CHARLES-QUINT ET MARGUERITE D'AUTRICHE

ÉTUDE SUR LA MINORITÉ, L'ÉMANCIPATION ET L'AVÈNEMENT DE CHARLES-QUINT À L'EMPIRE (1491-1521)

 

CHAPITRE PREMIER. — MAXIMILIEN Ier ET PHILIPPE LE BEAU.

 

 

Rivalité des ducs de Bourgogne et des rois de France. — Louis XI. — Mariage de Marie de Bourgogne et de Maximilien d'Autriche. — Traité d'Arras du 23 décembre 1482. — Charles VIII renvoie Marguerite d'Autriche pour épouser Anne de Bretagne. — Traité de Senlis. — Alliances matrimoniales entre les maisons d'Espagne et d'Autriche. — Portrait de Maximilien Ier. — Rapports de Philippe le Beau avec Louis XII. — Traité de Paris du B. août 1498. Hommage pour la Flandre et l'Artois. — Naissance de l'archiduc Charles ; il est fiancé à Claude de France, fille de Louis XII. - - Philippe le Beau et Jeanne de Castille traversent la France pour se rendre en Espagne. — Entrevue avec Louis XII au château de Blois. — Philippe et Jeanne sont reconnus comme héritiers des couronnes de Castille et d'Aragon. — Philippe retourne dans les Pays-Bas. — Nouvelle entrevue avec Louis XII. — Traité de Ly on du 5 avril 1505. — Ferdinand d'Aragon refuse d'y adhérer. — Avantages concédés par Louis XII à l'archiduc Charles. — Mort d'Isabelle la Catholique ; par son testament, elle avait exclu Philippe de la régence de Castille. — Philippe revendique solennellement ses droits. — Maximilien accorde à Louis XII, moyennant certaines conditions, l'investiture du duché de Milan. — Les relations de Philippe avec Louis XII se refroidissent. — Incidents relatifs à la suzeraineté de l'Artois et de la Flandre. — Mésintelligence entre Philippe et Jeanne. — Ferdinand d'Aragon épouse Germaine de Foix, et Louis XII exprime la volonté que sa fille, Claude de France, soit unie à François d'Angoulême. — Convention de Salamanque, relative à la régence de Castille. Philippe s'embarque pour l'Espagne ; il est jeté par une tempête sur les côtes d'Angleterre. — Accueil fastueux que lui fait Henri VII ; trois traités importants sont négociés. — Philippe débarque en Espagne et parvient à s'emparer de la régence de Castille. — Démence de la reine. — François d'Angoulême et Claude de France sont fiancés. — Louis XII assiste déloyalement le duc de Gueldre, ennemi de la maison d'Autriche. — Protestation menaçante de Philippe le Beau. — But du roi de France. — Philippe meurt à Burgos le 25 septembre 1508. — Sentiments manifestés à cette occasion par Louis XII et Henri VII.

 

La France monarchique commençait à se constituer par le retour à la couronne de la plupart des grands fiefs de cet État, lorsque le roi Jean créa une nouvelle série d'apanages en faveur de ses fils. Philippe le Hardi obtint la Bourgogne auquel il ajouta bientôt, par son mariage avec Marguerite de Male, l'opulent comté de Flandre. C'était une puissance rivale qui se formait à côté de la France ; les circonstances la servirent, car on vit les successeurs de Philippe le Hardi étendre peu à peu leur domination sur presque tous les Pays-Bas.

Devenus souverains de ces contrées, les ducs de Bourgogne ne se rappelèrent leur origine que pour profiter de la démence de Charles VI, écraser le parti d'Orléans et chercher à faire prévaloir leur autorité depuis la Seine jusqu'au Zuyderzée. La restauration de Charles VII renversa ce projet, mais ne détruisit point les causes de l'antagonisme qui existait entre les deux branches de la maison de Valois. Les descendants de Philippe le Hardi continuèrent à se considérer plutôt comme les rivaux que comme les vassaux des rois de France. Cette rivalité naturelle — on l'a dit avant nous — était encore envenimée par les tristes souvenirs du meurtre de Louis d'Orléans, de l'assassinat de Jean sans Peur, de l'alliance de Philippe le Bon avec les Anglais et de l'asile procuré au fils rebelle de Charles VII.

Un moment, on put croire que Charles le Téméraire, en créant le royaume de la Gaule-Belgique, aurait fixé l'équilibre de l'Europe et prévenu toute prépondérance dangereuse pour la liberté générale. Malheureusement l'habileté astucieuse de Louis XI triompha de l'ambition désordonnée de cet infortuné prince, qui, après avoir succombé dans sa lutte téméraire contre les Suisses, vint périr misérablement sous les murs de Nancy. Une princesse de dix-huit ans est appelée sur le trône d'où Charles le Hardi faisait naguère trembler les États voisins. Peut-être un mariage entre la duchesse Marie, fille unique de Charles, et le Dauphin, fils de Louis XI, aurait-il pu amener la réunion irrévocable des provinces belges et bourguignonnes à la France. Mais soit qu'il n'écoutât que son ardente inimitié contre la maison de Bourgogne, soit qu'il se crût impuissant à détruire la vigoureuse nationalité de la Flandre, Louis XI ne donna pas suite à son premier projet et aima mieux démembrer par la force les États de son ancien rival. Il réunit donc à la couronne le duché de Bourgogne, sous prétexte que c'était un fief masculin. La petite-fille de Philippe le Bon conserva ses autres domaines, les provinces belges proprement dites, ainsi que la Franche-Comté, et renouvela sa race en épousant l'archiduc Maximilien, fils de l'empereur Frédéric HI. Cette alliance mémorable des maisons d'Autriche et de Bourgogne prépara les nouvelles destinées de l'Europe. Louis XI, qui avait cherché à dissoudre entièrement l'union des États de Bourgogne et des Pays-Bas, ne put atteindre le but final de ses longs efforts et de sa politique déloyale. La maison de Bourgogne se releva et parvint à une plus haute fortune.

Cependant, Louis XI ne renonçait pas encore à ses fatales espérances. Quelle ne fut point sa satisfaction, lorsque, après la mort prématurée de la duchesse Marie (27 mars 1482), il vit l'attitude des états de Flandre ! Ceux-ci, mécontents de Maximilien, s'emparent de la tutelle de ses deux enfants, Philippe, né à Bruges, le 22 juillet 1478, et Marguerite, qui avait vu le jour à Bruxelles, le 10 janvier 1480. Un traité, conclu à Arras, le 25 décembre 1482, vient bientôt cimenter l'alliance des jalouses communes et de l'implacable adversaire de la maison de Bourgogne. Marguerite fut promise, sans l'assentiment de son père, au dauphin de France, et on stipula qu'elle lui apporterait en dot les comtés d'Artois et de Bourgogne, ainsi que les seigneuries d'Auxerre, de Mâcon, de Salins, de Bar-sur-Seine et de Noyers, déjà au pouvoir de Louis XI. Ce vieil ennemi s'attribuait, en outre, un droit de souveraineté sur la Flandre, en exigeant formellement l'hommage du jeune duc Philippe[1].

