Texte numérisé par Marc Szwajcer
Alexandre, dit Arrien, apprend que Darius est à Ecbatane ; il y vole. — Prouchôri epi Médias. — Franchit-on ainsi d’un coup d’aile une distance de sept cents kilomètres, de huit cents même, si nous en croyons Plutarque ? La défaite de Crassus, ô Romains, ne vous a donc rien appris ! Voilà comment, cent quatre-vingt-sept ans après la bataille de Carrhes, vous traitez encore une science qu’on n’a jamais impunément négligée ! Narsès et Sapor vous rappelleront un jour à quoi l’on s’expose, quand on ne s’amende pas dès la première leçon. Ce n’est point ainsi, grâce à Dieu, que nous avons agi au lendemain des désastres de la guerre franco-allemande ; noire ignorance nous avait perdus ; nous nous sommes mis sur-le-champ à l’élude, et la docte Allemagne n’en remontrerait plus à nos écoliers. Les Français ont cessé d’être un peuple qui ne sait pas la géographie. C’est à peine aujourd’hui si nous nous occupons d’autre chose ; nous avons voué un culte superstitieux à ces traités arides qui nous enseignent — je transcris la définition du Dictionnaire de l’Académie — la position de toutes les régions de la terre les unes à l’égard des autres, et par rapport au ciel, avec la description de ce qu’elles contiennent de remarquable. La tendance est heureuse ; j’en prends, sans perdre de temps, avantage. Qui pourrait répondre, en effet, que dans un avenir plus ou moins prochain, un courant contraire n’emportera pas les esprits ? Si quelqu’un s’avisait un jour de reprocher à la géographie d’encourager les desseins ambitieux, d’entretenir les visées chimériques, la malheureuse science en resterait discréditée pour des siècles. Que deviendraient alors toutes les recherches minutieuses auxquelles je me suis livré ? Ave, Cæsar, victor, imperator ! Je le salue, pendant que tu es encore debout. Vous devez tenir, avant tout, à savoir d’une façon précise dans quelle localité il convient de chercher l’emplacement d’Ecbatane. Le palais du roi Déjocès et la ville que la reine Sammouramit — je m’applique à parler le langage moderne — se plut à embellir, n’ont pas laissé, comme Babylone, Suse et Persépolis, de ces grands débris qui fixent victorieusement un site contesté. Sur la foi de Diodore, j’ai cherché Ecbatane à deux kilomètres du mont Oronte, montagne taillée à pic et haute de quatre mille six cents mètres. Le mont Elvend ne répond pas tout à fait à cette élévation, car l’Annuaire du bureau des longitudes ne lui assigne que trois mille quarante-sept mètres d’altitude ; ne chicanons pas les Anciens pour si peu. La distance d’Ecbatane au pied du mont Elvend m’embarrasserait peut-être davantage : je ne sais trop quelle édition de Diodore possédait Buckingham ; Ecbatane, à son compte, eût été située à douze parasanges du mont Oronte ; le texte que j’ai sous les yeux dit très formellement douze stades. La différence, on l’avouera, est grande ; il s’agit dans un cas de deux kilomètres environ, de soixante-douze dans l’autre. C’est ici que les arpenteurs d’Alexandre devraient nous venir en aide ; malheureusement aucun des historiens de l’antiquité ne fait, sur ce terrain, la moindre allusion à leur journal. En vertu de quels renseignements la grande majorité des voyageurs et des érudits s’est-elle donc accordée à placer Ecbatane dans la vallée fertile qu’occupe aujourd’hui Hamadan ? Diodore nous entretient d’une marche rapide qui porta l’armée d’Antigone en vingt jours d’Ecbatane à Persépolis ; Arrien nous raconte qu’Alexandre, partant lui aussi d’Ecbatane, employa onze journées de marche forcée — Katà tèn odon spoudè gignoménèn — pour atteindre Rhagès, qu’il lui en eût fallu douze pour arriver aux Pyles Caspiennes. C’est d’après ces données qu’a été résolu définitivement le débat. Un seul dissident persiste : M. l’adjudant général Ferrier, dont l’opinion aura toujours un très grand poids à mes yeux, se déclare tenté de reculer de soixante-douze kilomètres vers l’ouest la position d’Ecbatane. La vallée de Kienguaver s’accommoderait tout aussi