HISTOIRE DE LA GAULE

TOME III. — LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS GERMANIQUES.

CHAPITRE XV. — LA CHUTE DE MARSEILLE.

 

 

I. — ÉTAT DE LA GAULE.

La guerre des Gaules avait duré moins de dix ans. En cet espace de temps, César prit d’assaut plus de huit cents forteresses, il soumit trois cents tribus[1], il combattit trois millions d’ennemis, fit un million de cadavres et emmena un million de prisonniers. — C’est dans ces termes que Plutarque résume la guerre des Gaules[2], et on peut croire que ce résumé est l’œuvre de César lui-même, et que ces chiffres se lisaient sur les écussons étalés lors de son triomphe[3].

Ils ne me paraissent pas exagérés. Ce n’est point évaluer trop haut le chiffre des morts que de le porter à un million. La guerre des Gaules fut un massacre continu. César livra trente batailles[4], soutint cinq sièges de longue durée[5], et dans chacun de ces épisodes le nombre des morts fut effrayant. Lors de la prise de Bourges, on égorgea 40.000 êtres vivants[6]. A la bataille de la Sambre, sur 60.000 combattants, il n’en survécut pas mille[7]. Des 368.000 Helvètes et autres qui émigrèrent, 200.000 tout au plus échappèrent à la mort[8]. Dans un simple combat dirigé par un officier de César, 12.000 corps restèrent sur le sol[9]. Pour comprendre l’étendue de ces chiffres, qu’on se rappelle que, sur les champs de bataille et dans les prises d’assaut, les Romains ne faisaient pas de quartier, que leurs armes étaient des engins meurtriers d’une espèce supérieure, que le Gaulois n’avait point d’armes défensives vraiment utiles. A ces meurtres dans les combats ajoutez les condamnations capitales, les suicides des désespérés, les assassinats isolés commis par la soldatesque et la valetaille, les milliers de femmes, d’enfants et de vieillards qui moururent de faim, de soif, de fatigue ou de douleur[10]. — Voilà pour les morts.

Le chiffre des prisonniers, lui aussi, a pu atteindre un million. Après Alésia, César en fit plus de 40.000, qu’il distribua aux soldats[11]. A la prise de Namur, 53.000 têtes de captifs furent vendues au profit du trésor[12]. Chez les Vénètes, tout ce qu’on put prendre de la nation, vieillards et enfants, fut mis à l’encan sur place[13]. Les Italiens partirent pour la Bretagne afin d’y ramasser des hommes, et César en offrit par milliers à tous les grands de l’Empire[14]. Cette guerre fut une chasse permanente à l’esclave, la plus atroce razzia de ce genre qui ait été faite dans le cours de l’histoire romaine.

Songeons ensuite aux pillages. Dans les pays où il pouvait hiverner, César respectait sans doute les blés et les fourrages. Ailleurs, il détruisait tout : chez les Morins, le pays fut pillé deux fois en deux ans ; chez les Éburons, trois fois en trois ans ; chez les Carnutes, c’est-à-dire dans la Beauce, au moins quatre fois en deux ans. Aucune ville qui ait été prise d’assaut ne fut épargnée : on brilla tout dans Orléans et on tua tout dans Bourges. Cela, c’est ce que César nous dit lui-même, froidement, en homme qui connaît les droits de la guerre. Ce que d’autres nous apprennent, c’est le brigandage et les vols dans les temples, dans les villes et chez les particuliers[15]. Partout où il le put, le proconsul fit main basse sur les trésors sacrés[16], et ils abondaient en Gaule[17]. On peut croire que tous ses officiers l’imitèrent, Labienus et les autres. Dès la troisième année de la guerre, César paraissait assez riche pour acheter la moitié de Rome, et jeter les deniers par millions[18], sans crainte des lois et sans respect des hommes.

Il n’a laissé, de son passage en Gaule, aucun souvenir qui le fasse estimer. Nul épisode de bonté ne s’y attache à sa légende. Ni le courage ni la faiblesse ni l’infortune ne furent pour lui des motifs de clémence. Les paysans du Quercy résistèrent : il leur fit couper les mains à tous. Les sénateurs vénètes prirent les armes : il les fit égorger. Accon, chef des Sénons, Gutuatr, chef des Carnutes, furent par son ordre tués à coups de verges et de haches. A Bourges, on permit aux soldats de n’épargner ni le sexe ni l’âge. Vercingétorix, le plus digne de ses adversaires, sera exécuté le jour de son triomphe. Le sénat lui-même avait jadis respecté Bituit et Persée.

Maintenant, César peut être tranquille. Les trésors volés, les guerriers morts, les terres saccagées, les familles détruites, épuisée, misérable et épouvantée, la Gaule ne bougera plus[19].

 

IL — LA GAULE RÉDUITE EN PROVINCE.

Alors, il put montrer que son amitié serait aussi efficace que sa vengeance avait été impitoyable. Il rassura les indécis, il récompensa les fidèles, et il consacra à une campagne de flatteries et de promesses les mois qui suivirent la fin de la guerre[20].

C’étaient les derniers de son proconsulat. Ses pouvoirs arrivaient à terme dans l’année qui commençait (50). Il devait écarter de sa vie ses rêves de conquête, ou, s’il lui fallait encore combattre, ce serait pour l’empire de Rome. La tâche de César se borne maintenant à reposer ses soldats et à les préparer pour la guerre civile ; à reposer aussi la Gaule, pour qu’elle l’aide bientôt de ses tributs et de ses hommes. Car à peine eut-il achevé de la vaincre, qu’il s’efforça de l’attacher à sa fortune[21].

Ce fut alors (fin 51 ?) qu’il proclama solennellement que la Gaule était province romaine, depuis les Pyrénées et les Alpes jusqu’au Rhin et à l’Océan[22]. Tous les peuples, à l’exception des Morins et des Ménapes de la Flandre[23] et peut-être de quelques tribus des Pyrénées, avaient fait acte de soumission et reconnu la majesté du peuple romain.

Tous cependant ne furent pas désignés comme sujets et tributaires. César laissa aux Éduens et aux Rèmes le titre de cités libres, alliées ou amies du peuple romain : c’était une liberté précaire, évidemment, et qui comportait surtout l’exemption de tributs, mais le mot ménageait l’orgueil de ces vieilles nations[24]. Fort probablement aussi, il accorda aux Éduens et aux Rèmes le droit d’exercer sur d’autres peuples l’antique patronage cher aux Gaulois, encore que ce patronage ne fût plus sans doute qu’un lien moral et religieux[25].

Comme en Narbonnaise après la conquête de Domitius, toutes les nations, libres et tributaires, conservèrent leur nom, leurs limites, leurs forteresses et leurs lois[26]. Il n’y eut pas, que je sache, une seule transplantation de tribu et un seul déplacement de bourgade[27]. La vie intérieure des peuples, vie politique, morale et religieuse, parut continuer comme par le passé. Ils ne perdirent que le droit de s’allier et de se battre, la libre disposition de leurs armes et de leurs guerriers[28].

La réduction d’un pays en province comportait le paiement d’un tribut et l’envoi d’un contingent militaire. César fixa à quarante millions de sesterces (dix millions de francs) le tribut de la Gaule qu’il avait conquise[29]. C’était assurément peu de chose[30]. Mais il voyait la misère actuelle de la Gaule. Il avait pris d’avance, on peut le dire, le tribut possible de plusieurs années. Et en ce moment, il avait besoin d’hommes plutôt que d’argent.

Ce sont des contributions en hommes qu’il exigea surtout des cités de la Gaule, y compris les cités libres[31]. Chaque année, ses officiers feront désormais appel à la jeunesse gauloise, chefs et guerriers. C’est elle qui lui fournira, comme au temps de Diviciac et de Dumnorix[32], le meilleur de sa cavalerie auxiliaire[33], et il lui demandera aussi de ces fantassins ligures ou aquitains dont il avait reconnu l’excellence[34], et de ces archers rutènes[35] que Vercingétorix avait su former à la grande guerre. C’est par milliers, au début de chaque campagne, que les soldats gaulois passeront les Alpes ou les Pyrénées pour aller rejoindre César sur tous les champs de bataille du monde[36]. Il eut, dit-on, jusqu’à 10.000 cavaliers celtes sous ses ordres[37], presque autant qu’en avait commandé son rival de Gergovie.

C’était, après tout, le genre d’impôt que les Gaulois préféraient. A peine peut-on dire que ce fût un impôt pour eux[38]. La guerre demeurait leur joie. Au lieu de se battre entre eux contre Rome, ils se battront pour César contre d’autres Romains. Le proconsul les emmenait à la fois comme soldats et comme otages ; il s’assurait d’utiles auxiliaires, et il privait la Gaule de ses défenseurs[39].

 

III. — CÉSAR QUITTE LA GAULE[40].

Pour plus de sûreté, il ne retourna pas encore en Italie pendant l’hiver (51-50), mais demeura de ce côté des Alpes. Après les campagnes du Quercy et de la Moselle, il envoya ses légions dans leurs quartiers d’hiver, quatre en Belgique[41], les six autres dans la Gaule centrale[42]. Lui-même visita sa province de Narbonne, qui lui avait été si fidèle lors des dernières entreprises de Vercingétorix et de Lucter. Il alla de ville en ville, tenant ses assises, apaisant les différends, déployant au grand jour sa reconnaissance[43]. Puis il revint chez les Belges, à Arras, où était son quartier général[44]. Il y inaugura sa dernière année de Gaule (1er janvier 50[45]), et y acheva la mauvaise saison.

En été[46], quand il vit que tout resterait tranquille, il quitta de nouveau ses légions, passa les Alpes, et alla enfin visiter sa province de Cisalpine[47], qu’il n’avait point revue depuis la grande insurrection. Il la parcourut en triomphateur, salué comme un maître, adoré comme un dieu, des arcs bâtis à l’entrée des villes, les portes ornées de guirlandes, des victimes partout immolées, des tables dressées pour des festins d’allégresse[48]. Confiant désormais dans la fidélité des Gaulois d’Italie et de Narbonnaise, il revint à Arras pour s’occuper de ses légions (début d’octobre ?[49]).

Il passa dans les Gaules la fin de la belle saison, tout entier aux soins de cette magnifique armée[50] qui s’y reposait, riche et victorieuse, après dix ans de fatigues, et qu’il préparait à des tâches plus pénibles encore. Elle fut, durant quelques jours, concentrée près du pays des Trévires, il la rassembla une dernière fois sous ses yeux, il la passa en revue[51], et sans doute il distribua les récompenses et en fit espérer de plus belles.

La mauvaise saison était revenue : la Gaule demeurait paisible et docile. A Rome, pendant ce temps, les ennemis de César devenaient les maîtres du sénat. Il espéra un instant les apaiser en acceptant le rappel de deux légions, la Ire, que Pompée lui avait prêtée, la XVe, récemment formée des recrues cisalpines[52]. Il est vrai que c’étaient les moins sûres, et qu’il s’arrangea pour les remplacer aussitôt : car il donna la cité romaine aux meilleurs fantassins de la Gaule Transalpine, et il en forma une nouvelle légion, qu’on appela celle des Alouettes[53], peut-être parce qu’elle prit pour emblème l’oiseau familier des champs celtiques[54]. Et maintenant, avec ses onze légions[55] et ses auxiliaires, tous bons soldats et dévoués pour toujours à son nom, il attendit de nouvelles provocations. Vers la fin de l’automne, il repassa en Italie[56].

