HISTOIRE DE LA GAULE

TOME III. — LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS GERMANIQUES.

CHAPITRE XIII. — VERCINGÉTORIX : LA DÉFAITE.

 

 

I. — MÉCONTENTEMENT DES ÉDUENS.

Les premiers dangers qui menacèrent l’œuvre de Vercingétorix, vinrent, non pas de César, mais des Gaulois eux-mêmes.

La rapide fortune du jeune roi, le retour des Arvernes au pouvoir suprême, excitèrent la colère du peuple éduen et de ses chefs. Celui-là, le premier de la Gaule sous la domination de. César, se voyait relégué au second rang[1] : l’indépendance avait amené l’hégémonie de la nation rivale. Et quant à ses chefs, Éporédorix, Viridomar et les autres, ils devaient refréner pour longtemps leurs plus grandes ambitions[2]. Jalousies d’individus, haines municipales, rivalités politiques, les rancunes humaines se dressaient toujours devant Vercingétorix triomphant et la liberté restaurée. Depuis plus d’un demi-siècle, l’activité gauloise s’était concentrée sur la lutte pour le premier rang. Le noble le voulait dans sa cité, la cité dans la Gaule, le chef dans les combats, le brave dans les banquets, et le prêtre parmi les druides. D’une frontière à l’autre de la contrée, le mot de principat dominait les pensées[3]. Et, au milieu de cette crise suprême, Celtes et Belges songeaient moins à s’entendre pour être libres qu’à se battre pour être les premiers. — Il faut répéter, à la décharge des Gaulois, que Rome aida fortement à l’action dissolvante. Elle avait appuyé les Éduens contre les Arvernes, les Rèmes contre les Suessions, Diviciac contre Dumnorix. Le sénat et les proconsuls ne cessèrent d’entretenir tous les conflits et d’éterniser l’ambition du premier rang. Et, à cette heure même où un vote unanime venait de le donner au roi des Arvernes, la politique de César, à défaut de ses légions, lui assura une première revanche.

Car les Éduens, déboutés de leurs prétentions, regrettèrent aussitôt le temps, si récent encore, où l’amitié de César leur garantissait la prééminence. Ils se résignèrent à obéir : mais ce ne fut qu’à contrecœur[4]. Éporédorix et Viridomar ne jugèrent Vercingétorix que comme un maître imposé[5]. On ne les verra jamais combattre avec le dévouement d’un Lucter ou d’un Drappès. Un seul excepté, Sur[6], tous les chefs éduens vont faire piteuse figure : ils n’apparaîtront sur le champ de bataille que pour se faire vaincre et se laisser prendre.

Nous ignorons quel fut leur rôle dans les conseils. J’imagine qu’il a été tout aussi misérable. Ces hommes, qui se plaignaient de la fortune et regrettaient César le jour où la Gaule proclamait son indépendance, ne gardèrent sans doute pas le silence dans les assemblées où Vercingétorix convoqua les chefs. Bientôt, au cours de la nouvelle campagne, nous le verrons consentir à des pratiques qu’il a toujours condamnées : il est possible qu’il ait eu la main forcée par les officiers éduens. Plus tard, enfermé dans Alésia, ils n’exécuteront ses ordres qu’à moitié. L’autorité de Vercingétorix nous semblera désormais moins solide que dans les journées où, roi des Arvernes, il ne commandait qu’aux amis de ce peuple.

De tout temps, d’ailleurs, le jeune roi eut à compter avec les parjures, les transfuges et les opposants. A Gergovie même, César fut informé chaque jour de ce qui se passait chez son adversaire[7]. Devant Avaricum, on avait accusé le chef de haute trahison. Ses discours furent presque toujours fidèlement rapportés aux Romains. Ils connurent l’effectif des troupes engagées, cité par cité. Assiégé par les Nerviens, Cicéron fut sauvé par un Nervien demeuré près de lui. L’Arverne Épasnact, le Picton Duratius, demeuraient en armes pour César. Je n’affirme pas que les Éduens du camp de Vercingétorix aient ressemblé à tous ces hommes, et qu’ils aient révélé aux Romains les projets de leur chef. Mais enfin leurs sympathies revenaient de nouveau vers le proconsul, et, à défaut de leurs actes, leurs sentiments avaient déjà trahi la Gaule.

 

II. — PLAN DE CAMPAGNE DE VERCINGÉTORIX.

Tout entier à de grandioses desseins, Vercingétorix donnait des ordres et exposait ses plans.

Comme gage et sanction de la fédération gauloise, il imposa des otages aux cités[8] : c’était la coutume traditionnelle en cas de coalition. Puis il fixa le chiffre des contingents militaires. Les nations alliées devaient lui envoyer, le plus tôt possible, toute la cavalerie disponible, soit 15.000 hommes[9] ; en fait d’infanterie, il ne voulut rien : les 80.000 fantassins de Gergovie lui suffisaient[10]. — En cela, une fois de plus, Vercingétorix montrait son bon sens de général. Ces 80.000 fantassins étaient ceux qu’il avait levés au début de la guerre ou qui étaient venus combler les vides faits durant le siège d’Avaricum. Choisis parmi les Arvernes et ses alliés de la première heure, il faisait fonds sur leur fidélité. Il les avait, six mois durant, formés à l’obéissance et aux pratiques de la guerre savante ; ils renfermaient des tireurs nombreux, des terrassiers exercés, ils savaient défendre une ville, assaillir un camp et construire un retranchement[11]. C’était la meilleure armée de pied que la Celtique eût encore mise en ligne. Tout ce qu’elle lui enverrait de plus ne serait, jusqu’à nouvel ordre, qu’une encombrante cohue.

Comme plan de campagne, Vercingétorix reprit celui de l’hiver, mais largement agrandi. Il avait voulu retenir César en Narbonnaise : il voulait maintenant l’y ramener. Pour cela, il prépara l’invasion générale de la Province. De Genève à Toulouse, la frontière devait être assaillie de toutes parts. Les Éduens et les Ségusiaves furent chargés d’attaquer les habitants du Dauphiné[12] ; les hommes du Gévaudan et du Velay, de descendre dans le Vivarais par les cols des Cévennes[13] ; ceux du Rouergue et du Quercy, de ravager les terres des Véliques dans la région des Garrigues[14]. Du haut de ses montagnes, la Gaule libre déborderait sur la Gaule romaine.

Mais Vercingétorix souhaita le retour des Romains, non plus seulement au sud du Rhône, mais au delà des Alpes, la libération universelle du nom gaulois et la revanche de la défaite de Bituit. Afin de mener cette tâche à bonne fin, il voulut y associer le peuple le plus puissant du Midi, les Allobroges, jadis Ies alliés de l’Empire arverne. Il leur adressa des messages secrets, puis une ambassade plus solennelle, il promit de leur laisser l’hégémonie sur toutes les nations en deçà des Cévennes[15]. Car il fallait que Rome reconnût pour toujours à la Gaule le droit de disposer d’elle-même.

Comme leçon à donner au peuple romain[16], Vercingétorix rêva de débarrasser la Gaule et le monde de César et de ses dix légions. Pour cela, il préconisa de nouveau la tactique qui lui était chère : pas de bataille rangée, où l’armée romaine demeure invulnérable, mais l’accompagner pas à pas, abîmer devant elle les moissons, guetter au détour des routes les fourrageurs, les traînards et les bagages, la ronger pièce à pièce, et laisser le temps et la famine achever l’œuvre de destruction[17]. Et si nombreuse et si aguerrie que fût l’armée de César, bien qu’elle demeurât, à cette heure, la plus belle du monde et la plus forte que Rome ait jamais eue, quinze mille cavaliers, voltigeant autour d’elle, acharnés et insaisissables, ne lui laissant ni vivres ni repos, devaient fatalement la réduire toute à la mort[18].

Vercingétorix ne pouvait mieux faire. Qu’il ait mis dans ce vaste dessein la marque de son imagination coutumière, je ne le nie pas. Mais ce plan était, plus qu’autre chose, la preuve de son esprit lucide et de sa volonté prudente : il menaçait les Romains partout où ils étaient vulnérables, il annulait les deux éléments fâcheux de l’armée gauloise, l’inconsistance des Éduens et la fougue désordonnée des escadrons. Pour empêcher la traîtrise des uns et l’intempérance des autres, le meilleur moyen était de refuser à tous le hasard du champ de bataille, et de maîtriser, coûte que coûte, les faiblesses ou les ardeurs de ses hommes[19].

 

III. — LA RENCONTRE DÉCIDÉE PAR VERCINGÉTORIX.

Dans le Midi, la campagne parut d’abord indécise. Les Allobroges refusèrent les offres de Vercingétorix et fortifièrent contre lui les rives du Rhône[20] ; le légat de César dans la Province put, avec vingt-deux cohortes, faire face aux premiers dangers[21]. Mais les gens du Velay réussirent à entrer dans le Vivarais, on tua quelques chefs aux sujets de Rome[22], et la route du Midi fut ouverte aux Gaulois.

César persista donc à revenir. Du pays de Langres, il descendit dans la vallée de la Saône. Son intention était de gagner la Province par la route la plus directe, celle qui l’éloignait le plus de son principal ennemi, et qui, du pied de la Côte d’Or, gagnait Genève par la Franche-Comté. Ce n’est qu’au delà de Dijon qu’il devait quitter les terres amies des Lingons, pour entrer chez les Séquanes[23].

De l’ouest, Vercingétorix le guettait par les routes de l’Auxois. Il avait, semble-t-il, choisi Alésia (Alise-Sainte-Reine) pour centre d’opérations[24]. Plantée au seuil même du pays éduen[25], place forte d’avant-garde à demi enclavée par les domaines des Lingons, elle surveillait tous les chemins qui montaient de la Loire et de la Seine et qui descendaient vers la Saône. César, depuis qu’il battait lentement en retraite, de Nevers à Auxerre, d’Auxerre à Châtillon, et de là vers Dijon, César n’avait fait que décrire trois quarts de cercle autour de la forteresse d’Alésia.

Rien ne fut donc plus facile pour Vercingétorix que de rejoindre son adversaire. Quand il eut réuni toutes ses troupes, il lui suffit de traverser les cols de l’Auxois pour se présenter sur la route de César[26] Et, un soir, il s’en vint camper près de Dijon (devant Hauteville ?[27]), à dix milles au sud des légions[28]. Le moment était venu, pour la cavalerie gauloise, de se mettre à sa tâche et de ruiner le pays au-devant de l’armée romaine.

Il se passa alors le fait le plus extraordinaire de cette guerre. le seul acte de Vercingétorix qui ait été un acte d’erreur. Oubliant son plan de campagne au moment où la campagne commençait, démentant ses instructions aussitôt après les avoir données, il convoqua le soir même les chefs de sa cavalerie, et il leur offrit l’attaque immédiate de l’armée romaine[29].

Qu’était-il donc survenu dans les quelques jours qui séparèrent le rassemblement des escadrons gaulois et leur arrivée aux approches de César ? Le roi des Arvernes se rendit-il compte que, de Dijon à Genève, la distance n’était pas assez grande pour qu’il eût le temps d’affamer et de détruire les légions[30] ? Espéra-t-il faire plus de besogne du premier coup, en les surprenant dans leur marche[31] ? Se laissa-t-il, à la vue de ces quinze mille cavaliers prêts à charger sur un mot de lui, en présence de cette jeunesse gauloise brillante, hardie, confiante comme lui-même, se laissa-t-il éblouir par l’illusion de la victoire rêvée ? Ou, plutôt, ne fut-il pas obligé de céder enfin à tous ces hommes, chez qui, depuis six mois, il refrénait l’instinct de combattre, et qui voyaient s’enfuir, avec l’armée de César, l’occasion d’une gloire éternelle[32] ? — Toujours est-il qu’en livrant carrière, cette fois, aux passions gauloises, Vercingétorix commit une faute irréparable.

Deux choses permettent de l’excuser en partie. L’une, c’est qu’il ignorait la présence de cavaliers germains dans le camp de César, qu’il crut son adversaire réduit aux chevaux de l’état-major[33] : ce qui, en effet, eût exposé les légionnaires, sans abri et sans soutien, à la force de la première charge et aux poussées des nouveaux rangs. L’autre, c’est que Vercingétorix proposa, non pas un combat régulier[34], mais une chevauchée à travers les lignes romaines, analogue à celles que le Breton Cassivellaun faisait faire par ses chars, et qui jetaient un tel désordre dans les légions[35]. L’Arverne voulut qu’on les assaillit, non pas rangées en bataille, mais échelonnées en ordre de route : comme elles s’avançaient alors en longues files, séparées l’une de l’autre par des convois de vivres et de bagages[36], rien n’était plus séduisant et ne paraissait moins dangereux que de lancer le galop imprévu de quinze mille cavaliers à travers ces larges brèches laissées entre elles par les légions en marche, et, sur ces brèches, de tout prendre et tout détruire. Car ce fut contre les convois et non contre les fantassins que Vercingétorix ordonna l’attaque ; il invita même les chefs, semble-t-il, à ne point toucher aux cohortes ; et à l’objection que la destruction des bagages serait une mince victoire, il répondit qu’une légion sans bagages était impuissante et déshonorée[37]. Ce qui, enfin, prouve que tel fut son premier plan, et qu’il entendait surtout continuer la guerre aux convois, c’est le texte du serment que les chefs, après le conseil, firent prononcer à tous leurs hommes. Ils jurèrent de ne pas se reposer sous un toit, de ne plus revoir leurs parents, leurs enfants, leurs femmes, s’ils n’avaient pas chevauché deux fois à travers les rangs ennemis[38]. On leur demandait donc simplement de faire une trouée dans les colonnes, et de revenir.

Le malheur était qu’on leur ordonnait une chevauchée à la gauloise, et qu’une fois lancés dans cette glorieuse équipée, Vercingétorix ne pourrait plus les arrêter à sa guise. Et en montrant à ses escadrons les légions romaines, il commit la même faute que César, montrant à ses centurions les remparts de Gergovie.

 

IV. — LA DÉFAITE DE LA CAVALERIE GAULOISE.

Le matin, César se mit en marche, comme à l’ordinaire, légions et bagages intercalés[39]. Vercingétorix, à quatre lieues de là, rangeait toute l’infanterie devant les camps, le long d’une rivière (le Suzon ?), pour soutenir de sa vue le courage des cavaliers[40]. Ceux-ci furent divisés en trois groupes : deux partirent contre les flancs des colonnes romaines ; l’autre se présenta devant la tête[41]. Chose extraordinaire, César ne se doutait pas qu’il allait toucher l’ennemi[42]. Jusque-là, les chances restaient aux Gaulois.

