HISTOIRE DE LA GAULE

TOME III. — LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS GERMANIQUES.

CHAPITRE VI. — LA CAMPAGNE CONTRE LES HELVÈTES.

 

 

I. — L’ARMÉE DE CÉSAR[1].

César avait, sur ses rivaux barbares, l’écrasante supériorité que lui donnait la plus belle armée du monde. Elle ne fut jamais très nombreuse : de quatre légions[2], elle s’éleva jusqu’à onze de 3.500[3] à 6.000[4] hommes par légion ; au total, avec les troupes auxiliaires[5], jamais plus de cinquante mille hommes[6]. Et ce n’était point comparable aux 120.000 hommes d’Arioviste[7], aux 92.000 des Helvètes[8], aux 300.000 des Belges[9], aux 338.000 qui combattirent à Alésia[10]. Mais on a vu le peu que valaient ces multitudes, dépourvues de bonnes armes défensives, munies d’épées médiocres, impuissantes à se servir des armes de jet, ignorant l’artillerie des machines, les calculs de la tactique, les ruses des combats, mal commandées et obéissant plus mal encore . L’armée de César était au contraire une machine formidable, pourvue des engins les plus meurtriers, irrésistible à l’attaque, impossible à briser, et dont les mille rouages suivaient docilement l’impulsion intelligente d’un maître absolu.

L’élément essentiel en était formé par l’infanterie légionnaire. Ces hommes qu’amenait César avaient été choisis entre cent mille, parmi les corps les plus vigoureux de l’Italie centrale, Marses, Sabins, Ombriens et Samnites[11]. Quatre de ces légions étaient composées d’anciens soldats[12], c’est-à-dire qu’elles avaient éliminé les plus faibles, et qu’il ne restait plus dans leurs rangs que des hommes âgés d’au moins vingt-cinq ans, en la perfection de la force, de la souplesse et de l’endurance, prêts à toutes les fatigues. Des marches de vingt-quatre heures et de dix-huit lieues presque sans arrêt[13], des terrassements ou des échafaudages à élever sur neuf lieues d’étendue ou à soixante pieds de hauteur, des ponts à bâtir sur le Rhin en dix jours[14], une flotte de transport et de combat à construire dans un hiver[15] : ils étaient en ce moment les seuls hommes avec lesquels Jules César pût braver tous les obstacles matériels, forêts, fleuves et marécages, murailles, routes et famine.

Devant eux, l’obstacle humain, le Barbare, était peu de chose. Bardé de fer et de cuir, abrité sous la cuirasse, le bouclier et le casque, le légionnaire ne risquait à peu près rien, et pouvait attaquer presque à coup sûr, sans trop songer à sa propre défense[16]. Pour l’offensive, il avait les deux armes les plus sûres et les plus meurtrières qu’ait imaginées l’Antiquité : le javelot à la tige de fer, portant à 23 ou 30 mètres[17], et l’épée courte et pointue, frappant d’estoc et de taille[18]. Mettez ces deux armes entre les mains d’hommes au coup d’œil juste, au bras nerveux et souple, au poignet vigoureux[19] : regardez-les prenant leur élan, arrivant à portée de l’ennemi, lançant chacun son javelot qui va droit au but[20], puis, continuant leur course, se précipitant l’épée tirée, pointe en avant[21] : et vous vous expliquerez pourquoi, en face d’eux, la bataille gauloise a été si souvent un vulgaire carnage.

Quelques-uns de ces hommes, pris à part, étaient de vrais miracles, je veux parler des sous–officiers, les centurions[22]. Un seul pouvait plus, parfois, qu’une compagnie de simples soldats : la force de leurs corps, le prestige de nombreuses campagnes, la fierté des blessures et des décorations, en faisaient des modèles permanents pour les autres légionnaires[23]. Au surplus, glorieux et agités comme les vieux soldats[24], toujours prêts à effacer le souvenir de leurs derniers actes par une action plus belle, ils étaient l’élément exubérant de la légion, et, par leur audace intempérante, ils achevaient de donner la vie à cette machine si bien ajustée : car César les laissait faire, marchant au premier rang, s’aventurant dans les batailles, escaladant les forteresses, casse-cou et boute-en-train[25].

Ce n’est jusqu’ici que la légion en mouvement, dans la marche et dans l’attaque. Je ne, sais si elle n’était pas plus formidable encore dans le repos et sur la défensive. Chaque soir, l’étape du jour terminée, l’armée bâtissait son camp[26], sur un terrain choisi d’avance par les officiers de l’avant-garde[27]. On s’arrêtait d’ordinaire en un lieu élevé[28], pourvu d’eau[29], dominant la route[30]. Le camp, fût-il construit pour une nuit seulement, ressemblait à une vraie ville[31] ; il avait ses remparts hauts de douze pieds[32], ses fossés profonds de neuf et larges de quinze ou dix-huit pieds[33], ses portes[34] et ses tours[35]. C’était comme une image de Rome qui s’élevait en quelques heures sur le sol étranger, abritant les soldats, l’imperator, les dieux et le nom du peuple romain sous la double protection de ses murailles et de ses gardiens[36]. Si près qu’on fût des ennemis, on construisait son camp avant de les attaquer[37] : il semblait que l’armée dût avoir plus de courage en combattant à la vue de remparts, simulacre d’une cité qu’on doit défendre et toute prête aussi à sauver ses enfants. Contre cette enceinte, nulle surprise n’était possible, nul assaut ne pouvait réussir : la légion, dans son sanctuaire, était aussi invincible que Jupiter sur le Capitole. Pas une seule fois, quelque nombreuse qu’ait été leur foule et imprévue leur attaque, les Gaulois ne se sont rendus maîtres par la force d’un camp de César[38], et ils avaient fini par avoir, de cette chose extraordinaire, une crainte à demi religieuse[39].

En dehors de la légion, tout était secondaire, du moins dans l’armée de César. La cavalerie[40] fut assez mal organisée. Très peu de Romains servaient à cheval, tout au plus quelques légionnaires[41], les officiers et l’état-major[42]. Le proconsul comptait, pour cette arme, sur l’appoint que lui fourniraient les indigènes de la Gaule romaine ou indépendante, Allobroges, Éduens, Rèmes, Lingons et autres[43], et il eut en effet autour de lui de quatre à cinq mille cavaliers gaulois[44]. Mais on verra qu’ils furent toujours de médiocres soldats, et César sera obligé à la fin d’enrôler des Germains, dont la cavalerie et l’infanterie montée étaient fort supérieures à toute armée gauloise : ce ne fut, d’ailleurs, qu’en petit nombre, deux milliers au plus[45]. De même, il recourut assez peu aux troupes de jet, archers crétois ou frondeurs des Baléares, et peut-être renonça-t-il à s’en encombrer, quand il vit que les Gaulois ne combattaient jamais à distance[46].

En revanche, l’artillerie[47] se montra supérieure, et, dans cette Gaule où les forteresses étaient nombreuses et d’accès difficile, c’est à elle que César devra pour le moins la moitié de ses victoires. Non pas qu’il ait emmené avec lui un train considérable de machines toutes prêtes[48] : c’étaient, sauf exception, au fur et à mesure des besoins qu’on devait en construire, et avec les matériaux trouvés sur place, bois, pierre, osier, fer ou cordages[49]. Mais l’armée renfermait des ingénieurs de mérite[50], bons élèves des poliorcètes grecs[51], et des équipes d’ouvriers dressés à toutes les besognes de la construction, forgerons, charpentiers et terrassiers. Encore faut-il remarquer que ces ouvriers étaient presque tous des soldats romains, à qui incombait à la fois le soin de fabriquer les machines et de combattre avec elles[52]. Si bien qu’en dernière analyse, c’est toujours le fantassin légionnaire qui fera la force de César.

Aussi le proconsul fut-il toujours ménager de la vie de ses hommes, je parle des légionnaires[53] Il faut, pour comprendre ses campagnes de Gaule, oublier toutes les pratiques des guerres modernes, l’importance qu’ont prise les masses et le nombre, la faible part qu’elles laissent à l’énergie individuelle. Autour de César, qu’il s’agisse de siège ou de rencontre, c’est de la valeur propre de chacun que dépend le succès final[54]. Une hiérarchie savante, déterminée par le mérite des combattants, fixe à chaque légion son rôle dans l’armée[55], à chaque cohorte son rang dans la légion, à chaque sous-officier sa place dans la cohorte. Parmi tous ces hommes circule sans relâche une extraordinaire émulation : une bataille ressemble à un concours[56]. Ces soldats d’élite, ces êtres rares et précieux, César sait bien qu’il a fallu des années pour les former et qu’il lui faudrait des années pour les remplacer. Il redoute de les perdre, et s’il ne craint point de les surmener, il ne les sacrifie jamais[57]. Audacieux à l’ordinaire, il ne risque une rencontre qu’après des précautions infinies[58]. A Alésia, au puy d’Issolu, à Namur, je crois qu’il eût suffi de quelques pertes humaines pour entrer de vive force dans la place ; nos fantassins de la Révolution et de l’Empire ont osé et réussi des assauts autrement rudes : le proconsul préféra à une escalade meurtrière de quelques minutes les interminables fatigues d’un blocus[59].

César eut sous ses ordres un nombreux corps d’officiers : tribuns des soldats[60], préfets des cavaliers préfets[61], des ouvriers[62], questeur[63] et légats[64], sans parler des chevaliers romains qui, dépourvus de titre défini, se mêlaient à l’état-major[65]. Le général les soumit tous à de rudes épreuves : comme les légionnaires, ils durent s’acquitter de tâches fort diverses, dont le combat était souvent la plus commode et la moins périlleuse.

Aux tribuns ou aux préfets, qui étaient d’ordinaire de simples chevaliers[66], il confiait les missions délicates[67] : négocier avec les chefs indigènes ou résider auprès d’eux[68], réquisitionner vivres et chevaux[69], conduire des convois, recruter des mercenaires[70] ou commander des détachements[71]. Pour cela, ils partaient avec une faible escorte, parfois très loin, le plus souvent en pays ennemi : et c’étaient 1es victimes attendues des Gaulois aux heures d’insurrection[72]. — Le questeur et les légats, hauts personnages de rang sénatorial, étaient détachés au commandement des légions[73], des quartiers d’hiver[74] et des corps d’armées[75].

Un certain nombre de ces officiers ont été imposés à César par ses relations de Rome[76], et on en trouve quelques-uns qui furent médiocres, sans initiative ni présence d’esprit[77]. Mais dans l’ensemble, il a été bien servi, et c’est lui qui, de son plein gré et à bon escient, a dû choisir la plupart de ses lieutenants. Les plus jeunes de ses officiers, Décimus Brutus[78], Marc-Antoine[79], Publius Crassus le jeune[80], ont fait leur devoir ponctuellement et avec habileté. Parfois, par exemple en 56, l’armée ne remporta des victoires que là où elle fut, César absent, commandée par ses légats. Le plus âgé et le premier en titre[81], Labienus, était un homme de guerre supérieur : audacieux et attentif, observateur avisé et combattant décidé, d’un coup d’œil très sûr dans la mêlée, et prompt à saisir le moment propice, il apparut chaque fois égal à son proconsul, et c’est à son action décisive qu’il faudra attribuer la moitié des victoires de César.

Aussi le général n’hésitait pas à confier à ses lieutenants, à Labienus surtout, une autorité presque absolue. Pendant l’hiver, comme il n’y avait pas campagne, César quittait son armée et la laissait, immobile dans ses quartiers, sous la surveillance des légats et l’autorité supérieure de Labienus[82]. Au cours des opérations, il la divisait souvent en plusieurs corps, ayant chacun son chef responsable : et cette méthode n’était point ordinaire aux proconsuls romains, qui, tels que les Scipions, Sylla, Lucullus, Marius ou Pompée, aimaient à tenir toutes leurs légions concentrées sous leur main, et à ne partager avec personne la gloire et le pouvoir. Mais César ne craignit pas d’éveiller chez ses légats l’esprit d’initiative ; il savait qu’en leur fournissant le moyen d’arriver au renom, il s’en faisait des amis. Et cette pratique lui assura souvent, dans sa carrière de général, les moyens d’aller plus vite en besogne, d’occuper à la fois toutes ses troupes, de conquérir plus de terres et d’effrayer plus d’ennemis[83].

A certains égards, il s’est moins absorbé dans son armée et dans ses guerres que les proconsuls des générations précédentes. Il tenait à revenir chaque année en Italie, à séjourner l’hiver aux limites de sa province, à Lucques, Aquilée ou Ravenne, bien qu’il fût séparé de son armée par les Alpes et les Cévennes et par plus de huit jours de marche[84] : et cela lui vaudra de pénibles surprises. Le tort de César, conséquence de son incurable ambition, c’est que tout en faisant la guerre en Gaule il pensait à d’autres guerres, à d’autres conquêtes et surtout à celle de Rome ; c’est qu’il ne voulait pas se faire oublier ou se laisser méconnaître des chefs de partis, du sénat ou de la populace. Il lui fallait reprendre sans cesse le contact avec ses agents du forum ou ses complices de la curie[85], se montrer à cette Italie où se dressaient les gloires et où se sanctionnaient les ambitions. Sa vie par là même se dédoublait : une campagne dans la belle saison, le plus rapide et le plus brillante possible, aller très loin, mais aussi, à l’automne, revenir très vite, et étaler le plus près de Rome son renom et son butin. Ce qui amènera, dans son œuvre de conquête, tant de reculs et de trompe-l’œil. Rien ne ressemble moins à la tâche militaire d’un Marius ou d’un Pompée, éloignés pendant des années de l’Italie, et faisant corps avec leur armée, leur province et leurs ennemis.

Cela n’empêche que César n’eût son armée bien dans la main. La discipline ne devait pas être très rigoureuse, sauf aux heures de combat[86]. Au début, il y eut parfois de violents murmures : le proconsul dut discourir et n’osa pas commander ou punir[87]. Mais dès la seconde année, on accepta les plus rudes choses, travail ou climat[88]. César était, comme son oncle Marius, le premier à la peine, et il ne laissait jamais les soldats les derniers à la récompense[89]. Tous comprirent vite qu’une telle guerre rapporterait beaucoup : les officiers purent réaliser leurs rêves d’une villa en Campanie ; après une seule victoire, chaque soldat reçut un esclave. A l’heure de la bataille, César ne manquait pas d’apparaître, haranguant les troupes, donnant le signal, surveillant le combat au milieu de sa réserve, et, s’il y avait danger, entrant avec elle dans la mêlée : une fois même, dit-on, il fut fait prisonnier[90]. Sa popularité grandit donc à chaque année de la guerre. Il le fallait d’ailleurs : car, de tous les généraux de Rome, ce fut lui qui demanda à ses hommes les plus dures fatigues contre l’ennemi et à la fin les plus vilaines besognes dans leur patrie. Et, la Gaule conquise, son armée et lui se trouvèrent unis par une irréductible complicité.

Mais quand on a parlé de l’armée de César, on ne connaît encore que la moitié des hommes qui marchaient avec lui et dont le sort était lié à sa volonté. Une multitude de non-combattants encadrait les légions, presque aussi nombreuse qu’elles. Il y avait les auxiliaires civils de l’armée, libres ou esclaves : courriers[91], agents de transport[92], charretiers, palefreniers, muletiers[93], vivandiers, valets de cuisine[94], serviteurs d’officiers[95], ouvriers de toute sorte ; et il y avait aussi les chercheurs de fortune qu’une troupe humaine entraîne toujours après elle : négociants venus d’Italie[96], officiers en quête d’emplois, quémandeurs à la recherche d’emprunts, intrigants politiques qui sollicitent l’appui du chef[97], marchands ambulants[98], aventuriers, maraudeurs, voleurs, et, sans doute, prostituées de toute catégorie[99]. Et cette foule, y compris César et ses légions, apparut à la Gaule comme une effroyable bande de malfaiteurs[100].