Il ne croyait pas cependant que la rupture fût très proche entre le sénat et lui[57] : car il laissa presque toutes ses troupes en Gaule, une moitié en Belgique, l’autre chez les Éduens[58]. Peut-être craignait-il encore quelque mouvement[59] ; peut-être, plutôt, voulait-il mettre ses hommes et leurs officiers à l’abri des agents de ses ennemis. Déjà, Labienus se préparait à le quitter pour ne point marcher contre Rome[60]. César n’envoya donc en Cisalpine qu’une légion, la XIIIe, et il s’établit au milieu d’elle, à Ravenne[61], tout près du Rubicon, qui séparait sa province de l’Italie romaine (fin novembre).

L’instant décisif approchait pour lui. Son gouvernement avait pris fin, la guerre des Gaules était terminée, la réduction en province proclamée, il n’avait plus qu’à licencier son armée. Le jour vint (6 décembre 50 ?) où le sénat lui en intima l’ordre[62]. C’était, pour lui, redevenir simple citoyen, et, après des années de pouvoir souverain, recommencer une vie de candidat. Il est vrai que c’était la loi romaine, celle à laquelle tant d’autres s’étaient soumis, et Pompée lui-même. Mais ce courage et cette vertu manquèrent à César.

Une nuit d’hiver (16-17 décembre ?), il franchit le Rubicon à la tête de la XIIIe légion, et, au delà des Alpes, les autres troupes se mirent en mouvement pour rejoindre leur proconsul[63].

Lorsque les Gaulois virent partir les légions qui les avaient si longtemps maîtrisés, des pensées d’espérance agitèrent les plus obstinés. On raconta que les druides et les bardes ébauchèrent un dernier soulèvement, qu’ils essayèrent de faire parler les dieux, que des victimes humaines furent immolées, préludes de glorieuses résolutions[64]. Mais ce n’étaient cette fois que gestes de prêtres et rêveries de poètes. Aucune tribu ne se leva, aucun chef célèbre n’apparut. César avait, évidemment, pris ses mesures. Les hommes les plus dangereux devaient être avec lui, et je doute que la retraite des vieilles légions ait laissé les nations livrées à elles-mêmes : il les remplaça, je crois, par de nouvelles troupes[65], et d’énergiques officiers gouvernèrent le pays en son nom[66]. Le départ de César n’eut d’autre effet en Gaule que de faire constater la fin des temps de la conquête et les débuts du régime provincial.

 

IV. — MARSEILLE RÉSISTE À CÉSAR[67].

Contre le proconsul révolté, Caton décida le sénat à confier à Pompée les armées du peuple romain[68]. Aux ressources de l’État le vieil imperator réunit les amitiés et les clientèles innombrables qui depuis quarante ans s’étaient groupées autour de son nom dans le monde entier. Et ce patronage universel, qui eût pu devenir le plus grand danger pour la République, servit entre ses mains à en retarder la chute.

César, sur le Rubicon, n’avait que la XIIIe légion. Mais Pompée, dont les forces principales se trouvaient en Espagne et en Orient, n’était pas en état de lui résister. Il se hâta de courir à Brindes afin de s’y embarquer pour la Grèce. Son adversaire essaya de le gagner de vitesse, et à travers toute l’Italie commença une des plus étonnantes chevauchées de César. Mais il arriva trop tard, et Pompée s’échappa, laissant à son rival Rome et l’Italie[69].

César ne pouvait le suivre en Orient avant de s’être débarrassé de l’Espagne, qu’occupaient les légions pompéiennes[70]. Il revint donc de Brindes à Rome[71], de Borne au pied des Alpes[72], pour atteindre ses adversaires par le littoral de Marseille et le col du Pertus (milieu de mars[73]).

En vue de cette guerre d’Espagne, il avait modifié les mouvements de ses troupes de Gaule. Il n’avait fait venir en Italie que deux légions, la VIII. et la XII, qui avaient rejoint la VIIIe auprès de lui[74]. Les autres, il les avait dirigées, non sur les Alpes, mais sur les Pyrénées, et déjà trois d’entre elles, commandées par Fabius, l’attendaient à Narbonne[75]. En quelques jours, par une de ces marches foudroyantes qui lui étaient familières, il pensait rejoindre ses légions et écraser en Espagne les Pompéiens, qui ne l’attendaient pas. Mais un obstacle imprévu l’arrêta : Marseille lui ferma ses portes.

César était à peine arrivé au delà des Alpes, sur la route du littoral (vers Nice ? 18 mars ?[76]), qu’il apprit que les Marseillais lui étaient hostiles. Il convoqua aussitôt près de lui le conseil exécutif de la ville, les Quinze, et essaya de les gagner à sa cause. Ils demandèrent à consulter leurs concitoyens, revinrent chez eux, et rapportèrent ensuite à César la délibération de leur peuple[77]. — En une belle et fière harangue, ils exposèrent au proconsul que Marseille entendait demeurer neutre entre César et Pompée : elle était cité libre, amie du peuple romain, et il ne lui appartenait pas de prendre parti dans cette querelle. Au surplus, les deux rivaux avaient été ses bienfaiteurs : elle ne voulait servir aucun des deux au détriment de l’autre[78]. —

Ce superbe langage, au dire de César, ne fut que pure hypocrisie : Marseille, affirme-t-il, s’était déjà engagée dans la cause sénatoriale[79]. Avant de quitter Rome, Pompée s’était abouché avec quelques jeunes nobles de la ville grecque, qui se trouvaient dans la capitale, et il les avait chargés de pressants messages, qu’ils se hâtèrent d’apporter à leurs concitoyens[80]. Domitius, l’ami de Caton et de Pompée, auquel le sénat avait donné le proconsulat de Gaule au lieu et place de César, cinglait vers Marseille avec une flottille de sept navires[81]. On savait que la cité se préparait à soutenir un siège[82], et il était visible que ce n’était pas pour résister à Domitius[83].

Il est assurément permis de croire que Marseille eût préféré à tout une glorieuse neutralité, et que la harangue des Quinze reflétait la pensée intime du sénat et des citoyens. Je crois pourtant que César a raison, et que dès le début, la cité phocéenne a pris parti contre lui.

Dans cette crise qui déchirait en deux le monde, la neutralité ne lui était pas plus possible qu’elle ne le fut aux autres peuples de la Méditerranée, Hellènes ou Barbares, à. Juba le roi des Numides ou à Ptolémée le roi d’Égypte. Les convulsions qui agitaient le peuple romain, entraînèrent tous les satellites qui vivaient depuis deux siècles dans son orbite. Dès le jour où Marseille s’associa à Rome contre Hannibal, elle fut mêlée à toutes les affaires de son alliée, elle l’aida à entrer en Gaule, à. y rester, à vaincre les Teutons : elle fut à compte à demi dans ses entreprises occidentales. Elle ne pouvait plus se détourner de Rome, et avoir l’air de l’ignorer. Quel que fût le vainqueur, il considérerait cette neutralité comme une trahison.

Elle prit du moins le parti le plus digne, le plus conforme à ses traditions et aux devoirs de l’hellénisme. César était un rebelle contre les lois du peuple romain et les décrets du sénat. .Marseille demeura l’alliée de ceux qui défendaient ces lois, ces décrets et la liberté de Rome. Tout ce qui dans le monde portait un nom grec, suivait la fortune de Pompée et de Caton. Cité aristocratique, la colonie de Phocée ne pouvait que combattre César, ennemi du sénat, dictateur militaire, complice des démagogues.

Il est probable que des motifs moins nobles contribuèrent aussi à la résolution des Marseillais. César, après tout, les écartait de la Gaule, pour y installer les négociants italiens : il voulut ouvrir la route du Grand Saint-Bernard, plus rapide que toutes celles qui passaient par Marseille ou le Rhône ; il était allé en Bretagne et en Germanie, comme Pythéas, il y avait conduit ses amis les chevaliers, grands brasseurs d’affaires, et il y chercha sans doute avec eux les marchés de l’étain et des denrées précieuses. Cet homme prépara, contre le commerce de Marseille, ce que les Phocéens avaient fait jadis contre celui (le Carthage. En le combattant, les Grecs se vengeaient tout en défendant leur liberté. C’était la légitime rancune de l’hellénisme à qui César venait d’enlever les Gaules.

 

V. — LES DÉBUTS DU SIÈGE.

L’hostilité de Marseille était un des plus graves dangers que César pût rencontrer en Occident. S’il persistait dans sa marche vers l’Espagne, les Grecs couperaient derrière lui les routes des Alpes et de l’Italie. Ils avaient avec eux Domitius, gouverneur légitime de la Gaule au nom du sénat, et si les Celtes et les Belges, sans se révolter contre home, voulaient encore se venger de César, ils iraient à leur nouveau proconsul comme à leur chef naturel[84]. Par mer, les Marseillais s’entendaient déjà avec les Pompéiens, qui gardaient les îles et l’Afrique[85]. Grâce à sa situation au centre de la Méditerranée et à la porte de la Gaule, Marseille empêchait la concentration, sous les ordres de César, de toutes ces forces et de toutes ces terres de l’Occident qui, seules, lui permettraient de venir à bout de Pompée et de ses amis, maîtres de la Grèce, de l’Asie et de la mer. L’hésitation ne lui était point permise. Il décida, dès qu’il eut reçu la réponse des Grecs, d’assiéger leur ville jusqu’à complète soumission.

Marseille s’y attendait : elle se trouvait déjà prête pour résister au blocus ou à l’attaque. Elle avait manqué maintes fois, depuis deux siècles, de prudence et de bon sens. Mais elle montra, en cet épisode qui fut le dernier et le plus beau de sa vie d’indépendance, une intelligence et un courage infinis. Elle se prépara à défendre cette vie aussi vaillamment qu’avaient fait Syracuse, Athènes et Corinthe. La cité de l’Occident fut digne à tous les égards de ses sœurs dans la patrie hellénique.

Vivant depuis l’origine au milieu de peuplades barbares, devant à ses murailles le meilleur de sa force et de sa confiance, la crainte d’un siège était sa pensée de tout instant et le fond de sa sagesse. Ni le philhellénisme des Celtes ni la paix romaine imposée à la Provence ne lui avaient fait oublier ses traditions d’inquiétude et de prévoyance.

Dans ses greniers, les vivres s’entassaient en quantité suffisante : avant l’arrivée de César, elle acheta du blé chez les nations voisines, et il lui en arriva par mer de ses alliés d’Espagne[86]. Il y avait même, au fond de ses magasins, des réserves de seigle et de millet, qu’elle y avait accumulées dans les temps de péril gaulois[87].

En fait d’armes et d’engins, rien ne lui manquait, ni flèches, ni balles de frondes, ni blocs de pierre, solives ou matières inflammables[88]. On n’ignorait sans doute à Marseille aucun des progrès que la balistique avait faits depuis les temps d’Alexandre, et il s’y trouvait des ingénieurs et des ouvriers aptes à en tirer parti[89]. Certaines machines étaient d’une force prodigieuse, pouvaient lancer d’énormes poutres capables d’écraser à la fois les charpentes des mantelets et les ennemis qui s’y tenaient à couvert[90].

Les hommes valaient les engins. Domitius, sur ses navires, avait amené quantité de pâtres et de paysans de la Toscane, farouches et braves. Des montagnards ligures de la Provence, tels que les Albiques de Riez, étaient descendus dans la ville pour se battre à la solde de leurs patrons de Marseille, et c’étaient de bons combattants, tireurs d’arc incomparables[91]. Mais, surtout, Marseille comptait sur le cœur et les bras de ses citoyens, les plus aguerris de tous les Grecs.