Mais au contact[43] (vers Bellefond ?[44]), le proconsul donna de nouveaux ordres. Les légions furent rejointes, les convois placés au milieu d’elles ; l’infanterie se disposa en un immense carré, aux lignes profondes, régulières et continues ; au centre, les bagages à l’abri ; au devant, à droite, à gauche, les cavaliers italiens et germains, abritant les premiers rangs[45]. En quelques instants, presque sous les yeux de l’ennemi, et comme si elle opérait sur un champ de manœuvre, l’armée romaine s’était disloquée, déplacée et refaite, et se montrait maintenant dans sa formation de combat la plus redoutable, pareille à un camp retranché, avec dix mille fantassins pour front de muraille, et des escadrons en avant-postes[46].

Vercingétorix n’avait plus qu’à rappeler ses cavaliers, ou, s’il ne pouvait éviter la rencontre, qu’à envoyer tous ses archers en soutien. C’étaient les seules troupes capables de jeter le désordre dans un carré d’infanterie romaine, et on a vu qu’Ambiorix leur dut la victoire sur la légion de Sabinus. Ni l’un ni l’autre ne fut fait. Les escadrons gaulois continuèrent leur élan, et le combat s’engagea.

Ce fut donc, comme si souvent déjà, la bataille entre la cavalerie gauloise et l’infanterie romaine, mais dans des proportions colossales, que le monde ne revit jamais : dix légions d’un côté, les plus fameuses de l’Empire, et, de l’autre, quinze mille cavaliers, choisis par toute la Gaule.

A gauche, la charge des Gaulois se heurta aux Germains, et se brisa contre leur résistance[47]. Mais à droite et en face, elle balaya la cavalerie romaine, et atteignit les premières cohortes[48].

Le choc fut terrible, et suivi d’une mêlée confuse[49]. Il fallut que César combattît lui-même, comme aux heures des plus grands périls. Des récits circulèrent plus tard sur les épisodes de cette bataille héroïque : on raconta que le proconsul perdit son épée[50], qu’un cavalier gaulois le saisit lui-même et faillit l’emporter en croupe[51]. Celtes et légionnaires, hommes et bêtes, se pressaient et s’unissaient dans un formidable corps à corps. Quand le danger paraissait plus grand, César faisait sortir du rang une ou plusieurs cohortes, et les portait sur l’ennemi[52] ; mais cela ne donnait que quelques minutes de répit[53], et nul, à cette heure, n’aurait pu affirmer que les légions seraient victorieuses[54].

Ce furent les Germains qui les sauvèrent. Devant eux, à la gauche de l’attaque, les Gaulois reculaient[55]. Leurs adversaires finirent par se rendre maîtres d’une hauteur qui dominait toute la bataille (le signal d’Asnières ?[56]), et, de là, poursuivirent les vaincus jusqu’aux bords de la rivière qui abritait l’infanterie celtique[57]. De partout, on vit la victoire des Germains, et le reste des escadrons gaulois, craignant d’être pris à revers, s’arrachèrent aux légions et se replièrent en désordre[58]. Ce fut alors la défaite sur toutes les lignes. Beaucoup de Gaulois périrent. Mais les chefs les plus célèbres furent faits prisonniers ou rejoignirent leur camp, et, parmi ceux qui se laissèrent prendre, César trouva trois des plus nobles Éduens[59].

Enfin, — et dans cette mystérieuse journée c’est peut-être la chose la plus étrange, — Vercingétorix ne combattit pas avec les siens. Il demeura sur l’autre rive au milieu des fantassins[60] ; lui, qu’on admirait sur son cheval de bataille, il ne se mit pas à la tête de ses escadrons, il les laissa galoper à la suite des autres chefs, et surtout des chefs Éduens. A la distance où il était du combat, je doute qu’il en ait suivi le cours et qu’il ait pu donner des ordres à temps. Et je me demande, une fois de plus, s’il a vraiment ordonné cette bataille qu’il n’a pas dirigée.

 

V. — LA RETRAITE SUR ALÉSIA[61].

En tout cas, il sauva l’armée du désastre. A la vue de la déroute, il fit faire volte-face aux fantassins et les dirigea sur Alésia. Il prit la tête de la colonne, les bagages suivant à l’arrière-garde et sans doute aussi le reste des cavaliers[62]. Tous montraient encore bonne contenance. Car César arrêta les siens au bord de la rivière, et jugea bon de mettre son convoi en sûreté avant de commencer la poursuite[63]. Elle lui prit la fin de la journée, et ne lui rapporta que la mort de trois mille traînards[64]. Dans la nuit, on perdit contact, et Vercingétorix ramena dans Alésia son infanterie intacte et bon nombre de ses cavaliers[65].

La folle bataille rendait brusquement à César tous ses avantages. Elle le débarrassait de la cavalerie ennemie, elle sauvait la Province, elle lui rouvrait le chemin de la Gaule, et elle lui permettait, avant même la fin de l’été, d’en recommencer la conquête (juillet ?[66]).

Mais elle ne lui donna pas une nation de plus : cette conquête demeurait à refaire toute entière. Ni les Éduens ni les Arvernes ni aucune autre peuplade ne firent entendre des propositions de paix. Les passions nationales étaient trop ardentes pour s’éteindre à la première défaite, et, après comme avant la bataille, elles restèrent vives et fortes autour du chef qui les avait excitées[67]. Et que les Gaulois ne se soient point hâtés de désespérer, ce fut une nouvelle victoire à l’actif de Vercingétorix.

Lui-même, au surplus, en appelait de la défaite, et ce n’est pas en vaincu qu’il attendait César. De vastes retranchements avaient été bâtis sur les plates-formes et les terrasses qui flanquent en contrebas la ville d’Alésia : ce fut là qu’il établit les camps de son armée, avec ordre formel de ne point se réfugier derrière les remparts de la cité[68]. Et il laissa même sa cavalerie circuler dans la plaine, au pied de la montagne, sans crainte du vainqueur[69].

On a dit[70] qu’il aurait pu faire mieux encore, ne pas s’enfermer dans Alésia, tenir la campagne avec ses escadrons, essayer d’affamer César, reprendre le plan interrompu par la bataille. Mais on oublie que la situation avait changé : c’était César qui disposait maintenant des routes et du terrain, et il ne lui laissa pas le choix entre une guerre d’escarmouches et la retraite en lieu sûr. Vercingétorix n’échappa à la poursuite que parce qu’il eut Alésia à sa portée, et il est probable que si elle était si bien fortifiée, c’est parce qu’à tout hasard il s’y était préparé un refuge. C’est miracle qu’il ait pu s’y retirer à temps, et il ne pouvait faire autre chose.

Le Romain arriva devant la place le lendemain même de la bataille, et il commença aussitôt les travaux des camps et du siège[71].

Comme devant Gergovie, Vercingétorix envoya ses escadrons pour troubler les premiers travaux (dans la plaine des Laumes)[72]. Mais ils eurent affaire cette fois à une forte partie. Si les cavaliers romains se laissèrent battre[73], les Germains rétablirent le combat[74], et poursuivirent l’ennemi jusqu’à l’entrée des murailles des camps[75]. Il se fit là un grand massacre de Gaulois. Pourtant, les camps restèrent intacts[76].

C’était pour Vercingétorix une seconde défaite, et qui complétait la première. Celle-là l’avait obligé à s’abriter derrière une place forte. Celle-ci l’y enfermait pour longtemps[77]. Mais il lui restait le secours de toute la Gaule. Il se hâta de la prévenir et de l’appeler, avant que la place ne fût investie[78].

Le roi des Arvernes réunit autour de lui ses derniers cavaliers, et il leur donna l’ordre de quitter Alésia pour regagner leurs cités respectives[79]. Il y avait parmi ces hommes des chefs que Vercingétorix aimait, des vaillants de la première heure, comme Lucter le Cadurque[80]. Il leur adressa d’émouvants adieux, les apitoya sur le sort de l’armée et sur son propre destin[81]. Si la Gaule ne les secourait pas, ces quatre-vingt mille hommes, l’élite des nations, périraient tous[82], et lui-même mourrait avec eux, supplicié par l’ennemi pour avoir trop aimé la liberté de la patrie. Et il les congédia sur une prière suprême[83].

Ils partirent dans la nuit[84], et Vercingétorix ramassa aussitôt ses forces et ses ressources pour durer jusqu’à l’arrivée des secours. Il évacua les camps et entassa les hommes dans la ville ; il se fit livrer tous les vivres sous menace de mort, répartit le bétail entre les assiégés, décida que le blé serait distribué peu à peu et par faibles rations ; et alors, replié dans Alésia, il attendit à la fois les entreprises de César et le secours de la Gaule[85].

La lutte allait donc continuer, rude et implacable, entre les deux chefs. Ils se retrouvaient face à face, comme à Gergovie. Mais, cette fois, César avait avec lui toute son armée, et Vercingétorix, toute la Gaule ; et les combats se livreraient, non plus autour d’une capitale de nation, mais de la cité sainte du nom celtique.

 

VI. — TRAVAUX DE CÉSAR DEVANT ALÉSIA[86].

De cette ville sainte d’Alésia, on disait en Gaule que nulle armée n’avait pu ou n’avait osé la prendre de force[87]. Mais ni Vercingétorix ni César ne la jugèrent inviolable.

Le siège n’offrait pas, comme à Gergovie, d’insurmontables difficultés. A la rigueur, les Romains auraient pu tenter l’attaque directe par l’escalade[88] ou même par la terrasse d’approche[89]. Le plateau qui porte Alésia s’élève à 418 mètres de hauteur, à 150 mètres seulement au-dessus des vallées environnantes, et les pentes offrent rarement ces parois glissantes ou ces terribles raidillons qui furent la principale protection de la cité arverne. De plus, le mont d’Alésia communique avec les collines voisines par un seuil élevé, aplani, assez large pour soutenir un boulevard pareil à celui que César bâtit devant Avaricum[90]. Mais le proconsul ne voulait plus risquer ses hommes, ses dernières réserves de vieux centurions[91], et à tous les systèmes de siège il préféra celui du blocus[92].

Alésia s’y prêtait d’elle-même. Elle est faite, si je peux dire, pour être investie. La nature l’a bâtie dans un superbe isolement, et c’était peut-être cette majestueuse attitude qui avait séduit les hommes et qui lui valait la gloire d’une cité sainte. Droite, bien campée, sans contrefort qui gêne ses abords ou cache sa vue, la montagne d’Alise surgit du milieu des vallons, seule et indépendante[93] : au nord et au sud, deux ruisseaux détachent sa base des terres d’à côté[94] ; au couchant, la vaste plaine des Laumes la précède comme une avenue[95]. Au delà de ces vallons, de ces ruisseaux et de cette plaine, toutes les montagnes des environs amènent et élèvent leurs plateaux à la hauteur de la cité d’Alésia, et, rangées autour d’elle, l’encadrent et la regardent[96].

César n’avait, pour investir et fermer Alésia, qu’à suivre le cadre des vallons et des plateaux extérieurs. Dès le premier jour, il fit commencer, dans la plaine des Laumes et sur les hauteurs voisines, le fossé et le rempart du blocus[97]. La tâche était longue, onze milles de pourtour, mais elle ne présentait d’autre difficulté que sa longueur[98]. Pour protéger les travailleurs, César jalonna la ligne d’investissement de vingt-trois redoutes, que des corps de garde occupaient la nuit, et où les légionnaires s’abritaient le jour en cas de surprise[99]. Les camps furent placés sur les hauteurs[100], et le quartier général, sans doute sur la montagne de Flavigny, la plus proche d’Alésia[101].

Un fossé, un remblai, des camps et des redoutes, cela suffisait pour bloquer la ville, empêcher une évasion, arrêter des convois de vivres. Mais quand César apprit par des transfuges que Vercingétorix appelait du secours, il estima avec raison que ce serait peu de chose contre des assaillants du dehors unis aux assiégés d’Alésia ; et il entreprit des retranchements géminés, une ligne contre la cité, une ligne contre l’extérieur[102] ; et, de plus, aux ouvrages habituels des ingénieurs gréco-romains, tours, remparts et fossés, il ajouta toutes sortes de défenses nouvelles.

De chaque côté, intérieur et extérieur, les ouvrages romains commençaient par le fossé traditionnel, mais énorme, large de vingt pieds, profond de neuf, et à parois verticales[103]. Au delà du fossé, sur un espace d’environ quatre cents pieds[104], s’étendait un terrain vague, où l’œil n’apercevait d’abord aucune trace de défenses. Là, les obstacles se cachaient à fleur de terre : crochets ou hameçons de fer plantés dans le sol pour servir de chausse-trapes[105], trous de loups d’où émergeaient de gros pieux taillés en pointe, faits pour empaler un homme sous le poids de sa chute[106] ; chevaux de frise ou ronces artificielles, formées de branches aiguisées qui couraient sur le sol, et où s’enchevêtreraient les pieds des hommes et des bêtes[107] : on avait ainsi entassé, sur le chemin du rempart, toutes Ies ressources des pièges de guerre et de chasse. — Et enfin, c’était le rempart lui-même qui apparaissait, avec des défenses plus terribles encore : un remblai de terre, servant de muraille, haut de douze pieds[108] ; sur le remblai, une palissade continue[109], faite de pieux de bois ou de pointes de fer[110], et renforcée d’une cuirasse de clayons, à merlons et créneaux[111] ; au bas et en avant de cette palissade, d’autres pointes, tournées vers le dehors[112] : qu’on se figure un hérisson monstrueux, regardant sans cesse vers l’ennemi. Tous les quatre-vingts pieds[113], des tours s’élevaient sur la muraille[114]. A sa base, devant elle, un fossé de quinze pieds de large, et par-devant, un autre fossé encore, d’ordinaire rempli d’eau[115]. En profondeur, en hauteur, en façade, en saillie, l’eau, le fer, le bois, l’osier et la terre s’entremêlaient pour faire obstacle et barrière. — Derrière ce rempart, c’étaient alors les légions en formation de combat, avec leurs machines de guerre qui portaient à 400 pieds jusqu’au fossé extérieur, avec leurs javelots, qui à 25 mètres frappaient ceux qui arrivaient aux remparts, et avec leurs épées enfin, suprême ressource contre l’escalade. — Tout cet appareil de résistance, l’armée romaine l’eut en double, et contre les assiégés et contre l’armée de secours. Derrière ces deux remparts parallèles, elle circulait à l’abri, le long d’Alésia impuissante. C’était comme une forteresse en couronne qui s’était bâtie autour de la montagne, fermant la plaine, barrant les rivières et les vallées, escaladant les pentes, dominant les crêtes des collines, et défiant d’un côté Vercingétorix et de l’autre la Gaule entière[116].

Dans cette œuvre gigantesque, il n’y eut sans doute aucune partie qui fût vraiment originale, et l’œuvre propre de César. C’est par des lignes de ce genre que se firent tous les blocus des villes anciennes, chez les Grecs et chez les Romains ; et si les assiégeants se trouvaient menacés par une armée de secours, ils répétaient les lignes du côté extérieur. Scipion Émilien avait entouré Numance de la même façon que César entourait Alésia. Et je crois que le siège fameux de la ville espagnole, conduit par le plus habile des poliorcètes de Rome, a servi de modèle à l’œuvre du proconsul des Gaules[117].