Maximilien ne cessa de lutter pour recouvrer la tutelle de son fils et la mambournie du pays ; il fut rétabli dans ses droits en 448b, mais deux ans ne s'étaient pas écoulés qu'il se voyait de nouveau vaincu par les communes. Eu 1487, les corporations de Bruges, sans respect pour la dignité de roi des Romains dont il était revêtu, le retinrent captif pendant trois mois. Lorsqu'il eut, enfin, triomphé de l'opposition communale, une nouvelle humiliation lui fut infligée par le successeur de Louis XI. En vertu du traité d'Arras, Marguerite d'Autriche avait été envoyée à Paris pour y être élevée, et, pendant le séjour qu'elle y fit, elle porta même le titre de reine de France. Elle était, après son frère, héritière de toutes les possessions de la maison de Bourgogne. Mais Charles VIII préféra, à l'espoir incertain d'acquérir ces vastes domaines, la possession immédiate du duché de Bretagne. Il rompit le traité d'Arras, renvoya Marguerite et épousa, le 6 décembre 1491, Anne de Bretagne, qui était déjà fiancée à Maximilien lui-même. Le traité de Senlis, conclu le 23 mai 1493, enleva définitivement à Maximilien le vain titre de duc de Bretagne, mais restitua à son fils les comtés de Bourgogne et d'Artois, avec la réserve que les villes de Hesdin, d'Aire et de Béthune seraient occupées par les Français jusqu'à ce que l'archiduc Philippe, devenu majeur, rendit hommage au roi pour le comté de Flandre. Il importe cependant de remarquer que les partisans de la maison de Bourgogne réservèrent implicitement les droits de celle-ci sur le territoire confisqué par Louis XI et retenu par Charles VIII[2].

Trois ans après que Maximilien eut succédé à son père sur lé 1497. trône impérial, don Juan, héritier des couronnes d'Aragon et de Castille, épousa Marguerite d'Autriche, tandis que Philippe le Beau devenait l'époux de l'infante dopa Juana. Cette alliance, qui était destinée à servir de contrepoids aux ambitieux desseins de Charles VIII sur l'Italie, devint la source de la prépondérance que la maison d'Autriche exerça, pendant un siècle et demi, sur l'Europe[3]. Une escadre composée de 112 vaisseaux conduisit dopa Juans en Zélande. Le 19 septembre 1497, pendant la soirée, elle fit son entrée dans la ville d'Anvers. La fille des rois catholiques, vêtue de drap d'or et la tète découverte, chevauchait sur une mule à la mode d'Espagne ; elle était accompagnée de seize nobles dames et d'une matrone également montées sur des mules ; venaient ensuite les pages, les ambassadeurs, les clairons. Ce n'était pas tant la pompe que la singularité de ce cortège qui frappait le peuple : le nord et le midi de l'Europe se rapprochaient avec étonnement[4].

Nonobstant l'émancipation de Philippe le Beau, Maximilien, comme père et comme Empereur élu, restait le chef de la maison d'Autriche-Bourgogne. Aussi est-il nécessaire de bien connaître le souverain qui exerça tant d'influence sur les événements de cette époque. Fils de l'empereur Frédéric III et de Léonore de Portugal, Maximilien avait vu le jour en Carinthie, le 22 mars 4459. D'une stature moyenne et d'un tempérament fort et robuste, il réunissait en lui le caractère des deux races dont il était issu, l'ardeur da méridional tempérée par le flegme de l'allemand. Son visage offrait un mélange de dignité et de bonhomie. Grand chasseur ; grand amateur de tournois, il n'aimait pas moins les jouissances plus tranquilles que procure le culte des arts et des lettrés : ne déposant l'épée que pour prendre la plume et composer des ouvrages, il parlait avec facilité, avec éloquence merle, l'allemand, le latin, l'italien et le français. Les efforts de sa politique tendirent constamment à réaliser la fière devise de son père : Austriœ Est Imperare Orbi Universo[5]. De là sa lutte persévérante contre la France, ses projets sur l'Italie, ses alliances avec l'Espagne, et plus tard avec la Bohême et la Hongrie. Il avait de grands desseins ; mais la sagesse et la fermeté lui faisaient défaut. Machiavel, qui avait vu de près Maximilien, disait de lui :

Si l'Empereur avait les talents du roi d'Espagne — Ferdinand d'Aragon —, il serait bientôt en état de concevoir et de conduire à bien les plus vastes entreprises. Malgré toutes ses ressources, l'Empereur n'a jamais le sou et, qui pis est, on ne saurait dire où passe tout l'argent qu'il tire de ses domaines. C'est du désordre de ses affaires que naissent les embarras où il se trouve si souvent. Ce prince a plusieurs excellentes qualités : il est bon général, il fait régner la justice dans ses États, il est d'un abord facile et agréable ; en un mot, il ne lui manquerait, pour être un excellent prince, que d'être plus économe et d'avoir plus de fermeté dans le caractère. Il n'existe pas de prince plus dissipateur : c'est ce qui fait qu'il est toujours dans le besoin et que, quelle que soit la situation où il se trouve, il n'a jamais assez d'argent. Son caractère est extrêmement inconstant : aujourd'hui il veut une chose et ne la veut pas le lendemain. Il refuse de prendre les avis de personne et croit ce que chacun lui dit ; il désire ce qu'il ne peut avoir et se dégoûte de ce qu'il pourrait obtenir. Il a l'humeur extrêmement guerrière ; il sait conduire et maintenir une armée en ordre et y faire régner la justice et la discipline ; il sait supporter aussi bien que personne les fatigues les plus pénibles : plein de courage dans le péril, il n'est inférieur comme capitaine à qui que ce soit de ce temps. Dans ses audiences, il montre beaucoup d'affabilité, mais il ne veut les donner que lorsque cela lui convient. Il est extrêmement secret. Il vit dans une agitation continuelle de corps et d'esprit ; mais souvent il défait le soir ce qu'il a arrêté le matin[6].

 

Philippe le Beau ne partageait point les ressentiments invétérés de son père contre la France. Il s'intitulait le bon voisin, l'humble cousin et l'obéissant vassal[7] du successeur de Charles VIII, l'adroit et patient Louis XII, petit-fils de Louis d'Orléans, assassiné par les ordres de Jean sans Peur, et de Valentine de Milan. La mort prématurée de don Juan, héritier des couronnes hispaniques, ouvrait alors une nouvelle et vaste perspective à l'archiduc ; et il était de son intérêt de prévenir toute occasion de rupture avec la France. Une politique tout à la fois digne et conciliante était aussi dans les vœux des communes industrielles des Pays-Bas[8]. Louis XII parut seconder ces dispositions pacifiques. Par le traité conclu à Paris, le 2 août 1498, il renouvela les clauses du traité de Senlis, stipulant la restitution à l'archiduc des comtés de Bourgogne, d'Artois et de Charolais ; mais, de son côté, Philippe promit que, pendant sa vie et celle du roi de France, il ne ferait aucune poursuite pour avoir ou recouvrer le duché de Bourgogne, le comté de Méconnais, l'Auxerrois et la seigneurie de Bar-sur-Seine, si ce n'était par humble requête et voie amiable. Cet engagement reçut l'approbation des états généraux des Pays-Bas ; ils résistèrent, de même que l'archiduc, aux instances de Maximilien, qui voulait reconquérir tous les domaines dont Louis XI s'était frauduleusement emparé[9].