La ville, enfin, se prêtait merveilleusement à la défense. Sur trois côtés, s’étendait la mer profonde, où les vaisseaux grecs étaient les maîtres. Sur un seul, Marseille touchait à la terre, et là, on ne pouvait aborder la cité que par un seuil rocheux, qui même, devant les murailles, s’abaissait pour former une sorte de grand fossé naturel. Et, de l’autre côté de ce seuil, la ville se dressait sur ses collines ou s’abaissait vers son port, avec ses remparts, hauts et massifs, surmontés de tours robustes, muraille cinq fois séculaire, demeurée vierge de tout assaut. Comme la ville n’était point grande, comme elle était pleine d’armes, d’engins et de guerriers, elle apparaissait telle qu’une bête monstrueuse, repliée sur elle-même et tassée pour une défense formidable.

César, arrivé devant Marseille[92], se résigna aux ennuis d’un siège. Il y réserva trois de ses vieilles légions[93], et les installa sur les hauteurs qui encadrent la ville du côté du chemin d’Aix[94]. Mais elles ne suffisaient pas : on ne prendrait Marseille qu’en lui fermant la mer. Le proconsul donna des ordres pour qu’une flotte fût construite à Arles sur le Rhône, et il la confia à Décimus Brutus[95] : c’était le vainqueur des Vénètes et le plus expérimenté de ses légats au fait de la mer (avril[96]).

La principale redoute de César, ce qu’on pourrait appeler le camp d’attaque, fut bâtie sur la colline des Carmes, face à la ville, de niveau avec elle, et tout près de ses murs[97]. Entre ce camp et le rempart, il n’y avait pas deux cents mètres[98], mais l’espace était formé par une large dépression, profonde de plus de soixante pieds[99] : là, comme à Bourges, il fallait d’abord que César comblât ce bas-fond, le remplaçât par une terrasse qui mettrait son camp de plain-pied avec la cité ; et alors, s’avançant sur ce sol aplani, ses mantelets, ses tortues, ses béliers et ses tours pourraient commencer la véritable attaque des remparts[100].

Mais la construction de ce remblai exigeait une quantité considérable de matériaux, poutres et lattes pour la charpente et les planchers, pierres, terre et branchages pour le nivellement et le remplissage. Afin de trouver ces matériaux, on dut parcourir très loin le pays, abattre tous les bois des environs[101], et même les bosquets sacrés où les Celtoligures adoraient leurs dieux[102]. Mais César ne craignait pas plus les divinités barbares que le Jupiter de Rome, et, dit-on, comme les soldats hésitaient en face des arbres saints, il saisit une hache et porta le premier coup[103].

Il s’impatienta à la longue devant ces travaux minutieux[104]. De mauvaises nouvelles lui arrivèrent d’Espagne. Fabius, son légat, avait réussi à franchir le Pertus en enlevant la garnison qui le défendait[105]. Mais une fois en Catalogne, il eut fort à faire, et les Pompéiens le serrèrent de très près[106] : or, il avait avec lui les meilleurs des soldats de César[107]. Le proconsul alla au principal danger. Il confia les opérations devant Marseille à Trébonius et à Brutus, et il courut en Espagne[108] (vers le 15 mai ?[109]).

Trébonius, qui fut chargé du siège, était un excellent officier, docile, tenace et industrieux[110]. En un mois, la chaussée d’approche avait été terminée, bâtie sur bois et sur pierre, et des tours y furent installées[111]. Les Romains touchaient déjà au pied du rempart.

Mais il semble que ce travail ait été fait trop vite, et que César ou son lieutenant, pressés d’en finir, ne se soient pas rendu compte des moyens de la résistance[112] : c’était la première fois, du reste, qu’eux et leurs légions se trouvaient aux prises avec les murailles et les machines d’une ville grecque. Les Marseillais laissèrent la terrasse s’achever, les mantelets s’approcher du rempart, le bélier même fut mis en place. Mais il suffit d’une décharge rapide de poutres et de rochers pour écraser tout, mantelets et légionnaires[113]. Puis, les Grecs firent une sortie, et réussirent à mettre le feu au boulevard : construit surtout en bois, il s’enflamma vite, et s’écroula[114]. Tout était à refaire[115] (vers le 20 mai ?[116]).

Pendant ce temps, les Marseillais se préparaient à la bataille navale. Dans tous les ports de la Provence, ils firent main basse sur les navires de commerce et les armaient en guerre[117]. Comme équipages de combat, ils embarquèrent des Ligures, des archers, les bergers de Domitius[118]. Il était visible maintenant, pour les deux légats de César, qu’une terrible campagne venait de commencer et pour de longs mois.

Le proconsul, en Catalogne, était à son tour assiégé par les Pompéiens auprès de Lérida[119]. Son armée dut se passer des trois légions retenues devant Marseille, et elle parut insuffisante contre les périls qui la menaçaient (fin mai ?). Et l’on put se demander dans le monde si la ville grecque n’avait pas arrêté la fortune de César et sauvé la liberté de Rome[120].

 

VI. — LA PREMIÈRE VICTOIRE NAVALE DE BRUTUS.

Sur ces entrefaites, Brutus descendit le Rhône et entra dans la mer de Marseille avec la flotte qu’il venait de construire. En route[121], il embarqua l’élite des trois légions, ceux des centurions ou des soldats que César avait désignés pour le service maritime[122] ; puis, il jeta l’ancre le long des îles qui font face à Marseille, et il attendit qu’on vînt lui offrir le combat[123].

Quelques jours après, les vaisseaux marseillais et pompéiens[124] sortirent en rang de batailles[125], sous les ordres du Grec Parménon[126] et du Romain Domitius[127]. Il n’y a, entre les îles et le goulet du port, qu’une demi-lieue de distance. La lutte s’engagea aussitôt, à la première heure du matin[128], par une calme et radieuse journée de printemps[129]. Ni le vent ni la vague ne troublaient les manœuvres des matelots ; aucune brume ne gênait les regards des pilotes et des combattants[130] : l’homme était son maître, et rien ne s’opposait à ce qu’il déployât son habileté et sa vigueur. Encadrée par ses rochers, ses îlots et ses promontoires, dominée par la citadelle et le temple d’Artémis, la mer de Marseille offrait aux combattants ses eaux claires et aplanies[131].

La flotte de Brutus était inférieure par le nombre, le matériel et l’équipage de manœuvre : il n’avait que douze grands vaisseaux[132], faits de poutres à peine dégrossies, lourds, massifs, difficiles à remuer, mal gréés, sans aucun de ces détails d’armement, savants et redoutables[133], où excellait le génie maritime des Grecs[134], et il avait fallu recourir, pour les conduire, à de mauvais rameurs et à des pilotes de rencontre[135]. En face d’eux s’agitaient la multitude des navires ennemis, légers, rapides, évoluant avec une étonnante souplesse, armés d’éperons aigus et pénétrants, dirigés par les plus habiles manœuvriers de la mer occidentale[136] : ce qui faisait ressembler les bâtiments de César, immobiles et massifs, aux corps morts de pontons désarmés. Mais ceux-ci reprendraient vie et avantage dans le combat au contact : Brutus avait sous ses ordres les meilleurs soldats des trois légions[137], et il semble que les Marseillais, désireux de ménager leurs forces nationales, aient surtout embarqué des auxiliaires, frondeurs, archers, Ligures et pâtres italiens[138]. La tactique de l’amiral romain consistera donc à provoquer un abordage, et celle des Grecs à harceler l’ennemi par un combat à distance.

Ceux-ci réussirent d’abord. Brutus avait rangé sa flotte en croissant, le vaisseau amiral au centre, les plus faibles bâtiments autour de lui, les plus forts en saillie sur les ailes, et tous, la proue regardant l’ennemi[139]. Arrivés à portée de trait, les navires grecs se déployèrent, et, au milieu des clameurs qui s’élevaient, s’engagèrent hardiment dans les lignes de l’adversaire[140]. Alertes comme des cavaliers, ils allaient et venaient autour des masses, dardant partout leurs flèches et leurs éperons, s’efforçant de briser les mâts et les rames et de frapper dans les œuvres vives. Au début, Brutus essaya de les éviter ; mais les Phocéens allaient plus vite que ses rameurs, et, à chaque évolution des Romains, ils apercevaient les point faibles et les atteignaient aussitôt[141] : à ce jeu, le légat comprit bientôt que le vertige saisirait ses hommes, et que la partie serait perdue[142].

Il commanda alors de cesser toute manœuvre, de ramasser la flotte en ordre compact, et, loin d’échapper aux Grecs, de leur présenter les navires par le flanc et de les retenir[143]. Le résultat fut qu’emportés par leur course, les vaisseaux phocéens allèrent donner de l’éperon ou de la rame contre les bâtiments romains, et qu’il ne fut pas difficile de les y attacher : les uns demeurèrent cloués par leur éperon même, enfoncé en pleine coque, et les autres, arrivés à portée de la main, furent agrippés par les crocs ou les harpons[144]. Les deux flottes ne tardèrent pas à former une seule masse[145], et désormais, sur ce champ de bataille[146], l’épée et le javelot des légionnaires[147] devaient avoir raison des Ligures et des pâtres de Domitius.

Ceux-ci se battirent jusqu’au bout, dignes de leurs ennemis et de leurs maîtres[148]. Ils étaient du reste admirablement encadrés, et on cita, des officiers et des pilotes grecs, des traits de hardiesse qui rappelèrent Mycale et Salamine. C’est Télon le pilote qui, frappé au cœur, a la force, avant de mourir, de détourner son navire[149] ; c’est un jeune Grec qui, les mains coupées, sauve son frère en lui faisant un rempart de son corps mutilé, puis, à demi mort, trouve assez de souffle pour sauter sur un vaisseau romain et mourir au milieu des ennemis[150] ; c’est un plongeur phocéen qui se jette à la mer avec un adversaire, l’entraîne au fond de l’eau et y engloutit, puis revient à la surface et recommence[151]. Avec de tels hommes, la lutte fut acharnée et presque sauvage. On en vint à se charger à coups de rames et à briser les bancs pour s’en faire des armes[152]. Mais Brutus demeura maître du champ de bataille : quinze vaisseaux sur vingt-quatre furent perdus par les Marseillais, coulés à fond ou pris d’assaut[153] ; les autres purent regagner le port, et les Grecs se répandirent sur le rivage pour reconnaître les cadavres que les vagues ramenaient[154] (vers le 31 mai ?[155]).

 

VII. — LA SECONDE DÉFAITE NAVALE DES MARSEILLAIS.

C’était la première bataille que les hommes de César gagnaient depuis le Rubicon[156]. Dès qu’il l’apprit, il se hâta, en exagérant son triomphe, de le faire connaître à tous[157]. Peu de temps après. il réussit à se dégager des Pompéiens. Le bonheur lui revenait[158] (début de juin).

Mais aucun de ces succès n’était décisif. Ses adversaires d’Espagne lui tenaient tête autour de Lérida[159], la Méditerranée demeurait au sénat[160], et, de Dyrrachium où il campait, Pompée envoya par le détroit de Sicile une nouvelle flotte au secours de Marseille[161].

La ville grecque, après la victoire de Brutus, continuait la résistance avec un sang-froid merveilleux. On eût dit qu’elle se sentait à peine atteinte par la défaite. Trébonius, à pied d’œuvre, reprenait la construction de la terrasse[162]. Pour protéger ses travailleurs, il avait imaginé des galeries de bois, faites de gros madriers, aux flancs et aux toits couverts et cuirassés, et que ni le feu ni les projectiles ne pouvaient entamer, et là-dessous, comme en un souterrain inviolable, les hommes aplanissaient le terrain, apportaient et disposaient les matériaux du boulevard[163]. Mais, si on était à peu près à l’abri des machines, on ne l’était pas des sorties, et elles devinrent alors si fréquentes, que la besogne fut plus d’une fois interrompue[164]. Sur terre, les Romains n’avançaient qu’avec peine.