Mais celui-ci osa faire concourir à la défense de ses lignes des choses très diverses, et notamment le système des pièges au ras du sol. Quand on les proposa à Scipion Émilien, le grand homme s’indigna[118] : car il faisait la guerre à des hommes et en soldat, et non pas en chasseur de bêtes. César n’éprouva pas ce scrupule, et on ne peut l’en blâmer. Il n’aurait jamais assez d’hommes pour défendre tous ses retranchements, s’ils étaient assaillis de partout[119]. Qu’on songe à leur immense étendue : quatre lieues du côté d’Alésia, cinq lieues du côté de la campagne[120], soit vingt-cinq milles de front, et, pour les couvrir, quarante à cinquante mille hommes seulement[121]. Les pièges à bêtes n’étaient point de trop pour briser le premier élan de l’ennemi[122].

Car ce qu’on apprenait à César des desseins de son adversaire le frappait d’inquiétude. Vercingétorix avait donné l’ordre qu’on amenât contre les légions tous les hommes capables de tenir une arme[123]. Plus d’un million d’êtres allaient se répandre autour des lignes romaines et se ruer à l’assaut. Que cette multitude ne renfermât guère que de misérables combattants, dont cent ne valaient pas un primipile, César le savait bien, et aussi Vercingétorix, qui s’était toujours défié des grandes foules. Mais si le roi des Arvernes recourait maintenant au nombre, et rien qu’au nombre, s’il voulait une attaque aveugle, un assaut à la gauloise, c’est qu’il savait également que ni l’infanterie d’élite enfermée dans Alésia ni les meilleurs des soldats du dehors n’auraient raison des dix légions campées sur leurs murailles. Il connaissait ses ennemis et ses hommes. Sa seule chance de salut, le seul moyen de rompre la digue formidable bâtie par César, ce n’était pas de tenter sur quelques points des brèches médiocres, que la légion réparerait aussitôt : c’était de remplir et de submerger tout, fossés, remblais, camps et cohortes, sous la montée continue de corps innombrables. A ce jour, où la guerre savante n’était plus possible pour le chef vaincu, Vercingétorix revenait aux vieilles pratiques de la nation gauloise. Et cette fois, à la différence de la journée de Dijon, il me semble qu’il a vu juste.

 

VII. — LA PRÉPARATION DE L’ARMÉE DE SECOURS.

La Gaule, sans aucun doute, aurait fait le sacrifice de tous ses hommes à sa liberté et à son chef. Un frisson d’enthousiasme et de colère courait dans la nation. Toms voulaient abolir la trace des années de servitude. Ceux mêmes que César avait aimés et protégés ne songeaient plus qu’à effacer leur honte. Les glorieux souvenirs de la grandeur d’autrefois revivaient dans les esprits. Et de l’Océan jusqu’au Rhin, le désir de l’indépendance donnait une seule volonté et une âme commune au corps réveillé des peuples gaulois[124].

C’est le proconsul qui parle ainsi dans ses Commentaires, et il admire la merveille. Vercingétorix continuait à inspirer la Gaule et à étonner son rival. César percevait devant lui une vision prodigieuse et nouvelle, celle d’une nation puissante qui refait son unité, qui recrée ses énergies, et qui se refuse à mourir sous les injures de l’étranger. Et cette passion de la liberté, soulevant tous les hommes à l’appel de son héros, pouvait lui rendre la victoire sous les murs d’Alésia.

Par malheur, les chefs du dehors furent trop sages. A l’arrivée des messagers de Vercingétorix, ils se réunirent en conseil[125]. Au lieu d’obéir, on discuta les projets du roi. Il fut reconnu qu’on aurait de la peine à nourrir la multitude d’hommes qu’il réclamait, qu’elle serait difficile à conduire et à grouper[126] : c’était juste ; mais elle n’aurait pas à faire campagne, et, pour l’assaut rapide qu’elle donnerait, quelques heures devaient suffire. On résolut de limiter l’armée de secours à deux ou trois cent mille hommes, et on fixa le contingent de chaque cité[127]. Des ordres furent aussitôt envoyés ; le lieu de concentration fut indiqué sur terre éduenne, pas très loin d’Alésia[128].

Il faut croire que de telles convocations de députés et de telles levées d’hommes, que ces messages, ces marches, ces rendez-vous, aient été choses habituelles aux Gaulois, que des rouages communs et réguliers, courriers, relais et bonnes routes, aient fonctionné d’un bout à l’autre de la contrée, pour qu’en un mois à peine tous ces résultats aient été obtenus, que toute l’armée se soit rassemblée, et que personne n’ait manqué à l’appel[129]. Les Bellovaques, seuls, ne consentirent pas à fournir le contingent fixé : ils déclarèrent qu’ils feraient la guerre en leur nom et à leur guise, et qu’ils ne reconnaissaient aucun chef ; cependant, à la prière de Comm, qui était leur hôte, ils envoyèrent deux mille hommes[130]. Tous les autres peuples furent présents au jour dit, et avec l’effectif ordonné, même les Osismiens du Finistère, les Morins de la Flandre, les Helvètes de la Suisse ; et les Nerviens, presque détruits il y avait cinq ans, ne refusèrent pas la jeunesse qui avait grandi depuis le désastre, six mille hommes[131].

L’armée assemblée, les chefs perdirent encore quelque temps à des affaires d’administration et de protocole. On passa les hommes en revue, et on les dénombra[132]. Puis, on organisa le commandement : il fut remis à quatre chefs supérieurs et à un conseil de guerre composé de délégués des cités[133]. — Tout cela, ces longueurs et ces minuties, en vue d’une marche de quelques jours, d’un assaut qui réussirait ou échouerait en quelques heures ! car, en définitive, il s’agissait pour ces hommes, non pas de guerroyer à. leur manière, mais de sauver le chef souverain et de se remettre ensuite sous ses ordres. Et je soupçonne encore, dans cette façon d’agir, la jalousie toujours éveillée des Éduens. De fait, ils se taillèrent la plus belle part dans le haut commandement. Des quatre chefs qui furent élus, un seul pouvait défendre la cause de Vercingétorix lui-même, son cousin Vercassivellaun l’Arverne ; un second, Comm l’Atrébate, représentait les intérêts légitimes de la Belgique ; mais les deux autres furent les deux inévitables intrigants, Éporédorix et Viridomar[134], et cela seul indique quelles arrière-pensées d’ambition se dissimulaient sous ces lenteurs et ces manigances. La levée en nasse refusée à Vercingétorix, les deux chefs éduens mis à la tête de l’armée qui venait à lui, c’était l’échec de son grandiose projet, de cet acte d’enthousiasme universel qu’il avait rêvé.

 

VIII. - L’ATTENTE À ALÉSIA.

Autour de Vercingétorix et de César la vie continuait, ballottée entre la crainte et l’espérance.

Au début, le chef gaulois faisait descendre ses hommes pour inquiéter les travailleurs et détruire ce qu’on pouvait de leur ouvrage[135]. Cela donna quelque mal à César, qui, vu l’étendue des lignes, était obligé de multiplier les escouades et de les envoyer parfois fort loin des camps[136]. L’installation des pièges rendit le repos à ses troupes[137], et Vercingétorix cessa d’engager les siennes, les réservant pour les combats prochains.

Le proconsul acheva son double retranchement. Il ne fut plus obligé de disséminer les cohortes à la recherche des matériaux. Pour leur éviter le danger des courses lointaines, il rassembla le fourrage et le blé nécessaires à un mois d’entretien, et il défendit qu’on sortit des lignes[138]. Les rations furent strictement mesurées[139], et les souffrances de la faim commencèrent pour les légions[140].

Dans Alésia, elles devenaient intolérables. On avait du blé pour un mois. Vercingétorix le fit durer plus encore[141]. Près de cent mille hommes s’entassaient dans la ville, soldats et habitants, massés et serrés comme des bestiaux dans un parc, ne songeant qu’à ne point mourir de faim. Aucune nouvelle, aucune espérance ne parvenait du dehors. Les assiégés virent arriver la date fixée à l’armée de secours, et ils la virent passer sans qu’aucune troupe ne parût à l’horizon[142]. Une journée vint, où le blé manqua. C’était la mort à brève échéance[143]. Le conseil des chefs fut convoqué[144].

Quelques-uns parlèrent de se rendre. D’autres songeaient à une sortie en masse. La résolution la plus sage, quoique la plus dure, était d’attendre à tout prix. L’Arverne Critognat la défendit dans un discours d’une sauvage éloquence. — Il montra que la sortie et la bataille n’avaient, d’un acte de bravoure, que l’apparence ; il traita ses compagnons comme Vercingétorix avait traité devant Avaricum ses soldats impatients de combattre : c’était faire preuve de lâcheté que de ne savoir souffrir de la fatigue et de la faim, et le suicide par le combat était plus facile que la résistance au mal. Et Critognat proposa d’imiter les ancêtres, qui, assiégés par les Cimbres et les Teutons, étaient arrivés jusqu’au jour de la délivrance en se nourrissant de la chair de ceux qui ne pouvaient combattre. Cependant, dit-il, les Teutons ne cherchaient que le butin, et les Romains sont venus pour asservir à jamais : la liberté de la Gaule mérite bien ce sacrifice ; si les aïeux n’en avaient point donné l’exemple, il eût été beau de l’imaginer et d’en léguer la gloire aux générations futures[145]. —

Critognat releva les courages, et arrêta les premières paroles de lâcheté. On n’osa recourir aussitôt à l’expédient des ancêtres, et on se borna à rejeter hors de la ville les non-combattants. Mais si le siège devait durer encore, la résolution fut prise de s’entre-dévorer plutôt que de traiter avec l’ennemi[146].

Les habitants d’Alésia furent expulsés de la ville. Elle ne devait plus être qu’une forteresse réservée à la défense éternelle. Les malheureux, descendant la montagne jusqu’au fossé des Romains, s’offrirent comme captifs et butin, si on voulait seulement les nourrir[147]. Mais les légions au service de César ne manquaient jamais d’esclaves, et, en ce moment, elles craignaient de manquer de pain. Le proconsul donna l’ordre de repousser les fugitifs[148], et ils errèrent dès lors entre les lignes et la place, suppliants, hagards, mourant de faim, et les flancs de la montagne se jonchaient de cadavres[149].

Un jour enfin, l’armée de secours arriva[150] sur les hauteurs qui faisaient face à Alésia. Elle s’y installa (derrière Mussy-la-Fosse), à un mille seulement des lignes de César[151]. Le lendemain au matin, ses cavaliers se répandirent dans la plaine[152].

D’Alésia, les assiégés aperçurent leurs frères[153] Ce fut le délire des plus grandes joies, les hommes courant, les paroles se croisant, l’allégresse rendant à tous le courage et l’espérance. Et on se prépara à l’attaque immédiate (septembre ?)[154].

César et les légionnaires pouvaient suivre des yeux l’immense multitude qui se déroulait dans la plaine et sur les coteaux. C’était l’heure des pires dangers qui s’approchait[155]. D’Alésia descendraient Vercingétorix et ses 80.000 fantassins, rompus à la fatigue, experts au métier, bien dirigés, et luttant en désespérés. De la Gaule arrivaient 8.000 cavaliers, 250.000 hommes de pied, troupes médiocres sans doute, mais ardentes et joyeuses, confiantes dans leur nombre et leur élan[156]. Et maintenant, battue par les flots des ennemis, la ville forte de César n’était plus qu’une étroite bande de terre, que l’effort des vagues convergentes menaçait d’engloutir bientôt[157].

 

IX. — LES DEUX PREMIERS COMBATS.

Mais, pour rompre ou submerger les lignes de César, il aurait fallu que l’effort fût universel et continu ; et, du côté de l’armée de secours, les chefs ne voulurent jamais exposer toutes leurs troupes. Déjà, par le refus de la levée en masse, ils avaient fortement restreint les avantages du nombre. Ils achevèrent de s’en priver par leurs hésitations et leurs maladresses.

Le premier jour, ils n’engagèrent que leur cavalerie[158]. C’était une sottise. Car une victoire de leurs cavaliers ne leur donnerait aucune prise sur les retranchements de César, et une défaite les mettrait à découvert en cas de retraite ou dé défensive. Mais les Gaulois ne pouvaient renoncer à la folie des charges héroïques ; et, bien qu’elles eussent été deux fois condamnées par les batailles précédentes, ils coururent à une troisième défaite.

Vers midi, les 8.000 cavaliers gaulois offrirent le combat dans la plaine des Laumes[159], pendant que les gens d’Alésia, de l’autre côté de cette même plaine, assaillaient les retranchements romains[160]. César laissa ses légions dans les camps et sur les remparts, et envoya ses cavaliers accepter la bataille[161].

Les Gaulois de l’armée de secours avaient flanqué leurs escadrons de quelques pelotons d’archers et d’infanterie légère. Cela leur permit de soutenir plus longtemps le combat, et un instant de se croire victorieux[162]. Mais, au coucher du soleil, César massa sur un point les brigades des Germains, et, rangs serrés, files rapprochées, les lança à la charge[163]. L’ennemi se débanda sous le choc ; les tirailleurs, laissés en souffrance, furent entourés et égorgés, et traquée de toutes parts, la cavalerie gauloise se dispersa[164].

Pendant ce temps, les assiégés firent de la bonne besogne. Avec de la terre et des clayons, ils comblèrent le grand fossé extérieur[165], et ils se préparaient à pousser plus loin. Mais la défaite des cavaliers les obligea à la retraite, et ils remontèrent tristement vers Alésia, prévoyant déjà la fin de toute espérance[166].

La défaite rendit un peu plus sages les Gaulois du dehors. Ils se décidèrent à l’assaut, et passèrent vingt-quatre heures à fabriquer des échelles, des crocs et des clayonnages[167]. Vers minuit[168], ils partirent pour l’attaque, mais sans s’être informés de la nature des défenses, des points les plus faibles et les plus forts[169]. Et, comme ils allèrent au plus proche, qui était les lignes de la plaine[170], ils se trouvèrent en face des redoutes les mieux gardées et des retranchements les plus garnis. D’ailleurs, ils ne mirent en avant qu’un nombre limité d’assaillants[171].

Arrivés aux lignes extérieures, leur clameur avertit les assiégés : Vercingétorix y répondit en faisant donner le signal de la descente. Les deux armées, cette fois, marchèrent au devant l’une de l’autre, et toutes deux avec leur appareil de siège[172].