 

II. — RÔLE DE LA NARBONNAISE PENDANT LA CONQUÊTE.

Tel était l’homme et telle était l’armée à qui les destins de Home remirent la tâche de terminer la conquête de la Gaule, commencée, plus d’un demi-siècle auparavant, par Fabius et Domitius. Cette tâche allait être d’ordre militaire et diplomatique : suivant les circonstances, on réduirait les uns et on séduirait les autres. Pour la mener à bonne fin, César avait besoin de s’appuyer, dans le voisinage immédiat de la Gaule indépendante, sur un pays et des alliés dévoués à sa cause : il lui fallait une base d’opération solide, où il pût préparer l’offensive ou assurer sa retraite. Il la trouva dans la Gaule Narbonnaise[101], qu’il gouvernait comme proconsul.

Elle ouvrait aux Romains, toutes grandes, les portes de la Celtique. Il n’y avait, entre les deux pays, aucune barrière à franchir. Sur la ligne du Rhône, la limite politique passait au nord de Vienne et au sud de Lyon[102], et de l’une à l’autre de ces villes, ce sont les chemins, faciles et gais, du fleuve encore peu rapide et de la route en bordure qui domine la rive gauche. Sur la ligne de la Garonne, la domination romaine s’arrêtait vers Castelsarrasin ; mais au delà, la rivière et la route continuaient de concert à descendre lentement par une large et fertile plaine[103]. Passé la frontière, les hommes seraient accueillants comme le pays. A Lyon, on rencontrait les Ségusiaves, clients des Éduens[104], les frères du peuple romain, et déjà même, sur le rocher de Fourvières, s’était installée une avant-garde de colons italiens ; à Agen chez les Nitiobroges, peut-être à Lectoure chez les Aquitains[105], se trouvaient aussi des chefs auxquels le sénat accordait le titre d’amis. Entre leurs domaines et les États hostiles de l’intérieur, les Romains s’étaient ménagé la transition d’une hospitalité précieuse, qui leur épargnera les faux pas des débuts de campagnes.

La Gaule indépendante n’était protégée contre l’invasion que du côté des Cévennes. Elles enfermaient comme derrière un rempart les Arvernes et leurs amis du Rouergue, du Gévaudan et du Velay, et leur flanc le plus haut et le plus raide était précisément celui qui regardait le midi ; à dire vrai, ces montagnes ressemblaient moins à une muraille[106] qu’au rebord d’une terrasse : si elles abritaient la Gaule contre les hommes du Languedoc, elles mettaient un peu ces derniers à la merci des bandes descendant du nord par les rampes rapides qui dévalent le long des affluents du Rhône[107]. Mais le hasard ou une sage politique avaient également servi Rome de ce côté : si les Arvernes, qui touchaient cette frontière, pouvaient passer pour ses pires ennemis, elle n’avait pas dans le Midi de sujets plus dévoués que leurs voisins immédiats, les Helviens du Vivarais, et le jour où César voudra monter en Gaule par les routes des cols, il sera sûr d’avoir jusqu’à l’autre versant des guides honnêtes et une bonne escorte[108].

A l’intérieur de sa province transalpine, le proconsul allait trouver des citoyens romains, colons, vétérans ou marchands, domiciliés pour la plupart dans les villes, et les Gaulois indigènes, répartis en une dizaine de peuplades.

La population romaine lui fournit souvent des soldats. En cas de besoin, il enrôlait la jeunesse[109] et rappelait même au service les vétérans établis à Toulouse ou à Narbonne[110]. Les habitants qu’on laissait dans les villes, pouvaient prendre les armes et former la garde de la cité[111]. Il y eut ainsi, surtout dans le Languedoc, une petite armée de réserve et de défense territoriale qui rendit de bons services[112]. Et sans doute ces Romains de province, solides et braves[113], se levèrent avec plaisir pour une guerre qui les touchait de plus près.

Les Gaulois, de même, étaient tenus de s’enrôler à l’appel du proconsul. Ils ne paraissent pas s’être soustraits à ce devoir, qui les exposait à combattre leurs frères de Celtique : César ne cite parmi eux ni déserteurs ni transfuges[114]. Le patriotisme gaulois, depuis deux générations qu’ils obéissaient, était mort dans leurs âmes. S’il faut repousser sur leur propre sol une attaque des Celtes indépendants, ils le font avec une énergie qui écarte tout soupçon[115]. Quelques-uns de leurs chefs appartiennent à des familles entrées depuis un quart de siècle dans la cité romaine : ils sauront tenir la conduite à laquelle ce titre invite, et risquer leur vie pour leur imperator[116].

Ces indigènes de la Province seront pour César les plus utiles de ses auxiliaires. Comme ils parlent la même langue que les Gaulois du Nord[117], qu’ils partagent ou connaissent leur manière de combattre, d’agir ou de penser, il recourt souvent à leur expérience. Des missions délicates sont confiées à leurs chefs ; il les prend comme interprètes ou négociateurs[118]. On sent qu’il désire les flatter et s’en faire de fidèles partisans. Il les admet à sa table, les accepte pour hôtes, et se vante de les avoir pour familiers[119]. Si, au cours d’une campagne, il réussit à sauver l’un d’eux d’un péril mortel, il s’en réjouit comme d’une victoire. Dans ses Commentaires, il parle de l’Helvien Procillus avec une émotion qui n’est point dans ses habitudes, et le seul passage de son livre où il laisse échapper quelques mots de pitié et d’affection est celui qu’il consacre à ce chef gaulois[120]. Des hommes de cette valeur et de ce dévouement ont contribué à la conquête de la Gaule du Nord : elle a été, pour une part, l’œuvre des Celtes du Midi. Et en même temps, à voir la place prise par les meilleurs ou les plus habiles des Gaulois dans les conseils et les amitiés de César, on peut prédire que cette guerre, malgré tant de haines et de meurtres, achemine le monde romain vers un état de choses où vaincus et vainqueurs formeront une seule patrie.

 

III. — CÉSAR ARRIVE À GENÈVE[121].

Ce fut dès le début du proconsulat de César, à l’entrée de la belle saison, que l’occasion s’offrit à lui de se mettre en campagne.

Les Helvètes avaient fixé le rendez-vous des émigrants aux premiers jours du printemps (24 mars 58 ?[122]). Le lieu de concentration était l’extrémité du lac de Genève près de la rive droite du Rhône[123] : là, ils se trouvaient encore sur terre gauloise ; mais de l’autre côté du fleuve, à Genève, commençait la province romaine[124]. Un pont réunissait les deux bords[125]

L’intention des Helvètes, au moins apparente, était de gagner l’Occident de la Gaule, et d’y chercher des terres non loin de la mer de Saintonge[126]. Ils avaient déjà, semble-t-il, négocié avec les Éduens pour s’assurer le passage des cols du Centre[127], dont ils trouveraient les routes sur les bords de la Saône, à Lyon, Mâcon ou Chalon. Pour arriver à la Saône, ils pouvaient choisir entre deux chemins, qui partent également de Genève : l’un, sur la rive droite, par le col de l’Écluse et les montées du Jura[128], traversait les terres séquanes ; l’autre franchissait le fleuve au pont de Genève et s’engageait chez les Allobroges, dans la province romaine[129].

Ce fut cette dernière route qu’ils choisirent. Elle était large, découverte et commode[130] ; le pas de l’Écluse était rude, ne laissait place par endroits qu’à un chariot de front[131], et les Helvètes en emmenaient des milliers : il suffirait, pour leur fermer le passage, d’une poignée d’hommes embusqués sur le col, et, depuis la mort d’Orgétorix, ils avaient rompu tout rapport avec les Séquanes[132]. Ils n’étaient pas en meilleurs termes avec les Allobroges ; mais ceux-ci venaient à peine de se soumettre aux Romains après une terrible guerre : s’ils avaient la pensée de se venger, les Helvètes leur seraient d’un bon secours[133] ; s’ils demeuraient fidèles au sénat, on se battrait[134]. Bataille pour bataille, il valait mieux s’attaquer aux gens du Sud. Les Helvètes décidèrent de passer le Rhône, de gré ou de force[135]. — C’était provoquer César.

Le proconsul était encore à Rome à cette date[136]. Il y avait vécu presque toute sa vie, dans les intrigues du forum et du sénat : elles semblaient, plus que le grand air du champ de bataille, sa joie et son besoin. Il lui en coûtait de se séparer de ce monde agité et mobile, où il ne pouvait commander qu’à la condition de s’y mêler. Les alliés qu’il y possédait, Pompée et Crassus, n’étaient point sûrs ; ses amis les plus dévoués, tels que Clodius, manquaient de prestige et de valeur morale ; et ceux qui le détestaient franchement, comme Caton, étaient les hommes de vertu et de volonté. César hésitait donc à partir. Et peut–être, si les Gaulois l’avaient laissé tranquille, aurait-il consumé son temps dans l’incertitude, ne sachant s’il demanderait le pouvoir suprême à un coup d’État immédiat[137] ou à une guerre de conquête.

Cette guerre, je n’affirmerai même pas qu’il voulût d’abord la faire dans la Gaule. Il y avait, beaucoup plus près des Apennins que l’Auvergne et la Bourgogne, un admirable empire à donner au peuple, la vallée du Danube. La possession de ces terres importait bien davantage à la sécurité de Rome que celle des nations transcévenoles : en trois jours, par les routes des Alpes Juliennes, des Barbares pouvaient arriver dans les plaines de l’Italie, pays frontière de ce côté[138] Quant à la gloire et à la richesse, on les trouverait à coup sûr le long de ce grand fleuve, où se fondait alors un vaste royaume, où abondaient l’or et le blé, et où Alexandre s’était rendu célèbre. Et c’est, j’en suis convaincu, afin de s’ouvrir cette voie de triomphes, que César s’était fait donner la province illyrienne, et qu’il laissa son armée à Aquilée, la clé des routes du Danube. Elle y était encore[139] quand, en mars 58, il apprit les décisions des Helvètes. — Sa résolution fut fixée aussitôt : il commencerait par les Gaules.

Laissant là amis et ennemis, il partit de Rome à peu près seul, et, huit jours après[140], il entrait à Genève (vers le 1er avril ?[141]).

 

IV. — LES HELVÈTES ÉCARTÉS DE LA PROVINCE.

Les émigrants étaient déjà arrivés[142]. Il y avait, campés sur les bords du fleuve et du lac, 368.000 individus, hommes, femmes et enfants ; 92.000 guerriers conduisaient la troupe[143] ; une énorme quantité de chariots la fermaient[144]. Les Helvètes n’étaient point les seuls à partir : il leur vint des compagnons de toutes les populations celtiques de l’Europe centrale, Boïens[145] et autres[146], fuyant comme eux devant la conquête des Daces et des Suèves. Pour s’interdire tout espoir de retour, ils avaient incendié leurs villages et leurs places fortes[147], et ils emportaient avec eux des vivres pour trois mois[148].

A Genève, César ne trouva qu’une seule légion, la Xe[149] : mais elle était composée de vieux soldats, solides et disciplinés, et le proconsul en fit aussitôt sa troupe favorite, et comme sa garde du corps[150]. D’autres soldats, levés en Narbonnaise, allaient le rejoindre[151]. Labienus était avec lui[152].

Son premier acte fut de faire couper le pont qui menait en Gaule[153]. Dès l’instant même où il toucha la frontière, les Helvètes purent voir qu’un général de Rome était arrivé. Leur espoir de surprendre un pays sans défense fut déçu. — Ils adoptèrent aussitôt une attitude plus pacifique. Une ambassade, composée des plus nobles de la nation, vint trouver César : Ils demandaient au proconsul le libre passage par la Province, et s’engageaient à n’y commettre aucun dégât[154]. Qu’ils aient été sincères ou non en faisant cette promesse, les Helvètes témoignaient d’une singulière naïveté en s’imaginant que le Romain les écouterait.

César n’avait pas encore assez d’hommes autour de lui[155]. Il demanda du temps pour réfléchir, et renvoya la réponse à huitaine[156].

Pendant cette semaine, il mit à l’ouvrage tous ses soldats, et ceux de la Xe et ceux qui arrivaient de différents points de la Province[157]. De Genève au défilé de l’Écluse, sur une longueur de dix-neuf milles[158], la rive romaine du Rhône fut transformée en un vaste camp retranché. Un mur continu, haut de seize pieds et précédé d’un fossé, ferma l’accès du pays en arrière des berges du fleuve[159] Les points les plus importants, gués ou lieux de passage, furent surveillés par des redoutes[160]. Les dix à douze mille hommes[161] dont César put disposer s’échelonnèrent sur cette ligne de défense.

Au jour fixé (9 avril ?[162]), les ambassadeurs se présentèrent ingénument. César leur déclara que les traditions du peuple romain l’empêchaient d’accueillir leur demande, et il les congédia[163].

Les Helvètes s’obstinèrent à vouloir passer le Rhône. Ils se répandirent le long de la rive droite : le gros de la troupe essaya de construire un pont de bateaux[164], quelques détachements descendirent dans les gués[165]. Partout, les Gaulois trouvèrent des murailles épaisses, des soldats sur le qui-vive et des traits qui portaient[166], et il était visible que les Allobroges ne les aideraient pas. Ils renoncèrent enfin à franchir le fleuve, et se décidèrent à prendre la route du Jura[167].

Tous ces évènements, y compris le Voyage de César, avaient duré trois semaines à peine. Une course folle à travers l’Occident[168], des ordres donnés au bon moment et exécutés à l’heure dite, une armée rassemblée en quelques jours et mise aussitôt à la besogne, des forteresses élevées en une semaine en présence d’un ennemi dupé et inactif, et à la fin la frontière romaine surgissant inviolable en face de cent mille adversaires : tel fut le début de César dans la guerre des Gaules.

 

V. — LA FRONTIÉRE FRANCHIE PAR CÉSAR.

Ce qui allait se passer dans la Gaule, entre Helvètes, Séquanes et Éduens, ne regardait ni Rome ni César[169]. Ses prédécesseurs n’étaient point intervenus pour protéger les Séquanes contre Arioviste, les Éduens contre les Arvernes et les Gaulois contre les Teutons[170]. Une fois la Province à l’abri, il suffisait de faire bonne garde le long du Rhône. — Mais dès l’instant qu’il eut assuré la sécurité de la frontière, César ne songea plus qu’à la franchir.

Il écrivit plus tard, dans ses Commentaires, qu’il ne put tolérer l’établissement des Helvètes en Saintonge ou dans le Bordelais : c’eût été trop près, dit-il, de Toulouse et de la Province, et de graves dangers seraient sortis de ce voisinage[171]. — Mais la frontière romaine n’avait-elle pas des voisins aussi gênants, Rutènes et Arvernes ? les Helvètes étaient-ils moins redoutables sur les bords du lac Léman, où un simple pont les séparait de la Narbonnaise, qu’ils ne le seraient sur les rives de l’Océan, à cinquante ou cent milles d’une terre latine ? — Toutes ces paroles de César n’étaient que des formules à l’usage du peuple romain. Pour lui, il avait compris, pendant son séjour à Genève, qu’il tenait enfin le prétexte d’une marche en avant.