Sur mer, ils n’avançaient plus. Brutus avait pu augmenter sa flotte de la moitié, grâce à six galères prises à l’ennemi. Mais les Marseillais possédaient de telles ressources dans leurs arsenaux, qu’ils surent en quelques jours créer une nouvelle escadre, aussi nombreuse que la première ; on arma même en guerre des bateaux de pêche, qu’on garnit de machines et de galeries[165]. L’amiral romain n’osa pas bloquer le port, et il se contenta de surveiller la rade[166].

Une barque, expédiée par Nasidius, le légat de Pompée, apprit aux Grecs l’approche de la flotte de secours[167]. On décida d’aller au devant d’elle, malgré Brutus. Les vaisseaux étaient prêts : les barques reçurent des équipages d’archers et d’artilleurs, et, cette fois, la jeunesse grecque s’embarqua presque entière, et avec elle les premiers des citoyens, l’élite de tous les âges[168]. Le salut de la ville était confié à ses vaisseaux : c’était la suprême bataille que les Marseillais livreraient sur cette mer pleine de leurs victoires. Au moment de lever l’ancre, ils dirent adieu à ceux qui leur étaient chers, et les larmes se mêlaient aux paroles de courage[169]. Puis, à travers le goulet du port, la flotte de Marseille gagna la haute mer[170] et disparut à l’horizon. Ceux qui restaient allèrent dans les temples et y demeurèrent au pied des autels, suppliant les dieux de la patrie ; les soldats mêmes qui veillaient sur les remparts ne cessèrent de prier, les mains levées vers le ciel. Et les Romains qui, de leur camp, plongeaient leurs regards dans les rues de la ville[171], admirèrent cette cité prosternée toute entière devant ses dieux, pendant que ses fils combattaient pour elle[172].

Brutus laissa passer l’ennemi et ne put l’empêcher de rejoindre les Pompéiens à Tauroentum[173] (Sanary ?[174]). La flotte combinée comprenait trente-quatre grands vaisseaux[175] : elle offrit la bataille aux Romains dès qu’ils se présentèrent[176].

Le combat ressembla au précédent. Les navires grecs tournoyaient autour de ceux des Romains, leurs barques se glissaient le long des carènes, et partout les projectiles et les traits criblaient les ponts des vaisseaux de Brutus[177]. Comme il avait laissé trop d’espace entre ses bâtiments, ils faillirent être tous enveloppés[178], et, un instant même, le vaisseau amiral risqua d’être pris entre deux galères. Mais il put s’échapper, et les deux galères, portées par leur élan, se heurtèrent l’une contre l’autre, et devinrent la proie des vagues et de l’ennemi[179].

Cet incident parait avoir décidé du combat. Les Pompéiens de Nasidius désespérèrent alors de vaincre, et ne songèrent plus qu’à mettre leurs vaisseaux en sûreté[180]. Abandonnés à eux-mêmes, les Marseillais ne se lassèrent pas de combattre, et ils allèrent à la mort comme à leur dernier devoir[181].

De leurs dix-sept vaisseaux, cinq coulèrent à fond, quatre furent pris, un autre fut enveloppé dans la fuite des Pompéiens et gagna l’Espagne avec eux. Le reste s’échappa vers Marseille. Quand le premier navire parut en vue de la cité, et qu’il annonça la défaite, les habitants comprirent que la patrie était perdue, et un long gémissement s’éleva (fin juin ?)[182].

C’était, presque partout, l’heure de la défaite pour les ennemis de César. Il venait de vaincre devant Lérida les légions pompéiennes (2 juillet)[183] ; l’Espagne entière, du Pertus à Cadix, se donnait à lui[184]. De la Gaule toujours obéissante, il recevait de nombreux auxiliaires, archers, fantassins, cavaliers, chefs et plébéiens, et de grandes troupes de Celtes partaient pour le rejoindre[185]. Tout l’Occident, latin et barbare, le reconnaissait comme son chef, et Rome s’apprêtait à sanctionner sa victoire en lui donnant le titre de dictateur.

Marseille, pourtant, ne pensa pas à se rendre. Elle mit son honneur à combattre jusqu’à l’épuisement de ses dernières ressources[186]. Peut-être espérait-elle tenir jusqu’à une victoire de Pompée ; mais peut-être ne fit-elle qu’obéir aux sentiments qui étaient, dans une cité grecque, la noble parure de l’esprit municipal : l’amour pour la gloire et la liberté, le culte de la patrie, le désir de bien mourir devant ses dieux et sur ses remparts, l’orgueil de la grandeur morale et de la vertu civique[187]. Ce fut pour la fille de Phocée le plus beau moment de son histoire, que celui où, deux fois vaincue, isolée dans tout l’Occident, sans espoir de secours, elle persista à braver le dictateur de Rome : alors, le siège ne fut plus un épisode de la lutte entre César et Pompée, il devint le dernier effort de l’hellénisme pour échapper à l’empire du peuple romain.

 

VIII. — LES OPÉRATIONS DU CÔTÉ DE LA TERRE.

Les Marseillais avaient confié à leur compatriote Apollonidès la défense de leurs murailles et de leur ville : il se montra l’égal des Grecs illustres qui avaient jadis arrêté la fortune de Rome et de ses proconsuls devant Athènes et Syracuse. Contre Trébonius, ses légions et sa chaussée d’approche, il fit des prodiges de science, de ruse et de courage[188].

Le général romain avait maintenant tous ses hommes, depuis qu’il n’était plus obligé de fournir à la flotte des équipages de combat ; et les Grecs ne lui opposaient plus qu’un nombre restreint de défenseurs. Aussi put-il diriger plusieurs travaux à la fois. Pendant que, sur le col qui menait à la ville (place Centrale), la grande chaussée se terminait à la fin[189], qu’elle se couronnait de ses mantelets et de ses deux tours[190], une autre entreprise fut tentée à droite, dans le vallon qui descendait vers la mer (la Joliette)[191]. Là, à soixante pieds seulement du rempart[192], on éleva, en murs de briques blindés de nattes, une grande redoute haute de six étages, dont chacun était percé de meurtrières, garni de machines et pourvu de combattants[193]. Puis, sous la protection de cette tour, on construisit une galerie mobile en bois, mais bardée de tuiles, de draps et de cuirs[194], on posa la galerie sur des rouleaux, on enferma dans ses flancs une escouade de sapeurs avec des leviers et des crocs, et on roula cette masse pleine d’hommes, pareille au cheval de Troie, jusqu’au pied d’une tour ennemie[195].

A l’abri de cette carapace, les sapeurs attaquèrent le rempart[196] : cette fois, on touchait enfin aux œuvres vives de la défense. Contre cet ennemi caché qui travaillait à leurs pieds, les Grecs de la muraille firent tomber les plus lourds quartiers de roche, des tonneaux de poix et de goudron. Mais rien n’entamait la galerie, tout glissait et retombait à terre[197]. Et, du haut de leur tour à six étages, les légionnaires ne cessaient de diriger contre le sommet du rempart des volées de pierres et de javelots[198]. Grecs et Romains se mitraillaient à vingt mètres de distance, tandis qu’en bas, sous la galerie, les sapeurs continuaient leur besogne invisible, arrachant les pierres une à une[199].

Enfin, tout à coup, le rempart de Marseille branla, et une partie de la tour commença à crouler. La brèche allait apparaître, et le signal de l’assaut serait donné[200].

Les Grecs, s’étant concertés, ouvrirent les portes de leur ville, et sortirent sans armes, en suppliants. Le combat s’arrêta, et les pourparlers commencèrent. Les Marseillais demandèrent une trêve jusqu’au retour de César[201] : celui-ci avait laissé l’ordre de ne point arriver à l’assaut[202], par crainte de pillages et de tueries sans fin, qui eussent déshonoré sa cause. Trébonius, sans accorder l’armistice, cessa les hostilités, à la colère du soldat[203].

Au dire de César, les Marseillais n’étaient point sincères, et ils ne parlaient de trêve que pour tromper Trébonius et le surprendre[204]. Je n’affirme pas qu’ils en fussent incapables. Mais il se peut également, comme un accord formel n’était point intervenu, qu’ils se soient crus libres d’agir et de guetter une revanche. Un jour de grand vent[205], les soldats romains se relâchant dans la garde, les Grecs sortirent en masse, armés surtout de torches, et, en un clin d’œil, tous les travaux des Romains furent embrasés, la redoute de briques, la galerie, les mantelets, et jusqu’à la chaussée elle-même[206]. Trébonius parvint à repousser l’ennemi[207] : mais la tempête soufflait, et, en quelques heures, l’œuvre de plusieurs semaines fut anéantie. Il ne restait debout qu’une partie de la terrasse et une des deux tours qu’elle soutenait[208].

Mais ce succès ne pouvait être que le dernier acte de la défense. Une nouvelle sortie, le lendemain, échoua[209]. Et Trébonius recommença la chaussée[210] une troisième fois.

Comme il ne restait plus d’arbres à abattre, il recourut à la brique : dès ce temps-là, les forêts devaient être rares aux abords de Marseille, et l’argile à tuile y abondait[211]. Les deux flancs de son boulevard, Trébonius les fit en murs de briques, épais de six pieds ; entre eux, il disposa des piliers de soutènement ; par-dessus, il étala un plancher solide, couvert de clayons enduits de mortier. Sous ce plancher, dans l’intérieur même du boulevard, entre les piliers, entre les murs latéraux percés de portes, les cohortes pouvaient aller et venir, sortant dans la plaine pour combattre, transportant des matériaux ou préparant des mines, et c’était comme une forteresse couverte qui se prolongeait aux pieds du rempart ennemi[212] Jamais, dit César, on n’avait vu chose pareille[213].

Le siège, évidemment, touchait à sa fin. Contre la nouvelle bâtisse, le feu et la pierre étaient impuissants. La terrasse romaine et le rempart grec s’enchevêtraient presque dans un extraordinaire corps à corps de murailles[214]. A si peu de distance, les machines de la ville ne servaient plus de rien[215]. Sur terre, une ligne continue de fossés, de remblais et de palissades enfermait la ville[216] ; sur mer, Brutus faisait bonne garde à l’entrée du port[217]. Marseille fut complètement isolée du reste du monde. Les vivres frais s’étaient épuisés. Il avait fallu entamer les réserves de millet et d’orge. A cette mauvaise nourriture, la peste se mit parmi les assiégés. Ils n’étaient plus qu’une poignée d’hommes[218]. Et César, en ce moment, revenait contre eux (septembre). Les Marseillais se résignèrent enfin à se rendre[219]. Le siège durait depuis six mois[220], et la prise de la cité grecque avait coûté plus de temps que la conquête de toute l’Espagne.

 

IX. — MARSEILLE SE REND À CÉSAR.

César, vainqueur à Lérida, avait poursuivi jusqu’au bout du monde sa marche triomphale. Il entra en maître dans Cadix[221], l’antique métropole des mers occidentales. De là, reprenant à Tarragone la route d’Hercule, il remonta vers les Pyrénées pour recevoir la soumission de Marseille[222]. Toutes les glorieuses cités de l’Europe devaient s’ouvrir à son approche.

Au sommet du Pertus, il revit les trophées de Pompée, auquel il venait d’arracher l’Espagne et la Gaule. A côté du monument de son rival, il construisit un grand autel en pierre[223], comme pour faire oublier les actions de l’ancien proconsul par la splendeur de sa propre fortune. Puis il descendit sur Narbonne[224], et rejoignit devant Marseille ses deux légats victorieux. C’était l’époque où la ville faisait sa soumission (fin septembre)[225].