bien, à son dire, que la vallée d’Hamadan de la topographie sommaire de Diodore de Sicile ; de plus, à Kienguaver M. Ferrier rencontre ce qui fait, suivant lui, complètement défaut à l’autre plaine : des tronçons de colonnes et d’énormes blocs de granit. Il foule aux pieds une poussière évidemment antique, et nous montre du doigt un mamelon bien autrement digne de porter les sept enceintes royales de Déjocès que la petite et insignifiante colline de Moussallah. El les auteurs orientaux ! De quel côté seraient-ils portés à faire pencher la balance ? Je croirais volontiers qu’ils n’ont jamais songé à Kienguaver. Djemchid, nous disent les uns, fit bâtir Hamadan ; il l’entoura d’une enceinte de douze mille pas, nous affirment les autres. A la fin du douzième siècle, les cheiks les plus vénérés d’Ha m ad an montraient aux voyageurs qui se dirigeaient des bords de l’Euphrate ou du Tigre vers la mer Caspienne, une voûte imposante et immense, dont la construction remontait, selon eux, aux temps les plus reculés. Quant aux Juifs, ils avaient trouvé bon d’assurer à la ville qu’ils habitaient, au nombre de cinquante mille, le bénéfice de pieux et fréquents pèlerinages ; le prétendu tombeau d’Esther et de Mardochée attire encore aujourd’hui sous les murs d’Hamadan tous les fils d’Israël répandus dans le vaste empire des Kadjars. Hamadan a été visitée au dix-septième siècle par Pietro della Valle : c’était une ville fort grande et très peuplée, ville rustique toutefois, et qui tenait un peu du village. Placée sur le chemin de Kasbin, de Téhéran, d’Ispahan, à Bagdad et à Kerbéla, le lieu des sépultures saintes, on la citait comme l’endroit le plus fréquenté de la Perse. Les Loris et les Baktyaris n’étendaient pas leurs déprédations jusqu’à cet heureux territoire, et Pietro della Valle, arrivé sans encombre au terme de son voyage, constatait avec une satisfaction reconnaissante qu’au temps d’Abbas le Grand on pouvait encore accorder à la Perse l’éloge que lui décernaient, sous le règne de Salmanasar, le père de Tobie, et, douze ou treize siècles plus tard, sous le règne de Chosroès, Agathias ; Il y avait sûreté sur les chemins. C’est souvent la dureté du sol qui pousse les populations au brigandage ; la lutte pour la vie n’a pas besoin de se soutenir dans la plaine d’Hamadan à main armée ; il est beaucoup plus simple de recourir à la charrue. L’aspect riant du pays, écrivait Flandin, fait aisément comprendre l’importance de ce district, un des plus beaux de la Perse. La chaîne de l’Elvend élève dans l’air ses grands pics, dont plusieurs au mois de juin demeurent encore blancs ; des flancs de la montagne s’échappent de nombreux ruisseaux, au bord desquels sont assis de tous côtés des villages. Quant à la ville même, Flandin nous assure qu’elle ne renferme pas aujourd’hui plus de quatre raille ou cinq mille habitants. Benjamin de Tudèle y avait trouvé, au milieu du douzième siècle, cinquante mille Juifs, sans compter les chrétiens et les musulmans. Une lente décadence peut expliquer la différence de ces chiffres ; ce qui est plus grave, c’est le désaccord que je remarque entre deux auteurs contemporains. En 1840, Flandin constate la présence dans Hamadan de quatre mille ou de cinq mille âmes ; en 1845, Ferrier nous en annonce cinquante mille. Erreur de copiste, dira-t-on. Oui ! s’il s’agissait de Diodore de Sicile, de Plutarque ou de Strabon ; mais, avec les modernes, on n’a pas la ressource de s’en prendre aux moines. Hamadan, écrivait Flandin, n’a ni mosquée, ni sérail, ni bazars qui soient remarquables ; c’est une petite ville de peu d’étendue. — Les bazars d’Hamadan, riposte Ferrier, sont très beaux, très vastes, et toujours remplis d’une foule compacte ; de nombreux caravansérails y sont attenants ; il y a aussi beaucoup de bains et de belles mosquées. Est-ce bien de la même cité qu’il s’agit ? Ferrier ajoute : Cette ville est très commerçante ; ses fabriques de cuivre ont de la réputation. Flandin ne souffle mot de l’industrie du cuivre ; en revanche, il