil, tout auprès du château de Villebousin[32], où Guibourg avait habité comme
aumônier des Montgomery. Le Mesnil et Villebousin avoisinaient Villiers, dont
était seigneur M. d'Aubray, père de la marquise de Brinvilliers, et qui
précisément mourut empoisonné cette année-là. Cette marquise allait de temps
en temps à Villiers, où elle entretenait un jardinier habile à cultiver ses
plantes. Exili et Sainte-Croix avaient passé par là[33]. Le
château, construction du quatorzième siècle, était d'ailleurs bien choisi
pour de ténébreuses incantations. Situé à demi-lieue de la route de Paris à
Orléans, on y arrivait aisément. Entouré de douves profondes, remplies d'eau
vive[34], il était facile d'y éviter une
surprise. Ce fut donc à Villebousin qu'on résolut de célébrer la cérémonie
diabolique destinée à détacher de Louise de La Vallière le cœur d'un prince
déjà trop inconstant. Le Roy, ce singulier gouverneur de pages, s'en fut à
Saint-Denis traiter avec Guibourg, qu'il sollicitait depuis plus d'un an. Il
lui promit cinquante pistoles et un bénéfice de 2.000 livres. Le misérable
eût travaillé pour dix écus. Au jour fixé, il se rendit à Villebousin de son
côté ; Mme de Montespan et « une grande créature » y allèrent du leur,
accompagnées de Le Roy et d'un second personnage dont on ne dit pas le nom,
mais qui se donnait pour un des gentilshommes de M. l'archevêque de Sens. Le
château possédait une chapelle bien connue de Guibourg. C'est là qu'au jour
convenu une jeune femme s'étendit sur l'autel. Selon le rite sacrilège, elle
aurait dû paraître entièrement nue ; mais, par un reste de pudeur, celle qui
se livrait à ces superstitions ne montrait à découvert que son ventre[35]. Les coiffes rabattues
cachaient le visage et les seins. L'autel ainsi préparé, les cierges allumés,
Guibourg entra. Il posa une serviette blanche sur le ventre nu, sur la
serviette son calice. La messe commença et se suivit avec toutes ses
cérémonies, jusqu'au baiser donné d'ordinaire par le célébrant à la pierre de
l'autel, posé cette fois par le louche Guibourg sur la chair frissonnante
d'une jeune femme[36]. A la consécration, l'obscène disparut
devant l'horrible. Parfois, on se contentait d'offrir en sacrifice quelque
avorton ; mais ce jour-là on fit grandement les choses, et ce fut un petit
enfant bien vivant que « la grande créature », assistante de la marquise,
offrit au sorcier. Ce dernier l'avait acheté un écu, disant à la malheureuse
mère réduite à le vendre qu'il était destiné à une autre femme obligée de se
faire téter. L'officiant prononça alors la conjuration : « Astaroth,
Asmodée., princes de l'amitié et de l'amour, je vous conjure d'accepter le
sacrifice que je vous présente de cet enfant pour les choses que je vous
demande. Je vous conjure, esprits, dont vos noms sont dans ces papiers
écrits, d'accompagner la volonté et le dessein de la personne pour laquelle
la messe a été célébrée[37] ». Puis la femme couchée sur
l'autel formula son désir : « Je demande l'amitié du roi, et que
j'obtienne tout ce que je lui demanderai pour moi et pour mes parents, que
mes serviteurs et domestiques lui soient agréables, qu'il quitte et ne
regarde plus La Vallière[38] ». La
conjuration prononcée, Guibourg avec un canif piqua l'enfant à la gorge et en
versa le sang dans le calice. L'innocente victime fut emportée ; mais bientôt
on représenta son cœur et ses entrailles, dont il fut fait une seconde
oblation, comme devant être calcinés et réduits en poudrer à l'usage de Louis
de Bourbon[39]. Que la
fille des Mortemart, cette femme à l'esprit si vif et si délicat, ait cru au
pouvoir occulte de ces coquins, le doute n'est pas permis[40]. Maintenant, cette Athénaïs, si
fière de son corps, le soumit-elle aux vils regards de ces goujats ? Tout le
dit, et cependant on voudrait croire qu'il y eut substitution et qu'une des
sorcières de la cabale agit au nom de la marquise. C'est la seule
circonstance atténuante qu'on puisse invoquer. Cela se
passait en 1666[41], à l'époque où, le jour, à
Versailles, chez La Vallière, Mme de Montespan divertissait le roi ; où, le
soir, elle laissait entendre à la reine qu'elle n'avait pas omis d'assister
le matin au saint sacrifice de la messe. Pour en
revenir au mois de mai 1666, on continuait les incantations. Les charmes
opéraient. La Montespan n'en pouvait douter. Il n'y avait plus d'éloges que
pour Athénaïs. Sans son secours, on déclare La Vallière incapable « d'amuser