Bientôt l'archiduc se rendit à Arras pour prendre possession de l'Artois (juillet 1500). Là se trouva le chancelier de France, Guy de Rochefort, chargé de recevoir en grande pompe l'hommage du prince belge. Tandis que celui-ci tenait son bonnet à la main, le chancelier lui dit : Monseigneur, vous faites foi et hommage-lige à moi, représentant la personne du roi, comme vous êtes tenu de faire per raison de la pairie et comté de Flandre et aussi des comtés d'Artois et de Charolais, que vous tenez de la couronne de France. Il lui prit ensuite les deux mains et le baisa à la joue[10].

Mais déjà avait vu le jour l'enfant qui, plus tard, devait affranchir sa race de cette humiliante cérémonie et abaisser l'orgueil des anciens suzerains de la Flandre. Philippe avait fait de Gand sa résidence favorite. Ce fut dans cette ville, au milieu d'une grande fête à la Cour du prince, que Jeanne de Castille et d'Aragon mit an monde, le 24 février 1500, l'enfant qui devait être Charles-Quint. Son père lui donna le titre de duc de Luxembourg, et le nom de Charles pour renouveler la mémoire du dernier duc de Bourgogne[11].

Charles avait un an à peine, lorsque Philippe le Beau fit proposer à Louis XII de le fiancer avec sa fille Claude, qui avait le même âge. Cette proposition fut acceptée et confirmée par un traité conclu à Lyon, au mois d'août 1501. Ce traité stipulait aussi que, si l'un des deux conjoints venait à mourir avant la célébration du mariage, on ferait en sorte de le renouer avec un autre enfant du roi ou de l'archiduc[12]. Le 15 octobre, ce projet de mariage fut ratifié à Trente par l'empereur Maximilien ; et il promit en même temps de donner l'investiture du duché de Milan à Louis XII, qui, s'appuyant sur les droits de la maison d'Orléans, avait enlevé ce fief impérial à Ludovic Sforza.

Comme Isabelle de Castille avait témoigné à son gendre le désir de le voir en Espagne, Louis XII fit proposer, avec les plus vives instances, à l'archiduc, de traverser la France[13] et lui offrit de le recevoir, ainsi que l'archiduchesse, dans la résidence royale de Blois. Cette offre rencontra une opposition presque injurieuse dans le conseil du souverain des Pays-Bas. Charles de Croy, prince de Chimay, après avoir rappelé les anciennes divisions des Bourguignons et des Armagnacs, ainsi que les injustices de Louis XI et de Charles VIII, qui n'avaient pas été réparées par leur successeur, désapprouva le projet de traverser la France et conseilla au prince de s'embarquer à Calais. Mais François de Busleyden, archevêque de Besançon et ancien précepteur de l'archiduc, rappela les nobles vertus qui caractérisaient Louis XII et qui le rendaient incapable de trahir la foi jurée[14]. L'avis de Busleyden prévalut, et l'offre de Louis XII fut acceptée. Philippe assembla les états généraux des Pays-Bas à Bruxelles et leur fit exposer que s pour un très-grand et souverain bien il irait par terre en Espagne et amènerait l'archiduchesse ; que le peuple devait être sans inquiétude ; que, de quinze jours en quinze jours, il recevrait des nouvelles de ses princes. Les états accordèrent un subside considérable pour payer les dépenses de ce voyage, pendant lequel le comte Engelbert de Nassau, nommé lieutenant général et principal gouverneur du pays, devait être assisté du seigneur de Maigny, chancelier, de Jean de Hornes, évêque de Liège, de Cornille de Berghes et du seigneur de Beersel, chevaliers de la Toison d'or[15].

Les archiducs, partis de Bruxelles le 4 novembre 1501, furent courtoisement reçus au château de Blois par Louis XII, et ce monarque tâcha d'intéresser son hôte aux démarches qu'il continuait de faire auprès de Maximilien pour obtenir l'investiture du duché de Milan. Malgré l'intervention loyale de Philippe, les représentants de la France ne purent surmonter les répugnances ni triompher des tergiversations de l'Empereur. Sur ces entrefaites, les archiducs étaient entrés en Espagne (février 1502), et leur droit à la couronne avait été reconnu solennellement par les cortès de Castille à Tolède et par celles d'Aragon à Saragosse[16], mais avec cette réserve, quant à la couronne d'Aragon, que le droit de Jeanne et de son époux était subordonné au cas où Ferdinand mourrait sans enfant mâle. De seize ans plus jeune qu'Isabelle, Ferdinand pouvait lui survivre et se remarier.

Quelles que fussent les instances d'Isabelle, l'archiduc, qui avait d'abord promis de passer l'hiver à Madrid, manifesta bientôt l'intention de retourner dans les Pays-Bas ; il prétexta que le climat de l'Espagne était dangereux pour sa santé, et ajouta que, la guerre ayant éclaté entre Ferdinand et Louis XII, au sujet du partage du royaume de Naples, ses États héréditaires avaient besoin de sa présence[17]. Il partit effectivement au commencement de janvier 1505, laissant l'archiduchesse près de sa mère, et prit sa route taos. par les Pyrénées. Son dessein était de s'aboucher de nouveau avec Louis XII et de servir de médiateur, pour terminer le différend qui avait surgi entre ce prince et Ferdinand d'Aragon. Celui-ci lui avait donné, à cet effet, les pouvoirs nécessaires.

Mais, avant de s'aventurer de nouveau dans le royaume de France, Philippe, d'après le conseil de Ferdinand, demanda des otages à Louis XII. Ce prince accorda sans difficulté trois jeunes seigneurs de sa cour, et ils furent conduits à Valenciennes, tandis que l'archiduc passait la frontière. Le 22 mars, il arrivait à Lyon, et, huit jours plus tard, le roi et la reine vinrent l'y rejoindre. Cette nouvelle entrevue fut aussi amicale que la première. Philippe y régla les affaires du royaume de Naples dans l'intérêt du mariage de son fils avec Claude de France. Celle-ci devait recevoir pour dot le royaume de Naples : on maintenait, toutefois, le traité de partage qui avait suivi la conquête commune de ce royaume, et, quant à la Capitanate restée en litige, elle devait être mise en séquestre entre les mains de l'archiduc. Ce traité, conclu le 5 avril 1503, fut également signé par les ambassadeurs de Ferdinand, qui avaient accompagné l'archiduc, et ils se soumirent même à l'excommunication, dans le cas où il serait violé. Mais tandis que Louis XII, sur la foi du traité, congédiait les auxiliaires qu'il se proposait d'envoyer au duc de Nemours, Ferdinand envoyait de nouvelles troupes et des instructions secrètes à Gonzalve de Cordoue. Le grand capitaine méprisa les ordres de l'archiduc, continua le cours de ses succès, et chassa les Français du royaume de Naples. Surpris par cette brusque agression et paralysé par des difficultés intérieures — la France était alors désolée par la disette et une maladie contagieuse —, Louis XII jugea prudent de temporiser et de conclure avec le roi d'Aragon une trêve de trois ans (31 mars 1504), espérant, d'ailleurs, que ce prince finirait par adhérer au traité de Lyon. Mais, le 24 août, Ferdinand et Isabelle firent savoir à Louis XII que, au lieu de laisser le royaume de Naples au duc de Luxembourg, ils étaient disposés à le remettre au roi dépossédé, Frédéric III, sous la condition que le duc de Calabre, son fils, épouserait Jeanne d'Aragon, nièce de Ferdinand[18].