signale trois autres corps de métier assez florissants : les tanneurs qui préparent leurs cuirs dans la rivière, les foulons qui apprêtent ces épais tapis de feutre sur lesquels les Persans ont pris l’habitude de s’asseoir, et les Juifs, qui se font un jeu d’égarer les archéologues en fabriquant une immense quantité de monnaies grecques et de monnaies sassanides. Voulez-vous recueillir la preuve matérielle du passage d’Alexandre en Médie ? Adressez-vous à ces industriels ; les médailles à l’effigie du roi de Macédoine sont devenues une sorte de monnaie courante dans leurs mains. La fraude en réalité importe peu ; si les Juifs avaient déplacé le mont Oronte, comme les Russes, pendant la guerre de Grimée, déplacèrent leurs phares, je comprendrais mieux l’indignation des voyageurs. Ecbatane manquait d’eau, nous apprend Diodore ; sur le revers opposé de la montagne se trouvait un grand lac qui communiquait avec une rivière : la reine Sémiramis fit percer le mont Oronte à sa base ; on y creusa un canal de quinze pieds de largeur sur quarante de profondeur ; le canal servit à conduire dans la ville les eaux du lac et de la rivière. L’indication ne me paraît pas sans valeur ; laissons l’auteur du Voyage en Perse prendre, sur ce sujet, le premier la parole : Une rivière torrentueuse, observe Flandin, s’échappe des flancs du mont Elvend, en descend avec rapidité, de cascade en cascade, et passe sous plusieurs ponts à travers la ville. Les partisans de Kienguaver vont sur-le-champ répondre : A un quart d’heure de Kienguaver, on traverse une étroite rivière sur un petit pont de quatre arches. Ecbatane était située dans une plaine, à douze stades environ du mont Oronte ; Hamadan est adossée aux dernières pentes du mont Elvend. Qu’à cela ne tienne ! Kienguaver est assise sur le revers d’une montagne qui ferme au nord une plaine admirablement belle. Mais le mont Oronte n’était pas une montagne d’une hauteur ordinaire ; son sommet atteignait la limite des neiges éternelles. Ferrier aurait encore réponse à celle objection : au moment où la caravane dont il fait partie débouche dans la plaine de Kienguaver, le superbe mont Nebavend apparaît tout à coup avec son éclatante couronne de neige. Il est cependant un point sur lequel nous prendrons, ce me semble, Ferrier en faute : ne nous a-t-il pas affirmé qu’Hamadan ne contient pas de monument ou de ruines qui puissent justifier l’opinion de ses adversaires ? Ferrier n’avait assurément pas lu à cette époque le Voyage en Perse de Flandin. Hors des murs d’Hamadan, du côté du sud, Flandin aperçoit plusieurs éminences, dont l’aspect et les aspérités anguleuses dénotent la présence de décombres considérables. Il y court et distingue d’abord, au milieu de pierres granitiques de grandes dimensions, deux assises de colonnes. Plus à l’ouest, à quatre kilomètres de la ville, s’ouvrent de vastes carrières de calcaire très dur, d’où furent très probablement extraits les matériaux employés à l’édification des palais et des temples : plusieurs fûts de colonnes y gisent inachevés. En revenant de ces carrières vers la ville, on rencontre un nouveau sol fortement relevé çà et là, qui recouvre des monceaux de pierres de formes et de nature diverses. Le calcaire s’y mêle au basalte, le marbre au granit, et de la poussière de ces tristes décombres sort le corps d’un lion mutilé. Vous demandiez des ruines, la plaine de Kienguaver en offre-t-elle donc davantage ? La difficulté n’est pas là, Flandin l’a bien compris : où placerons-nous dans la plaine d’Hamadan les grands et formidables remparts, qu’au dire d’Hérodote, éleva Déjocès, quand les Mèdes, reconnaissant l’impossibilité de se passer d’un chef, lui déférèrent le pouvoir absolu ? Ecbatane, nous assure Polybe, n’avait pas de murailles : que lui eût servi d’en avoir, quand elle pouvait si bien dormir en paix sous la protection de sa citadelle, fortifiée d’une manière merveilleuse ? Les fortifications mentionnées par le compagnon de Scipion l’Africain, le père de l’histoire, le contemporain