A la même date, dans son camp devant la ville, il apprit sa nomination comme dictateur[226]. Il ne voulut pas inaugurer par un acte de vengeance son pouvoir souverain : le maître désigné de l’Empire romain ne pouvait pas infliger à Marseille le châtiment d’Orléans ou d’Avaricum. Livrer à la colère des soldats une ville hellénique, t’eût été s’aliéner à jamais ces cités et ces royautés grecques d’Orient que César s’apprêtait à disputer à Pompée. Il se devait à lui-même de respecter la ville ancienne et fameuse[227] qui, dès son origine, s’était montrée l’alliée constante de Rome, qui l’avait aidée à vaincre Hannibal et les Gaulois, à conquérir la mer et l’Occident[228]. Le dictateur lui épargna donc le sort fatal des places fortes que le bélier avait touchées et qui portaient une brèche à leur muraille[229], et il préserva les choses et les hommes des horreurs du pillage et de la honte de la servitude[230]. Marseille fut conservée comme cité, et peut-être lui fit-il entrevoir qu’il lui laisserait le titre de cité libre[231].

Mais tout ce qui avait fait sa force de cité et l’ornement de sa liberté, César le lui enleva. Les Marseillais durent livrer leurs armes, leurs machines, leur trésor et leurs vaisseaux[232]. Je crois que ses remparts furent démolis[233]. De ses domaines en Gaule, elle ne conserva que son territoire primitif, sa colonie de Nice et les îles d’Hyères[234]. Elle perdit, semble-t-il, le droit de frapper de la monnaie d’argent[235], et de sérieuses restrictions furent apportées à ses entreprises maritimes et commerciales[236]. Narbonne, maintenant, peut grandir sans crainte de concurrence.

Ce qui dut paraître le plus douloureux à Marseille, c’est que César y mit une très forte garnison[237] : peut-être redoutait-il quelque retour offensif de Domitius, qui avait réussi à s’échapper[238], et du parti pompéien, qui tenait encore la mer et l’Afrique[239]. Deux légions restèrent dans la cité grecque, rappelant à ses habitants leur défaite et le joug éternel du peuple romain.

César partit ensuite pour Rome, en suivant la route du littoral. Il avait avec lui ses légions victorieuses. Des milliers de Barbares l’accompagnaient en amis et en auxiliaires : Espagnols, Ligures, Aquitains, Belges, Celtes et Germains eux-mêmes le suivaient sans regret à la conquête des riches terres du Midi et de l’Orient[240]. Entre les Pyrénées et le Rhin, depuis deux ans, aucune nation n’avait bougé. La Gaule obéissait toute au nouveau chef du peuple romain. Marseille la Grecque était abaissée pour toujours. — Ces deux puissances s’étaient fondées presque à la même date, il y avait un demi-millénaire ; elles avaient grandi et prospéré ensemble : le même homme venait de les dompter. Elles ne sont plus toutes deux que des parties d’un grand empire, qui les emporte dans ses destinées.

 

 

 



[1] 400 : Appien, Civ., II, 73, 305 ; 150, 627.

[2] Plutarque, César, 15 ; de même, Pompée, 67.

[3] Cuinque ducum titulis oppicla capta leget, Ovide, Tristes, IV, 2, 11.

[4] Chiffre d’Appien (Civ., II, 150, 627).

[5] Namur, Bourges, Gergovie, Alésia, puy d’Issolu.

[6] VII, 28, 4 et 5.

[7] II, 28, 2.

[8] I, 26, 5 (César dit 130.000).

[9] VIII, 29, 4.

[10] III, 16, 4 ; VI, 44, 2 ; VIII, 38, 5 ; VI, 31, 5 ; VIII, 44, 2 ; VI, 34, 8 ; VII, 78, 4-5 ; VIII, 41, 6.

[11] VII, 89, 5 : chaque soldat reçut un captif (et les sous-officiers et officiers sans doute davantage), et César avait au moins 40.000 hommes.

[12] II, 33, 6.

[13] III, 16, 4.

[14] Captivorum millia dono offerens, Suétone, César, 28, 1.

[15] Urbes diruit sæpius ob prædam quam ob delictum, Suétone, César, 54, 2.

[16] Suétone, César, 54, 2 ; Dion, XL, 43, 3.

[17] César le dit lui-même, VI, 17, 4-5.

[18] Suétone, César, 54, 2 (il en vint à faire vendre par tout l’Empire les lingots d’or aux trois quarts de leur valeur) ; id., 27 et 28 ; Dion, XL, 60. En 50, lorsqu’il renvoie deux légions à Pompée, chaque soldat reçoit 250 drachmes (Plutarque, César, 29 ; Pompée, 56 ; Appien, Civ., II, 29, 115), soit plus de 2 millions et demi pour tous. La même année, il achète le tribun Curion en lui payant ses dettes, plusieurs millions de sesterces (60, Valère Maxime, IX, 1, 6 ; Velleius, II, 48, 4 ; Plutarque, César, 29 ; Appien, II, 26, 101). Plutarque parle (id.) de 1500 talents donnés au consul de 50, L. Æmilius Paulus, pour la construction de sa basilique. Sur les générosités de celte année, Drumann, III, 2e éd., p. 345.

[19] Cf. Orose, VI, 12, 1 et s. : Exhaustis Gallis, etc.

[20] Hirtius, VIII, 3, 4-5 ; 38, 2 ; 44, 1 ; 49.

[21] Cf. Hirtius, VIII, 49. — Il y eut des récompenses particulières données à des chefs (principes maximis præmiis, 49, 3), soit distribution de terres et d’or, tours de faveur dans les dignités (cf. De b. c., III, 59, 2), soit droit de cité.

[22] La date est donnée par Salluste, Hist., fr., I, 11, Maurenbrecher (cf. Ammien, XV, 12, 5) : Res Romana plurimum imperio valuit Servio Sulpicio et Marco Marcello consulibus [51], omni Gallia eis Rhenum atque inter mare nostrum et Oceanum nisi qua paludibus invia fuit perdomita. On peut supposer (cf. Dion, XL, 43, 3 ; Hirtius, 49, 3) que l’organisation se fit dans les premiers mois, avant la fin probable de ses pouvoirs en mars 50. — Il est possible que ces limites aient été indiquées par César (cf. Suétone, César, 25, 1 ; Eutrope, VI, 17 [14] : tous deux ont une source commune). — On ne trouve aucune trace, à ce moment, de commission sénatoriale.

[23] Cf. n. 22 : les Morins des marécages et les Ménapes ont dû recouvrer l’indépendance en 52, et la garder.

[24] Hirtius, 49, 3 : Honorifice civitates appellando ; Suétone, César, 25, 1 : Præter socias ac bene meritas civitates. Il n’y a pas de doute qu’il ne s’agisse des Rèmes, des Éduens, et aussi, je crois, des Lingons (Pline, IV, 106 et 107). — Nous reviendrons là-dessus t. IV.

[25] Cf. Hirtius, 51, 5 : Ædui, quorum auctoritas summa esset.

[26] Cela résulte, évidemment, de l’histoire administrative de la Gaule sous Auguste. Cf. t. IV.

[27] La seule modification fut sans doute la suppression du nom des Éburons, peut-être aussi de celui des Aduatiques, que nous ne retrouverons plus après 51 ; César voulut ut... stirps ac nomen civitatis tollatur (VI, 34, 8 ; cf. VIII, 24, 4). Mais le pays demeura toujours à des Belgo-Germains (comparez Tacite, Germanie, 2, à César, II, 4, 10).

[28] Cf. Tacite, Hist., IV, 74 ; Strabon, IV, 1, 5. Il est bien probable, à voir le soin avec lequel César s’est toujours fait livrer les armes en cas de reddition (II, 32, 4 ; VII, 11, 2 ; 12, 4 ; 89, 3), qu’il y eut, non pas un désarmement général, en tout cas l’interdiction de garder des dépôts d’armes et d’en fabriquer, du moins dans les cités qu’il avait dû combattre ; cf. Strabon, IV, 1, 2 ; Reinach, Cultes, III, p. 182 et suiv.

[29] Suétone, César, 26, 1 : Eique CCCC in singulos annos stipendii nomine imposuit : je prends le chiffre du ms. du Vatican 1904 ; il a été effacé dans le ms. de Paris lat. 6115, mais la place laissée libre parait celle de quatre lettres, et il m’a semblé apercevoir les traces des trois barres d’encadrement ; les autres mss. omettent le chiffre. Celui de 400.000 (sestertium) est confirmé par Eutrope, qui se sert de la même source que Suétone : Galliæ autem tributi nomine annuum imperavit sestertium quadringenties (VI, 17 [14]). Cf. φόρων έπιτάξεσι, Dion, XL, 43, 3.

[30] Ce qui explique nulla onera injungendo, 49, 3 (à remarquer que les mss. β ajoutent nova à onera) : il serait du reste possible que la levée du tribut ait été différée de quelques années.

[31] Cf., il est vrai avant 50, VIII, 11, 2 ; 12, 3-6 (Rèmes et Lingons).

[32] Note 33.

[33] Appien, Civ., II, 49, 201 ; César, De b. c., I, 39, 2 ; 51, 1-2.

[34] De b. c., I, 39, 2 : Optimi generis hominum ex Aquitanis montanisque, qui Galliam Provinciam attingunt (il s’agit ici des habitants des Alpes ou des Ligures).

[35] De b. c., I, 51, 1.

[36] Dion, XLI, 55, 2 ; Appien, Civ., II, 49, 201 ; 70, 291 ; ici, notes 33-35.

[37] Appien, Civ., II, 49, 201 (en 49).

[38] Il semble bien en effet qu’on leur donnât une solde (De b. c., III, 59, 3).

[39] Cf. De b. G., V, 5, 4. Remarquez que César a nominativement désigné et convoqué les chefs et les nobles, nominatim ex omnibus civitatibus nobilissimo quoque evocato (De b. c., I, 39, 2).

[40] A partir de 49, la source principale est les Commentarii de bello civili de César, écrits en 45-44 ? (cf. Nipperdey, p. 4 et suiv.) : édit. critiques de Nipperdey, 1847, Dinter, 1888, Holder, 1898, et, comme édition commentée, Kraner et Hofmann, 1906, 11° éd., par Meusel, excellente. Ce sont les Commentaires de la guerre civile auxquels, plus qu’à ceux de la guerre des Gaules, s’applique la fameuse attaque de Pollion ; on en verra les lacunes et les inexactitudes plus ou moins voulues. — Plus que pour la guerre des Gaules, les autres sources permettent d’utiles rectifications et de nombreuses additions. — Ce sont Suétone, Plutarque, et Appien, qui suivent, comme à l’ordinaire, la même source (Asinius Pollion ?). — C’est, beaucoup plus, Dion Cassius ; cf. Grohs, Der Wert... des Cassius, thèse de Leipzig, Züllichau, 1884, p. 36 et suiv., et autres. — Et c’est surtout Lucain, inspiré, comme Dion, de Tite-Live, et la précision historique du poète, en ce qui concerne le siège de Marseille, est fort remarquable ; cf. Singels, De Lucani fontibus, Leyde, 1884, p. 68 et suiv. ; Ziehen, Lucan als Historiker, Berichte des Fr. D. Hochstiftes de Francfort, 1890, p. 60 et suiv. ; Revue des Ét. anc., I, 1899, p. 301 et suiv., II, 1900, p. 329 et suiv. — Ajoutez, pour ce siège, les scholies de Lucain, qui viennent également, j’en suis convaincu, de Tite-Live. — Je ne crois pas qu’il faille négliger Li Hystore de Julius Cesar, de Jehan de Tuim, XIIIe s. (éd. Settegast, Halle, 1881), qui est, non un roman, mais un livre d’histoire, fait surtout à l’aide de Lucain, mais aussi de documents disparus, peut-être surtout de scholies au poète.