Irrités de ce désaveu, l'archiduc et son père s'unirent plus étroitement avec le roi de France. Le 22 septembre, trois nouveaux traités furent conclus et signés. Le premier stipulait une alliance sincère et indissoluble dans laquelle on admettrait le roi d'Aragon, pourvu que, sous quatre mois, il remit à l'archiduc la garde du royaume de Naples et adhérât au traité de Lyon ; il statuait, en outre, que, sous trois mois, Maximilien conférerait au roi de France, moyennant une somme de 200.000 francs, l'investiture du duché de Milan pour lui et ses descendants miles, et à défaut de ceux-ci, pour Charles de Luxembourg, époux de Claude de France. Le second traité stipulait que si Louis XII mourait sans hoirs mâles, les duchés de Bourgogne, de Milan, de Gènes et de Bretagne seraient remis au jeune Charles, époux de Claude de France ; et que, si par la volonté du roi ou de la reine de France, le mariage venait à manquer, ils céderaient immédiatement à l'archiduc les duchés et comtés de Bourgogne, de Milan et d'Asti. Le troisième traité annonçait la formation d'une ligue contre les Vénitiens. Ces conventions inespérées étaient un triomphe éclatant pour le descendant de Charles le Hardi et de Maximilien d'Autriche ; car le jeune duc de Luxembourg n'avait pas seulement l'expectative de rentrer en possession du duché de Bourgogne et d'acquérir la Bretagne, mais encore il pouvait nourrir l'espoir de se substituer à la puissance française en Italie[19].

Sur ces entrefaites, la femme illustre, dont les vertus et les actions héroïques avaient jeté tant d'éclat sur la Castille, venait d'être enlevée à l'affection des Espagnols. Isabelle la Catholique s'était éteinte à Médina del Campo, le 26 novembre 1504, la trentième année de son règne. Mécontente de Philippe, son gendre, et convaincue que la démence déjà constatée de l'infante la rendrait incapable de gouverner, Isabelle, par le testament qu'elle fit un mois et demi avant sa mort, avait nominé le roi Ferdinand unique régent de Castille, jusqu'à ce que son petit-fils Charles et atteint l'âge de vingt ans[20]. Pour surmonter les embarras qui allaient résulter de l'exclusion prononcée contre lui par Isabelle la Catholique, Philippe le Beau jugea indispensable de conserver ses bonnes relations avec Louis XII. Celui-ci s'empressa d'ailleurs de faire déclarer à l'archiduc que, s'il rencontrait quelque obstacle ou difficulté dans la succession de Castille, il l'assisterait non-seulement d'argent et de gens, mais même de sa personne. Philippe apprenait en même temps qu'une partie de la noblesse castillane protestait contre le testament qui le déshéritait et refusait de reconnaître Ferdinand. Alors il n'hésita plus à prendre le titre dont le roi d'Aragon prétendait le dépouiller. Le 15 janvier 1505, après que les obsèques d'Isabelle la Catholique eurent été célébrées en grande pompe à Bruxelles, dans l'église de Ste-Gudule, le chef des hérauts, en présence de Philippe et de l'infante, proclama solennellement leur avènement comme roi et reine de Castille, de Léon et de Grenade[21].

Toujours dans le dessein de conserver son alliance avec Louis XII, l'archiduc se rendit lui-même à Haguenau auprès de son père, pour qu'il ne différât plus l'investiture du duché de Milan. Elle fut enfin donnée, le 7 avril, au cardinal d'Amboise, représentant le roi de France. Cet acte disposait que le roi des Romains, en faveur du futur mariage de sou petit-fils, le duc de Luxembourg, et de dame Claude de France, investissait le Roi Très-Chrétien, pour lui et ses descendants, et, à leur défaut, pour sa fille Claude, conjointement avec Charles d'Autriche, son fiancé, du duché de Milan et des comtés de Pavie et d'Angleria. L'acte délivré au cardinal d'Amboise ne contenait pas la clause résolutoire stipulée dans le second traité de Blois ; mais elle était rétablie dans une autre investiture donnée le même jour au roi de Castille, comme tuteur de son fils. Il y était dit que, si le roi et la reine de France' mettaient obstacle au mariage projeté, l'Empereur révoquerait l'investiture octroyée à Louis XII et la transférerait à Charles de Luxembourg et à sa postérité. Soit que cet acte restrictif eût froissé le cardinal d'Amboise, en supposant qu'il en ait eu connaissance[22], soit que Louis XII s'inquiétât de la grandeur croissante de la maison austro-bourguignonne, soit enfin que Philippe d'Autriche, de son côté, commençât à se défier de son suzerain et voulût agir désormais en souverain indépendant, les relations de la cour de Bruxelles avec la France se refroidirent insensiblement.

Non-seulement Philippe prit une attitude plus décidée vis-à-vis du duc de Gueldre, sentinelle avancée de la puissance française dans les Pays-Bas, mais encore il se mit presque en révolte ouverte contre la suzeraineté même de Louis XII. En Artois et en Flandre, ses officiers de justice interdirent violemment tout appel au parlement de Paris, tuèrent un sergent royal et s'attribuèrent la collation des bénéfices et autres droits inhérents à la souveraineté[23]. Philippe ayant refusé d'accorder la satisfaction réclamée par Louis XII, un arrêt du parlement de Paris, du 6 septembre, ajourna le roi de Castille à comparoir en personne, aussi bien que son chancelier, Thomas de Pleine, et le président de son conseil, pour entendre prononcer la saisie des comtés de Flandre, d'Artois et de Charolais et leur mise aux mains du roi de France, jusqu'à ce que satisfaction eût été donnée sur tous les griefs. Mais Philippe, quelles que fussent alors ses répugnances pour la suzeraineté française, ne pouvait, dans les circonstances où il se trouvait, accepter une rupture flagrante. Les principaux membres de son conseil furent députés à Louis XII : ils se soumirent aux arrêts du parlement de Paris, et s'engagèrent même à réparer les infractions commises au détriment de la suzeraineté du roi de France. D'un autre côté, ils obtinrent une surséance de six mois pour faire juger par le parlement la question de l'hommage que Louis prétendait aussi lui être dû pour le pays de Waes, en Flandre, et le comté d'Ostrevant, en Hainaut[24].

Il importait surtout à Philippe d'Autriche de se mettre en garde contre l'habileté astucieuse de Ferdinand le Catholique et de déjouer ses intrigues. D'accord avec les grands de Castille, qui refusaient de se conformer à la dernière volonté d'Isabelle, Philippe somma son beau-père de résigner le gouvernement et de se retirer en Aragon. Mais Jeanne tint une tout autre conduite. D'après les suggestions de Lopez Conchillos, gentilhomme aragonais et agent de Ferdinand, la reine consentit à écrire une lettre où elle exprimait formellement le désir que son père conservât l'administration du royaume. Malheureusement cette lettre tomba entre les mains de Philippe et le blessa profondément. Stimulé par don Juan Manuel, noble castillan qui avait pris beaucoup d'ascendant sur son esprit, et n'écoutant que sa colère, Philippe fit arrêter et emprisonner Conchillos, chassa de la cour de sa femme tous les Espagnols, et voulut que la reine elle-même fût confinée dans un appartement du palais[25].