le roi ». Voilà le symptôme grave. La Grande Mademoiselle, avec son coup
d'œil toujours sûr pour ces observations désagréables, ajoute : « Si La
Vallière avoit été plus prudente, elle auroit cherché quelque dame dont la
beauté et les charmes de sa personne n'auroient pas répondu à celles de son
esprit[42] ». Erreur ! ce ne fut que
longtemps après que Mademoiselle comprit la situation ; Louise n'avait pas
l'esprit politique d'une Mortemart. Exempte
de toute ambition mondaine, comme elle s'était éprise sans calcul, ainsi
continuait-elle d'aimer sans défiance. Elle fut assurément la dernière à
apprendre, si elle les apprit, les projets dont le bruit commençait de se
répandre dans le public, qu'on voulait de nouveau la marier, qu'on parlait de
la faire duchesse d'Aumale, et que les habiles y voyaient « un signe de
retraite et de changement[43] ». Ce projet ne fut point mis à
exécution, soit par quelque retour de tendresse, soit à cause d'une
circonstance qui rendit cette mesure inutile ou prématurée. Des
deux enfants que Louis avait eus de La Vallière, un était mort, mais l'autre
existait, et ce lien vivant et si fort, alors que tous ceux de son amour se
relâchaient, imposait au roi d'impérieuses obligations. Il aimait d'ailleurs
ce petit garçon, qui, paraît-il, lui ressemblait ; souvent il l'allait voir
aux Tuileries, où on l'élevait. Or, vers la fin de juillet, l'enfant mourut
presque subitement[44]. Colbert accourut de
Fontainebleau pour prendre les dispositions nécessaires, car il semble que la
pauvre mère, comme on l'avait écartée du berceau de ses enfants, n'eut pas la
consolation de s'approcher de leur lit de mort. Au contraire, les fêtes continuaient
et s'imposaient à sa peine. La cour avait accepté la favorite, la favorite
était rivée à la cour. De la
maternité, Louise ne connut jamais que les souffrances et physiques et
morales. Elle était, à la mort de son fils, obligée de cacher ses larmes, et
sa nouvelle grossesse, consolation pour toute autre mère, ne lui apportait
qu'un tourment de plus. En
effet, trois mois à peine avaient passé sur ce deuil intérieur que, Louise se
trouvant à la suite de la cour au château de Vincennes[45], les douleurs de l'enfantement
la saisirent. -Ces palais n'avaient été construits que pour la vie publique
et les fêtes ; les chambres mêmes y étaient accommodées comme des lieux de
réception, où il semblait qu'on ne dût jamais être ni triste ni malade.
Précisément celle qu'occupait l'infortunée maîtresse du roi était commandée
et servait de passage aux grands appartements. C'est là qu'il lui fallut
s'aliter, appeler le médecin, comprimer ses gémissements pour ne pas laisser
éclater sa honte. Tout à coup la porte s'ouvre. Quelqu'un s'avance. La
Vallière reconnaît Madame Henriette, jadis sa maîtresse et sa rivale, Madame,
qui a pu oublier, mais dont le regard féminin va droit à la patiente. « Ah !
Madame, j'ai la colique, je meurs ! » Et, Henriette passée : « Dépêchez-vous,
s'écrie la malade, s'adressant à Boucher ; je veux être accouchée avant
qu'elle revienne ! » Dans ses précédentes épreuves, elle avait pu
garder son enfant au moins quelques heures près d'elle. Cette fois, à peine
une petite fille était née, qu'on l'enlevait en étouffant ses cris. On dit,
et, quoiqu'ils sortent de sources assez troublées, ces détails sont
admissibles, que, l'enfant venu à bien, La Vallière, ne se sentant plus
responsable que de sa seule vie, en fit un héroïque sacrifice à son respect
pour la reine. Voulant cacher à sa souveraine l'offense qu'elle lui faisait
dans son propre palais, Louise commanda de remplir sa chambre de plantes et
de fleurs, sans se préoccuper de leurs odeurs meurtrières pour une femme en
son état ; elle se para, reçut des visites, donna à jouer, et le soir fit
médianoche. Ce second supplice, pire que le premier, dura douze heures. Autre peine à dévorer en silence. Louis, qui précédemment s'était à ce moment d'épreuve tenu aussi près d'elle que possible, Louis n'était pas là. Parti le matin même pour Versailles, il visitait en revenant, rue Quincampoix, une manufacture de point de France[46], où il achetait de beaux cadeaux « pour les dames ». |
[1]
Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires,
t. IV, p. 30. — Gazette de France, 1666, p. 515. La cour partit le 13 et
revint le 18 mars. Notons à ce sujet une inexactitude de Mademoiselle de
Montpensier, qui dit : « On fit en carême un voyage à Mouchi. » L'éditeur, M.