C’est celle de Vercingétorix qui pénétra le plus avant dans les lignes. Elle put franchir le grand fossé[173], éviter ou détruire les pièges[174], et commença même à combler le premier des deux fossés qui bordaient le rempart[175]. — Au début, l’armée de secours alla presque aussi vite. Devant le fossé extérieur, un combat à distance s’engagea entre les frondeurs ou les archers gaulois et les machines de l’artillerie romaine[176]. Les Barbares remportèrent, grâce au nombre de leurs tireurs : le fossé fut franchi[177]. Muais ils entrèrent alors dans le champ des pièges, qu’ils ne prévoyaient pas : les premiers rangs furent décimés par ces engins invisibles, la surprise et la crainte troublèrent les Gaulois, l’artillerie romaine, secourue par les postes des redoutes voisines, redoubla d’efforts, et les plus avancés des assaillants tombèrent sous les coups des javelots de forteresse[178] Le jour se leva sur cette scène de lutte et de désordre : les Barbares virent devant eux la muraille intacte, et, des deux côtés de la plaine, les hauteurs garnies de légionnaires. Et ceux-ci, comme aucune diversion ne menaçait les camps des collines, étaient prêts à se déverser sur les flancs de l’ennemi. Les Gaulois s’épouvantèrent à la pensée d’être enveloppés, et ils se hâtèrent d’abandonner le combat[179]. — Vercingétorix et les siens durent se retirer à leur tour, et ils reprirent une seconde fois le chemin d’Alésia, sans avoir pu faire brèche dans la muraille de César[180].

 

X. — LA DERNIÈRE BATAILLE D’ALÉSIA.

Les quatre chefs et leur conseil se résolurent enfin à un peu de prudence et à un plan réfléchi. Ils firent venir les gens du pays, et s’informèrent au sujet des travaux de César[181]. On leur apprit que, sur leur gauche, les défenses étaient beaucoup moins fortes : il y avait là un gros éperon montagneux (le mont Réa), que le proconsul n’avait pu comprendre dans ses lignes : il s’était borné à les faire passer à mi-hauteur, en contrebas du sommet[182], et sans douter vu la nature du terrain, les fossés et la bande des pièges étaient-ils là moins larges et moins fournis[183]. C’était le point souhaité pour une attaque sérieuse : on en chargea 60.000 hommes, les meilleurs soldats de l’armée, commandés par Vercassivellaun, le cousin de Vercingétorix[184].

L’Arverne manœuvra fort bien, à l’insu de César. Il partit dans la nuit[185], fit un long détour (par les vallées de la Brenne et du ru d’Éringes ?), reposa ses troupes le matin[186], et, à midi, heure fixée, apparut sur le sommet du mont Réa, par-dessus les lignes romaines[187]. A la même heure, ce qui restait de cavaliers gaulois s’approchèrent des fossés de la plaine[188], et les 200.000 fantassins se montrèrent sur les flancs des hauteurs de Mussy, prêts à assaillir le reste des retranchements[189]. L’attaque serait plus forte sur le mont Réa : mais elle serait générale[190]. A ce plan il n’y avait rien à redire. — Vercingétorix y répondit aussitôt avec sa décision coutumière. Pour la troisième fois, il descendit avec ses hommes, et les mena contre les lignes de la plaine des Laumes[191], entamées les journées précédentes. — Et, sur ces deux points, le fort du combat s’engagea[192].

Au mont Réa, Vercassivellaun réussit le premier à faire quelque chose. Sous la terre que jetaient ses hommes, les fossés et les défenses extérieures disparurent, comblés et nivelés par cette multitude apportant et entassant des matériaux sans relâche[193]. Pour une besogne de ce genre, le nombre était le principal, et les légionnaires, tenus en respect par les archers ennemis, ne pouvaient arrêter cette foule[194]. — Dans la plaine, Vercingétorix avait plus à faire. Il touchait au rempart, mais celui-ci tenait bon, et les légionnaires, malgré leur fatigue, ne rompaient pas[195].

César, des pentes de la montagne de Flavigny, suivait des yeux les deux combats[196]. Par bonheur pour lui, la bataille ne se livrait que là où il pouvait regarder et intervenir, à ses pieds dans la plaine des Laumes, en face de lui sur le mont Réa. Car les Gaulois des camps de Mussy et les cavaliers d’en bas paraissaient s’en tenir à une simple démonstration. D’aucune autre partie du rempart on ne signalait une attaque sérieuse[197]. Le proconsul put porter des renforts sur les points menacés[198], et mettre en branle ses principales ressources. Les hésitations du gros de l’armée gauloise lui laissaient toutes ses chances.

Contre Vercassivellaun, il envoya six cohortes et Labienus, en l’autorisant, en cas de danger, à la mesure suprême, la sortie au pas de charge[199]. Lui-même marcha au secours des lignes de la plaine, harangua ses hommes, et, face à Vercingétorix, soutint et ranima le combat[200].

La situation devenait moins bonne pour le roi des Arvernes. Rien ne fléchissait encore, ni le rempart ni les hommes[201]. Et il avait César devant lui. — Mais il ne s’entêta pas dans la plaine, et, brusquement, tournant ses troupes et ses machines vers sa gauche, il gravit les pentes de la montagne de Flavigny[202].

César, semble-t-il, n’attendait plus d’ennemi sur ce point. Il avait dû le dégarnir pour renforcer les lignes menacées. L’arrivée de Vercingétorix surprit et troubla les légionnaires. Malgré les dangers d’une attaque en contrebas, le Gaulois écarta tous les obstacles. Les artilleurs des tours, il s’en débarrassa à coups de flèches ; les fossés, il les combla très vite ; les pièges, sur ce point, manquaient ou s’évitaient sans peine. Il atteignit la terrible muraille, et ses faux de guerre firent enfin la première brèche[203]. — A la même heure, bien qu’il eût devant lui Labienus, Vercassivellaun avait franchi les derniers fossés, et le flot des Gaulois débordait sur le rempart[204].

La minute décisive était arrivée. Sur les deux points, les chefs arvernes avaient rompu les lignes romaines. Jamais Vercingétorix ne fut plus près de la victoire, ni César de la défaite finale. Si les autres chefs avaient alors lancé leurs 200.000 hommes contre le reste des lignes, si l’attention du proconsul avait été détournée un seul instant des deux champs de bataille, les brèches s’élargissaient démesurément, la multitude gauloise se répandait dans les camps, et l’armée du peuple romain, coupée en lambeaux, était perdue sans remède.

Mais aucun des chefs du dehors ne se présenta pour donner la main à Vercingétorix. Ni dans la plaine des Laumes, ni sur la montagne de Flavigny, son assaut ne fut appuyé par un assaut parallèle. Soit désir de ménager leurs hommes, soit jalousie à l’endroit des deux Arvernes, les chefs Éduens restèrent dans une indifférence qui était une forme de la trahison. — César et Labienus purent donc sans autre souci, s’attacher à leurs adversaires.

Contre Vercingétorix, le proconsul envoya Brutus et de nouvelles cohortes[205]. L’Arverne avançait toujours. César expédia Fabius et d’autres troupes. Le chef gaulois ne céda pas[206]. Il avait devant soi, Labienus mis à part, les deux meilleurs officiers de l’armée : ils ne purent rien contre lui. Alors César monta lui-même avec des troupes fraîches, et dirigea le combat contre Vercingétorix[207]. Une fois encore, les deux rivaux luttèrent face à face, à portée de voix l’un de l’autre. En ce moment, presque toute l’armée romaine, légionnaires et légats, était concentrée contre les deux chefs arvernes, divisée en deux tronçons, que séparait une lieue de distance. — Mais l’arrivée de César rétablit les affaires sur le coteau de Flavigny : Vercingétorix, sans abandonner la partie, dut ralentir. Et le proconsul, rassuré sur ce point, put regarder du côté de Labienus[208].

Là-bas, sur les pentes du mont Réa, le danger croissait de minute en minute, Labienus cédait pas à pas. L’ennemi était entré dans les lignes[209]. — Alors, laissant là Vercingétorix, César donna des ordres, et courut au secours de son légat[210].

Labienus n’avait plus d’espoir que dans une trouée, la sortie en masse au pas de charge. Il ramena en arrière les défenseurs du rempart, les réunit aux garnisons des redoutes les plus voisines, put grouper ensemble quarante cohortes, la valeur de quatre légions, avertit César et se prépara[211]. Le proconsul, dans les lignes d’en bas, hâtait sa marche ; derrière lui accouraient des cohortes et des cavaliers de renfort[212] ; à sa gauche, en dehors des défenses, d’autres escadrons traversaient la plaine des Laumes pour prendre à dos Vercassivellaun[213]. La moitié de l’armée romaine se précipitait contre l’Arverne. — Les Gaulois du dehors n’essayèrent pas de venir à son aide. Dans la plaine, aucun d’eux n’empêcha la diversion qu’allaient faire les cavaliers de César. Pour les chefs éduens, le combat n’était plus qu’un spectacle.

A la vue du proconsul qui s’approchait, le manteau de pourpre flottant sur les épaules, Vercassivellaun n’attendit pas la charge de Labienus, et, de la montagne, il précipita les siens sur les cohortes romaines[214]. Une formidable clameur retentit dans les deux armées, à laquelle de partout répondirent des cris sans nombre[215]. Le choc fut si rapide que les légionnaires ne purent lancer le javelot, et que le corps à corps commença aussitôt[216]

Les rangs se mêlèrent. Soudain, sur les hauteurs du mont Réa, apparurent les cavaliers de César[217], et, pris entre deux dangers, les Gaulois reculèrent, mais pour se heurter aux chevaux qui arrivaient. Ils n’étaient déjà plus qu’une cohue en désordre, à la merci des escadrons ennemis. Germains et Romains s’en donnèrent à cœur joie. On prit Vercassivellaun ; on tua Sédulius, chef et magistrat des Lémoviques ; 74 enseignes de guerre furent apportées à César[218].

Pendant ce temps, Vercingétorix s’acharnait toujours contre le rempart des Romains[219]. Pas une seule fois, dans cette journée, il ne s’était arrêté de combattre. Après quarante jours de fatigues et de famine, ses hommes et lui furent encore admirables de force, de courage, de ténacité. 11s ne pouvaient s’arracher des lignes de César. Vercingétorix savait bien qu’il luttait pour la dernière espérance, et que c’était sa dernière heure de bataille.

Il fallut pourtant lâcher l’ennemi. D’en haut, les gens d’Alésia virent les premiers la défaite de Vercassivellaun. Leurs clameurs avertirent Vercingétorix. Et il reprit une dernière fois le chemin de la cité[220].

Déjà, le reste de l’armée de secours avait quitté son camp[221]. Dans la nuit, César alla à sa recherche avec ses cavaliers, et il rejoignit l’arrière-garde[222]. Les Gaulois, le voyant si peu entouré, crurent facile de résister. Mais leur bonne contenance ne dura pas, et ce fut un nouveau massacre. Les autres se dispersèrent, chaque contingent regagna sa cité[223], et l’immense multitude disparut, comme les fantômes d’une nuit de cauchemar[224].

 

XI. — VERCINGÉTORIX SE REND À CÉSAR.

Vercingétorix n’avait encore connu que les journées de lutte et de victoire : il s’y était révélé un chef de premier ordre, à l’intelligence précise, à la décision rapide, à l’imagination entraînante. Il restait à savoir de quelle trempe était son âme : l’heure de la défaite le montrerait.

Jeune, vigoureux, sans blessure, il pouvait fuir au travers des lignes de César, rejoindre ses amis du dehors, Drappès et Lucter, recommencer avec eux une guerre de partisans[225] : mais il ne songea pas à abandonner ses soldats. — Il pouvait, à leur tête, essayer un dernier effort, sinon pour s’échapper ensemble, du moins pour chercher une mort commune[226] : mais il ne voulut pas briser sans profit tant d’existences. — Et il se résolut à rester, et à tâcher de sauver les siens.

Le plus sûr moyen de leur épargner la mort, était qu’il s’offrît à César en victime expiatoire[227]. Son sacrifice suffirait peut-être à la vengeance du peuple romain. Dans la nuit même qui suivit le désastre, il envisagea son nouveau destin, et il l’accepta sans regret[228].

Le matin, il convoqua une dernière fois l’assemblée des chefs, et leur fit part de sa décision[229]. — Il avait voulu la guerre par amour de la liberté de tous, et non pour le pouvoir ou la gloire[230]. La Fortune avait prononcé contre la Gaule[231] : il était prêt à mourir afin de sauver l’armée. Que les chefs fissent de lui ce qu’ils voudraient, et qu’ils le livrassent à César, mort ou vivant[232]. —

On accepta ce sacrifice[233] : une invincible lâcheté pesait sur ses compagnons, après ces semaines de famine, de bataille et d’angoisses. Des messagers partirent pour le camp romain. Les conditions ordinaires furent accordées par le proconsul : la livraison des armes et des chefs[234], et sans doute la vie sauve à tous en échange de Vercingétorix. César, sur son tribunal, attendit la reddition des vaincus[235].

Vercingétorix apparut à l’improviste[236], vêtu de ses plus belles armes, monté sur son cheval de bataille[237]. Il venait, paré comme une victime, s’offrir à son ennemi[238]. Son cheval fit au galop le tour du tribunal[239], puis s’arrêta devant le proconsul. Le Gaulois sauta à bas de sa monture, jeta ses armes aux pieds du Romain[240], et, s’agenouillant sans rien dire, il tendit ses mains ouvertes[241], dans le geste consacré du vaincu qui avoue sa défaite[242].

Les assistants étaient émus de pitié[243]. Mais César refusa de comprendre cette grandeur d’âme. Il ne vit qu’une chose, l’homme qui lui avait arraché ses conquêtes et qui l’avait fait douter de sa fortune. Et il s’irrita à cette vue, invectiva son rival, lui reprocha sa trahison[244]. Vercingétorix ne répondit rien, et le silence qu’il sut garder fut une suprême victoire sur César[245].

Il fut mis aux fers à l’instant même[246]. Désormais, le maître de toutes les Gaules n’est plus qu’un corps misérable, traîné de prison en prison, jusqu’au jour du triomphe de César, qui sera celui de son exécution[247]. Sa véritable vie prit fin à l’heure où il se rendit. Et ce fut, sur le sol de ses ancêtres, sa dernière volonté de chef et son dernier acte de Gaulois (septembre[248]).

De cet acte simple et solennel, nul n’a jamais contesté l’émouvante grandeur. Les historiens de tous les pays et de toutes les tendances, ceux qui n’ont eu que colère et dédain pour les faiblesses des Celtes, ceux à qui le mirage des idées fait oublier la vie des hommes et qui se refusent à chercher des héros, Allemands acharnés à flageller la France sous le nom de Gaule, Français qui redoutent de céder à leur patriotisme, tous se sont inclinés de respect devant le sacrifice de Vercingétorix. Il mourut en homme de cœur, a dit l’un[249] ; et ce fut, a dit un autre, un parfait chevalier[250]. — Ces deux expressions pourtant, si justes qu’elles paraissent, ne donnent pas le sens exact de son sacrifice. Certes, il y eut dans cette marche à la mort la bravoure du guerrier, et il y eut aussi l’héroïsme chevaleresque : elle fut soutenue par ces mêmes sentiments de courage et d’abnégation qui ont inspiré le chevalier du Moyen Age et qui animent le soldat d’une armée nationale. Mais ne mesurons pas le dernier acte de Vercingétorix à un idéal de siècles voisins de nous ; jugeons-le d’après la manière dont un homme de son temps et de son pays concevait la vie, les devoirs et les dieux. Le chef gaulois s’est donné comme une victime destinée à sauver d’autres hommes ; il a livré sa vie à ses dieux ou aux dieux de Rome en échange de la vie de ses soldats. — Après tout, pour être imprégné d’esprit religieux, cet abandon ne perd pas de sa beauté, et il n’en émane pas moins de vertus éternelles, l’oubli de soi-même et l’amour des hommes.