Les inquiétudes de Ferdinand augmentèrent, lorsqu'il apprit que Maximilien et son fils s'efforçaient d'ébranler la fidélité de Gonzalve de Cordoue et tachaient d'engager cet illustre guerrier à remettre Naples à Philippe d'Autriche. Philippe devait céder ensuite le même royaume à Louis XII, en échange de l'appui que ce monarque lui prêterait pour faire prévaloir ses droits en Castille.

Fondées ou non, ces rumeurs déterminèrent le roi d'Aragon à se rapprocher étroitement de Louis XII, qui, sous un air de franchise, était, comme Ferdinand l'avouait lui-même, l'ennemi secret de l'archiduc et n'aspirait qu'à renverser la grandeur croissante de la maison d'Autriche-Bourgogne. Le 12 octobre 1505 fut conclu, à Blois, un traité par lequel Louis donnait en mariage sa nièce, Germaine de Foix, au roi d'Aragon, et assignait pour dot à cette princesse la portion du royaume de Naples qui, aux termes des traités du 22 septembre 1304, devait être assurée aux jeunes fiancés, Claude de France et, Charles de Luxembourg. De son côté, Ferdinand promettait, dans le cas où Germaine mourrait sans enfants, de laisser à la France l'autre moitié du même royaume[26]. Ce traité était, en réalité, une nouvelle exhérédation pour Philippe le Beau et sa postérité. Ferdinand voulait lui ôter les royaumes d'Aragon, de Naples et de Sicile, et Louis XII les acquisitions stipulées dans le contrat des fiançailles de Charles de Luxembourg et de Claude de France. Ce contrat même venait d'être détruit par l'ennemi secret de la maison d'Autriche-Bourgogne. Louis, dictant son testament, y exprimait la volonté que sa fille épousât François, comte d'Angoulême, héritier présomptif de la couronne. Il fit plus. A l'insu de la reine — Anne de Bretagne —, il manda près de lui les principaux capitaines de ses gardes et leur fit jurer de veiller à l'exécution de cette clause et de s'opposer jusqu'à la mort à ce que la princesse Claude fût transportée hors de France[27].

La nouvelle politique de Louis XII se révéla bientôt dans une communication très-hautaine qu'il adressa à l'archiduc. Il lui défendit de traverser son royaume pour aller en Espagne jusqu'à ce qu'il se fût réconcilié avec son beau-père. Alors Philippe résolut de temporiser et d'opposer la ruse à l'astuce. Les ambassadeurs flamands en Espagne reçurent ordre d'assurer Ferdinand que l'archiduc avait le désir le plus vif de terminer à l'amiable les différends qui s'étaient élevés. Le nouvel allié de Louis XII tomba dans le piège, et conclut, à Salamanque (24 novembre 1505), un traité stipulant que le gouvernement de Castille serait exercé au nom de Ferdinand, de Philippe et de Jeanne conjointement, et que les revenus de la couronne, ainsi que la collation des emplois, seraient partagés, par égale portion, entre le roi d'Aragon et l'archiduc[28]. Le but du jeune prince, en proposant ce traité, était d'endormir les soupçons de son beau-père jusqu'à ce qu'il fût arrivé en Castille, où tout le monde, croyait-il, se déclarerait pour lui.

Ce second voyage, que Philippe se proposait de faire en Espagne, avait été sinon conseillé du moins approuvé par les états généraux des Pays-Bas, qui avaient accordé à leur prince une aide de 400.000 florins[29]. Il avait été résolu aussi que, pendant l'absence de l'archiduc, la régence serait exercée par Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, né en France, et qui, jusqu'alors, avait partagé son dévouement entre les souverains des Pays-Bas et les successeurs de Louis XI[30].

Le 8 janvier 1506, Philippe d'Autriche, après avoir présidé le chapitre de l'ordre de la Toison d'or dans l'antique abbaye de Middelbourg, s'embarqua avec sa femme et Ferdinand leur second fils, sur une flotte composée de plus de quatre-vingts voiles. A peine s'était-elle éloignée de la Zélande que le feu se déclara dans le vaisseau royal, et on eut de la peine à s'en rendre maitre. Ce n'était que le prélude d'un plus grand désastre. Les navires se rapprochaient de la côte d'Espagne, lorsqu'il s'éleva une violente tempête qui les força de rebrousser chemin. Cet ouragan dura trente-six heures et dispersa la flotte. Le navire royal, qui n'avait plus ni mâts ni voiles, se remplissait d'eau et semblait perdu. Tout le monde poussait des cris de désespoir, et Philippe lui-même croyait que sa dernière heure était venue. Il monta sur le pont et dit avec beaucoup de calme à ceux qui l'entouraient : Mes enfants, recommandons notre fait au Créateur ; je viens mourir avec vous[31]. Trois navires furent effectivement perdus ; les autres furent poussés en différents ports de Bretagne et d'Angleterre ; parmi ces derniers était le vaisseau royal, qui atteignit enfin Hampton.

Henri VII s'empressa de faire aux naufragés l'accueil le plus honorable et le plus fastueux. Pendant tout le temps de leur séjour en Angleterre, les archiducs et leur suite furent généreusement défrayés par les officiers du roi[32]. Mais les fêtes prodiguées au souverain des Pays-Bas cachaient les négociations les plus actives et les plus importantes. Trois traités furent conclus et signés. L'un stipulait une étroite amitié, laquelle impliquait même l'extradition réciproque des rebelles, des traitres et des fugitifs. Le second décidait le mariage de Henri VII avec Marguerite d'Autriche, sœur de Philippe le Beau. Le troisième renouvelait les traités d'entre-cours de 1496. Pour resserrer encore cette alliance, le souverain des Pays-Bas accepta l'ordre de la Jarretière, tandis que le jeune prince de Galles, époux de l'infante Catherine d'Aragon — sœur de Jeanne —[33], recevait les insignes de l'ordre de la Toison d'or dont Philippe était le chef suprême. Il avait été convenu que les trois traités seraient confirmés, scellés et délivrés à Calais, à des termes fixés : celui du mariage endéans le 20 juin ; celui du renouvellement d'amitié endéans le 20 juillet, et celui de l'entre-cours, si impopulaire dans les Pays-Bas, endéans le 31 juillet. Mais les envoyés anglais, venus à Calais, attendirent vainement les lettres confirmatives du roi de Castille[34]. Pressé par les instances déloyales de son hôte, Philippe eut toutefois la faiblesse de lui faire une concession qui pèse encore sur sa mémoire : il consentit à lui livrer un des chefs de la Rose-Blanche, le fameux Edmond de la Pole, comte de Suffolck, qui avait trouvé un asile dans les Pays-Bas[35].