Chéruel, citant Olivier d'Ormesson, indique le 14 mars. Voyez Journal,
t. II, p. 451, éd. Chéruel.
[2]
FLOQUET, Études
sur la vie de Bossuet, t. II, p. 476. — BRUNETIÈRE, Sermons choisis de Bossuet,
p. 230. — LEBARCQ,
Histoire critique, p. 223.
[3]
« Abbé, digne d'être prélat. » Continuateurs de la Muze historique de Loret,
n° du 2 mai 1666, t. I, p. 836.
[4]
Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires,
t. IV, p. 133.
[5]
Continuateurs de la Muze historique de Loret, 10 avril 1666, t. I, p.
806, lettre de Robinet.
[6]
Mémoires du comte de Guiche, t. II, p. 26, éd. 1744.
[7]
Lettre de Saint-Évremond à Mme de Mazarin, Œuvres de Saint-Évremond, t.
II, p. 334, éd. de Londres, 1706.
[8]
Mémoires du comte de Guiche, t. II, p 77, éd. 1744.
[9]
LEMOINE, j. c.,
p. 32 et suiv.
[10]
De La Vallière à Montespan, p. 77.
[11]
De La Vallière à Montespan, p. 83.
[12]
LE ROI, Histoire des
rues de Versailles, p. 111, 2e éd.
[13]
V. Procédure de séparation de corps entre M. et Mme de Montespan, dans
l'ouvrage de P. CLÉMENT,
Madame de Montespan, p. 369.
[14]
LA FARE, Mémoires,
p. 69.
[15]
LA FARE, Mémoires,
p. 70.
[16]
V. le beau portrait gravé par Picard.
[17]
Mémoire dicté par Lesage à Desgrez : Archives de la Bastille, t. VI, p.
120.
[18]
Déclaration de la Voisin : Archives de la Bastille, t. VI, p. 5 et 6. M.
d'Albret fut tué en août 1678.
[19]
Déclaration de Lesage : Archives de la Bastille, t. VI, p. 32.
[20]
Déclaration de la Voisin, 10 octobre 1679 : Archives de la Bastille, t.
VI, p. 7. — Jacqueline de Beauvoir de Grimoard du Roure.
[21]
Déclaration de Lesage, 28 octobre 1679 : Archives de la Bastille, t. VI,
p. 31.
[22]
Déclaration de Lesage, 28 octobre 1679 : Archives de la Bastille, t. VI,
p. 31.
[23]
Interrogatoire de la Voisin, 9 octobre 1679 : Archives de la Bastille,
t. VI, p. 4.
[24]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 230.
[25]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 251.
[26]
Confrontation de la Philibert avec la Bosse. Archives de la Bastille, t.
V, p. 487, 488. V. aussi Archives de la Bastille, t. VI. p. 11, 56, 152.
[27]
M. Ravaisson dit : né à Vernon, Normandie (Archives de la Bastille, t.
IV, p. 11), puis à Gênons, près Caen (t. V, p. 285). Il faut lire : Venoix,
commune du canton de Caen. Le nom de Cœuret est encore commun dans le pays.
J'ai cherché à retrouver l'acte de baptême de Cœuret ; par malheur, les
registres de la commune de Venoix ne remontent pas au-delà du dix-huitième
siècle. Je dois ces renseignements à l'obligeance de mon excellent maître M.
Charles Marie, ancien professeur au lycée de Caen.
[28]
Interrogatoire de la Desmarets : Archives de la Bastille, t. V, p. 376.
[29]
Que Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV, ait fait de Lesage un abbé,
c'est une erreur de détail très pardonnable. On s'explique moins que M.
Clément, qui a eu en main toutes les pièces de la procédure, parle de l'abbé
Lesage, aumônier de la maison de Montmorency. V. Police sous Louis XIV,
p., 180. Il a confondu Lesage avec Guibourg, et Montgomery avec Montmorency.
[30]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 232, 237, 336.
[31]
L'Etat de la France pour 1665 mentionne un sieur Le Roy, gouverneur des
pages de la Petite Ecurie. Il figure également sur l'Etat pour 1669, p. 148 : «
En octobre, le sieur Le Roy, 75 l. de gages, et 50 l. de récompense. »
[32]
Villebousin, hameau de la commune de Longpont, canton de Longjumeau
(Seine-et-Oise). Le château appartenait au comte de Montgomery. — LEBEUF, Histoire du
diocèse de Paris, t. X, p. 139. Notice sur la paroisse de Longpont.