[41] À Arras, sans doute pour contenir Comm et aussi à cause de la richesse en grains de tout le pays (cf. VIII, 46, 4 et 7). — Nemetocenna et le Nemetacum de Ptolémée (II, 9, 4) sont identiques : ce ne peut être qu’Arras, et ce me paraît une tentative oiseuse que de chercher Nemetocenna par exemple à Nampcel dans l’Oise (Lebeuf, Diss. ...du Soissonnois, 1735, p. 36 ; Peigné-Delacourt, Campagne de César contre les Bellovaques, p. 7, et Ét. nouv., p. 37 et suiv.).

[42] Deux chez les Turons à la frontière des Carnutes (vers Amboise ?), deux chez les Lémoviques à la frontière arverne (à Ussel ? plutôt qu’à Ahun ou qu’à Aubusson, proposé par Thuot, Aubusson considéré, etc., Limoges, 1873, ou qu’à Tintiniac, proposé par Combet, Hist. d’Userche, Tulle, 1853, p. 5), deux chez les Éduens ; Hirtius, 46, 4. Une onzième, la XVe sans doute, à Ravenne.

[43] 46, 3 et 5-6.

[44] 46, 6 : c’est alors qu’il apprit la soumission de Comm.

[45] Cela résulte de la chronologie d’Hirtius (47, 1 ; 48, 10 et 11 ; 49, 1). Le 1er janvier 50 correspond (système Le Verrier) au XIV kal. febr. 704.

[46] VIII, 50, 1. Le mot hibernis peractis ne peut signifier qu’après la fin des hivernages (cf., dans divers sens, Nissen, Hist. Zeitschrift, XLVI, p. 67, n. 4, Grœbe ap. Drumann, III, p. 249). Mais il est probable que ce fut longtemps après la fin des hivernages, car César apprit vers les Alpes la nomination d’Antoine comme augure (50, 3), qui parait devoir être placée à la fin d’août (cal. rectifié ; fin sept. du calendrier officiel ; cf. O. E. Schmidt, Der Briefwechsel des... Cicero, 1893, p. 88-9). Il semble que Cicéron fasse allusion à l’arrivée de César à Plaisance au début de septembre (je date suivant le système Le Verrier ; Ad Att., VI, 9, 5 ; VII, 1, 1).

[47] VIII, 50, 1.

[48] VIII, 51.

[49] Sans doute après l’élection des consuls de 49 (50, 4).

[50] VIII, 52, 2.

[51] 52, 1. Il est possible que ce soit à Mouzon.

[52] Hirtius, 54, 1-3 ; Plutarque, César, 29 ; Pompée, 57 ; Appien, Civ., II, 29, 113. Je doute que ce renvoi des deux légions soit antérieur à l’automne.

[53] Unam etiam ex Transalpinis conscriptam, vocabulo quoque Gallico, Alauda enim appellabatur, quam disciplina eultugue Romano institutam et ornatam postea universam civitate donavit. Il s’agit sans doute des cohortes levées en 52 en Narbonnaise ; son vrai nom fut V Alaudæ. Cf. Grœbe, p. 708.

[54] Le mot est certainement gaulois ; l’alouette se disait en latin galerita (Pline, XI, 121 ; Marcellus Empiricus, 28, 50). On ne croit pas d’ordinaire que les légionnaires de la Ve aient porté sur leur bouclier la figure de l’alouette, l’emblème constant des légions étant le foudre. Mais il est possible que le panache de leur casque ait imité l’aigrette de l’alouette, ce qui était conforme à un usage celtique.

[55] Florus, II, 13 [IV, 2], 5 ; Cicéron, Ad Att., VII, 7, 6 ; Dion, XL, 65, 4. Les VIe, XIVe, les Alouettes (n. 53), et une nouvelle XVe ou une XVIe. Cf. von Domaszewski, Neue Heidelberger Jahrbücher, IV, 1894, p. 161 et suiv. ; Grœbe ap. Drumann, III, p. 709 et suiv.

[56] VIII, 54, 5.

[57] Cf. VIII, 52, 4-5 ; 53.

[58] Quatre légions avec Trébonius sans doute à Arras, quatre avec Fabius sans doute à Bibracte ; 54, 4. Je ne sais on sont les deux autres (n. 55).

[59] VIII, 54, 5.

[60] VIII, 52, 2-3.

[61] 54, 3 ; 54, 5 ; Suétone, César, 30, 1. — Pétrone (122, vers 144 et suiv.) fait franchir à César les Alpes Grées, le Petit Saint-Bernard. Il vint à Mongiu, dit Jehan de Tuim, p. 8 : mons Jovis, le Grand Saint-Bernard ?

[62] Dion, XLI, 1 et 2 ; De b. c., I, 1 et 2 ; etc. — Il s’agit des calendes de janvier du calendrier officiel : toutes nos dates sont ramenées au calendrier actuel d’après le système de Le Verrier. L’autre système les recule de 23 jours.

[63] Plutarque, César, 32 ; Appien, Civ., II, 34 et 35 ; etc. Je suppose les 11-12 janvier du calendrier officiel. — On a proposé d’autres dates. — Sur la chronologie de ces évènements, entre autres : O. E. Schmidt, Rh. Mus., n. s., XLVII, 1892, p. 241 et suiv. ; le même, Briefwechsel.

[64] Lucain, I, 447 et suiv.

[65] Peut-être y envoya-t-il d’abord en garnison les deux nouvelles légions, et, d’autre part, il y laissa les autres le plus longtemps possible.

[66] Brutus, Trébonius, Fabius.

[67] Bibliographie : von Gœler, II, p. 26 et suiv. ; Stoffel, Histoire de Jules César, Guerre Civile, I, 1887 ; Frœhner, Revue archéologique, 1891, II, p. 321 et suiv. ; Meusel, éd. du De bello civiti, notes et p. 301-3. Voyez aussi, en particulier sur les travaux de siège, les discussions de de Folard, Lo-Looz, Guischardt.

[68] Plutarque, Pompée, 61 ; Caton, 52. Sur la nature des pouvoirs de Pompée et la date à laquelle il les reçut, en dernier lieu, Grœbe ap. Drumann, III, p. 727 et suiv.

[69] De b. c., I, 14 et suiv. ; etc.

[70] De b. c., I, 29, 3.

[71] De b. c., I, 32 et suiv.

[72] De b. c., I, 33, 4.

[73] Il parait être parti de Rome vers le 9 mars (calendrier rectifié suivant le système Le Verrier ; a. d. VII id. [april.], Cicéron, Ad Att., X, 3, A), sans doute le 8, et avoir, avant d’arriver à Marseille, ex itinere, écrit à Cicéron le 18 mars (XV kal. maias, Ad Att., X, 8, 13) : cette lettre de César, en tout cas, est antérieure aux évènements de Marseille.

[74] Fabius campait chez les Éduens et Trébonius en Belgique, chacun avec 4 légions : César dut enlever à Fabius la XIIe, qui le rejoignit la première (I, 15, 2), à Trébonius la Ville, qui le rejoignit plus tard (I, 17, 8). Ils restèrent chacun avec 3 légions.

[75] De b. c., I, 37, 1.

[76] C’est peut-être alors qu’il écrivit à Cicéron. Il a dû être obligé de s’arrêter ou de marcher plus lentement, à cause de la révolte des Ligures de Vintimille, contre lesquels il envoya (en février ?) Célius avec quelques cohortes, sans doute pour lui ouvrir le passage (Cicéron, Ad fam., VIII, 15). Il rejoignit en effet Célius vers le 18 mars (id., 16).

[77] De b. c., I, 35, 1-3 ; Dion, XLI, 10, 1 ; Lucain, III, 301-3.

[78] De b. c., I, 35, 3-5 ; Dion, XLI, 19. 2 ; Lucain, III, 303-355. Il semble bien que suivant une tradition, sans doute pompéienne, Marseille ait offert alors son arbitrage entre César et Pompée (Lucain, III, 333-5, 368-9 ; Velleius, II, 50, 3 ; Dion, XLI, 19, 2), et cela n’est pas impossible. Cf. Revue des Études anciennes, I, 1899, p. 301 et suiv.

[79] De b. c., I, 34.

[80] De b. c., I, 34, 3.

[81] De b. c., I, 34, 2.

[82] De b. c., I, 34, 4-5.

[83] Domitius entra à Marseille pendant le cours des négociations (De b. c., I, 36, 1 ; Jehan de Tuim, p. 48), et c’est ce fait, factum Massiliensium luculentum, dont je crois que parle Cicéron dans une lettre écrite le 6 avril (date rectifiée ; Ad Att., X, 12, 6 ; cf. Schmidt, p. 178) : il peut se placer par conséquent entre le 20 et le 25 mars.

[84] D’autre part, si le sénat l’avait choisi, c’est parce que, petit-fils du créateur de la province de Narbonne, il avait, comme tous les Domitii, conservé des liens très étroits avec cette province, et c’est ce qui explique pourquoi, en 48, les chefs du contingent allobroge quittèrent César pour Pompée et Domitius (De b. c., III, 59-60, cf. 79).

[85] César, I, 30 et 34.

[86] De b. c., II, 18, 1 ; I, 36, 3.

[87] César, II, 22, 1.

[88] César, II, 4, 2 ; 14, 3 ; Lucain, III, 464 et suiv.

[89] Supposé d’après les évènements qui suivent.

[90] II, 2, 1 et 2.

[91] Albici : I, 34, 4 ; 56, 2 ; 57, 3 ; 58, 4 ; II, 2, 6 ; 6, 3.

[92] Quelques jours au plus après son passage vers Nice, soit vers le 25 mars. Les négociations ont dû se produire en route, peut-être à Nice (cf. Lucain, III, 371-3).

[93] Comme César dit adducit (I, 36, 4), on peut conjecturer qu’il amena les trois légions qui l’avaient rejoint en Italie, VIIIe, XIIe, XIIIe ; de même, von Domaszewski, p. 166 et suiv. Mais, d’autre part, on voit combattre devant Marseille un soldat de la Xe (Valère Maxime, III, 2, 22), ce qui a fait supposer (von Gœler, II, p. 28-29 ; éd. Meusel, 1906 ; etc.) qu’il s’agit de trois légions amenée par Trébonius des camps de Belgique, et que les trois légions venues d’Italie continuèrent sur l’Espagne. Je demeure incertain.

[94] Cf. n. 97.

[95] De b. c., I, 36, 4 et 5 ; 56, 3. Jehan de Tuim parle aussi de vaisseaux préparés pour aller en Espagne et laissés à Brutus (p. 52) ; ce n’est pas impossible.

[96] Je ne peux placer avant le 1er avril l’arrivée des trois légions, que ce fussent celles de Brindes ou celles de Belgique (n. 93).

[97] Qu’il y ait eu un camp d’attaque très près de la ville (haud procul a maris, Lucain), et par suite sur la colline des Carmes, c’est ce qui résulte, en outre de l’ensemble des opérations, de Lucain (III, 375-378) et de César lui-même. Mais la colline des Carmes n’ayant qu’un hectare environ (parvum campum, dit Lucain), elle ne devait abriter que les troupes occupées à l’attaque ou aux travaux, et le reste devait être campé ailleurs, sur la colline de Saint-Lazare : Entour celui mont fist il se gent logier, Jehan de Tuim, p. 49. — C’est à Saint-Lazare, au Lazaret ou à Saint-Charles que presque tous les érudits font camper César, car ils englobent les Carmes dans l’enceinte grecque.

[98] Si l’on arrête les remparts à l’ancien carrefour de la Grande-Horloge (voir le plan de Demarest, 1808), là où sont aujourd’hui les escaliers ouest de la place Centrale (place Sadi Carnot), il faut compter au plus 150 mètres, 450 pieds, de ces escaliers à la plate-forme des Carmes.