Le 23 avril, les archiducs s'étaient rembarqués à Falmouth et avaient continué leur voyage ; ils abordèrent à la Coruña, en Galice, le 26 du même mois, et presque immédiatement la majorité des grands de Castille se prononça contre Ferdinand. Philippe, fort de cette adhésion, déclara qu'il ne reconnaissait point la convention de Salamanque, prit l'autorité suprême, refusa, malgré les efforts et les instances du cardinal Ximenès, de se réconcilier avec son beau-père, et obligea, enfin, ce dernier à se retirer dans l'Aragon. Le souverain des Pays-Bas était désormais le seul et véritable administrateur de la Castille ; quant à l'infante, sa raison vacillante, troublée de plus en plus par une jalousie frénétique, la rendait incapable d'exercer ou de revendiquer ses droits, bien qu'ils eussent été solennellement ratifiés et proclamés de nouveau par les cortès réunies à Valladolid[36]. Jeanne était la reine légitime, et les cortès, après lui avoir prêté serment de fidélité, refusèrent de consentir à la proposition qui leur avait été faite de la priver de sa liberté. Ferdinand aussi protesta contre ceux qui cherchaient à augmenter la mésintelligence entre les deux époux et qui conseillaient de placer sa fille dans un château fort[37].

Tandis que Philippe d'Autriche, comme époux de la reine et tuteur de son fils, prenait possession du gouvernement de la Castille, Louis XII annulait définitivement les traités qui assuraient à Charles de Luxembourg l'expectative des duchés de Bourgogne et de Bretagne. Le 14 mai 1506, les états généraux du royaume se réunirent à Tours, et là, sur leur requête, furent fiancés Claude de France et François d'Angoulême, héritier présomptif du trône.

Louis XII servait incontestablement les intérêts de la France en déchirant les traités de Blois ; mais sa conduite fut entachée de duplicité. Il ne cessait de protester à Jean de Courteville, ambassadeur de Philippe le Beau, qu'il n'accordait aucune assistance à Charles d'Egmont, duc de Gueldre, et qu'il n'avait jamais pensé à lui eu accorder ; et cette protestation, il la faisait sur sa foi et la damnation de son âme. Cependant l'ambassadeur constata que le roi secourait le duc d'argent et de soldats, et Louis fut, enfin, obligé d'en convenir. Pour sortir d'embarras, il déclara que le roi de Castille n'avait aucun droit sur la Gueldre, et qu'il ne laisserait pas détruire Charles d'Egmont, son parent et serviteur. Alors l'ambassadeur, indigné, manda à son maitre que le roi de France ne l'aimait ni ne lui voulait du bien. Philippe, non moins irrité, écrivit de Valladolid au cardinal d'Amboise, le 24 juillet, qu'il n'avait le cœur si lâche ni les biens de ce monde si petits qu'il ne risquât tout, même la vie, avant de se laisser outrager ; qu'il protestait, néanmoins, que ce serait malgré lui qu'il ferait la guerre au roi de France, et que, si cela arrivait, il lui laisserait la responsabilité des maux qui en résulteraient[38]. S'il faut en croire Guicciardin, Louis XII, en secourant le duc de Gueldre, voulait empêcher ou retarder le voyage de Maximilien, qui avait l'intention de se rendre à Rome pour prendre la couronne impériale — car il n'était encore qu'empereur élu —, et faire nommer ensuite son fils roi des Romains[39].

La mort inopinée de Philippe laissa les choses en cet état.

Le 25 septembre 1506, ce prince, appelé à de si liantes destinées, expirait dans la ville de Burgos, à de vingt-huit ans et au bout de six jours de maladie. Foudroyée par ce coup terrible et imprévu, la fille des Rois Catholiques perdit complètement la raison et ne la recouvra plus. Pendant le demi-siècle qu'elle survécut à son époux, elle fut toujours considérée comme la reine ; mais cette reine de Castille était Jeanne la Folle.

Philippe d'Autriche, sans posséder des qualités éminentes, avait, par sa modération habile, rétabli la prospérité des Pays-Bas et acquis, sinon en Espagne, du moins parmi ses compatriotes, mie grande popularité. Il était naturellement bon, magnifique, libéral, affable, bienveillant, et si familier avec tout le inonde qu'il oubliait parfois le décorum royal. Il aimait la justice et s'appliquait à la faire observer. IL était religieux et n'avait qu'une parole quand il promettait. Il était doué, enfin, d'une rare intelligence, apprenait avec facilité les choses les plus ardues ; mais il n'était ni prompt dans les réponses ni résolu dans l'exécution : toujours il se rapportait à l'avis de son conseil, dans lequel il avait une grande confiance, étant naturellement enclin à se laisser persuader par les personnes qu'il aimait[40].

Malgré sa duplicité, Louis XII n'avait point le cœur froid ni la dévorante ambition de Louis XI. En apprenant la malheureuse fin du roi de Castille, il se souvint de leurs relations autrefois si amicales et de leur parenté. Il écrivit au lieutenant général des Pays-Bas (2 octobre 1506) pour lui témoigner l'intérêt paternel qu'il portait aux enfants du roi de Castille et son désir d'assurer leur État. Il l'avertissait qu'il venait de mander au due de Gueldre et au marquis de Sedan de déposer les armes pour quelque temps, par égard pour la position critique des jeunes orphelins[41]. Enfin, il ordonna que l'on célébrât les obsèques du roi de Castille dans toutes les églises cathédrales du royaume de France. Le roi d'Angleterre écrivit également au Sr de Chièvres, et ses protestations de dévouement à la descendance de Philippe d'Autriche furent encore plus chaleureuses que celles de Louis XII. Il donnait, d'ailleurs, à entendre qu'il n'était point disposé à livrer les Pays-Bas à l'ambition française[42].

 

 

 



[1] Voir Histoire de Flandre, par M. Kervyn de Lettenhove (1re édit.), t. V, p. 353.

[2] Olivier de la Marche, grand-maître d'hôtel de Philippe le Beau, héritier des domaines de la maison de Bourgogne, s'exprimait en ces termes : Combien que le roi de France, par puissance et par hauteur, ait pris et mis en sa main plusieurs d'icelles seigneuries, toutefois c'est à tort et sans cause : et Dieu, qui l'a permis, quand il luy plaira, il les rendra à celuy qui y a le droit... (Mém., liv. II.)

[3] Prescott a très-bien indiqué les causes déterminantes des alliances matrimoniales conclues entre les maisons d'Espagne et d'Autriche. (History of the reign of Ferdinand and Isabella, the Catholic, of Spain, Part. II, chap. IV.)

[4] Voir Chroniques de Jean Molinet, chap. 288. Les Espagnols, d'après cet annaliste, ne purent supporter l'hiver de nos contrées ; et trois à quatre mille succombèrent dans nos provinces.

[5] Maximilien enseignait à Philippe le Beau, son fils, que la maison d'Autriche est la première noble et ancienne maison, selon l'ancienneté, de toutes les maisons et royaumes du monde. Il disait aussi que l'archiduché d'Autriche a été le premier royaume privilégié par Julius César et ses successeurs, lorsqu'ils avoient eu subjection et gouvernoient tout le monde. Aussi verrait-il à regret, ajoutait-il, que, pour complaire au roi et à la reine d'Espagne, son fils fût obligé de postposer le titre d'archiduc à celui de prince. Voir le Mémoire donné par l'empereur Maximilien à Guillaume Pingon, son valet de chambre, envoyé vers l'archiduc son fils. (Collection de documents historiques, aux Archives du royaume, t. Ier.)