Les Helvètes avaient battu en retraite[172]. Il quitta à son tour Genève et les bords du Rhône, laissant sa petite armée aux soins de son légat de confiance, Labienus[173]. Avec une rapidité aussi grande qu’à son départ de Rome, il franchit les Alpes et regagna la Cisalpine[174]. Lors de son premier voyage, il n’avait fait que traverser le Piémont au galop de son cheval. Il lui fallait maintenant mettre en route son armée entière[175].

Les troupes d’Aquilée sortirent de leurs quartiers d’hiver, et, faisant volte-face, quittèrent les routes du Danube pour celles de la Gaule : c’étaient trois vieilles légions, la VIIe, la VIIIe, la IXe[176], à peine inférieures en valeur à la Xe de la Narbonnaise. Sur des ordres qui avaient été sans doute donnés depuis longtemps, deux nouvelles légions furent formées en Cisalpine, la XIe et la XIIe[177]. C’est alors, je crois, que César acheva d’organiser son état-major et ses services auxiliaires.

Quand tout fut prêt, il se plaça pour la première fois à la tête de ses troupes, et la marche vers la Gaule commença[178] (mai ?).

Avant même qu’il n’eût quitté l’Italie, un premier danger se présenta, celui des Alpes. Les montagnards avaient eu le temps, pendant ces allées et venues, de se concerter pour fermer le passage aux légions et piller leur long convoi. Les tribus de la Tarentaise[179], du Briançonnais[180], du val de Suse[181], qui gardaient les trois principaux cols, Genèvre, Cenis et Petit Saint-Bernard, avaient réuni leurs hommes, et, campées sur les hauteurs aux bons endroits, elles guettaient César à partir d’Avigliana, où finissait l’Italie romaine[182]. Le proconsul avait décidé de prendre la route du Genèvre, la plus connue et la plus facile : mais, comme autrefois Hannibal et Pompée, il dut conquérir son chemin. On se battit, et plus d’une fois[183]. Mais malgré tout l’armée avança très vite. Le septième jour après son entrée dans les montagnes, elle atteignit le pays soumis des Voconces, et, par le col de Cabre, gagna le Rhône[184]. Là, elle fut rejointe par Labienus et la Xe légion[185]. Le sort en était jeté maintenant. César franchit la frontière et le fleuve, et arriva à Lyon[186].

 

VI. — ENTENTE DE CÉSAR AVEC LES ÉDUENS.

Pour y arriver, César n’eut pas à combattre : le confluent de Fourvières relevait des Éduens[187], et ceux-ci accouraient au-devant de lui en amis et solliciteurs.

Quand les Helvètes s’étaient vus contraints de franchir le Jura, ils firent demander le libre passage aux Séquanes, qui refusèrent[188]. Ils s’adressèrent alors à Dumnorix l’Éduen, et le prièrent de les tirer d’embarras. L’ambitieux personnage cherchait toutes les occasions de se faire des amis : il intercéda à Besançon en faveur des émigrants. Grâce à lui, Helvètes et Séquanes se promirent de bons offices réciproques, et des otages furent échangés[189]. Le convoi des émigrants s’ébranla, et entra dans la Gaule par les gorges du Jura[190], au pas de l’Écluse. Ils allaient droit vers l’ouest : en quelques étapes, ils arriveraient à la Saône, en plein pays éduen.

Cette approche des Helvètes, cette alliance entre eux, les Séquanes et Dumnorix, était un grand évènement clans la vie politique des Gaules. La conjuration tramée jadis par Orgétorix venait de se reformer, et elle menaçait d’aboutir au profit de l’Eduen. La force de Dumnorix croissait chaque jour. Les Helvètes étaient à sa dévotion. En dehors de sa patrie, et au besoin contre elle, il comptait sur l’armée redoutable des émigrants. Dans sa nation, la populace raffolait de lui ; dans le reste de la Gaule, il avait partout des alliés. On l’entendait souvent parler de liberté et de gloire. Le jour où les Helvètes se réuniraient à lui, les Éduens auraient un roi, et la Gaule un libérateur[191].

Mais les chefs de sa nation surveillaient Dumnorix de très près. Le magistrat de l’année, Lisc, lui était hostile. Son frère 1iviciac, revenu d’Italie, regagnait un peu de son ancienne influence[192]. Et, si l’arrivée des Helvètes enhardissait Dumnorix, celle des Romains réconfortait ses adversaires[193].

Une double campagne commençait donc dans la vallée de la Saône : entre Diviciac et Dumnorix, c’était la partie politique ; entre César et les Helvètes, c’était la partie militaire ; et les deux parties se trouvaient liées l’une à l’autre.

Les Helvètes commirent la première faute. Dès qu’ils furent sortis du pays des Séquanes, ils se livrèrent au pillage. Et comme sur leur route (du pas de l’Écluse à Mâcon ?), ils touchaient aux terres de trois peuples différents, Allobroges, Ambarres et Éduens, ils provoquèrent partout de justes colères[194]. C’est à César que l’on se plaignait[195]. Il avait déjà franchi la frontière[196] ; ruais il n’avait pas encore trouvé une raison légitime d’intervenir : les amis de Dumnorix venaient de la lui fournir.

Une entente formelle et publique fut conclue entre César et les magistrats du peuple éduen. En vertu de leur traité d’alliance avec Rome, ils réclamèrent solennellement du proconsul aide et protection[197] ; et le proconsul, en vertu des anciens décrets du sénat, se mit aussitôt, lui et son armée, à leur disposition[198]. En échange, les Éduens s’engagèrent à assurer le service des vivres[199] et à placer leur cavalerie sous les ordres de César[200].

De nouvelles fautes, commises par les Éduens, accrurent encore les chances de César. Non seulement on lui envoya la cavalerie promise, mais on mit à sa tête Dumnorix[201]. Celui-ci ne vint que dans l’intention de trahir César et de passer aux Helvètes au moment opportun[202] : il ne vit pas qu’il n’était plus qu’un otage entre les mains du proconsul. D’ailleurs, il ne vint point seul : son frère Diviciac, Lisc le vergobret, d’autres grands l’accompagnèrent, épiant ses actes et rapportant tout à César[203]. La Gaule était ouverte, et presque déjà livrée aux Romains.

 

VII. — LA POURSUITE DES HELVÈTES ET LA RUINE DE DUMNORIX.

César, de Lyon[204], commença sa marche vers le nord. Il conduisait la plus singulière armée qu’un général du sénat romain eût rassemblée en Occident : trente mille légionnaires[205], force disciplinée et compacte ; groupés autour d’eux, les frondeurs des Baléares, les archers de Crète, les cavaliers numides, aux costumes bariolés et aux parlers étranges, Barbares du Midi qu’on menait aux Barbares du Nord ; plus loin, quatre mille cavaliers celtes, étourdis, glorieux et fantasques, fiers de leurs beaux chevaux et de leurs armes d’apparat[206] ; autour du proconsul, ici, les jeunes officiers romains, transportant sous ces cieux nouveaux leur orgueil et leurs appétits d’Italiens[207], et là, les chefs éduens et gaulois, rusés, retors, pleins d’arrière-pensées, guettant l’occasion de se nuire et de trahir Rome ou la Gaule[208] ; et au-dessus de ces armes, de ces hommes et de ces passions, plus fort et plus habile que tout, Jules César, les entraînant à la suite d’une volonté qui ne fléchissait pas.

Les Helvètes continuaient leur marche vers la Saône. Ils devaient la passer (à Mâcon ?[209]) et gagner ensuite les cols du pays éduen. Il s’agissait pour César d’atteindre la rivière avant eux et de leur fermer la route.

L’opération semblait facile ; le proconsul avait tout pour réussir : peu de chemin à faire depuis Lyon, la rapidité coutumière de ses marches, l’extraordinaire lenteur des Barbares. Et cependant, il se laissa devancer par eux[210]. On ne lui apprit leurs manœuvres que lorsqu’ils avaient déjà commencé le passage sur un pont de bateaux[211]. Il eut beau, avec Labienus[212] et trois légions, faire diligence au milieu de la nuit : trois des tribus helvètes étaient déjà en sûreté sur l’autre côté de la rivière ; il ne put surprendre que la quatrième, celle des Tigurins. Il en massacra une bonne partie[213], et, comme il n’y avait eu à vrai dire ni combat ni victoire, il se vanta d’avoir au moins châtié les hommes qui, jadis complices des Cimbres, avaient infligé aux Romains la double honte de la défaite et du joug[214].

César se hâta d’achever le pont construit par les Barbares[215] et de le faire passer à ses troupes[216] Les Helvètes s’effrayèrent ; et le jour même, il vit arriver dans son camp une ambassade conduite par le plus célèbre de leurs chefs, Divico, le vainqueur des Romains au temps des Cimbres[217]. Le proconsul et le vieux chef échangèrent d’abord de belles et fières paroles sur le hasard des combats et la dignité de leurs peuples[218]. Mais, quand on en vint à préciser, le, proconsul réclama aussitôt des otages[219], Divico répliqua que les Helvètes en recevaient et n’en donnaient pas, et il partit sur ce mot[220].

La poursuite commença le lendemain. En tête des Romains marchait la cavalerie gauloise, formée surtout par les escadrons éduens[221]. Ils prirent contact le jour même avec les cavaliers helvètes de l’arrière-garde, un demi-millier d’hommes. Ce fut une bizarre rencontre : les Helvètes, qui battaient en retraite et qui étaient fort inférieurs en nombre, se comportèrent quand même très bravement, Dumnorix donna le signal de la fuite à ses Gaulois, et les Romains[222], laissés seuls, perdirent quelques hommes[223]. Il y avait lieu de croire que Dumnorix trahissait.

Les émigrants continuèrent donc leur route sans se hâter, avec une confiance orgueilleuse et tranquille. Ils étaient en plein pays éduen, Mâconnais et Charolais[224]. Dumnorix et ses amis les aidaient de toutes manières, et les renseignaient sur les projets de César[225].

Celui-ci se bornait à suivre lentement les mouvements des Helvètes. Inquiet du résultat de la première rencontre, il avait interdit d’attaquer. En revanche, l’arrière-garde ennemie ne se gênait pas pour tracasser la tête de la colonne : il n’y eut jamais plus de dix kilomètres d’intervalle entre les deux armées[226]. Le pays, ruiné, ne fournissait plus rien ; les troupes romaines manquaient de fourrage et de blés[227] : les convois promis par les Éduens n’arrivaient pas, arrêtés par les intrigues de Dumnorix[228]. De ces deux armées, c’était celle de la poursuite qui subissait les misères d’une retraite.

En près de quinze jours[229], César ne put faire que douze lieues[230]. Un jour vint où il craignit de ne pouvoir distribuer aux légions leurs rations de blé bimensuelles[231]. Au fur et à mesure qu’il pénétrait sur ces hautes terres éduennes, il sentait que tout devenait plus hostile, la contrée et les hommes.

Il se décida à convoquer les chefs éduens. Aux reproches de César, le vergobret Lise répondit en rejetant la faute sur quelques hommes, qu’il ne désigna pas. Sommé en secret d’être plus explicite, il dénonça nettement Dumnorix. Une enquête rapide révéla tout au proconsul. Diviciac, appelé de nouveau, acheva de dévoiler les menées de son frère[232]. L’aristocratie éduenne consomma sans vergogne son œuvre de trahison.

Les larmes aux yeux, la main dans la main de César, l’hypocrite Diviciac supplia le proconsul d’épargner Dumnorix[233]. Le Romain était trop prudent pour inaugurer par l’exécution d’un allié la conquête de la Gaule. Tout en travaillant au profit d’un parti, il ne voulait pas s’aliéner l’autre à jamais. Il se borna à mettre Dumnorix en observation, dans une demi-captivité[234].

Si la campagne militaire n’avait donné que de médiocres résultats, les manœuvres politiques aboutissaient à Ta ruine définitive de Dumnorix et du parti national. L’ordre par lequel César se rendit maître du chef éduen fut sa première victoire au nord de la frontière. Il pouvait, maintenant, ne plus songer qu’à la bataille.

 

VIII. — LA DÉFAITE DES HELVÈTES.

Ce fut en effet le jour même qu’il prit ses dispositions en vue du combat[235]. Les ennemis étaient campés à huit milles de son quartier général, au pied d’une montagne qu’ils négligeaient de surveiller[236] (Sanvignes ?[237]). A minuit, il envoya pour l’occuper Labienus et deux légions[238] ; avant la fin de la nuit, il expédia sa cavalerie face aux Helvètes, et il la suivit avec le reste de ses troupes[239]. L’ennemi allait être pris entre deux feux.

Pour la troisième fois, le coup manqua. César n’était plus qu’à quinze cents pas du campement gaulois, lorsqu’il vit arriver à bride abattue le chef de son avant-garde, Publius Considius : l’officier lui annonça qu’il avait vu sur la montagne, non pas Labienus, mais les Gaulois[240]. C’était une erreur : Labienus avait gagné son poste à l’insu des Helvètes, et il attendait César[241]. Mais le général crut son officier, et fit reculer ses troupes[242]. Pendant ce temps, les Helvètes échappaient encore[243]. Le soir, les Romains campèrent à trois milles de l’ennemi (à Toulon-sur-Arroux ?)[244].

L’énervante poursuite allait-elle donc recommencer, avec l’incertitude des vivres et l’ignorance du pays ? Encore six à sept jours de marche vers le couchant, et on quitterait la terre des Éduens pour celle des Bituriges[245], en plein inconnu. Les convois n’étaient pas encore arrivés, et le surlendemain les provisions seraient épuisées[246]. Tout cela donnait à réfléchir à César. Le plus pressé était de nourrir ses soldats. Précisément, de son nouveau campement (Toulon ?), une route facile menait en une seule étape au mont Beuvray[247] : une fois à Bibracte, dans la capitale des Éduens, il maîtriserait leurs ressources et leurs volontés. Il donna donc l’ordre, le matin, de tourner vers le nord, et de prendre le chemin de Bibracte (par Montmort ?)[248].

Les Helvètes n’avaient qu’à le laisser faire et à continuer, désormais sans crainte, vers le Berry et la Saintonge (par la route de Decize ?). Mais les évènements de la quinzaine leur avaient rendu la confiance. Peut-être aussi ne voulurent-ils pas laisser Dumnorix et Bibracte à la merci de César. Ils revinrent sur leurs pas, atteignirent, derrière les Romains, la route du Beuvray, et se mirent à charger vigoureusement l’arrière-garde[249].

Les Helvètes ont pu camper vers l’étang de Montmort et au delà, sur la route de Decize ? (près de Montmort ?[250]). — La rencontre était inévitable, et pour la journée même.

Dès que César sentit les Helvètes sur ses talons[251], il fit rebrousser chemin à ses cavaliers, et les envoya sur la route tenir tête à l’avant-garde ennemie[252]. Cela lui donna quelques instants de répit, pendant lesquels il put ramasser ses troupes sur un terrain favorable, une vaste colline qui dominait le chemin par où revenaient les Barbares (la colline de Montmort ?)[253]. Au sommet, il installa les deux légions de conscrits, et les mit à construire des retranchements ; sur le flanc, face à l’ennemi qui approchait, il développa ses quatre vieilles légions en ordre de bataille[254]. — Les Helvètes comprirent la manœuvre et y répondirent. Ils groupèrent derrière eux tous leurs chariots, comme en vue d’un campement[255], et ils laissèrent sur la route, pour les garder, une réserve de quinze mille hommes[256] ; puis, les lignes prises, les rangs serrés, la phalange refaite, repoussant sur les côtés la cavalerie romaine[257], ils montèrent à l’assaut de la colline de César[258].