— PINARD, Histoire
archéologique du canton de Longjumeau, p. 199. Il s'agit de François de
Montgomery, arrière-petit-fils de Gabriel de Montgomery, décapité en 1574. Il
avait épousé Marie-Louise de Brisson, dame de Villebousin, dont les ancêtres
possédaient ce domaine depuis longtemps.
[33]
Dreux d'Aubray et Antoine d'Aubray ont pris la qualité de seigneurs de
Villiers. L'abbé Lebeuf écrit que Villiers a appartenu à la marquise de
Brinvilliers. « On ajoute même que c'était là, qu'elle composait ses poisons. »
Histoire du diocèse de Paris, t. X, p. 139. L'abbé Lebeuf était bien
renseigné. V. la déposition de Mme Briancourt dans le procès de la
Brinvilliers. « La dame lui fit entendre qu'elle avait une maison de campagne
nommée Villiers, où elle allait fort souvent ; que la Chaussée était un homme
expéditif qui devait être son jardinier à Villiers. » Archives de la
Bastille, t. IV, p. 201.
[34]
PINARD, Histoire
du canton de Longjumeau, p. 200.
[35]
Interrogatoire de Guibourg, du 26 juin 1680 : Archives de la Bastille,
t. VI, p. 232. — Interrogatoire du 3 octobre : ibid., p. 328. —
Interrogatoire du 10 octobre 1680 : ibid., p. 334 et 335. Nous n'avons
que des résumés de ce dernier interrogatoire, qui fut mis de côté parce que
Guibourg nommait Mme de Montespan.
[36]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 335.
[37]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 328.
[38]
Le texte entier rapporté par La Reynie, qui fut très frappé de la mémoire de
Guibourg, semble avoir été formé et augmenté à diverses reprises. En 1666, Mme
de Montespan ne devait demander que la disgrâce de La Vallière. V. Archives
de la Bastille, t. VI, p. 335.
[39]
Guibourg a avoué le sacrifice de cinq enfants. Archives de la Bastille,
t. VI, p. 433.
[40]
Archives de la Bastille, t. VI, p. 336. Ces récits furent rapportés de
mémoire par plusieurs accusés dont le souvenir mélangeait les temps, car la
Montespan eut recours pendant plus de dix ans à ces abominables pratiques. La
Reynie comprit bien que ces coquins et coquines ne pouvaient, séparés et
isolés, reproduire ces invocations sans les avoir précédemment maintes fois
répétées. LEMOINE
et LICHTENBERGER,
De La Vallière à Montespan, p. 185, relèvent comme ridicule la
phraséologie de l'incantation ; mais il n'y a qu'à se reporter aux livres de
sorcellerie. C'est bien le style propre à ce commerce et à sa clientèle.
[41]
La Reynie, récapitulant toute l'instruction, dit : « Quant aux trois messes
avec sacrifices, le temps n'en est pas bien marqué. Guibourg paraît l'ignorer ;
mais par tout ce qui a pu être recueilli, par les circonstances, le temps de
ces premières messes se peut rapporter, pour l'année de la sollicitation, en
1665, et 1666 pour l'exécution au Mesnil. » Archives de la Bastille, t.
VI, p. 434. La Reynie ajoute : « Circonstances considérables, la longue
sollicitation de Le Roy, gouverneur des pages de là Petite Écurie, et du
gentilhomme de M. l'archevêque de Sens, par Mme de Montespan. - Enfin il
conclut à la culpabilité de Mme de Montespan. Ibid., p. 436.
[42]
Mademoiselle DE MONTPENSIER, Mémoires,
t. IV, p. 33.
[43]
D'ORMESSON, Journal,
t. II, p. 460, à la date du 29 mai 1666.
[44]
D'ORMESSON, Journal,
t. II, p. 463 (29 juillet). MADEMOISELLE, Mémoires, t. IV, où l'on dit que l'enfant
mourut de la frayeur qu'il ressentit d'un coup de tonnerre. Mademoiselle fait
la réflexion assez niaise que cette peur ne convenait pas au fils d'un roi.
Ormesson dit que Mlle de La Vallière avait déjà perdu un garçon et une fille.
Colbert et Mademoiselle de Montpensier ont toujours parlé de deux garçons. La
fille aurait dû naître vers la fin de 1665, et à ce moment Louise n'a cessé de
paraître à la cour. C'est dans un libelle, composé avant 1666, qu'il est parlé
d'une fille de La Vallière.
[45]
La cour vint s'installer à Vincennes le 19 août 1666. Elle y resta jusqu'au 9
octobre. Gazette de France.
[46]
Gazette de France, octobre 1666. — La petite fille née à Vincennes (2
octobre 1669) fut nommée Marie-Anne, puis Mlle de Blois.