[6] Machiavel, Fragments, XIII et XIV.

[7] Négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche durant les trente premières années du XVIe siècle, publiées par M. Le Glay, dans la Collection des documents inédits sur l'histoire de France ; voir t. Ier, p. 24.

[8] C'est une remarque qui a été faite par Machiavel. Les Flamands, dit-il, ne feront jamais la guerre aux Français que lorsqu'ils y seront forcés. Il explique pourquoi : Toutes les fois que le commerce avec la France est interrompu, les Flamands ne trous eut plus de débouché pour leurs marchandises ; et alors, non-seulement ils manquent de vivres, mais encore ils sont obligés de garder le produit de leur industrie. (Fragments historiques, X.)

[9] On trouve sur ce sujet des détails intéressants dans le travail consacré, par M. Gachard, aux anciennes assemblées nationales de la Belgique : L'archiduc fit remontrer aux états qu'il avait juré la paix récemment conclue avec la France ; mais que le roi des Romains, son père, le sollicitait de ne pas l'observer et de reconquérir les pays qu'il avait cédés ; que, se trouvant dans l'alternative ou d'enfreindre son serment, on de désobéir à son père, il demandait Lavis de ses états. Les députés se retirèrent pour aller en référer à leurs provinces. Dans l'intervalle, Maximilien écrivit aux principales villes une lettre où il leur disait qu'il était déterminé à employer son corps et ses biens au recouvrement des pays de son fils qu'occupait injustement le roi de France, ainsi qu'à la guerre de Gueldre, et qu'ensuite il irait combattre les infidèles. Les états généraux, de retour à Bruxelles, au mois de février (1499), délibérèrent sur la communication qui leur avait été faite ; après s'être concertés, ils se transportèrent auprès de l'archiduc et le requirent d'exécuter le traité, vu que ses peuples n'étaient point en état de supporter le fardeau de la guerre. Vainement, Maximilien manda à Anvers l'archiduc et les états et essaya de détourner ceux-ci de sceller la paix avec la France ; il ne put parvenir à les faire changer de résolution. (Des anciennes assemblées nationales de la Belgique, § II, dans la Revue de Bruxelles, novembre 1839.)

[10] Molinet, chap. CCCIII.

[11] ... Fut ainsy nommé, comme aulcuns disent, en recordance de très- puissant et très-redoubté Charles, duc de Bourgogne. (Fragment des Grandes histoires de Hainaut de Me Jean Lefebvre, publié par M. Gachard dans les Bulletins de la Commission royale, Ire série, t. V, p. 339.) On y trouve des détails très-curieux sur le baptême de Charles-Quint, qui eut lieu le 7 Mars, vers dix heures du soir, dans l'église de St-Jean (aujourd'hui St-Bavon). Plus de dix mille flambeaux éclairaient la voie construite pour conduire le cortège du palais à l'église. C'était Marguerite d'York, veuve de Charles le Hardi, qui portait l'enfant ; l'autre marraine, Marguerite d'Autriche princesse de Castille, nouvellement retournée d'Espaigne, en atour de dœul, marchait sur le costé dextre.

[12] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, pp. 28-34.

[13] Pontus Heuterus, Rer. Belg., lib. VI.

[14] Pontus Heuterus, Rer. Belg., lib. VI, pp. 253-258.

[15] Chroniques de Molinet, chap. CCCXV, et Gachard, Des anciennes assemblées nationales, etc., § II.

[16] Jeanne de Castille et d'Aragon, épouse de Philippe, était devenue héritière présomptive des deux couronnes par suite de la mort de don Juan, son frère, et du décès de sa sœur aînée, l'infante Isabelle, qui avait épousé don Emmanuel, roi de Portugal. Le fils unique, issu de ce mariage, était mort aussi avant d'avoir accompli sa deuxième année.

[17] Le cardinal Ximenès, par le docteur Héfélé, traduit par MM. Charles Sainte-Foi et P.-A. De Dermond (Paris, 1856), 1 vol. in-8°, chap. XI.

[18] F. Guicciardin, Histoire d'Italie, liv. V, Chap. V ; Le Glay, Négociations diplomatiques, etc., t Ier, p. LVII et suivantes. — Frédéric III, qui avait été dépouillé de ses États par les armes de Louis XII et la perfidie de son propre frère — Ferdinand le Catholique —, avait reçu, en guise de compensation, le duché d'Anjou avec un revenu de 50.000 ducats. Il mourut, le 9 novembre 1504, à Tours, entre les bras de saint François de Paule, laissant deux fils qu'on fit en sorte de priver de toute postérité.

[19] Le savant éditeur des Négociations diplomatiques fait à ce sujet les remarques suivantes : Au dire de quelques historiens, ces conditions désastreuses n'auraient été agréées que pour complaire à la reine, qui, trop préoccupée de son cher duché de Bretagne, ne pouvait supporter la pensée de le voir réuni à la France. Cette princesse, très-austère dans sa conduite, éprouvait un éloignement invincible pour la comtesse d'Angoulême, dont les mœurs n'étaient pas irréprochables, et elle voulait à tout prix empêcher le mariage de sa fille Claude avec François d'Angoulême, héritier présomptif de la couronne. On ajoute que le cardinal d'Amboise, en signant les traités, s'était bien promis de faire ensuite protester les états contre toute clause attentatoire à l'intégrité du royaume : triste subterfuge qui nous réduirait, comme dit Voltaire, à imputer au bon roi Louis XII ou l'imbécillité ou la fraude. Le Glay, Négociations diplomatiques, etc., t. p. LXIII.

[20] L'archiduchesse, après avoir donné le jour à Ferdinand d'Autriche (le 10 mars 1505, à Alcala), avait voulu, malgré les instances de sa mère, quitter l'Espagne et rejoindre son mari. Elle s'embarqua enfin le 1er mars 1504. On avait constaté que, depuis le départ de Philippe le Beau, sa mélancolie habituelle s'était accrue et avait dégénéré en accès de démence.

Héfélé démontre, au surplus, que Robertson a eu tort de mettre en doute l'authenticité du testament d'Isabelle. Elle n'y disait pas un mot de Philippe, ajoute-t-il, et elle lui avait été la régence, parce qu'il n'avait jamais suivi ses conseils et avait toujours préféré les intérêts de la France à ceux de l'Espagne.

[21] Cette revendication fut complète. — Les cérémonies des obsèques accomplies, l'archiduc prit titre nouveau, renouvelant ses armes, et fut nommé par pays, seigneuries, mandements et écritures : Philippe, par la grâce de Dieu, roy de Castille, de Léon et de Grenade, archiduc d'Autriche, prince d'Aragon et de Sicile, etc., duc de Bourgogne et de Lothier, de Brabant, de Styrie, de Carinthie, de Carniole, de Limbourg, de Luxembourg et de Gheldres, comte de Flandre, etc. (Molinet, chap. CCCXXVI.)