C’était la première grande bataille que le proconsul livrait en Gaule, et même de sa vie. Ni lui ni ses soldats n’avaient jamais aperçu un tel nombre d’ennemis. S’il était battu, tout espoir de conquérir la Gaule serait perdu, et peut-être se verrait-il couper la retraite. Bien des Romains souhaitaient son échec et sa mort, et il ne manquait pas de traîtres autour de lui, apostés par ses ennemis[259]. Ses ambitions, son prestige militaire, son salut, allaient dépendre de l’heure qui commençait.

Il agit alors comme dans un cas désespéré, demandant du premier coup à ses légionnaires leur plus grand effort et leur suprême volonté. La cavalerie fut écartée ; lui-même mit pied à terre, invita les siens à l’imiter, et renvoya les chevaux hors de la vue des combattants : chefs et soldats, tous iraient au même danger[260], et, vainqueurs ou vaincus, on resterait sur le champ de bataille. — Les Helvètes approchaient : César prononça quelques paroles, et donna le signal[261].

Les légionnaires s’ébranlèrent, et, arrivés à portée de l’ennemi, lancèrent le javelot. Comme les Helvètes se trouvaient en contrebas, exposés à tous les coups, la salve fut des plus meurtrières : les boucliers de la phalange gauloise étaient si rapprochés, presque emboîtés l’un dans l’autre, qu’un seul javelot en perçait plusieurs à la fois et les attachait ensemble. Beaucoup durent laisser là leurs boucliers, la phalange fut rompue, il n’y avait déjà plus chez les Barbares que désordre et incertitude, lorsque les légionnaires arrivèrent au pas de course et chargèrent à l’épée[262]. Pour ne pas être massacrés, les Helvètes battirent sagement en retraite, et se replièrent sur une colline voisine, à quinze cents mètres du camp romain[263]. La manœuvre était habile : cette fois, ils prenaient les avantages de la position.

Les soldats romains ou leurs chefs n’étaient pas encore façonnés à toutes les prudences du métier. Ils suivirent le mouvement des Helvètes, et montèrent à l’attaque de leur colline[264], sans songer à la réserve des ennemis. Celle-ci s’avança au moment opportun, et prit à revers les légionnaires[265], pendant que les vaincus de la première heure se reformaient, descendaient de leur retraite et recommençaient le combat[266].

Cette fois, le danger fut réel. Les quatre légions de César coururent le risque d’être enveloppées. Il leur fallut faire front des deux côtés. Et c’est alors que le vrai combat s’engagea, sauvage et opiniâtre. On lutta jusqu’au soir. Aucun Helvète ne tourna le dos, et les légions eurent de graves pertes à subir, morts et blessés[267].

A la nuit, les Romains l’emportaient. Le gros des Helvètes se replia sur leur colline[268], où il parut dangereux de les poursuivre. Ceux de l’arrière-garde se réfugièrent dans le campement, et, du haut des chariots ou derrière les roues, armés de dards et de javelines, ils tentèrent dans la nuit une dernière résistance. On finit par avoir raison d’eux et par briser leur forteresse d’occasion. Le jour se leva sur la victoire des Romains : il y avait quatorze heures que l’on combattait[269].

 

IX. — CONSÉQUENCES DE LA DÉFAITE DES HELVÈTES.

Les Gaulois venaient de subir un très grand désastre, le plus sanglant dont eût souffert un peuple de leur nom depuis la défaite de Bituit et des Arvernes. César n’avait vaincu, il est vrai, qu’une seule nation : mais elle comptait parmi les plus célèbres et les plus fortes, elle s’était levée toute entière, et elle venait de disparaître en un seul jour.

Les circonstances politiques donnaient à la victoire du proconsul une importance plus grande encore, et pour ainsi dire une valeur générale. Il avait détruit cette puissance des Helvètes que les partisans de l’unité gauloise regardaient comme leur suprême espérance ; la bataille s’était engagée sur une des routes maîtresses de la Celtique, entre la Saône et la Loire, au centre de la contrée, et presque en vue de Bibracte, une de ses villes souveraines ; elle avait eu, pour témoins ou complices, les chefs et les hommes de ce peuple éduen qui prétendait à l’hégémonie de la Gaule[270]. En fait, cette hégémonie venait de passer à César.

Aussi, dès le lendemain de la bataille, il parlait en maître non seulement aux vaincus, mais à ceux des Gaulois qui l’approchèrent, et il commença à régler à sa guise le sort des hommes et des peuples.

Des émigrants, 200.000 au moins avaient disparu[271]. Il restait encore 130.000 hommes, qui purent s’échapper et gagner le pays des Lingons (de Toulon à Dijon ?)[272] : de là, ils devaient retourner en Suisse par la Franche-Comté. Le proconsul ne songea pas à les poursuivre : son armée avait fort souffert dans la bataille ; elle devait être lasse de ces journées de marches et de craintes ; elle attendait ses vivres[273]. D’ailleurs, une poursuite n’eût abouti qu’au massacre des fugitifs, et César ne désirait pas les tuer à plaisir. Il accorda à ses légions trois jours de repos[274].

Ses ordres suffirent pour arrêter les Helvètes. Après la bataille, il fit déclarer aux Lingons qu’il était interdit de secourir les fugitifs sous peine d’être traités comme eux. Les Lingons s’inclinèrent : et quand les vaincus se présentèrent, on leur refusa des vivres[275]. Il ne leur restait plus qu’à mourir de faim ou qu’à se rendre : les Lingons aidaient les Éduens à trahir la Gaule.

César s’était remis en marche : les Helvètes n’attendirent pas son arrivée, et ils lui adressèrent des députés pour traiter de leur soumission. Le proconsul répondit qu’il ferait connaître sa volonté lorsqu’il serait près d’eux[276].

Dès qu’il fut en face du campement des vaincus (vers Dijon ?), il exigea d’abord la livraison d’otages et la remise de toutes les armes : c’était la soumission absolue. La plupart acceptèrent. Seuls, 6.000 hommes de la tribu des Verbigènes préférèrent s’enfuir pendant la nuit plutôt que d’obéir aux Romains. César envoya des ordres, et, traqués de toutes parts, les Verbigènes furent capturés et réduits sur-le-champ en esclavage[277].

Peut-être les soldats et les officiers de Rome eussent-ils préféré qu’on traitât de même les cent mille Helvètes qui s’entassaient devant eux[278]. Mais César n’était pas seulement un destructeur au poing féroce : il songeait aussi à l’avenir des terres sur lesquelles il étendait son nom, et, l’œuvre de victoire achevée, il agit en politique.

Ordre fut donné aux Helvètes de retourner sur leur territoire, d’y rebâtir leurs villages, d’y relever leurs places fortes. Pour les aider à vivre jusqu’aux prochaines récoltes, les Allobroges devaient leur fournir le blé nécessaire[279]. — Quant aux Boïens du Danube qui s’étaient joints aux émigrants, il ne fallait pas songer à les renvoyer en Allemagne, où Arioviste et Burbista étaient les maîtres. Les Éduens offrirent et obtinrent de les garder chez eux ; ils furent établis dans la presqu’île entre Loire et Allier, et, comme tribu sujette, ils accrurent la puissance de l’empire de Bibracte[280].

Ce retour des Helvètes sur la rive gauche du Rhin, imposé et protégé par le proconsul, marque dans l’histoire de la Gaule le début des temps nouveaux. Depuis un demi-siècle que l’Empire arverne avait été détruit, elle s’était montrée impuissante à défendre le fleuve contre les Barbares : si César n’avait pas rétabli en Suisse la nation des Helvètes, leurs anciennes terres seraient devenues la proie d’Arioviste et de ses Suèves, et la province romaine les aurait eus pour voisins immédiats[281]. Maintenant, le danger germanique est écarté des Alpes et du Rhône ; les Gaulois sont ramenés à leur mission naturelle, qui est de préserver le monde méditerranéen contre les invasions du Nord, et, puisqu’ils n’ont pu s’en acquitter au temps de leur indépendance, ils la rempliront comme sujets de Rome. Et, plus encore que la défaite sur le champ de bataille, cet ordre donné aux Helvètes montrait que l’heure de la soumission était arrivée pour tous (juin ?[282]).

 

 

 



[1] Ramus, Liber de Cæsaris militia, Paris, 1559 ; Rœsch, Commentar über die Commentarien, Halle, 1783, p. 1 et suiv. ; Rüstow, Heerwesen und Kriegführung C. Julius Cæsars, 2e éd., 1862 ; von Gœler, II, p. 213 et suiv. ; Jæhns, Handbuch einer Geschichte des Kriegswesens, 1880, p. 237 et suiv. ; Kraner, L’Armée romaine au temps de César, trad. Benoist, Baldy, et Larroumet, 1884 ; Marquardt, Rœm. Staatsverwaltung, II, 1884, 2e éd., p. 319 et suiv. ; Frœhlich, Das Kriegswesen Cæsars, 1891 ; Stoffel. Revue de philologie, XV, 1891, p. 139 et suiv. ; l’édition des Commentaires, de Benoist, Dosson et Lejay, 5e tir., 1899, p. 557 et suiv. (très utile) ; Rice Holmes, p. 563 et suiv.

[2] Effectif qu’on lui donna en 59.

[3] César, V, 49, 7.

[4] Le chiffre complet était de 6200 depuis Marius (Festus, p. 336, M.). Au bout de quatre ans de campagne, la XIIIe légion, levée avant 54, sans doute en 57 (V, 53, 6), renfermait encore 5000 hommes (Plutarque, César, 32 ; Pompée, 60 ; Appien, Civ., II, 34, 136 ; cf. César, De b. c., I, 7, 7). Les recrues servaient d’ordinaire à former de nouvelles légions (I, 10, 3 ; 24, 2 ; II, 2, 1 ; V, 24, 4 ; VI, 1, 4 ; 32, 5 ; VIII, 54, 2), ou servaient à part (VII, 57, 1 ; V, 24, 4 ; VII, 7, 5 ; 65, 1). Il n’est pas impossible qu’on les ait aussi incorporées dans les anciens corps (cf. De b. c., III, 87, 5 ; et cf. C. I. L., X, 3886, un soldat de dix-huit ans dans la VIIe légion) ; mais il semble bien que la préoccupation de César fût d’avoir des légions homogènes, formées de soldats arrivés ensemble (VIII, 8, 2). Cf. Frœhlich, p. 8-12 ; tous ces points ont du reste donné lieu à discussion.

[5] César en eut toujours très peu.

[6] Dans la campagne de Bourgogne, de 52.

[7] I, 31, 5.

[8] I, 29, 2.

[9] II, 4 ; Strabon, IV, 4, 3.

[10] VII, 71, 3 ; 75. — Je persiste, en dépit des attaques dont ils sont l’objet, à les croire exacts. Outre les raisons données déjà, en voici d’autres, d’ordre militaire : si les ennemis n’avaient été deux ou trois fois supérieurs en nombre à César, la guerre des Gaules, vu l’écrasante supériorité de l’armée romaine comme armement et comme pratique militaire, eût été une simple boucherie, et César n’y eût pas rencontré les dangers et les craintes qu’il y signale sans cesse. Quant à l’objection tirée des vivres, j’imagine qu’il n’était pas plus difficile aux Gaulois de faire vivre 100000 hommes qu’à César 30.000 : d’ailleurs, eux-mêmes avouent les difficultés du ravitaillement pour leurs multitudes (II, 10, 4 ; III, 18, 6 ; VII, 75, 1).

[11] Je parle des 4 légions amenées en 58 ; leur origine italienne résulte de César, De b. c., III, 87, 5, et des noms des colons que fournit la Xe à Narbonne (Hirschfeld, Beiträge zur Geschichte der Narbonensischen Provint, extr. de Westdeutsche Zeitschrift, VIII, 1889, p. 13 14 ; cf. L. Vorenas, César, V, 44, 1 ; soldats de Capoue dans la VIIe, C. I. L., X, 3886). — Les autres légions, dont le rôle fut souvent secondaire, furent levées en Gaule Cisalpine (I, 24, 2 ; II, 2, 1 ; VI, 1, 1 et 2).

[12] Legiones veteranæ, I, 24, 2 ; veterrimæ, VIII, 8, 2 : il s’agit des VIIe, VIIIe, IXe, Xe ; après sept à huit ans de service, les autres légions ne sont que summæ spei.

[13] VII, 40-41.

[14] IV, 18, 1.

[15] V, 1 et 2. Cf. la flotte de Brutus en 56 ; la flotte contre Marseille construite en un mois en 49. — Ajoutez que les légionnaires pouvaient être employés à couper les foins et à faire la moisson (V, 17, 2 ; IV, 32, 1 ; VI, 36, 2 ; etc.).

[16] Ce qui explique pourquoi, tant de fois, des légionnaires isolés ont pu, sans être blessés, tenir tête à de véritables troupes ; cf. V, 44. Les grandes pertes d’hommes, de la part de César, s’expliquent : sur la Sambre (II, 25, 1), parce que les légionnaires n’eurent pas le temps de prendre casques et boucliers (II, 21, 5) ; à Gergovie, à cause du terrain (VII, 51) ; je laisse de côté les cas de trahison ou de surprise.

[17] Expériences faites en 1864 (cf. de Reffye, p. 342).

[18] Polybe, VI, 23, 6 et 7 ; etc. — Sur les armes contemporaines de César, Verchère de Reffye, Les Armes d’Alise, Rev. arch., 1864, X, p. 337 et suiv.

[19] Cf. Végèce, I, 6.

[20] César, II, 23, 1 ; I, 25, 2 ; VII, 62, 4.

[21] César, II, 23, 1 ; I, 25, 2 : VII, 88, 3 ; I, 52, 4 ; dans ces deux derniers cas, le contact à l’épée n’a pas été précédé de la salve de javelots.

[22] Voyez, pour ce qui suit. P. Sextius Baculus, primipile ou premier centurion de la XIIe, sans doute arrivé à ce grade après avoir été soldat dans une des vieilles légions (II, 25, 1 ; III, 5, 2 ; VI, 38), T. Pullus et L. Vorénus (V, 44), L. Fabius, de la VIIIe (VII, 47, 7 ; 50, 3), M. Petronius, de la même (VII, 50, 4-6) ; autres : I, 40, 1 ; 41, 3 ; II, 17, 1 ; V, 28, 3 : 35, 6 et 7 ; VI, 7, 8 ; 40, 7 ; VII, 12, 4 et 6 ; 17, 8 ; 51, 1 ; VIII, 23, 4.

[23] On choisissait, je crois, les centurions des nouvelles légions parmi les meilleurs soldats des anciennes (VI, 40, 7).

[24] Un centurion combat à côté de son fils, V, 35, 7.

[25] Les primi ordines ou centurions de premier rang sont admis dans les conseils de guerre (V, 28, 3 ; VI, 7, 8). C’est une question fort débattue que celle de savoir si ces primi ordines sont les six centurions de la 1re cohorte (il y avait 10 cohortes, 6 centuries par cohorte) ou les dix premiers centurions de chaque cohorte : j’incline vers la première solution, à cause de V, 15, 4, qui indique une prééminence de la 1re cohorte : en sens divers, entre autres : Madvig, Kleine philologische Schriften, p. 513 et suiv. ; Mommsen, Ephemeris epigraphica, IV, 1881, p. 226 et suiv. ; A. Müller, Philologus, XXXVIII, .1879, p. 126 et suiv. ; Marquardt, p. 370 et suiv. ; von Gœler, 2e éd., II, p. 222 et suiv. ; Giesing, Neue Jahrbücher, CXLV, 1892, p. 493 et suiv. ; von Domaszewski ap. Wissowa, au mot Centurie ; le même, Bonner Jahrbücher, CXVII, 1908 (Die Rangordnung), p. 90 et suiv. ; Rice Holmes, p. 571 et suiv.