[99] Il est impossible d’évaluer la profondeur maxima de la dépression entre les Carmes et la vieille ville, dépression qui a servi au passage de la rue de la République, et qui a été alors agrandie et remaniée pour former la place Centrale : César indique une hauteur de 80 pieds, 24 mètres, pour son agger (II, 1, 4), et cela peut être en effet la profondeur au point le plus bas de la dépression. Peut-être cependant faut-il accepter pour cet agger la hauteur donnée par le scholiaste de Lucain. 60 pieds, 18 mètres, ce qui me paraît mieux correspondre à la différence primitive entre le sol naturel des Carmes et celui de la place. Quoi qu’il en soit, même malgré les travaux de l’édilité moderne, ce bas-fond de la place Centrale, entre la colline des Carmes et celle de la vieille ville, montre clairement encore aujourd’hui la tache de comblement qui s’imposait à César, aggere diversos vasto committere colles (Lucain, III, 382).

[100] Lucain, III, 381-2, 398, 455-6.

[101] De b. c., II, 1, 4 (réquisitions d’hommes et de bêtes dans toute la Province) ; Lucain, III, 394-5, 450-2.

[102] Lucain, III, 399 et suiv. — Je crois que Lucain fait allusion à un fait réel, et à une forêt qui a réellement existé. S’il faut accepter les indications qu’il donne sur les essences d’arbres de la forêt, chênes, cyprès, yeuses, ifs, aunes et ornes (pas de pins), j’hésiterai à chercher la forêt sur les hauteurs, et je la placerai plutôt dans le vallon de Saint-Pons, où il y a précisément, outre des bois célèbres, une source qui tombe en cascade (nigris fontibus unda cadit, III, 411-2). Mais tout cela est bien hypothétique.

[103] Lucain, III, 426 et suiv.

[104] Dux tamen impatiens, Lucain, III, 453-5 ; cf. Dion, XLI, 19, 3.

[105] De b. c., I, 37.

[106] De b. c., I, 40.

[107] Six des vieilles légions et les plus anciens auxiliaires (I, 39, 2).

[108] Dion, XLI, 19, 4.

[109] César arriva en Espagne 40 jours avant la capitulation des Pompéiens (De b. c., II, 32, 5), laquelle eut lieu le 2 juillet, donc le 24 mai. Je penser comme il avait avec lui 900 chevaux (I, 41, 1), qu’il mit une dizaine de jours pour venir de Marseille (630 kil. de Marseille à Lérida). Stoffel suppose le voyage beaucoup plus lent et le départ au 6 mai (I, p. 285-6).

[110] Il sert à côté de César depuis 54. Cf. De b. G., V, 17, 2-5 ; 24, 3 ; VI, 33, 2 et 5 ; VII, 11, 3 ; 81, 6 ; VIII, 6, 1 ; 11, 1 ; 14, 1 ; 46, 4 ; 54, 4.

[111] Lucain, III, 455-462 ; cf. César, I, 36, 4.

[112] Dion, XLI, 19, 3.

[113] Lucain, III, 463-496. Il est probable qu’il faut placer ici l’épisode rapporté par Vitruve (X, 16, 11), de barres de fer rougies lancées par les balistes, et qui auraient incendié munitionem.

[114] Lucain, III, 497-508.

[115] La destruction d’une première terrasse, achevée dans le temps (I, 36, 5) qui a précédé la première bataille navale, ne se trouve que chez Lucain. Nous avons hésité à introduire cet épisode. Mais : 1° le récit de Lucain est si bien enchaîné (cette bataille navale est présentée comme une tentative de revanche romaine, III, 509), que je doute qu’il ait intercalé un fait postérieur ; 2° il serait étonnant que la terrasse n’ait pu être construite en un mois et demi (cf. à Bourges, et devant Issolu) ; 3° César lui-même fait allusion à des opérations directes contre les remparts, antérieures à la bataille navale (I, 36, 4) ; 4° Dion (XLI, 19, 3) parle nettement d’un échec de César devant Marseille.

[116] Sans doute peu après le départ de César, peut-être même avant son départ (cf. Dion, XLI, 19, 3).

[117] César, I, 36, 2 ; 56, 1.

[118] César, I, 56, 2-3.

[119] César, I, 48-52 ; Dion, XLI, 20.

[120] César, I, 53 ; Dion, XLI, 21, 3.

[121] A L’Estaque ?

[122] César, I, 57, 1 : il embarqua ex omnibus legionibus fortissimos viros, antesignanos, centuriones.

[123] Ad insulam, quæ est contra Massiliam, César, I, 56, 3 ; c’est le groupe des Stéchades de Marseille ou des îles du Frioul, Pomègue et Ratonneau ; Stœchados arva tenens, Lucain, III, 516 ; porto (César, I, 57, 2) désigne les abris des îles. — Je crois que Clerc a tort de rapporter à la bataille de Tauroentum (p. 593) le récit de Lucain, mais qu’il a raison d’en relever le caractère historique (La Bat. nav. de Tauroentum, 1903, Mélanges Perrot, p. 45 et suiv.).

[124] Septem naves actuariæ amenées par Domitius (I, 34, 2) ; 17 naves longæ, dont 11 à pont, tectæ, armées par les Grecs (César, I, 56, 2), et, en plus, multa minora navigia (id.) ; cf. I, 36, 2.

[125] César, I, 56, 3.

[126] Dux Græcorum Parmeno navali bello apud Brutum fuit prima pugna, scholies à Lucain, Usener, p. 115, cf. p. 109.

[127] César, I, 56, 3.

[128] Lucain, III, 521-2.

[129] Certainement en mai.

[130] Lucain, III, 522-4.

[131] Servatum bello jacuit mare, Lucain, 524. Je place la bataille sur la ligne entre Ratonneau et le cap Pinède.

[132] César, I, 57, 1 ; 36, 4 ; Dion, XLI, 21, 3.

[133] Lucain, III, 510-3 ; César, I, 58, 3.

[134] Cf. Dion, XLI, 21, 3 ; César, I, 58, 1.

[135] César, I, 58, 3.

[136] Cf. César, I, 58, 1 et 2.

[137] Cf. Dion, XLI, 21, 3. Il n’est pas impossible que ce soit au moment de cet embarquement que les Marseillais aient attaqué les ouvrages de terre.

[138] César, I, 56, 2-3 ; 57, 2 et 4.

[139] D’après Lucain seulement, III, 529-537.

[140] C’est la manœuvre qui réussit à Brutus dans la bataille contre les Vénètes.

[141] Lucain, III, 538-557. Cf. César, I, 58, I.

[142] Cf. Lucain, III, 556 et suiv.

[143] Cet ordre de Brutus, chez Lucain seul (III, 561) : Phocaicis medias rostris oppone carinas.

[144] Lucain, III, 561-6 ; cf. César, I, 58, 4.

[145] Cf. Lucain, III, 567-582.

[146] Tecto stetit æquore bellum, Lucain, III, 566 ; cf. 556-7.

[147] Lucain, III, 567 et suiv.

[148] César, I, 57, 3 et 4.

[149] Lucain, III, 592-9.

[150] Lucain, III, 603-634.

[151] Lucain, III, 696-702.

[152] Lucain, III, 670-674. De leur coté, les Romains accomplirent de hauts faits qu’on raconta plus tard longuement, comme cet Acilius qui, le bras droit coupé, combat avec son bouclier du bras gauche et s’empare d’un navire ; Plutarque, César, 16 ; Valère Maxime, III, 2, 22 ; Suétone, César, 68.

[153] César, I, 58, 4 (captæ VI, interierunt VIIII : texte rétabli) ; Lucain, III, 753-6.

[154] César, I, 58, 4 ; Lucain, III, 756 et suiv.

[155] César apprit l’évènement quelques jours avant la capitulation des Pompéiens, qui eut lieu le 2 juillet (I, 59, 1).

[156] Lucain, I, 761-2.

[157] Dion, XLI, 21, 4 ; César, I, 59, 1 ; 61, 1.

[158] Fortuna mutatur, César, I, 59, 1.

[159] César, I, 61 et suiv.

[160] II, 3.

[161] César, II, 3, 1-3 : la flotte, commandée par L. Nasidius, se composait de seize navires, plus un pris à Messine ; Dion, XLI, 25, 1.

[162] C’est peut-être pour cela que César ne parle de cette terrasse qu’après la bataille navale (II, 1).

[163] Il faut distinguer la tortue, testudo, fermée sur le devant et sur les côtés, longue de soixante pieds, sous laquelle on travaillait à aplanir d’abord le terrain, et, derrière elle, un porticus, avec ouvertures devant et par côté, sous lequel on se passait les matériaux : César, II, 2, 4 et 3.

[164] César, II, 2, 6.

[165] César, II, 4, 1-2.

[166] Cela résulte du fait qu’il ne put empêcher la sortie des Marseillais.

[167] César, II, 3, 3.

[168] César, II, 4, 3 ; 5, 5.

[169] César, II, 4, 3.

[170] Poussée par la brise d’est (II, 4, 5).

[171] Facile erat ex castris atque omnibus superioribus locis prospicere in urbem (II, 5, 3) : regardez, du haut des rues de la butte des Carmes (rue des Icardins, rue des Trois Fours), dans la direction du Vieux Port : le plan de Demarest montre d’ailleurs bien comment les regards des Romains pouvaient, depuis la butte, plonger vers les rues qui descendent jusqu’au port, rue Négrel, rues parallèles et place de la Loge.

[172] César, II, 5, 3-5.

[173] César, II, 4, 5. La localisation de cette seconde bataille est confirmée par le scholiaste de Lucain, p. 115 : Sequenti (pugna), id est hac qua apud Tauronescum dimicatum est. La flotte grecque avait pour chef Hermon : Hermon ei (Parménon) substitutus est.

[174] C’est à tort que Collot place cette bataille et Tauroentum tout près de la ville (Diss. sur... Taurœnta, Paris, 1845).

[175] Marseille en arma 17 (plutôt que 24 ; cf. II, 4, 1, à I, 56, 1) ; Nasidius en avait 17 également (II, 3).

[176] César, II, 4, 5.

[177] César, II, 6, 3.

[178] II, 6, 2.

[179] II, 6, 4-6.

[180] II, 7, 1.

[181] II, 6, 1.

[182] II, 7, 2-3.

[183] I, 84 et suiv. La date est donnée par les Fastes, IV non. aug. (C. I. L., I, I, 2° éd., p. 323 ; calendrier rectifié).

[184] II, 19, 20-22.

[185] I, 51.

[186] Massiliensium tamen nihilo setius, etc., César, II, 7, 4 ; Dion, XLI, 25, 1 : Διεκαρτέρουν.

[187] César le reconnaît lui-même : II, 5, 4-5 ; 6, 1 ; 7, 1.

[188] Cornutus, scholiaste de Lucain, p. 109, Usener : Massiliam autem adversus Cæsarem defensavit Apollonides, urbi qui præfuit ; il semble, d’après ces derniers mots, qu’Apollonidès ait été, non pas un chef choisi à cet effet, mais le magistrat souverain.