de Périclès, a pris soin de nous les décrire : sept enceintes se dressaient Tune au-dessus de l’autre, disposition, nous fait observer Hérodote, favorisée par la pente du terrain. L’enceinte la plus vaste, celle qui embrassait toutes les autres, avait une circonférence égale au périmètre des murs qui, à la même époque, enveloppaient Athènes. Ce témoignage profane ne vous suffît-il pas ? Allez chercher la Bible ; ouvrez-la au chapitre Ier du livre de Judith. Qu’y rencontrez-vous ? Arphaxad, roi des Mèdes, fonda une très puissante ville : Ecbatane. Pour en bâtir les murs, il employa des pierres carrées de vingt pieds de côté et donna trente coudées de hauteur aux courtines, cent coudées aux tours. Voilà bien, à quelques détails près, la fameuse citadelle d’Hérodote. Au-dessus de cette forteresse, le palais du roi occupait un espace de mille deux cent quatre-vingt-huit mètres de circuit. A moins de vouloir méconnaître l’autorité de la Bible, d’Hérodote, de Diodore, de Polvbe, il faut s’arranger pour placer sur la petite colline de Moussallah ces remparts et cet édifice. On a, il est vrai, découvert au sommet de la modeste éminence les traces de fondations qui figurent un rectangle flanqué de tours circulaires : est-ce assez pour se permettre d’affirmer que le palais et la citadelle de Déjocès s’élevèrent jadis dans la plaine d’Hamadan ? Malgré toute la bonne volonté que j’y ai mise, objecte Ferrier, il m’a été impossible de partager cette opinion. Moussallah, outre l’exiguïté de son développement, n’a conservé nulle trace de la royale demeure ; quelques débris de briques, de poterie, et des restes de fortifications construites en briques séchées au soleil, tels sont les seuls vestiges qu’on y constate. Le monticule qu’occupe encore la vieille forteresse de Kienguaver ne répond-il pas cent fois mieux à l’idée que nous devons nous faire du terrain qui porta les enceintes étagées et le palais du roi mède ? Tout ce que Ferrier, dans son désir de conciliation, peut concéder, c’est qu’Hamadan se sera élevée aux dépens d’Ecbatane, en se transportant à douze farsangs plus à l’est, comme Chiraz se construisit à douze farsangs au sud de Persépolis, en empruntant la majeure partie de ses matériaux à la vieille capitale. Le grand roi, au dire de Xénophon, passait chaque année deux mois d’été à Ecbatane, les trois mois du printemps à Suse, les sept autres moisi Babylone : comment donc se fait-il que nous soyons beaucoup moins bien informés de ce qui concerne la capitale de la Médie que de ce qui a trait aux capitales delà Susiane, de la Chaldée ou de la Perside ? Aurions-nous rencontré ici une autre Pasargade ? Pour décrire Ecbatane, Hérodote n’a eu que les renseignements qui lui furent donnés par les Mèdes, pendant son séjour à Babylone ; Pline confond cette ville avec Europus — aujourd’hui Veramin ; — Ammien Marcellin, né vers l’année 320 de notre ère, et qui accompagna très probablement les empereurs Julien et Jovien en Asie, place Ecbatane dans l’Adiabène, province, dit-il, comprise entre l’Onas et le Tigre, et que l’on désignait jadis sous le nom d’Assyrie. De tous les écrivains anciens qui ont parlé de l’antique capitale des Mèdes, Isidore de Charax, auteur du troisième ou quatrième siècle avant Jésus-Christ, paraît être le seul qui l’ait visitée. Rennel, Mannert, Olivier, Kinneir, Morier et Ker Porter reconnaissent les débris de la cité fondée par Déjocès dans les ruines éparses à fleur de terre sur la colline de Moussallah ; le colonel Rawlinson soutient que deux capitales ont successivement ou simultanément porté le nom d’Ecbatane : l’une, située en pays plat, sur les confins de la grande Médie, a laissé sa trace indiscutable dans la vallée d’Hamadan ; l’autre, bâtie dans le district montagneux de l’Atropatène, doit être cherchée par 36° 25’ de latitude nord et 49° 30’ de longitude occidentale à partir du méridien de Paris, aux lieux où l’Azerbaïdjan offre encore dans un de ses villages un nouveau trône de Salomon — Takht-i-Soleïman — à l’attention