[26] I, 21, 1 et 22, 5 ; etc. Les fouilles ont permis de retrouver les dimensions de quelques camps : sur l’Aisne, 41 hectares pour 8 légions ; à Gergovie, 35 hectares pour 6 légions ; dans la forêt de Compiègne, 25 hectares pour 4 légions ; donc, en moyenne, 23 arpents (5 hectares 3/4) par légion. Sur les camps de César, Frœhlich, p. 220 et suiv.

[27] II, 17, 1.

[28] Dont la pente, en cas de sortie, facilitait l’élan des légions : II, 8, 3 ; III, 19, 1 ; II, 18, 1 ; I, 24, 3. — Au point de vue de la hauteur, on peut distinguer entre : 1° les camps bâtis sur des mamelons plus ou moins faciles à gravir ou à descendre (25 m. de hauteur sur l’Aisne, en Alsace, à Gergovie, sur la Sambre, près de Deal, à Tongres, à Monzon, à Binche), et ces camps étaient utiles surtout quand on prévoyait une offensive rapide ; 2° les camps situés sur des hauteurs assez peu abordables pour une armée, camps de défensive ou de blocus (sur l’Are, le Rhône, devant Namur, Alésia, Issolu, Marseille, à La Roche-Blanche, dans la forêt de Compiègne). Mais il ne faudrait pas généraliser cette opposition : car, dans la plupart des cas, le choix du camp m’a paru déterminé par les nécessités des lieux ou des moments. Pour les camps d’hivernage, on se préoccupe moins de la force de la position que des ressources du pays en approvisionnements.

[29] IV, 11, 4. — J’incline à croire que l’on choisissait de préférence le voisinage d’un cours d’eau, où les bêtes de somme pouvaient s’abreuver : l’Aisne, la Sambre, l’Arroux ? ; autres exemples, note précédente et suivante.

[30] C’est, je crois, la préoccupation principale : tous les camps paraissent à portée de grandes routes, de passages de cours d’eau, et souvent de carrefours importants.

[31] Il faut évidemment distinguer, au point de vue de ces défenses : 1° les camps de marche, abandonnés le matin ; 2° les camps d’attaque, bâtis en face d’ennemis immobiles ou de villes assiégées : dans ce cas, les défenses étaient plus importantes, quelquefois même elles furent construites en pierre, comme une ville ; cf. Schulten, Bulletin hispanique, X, 1908, p. 128 et suiv. ; 3° les camps d’hivernage, hiberna, où les tentes sont remplacées par des baraquements, casæ (V, 43, 1).

[32] Sur l’Aisne, II, 5, 6, dans la forêt de Compiègne, VIII, 9, 3 : mais il faut dire que ce sont des camps d’attaque. Remparts protégés par des blindages : VIII, 9, 3 : VII, 41, 4.

[33] Végèce, I, 21 (profondeur du fossé normal, legitima ; le fossé en cas d’alerte, tumultuaria, est de 7 pieds) ; César, II, 5, 6, et Napoléon III, Atlas, pl. 9 (largeur de 18 pieds, camp de combat sur l’Aisne) ; VIII, 9, 3 (largeur de 15, camp de combat dans la foret de Compiègne) : Napoléon III, Atlas, pl. 22 (largeur de 14 pieds devant Gergovie). Ces largeurs sont, semble-t-il, celles de fossés renforcés ; le fossé en cas d’alerte a 9 pieds (Végèce, I, 24).

[34] II, 24 ; 2 ; IV, 32, 1 ; V, 50, 5 ; 51, 5 : VI, 37, 1 ; VIII, 9, 4 ; VII, 41, 4. Ouvrages de défense particuliers aux portes, Atlas, pl. 9 ; cf. V, 50, 5 ; VIII, 9, 9.

[35] Il est vrai seulement en cas de danger (V, 40, 2 : 120 tours pour le camp d’une seule légion ; VIII, 9, 3 et 4 : tours réunies par des ponts, et ceux-ci protégés par des blindages).

[36] Tite-Live, XLIV, 39 ; Végèce, I, 21 (muratam civitatem secum portare).

[37] II, 17, 1 ; I, 24, 3.

[38] Le camp d’Aduatuca ne fut pris qu’à peu près vide de défenseurs ; de même celui de la Sambre. Autres assauts : V, 26 ; V, 40 ; VII, 41 : III, 19 ; cf. V, 29, 2.

[39] Cf. VIII, 14, 1.

[40] Schambach, Die Reiterei bei Cæsar, 1881 (progr. de Mulhausen en Thuringe).

[41] Encore n’est-il pas prouvé qu’il y eût des légionnaires servant régulièrement comme cavaliers dans l’armée de César ; en tout cas, ils pouvaient monter à cheval, I, 42, 5 et 6.

[42] Par exemple les evocati, soldats ou plutôt centurions rengagés. VII, 65, 5 (cf. III, 20, 2). Cf. Schmidt, Hermès, XIV, 1879, p. 321 et suiv.

[43] Numides en 57, II, 7, 1 ; 10, 1 ; Espagnols en 54, V, 26, 3.

[44] IV, 12, 1 ; I, 15, 1 ; V, 5, 3. Éduens et alliés : I, 15, 1 ; V, 7, 5 et 9 ; Dèmes : VIII, 11, 2 et 12, 3 ; Trévires : II, 24, 4 ; Aquitains : IV, 12, 4 ; Lingons : VIII, 11, 2 ; Allobroges : De bello civili, III, 59 ; Sénons : De b. G., VI, 5, 2 ; indigènes d’entre Loire et Garonne ? : III, 20, 2.

[45] VII, 65, 4 et 5 ; 13, 1. Peut-être dès 55.

[46] II, 7, 1 ; 10, 1 ; 24, 4 ; III, 25, 1 ; IV, 25, 1 ; peut-être y recourut-il de nouveau lorsque Vercingétorix eut fait appel aux archers rutènes et autres : VII, 81, 4 ; VIII, 40, 5.

[47] Schambach, Einige Bemerkungen über die Geschützverwendung bei den Rœmern, besonders zur Zeit Cesars, 1883 (progr. d’Altenburg).

[48] On ne trouve pas une seule mention, dans la guerre des Gaules, de tormenta suivant l’armée (les textes, IV, 25, 1, VIII, 14, 5, ne sont pas probants) : mais c’est fort possible, et il est possible aussi que chaque légion eût dès lors son train, ses baraques de siège, vineæ (II, 12, 3).

[49] VII, 17, 1 ; II, 12, 3 ; etc.

[50] On a songé sans preuves à Mamurra, præfectus fabrum C. Cœsaris in Gallia (Pline, XXXVI, 48), et on pourrait aussi songer à L. Cornelius Balbus, qui le précéda dans cette fonction (Cicéron, Pro Balbo, 28, 63) : mais il n’est pas sûr que le præfectus fabrum fût alors autre chose qu’un simple officier d’état-major, sans fonction précise, sans connaissances techniques (cf. Dictionnaire des Antiquités, II, p. 959 ; Maué, Der Præfectus fabrum, 1887, p. 12 et suiv.). Mais la présence d’ingénieurs me paraît résulter des travaux accomplis ; peut-être ce furent des esclaves ou des affranchis.

[51] Cela me paraît résulter des systèmes d’attaque et de blocus employés.

[52] V, 11, 3.

[53] Il le dit lui-même (VI, 34, 8 et 7) : Ut potius... Gallorum cita quam legionarius miles periclitetur.

[54] De là l’importance que conserve l’usage des harangues (I, 25, 1 ; II, 21, 1-4 ; III, 24, 5 ; VII, 27, 2 ; VII, 86, 3). Et c’est ce rôle des individus qui explique le rappel d’anciens soldats, viri fortes nominatim evocati (III, 20, 2).

[55] La Xe sert d’ordinaire de réserve et de garde proconsulaire ou prétorienne (I, 40, 15 ; 42, 5 et 6 ; VII, 47, 1) ; les légions les plus jeunes forment la garde du camp ou des bagages (I, 24, 2 et 3 ; II, 19, 3 ; VI, 32, 5 ; VII, 57, 1).

[56] V, 44 ; VII, 47, 7 ; Plutarque, César, 16 ; Suétone, César, 68.

[57] Il ne faut pas non plus oublier qu’un soldat et surtout un vieux soldat était à Rome un électeur très influent, et que l’envoi de quelques légionnaires en congé a pu contribuer au triomphe des partisans de César.

[58] La plupart du temps César a été attaqué le premier.

[59] Je fais exception pour l’affaire de Gergovie.

[60] I, 39, 2 ; II, 26, 1 ; III, 5, 2 ; IV, 23, 5 ; V, 15, 5 ; 28, 3 ; 52, 4 ; VI, 7, 8 ; 39, 2 ; VII, 17, 8 ; 47, 2 ; 65, 5 ; 62, 6. Ils étaient peut-être, par nombre de six, répartis entre les légions, mais ils ne les commandaient pas en chef, tout en paraissant à leur tête ou à la tête de détachements sur le champ de bataille (II, 26, 1 ; VI, 39, 2 ; VII, 47, 2 ; 62, 6). Il y avait aussi des tribuns dispensés de tout service (Cicéron, Ad fam., VII, 8).

[61] II semble qu’il faille distinguer : 1° un præfectus equitum pour l’ensemble de la cavalerie d’une armée (VIII, 28, 2 ; 48, 1 ; I, 52, 7) ; 2° les præfecti des troupes romaines (I, 39, 2 ? ; III, 26, 1 ? ; IV, 11, 6 ?) ; 3° les præfecti indigènes (VIII, 12, 4-6 ; III, 26, 1 ? ; IV, 11, 6 ? ; I, 18, 10). Cf. aussi I, 39, 2 ; II, 22, 3 ; Cicéron, Ad fam., VII, 5.

[62] Peut-être : I, 39, 2 ; IV, 22, 3.

[63] César eut comme questeur : en 53, et depuis décembre 54, M. Licinius Crassus (VI, 6, 1 ; en 54, V, 24, 2, les mss. omettent d’ordinaire le titre de questeur) ; en 51, Marc-Antoine (VIII, 2, 1). Les autres sont inconnus. — Je doute, malgré l’emploi du pluriel quæstores (IV, 22, 3 ; V, 23, 5), que César ait eu plus d’un questeur (opinion de Mommsen, Jahresb. des philolog. Vereins, XX, 1894, p. 206) ; cf. Grœbe ap. Drumann, n. éd., III, p. 697-8.

[64] Ne faut-il appeler légats que ceux auxquels César donne expressément ce titre ? ou faut-il considérer aussi comme tels ceux, par exemple Crassus le jeune et Brutus, auxquels il ne le donne pas ? J’incline à cette dernière solution : 1° César supprime ou ajoute sans raison valable le mot de legatus au nom de ses légats, par exemple de Labienus (I, 10, 3 ; contra, V, 24, 2 ; VII, 90, 4) ; 2° j’ai peine à croire qu’il ait confié des corps d’armée, et des plus importants, à Décimus Brutus et Crassus le jeune (p. 186), s’ils n’avaient pas eu ce titre ; 3° il ne dit jamais que Quintus Cicéron fut légat, et il l’était certainement (Cicéron, Ad fam., I, 9, 21). — Voici, pour la période 58-36, ce que nous savons des légats possibles de César (je marque d’un * ceux auxquels César ne donne pas le titre) : 1° Labienus (T. Labienus) est avec lui dès l’origine (I, 10, 3) et chaque année jusqu’en 51 ; 2° en 58, * C. Claudius Pulcher ? (Cicéron, Pro Sestio, 18, 41) ; 3° en 58, * P. Vatinius (Cicéron, In Vat., 15, 35) ; 4° en 58, * P. Considius ?? (I, 21, 4) ; 5° en 58, 57, 56,* P. Licinius Crassus ? ; 6° en 57, L. Aurunculeius Cotta ; 7° en 57, 56, Q. Titurius Sabinus ; 8° en 57, Q. Pedius ; 9° en 57, * Servius Sulpicius Galba ; 10° en 56, * Decimus Junius Brutus ? Il est donc possible qu’il ait eu d’abord six légats à la fois, comme il eut d’abord (en 58) six légions. — Pour 55-54, nous trouvons : 1° Labienus, chaque année ; 2° en 55, 54, Sabinus ; 3° en 55, 54, Cotta ; 4° en 55, P. Sulpicius Rufus ; 5° en 54, L. Munatius Plancus ; 6° en 54, C. Fabius (Adrianus) ; 7° en 54, * L. Roscius (Fabatus) ; 8° en 54, * Q. Tullius Cicero ; 9° en 54, C. Trebonius : il semble que César ait eu alors huit légats, autant que de légions (en 57-54). — Pour 53 : 1° Labienus ; 2° Fabius ; 3° Trébonius ; 4° * Cicéron ; 5° T. Sextius ; 6° * C. Volcatius Tullus, adolescens ? ; 7° * L. Minucius Basilus ? ; 8° C. Antistius Reginus ; 9° M. (Junius) Silanus : il a donc au moins neuf légats, comme il a dix légions ; 10° et 11° * A. Hirtius et * C. Vibius Pansa ont été en Gaule en 54 ou 53 comme légats ou questeurs, ou peut-être sans titre ; cf. Cicéron, Ad fam., XVI, 27. 2. — Pour 52 : 1° Labienus ; 2° Fabius ; 3° Trébonius ; 4° Sextius ; 5° Rufus ; 6° * Basilus : 7° Réginus ; 8° C. Caninius Rebilus ; 9° * Marcus Antonius ? (légat sans doute avant d’être questeur, VII, 81, 6) ; 10° L. Julius César ; 11° * M. Sempronius Rutilas ? ; 12° * Brutus ; 13° *Cicéron ; César a en ce moment onze légions, mais il peut y avoir un questeur parmi ces chefs. — En 51 apparaissent P. Vatinius et Q. Calenus, mais il manque quelques noms de 52. — Le nombre des légats de César parait donc, sans que cela soit certain, avoir augmenté peu à peu avec celui des légions. Il ne faut pas du reste oublier, dans ces calculs, qu’un légat peut avoir pris ou quitté son service au cours d’une année. — La plupart de ces légats sont de rang questorien, très peu, de rang prétorien. On admet d’ordinaire que la questure était nécessaire pour le titre de legatus et que P. Crassus le jeune, questeur en 54 (?), Décimus Brutus le jeune, Marc-Antoine, questeur en 51, auraient été, avant leur questure, loco legati et non légats en titre (cf. Willems, II, p. 608). C’est possible, non prouvé pour le temps de César. En tout cas, legatus ou vice legati, la fonction d’un officier supérieur est la même. — Je doute qu’il faille voir les légats accordés à César dans les decem legati de 56 et croire que le nombre des légats du proconsul, fixé à cinq au début, ait été, en 56, porté à dix (théorie de Willems, II, p. 612-3). — Cf., là-dessus, outre Willems, Grœbe ap. Drumann, n. éd., III, p. 696 et suiv.

[65] Peut-être : V, 27, 1 ; VI, 40, 4 ; VII, 3, 1 ; VII, 60, 1 ; VII, 65, 5 ; I, 39, 2 (reliquisque) ; Cicéron, Ad fam., VII, 5. Cf. note précédente. — Voyez Boissier, Cicéron et ses amis, 1865, p. 324 et suiv., qui a très bien décrit l’état-major de César.

[66] III, 10, 2, rapproché de 7, 3 et 4 ; cf. VI, 40, 4.