C’était un bonheur pour la Gaule qu’elle finît sur un tel chef. Après Vercingétorix, personne plus que des proconsuls de Rome ne lui commandera en souverain. Avant lui, elle avait eu d’autres maîtres, Celtill, Bituit, Luern, Ambigat. Mais leurs figures se perdaient dans le vague de l’oubli ou de la légende. Vercingétorix avait été un homme d’une nature supérieure, épris de gloire et de noblesse, aux dons variés, d’une vie intense, puissante et originale. Le dernier des chefs de la Gaule fut le plus grand, à la fois par ce qu’il valait et par ce qu’il a réussi à faire. Il a soulevé toutes les nations, il leur a rendu une conscience commune, il a refait d’elles une patrie. Cette patrie, il l’a dotée aussitôt des institutions militaires et de la discipline sociale qui auraient pu la sauver ; et s’il a échoué dans sa tâche, ce fut surtout la faute d’autres hommes. Pour l’accomplir, il a lutté sans repos sur les champs de bataille les plus divers. Il a livré six combats, soutenu trois sièges, et, jusqu’au dernier soir d’Alésia, il a fait redouter la défaite à César.

Toute cette œuvre, qui nous semble si longue et si pleine, a duré trois saisons à peine. Vercingétorix, pour l’histoire, a vécu moins d’une année. Il apparaît à la fin de l’hiver, il disparaît aux approches de l’automne. La brièveté de cette existence ajoute à sa beauté. Il ne lui a pas été donné toute une vie d’homme, comme à Hannibal et à Mithridate, pour lutter contre le peuple romain. Je ne dis pas qu’il soit plus grand qu’eux : mais il ne leur est pas inférieur, et il a un charme qui leur fait défaut. Et entre César et lui, je n’hésite pas : il était le véritable héros, l’homme digne de commander à des hommes et de plaire aux dieux. — Mais les dieux de ce temps, comme dira le poète, n’aimaient pas les nations vaincues.

 

 

 



[1] VII, 63, 8.

[2] VII, 63, 9.

[3] Voyez combien de fois le mot principatus revient chez César : I, 3, 5 : 31, 3 ; 43, 7 ; V, 3, 2 ; 8, 9 ; 12, 6 ; VII, 4, 1 ; 39, 2 ; 63, 8.

[4] Ædui... queruntur fortunæ commulationem et Cæsaris indulgentiam in se requirunt ; 63, 8.

[5] Inviti... parent ; 63, 9.

[6] VIII, 45, 2.

[7] Perfugis..., quorum magnus ad eum cotidie numerus confluebat ; 44, 2.

[8] 64, 1 (diemque ? je n’accepte pas les corrections decimum diem ou diem XVI proposées par Mommsen ou d’autres).

[9] 64, 1.

[10] 64, 2 ; cf. 71, 3 ; 77, 8.

[11] LXXX millia hominum delecta, 71, 3.

[12] 64, 4 et 5. Par Lyon ?

[13] 64, 6. Par le col du Pal ?

[14] 64, 6. Par Le Vigan d’un côté et Lodève de l’autre ? Il ne s’agit que des Volques Arécomiques (Nîmes et Béziers), Vercingétorix n’ayant pas osé menacer Toulouse et Narbonne.

[15] 64, 7 et 8 : Imperium totius Provinciæ. C’était peut-être le retour à l’ancien état de choses. Dion se trompe évidemment en disant que Vercingétorix alla les attaquer (fausse traduction de sollicitat ? XL, 39, 1).

[16] Ad reliqui temporis pacem, 66, 4.

[17] 64, 2 et 3.

[18] Il est possible que Vercingétorix ait eu connaissance de la tactique des Parthes contre Crassus.

[19] Neque fortunam tentaturum aut in acie dimicaturum ; 64, 2.

[20] VII, 65, 3. Ce refus des Allobroges peut s’expliquer par des faveurs particulières accordées par César à quelques chefs (De b. c., III, 59).

[21] VII, 65, 1 : le légat est L. (Julius) Cæsar, cousin du proconsul ; les 22 cohortes ont été levées dans la Province, en partie sans doute pendant l’hiver (VII, 7, 5) ; peut-être faut-il compter parmi elles la VIe légion, dont l’histoire est si énigmatique.

[22] 65, 2 : d’après César, les Helviens auraient sans ordre attaqué les premiers le pays des Vellaves, auraient été battus, perdant le princeps civitatis, C. Valerius Donnotaurus, Caburi filius, et se seraient réfugiés intra oppida.

[23] César a dû, après sa jonction avec Labienus, marcher par Auxerre, Tonnerre et Châtillon, où est un important carrefour. De Châtillon il a pu traverser la montagne par Beneuvre. Mais je crois qu’il a fait le détour de Langres. En tout cas, je le suppose suivant, à partir de la Tille, la route qui mène vers Dijon en longeant le bas de la montagne. — Cet itinéraire n’est qu’une hypothèse, aussi bien que l’emplacement que j’assigne à la bataille, qui eut lieu sur cette route. Voici les termes de la question. — I. Il n’y a aucun doute sur deux points : 1° la rencontre eut lieu chez les Lingons (cf. Plutarque, César, 26) ; 2° à l’extrémité de leur territoire, per extremos Lingonum fines, 66, 2. — II. Il est très probable que cette extrémité doit être cherchée, non à l’ouest ou au nord du territoire lingon, mais au sud-est, le plus près possible de la Franche-Comté et de la frontière romaine : 1° sans quoi César eût-il dit qu’il marchait in Sequanos (66, 2) ? 2° eût-il rappelé qu’il allait secourir sa province (66, 2) ? 3° Vercingétorix eût-il dit que les Romains étaient sur le point de fugere in Provinciam, Gallia excedere (66, 3) ? — III. Le point précis de la bataille doit donc être cherché sur une des routes qui, au sud-est de Langres, quittent le bas des montagnes pour obliquer vers le sud-est et entrer en Franche-Comté, à savoir : 1° la route de Langres, Seveux, Besançon ; 2° celle de Langres, Mirebeau, Pontailler, Dôle (route de la Vingeanne) ; 3° Langres ou Châtillon, Til-Châtel, Dijon, Saint-Jean-de-Losne. J’ai préféré celle-ci, la. plus méridionale, parce que : 1° c’est celle qui est le plus proche d’Alésia, où Vercingétorix arriva le lendemain de la bataille ; 2° c’est la plus commode, celle qui traverse le meilleur pays, qui permet de rester le plus longtemps chez les Lingons, que César avait intérêt à quitter le plus tard possible ; 3° cette route (qui peut mener au Rhône par Saint-Jean-de-Losne, Louhans, Bourg et Pont-d’Ain) permet d’éviter les défilés du Jura, auxquels les autres conduisent ; 4° elle permet de traverser le moins possible du pays séquane, qui était hostile (VII, 75, 3) ; 5° Vercingétorix, le jour de sa défaite, n’était pas loin des montagnes, puisque César put à peine poursuivre son infanterie. — J’écarte donc sans hésiter les systèmes qui mettent le combat à l’ouest ou au nord d’Alise : I. Dans la vallée de l’Armançon : entre Tonnerre et Ravières (d’Anville, Eclaircissements, p. 453) ; Perrigny près Montbard (d’après un officier supérieur, du Mesnil, p. 626) ; entre Montbard et Ancy-le-Franc et plus particulièrement Moutiers-Saint-Jean (de Coynart : 1er mém., p. 229 ; 2e mém., p. 224 ; Mém. de la Comm. des Ant. de la Côte-d’Or, IX, 1874-7, p. 141 et suiv. ; d’après lui, Vialay, Bull. de la Soc. des Sc. ... de Semur, XXXIV, 1905, p. 209 et suiv.) ; Jully près de Ravières (Goureau, Bull. de la Soc. d’Études d’Avallon, VII, 1864, p. 1 et suiv.) ; près de Montbard (Rossignol, Mém. de la Comm. des Ant. de la Côte-d’Or, IV, 1853-6, p. 171 et suiv.). II. Dans la vallée de l’Aube : entre Auberive et Prasley (P[istollet] de Saint-F[erjeux], Le Spectateur militaire, IIe s., XLII, 1863, p. 59 et s.) ; entre Montigny et Louesme (d’Aumale, Revue, p. 96). — J’écarte de même ceux, partisans d’Alaise, qui placent la bataille en Franche-Comté à cause du texte έν Σηκουανοϊς (XL, 39, 1), qui n’est qu’une traduction erronée de in Sequanos de César (66, 2). — Je ne crois pas davantage qu’il faille songer à une localité du plateau de Langres (Beneuvre, d’après von Gœler, 2e ed., p. 301). — Mais je ne suis pas sûr qu’il ne faille pas la placer sur un des affluents de la Saône au nord de Dijon. I. Sur la Vingeanne (système de Defay, Étude sur la bataille qui a précédé le blocus d’Alise, Saint-Cloud, 1863, accepté par Napoléon III, p. 331, et fort suivi ; contre ce système, de Coynart, Mém. de la Comm. des Ant. de la Côte-d’Or, VIII, 1870-3 (1873), p. 160 et suiv.). II. Sur la Tille (Kœchly et Rüstow, p. 144). — Les abords de Dijon ont été proposés par Gouget, Mémoire sur le lieu de la bataille livrée avant le siége d’Alésia, 1863 (extrait des Mém. prés. par div. sav. à l’Ac. des Inscr., Ire s., VI, IIe p.), et adoptés par Rice Holmes, p. 780-1. — Voyez les variantes proposées à notre système par Perrenet, Rev. des Ét. anc., 1909, p. 254.

[24] Les ouvrages qui y furent construits (69, 5) sont antérieurs, je crois, à la retraite ; de plus, elle avait assez de provisions ; et enfin, la retraite vers Alésia, si rapide et si décidée, semble bien avoir été prévue.

[25] Te fines Heduos et linzina summa tuentem, Heiricus, V. s. Germani, IV, 263.

[26] La route directe d’Alésia à Dijon est par Houx, Bligny-le-Sec, Saint-Seine, Val-Suzon, Darois, Daix et le bas de Talant ; longueur, 40 kil. jusqu’à Hauteville, 46 kil. jusqu’à Dijon. On trouve, sur ce parcours, vestiges et souvenirs de vieux chemins ; cf. Driotton, Les anciens Chemins de Dijon à Alise, 1906 (Rev. préhistorique illustrée de l’Est de la France, n° 6).

[27] C’est l’endroit où la route directe d’Alésia (n. précédente) débouche sur la plaine de Dijon. Cet arc de cercle des collines d’Hauteville, d’Ahuy et de Vantoux, surplombant de 50 à 100 mètres la vallée du torrent du Suzon, adossées à des montagnes plus hautes et couvertes de bois, est propre à un de ces campements, comme il semble que les recherchait Vercingétorix. César nous dit qu’il campa trinis castris (66, 2) : chaque camp peut-être sur un des trois mamelons. — Gouget (p. 27-8) place les camps gaulois à Dijon et en aval, sur les deux rives de l’Ouche.

[28] 66, 1-3.

[29] VII, 66, 3 et suiv. : Adorirentur.

[30] On peut supposer que Vercingétorix a voulu arrêter la retraite des légions (66, 5, morentur ; comparez 3 à 4).

[31] Cf. 66, 5 : Usu rerum necessariarum et dignitate spoliatum iri.

[32] Venisse tempus victoriæ, 66, 3.

[33] De equitibus hostium, dit Vercingétorix, quia nemo eorum progredi modo extra agmen audeat... non debere dubitare (66, 6).

[34] Il n’a convoqué que les chefs de la cavalerie (66, 3 et 7), et il refuse d’engager l’infanterie (66, 6 ; 68, 1).

[35] Per agmen hostium perequitasset, 66, 7 ; comparez en Bretagne, V, 15, 4 : Per medios perruperunt.

[36] In agmine impeditos, 66, 4. C’est l’ordre de marche vers la Sambre, qui faillit aussi coûter fort cher à César : Inter singulas legiones impedimentorum magnum numerum intercedere (II, 17, 2). C’est également celui du départ de Tongres, qui perdit l’armée romaine : Longissimo agmine maximisque impedimentis (V, 31, 6).

[37] 66, 5.

[38] VII, 66, 7 : Jurejurando... ne tecto recipiatur, ne ad liberos, ne ad parentes, ne ad uxorem adilum habeat, qui non bis per agmen hostium perequitasset.

[39] 66, 3 et 67, 4 : César dit que Vercingétorix campa à dix milles des Romains. Il indique sans doute la distance du dernier camp romain au lieu de l’attaque. On peut supposer ce camp sur les bords de la Tille, sur la colline au nord de Til-Châtel. — Je fais suivre à César la ligne marquée par les hauteurs et la vieille route romaine, Til-Châtel, Norges, Bellefond, Dijon. — Gouget (p. 28 et suiv., p. 54 et suiv.) le dirige le long de la Tille et de la Norge, et j’ai longtemps accepté cette marche (Vercingétorix, p. 379 et suiv.) ; ce qui m’y a fait renoncer, c’est que je doute de l’existence d’une vieille route sur cette ligne.

[40] VII, 66, 6 ; 67, 5 ; 68, 1. Le Suzon peut très bien avoir été appelé flumen par César, comme l’Oze et l’Ozerain. L’armée gauloise a pu être disposée le long de la berge et sur les crêtes, surtout de la colline d’Ahuy, où je crois bien qu’on peut placer le quartier général de Vercingétorix.

[41] 67, 1. Celui de gauche par Asnières, celui du centre par Bellefond, celui de droite par Ruffey et Echirey. Dion exagère en disant ένεκυκλώσατο (XL, 39, 1).

[42] Cela résulte de l’ordre de marche. De même vers la Sambre.

[43] Qua re nuntiata (67, 2).

[44] Si l’on admet que César vient de Til-Châtel. — A Mirande, d’après le système de Gouget (p. 31 et 55).

[45] Consistit agmen, impedimenta infra legiones recipiuntur (67, 3) : je crois que, chronologiquement, pugnatur (67, 2) doit se placer après consistit.