justement éveillée des archéologues. Flandin compte vingt-cinq étapes et cent cinquante heures de marche environ entre Persépolis et la ville moderne, qui occupe, suivant lui, l’emplacement d’Ecbatane. Cette distance, nous l’avons déjà dit, a été franchie par Antigone en vingt jours ; elle le fut par Buckingham en vingt-deux, par Pietro della Valle en vingt-sept. Si Antigone, au lieu de partir d’Hamadan, en l’année 316 avant Jésus-Christ, pour aller occuper la Perside, eut dû prendre son point de départ de Kienguaver, la rapidité de sa marche, remarquable déjà, s’expliquerait moins aisément encore. M. Ferrier a certainement le droit de s’étonner qu’Alexandre, pour se rendre, à marches forcées, d’Ecbatane à Rhagès, ait employé trois jours de plus que les caravanes voyageant à leur allure ordinaire ; c’est sur ce rapprochement qu’il insiste avant tout, quand il s’obstine à demander qu’on reporte Ecbatane de soixante-douze kilomètres vers l’ouest. Si nous nous rangions pour une pareille considération à son avis, quelle activité ne nous verrions-nous pas contraints d’imprimer aux mouvements d’Antigone ! O vanas hominum mentes ! o pectora cœca ! Quelle fâcheuse idée j’ai donc eue de vouloir instruire un pareil procès ! Parce qu’un ancien capitaine de chasseurs d’Afrique s’en était mêlé, j’ai cru qu’un marin ne serait pas déplacé dans l’arène ; je ne savais pas alors à quoi je m’engageais. Il m’a fallu remonter aux sources : Pline ne m’a rien appris en m’invitant à chercher Suse à égale distance de Séleucie et d’Ecbatane ; Isidore de Charax ne m’a pas moins laissé dans le vague, quand il s’est contenté de me dire que je rencontrerais Ecbatane sur le chemin qui mène de Séleucie à la Parthiène. Polybe m’a été d’un plus faible secours encore : il m’a simplement confirmé ce que je n’avais jamais mis en doute : l’ancienne capitale des rois mèdes était située dans un pays de montagnes. Strabon ajoutera : au pied du mont Oronte : Diodore me l’avait déjà enseigné. Si vous m’en croyez, n’attendons rien des Anciens ! Ils parlent de la Médie et de la Perside sans y avoir jamais pénétré ; je mettrais plutôt mon espoir dans les explorateurs sous la conduite desquels je n’ai pas cessé de marcher depuis le départ d’Arbèles. Qu’on aille chercher Loftus ! Lui seul me paraît capable de vider la question. Donnez-lui des pioches et des travailleurs ; il fera sortir de terre je palais de Déjocès, comme il a rendu, sur les bords du Choaspe, le palais d’Assuérus et d’Esther à la lumière. Loftus, hélas ! depuis longtemps n’existe plus. On ne sait pas assez au prix de quelles fatigues, de quels durs sacrifices, la science du passé élargit chaque jour son domaine. Combien de héros, l’honneur du pays qui les a vus naître, sont déjà tombés sur ces champs de bataille ! Santé, fortune, repos, le sphinx qu’on va interroger prend tout Loftus a payé de sa vie les grandes découvertes qu’il nous a léguées et Loftus pourtant a trouvé dès qu’il l’a fallu de vaillants successeurs. Il en trouvera certainement encore : puisse un sort plus heureux leur être réservé ! Pour moi, j’ai fait mon devoir, ma conscience est tranquille : si Hamadan n’est pas Ecbatane, il y a tant de gens qui le croient, et des plus érudits, qu’on ne songera jamais à me faire un reproche d’avoir ajouté foi à une opinion aussi répandue. Quel inconvénient d’ailleurs peut-il y avoir à s’en remettre ici au suffrage universel ? Admettons un instant que je sois obligé, pour accompagner Alexandre, de pousser jusqu’à Kienguaver, je n’en devrai pas moins passer par Hamadan. La route d’Hamadan à Chiraz n’est-elle pas, de toutes les voies qui percent d’une extrémité à l’autre ces montagnes, la voie la plus directe et la plus naturellement indiquée ? Le chemin de Nehavend, où se heurtèrent,en l’année 641 de notre ère, — 638, nous affirme Douillet, — l’armée du calife Omar et celle du dernier roi de la dynastie sassanide, n’a du être, au temps d’Alexandre, comme il l’est aujourd’hui, qu’une route secondaire et une voie détournée. |