[67] On a eu tort, remarque justement Rice Holmes, de rabaisser le rôle et la valeur des tribuns : voyez par exemple la conduite de C. Volusenus Quadratus (III, 5, 2 ; IV, 21, 1 et 9 ; 23, 5 ; VIII, 23, 4 et 5 ; 48).

[68] IV, 21, 1 ; VIII, 23, 4 ; V, 27, 1 (?) ; I, 47, 4 (?).

[69] III, 7, 3 et 4 ; VII, 3, 1.

[70] Peut-être VII, 65, 4.

[71] VI, 40, 4 ; VII, 60, 1 ; V, 15, 5 ; VI, 41, 2 ; VII, 47,2.

[72] VII, 42, 5 ; III, 7 et 8 ; VII, 3, 1.

[73] Dès 58 : I, 52, 1 ; II, 20, 3 ; V, 1, 1 ; VII, 45, 7. Je doute que dès ce temps chaque légion ait eu le même légat à demeure : cependant, T. Sextius garde la XIIIe en 52 (VII, 51, 2) et 51 (VIII, 11, 1), et, je crois, Cicéron la XIVe en 53 et 52-51, Labienus, la VIIe.

[74] V, 24, 2-5 ; 25, 5 ; VII, 90 : il y a d’ordinaire dans un quartier d’hiver autant de légats que de légions.

[75] II, 34, et III, 20, 1 (P. Crassus le jeune), Galba ; III, 11, 4 (Sabinus) ; Labienus ; Fabius et Caninius ; Brutus.

[76] Cf. I, 39, 2. — Les légats sont nommés en principe par le sénat (Willems, II, p. 608), mais évidemment après entente avec le proconsul, et il semble bien qu’il ait souvent donné ce titre indûment (Cicéron, In Vat., 15, 35). Il avait en droit moins d’action sur le choix des tribuns (W., p. 6331, mais en fait César semble avoir nommé tribun qui il a voulu (Cicéron, Ad fam., VII, 5 et 8). La guerre des Gaules nous permet d’assister aux progrès continus de l’autonomie du chef d’armée.

[77] I, 39, 2 (tribuns et préfets) ; Galba ; Sabinus.

[78] Cf. Bondurant, Decimus, etc., Chicago, 1907.

[79] Né en 83, est à l’armée en 52, à 31 ans, comme legatus (VII, 81, 6), en 52-51 comme questeur (VIII, 2, 1 ; 24, 2, etc.).

[80] Il fut questeur en 54-53 (cf. Willems, I, p. 536), né par conséquent vers 84, doit avoir 27 ans environ en 58, où il est à l’armée.

[81] Il est legatus pro prætore dès 58 (I, 21, 2), ce qui lui donne la même autorité qu’à César en l’absence du proconsul. Sur la nouveauté de ce titre, cf. Mommsen, Staatsrecht, II, p. 636-8. Tribun de la plèbe en 63, préteur au plus tard en 59, il est donc en 58 âgé d’au moins quarante et un ans.

[82] I, 10, 3 ; II, 1, 1 ; VIII, 23, 3, Dion, XLI, 4, 2. Labienus a fait toutes les campagnes de 58 à 51, et c’est peut-être le seul officier dont on puisse dire pareille chose.

[83] Voyez par exemple en 57, 56, 52, 51.

[84] Il l’avoue nettement, quotannis facere consuerat (V, 1, 1).

[85] Plutarque, César, 20.

[86] Pendant l’hiver, les congés, même pour aller à Rome ou en Italie, s’accordent, je crois, assez facilement.

[87] Cf. VII, 52.

[88] Plutarque, César, 16.

[89] Præmia, V, 58, 5 ; VII, 27, 2 ; 47, 7 ; III, 26, 1.

[90] Cf. Appien, Civ., II, 150.

[91] Tabellarii : Cicéron, Ad Quintum, III, 1, 5, 17 ; 8, 2 (parle des tabellarii de César et de ceux de Labienus).

[92] Cf. VII, 55, 3 ; V, 1, 4.

[93] Muliones : VII, 45, 2.

[94] Calones : II, 24, 2 et 4 ; 27, 1 ; VI, 30, 1 ; 40, 1 et 5.

[95] Servi : VII, 20, 9 ; VIII, 10, 4 ; V, 45, 3 ; I, 23, 2 ; 27, 3.

[96] VII, 3, 1 ; 42, 5 et 6 ; 55, 5 : III, 1, 2.

[97] Cf. Cicéron, Ad fam., VII, 5.

[98] Ce sont les mercatores qui sub vallo tenderent (VI, 3, 2).

[99] Cf. Valère Maxime, II, 7, 1.

[100] Hos latrones... ostendit ; VII, 38, 8 et 9. — Les lettres de Cicéron à Trébatius sont caractéristiques à ce sujet : ce que l’orateur souhaite pour son ami, c’est surtout bene nummatum futurum (Ad fam., VII, 16, 3), inaurari (13, 1).

[101] César dit tantôt Provincia absolument (I, 1, 3 ; 10, 1, 2 et 5 ; etc.), ou Gallia Provincia (I, 19, 3), Provincia nostra (I, 2, 3), Provincia ulterior (I, 10, 5) ; tantôt Gallia ulterior (I, 7, 1 et 2 ; 10, 3), Gallia Transalpina (VII, 6, 1), et même, peut-être, Gallia interior (mss. α, II, 2, 1).

[102] Cf. I, 10, 5 ; 6, 2.

[103] I, 10, 2 ; III, 20, 2.

[104] I, 10, 5 ; VII, 64, 4 ; 75, 2.

[105] IV, 12, 4 : Piso Aquitanus.

[106] VII, 8, 2 (Cevenna ut muro).

[107] VII, 7, 1-2 (?) ; 65, 2.

[108] VII, 7, 5 ; 8, 1-3 ; 65, 2 ; I, 19, 3 ; 47, 4 ; 53, 5-6.

[109] I, 7, 2 et 6 ; 8, 1 ; III, 20, 2 ; VII, 7, 3 : 65, 1 (22 cohortes levées en Narbonnaise).

[110] III, 20, 2 (viris fortibus).

[111] VII, 7, 4.

[112] VII, 65, 1.

[113] III, 20, 2.

[114] Les transfuges gaulois dont il parle (I, 23, 2 ; cf. 27, 3 et 28, 2) sont des esclaves qui avaient suivi leurs maîtres.

[115] VII, 65, 2 et 3.

[116] VII, 65, 2 ; I, 19, 3 ; 47, 4 ; 23, 2.

[117] I, 19, 3 ; 47, 4.

[118] I, 19, 3 ; 47, 4 ; V, 36, 1.

[119] Voyez tous ces textes, dans les trois notes précédentes.

[120] Il est probable que ce C. Valerius Procillus (I, 47, 4 ; 53, 5-7) est le Troucillus (mss. Trau- ou Troau-) de I, 19, 3.

[121] Sur la campagne contre les Helvètes, outre les livres généraux : Monetus, Galliæ geographia, 1634, p. 337-344 ; Collet, Explication des Statuts... de Bresse (dissertation préliminaire), 1698 ; [des Ours de Mandajors], La Guerre de César et des Suisses, p. 1 et suiv. de ses Dissertations, Avignon, 1712 (fantaisiste) ; Dunod, Hist. des Séquanois, I, Dijon, 1735, p. 10 et suiv. ; Pecis, Les Campagnes de Jules César, I, 1760, p. 13 et suiv. ; de Vaudoncourt, Journal des sciences militaires, III, 1826, p. 316 et suiv. ; Lavirotte, Mém. de la Comm. d’Antiquités du dép. de la Côte-d’Or, a. 1834 et 1835, in-8°, p. 74 et suiv. (cf. Rossignol, même recueil, II, in-4°, 1842 à 1846, p. 83) ; Bourgon, Diss., etc., Académie des Sciences... de Besançon, 1836, p. 75 et suiv. ; Gaullieur, Bulletin de l’Institut nat. genevois, I, 1853, p. 239 et suiv. ; Dufour, même recueil, p. 499 et suiv. ; Brossard, Histoire... du pays de Gex, Bourg, 1851, p. 15 et suiv. ; Sirand, Antiquités générales de l’Ain, Bourg, 1855, p. 268 et suiv. ; Monnier, Études sur l’invasion des Helvètes, 1858 (Ann. de l’Ac. de Mâcon, IV, II) ; Aubertin : 1° Revue des Soc. sav., IIIe s., II, 1863, II, p. 264 et suiv. ; 2° id., IIIe s., IV, 1864, p. 103 et suiv. ; de Saulcy, Campagnes, p. 225 et suiv. ; Valentin-Smith dans les Travaux arch. extraits des Mém. de l’Arad. de Lyon, 1868, p. 57 et suiv. (écrit en 1861) ; Cadot, Note sur l’invasion des Helvètes, [Mâcon, 1862] ; Guillemot, Excursions archéologiques, Dijon, 1861, p. 43 et suiv. ; Heller, Philologus, XIX, 1863, p. 555 et suiv. ; id., XXVI, 1867, p. 655 et suiv. ; Thomann, Der franzœsische Atlas, 1868, p. 6-11 ; le même, Neue Jahrb. für Phil., XCI, 1865, p. 694 et suiv. ; Rapp, Die Helvetier im Jahr 58 v. Chr., Rastatt, 1865 (progr. de Donaueschingen) ; Garenne, Bibracte, Autun, 1867, p. 28 et suiv. (important et trop peu cité) ; Eichheim, Die Kämpfe der Helvetier und Sueben gegen C. J. Cæsar, Neuburg, 1re éd., 1866, 2e éd., 1876 (eccentricity and virulence, dit justement de lui Rice Holmes, p. 232) ; M., dans Œsterreichische Militar. Zeitschrift, VIII, 1867, IV, p. 1 et suiv. (très insignifiant) ; van Kampen, Die Helvelierschlacht bei Bibracte, Gotha, 1878 ; Rauchenstein, Der Feldzug Cæsars gegen die Helvetier, Zurich, 1882 (thèse d’Iéna), p. 39 et suiv. ; Klævekorn, Die Kämpfe Cæsars, etc., Leipzig, 1889 ; Melber, Der Bericht des Dio Cassius über die Gallischen Kriege Cæsars, 1891, p. 59-68 ; Carion, Montmort,... emplacement de la bataille dans laquelle César défit les Helvètes, Mâcon, 1892 (Annuaire de Saône-et-Loire) ; [Senault], L’Œuvre de J. Maissiat, Bourg, 1892, p. 23 et suiv. ; Stoffel, Histoire de Jules César, II, 1887, p. 439 et suiv. ; le même, Guerre de César et d’Arioviste, 1890, p. 32 et suiv. ; Bulliot, Mémoires de la Soc. Éduenne, n. s., 1892, XX, p. 303 et suiv. ; Ziehen, Der neueste Angrif, etc., Berichte des Freien Deutschen Hochstiftes à Francfort, 1911, p. 96 et suiv. ; Lindenmann, Die Helvetier im Kämpfe, etc., Zurich, 1901, p. 80 et suiv. ; Frœhlich, Die Glaubwürdigkeit Cæsars in seinem Bericht über den Feldzug gegen die Helvetier, Aarau, 1903 (programme) ; Bircher : 1° Der Feldzug Julius Cæsars gegen die Helvetier, Frauenfeld, 1890 (Schweizer Monatschrift für Offiziere) ; 2° Bibracte, Aarau, 1904. — J’avoue ne pas comprendre les attaques dont les Commentaires de César ont été l’objet à propos de cette guerre. Son récit est suffisamment clair, les chiffres ne me paraissent pas exagérés, et si on peut lui reprocher d’avoir trop peu précisé pour les lieux, et trop peu expliqué sa conduite et ses mouvements, c’est assez son habitude. Voyez en dernier lieu sa défense par Frœhlich, pas assez énergique, par Ziehen, et par Veith, p. 428 et suiv. Dans le sens contraire, la thèse célèbre de Rauchenstein est à peine plus qu’un pamphlet contre César, auquel il refuse même la victoire : déjà Eichheim, qui avait inspiré Rauchenstein, avait dit que César fut complètement vaincu, et Ferrero, après eux, prononce le mot d’insuccès (p. 19) ; l’attaque contre César, au surplus, date de Monetus. — Que Dion Cassius soit presque toujours d’accord avec César, cela me parait évident ; cf. les points rapprochés ; et il est impossible, sauf sur un point, de les opposer l’un à l’autre. — Appien et Plutarque se sont servis d’une autre source, la même, qu’on croit être Pollion : mais ils nous donnent très peu.

[122] I, 6, 4 : Dies erat ad V kal. avril. = 28 mars du calendrier public ; mais il faut tenir compte de ce que le calendrier public, jusqu’à la réforme de Jules César, était d’ordinaire en avance sur l’année réelle. Il l’était assez peu à ce moment, le mois intercalaire ayant été, semble-t-il, ajouté entre février et mars. D’après Le Verrier (Hist. de César, II, p. 584), les Helvètes auraient choisi le jour de l’équinoxe, 24 mars : ce n’est qu’une hypothèse, mais rendue très vraisemblable par le fait que l’équinoxe correspondait, cette année, avec la nouvelle lune. — Autres systèmes : le 25 mars, au premier jour de la nouvelle lune (Grœbe ap. Drumann, Geschichte Roms, 2e éd., III, 1906, p. 794 et 774-5 ; cf. Unger, Neue Jahrbücher, CXXIC, 1884, p. 578 et suiv.) ; le 28 février (Zumpt, N. Jahrb., Suppl., VII, 1873-5, p. 563 et 592) ; le 16 avril (Korb [système d’Ideler, Handbuch, II, 1883, p. 116] apud Orelli, Onomast. Tullianum, I, 1836, p. 153) ; le 9 mai (de La Nauze, Mém. de l’Ac. des Inscr., XXVI, 1759, p. 249 ; etc.).

[123] Ad ripam Rhodani, I, 6, 4. A Genève, rive droite, aux Pàquis, et sur le plateau de Saconnex ?

[124] I, 7, 1.

[125] I, 7, 2.

[126] I, 10, 1 (iter in Santonum fines) ; peut-être dans le Bordelais, où ne s’était point formé de grande nation ; l’indication donnée par Dion (XXXVIII, 31, 3), qu’ils voulurent s’établir πρός ταίς Άλπεσί που, est une de ses inadvertances coutumières.

[127] Car César ne parle que des négociations avec les Séquanes, et après l’échec du passage par la Province (I, 9, 2) ; les Helvètes demeuraient toujours en relations avec les Éduens (I, 9, 2 et 3).

[128] C’est évidemment celui que décrit César (I, 6, 1) : (Iter) angustum et difficile [voyez la route actuelle au fort de l’Écluse], inter montem Juram et flumen Rhodanum, mons altissimus impendebat [surtout le Plat des Roches et, plus loin, le Grand Credo].

[129] I, 6, 1 et 2 : (Iter) multo facilius atque expeditius. Route (plus tard romaine) de Genève à Aoste et Vienne par Carouge, Frangy et Seyssel ? Sur cette route, en dernier lieu, Marteaux, Revue Savoisienne, 1907, p. 67 et suiv.

[130] I, 6, 2.

[131] I, 6, 1 ; 9, 1 ; 11, 1.

[132] Cela résulte de I, 9, 2.

[133] I, 6, 3.

[134] Vel coacturos, I, 6, 3.

[135] I, 6, 3.

[136] I, 7, 1 ; Plutarque, César, 17 ; cf. note suivante.

[137] Cf. Cicéron, Pro Sestio, 18, 41 ; Post reditum in senatu, 13, 32.