[46] Cela me parait être la même chose que le grand carré formé par Crassus (Plutarque, Crassus, 23). La facilité et la rapidité avec lesquelles les légions ont pu opérer ces mouvements et le choix de cette formation en un seul carré s’expliquent fort bien si l’on remarque qu’elles manœuvraient sur un vaste terrain, très découvert et presque plan, l’espace carré, de deux kilomètres de front, compris aujourd’hui entre Asnières, Bellefond, le fort et la batterie : ce qui était du reste un emplacement fait comme à souhait pour une grande bataille de ce genre. — Vercingétorix avait prévu, non pas cette manœuvre, mais une formation des légions en plusieurs carrés, laissant les bagages en dehors (relictis impedimentis, suæ saluti consulant, 66, 5), c’est-à-dire la manœuvre de Cotta lors de l’attaque d’Ambiorix.

[47] 67, 5.

[48] Cela me parait résulter de 67, 4 et 6.

[49] 67, 3 et 4.

[50] Plutarque, César, 26.

[51] Servius ad Æn., XI, 743 : Cæsar cum dimicaret in Gallia et ab hoste raptus equo ejus portaretur armatus, occurrit quidam ex hostibus, qui eum nosset, et insultans ait Cæsar, Cæsar [var. cecos ac Cæsar], quod Gallorum lingua dimitte significat ; et ita factum est ut dimitteretur. Hoc autem ipse Cæsar in Ephemeride sua dixit, ubi propriam commemorat felicitatem. Il est du reste possible, vu la mention de ces Éphémérides que César n’a pas écrites, que l’anecdote soit fausse.

[52] Si qua in parte nostri laborare aut gravius premi videbantur, eo signa inferri Cæsar aciemque constitui [α, converti β] jubebat ; 67, 1.

[53] Res hostes... tardabat ; 67, 4.

[54] Ce danger me paraît résulter : 1° de ce qui précède ; 2° du tandem de 67, 5 ; 3° du récit de Plutarque, César, 26 (surtout χρόνω πολλώ καί φόνω), qui a ici, évidemment, une source autre que César ; 4° du mot de Dion, άπογνώσει τής σωτηρίας (XL, 39, 2), lui aussi, peut-être, inspiré par ailleurs.

[55] César, VII, 67, 5 ; Dion. XL, 39, 2-3, qui ajoute ici qu’ils durent leur victoire à la fougue de leur élan et à la force de leur corps.

[56] Summum jugum nacti, 67, 5. C’est, aujourd’hui encore, le point capital de cette région (de là le fort), et l’on comprend très bien, sur les lieux, que, maîtresse de ce point, la cavalerie romaine pouvait fermer la retraite vers leur camp des escadrons ennemis : d’où leur fuite immédiate. — Saint-Apollinaire, dans le système de Gouget (p. 30 et 57).

[57] 67, 5. Descente vers Vantoux et Ahuy, mais surtout, je crois, par le vieux sentier qui d’Asnières mène au Suzon et de là au coteau d’Ahuy.

[58] VII, 67, 6.

[59] VII, 67, 6 et 7 : Cotus, ancien candidat à la magistrature suprême, Cavarillus, successeur de Litavic comme chef de l’infanterie éduenne, Eporedorix l’ancien, qui avait commandé les Éduens dans leur lutte contre les Séquanes.

[60] 67, 5 ; 68, 1.

[61] On devrait dire Alisia (Alisiia, C. I. L., XIII, 2880). — L’identification d’Alisia avec Alise-Sainte-Reine en Auxois, aussi certaine que celle de Lutetia avec Paris, repose sur les faits suivants : 1° la continuité du nom (textes chez Holder, l. c. 90 et suiv.) ; 2° le fait qu’Alisia était le chef-lieu d’un pagus, celui des Mandubiens (César, VII, 68, 1), et qu’Alise a été la métropole d’un pagus, qui a pris son nom, celui de l’Auxois ; 3° la découverte, à Alise, d’une inscription (C. I. L., XIII, 2880) et d’un jeton (Rev. num., n. s., VI, 1861, p. 253 et suiv.) au nom d’Alisia ; 4° l’exacte conformité des lieux avec les descriptions de César ; 5° l’adaptation absolue des abords au récit des batailles ; 6° le fait que Diodore parle d’Alésia comme d’une cité sainte, et que le lieu d’Alise l’était encore à l’époque romaine (C. I. L., 2872 et suiv., et les fouilles ; cf. Pro Alesia, parait depuis juillet 1906) ; 7° les découvertes faites lors des fouilles ordonnées par Napoléon III en 1862-5. — L’identité d’Alisia et d’Alise a été acceptée durant le Moyen Age (p. ex., Heiricus, Vita s. Germ., IV, 259 et suiv.), et constamment depuis la Renaissance : [Lempereur], Diss. sur la ville d’Alyse, dans ses Diss. hist., 1706 ; d’Anville, Explication topographique du siege d’Alesia, dans les Eclaircissements, 1741, p. 436 et suiv. (donne déjà les solutions essentielles) ; Guischardt [Quintus Icilius], Mémoires militaires, I, 1758, p. 225 et suiv., III, 1774, p. 491 et suiv. ; de Lo-Looz, Recherches d’antiquités militaires, 1770, p. 52 et suiv., et Défense du chev. de Folard, 1776, Bouillon, p. 56 et suiv. (fait des réserves sur l’identification avec Alise) ; Vaccà Berlinghieri, Examen des opérations et des travaux de César au siège d’Alesia, Lucques, 1812 ; du Mesnil, Notice sur Alesia, Le Spectateur militaire du 15 sept. 1839, XXVII : et les tentatives isolées (en faveur d’Alois) ont été alors mal accueillies. L’intervention d’Alaise, lors de la crise d’hypercritique qui a sévi un peu partout à partir de 1855, a déterminé nombre de travaux en faveur d’Alise. Entre autres : Déy, Alésia, 1856 (Bull. de la Soc. des Sc. de l’Yonne, X, II, 1856) ; Rossignol, Alise, Dijon, 1856 (dans les Mém. de la Comm. des Antiquités de la Côte-d’Or, IV, 1853-6 ; cf. Examen, id., V, 1857-60 ; etc.) ; M. A. Fischer, Heidelberger Jahrbücher, L, 1837, p. 625-47 ; de Coynart, trois mémoires dans Le Spectateur militaire des 15 nov. 1856, 15 févr. et 15 oct. 1857, IIe s., XVI, XVII, XX, et ailleurs ; [duc d’Aumale], Alesia, Étude sur la septième campagne de Jules César en Gaule, dans la Revue des Deux Mondes du 1er mai 1858 (réimprimé à part, 1859) ; Prevost, Recherches sur le blocus d’Alésia, 1858 ; Deville, Considér. sur Alésia, 1859 ; Dansin, Une excursion à Alise, 1865 (extrait des Mém. de la Soc. des Ant. de Normandie, XXV) ; Fr. Lenormant, Mém. sur l’Alesia des Comm., 1870 (Mém. prés. par des. sav. à l’Ac. des Inscr., Ire s., VI, Ire p.) ; Gouget, Mémoire, p. 38 et suiv. ; A. de Barthélemy, Alésia, son véritable emplacement (Revue des questions historiques, II, 1867, p. 1 et suiv.) : Mignard, Archéologie bourguignonne, 1874. — Pour Alaise en Franche-Comté (qui n’a aucun argument en sa faveur, pas même le nom, qui ne vient pas d’Alisia) : Delacroix, Alesia, Découverte, etc., Besançon, 1856, extrait des Mém. de la Soc, d’Émulation du Doubs, IIe s., VII, 1855 (point de départ de la controverse) ; le même, ibid., III, VII, 1862 (1864), IV, II, 1866 (1867), etc. ; Desjardins (qui s’est rétracté, cf. Géogr., II, p. 694 et suiv.), Revue de l’Instruction publique, 12 juin 1856, 8 et 15 oct. 1857 ; le même, Alesia, 1859 ; Quicherat de plus farouche défenseur d’Alaise), L’Alesia de César rendue à la Franche-Comté, Paris, 1857, etc. (cf. Mélanges, I, p. 475 et suiv.) ; Castan, Mém. de la Soc. d’Émul. du dép. du Doubs, IIIe s., III, 1858 (1859), V, 1859-60 (1861), VIII, 1863 (1864), IX, 1864 (1865), etc. ; Bial, La Vérité sur Alise-Sainte-Reine, Paris, 1861 ; cf. le même, Chemins, etc., Mém. de la Soc. d’Ém. du Doubs, III, VII, 1862 (1864), p. 129 et suiv. ; Fallue, Analyse, p. 265 et s., etc. ; Sarrette, Alesia, dans les Mém. de la Soc. d’Émul. du Doubs, III, IX, 1864 (1865), p. 3 et suiv ; cf. le même, id., IV, II, 1866 (1867), p. 11 et suiv., etc. ; Toubin, id., III, II, 1857 (1858) ; Gallotti, id., IV, I, 1865 (1866) (attaque contre Alise) ; etc. — Le mémoire le plus caractéristique écrit contre Delacroix et Alaise est celui d’un Franc-comtois, Clerc, Étude complète sur Alaise, Besançon, 1860. Alaise a encore des partisans attardés et Alise des critiques acharnés (cf. Azan, Bull. de la Soc.... de Semur, 1905 ; voyez, contre lui, Chabeuf, Autour d’Alésia, 1906, extrait de la Société Bourguignonne de Géogr. et d’Hist.). — Pour Izernore dans l’Ain : Maissiat, III, 1881 (a lancé l’hypothèse en 1861) ; Gravot, Étude sur l’Alesia de César, etc., Nantua, 1862 ; Alexandre Bérard, Alésia Izernore, Lyon, 1907, et Alesia, Paris, 1908, etc. — Pour Novalaise en Savoie : Fivel, L’Alesia de César près de Novalaise, Chambéry, 1866 ; Tessier, Novalaise, etc. (conférences), Chambéry, 1866 ; etc. — Pour Aluze sur la route de Chalon à Autun : Bonneau, articles dans Le Progrès de Saône-et-Loire, 31 oct. 1906 et suiv., et Siège d’Aluze, 1907, Chalon-sur-Saône. — Pour Alais : des Ours de Mandajors, entre autres, qui a été le premier, je crois, à lancer cette plaisanterie, Dissertations historiques, Avignon, 1712, p. 58 et suiv., etc. (cf., contra, Berlier, Mém. de la Comm. des Ant. de la Côte-d’Or, I, 1838-41). — Pour le puy de Corent. — On a aussi, je crois, songé à Auxonne et à Luxeuil. — Tout cela, y compris Alaise, est de la fantaisie.

[62] VII, 68, 1. Route de Dijon à Alise par Bligny-le-Sec.

[63] Cela résulte de l’ordre des faits racontés 68, 2 ; les bagages et deux légions s’arrêtèrent in proxirnum collem (à Talant ?). — Gouget (p. 32) croit qu’il s’agit de la colline où on se battit.

[64] 68, 2 : évidemment parce que l’on était près d’une région difficile, les fortes pentes et les ravins boisés de la Côte d’Or.

[65] 68, 1. Il a dû y arriver le matin, puisque César, qui y arrive altero die (68, 2 ; interprété à tort le troisième jour, Napoléon III, p. 337), trouve l’ennemi en état de défense.

[66] La date résulte de ce que les opérations devant Alésia, qui ont dû durer six semaines, paraissent finies avant les mauvais temps de l’automne, et de ce que la bataille eut lieu, semble-t-il, peu avant ou pendant la moisson (64, 3).

[67] C’est César lui-même qui le dit, VII, 76, 2.

[68] Sub muro, quæ pars collis ad orientem spectabat [le seuil qui conduit d’Alésia au mont Pévenel], hunc omnem locum copiæ Gallorum compleverant fossamque et maceriam sex in altitudinem pedum præduxerant [en travers du seuil, et à droite et à gauche du mont Auxois, surtout, je crois, du côté des Celliers, vers le sud, de manière à barrer les chemins] ; 69, 5 ; cf. 70, 3-7. — On a trouvé des traces de ces retranchements (Napoléon III, p. 364).

[69] Le perterritis hostibus de 68, 3, est démenti par 70, 1.

[70] Montaigne un des premiers, Essais, l. II, ch. 34 ; en dernier lieu, Bloch ap. Lavisse, I, p. 98 ; etc.

[71] 68, 3 ; 69, 6 ; 70, 1.

[72] 70, 1.

[73] 70, 2.

[74] Ce qui hâta la défaite des Gaulois, ce fut la vue des légions, que César fit avancer pro castris (sur les pentes nord-ouest de la montagne de Flavigny ? menaçant ainsi le flanc gauche des Gaulois) ; 70, 2-3 et 5.

[75] 70, 4-5. La poursuite eut lieu, semble-t-il, par le chemin qui va de la plaine des Laumes et du moulin de Bèze jusqu’aux Celliers, où elle a dû se heurter à la porte et à la muraille du camp. Vercingétorix, craignant que, dans l’émoi de la fuite, le camp ne fût abandonné, fit fermer les portes de la ville (70, 7).

[76] 70, 5-7.

[77] Cf. 71, 1.

[78] 71, 1.

[79] 71, 1.

[80] Cf. VIII, 34, 1. En supposant que Lucter ne soit pas resté avec son chef.

[81] VII, 71, 3.

[82] Millia hominum delecta LXXX ; 71, 3.

[83] Obtestatur, etc., 71, 3. — Suivant une hypothèse de S. Reinach (Cultes, III, p. 124 et suiv., écrit en 1906), Vercingétorix aurait renvoyé tous ses chevaux, parce qu’il ne lui venait pas à l’esprit qu’un Gaulois pût manger de la viande de cheval. C’est fort plausible.

[84] VII, 71, 5 : ils passèrent qua nostrum opus erat intermissum, sans doute par la plaine des Laumes, puisque le fait du combat indique qu’il n’y avait pas encore là une ligne continue de travaux. De même, à Issolu.

[85] 71, 4, 6-9. — On a très souvent douté qu’Alise, avec ses 97 hectares (140 avec les terrasses et contreforts), pût renfermer 100.000 hommes, soit les 80.000 soldats et 20.000 indigènes (ce dernier chiffre supposé), et, en outre, magna copia pecoris (71, 7). Mais il s’agit de circonstances exceptionnellement graves, où on a pu et dû accepter un tel entassement ; ces sortes d’entassements n’ont rien d’inusité chez les peuples peu civilisés (d’Aumale, Revue, p. 141).

[86] Sur les travaux et les batailles devant Alésia, on consultera avec fruit, outre les écrits modernes, la vive polémique entre de Folard (Hist. de Polybe, II, 1727, p. 465 et suiv.), Guischardt et Lo-Looz au XVIIIe siècle.

[87] Diodore, IV, 19, 2.

[88] Par exemple, lors de la défaite de la cavalerie : il fut, ce jour-là, plus prudent qu’à Gergovie.

[89] Par exemple sur le seuil du mont Pévenel, où la différence de niveau avec le plateau n’est que de cinquante mètres, et qui se présente avec une largeur très suffisante. Et c’est pour cela que Vercingétorix avait ajouté des défenses aux abords de ce seuil, comme il l’avait fait aux abords du seuil de Gergovie, et comme l’avaient fait les Aduatiques aux abords du seuil de Namur. — Tout cela a déjà été bien vu par d’Anville, p. 457 : C’est le côté faible.