[189] César écrit (II, 1, 1) que la terrasse fut construite par deux côtés à la fois, duabus ex partibus aggerem, vineas turresque ad oppidum agere, et il ajoute (1, 2) : Una erat proxima portui navalibusque, altera ad portam [partem ?], qua est aditus ex Gallia... ad mare. Je ne suis pas sûr que una et altera se rapportent à pars et non pas à turris. En tout cas, le sens, selon moi, est le même. Trébonius établit la terrasse sur le seuil de la place Centrale ; les travaux en furent commencés à la fois par le côté de la Joliette et par celui du Vieux Port (c’est-à-dire, si l’on veut se rendre compte sur place, par les deux côtés de la rue de la République. On bâtit d’abord, à chacun de ces côtés (au travers de la place Centrale, côté Joliette et côté Vieux Port), deux épaulements en charpente (Lucain, III, 396-8, 455-6), allant de la colline du camp à celle de la ville (des Carmes à la vieille ville) ; l’espace intermédiaire fut rempli de terres et de branchages (396-8) ; puis, sur chacun des deux flancs de la terrasse, sans doute sur les épaulements en charpente, on éleva une tour, l’une, par suite, regardant l’anse de la Joliette et la porte de Gaule, et l’autre, le port (qu’on se représente l’une de ces tours au haut des escaliers de la place Centrale, côté sud ou rue Méry, et elle plonge vers la rue Négrel et vers la descente au port ; l’autre, au haut des escaliers de cette même place Centrale, côté ouest, et elle plonge vers la Joliette, vers la haute mer et la route de Gaule). — Contrairement à l’opinion courante (en dernier lieu, Meusel, édition 1906, p. 301-3), qui parait fortifiée par un scholiaste de Lucain (Cornutus, p. 111, Usener), je crois que César n’a fait construire qu’une seule terrasse, et à cet endroit : 1° Lucain le dit clairement (III, 455-8) ; 2° César de même, qui dit duabus ex partibus aggerem (II, 1, I) et non pas aggeres, et qui se sert toujours du singulier (I, 4 ; 2, 6 ; 8, 1 ; 14, 5 ; 15, 1) ; 3° s’il avait construit un second agger, c’eût été à gauche de ses lignes, sur le sol bas et marécageux du côté de la Bourse et du Vieux Port (cf. Maurin, Mém. de l’Ac. de Nîmes, VIIe s., XXI, 1898, p. 476-7), et l’œuvre eût été là fort difficile, très exposée aux attaques par terre et par eau, et sans appui direct sur le camp ; 4° lisez sur ces sortes d’ouvrages les très judicieuses remarques de de Folard (II, p. 489 et s.) : Plusieurs terrasses, cela seroit tout à fait absurde si l’on considère la grandeur de ces sortes de travaux.

[190] César donne à la terrasse la hauteur de 80 pieds (II, 1, 4) : c’est excessif, même si on compte depuis le niveau le plus bas du seuil jusqu’au pied de la butte et des remparts de Marseille ; le scholiaste de Lucain donne 60 pieds, ce qui est plus croyable. Peut-être César a-t-il, comme à Bourges, exhaussé la terrasse bien au-dessus du pied des remparts.

[191] II, 8, 1 : Qui dextram partem operis administrabant : ce ne peut être que le vallon de la Joliette (le long du boulevard des Dames). — César ne nous dit pas ce que les soldats faisaient là. Il est probable, comme sur ce point le niveau de la ville s’abaissait, qu’on creusait des mines contre les remparts, et qu’il faut placer là les travaux dont parle Vitruve (X, 16, 11) : contre les mines des assiégeants, dit-il, les Marseillais creusèrent plus profondément leur fossé, si bien que ces mines vinrent déboucher dans ce fossé [dans les terrains bas, vers le quai de la Joliette et le boulevard de La Major] ; là où il n’y avait pas de fossé, les Grecs établirent dans la maçonnerie du mur une piscine [plus haut, vers la rue du Panier et la rue des Belles Écuelles, qui marquent, selon moi, la ligne des remparts de ce côté], piscine qu’ils remplirent à l’aide des eaux des puits et,du port, et que la mine ennemie vint perforer, ce qui inonda le travail des assiégeants [vers la rue du Refuge, au bas de la butte des Moulins]. — Jehan de Tuim (p. 48) parle d’une tour bâtie par les Marseillais dans le vallon de la Joliette, pour cou c’on ne les peust grever par le valee : si ce détail est exact, cela a pu être une tour venant renforcer le rempart du côté de la porte de la Joliette, et cela expliquerait la construction, contre cette tour, d’une tour romaine fixe (n. 193, et 197).

[192] C’est la longueur du musculus (II, 10, 1) ; sub muro (II, 8, 1 ; 14, 4) ; à portée de trait (II, 3) ; cf. n. 194. — On peut placer la tour dans le vallon de la Joliette, au bas de la rue du Petit Puits (cette dernière étant, je crois, l’ancienne route des Gaules), le musculus suivant la direction de cette rue, et allant heurter, au bas de la rue du Panier, à la place des Treize Coins, les remparts, la tour ennemie et la porte de la Joliette. Il est visible, en effet, que ces deux constructions visent la porte de la cité (II, 8, 1) et sont en terrain plan. — Sur cette tour, dont la construction a fort occupé les Modernes : Guischardt, II, p. 39 et s., III, p. 480 et s. ; de Lo-Looz, Rech. d’antiquités militaires, p. 38 et s. ; le même, Défense, p. 37 et s. ; Stoffel, I, p. 90 et s., p. 295-6.

[193] II, 8-9 : César décrit longuement la manière dont cette tour fut bâtie.

[194] II, 10 : longue description de la galerie, musculus. Cf. de Folard, II, p. 523 et suiv. ; Guischardt, II, p. 43 et suiv. ; Stoffel, I, p. 93 et suiv., p. 296 et suiv.

[195] II, 10, 7.

[196] II, 11, 3. Si ce musculus a été construit dans le vallon, il s’agissait, soit d’une tour du rempart dont les fondements revêtaient le rocher et descendaient jusqu’en plaine, soit d’une tour avancée. — On a dit (Stoffel, I, p. 94-5, 296-9) qu’ils attaquèrent d’abord avec le bélier, mais que les Marseillais écartèrent la tête du bélier à l’aide de câbles descendus par des poulies (en rapportant à cet épisode le texte de Vitruve, X, 16, 12). Ce n’est pas impossible.

[197] II, 11, 1 et 2.

[198] II, 11, 3.

[199] II, 11, 4.

[200] II, 11, 4.

[201] II, 12, 2 ; Dion, XLI, 25, 2.

[202] II, 13, 3.

[203] II, 12, 1, 2 et 4 ; 13, 1 et 2 : il n’y eut pas armistice à proprement parler, mais cessation en fait des hostilités, indutiarum quodam genere misericordia facto.

[204] II, 14, 1. César revient plusieurs fois sur la mauvaise foi des Marseillais : hostes sine fide (14, 1), indutiis per scelus violatis (15, 1), perfidiæ (16, 1). Le récit de Dion est le contraire de celui de César, et provient sans doute du pompéien Tite-Live : il y aurait eu trêve, les soldats romains auraient violé la trêve en attaquant les Marseillais, qui les auraient alors fort maltraités (XLI, 25, 2). Il est possible, comme si souvent, que les deux parties se soient accusées réciproquement de trahison. En tout cas, le succès des Marseillais n’est point douteux. — C’est à ce moment que Domitius put s’échapper (Dion, XLI, 25, 2).

[205] II, 14, 1. Il s’agit sans doute d’un jour de Mistral.

[206] II, 14, 2-4.

[207] II, 14, 3 et 4.

[208] II, 14, 5.

[209] II, 14, 5 et 6.

[210] II, 15, 1.

[211] Cet emploi de la brique durant le siège est une chose remarquable, et laisse supposer dès lors l’importance des briqueteries de la région.

[212] II, 15. Ainsi, il y eut une espèce de souterrain à colonnade. On pouvoit appeler ce nouveau travail agger pensilis. Le soldat s’y logeoit comme dans des casemattes (Guischardt, II, p. 47). Je crois que les deux flancs de briques de la terrasse étaient perpendiculaires à la place et non pas parallèles, comme on l’a supposé (de Lo-Looz, Déf., p. 33).

[213] Aggerem novi generis atque inauditum, II, 15, 1.

[214] Pæne inædificata munis ab exercitu nostro mœnia viderentur ; II, 16, 2.

[215] II, 16, 1-3.

[216] Lucain, III, 383-7, qui parle de la contrevallation dès le début du siège, ce qui est d’ailleurs naturel : A summis perduxit ad æquora castris [de la butte des Carmes à la Joliette et au fond du Vieux Port]... fontes et pabula campi [le vallon de la Joliette] amplexus fossa. On peut placer les lignes de César, soit intérieurement aux Carmes, le long de la rue de la République, soit, plutôt, extérieurement, boulevard des Dames, rue d’Aix, cours Belsunce, là où s’est élevée l’enceinte médiévale ; les pabula campi désignent les vergers du quartier de l’Observance (cf. Teissier, Marseille au Moyen Age, 1892, p. 82-3) ; les fontes sont, par exemple fons sancti Antonii (rue du Puits Saint Antoine), la fontaine de la rue du Puits du Denier, celle de la rue du Petit Puits, tout autour de l’Observance, et, du côté de Saint-Martin, fons Judaicus de la rue du Grand Puits.

[217] De b. c., II, 22, 3.

[218] De b. c., II, 22, 1.

[219] Note 225.

[220] Dura li sieges pries de VII mois (Jehan de Tuim, p. 54).

[221] II, 21, 1 et 2.

[222] II, 21, 4.

[223] Dion, XLI, 24, 3.

[224] De b. c., II, 21, 5.

[225] Καίσαρι αύτώ έλθόντι ώμολόγησαν, Dion, XLI, 25, 3 ; il est probable qu’il y eut une trêve pour attendre César (casdem deditionis conditiones, II, 16, 3).

[226] De b. c., II, 21, 5.

[227] Pro nomine et vetustate, II, 22, 6 ; Cicéron, Phil., VIII, 6, 19.

[228] Voyez la douleur que la défaite de Marseille inspira aux Romains : Cicéron, Phil., VIII, 6, 18 et 19 (neminem illi civitati inimicum, qui amicus huic sit civitati) ; De off., II, 8, 28. — Sur la question si l’arc d’Orange rappelle ce siège (Migne, P. L., XXI, c. 696), cf. t. IV, ch. I.

[229] Cf. Cicéron, De officiis, I, 11, 35 ; César, De b. G., II, 32, 1.

[230] De b. c., II, 22, 6 : II, 13, 3.

[231] César dit qu’il lui ôta arma, tormenta, naves, pecuniam (II, 22, 5) ; de même, Dion (XLI, 25, 3), qui ajoute que plus tard il lui enleva τά λοιπά πάντα τοΰ τής έλευθερίας όνόματος : il y eut donc un nouveau décret qui enleva aux Marseillais autre chose (leurs domaines ? cf. n. 234), mais leur laissa la liberté ; Cie., Ad Att., XIV, 14, 6 ; Phil., XIII, 15-32 ; Orose, VI, 15 ; 7 ; Florus, II, 33, 25 ; cf. t. IV.

[232] Note précédente.

[233] Cf. Pline, H. n., XXIX, 9.

[234] Note 231 ; Strabon, IV, 1, 5, 9 et 10 ; cf. Hirschfeld, Gallische Studien, p. 279-280 (Sitzungsberichte der phil.-hist. Classe der k. Akademie der Wissenschaften de Vienne, CIII, 1883).

[235] Vraisemblable, non certain (cf. Blanchet, p. 238). Mommsen (G. d. R. M., p. 675) croit à la suppression, de La Saussaye (p. 78 et s.) au maintien de tout monnayage.

[236] Même remarque. Son importance commerciale va décroître singulièrement.

[237] II, 22, 6 ; sans doute deux légions de conscrits, envoyées d’Italie par Antoine.

[238] César, II, 22, 2-4 ; Dion, XLI, 25, 2 ; Suétone, Néron, 2, 3.

[239] César, II, 42-4.

[240] Dion, XLI, 55, 2 ; Lucain, VII, 231 et s. ; César, De b. c., I, 83, 5 ; III, 59.