[138] Cf. Mommsen, R. G., III, p. 302.

[139] Il y avait là les trois vieilles légions que le peuple lui avait données, la VIIe, la VIIIe, la IXe, légions qui avaient dû y être placées pour garder la frontière italienne (César, I, 10, 3). Il n’est pas impossible qu’elles eussent combattu de ce côté en 60, avec le consul L. Afranius pour chef en Gaule Cisalpine (Cicéron, In Pisonem, 24, 58 ; cf. Mommsen, R. G., III, p. 302).

[140] Plutarque, César, 17. Il a dû prendre par le plus court, Ivrée et le Petit Saint-Bernard : environ 700 milles (cf. Cicéron, Pro Quinctio, 25, 79), 100 milles ou 150 kil. par jour.

[141] Après le 24 mars, avant le 9 avril.

[142] L’arrivée de César est certainement postérieure au rassemblement des Helvètes, 24 mars (I, 7, 1) : pas de beaucoup, les Helvètes n’ayant rien tente de sérieux avant son arrivée.

[143] Chiffres donnés par César (I, 29, 2 et 3) d’après les tabulæ trouvées dans le camp des Helvètes, et, par conséquent, hors de doute. Plutarque (César, 18) parle de 300.000 têtes, 190.000 combattants, et il fait deux groupes, Helvètes et Tigurins. Polyen a 300.000 têtes et 200.000 combattants (VIII, 23, 3). Strabon (IV, 3, 3) donne 400000 morts et 8000 [?] survivants. Appien (Celtica, 1, 3), 200.000 ennemis dont 80.000 périrent. Orose (VI, 7, 5) indique 157.000 têtes. Je crois bien que tous ces chiffres proviennent en dernière analyse de la corruption de ceux de César. — Sur ces chiffres, que je crois exacts, voyez en dernier lieu les justes remarques de Ziehen, p. 105 et suiv., de Veith, p. 491 et suiv., et de Wachsmuth, Beiträge zur alten Geschichte, III, 1903, p. 281 et suiv.

[144] I, 24, 4 ; 20, 1, 3 et 4 ; cf. Dion, XXXVIII, 33, 5.

[145] César, I, 5, 4 ; 29, 2 : ces Boïens, au nombre de 32.000 têtes, sont évidemment une bande chassée par les Daces.

[146] A savoir (29, 2) : 36000 Tulingi, 14000 Latovici (var. Latobrigi, mss. α ; Latobogii ou -brogii chez Orose), 23.000 Rauraci (les mss. hésitent entre cette forme et Raurici) : cf. Orose, VI, 7, 5 : Dion, XXXVIII, 31, 3. — C’étaient alors les voisins des Helvètes (I, 5, 4). On doit penser que les Rauraques habitaient déjà le canton de Bâle, où nous les retrouverons plus tard ; il est absolument impossible de dire où étaient les deux autres peuples, inconnus par ailleurs (à moins que les Latovici ne soient les mêmes que ceux de Pannonie, Pline, III, 148 ; Ptolémée, II, 14, 2). N’oublions pas que tout le pays entre Rhin et Danube a été sans cesse bouleversé depuis l’arrivée des Suèves.

[147] César, I. 5, 2 : Plutarque, César, 18 ; Dion, XXXVIII, 31, 2.

[148] César, I, 5, 3 : c’est-à-dire le temps d’attendre la prochaine moisson.

[149] Que ce soit la Xe, c’est ce qui résulte de I, 7, 2, comparé à I, 40, 15. Elle devait se trouver à Genève depuis la dernière guerre contre les Allobroges.

[150] I, 40, 15.

[151] I, 7, 2 et 6 ; 8, 1.

[152] I, 10, 3.

[153] I, 7, 2 ; Dion, XXXVIII, 31, 3 (qui parle d’autres précautions prises).

[154] I, 7, 3 : à la tête de l’ambassade, Nammeius et Verucloetius ; Dion, XXXVIII, 31, 3. C’est par une de ces négligences dont il est coutumier que Dion donne comme chef aux Helvètes Orgétorix.

[155] I, 7, 6.

[156] César, I, 7, 6 : Ad id. avril. = 9 avril, Le Verrier : je suppose un délai d’une huitaine, nécessaire pour le rassemblement des troupes et l’exécution des travaux ; Dion, XXXVIII, 31, 4 et 5.

[157] I, 8, 1.

[158] I, 8, 1 ; cf. Appien, Celtica, 15 : c’est la longueur du fleuve au fil de l’eau.

[159] César (I, 8, 1) semble dire un mur et un fossé continus. Dion (XXXVIII, 31, 4) ne parle que d’une mise en défense des lieux les plus importants, τά έπικαιρότατα : ce qu’ont accepté Dufour (Bull. de l’Inst. genevois, 1853, p. 499), Napoléon III et Stoffel (p. 56 et suiv., et pl. 3 ; cf. note suivante), et, d’après eux, Duboin (La Muraille de César, Saint-Julien, 1874, p. 6), Frœhlich (p. 18-29) et Rice Holmes (p. 608). C’est, je crois, attribuer une précision trop grande à Dion Cassius, qui a pu simplement mêler en une seule expression la muraille, le fossé et les points gardés par les redoutes. Le mur a pu être placé sur le rebord des plateaux et servir surtout à relier les différents corps depuis Genève jusqu’à l’éperon du Vuache, face au pas de l’Écluse (ad montem Juram, I, 8, 1). L’usage de ces murs et fossés continus, surtout aux frontières, fut du reste courant chez les Grecs et les Romains (cf. Pecis, p. 21 et suiv. ; Dict. des Ant. de Saglio, au mot Limes), beaucoup plus habitués que nous à ce genre de défense. Face au Rhône, le mur n’a dû consister, évidemment, qu’en une levée de terre (von Gœler, 2° éd., I, p. 7 et suiv. ; etc.). — Dans le même sens : le plan de l’éd. de Clarke, 1712 ; [Butini], Mémoires (de Trevoux), juillet 1713, p. 1231 et suiv. (cf. Baulacre, Œuvres, I, 1857 [écrit en 1740], p. 183) ; Pecis, p. 53 et s. ; Napoléon Ier, p. 30, 33-4 ; Depery, Diss. sur l’emplacement, etc. (Journal d’agriculture... de l’Ain, XXX, Bourg, 1832, p. 335 et suiv.) ; Resler, Das Pays de Gex, Oppeln, 1858 ; de Saulcy, p. 274 et suiv. ; E. W. Murray, The Classical Journal de Chicago, IV, mai 1909, p. 321-332. — L’opinion ancienne était que le mur fut bâti sur la rive droite, de Nyon ou de Genève au Jura (Ortelius, Parergon, Gallia vetus, 1590 ; Spon, Hist. de Genève, I, 3° éd., 1685, p. 14 ; etc.).

[160] César, I, 8, 2 et 4. — Les seuls points où les Helvètes pouvaient tenter efficacement le passage et qui furent fortifiés (cf. note précédente), dit Stoffel (p. 56 et suiv.), sont : 1° le passage de Peney à Aire-la-Ville ; 2° en amont et en aval de Russin (de Russin au moulin de Vert, et de Russin à Avully par La Plaine) ; 3° de Pougny à Chance ; 4° en face de Collonges. Et c’est bien là, je crois, que furent, sur la rive gauche, les redoutes (castella). C’est du reste (le ces points que partaient (communication écrite de Marteaux) les vieux sentiers qui rejoignaient la route de Genève à Vienne et que partent les passages actuellement les plus fréquentés.

[161] 5 à 6.000 pour la Xe, le reste pour les nouvelles troupes.

[162] Système Le Verrier.

[163] I, 8, 3 ; Dion, XXXVIII, 32, 1 (qui dit que les Helvètes μηδέν ήκουσαν κατά τό συγκειμενον) ; Appien (Celtica, 15) mêle cette négociation et la suivante.

[164] I, 8, 4 : sans doute à la hauteur de Genève.

[165] I, 8, 4 : peut-être surtout au gué entre Russin et le moulin de Vert, car il n’est pas impossible de comprendre vadis, ici, dans le sens du singulier. Il est vrai d’ajouter que là, le Rhône passé, les Helvètes se trouvaient comme dans une impasse, et sous les coups plongeants des Romains.

[166] I, 8, 4 : Dion, XXXVIII, 32, 1.

[167] Dion, XXXVIII, 32, 1 ; César, I, 8, 4 et 9, 1.

[168] Quam maximis potest itineribus, dit César lui-même, I, 7, 1.

[169] Cf. Dion, XXXVIII, 31, 1.

[170] Cf. César, I, 44, 9.

[171] I, 10, 2 : Id si fieret, intelligebat magno cum periculo Provincia futurum ut homines bellicosos, populi Romani inimicos, locis patentibus maximeque frumentariis [le Toulousain] finitimos haberet ; Dion, XXXVIII, 32, 3.

[172] I, 8, 4.

[173] I, 10, 3.

[174] I, 10, 3 (magnis itineribus).

[175] I, 10, 3.

[176] I, 10, 3 ; cf. VIII, 8, 2 : Veterrimas legiones.

[177] I, 10, 3 (ibi veut dire la Gaule Cisalpine, et non l’Italie) ; cf. VIII, 8, 2 (pour la XIe), II, 23, 4 (pour la XIIe). — Il semble bien qu’il ait fait ces levées sans consulter le sénat, mais en vertu de ses pouvoirs ; la chose n’est cependant pas très claire (cf. Willems, II, p. 651).

[178] Cum his quinque legionibus ire contendit, I, 10, 3.

[179] Ceutrones : I, 10, 4.

[180] Caturiges, autour de Chorges et d’Embrun.

[181] Graioceli (mss. α, Gaioceli, mss. β). Ne se trouve que chez César.

[182] Ab Ocelo, quod est citerioris provinciæ extremum ; I, 10, 5. Ocelum est près d’Avigliana, C. I. L., V, p. 811-2.

[183] I, 10, 5. — C’est sans doute à cette marche que se rapporte le récit de Polyen (VIII, 23, 2) : la route était barrée par le camp ennemi, en contrebas duquel se trouvaient des rivières et des bas-fonds marécageux ; César profita du brouillard matinal pour faire descendre des soldats au pied de la colline : quand l’ennemi se vit investi, il déguerpit. C’est cet espace qui s’étend entre L’Argentière et le confluent du Guil qui convient le mieux aux indications du récit de Polyen, m’écrit Ferrand, qui ne serait pas éloigné de placer la scène vers La Roche-de-Rame, près l’ancienne Rama : c’est le lieu qui commandait l’entrée dans le pays des Caturiges, Embrun et Chorges. Je suis assez de son avis (cf. Rev. des Et. anc., 1909, 2e f., p. 135 et suiv.).

[184] I, 10, 5 : route d’Embrun, Chorges et le col de Cabre. — Il me paraît impossible de le faire passer par la Romanche et Grenoble (von Gœler, 1re éd., p. 13 ; Napoléon III, p. 64) : nous ne sommes plus chez les Voconces, dont parle César.

[185] Hypothèse tirée du fait que nous allons trouver Labienus avec César.

[186] Inde in Allobrogum fines, ab Allobrogibus in Segasiavos [mss. Sebusianos] exercitum dacit. Hi sunt extra Provinciam trans Rhodanum primi.

[187] Les Ségusiaves sont leurs clients.

[188] I, 9, 2.

[189] I, 9, 2-4 ; 19, 1.

[190] I, 10, 1 ; 11, 1. Sur la route, le territoire séquane commençait sans doute avant la montée de l’Écluse, et le val Michaille, qu’on rencontre à la descente, lui appartenait.

[191] I, 9, 3 ; 17, 1-4 ; 18, 3-9.

[192] I, 16, 5 ; 18, 1 et 8.

[193] I, 18, 8 : d’où il résulte qu’au moment de l’arrivée de César, Diviciac a recouvré son rang chez les Éduens ; sans doute il est revenu en même temps qu’arrivait le proconsul, et sa réintégration ou son rappel a, comme cette arrivée, coïncidé avec la nomination de Lise ; les élections avaient lieu au printemps (cf. VII, 32 et 33, p. 457) : elles ont dû amener un changement politique.

[194] I, 11 ; 14, 3 et 6 : au sortir de chez les Séquanes [val Michaille] ils passent d’abord chez les Allobroges, où ils brûlent vicos [les villages du val Romey, vallée du Sérail], puis chez les Ambarres, où ils assiègent en vain oppida [les bourgades des deux côtés de l’Ain], enfin chez les Éduens, où ils prennent d’assaut oppida [peut-être seulement un seul, Mâcon]. —Je suppose qu’ils ont suivi la route directe et les percées du nord, par Châtillon, Nantua (cf. Senault, p. 27) et Bourg, et non pas le chemin détourné du sud, par Virieu, Ambérieu et Pont-d’Ain (cf. Napoléon III, p. 65-6). Et en effet, dans ce dernier cas, ils auraient traversé de part en part le pays allobroge (par Seyssel, Culaz, Virieu), et je doute que les Allobroges n’aient pas réussi à les arrêter : tandis que, si les Helvètes ont brûlé si aisément leurs villages, c’est qu’ils ont pris leur territoire par l’extrémité, par les chemins qui abordent le val Romey à sa pointe nord, de Saint-Germain-de-Joux au Burlandier. Enfin, s’ils ne s’étaient pas écartés du Rhône dès le fort de l’Écluse, je doute que César fût parti de Genève avec une telle sécurité. — Il me paraît plus difficile encore qu’ils aient suivi constamment, plus au sud, la rive droite du Rhône. — Bourg, par où je les fais volontiers passer, semble avoir été un centre important dès l’époque gauloise (trouvaille d’oboles de Marseille, Blanchet, p. 539).

[195] I, 11 ; Dion (XXXVIII, 32, 2) parle aussi de plaintes des Séquanes.

[196] Cela résulte (sans certitude) de l’ordre des faits chez César (I, 10, 5 et 11), et de pæne in conspectu (I, 11, 3).

[197] Auxilium rogatum, I, 11, 2 ; 16, 1 et 6.

[198] Cf. I, 11, 6.

[199] I, 16, 1 (publice polliciti) ; 17, 2.

[200] I, 15, 1 ; 18, 10.

[201] I, 15, 1 ; 18, 10.

[202] I, 17 et 18.

[203] Cf. I, 16, 5. Il est possible que Lisc ait rejoint César à Lyon, chez les Ségusiaves, qui dépendaient des Éduens ; mais il est possible que sa qualité de vergobret l’ait empêché de pénétrer même chez les Ségusiaves (cf. VII, 33, 2), et qu’il n’ait rejoint César que lors de sa marche vers le nord, vers Thoissey, où, semble-t-il, commençait le pays éduen.

[204] Il est fort possible qu’il ait campé assez longtemps à Lyon (à Sathonay, Napoléon III, p. 67 ; plutôt à Fourvières ?).

[205] Les effectifs des six légions devaient être alors presque au complet.

[206] I, 15.

[207] Plutarque, César, 19.

[208] I, 16-20.