[90] Note précédente.

[91] Cela sera désormais très visible. Évidemment, César exagère un peu la hauteur d’Alise (in colle summo, admodum edito loco, 69, 1) : peut-être répond-il à quelque reproche de n’avoir pas brusqué les choses.

[92] Nisi obsidione expugnari non posse ; 69, 1.

[93] Sauf le seuil indiqué quatre notes plus haut.

[94] Cujus collis radices duo duabus ex partibus [au nord et au sud] flumina [l’Oze et l’Ozerain] subluebant ; 69, 2.

[95] Ante id oppidum [César dit ante, parce que c’est du côté des Laumes que se trouvaient sans doute la montée principale et le gros des agglomérations ; c’est là du reste qu’est aujourd’hui Alise] planities circiter millia passuum III [il y a exactement 4.500 mètres du bas de Pouillenay au village des Laumes, sur la grande route de Paris à Dijon, qui traverse la plaine dans sa longueur] in longitudinem patebat ; 69, 3 ; 70, 1. — Bien vu par d’Anville, p. 455-6.

[96] Reliquis ex omnibus partibus [nord, est, sudJ colles mediocri interjecto spatio [1300 m. de rebord à rebord, sauf du côté du mont Réa], pari altitudinis fastigio [le mont Auxois a 418 m., le mont Réa au nord-ouest, 386, la montagne de Bussy au nord-est, 402, le mont de Mussy à l’ouest, 425, la montagne de Flavigny ou mont Druaux au sud, 429] : 69, 4.

[97] 68, 3 ; cf. 69, 6 ; 70, 1.

[98] Onze milles du côté intérieur, circuitus, dit César (69, 6) : c’est exactement ce que mesure la ligne de la contrevallation, qui suit le bas des collines du pourtour et s’amorce dans la plaine à la grande route. — Les fouilles de Napoléon III, de 1862 à 1865 (p. 356 et suiv., pl. 25-28), ont, dans une très large mesure, confirmé les tracés proposés auparavant (plans de d’Anville, de Barbié du Bocage ap. Lemaire, César, I, p. 365, de Coynart, du duc d’Aumale, Rev., p. 138-9, de Prevost).

[99] Castella XXIII, 69, 7 [decem et octo, Florus] : par conséquent à tous les 500 pas, à portée de la voix ? ou de manière à ce que les machines pussent croiser leur tir ? Ce sont les redoutes qui ont laissé le moins de traces (Napoléon, p. 359).

[100] Opportanis locis, 69, 7. Il n’y a de bons emplacements que sur les mamelons de la montagne de Flavigny et sur ceux de la montagne de Bussy. — On a trouvé des traces de deux camps sur la montagne de Flavigny (A et B), d’un sur la montagne de Bussy (C), d’un au pied du mont Réa (D), et, dit-on, de petits camps de cavalerie, un dans la plaine de Grésigny (G), trois (H, I, K) dans la plaine des Laumes (Napoléon III, pl. 25 et 28, p. 356-8 ; Pernet, Pro Alesia, 1908, III, p. 419, 420, 459, etc.). Quoiqu’il ne soit pas absolument certain pour tous qu’il s’agisse de camps et non de redoutes (cf. n. précédente), je crois cependant ces attributions acceptables. — Les stations de cavaliers étaient à coup sûr dans la plaine. La plus importante est, selon moi, sur l’Ozerain, près de la grande route, au pied du quartier général, gardant la principale sortie des retranchements, et je crois que là étaient les Germains (camp K).

[101] Je crois, après bien d’autres, que le camp de César était sur le mamelon nord-ouest de la montagne de Flavigny (au-dessus de la ferme Lombard) : outre que c’est l’emplacement de camp le plus commode, le plus facile à défendre, c’est le point le mieux situé pour dominer la plaine, les routes de la Gaule intérieure qui y débouchent, les principaux sentiers qui montent à Alésia, la plus grande partie des travaux romains, et le lieu naturel des batailles, qui est la plaine des Laumes. — De plus, de tous les camps, c’est celui-là dont les défenses paraissent les plus formidables (camp A, Napoléon, pl. 28 et p. 356 ; Pernet, Pro Alesia, 1908, III, p. 419). — On a placé souvent le quartier général au mont Pévenel (de Coynart, 2e m., p. 246).

[102] Il semble bien résulter de 69, 6-7, comparé à 74, 1, qu’il ne songea d’abord qu’à un circuitus intérieur contre Alésia, contrevallation, et que ce ne fut qu’après l’appel de Vercingétorix à la Gaule qu’il se décida à des lignes extérieures ou circonvallation.

[103] 72, 1 ; cf. 79, 4 ; 82, 3. César ne donne que la largeur ; la profondeur indiquée est celle que les fouilles ont fait reconnaître (pl. 28). — Traces du fossé extérieur de la contrevallation (Napoléon, p. 359). — Les fouilles n’ont point fait retrouver le fossé de la circonvallation (Napoléon III, p. 322) ; et, d’autre part, pour des raisons militaires, on l’a depuis longtemps nié (Guischardt, I, p. 236-7). J’hésite cependant encore à douter de son existence (cf. 72, 1 et 2 ; 74, 1, 82, 1).

[104] 72, 2 : Ab ea fossa pedes quadringentos : si le texte est à garder, cette distance, 120 mètres, correspond, je crois, à la portée des machines dont disposait César (cf. 81, 5). — Les fouilles ont montré que cette distance a varié, mais toujours pour être plus forte (Napoléon III, p. 359). — Ce qui justifie la conjecture souvent proposée, passus au lieu de pedes (Guischardt, I, p. 233 ; van Kampen, pl. 13 ; Rice Holmes, p. 787). Et la conjecture est justifiée en outre par le τρία στάδια de la version grecque des Commentaires.

[105] VII, 73, 9 : taleæ ou taliæ, tiges de fer, longues d’un pied, auxquelles étaient fixés des hameçons de fer, et cachées en terre. On appelait ces pièges stimuli. — On en a trouvé ; Napoléon, pl. 27 et p. 343. — C’est l’équivalent des murices ferrei (Valère Maxime, III, 7, 2) ou des tribuli (Végète, III, 24).

[106] VII, 73, 5-8 ; Dion, XL, 40, 5 et 6 : trous en entonnoir de trois pieds, où l’on enfonçait des pieux gros comme la cuisse ; dans ces trous, de la terre foulée ; les pieux émergeant de quatre doigts, mais dissimulés sous des joncs et des branchages ; huit rangs de trous disposés en quinconce et séparés par un intervalle de trois pieds. C’était ce qu’on appelait des lis, lilia. — Traces lors des fouilles ; Napoléon, pl. 28 et p. 363.

[107] 73, 2-4 : il s’agissait de troncs d’arbres ou gros rameaux pourvus de branches taillées en pointe, troncs enfoncés en terre, leurs branches faisant saillie hors du sol ; on en avait planté cinq rangs, disposés dans des fossés profonds de cinq pieds (un rang par fossé ? Napoléon III, p. 342, plutôt que cinq rangs dans un seul fossé ? Rice Holmes, p. 789), mais assez rapprochés pour que les branches s’enchevêtrassent de manière à former haie. César appelle cela cippi ; le mot est à conserver, cf. C. gloss. Lat., II, p. 100, 53 : Cippus, κορμός.

[108] VII, 72, 4 : aggerem.

[109] VII, 72, 4 : vallum ; 86, 5.

[110] VII, 72, 4 : plutei.

[111] VII, 72, 4 : loricam pinnasque, les saillies qui encadrent les créneaux ; 86, 5.

[112] VII, 72, 4 : Grandibus cervis eminentibus ad commissuras pluteorum atque aggeris.

[113] VII, 72, 4 : soit 30 mètres environ, portée de javelot, pour découvrir le flanc de quiconque viendroit à l’assaut (Guischardt, Mémoires, I, p. 231).

[114] VII, 72, 4.

[115] VII, 72, 3 : Interiorem (fossam) campestribus ac demissis locis [dans la plaine des Laumes et dans les parties basses de la contrevallation] aqua ex flumine [l’Ozerain, Napoléon III, p. 361] derivata complevit. Il s’agit, du côté d’Alésia, de celui des deux fossés qui est le plus près de la place gauloise, interior. — On a trouvé trace de ces fossés (pl. 28 et p. 360-361) et du gravier déposé par l’Ozerain.

[116] Cf. VII, 74, 1.

[117] Cf. Schulten, Numantia, p. 62 et suiv.

[118] Valère Maxime, III, 7, 2.

[119] VII, 72, 2 ; 73, 1-2 ; 74, 1 : il me semble que dans VII, 72, 2, hoc consilio se rapporte, non à reduxit, mais à munitiones, et veut dire : César, en plus du grand fossé, ajouta d’autres défenses, dans le dessein de, etc., défenses qu’il établit en arrière.

[120] VII, 74, 1 (XIV millia passuum).

[121] Il a certainement dix légions ; il en eut peut-être une onzième (la VIe ?), qu’on trouve avec César à la fin de l’année. Ajoutez les Germains. Il n’est pas parlé d’autres troupes. — César paraît avoir divisé troupes et retranchements en cinq secteurs, chacun avec deux légions et deux légats (secteur de la plaine, 81, 6 ; secteur da Réa, 83, 3 ; je suppose ensuite secteurs de la montagne de Bussy, du mont Pévenel, de la montagne de Flavigny) ; en outre, une légion et Labienus pour la réserve (cf. 86, 1).

[122] Il est bien probable que, sur certains points, par exemple sur les terrains en pente, où la défense était plus facile ou leur installation plus malaisée, les piéges étaient plus rares ou manquaient.

[123] VII, 71, 2 : Omnes qui per ætatem arma ferre possent, ad bellum cogant ; 73, 1 : Omnes hos qui arma ferre possent.

[124] Tanta universæ Galliæ consensio fuit libertatis vindicandæ et pristinæ belli laudis recuperandæ, ut neque beneficiis atque amicitiæ memoria moverentur, omnesque et animo et opibus in id bellum incumberent ; VII, 76, 2.

[125] 75, 1 : Concilio principum indicto. À Bibracte ?

[126] 75, 1.

[127] VII, 75, 1 et 2 : Non omnes... sed certum numerum.

[128] In finibus Æduorum, 76, 3 ; cf. 77, 1.

[129] 75, 5.

[130] 75, 5. Il semble bien que les Bellovaques ne tinssent plus compte du patronage des Éduens.

[131] César donne (75, 2-4) avec une telle précision le chiffre du contingent imposé à chaque cité, qu’on ne peut douter qu’il n’ait eu sous les yeux un document public, à lui transmis par quelque transfuge de l’assemblée des chefs. — Voici de quelle manière je propose de rectifier sa liste, où les manuscrits présentent quelques incertitudes. I. 35.000 hommes pour le groupe éduen, Æduis atque eorum clientibus, Segusiavis, Ambivaretis [Ambluaretis, Amblueretis, mss.], Aulercis Brannovicibus, Blannoviis [à détruire ?]. II. 35.000 pour le groupe arverne, Arvernis adjunctis Eleutetis [les Rutènes libres opposés aux Ruteni provinciales ? à ajouter ici Rutenis ? ou à mettre Eleutetis au § IV ?], Cadurcis, Gabalis, Vellaviis, qui sub imperio Arvernorum esse consuerunt]. III. 30.000 pour le groupe armoricain, universis civitatibus quæ Oceanum attingent quæque eorum consuetudine Armoricæ appellantur, quo sunt in numero Coriosolites, Redones, Ambibarii, Caletes, Osismi, Veneti [mss. β seulement], Lemovices [sic mss., à détruire, à moins de supposer des Lemoviques Armoricains], Unelli. IV. 12.000 à chacun des peuples suivants : Sequanis, Senonibus, Biturigibus, Santonis, Rutenis [plutôt à supprimer ou à placer plus haut devant Eleutetis ? ou à ajouter ici ce dernier mot ?], Carnutibus. V. 10.000 Bellovacis, totidem Lemovicibus [à conserver]. VI. 8000 Pictonibus et Turonis et Parisiis et Helvetiis. VII. 6.000 Andibus [les mss. ont Senonibus, lire sena Andibus], Ambianis, Mediomatricis, Petrocoriis, Nerviis, Morinis, Nitiobrogibus. VIII. 5000 Aulercis Cenomannis, totidem Atrebatibus. IX. 4.000 Veliocassis, Lexoviis et Aulercis Eburovicibus [les mss. ont Eburonibus]. X. 3.000 Rauracis et Boiis [les Boïens des Éduens ? : cela ne me parait pas certain]. Au total, 288.000 ou 276.000 suivant la place des Ruteni. — Il manque : 1° les Ménapes (à cause de leur éloignement, cf. 63, 7) ; 2° les Trévires, occupés par les Germains (cf. 63, 7) ; 3° les Rèmes ; 4° les Lingons (tous deux alliés de César) ; 5° les Leuques (alliés de César ?). — D’autres arrangements de cette liste chez les éditeurs de César et chez les auteurs qui ont étudié le chiffre de la population en Gaule.

[132] VII, 76, 3 : Recensebantur numerusque inibatur. C’était, je crois, une affaire importante au point de vue religieux.

[133] 76, 3 et 4.

[134] VII, 76, 3.

[135] VII, 73, 1 ; 72, 2.

[136] 73, 1.

[137] Cf. 73, 1.

[138] 74, 2 ; cf. 77, 10 et 11.

[139] Cela me paraît résulter des textes de la note précédente et de la note suivante.

[140] César, De bello civili, III, 47, 6 ; Dion, XL, 40, 3.

[141] 71, 4, 6 et 7.

[142] Ad diem non venerunt, 77, 10. Je crois que le jour fixé par Vercingétorix pour le retour des Gaulois (77, 1 et 10) était le 30e ou peu après (cf. 71, 4).

[143] 77, 1 ; Dion, XL, 40, 2. Ces souffrances laissèrent de terribles souvenirs aux Gaulois, cf. Hirtius, VIII, 14, 1 ; 34, 1.

[144] 77, 1.

[145] VII, 77 : le discours (c’est le seul des Commentaires de la guerre des Gaules qui soit en style direct) a pu être transmis à César par quelque transfuge ; il semble bien qu’il ait connu d’autres harangues (cf. 77, 2) tenues dans ce conseil.

[146] VII, 78, 1-2.

[147] 78, 3-4 ; Dion, XL, 40, 2 : ce sont les Mandubii, pagus dont Alisia était le principal oppidum.

[148] 78, 5 ; Dion, XL, 40, 3.

[149] Dion seulement, XL, 40, 4.

[150] Sans doute par la route de Bibracte, qui débouche au sud-ouest le long des collines de Mussy (n. suivante).