[22] M. Le Glay émet des doutes sur l'authenticité de ce second acte ; il ne croit pas du moins qu'il ait été fait avec la participation des plénipotentiaires français : il affirmerait plutôt que c'est un titre illégitime fabriqué après coup dans l'intérêt de la maison d'Autriche.

[23] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. LXIX.

[24] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier pp. LXX et LXXI.

[25] Prescott, History of the reign of Ferdinand and Isabella, part. II, chap. XVII, passim. — Ferdinand se vengea plus tard sur don Juan Manuel, qui, exerçant les fonctions d'ambassadeur des rois catholiques en Allemagne, avait abandonné le roi d'Aragon pour s'attacher à Philippe et était devenu l'âme du parti qui soutenait le souverain des Pays-Bas. Vers 1514, Ferdinand, à son tour, fit emprisonner Manuel, et celui-ci ne recouvra la liberté qu'à la mort du prince qu'il avait offensé. L'ordre d'arrestation, émané de Marguerite d'Autriche, se trouve dans les Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. Ier, p. 84. Il porte la date du 17 janvier 1513 (v. s.) et enjoignait, de par l'Empereur, qui n'avait alors rien à refuser au Roi Catholique, et commandait, sous peine de la vie, à Pierre de Loquenghien et à Jean de Hesdin, maîtres d'hôtel, d'arrêter don Juan Manuel en la maison qu'il occupait à Malines et de le transférer au château de Vilvorde.

[26] Germaine était fille de Jean de Foix, vicomte de Narbonne, et de Marie, sœur de Louis XII. Elle avait alors dix-huit ans, et Ferdinand en avait cinquante-trois.

[27] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. LXXIII.

[28] Prescott, History of the reign of Ferdinand and Isabella, part. II, chap. XVII.

[29] Gachard, Des anciennes assemblées nationales, § II.

[30] Recherches historiques sur les princes de Chimay et les comtes de Beaumont, publiées par M. Gachard, dans le Bulletin de la Commission royale d'histoire, 1re série, t. XI, pp. 124-126.

[31] Pontus Heuterus, liv. VI, p. 276. — Chroniques de Molinet, chapitre CCCXXXIV.

[32] Relation manuscrite du second voyage de Philippe le Beau en Espagne, analysée par M. Gachard dans le tome VI, 2e série, du Bulletin de la Commission royale d'histoire. L'auteur qui, selon toutes les probabilités, était Antoine de Lalaing, s'exprime comme témoin : Je n'en parle point par oy-dire, car j'en s ay eu l'aise, et eus part à ce que je dis...

[33] Le premier prince de Galles, fils ainé de Henri VII, s'appelait Arthur. Il mourut prématurément, et son frère, qui portait alors le titre de duc d'York, ne tarda point à être fiancé avec sa veuve. Catherine d'Aragon avait dix-huit ans lorsqu'elle fut unie, malgré elle, avec le futur Henri VIII, qui était de cinq ans plus jeune.

[34] Lettre de Henri VII à Maximilien, datée de Greenwich, le 13 août 1506, et publiée par M. Gachard dans le Bulletin de la Commission royale d'histoire, 2e série, t. III, p. 305.

[35] Mémoires de Du Bellay (édition de 1753), t. Ier, p. 47. Il est vrai, dit-il, que Henri promit de conserver la vie à Suffolck, et il tint sa promesse ; mais peu de moments avant sa mort, il ordonna à son fils de lui faire trancher la tête, et ce fut la première chose que fit Henri VIII, dès qu'il fut monté sur le trône.

[36] La jalousie, d'ailleurs motivée, de la malheureuse princesse avait dégénéré, selon un contemporain en une très-malvaise coustume et jusqu'à la rage d'amours, qui est une rage excessive et inextinguible. Il ajoute : Et est la chose tellement allée que la bonne royne n'a eu, en trois ans, non plus de bien ni de repos qu'une femme damnée, ou une femme hors de sens.... Et venue en son royaulme, ne cessa que les dames qui estoient en sa compagnye ne furent renvoiées ; ou aultrement elle eust tout publicquement voulu donner à cognoistre sa jalousie et folye.... En tel estat allait auprès de son mary par les champs, en a la compagnye de dix ou aucunes fois de vingt hommes, seulle femme, sans compaignye, etc. (Relation du second voyage de Philippe le Beau, etc., dans le Bulletin de la Commission royale d'histoire, 2e série, t. VI, p. 31.)

[37] Instructions adressées par Ferdinand d'Aragon à Louis Ferrer, son chambellan, envoyé vers Philippe le Beau (22 juillet 1506), dans les Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. Ier, p. 48.

[38] Les dépêches de Jean de Courteville, seigneur de la Bussière et de Preurelies, chambellan de l'archiduc Philippe, etc., ont été recueillies dans la Correspondance de Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, etc., tirée des archives de Lille et publiée par L.-Ph.-C. Vauden Bergh (Leyde, 1845), t. Ier, passim. On y trouve aussi reproduite la lettre adressée par Philippe d'Autriche au cardinal Georges d'Amboise, légat en France. L'ambition était, ce semble, le mobile du changement de conduite de ce ministre, comme il résulte de l'extrait suivant d'une lettre écrite, vers cette époque, par Philibert Naturelli, ambassadeur à Rome, au roi de Castille : Ledit légat a bien merveilleusement et déshonnêtement chengié de volonté qu'il avoit envers nous... Je vous advertis, Sire, qu'il entretient ledit Sr roy d'Aragon de tout son pouvoir à quelque mal et déshonneur qu'il en puist advenir, et n'y a autre raison principale, fors qu'il espère d'astre pape une fois pur le moyen d'icelluy roy d'Aragon, lequel luy a promis, le cas advenant du trespas du pape présent (Jules II), de luy faire avoir la voix de tous les cardinaux d'Espaigne qui sont par deçà..... (Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. 112.)

[39] Histoire d'Italie, liv. VII, chap. Ier. — Dans les actes contemporains, on donnait à Maximilien tantôt le titre d'empereur de Rome et roy de Germanie, tantôt celui d'empereur des Romains. (Lanz, Monumenta Habsburgica, t. Ier, passim.)

[40] Relation de Vincent Quirini sur Philippe le Beau, fait au sénat de Venise, en 1506, et publiée par M. Gachard, dans les Monuments de la diplomatie vénitienne (Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XXVII).

[41] Négociations diplomatiques, etc., t. Ier, p. 161 — Philippe le Beau laissait, de son mariage avec Jeanne de Castille et d'Aragon, six enfants : Éléonore, née à Bruxelles, au mois de novembre 1499 ; Charles, né à Gand, le 21 février 1500 ; Isabelle, née à Bruxelles, le 27 juillet 1502 ; Ferdinand, né à Alcala, le 10 mars 1503 ; Marie, née à Bruxelles, le 13 septembre 1505, et baptisée à l'église du Sablon ; Catherine, née à Torquemada en 1507, cinq mois après la mort de son père.

[42] Voir la lettre du roi d'Angleterre, datée du 18 octobre 1506, dans les Notices et extraits de manuscrits relatifs à l'histoire de Belgique, etc., publiés par M. Sachet, dans le Bulletin de la Commission royale d'histoire, 2e série, t. V, pp. 110-112.