[151] VII, 79, 1 : Colle exteriore [elle est en effet, à la différence des autres, absolument en dehors des lignes de César, lesquelles ne dépassent pas dans la plaine la grande route] occupato, non longius mille passibus ub nostris munitionibus [il y a exactement 1500 m. de la route au pied de cette colline] considunt. — L’emplacement des camps gaulois sur les collines de Mussy a été proposé dès 1741 par d’Anville, plan et p. 466. — Von Gœler préfère les hauteurs au sud de Pouillenay (2e éd., p. 316).

[152] 79, 2.

[153] Erat ex oppido Alesia despectus in campum ; 79, 3.

[154] 79, 3-4.

[155] Cf. 76, 5-6.

[156] 76, 2 et 5.

[157] Cf. Plutarque, César, 27.

[158] VII, 79, 2.

[159] 79, 2 ; 80, 6 ; on tint (79, 2) les troupes d’infanterie de l’armée de secours ab eo loco [la plaine] abditas [abductas ?] paulum in locis superioribus [les pentes des collines de Mussy-la-Fosse], d’où elles virent le combat (80, 4 et 5).

[160] 79, 4.

[161] 80, 1.

[162] 80, 2-5.

[163] Germani, una in parte confertis turmis, in hostes impetum fecerunt (80, 6) : on dut les masser sur les bords de l’Ozerain, là où était, je crois, le camp principal de cavalerie, camp K, et de là ils prirent de flanc les Gaulois.

[164] 80, 6-8. On la poursuivit, par delà les retranchements, jusqu’au camp, dit César, 80, 8 : par le chemin de Venarev ?

[165] Proximam fossam, 79, 4.

[166] VII, 79, 4 et 80, 9 (mæsti... prope desperata victoria).

[167] VII, 81, 1.

[168] 81, 1.

[169] Cf. 83, 1.

[170] Ad campestres munitiones, 81, 1 ; cf. 86, 4.

[171] Cela me parait résulter du fait qu’ils n’attaquent que dans la plaine.

[172] VII, 81, 1-3.

[173] Comblé la fois précédente (79, 4).

[174] César n’en parle pas : il devait y en avoir cependant en plaine ; mais Vercingétorix les connaissait sans doute, et put y échapper.

[175] Priores fossas : le pluriel pour le singulier. Ce fossé étant rempli d’eau, on s’explique que cette opération ait duré diutius (82, 3 et 4). — Sur ce priores, très discuté dès le XVIIIe siècle, voyez en dernier lieu Rice Holmes, p. 791-2.

[176] 81, 2, 4 et 5 : les flèches et frondes des Gaulois pouvaient donc porter à 400 pieds et davantage.

[177] César ne le dit pas et ne parle pas de ce fossé extérieur ; mais sa présence et son comblement résultent, à ce qu’il me semble, de ce que César dit que les Gaulois ont eu d’abord l’avantage (82, 1), qu’ils se sont avancés ensuite jusqu’à la zone des pièges (id.), et de l’expression de crates projicere, qui suppose bien une manœuvre pour passer un fossé.

[178] 82, 1-2 ; 81, 6.

[179] 82, 2 : Verni ne latere aperto [à leur droite, les principaux camps sont en effet à la droite des Barbares, sur la montagne de Flavigny] ex superioribus castris eruptione circumvenirentur, etc.

[180] 82, 3-4 (re infecta).

[181] 83, 1.

[182] Erat a septentrionibus collis, quem propter magnitudinem circuitus [le pied du mont Réa est à 600 mètres du pied du mont Auxois, le rebord du sommet à 2.000 de celui du plateau, tandis que, pour les autres collines, la distance n’est que de 1.300 mètres] opere circumplecti non potuerant nostri [il devait y avoir seulement une redoute ou un poste de surveillance au sommet ; Napoléon, pl. 25 et 28, n° 22] : necessario pæne iniquo loco et leniter declivi castra fecerunt [les fouilles ont rencontré le camp romain sur les premières pentes du mont Réa, au delà de l’Oze, à droite du sentier qui la traverse : Napoléon, p. 357-8, p1. 28, camp D] : VII, 83, 2. — L’endroit est si nettement indiqué par César qu’on a reconnu, dès le jour où on a voulu étudier la bataille sur le terrain, le mont Réa (d’Anville, p. 471 ; Guischardt, III, p. 506 ; du Mesnil, p. 629 ; de Coynart, 2e mém., p. 258 : d’Aumale, Revue, p. 137-9 ; Napoléon III, p. 349). — C’est tout à fait à tort qu’on a proposé la montagne de Bussy (von Gœler, 1re éd., p. 80 [la 2e éd., p. 320, accepte le mont Réa] ; Neue Jahrbücher für Phil., CXX, 1879, p. 175).

[183] Cela expliquerait la rapidité des premières opérations de Vercassivellaun (85, 6). — Il y a eu sur ce point, évidemment, une négligence de la part de César (du Mesnil, p. 629).

[184] 83, 4-6 : comme on prit ces hommes dans les cités les plus braves, et qu’on y trouve Arvernes et Lémoviques (88, 4), il est possible qu’on ait choisi les contingents des peuples insurgés du premier ban.

[185] 83, 7.

[186] 83, 7. La route est bien indiquée par du Mesnil (p. 629), de Covnart (2e mém., p. 258). etc. Le chef a dû se cacher et se reposer dans le bassin, en contrebas des collines, qui termine la vallée d’Éringes (de Coynart, id. ; d’Anville, p. 471, préfère Lucenay, qui est plus loin), puis monter au mont Réa par le sentier de la voie romaine.

[187] 83, 8.

[188] 83, 8.

[189] 83, 8.

[190] Omnia tentantur, 84, 2.

[191] 84, 1, rapproché de 86, 4.

[192] VII, 85, 4 et 86, 4.

[193] Agger [les matériaux pour combler] ab universis in munitionem [premier fossé] conjectus, et ascensum dat Gallis [passage du fossé], et ea quæ in terra occultaverant Romani contegit [on passe les pièges] ; 85, 6.

[194] 85, 5 et 6. Ajoutez, dit César (85, 4), que les Romains combattent en contrebas.

[195] 86, 4.

[196] 85, 1 : Idoneum locum nactus, quid quaque ex parte geratur cognoscit. — D’Aumale (p. 139) pense au noyer de la triangulation : c’est, je crois, trop loin ; Napoléon II1 (p. 350) place César trop bas, presque au pied de la montagne de Flavigny. — Du Mesnil (p. 630) et de Coynart (2e mém., p. 259) le placent, tout à fait à tort, du côté de Grésigny.

[197] Cela résulte de ce qu’il va avoir presque toutes ses forces sous la main, 40 cohortes du côté de Labienus, autant sans doute du côté de Vercingétorix, et ses meilleurs officiers.

[198] Laborantibus submittit, 85, 1.

[199] 86, 1-2.

[200] 86, 3-4. Il quitte alors son poste d’observation pour descendre dans la plaine, et s’arrête, au pied de l’endroit où il s’était tenu, vers le point où la route actuelle d’Alise coupe l’Ozerain. C’est là, je crois, où a lieu le combat entre les deux chefs.

[201] 86, 4 : Desperatis campestribus locis propter magnitudinem munitionum : ce point des ouvrages de la plaine, situé au pied, je crois, du quartier général, là où, ce semble, arrivait vers Alise une grande route (celle d’Autun ou de Bibracte), où l’Ozerain traversait les lignes, où, sans doute, était la principale sortie des lignes vers la plaine, ce point, dis je, était sans doute le mieux fortifié.

[202] 86, 4 : Loca prærupta exscensu [ex ascensu, α ; atque ex ascensu, β] tentant. — Il ne peut s’agir que de l’attaque des lignes de Flavigny, au nord-ouest de la colline : toute autre direction eût fait faire trop de chemin et perdre trop de temps à Vercingétorix. Je le suppose attaquant d’abord les lignes d’en bas, entre le moulin de Bèze et le moulin Duthu (ou Savy), puis se portant brusquement vers les lignes d’en haut, en montant au delà de l’Ozerain par le sentier du moulin Duthu. — C’est la solution indiquée par Napoléon III (p. 341), acceptée par von Gœler (2e éd., p. 323), Rice Holmes (p. 144, 796-7). — On a pensé aux collines du nord (Bussy) ou de l’est (Pévenel) : d’Anville, planche ; de Coynart, 2e m., p. 260 ; d’Aumale, Rev., p. 139 ; et même au Réa : von Gœler, 1re éd., p. 84.

[203] 86, 4 et 5.

[204] 87, 5 : les ennemis doivent être entrés dans le camp des bords de l’Oze.

[205] VII, 87, 1 : troupes empruntées au secteur de la plaine ?

[206] 87, 1-2 : troupes de même origine ?

[207] 87, 2-3 : troupes de réserve ? Il faut supposer César combattant au rebord nord-ouest de la montagne de Flavigny, près et au-dessus du point où il s’était posté au début.

[208] 87, 3.

[209] 87, 5.

[210] 87, 3-5.

[211] 87, 5. Le groupement a pu se faire sur les bords de l’Oze, dans la plaine entre la rivière et les pentes du mont Réa ; Labienus dut avoir 20 cohortes du secteur du mont Réa, 6 amenées avec lui et 14 tirées du secteur de la montagne de Bussy (quas [au lieu de quorum partent] ex proximis præsidiis). — Tous les mss. ont XL. La correction XI me parait inadmissible.

[212] 87, 4 ; 88, 1. César a dû retirer des cohortes d’un castellum du nord-est de la montagne de Flavigny (proximo castello) et les cavaliers du camp des bords de l’Ozerain (camp K).

[213] 87, 4 : il les a faits sortir des lignes par la porte du camp (K) des bords de l’Ozerain : il semble, en effet, qu’ils partent du même point que César (87, 4). — L’opinion courante, d’ailleurs plausible, est qu’ils sont partis de Grésigny (du Mesnil, p. 630 ; de Coynart, 2e m., p. 261 ; d’Aumale, Revue, p. 440 ; Napoléon III, p. 352).

[214] 88, 1 : De locis superioribus [le mont Réa] hoc declivia et devexa [la descente des troupes du mont de Flavigny] cernebantur, etc.

[215] 88, 2.

[216] 88, 3 (omissis pilis, mss. α ; je crois qu’il ne faut pas accepter la leçon des mss. β, emissis).

[217] 88, 3. Elles ont fait le tour par la plaine des Laumes et gravi le mont Réa par Ménétreux.

[218] 88, 3 et 4. — L’importance des combats sur ce point explique la quantité d’armes, d’ossements et de monnaies découvertes (camp D : Napoléon III, p. 357, 617 et suiv. ; Pernet, Pro Alesia, 1908-9, III, p. 460, 472 et suiv.).

[219] Plutarque, César, 27.

[220] Plutarque, César, 27 ; César, 88, 5, semble résumer les faits détaillés par Plutarque.

[221] César, VII, 88, 5.

[222] Polyen, VIII, 23, 11 : dans la nuit, il envoya la cavalerie barrer la route aux fugitifs, qu’elle atteignit à la deuxième heure du jour, lui-même marcha contre eux au lever du soleil. On a dû les atteindre au passage de l’Armançon sur la route de Bibracte, les Gaulois et César derrière eux marchant directement, par exemple par Pouillenay, Chassey, Villeneuve, la cavalerie les tournant, par Venarey et Semur ? — César (88, 7) dit simplement qu’il envoya la cavalerie.

[223] Ils furent enveloppés et saisis de panique, Polyen, 23, 11. Le récit est plus résumé chez César (88, 7).

[224] Plutarque, César, 27.

[225] Dion, XL, 41, 1 : j’ai peine à croire que ce soit une simple réflexion de Dion. Il n’est pas impossible que Lucter se soit enfui seulement alors d’Alésia (cf. Hirtius, VIII, 34, 1).

[226] César, VII, 77, 4 et 6.

[227] Dion, toujours préoccupé de psychologie, croit que Vercingétorix se rendit dans l’espoir d’obtenir son pardon, en invoquant son titre d’ami de César (XL, 41, 1) : c’est entièrement contraire à ce que César raconte.

[228] Supposé d’après ce qui suit.

[229] César, VII, 89, 1.

[230] Non suarum necessitatum, sed communis libertatis causa ; 89, I.

[231] Fortunæ cedendum ; 89, 2.

[232] Seu morte sua Romanis satisfacere seu vivum tradere velint ; 89, 2.

[233] 89, 2.

[234] Mittuntur de his rebus ad Cæsarem legati : jubet arma tradi, principes produci ; 89, 3.

[235] César, 89, 4 ; Dion, XL, 41, 1 Plutarque, César, 27. Sans doute au pied nord-ouest de la montagne de Flavigny, qui portait le quartier général, c’est-à-dire dans le terrain découvert que traverse l’Ozerain, et que traverse aussi la voie romaine montant d’Autun à Alésia. — Tout ce qui suit vient de Plutarque, Dion et Florus, c’est-à-dire, sans doute, de Tite-Live. César se borne à dire : Eo [là où consedit] duces producuntur ; Vercingetorix deditur ; arma projiciuntur (89, 4).

[236] Dion, XL, 41, 1.

[237] Plutarque, César, 27.

[238] Je suis convaincu que c’est comme victime expiatoire, et dans un acte de devotio que Vercingétorix s’est présenté à César (cf. 89, 2).

[239] Plutarque, César, 27. Il y a là encore, je crois, un rite religieux. Cf. Grimm, Deutsche Mythologie, éd. Meyer, I, p. 45 ; Nachträge, p.28.

[240] Plutarque, César, 27. Florus, I, 45, 26.

[241] Dion, XL, 41, 2 (plus précis ; cf. sur ce texte, Revue des Ét. anc., III, 1901, p. 137) ; Plutarque, 27.

[242] Cf. passis manibus obtestantur, César, VII, 47, 5.

[243] Dion, XL, 41, 2.

[244] Dion, XL, 41, 2.

[245] Non seulement Dion et Plutarque ne parlent pas d’une réponse de Vercingétorix à César, mais leurs textes semblent affirmer qu’il resta muet. Florus lui prête une brève et énergique parole, habe, fortem virum, vir fortissime, vicisti [les mss. ont habes ; habe est fourni par Pétrarque, autrement dit le prétendu Celsus, Comm., Lemaire, III, p. 151], c’est-à-dire : Prends-moi ; tu as été le plus fort. Mais avec Florus, chercheur de mots, j’ai peur d’une addition.

[246] Dion, XL, 41, 3 ; Plutarque, César, 27.

[247] Dion, XL, 41, 3 ; XLIII, 19, 4 ; Plutarque, César, 27. Cf. t. IV, ch. I.

[248] Le mois parait à peu près certain. Pour le jour, on pourrait peut-être tirer parti de la marche de nuit de César, qui peut s’expliquer par le voisinage de la pleine lune : mais on hésitera dans ce cas entre celle du 27 août et celle du 25-26 septembre.

[249] Fustel de Coulanges, Institutions, I, p. 62.

[250] Mommsen, Rœmische Geschichte, III, p. 292.