[209] J’ai supposé le passage à Mâcon, parce que : 1° la route directe du pas de l’Écluse à Toulon passe par là ; 2° les Helvètes n’ont pu trouver une telle quantité de bateaux qu’à un endroit fréquenté, ce qui est le cas de Mâcon ; 3° de Mâcon partent les principaux chemins vers l’intérieur du pays éduen. — Devant Mâcon, ils ont pu camper, non pas certes sur les terrains bas et si souvent inondés de la rive gauche, mais sur les plateaux qui dominent ces terrains à l’est (Replonges, La Magdelaine, etc.). — De même, Dunod, carte, de Saulcy, p. 294, etc. — Entre Villefranche et Trévoux, à l’embouchure du Formans (von Gœler, 1re éd., p. 15-16 ; Napoléon III, p. 68 ; Valentin-Smith, Fouilles dans la vallée du Formans, Lyon, 1888 ; Rice Holmes, p. 610-3 ; etc.) : cela me parait trop bas, trop voisin de la frontière romaine, les Helvètes auraient-ils, sur cette route, traversé et pillé des domaines éduens ? et cela suppose un énorme détour par le sud, le long du Rhône. Mêmes objections contre Belle-ville (Heller ; Creuly, p. 45), contre Saint-Romain-des-Iles (Monnier, Études, p. 24). — L’opinion ancienne montait trop haut, même vers Chalon (Sanson, § 155), et même vers le confluent du Doubs (Marlianus).

[210] Polyen (VIII, 23, 3) semble dire qu’il se tenait à dessein à une journée en arrière d’eux : cela doit se rapporter à plus tard. César dit que le passage de la Saône par les Helvètes commença vingt jours avant son arrivée (13, 2).

[211] Per exploratores Cæsar certior factus est tres jam partes copiarum Helvetios id jlumen traduxisse ; I, 12, 2 ; la hâte avec laquelle il s’élance contre le reste (I, 12, 2), montre bien qu’il voulait tout faire pour empêcher le passage, et cela était naturel ; cf. Dion, XXXVIII, 32, 4. — On suppose d’ordinaire (et c’est le principal argument des partisans du passage près de Lyon) que César a attaqué les Helvètes en partant du premier camp qu’il ait établi après avoir franchi la frontière. Mais il est fort possible qu’entre ce moment et l’attaque, il ait fait une ou deux marches vers le nord, et soit parti par exemple de Thoissey. — Contrairement à l’opinion courante, je crois que ratibus ac lintribus junctis fait allusion à un pont de bateaux (I, 12, 1).

[212] César et Dion attribuent ce fait d’armes au proconsul seul ; Plutarque (18) et Appien (Celt., 15) l’attribuent avec insistance à Labienus seul, et Appien semble même dire (en réalité, je crois, il parle des opérations qui suivent) que César était occupé ailleurs. Étant donné que César n’a jamais dissimulé les mérites de Labienus, j’hésite à croire qu’il n’ait pas dirigé lui-même les opérations ; étant donné qu’une autre version présentait Labienus comme le vainqueur, j’hésite à croire qu’il n’ait pas accompagné César.

[213] I, 12, 2-4 ; 13, 5 ; Dion, XXXVIII, 32, 4 ; Polyen, VIII, 23, 3 (qui semble dire que César ne détruisit que ceux qui avaient traversé le fleuve, 30.000 hommes). — Le reste se réfugia in proximas silvas [les bois de Bâté ?]. — II est probable, si le passage eut lieu à Mâcon, que César, arrivant par le sud le long de la rive gauche, a commencé par couper les Tigurins du passage et de la rivière, en débouchant vers Le Puits-Guillemin, au pied des plateaux où ils campaient. — Peut-être vers le 6 juin, jour de la pleine lune, ce qui expliquerait la marche de nuit.

[214] César, I, 12, 4-7.

[215] César (I, 13, 1) semble parler d’un autre pont.

[216] I, 13, 1 et 2.

[217] I, 13, 2.

[218] I, 13 et 14, 1-5.

[219] I, 14, 6.

[220] I, 14, 7. Dion, XXXVIII, 32, 4-33, 1 (qui me parait se borner à résumer César) ; Appien, Celtica, 15 (qui fait demander aussi par César χρήματα aux Helvètes, et qui place les pourparlers avant l’affaire des Tigurins).

[221] I, 15, 1 cf. Appien, Celtica, 15. — Il semble, d’après le récit de César, que les Helvètes campaient, pendant les négociations, non loin du Rhône, que, les négociations rompues, ils levèrent le camp, et qu’ils avaient le choix entre plusieurs routes, puisque César envoya sa cavalerie pour savoir quas in partes hostes iter faciant (15, 1) : ce qui indique qu’on se trouvait alors au carrefour de routes importantes, la route du bord de la Saône, la route de l’intérieur. Les Helvètes ayant pris la dernière (iter ab Arare averterant, 16, 3), la rencontre a pu avoir lieu à l’ouest de Mâcon, dans le vallon de la Petite Grosne, alieno loco (15, 2) : ce vallon est la voie naturelle de pénétration dans le haut pays.

[222] Nostris (I, 15, 2), sans doute les cavaliers ex omni Provincia, I, 15, 1.

[223] I, 15, 2-3 ; 18, 10 ; Dion, XXXVIII, 33, 1 (n’ajoute rien à César).

[224] Route de Mâcon à Toulon par Cluny, Mont-Saint-Vincent et Saint-Vallier.

[225] I, 15, 3 ; cf. Dion, XXXVIII, 33, 2.

[226] Cinq ou six milles ; I, 15, 3-5.

[227] I, 15, 4 ; 16, 2-3.

[228] I, 16. Il avait dû faire sa dernière distribution au départ de Mâcon, avec les convois arrivés par la Saône. C’est à ce propos (16, 2) que César donne la seule indication de temps pour cette campagne : non modo frumenta in agris matura non erant, sed ne pabuli quidem satis magna copia, ce qui suppose qu’on touchait à peine à juin.

[229] I, 13, 5. Comme il y a circiter, il est probable qu’il faut compter moins de quinze jours, peut-être douze seulement, l’intervalle entre la dernière distribution de blé et l’approche de la nouvelle (I, 23, 1).

[230] De Mâcon aux abords de Saint-Vallier ? — C’est à l’entrée des montagnes, de Mâcon à Cluny, que je rapporte le texte très corrompu d’Appien, 15 : Προσλαβών Γαλατών τών όρειων [διά τών όρεων ?] ές δισμυρίους ; (César dit 4.000, I, 15, 1).

[231] I, 16, 1-5. Je crois qu’il se trouvait en ce moment vers Saint-Romain-sous-Gourdon, près du croisement des routes du Beuvray, de Toulon et de la Bourbince, et qu’il espérait y trouver des convois de blé. Ne les voyant pas, il se décida à agir.

[232] De 16, 5, à 20, 4.

[233] I, 20, 3-5.

[234] I, 20, 6.

[235] I, 21, 1. Ce qui montre, semble-t-il, qu’il attendit d’avoir mis la main sur les traîtres pour risquer la bataille. Il campait sans doute à Saint-Romain-sous-Gourdon (Stoffel, II, p. 445).

[236] I, 21, 1. Sur le plateau du Tertre, au sud-ouest de Sanvignes ?

[237] Le lieu a été indiqué par Stoffel (César, II, p. 445) ; Montfaucon, que proposait Garenne (p. 30), est trop près de Toulon.

[238] I, 21, 2. Par le chemin de Saint-Vallier, Lucy, Le Magny à Sanvignes, chemin qui aboutit à l’église du village, et qui était dissimulé aux Helvètes par la croupe de Velay et la montagne de Sanvignes ?

[239] I, 21, 3. Par le chemin de Saint-Vallier, le gué et la montée de Bois du Leu ?

[240] I, 21, 3 ; 22, 1 et 2. César était sur la croupe de Velay, au carrefour actuel du chemin de Saint-Vallier et de celui de Montceau ?

[241] I, 22, 1, 3 et 4.

[242] I, 22, 3 : In proximum collem subducit. A gauche de ce carrefour ?

[243] I, 22, 4. César dit (22, 1) qu’ils ne se doutèrent de rien.

[244] I, 22, 5. Toulon est une excellente place de camp romain.

[245] Au delà de l’Allier.

[246] César, I, 23, 1 ; Dion, XXXVIII, 33, 2.

[247] A environ dix-huit milles, César, I, 23, 1 ; cf. note suivante. — C’est la première fois que César nomme Bibracte. L’opinion qui confond Bibracte et Autun, très soutenue au XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe, ne devrait plus compter de partisans depuis les fouilles de Bulliot. Mais il ne faut pas oublier que l’identification du mont Beuvray avec Bibracte a été très anciennement proposée et énergiquement soutenue, sans doute dès le Moyen Age, en tout cas dès la fin du XVe siècle (Marlianus ; cf. Bulliot, Mém. de la Soc. Éduenne, n. s., XX, 1892, p. 327 et suiv.). On a aussi longtemps songé à Beaune (au Moyen Age), et même à Vieille-Brioude.

[248] Rer ab Helvetiis avertit ac Bibracte ire contendit, I, 23, 1 ; πόλιν τινά έξω τής όδοΰ, Dion, XXXVIII, 33, 2 ; Plutarque, César, 18. Ce changement de direction, dans la marche de César, est capital, et implique, à certains égards, l’abandon de la poursuite des Helvètes. — César a pris, au delà de Toulon, le vieux chemin des foires du Beuvray (cf. Soc. Éduenne, 1878, p. 80), qui mène par L’Abergement vers Montmort, chemin aujourd’hui encore très visible.

[249] César, I, 23, 3 : Dion, XXXVIII, 33, 2.

[250] Pour trouver le lieu du combat, il faut chercher : 1° d’abord le point où les Helvètes ont passé et où César les a quittés afin de gagner Bibracte ; ce point doit être à 18 milles (26 ou 27 kil.) du Beuvray (I, 23, 1), au carrefour de la route de la Saône (I, 16, 3), d’une route vers l’ouest de la Gaule (I, 23, 3), d’une route vers le Beuvray (I, 23, 1), d’une route vers les Lingons (I, 26, 5, p. 218) ; et ce point ne peut être par suite que Toulon ; 2° ensuite, pour le lieu même de la bataille, un point très près de Toulon, à une heure de marche tout au plus (puisque les Helvètes rejoignent les Romains avant midi, 26, 2), et sur la route directe de Toulon au Beuvray (23, 1 et 3), c’est-à-dire au nord de Toulon ; 3° enfin, pour localiser les détails topographiques concernant la bataille, il faut chercher, dans la direction du Beuvray, au nord de Toulon, deux collines se longeant, à droite ou à gauche de la route par laquelle reviennent les Helvètes (25, 2, 5 et 6) ; l’une de ces collines, où s’établirent les Romains, dominant la route et présentant à son sommet la place d’un camp, sur son flanc, face à cette route, un bon terrain de combat (24, 2 et 3) ; l’autre colline, où se réfugient les Barbares, à 1500 mètres de là (23, 5 ; 26, 1) et sans doute de l’autre côté de la route (25, 6) et de la vallée. — Etant donné que la route du Beuvray remontait la rive droite de l’Arroux, sans doute en se tenant sur la hauteur, il est bien difficile de placer la bataille ailleurs qu’aux environs de Montmort, à 5 kilomètres de Toulon sur cette route. Toute la difficulté est de savoir par où les Helvètes étaient partis, sont revenus et ont attaqué : était-ce au nord-ouest, par Luzy et le val d’Auzon ? ce qui les menait à Decize (système de Garenne) ; était-ce à l’ouest, par la montagne ? ce qui les menait à Bourbon-Lancy et Moulins ; était-ce au sud, par l’Arroux ? ce qui les menait à Digoin [voyez aujourd’hui le carrefour de ces trois routes au faubourg d’Anaux] : j’ai préféré la première (comme tous les partisans de Montmort), parce que la direction de Decize est le prolongement de la direction suivie par les Helvètes depuis Mâcon, et que Decize est l’endroit où l’on passait la Loire pour se rendre chez les Bituriges et vers l’ouest (VII, 32, 2) :— Le système de Montmort, déjà soupçonné par Monnier (p. 32), a été développé par Garenne, qu’a reproduit Stoffel (César, Guerre civile, II, p. 441 ; Arioviste, p. 36), accepté par Rice Holmes (p. 33, 614 et suiv.), et, avec une variante, par Bircher (ap. Frœhlich, p. 34 ; Bibracte, p. 22 et suiv.). — Les autres hypothèses ne me paraissent pas correspondre aux données générales du problème : I. Au sud-ouest de Bibracte : l’hypothèse de Napoléon III, près de Luzy (p. 75), a le tort d’être trop près de Bibracte, et il ne semble pas que nous soyons sur un chemin naturel vers le Beuvray ; d’après lui, avec variantes, van Kampen, Die Helvetierschlacht, p. 11 et suiv. II. Au nord-ouest de Bibracte : vers Château-Chinon, von Gœler, 1er éd., p. 23, Kœchly et Rüstow, p. 115. III. Au nord-est de Bibracte (hypothèses provoquées en grande partie, et au moins dès 1600, par la fameuse colonne de Cussy [Espérandieu, III, p. 144], du reste fort postérieure) : à Ivey, de Saulcy, p. 345, et, d’après lui, Ferrero, p. 17, etc. ; vers Arnay-le-Duc, Rosny, Hist. ... d’Autun, 1802, p. 99, de Vaudoncourt, p. 328 et suiv. IV. A l’est : près de Dennery, Monnier, p. 33 et suiv., Aubertin, 2e art., p. 127 et suiv. V. Au sud-est de Bibracte : au Creusot, Creuly, p. 47.

[251] Il ne s’y attendait pas, dit Plutarque, 18.

[252] I, 24, 1 ; Dion, XXXVIII, 33, 3. Le combat a pu avoir lieu sur la petite croupe qui sépare de la gare la colline de Montmort.

[253] I, 24, 1 : In proximum (de la route) collem subduxit [je crois que subducere a le sens de faire rétrograder, sans impliquer celui de faire monter] ; 2 : In colle, in summo jugo ; 3 : Totum montem ; Dion, XXXVIII, 33, 3 : Μετέωρόν τι... όρθιον ; Plutarque, 18 : Χωρίον καρτερόν. C’est évidemment la colline dont la croupe est marquée par le chemin d’Armecy à Montmort. Les retranchements ont pu être construits, soit sur la partie qui domine Armecy (Stoffel et Carion : cela serait certain si les fossés et les tombeaux découverts appartenaient à l’époque), soit sur celle qu’occupe Montmort.

[254] Sur trois lignes, aciem triplicem : I, 24, 2 et 3. Stoffel les range face au nord-ouest. Bircher, plus justement, face au sud-ouest et au vallon, c’est-à-dire suivant les chemins qui descendent à la gare et au Buisson-Borget.

[255] I, 24, 4 ; 26, 1, 3 et 4. Au plateau de La Bretache, près de Montmort, Stoffel (p. 448) ; plutôt dans le vallon au delà de l’étang. Cf., sur ce campement, Elizabeth Reed, The Classical Journal de Chicago, 1908, III, p. 192-3.

[256] Formée par les Boïens et les Tulingiens, I, 25, 6 ; cf. 7 et 26, 1. Dion, XXXVIII, 33, 4, qui dit que cette arrière-garde n’eut pas le temps d’arriver. Je la placerais en bas, devant l’étang, vers le moulin.

[257] I, 24, 5 ; Dion, 33, 3.

[258] I, 24, 5 ; Dion, 33, 3. Par le nord et Montmort, Stoffel, p. 448 ; plutôt par le sud et d’en bas du vallon, dans le sens des chemins indiqués cinq notes plus haut.

[259] Cf. I, 44, 12.

[260] I, 25, 1. César aurait dit, lorsqu’on lui amena son cheval : Si je vainc, il me servira à poursuivre ; maintenant, allons à l’ennemi (Plutarque, 18).

[261] I, 25, 1.

[262] I, 25, 2-5 ; Dion, 34, 3.

[263] I, 25, 5-6. Stoffel place le lieu de retraite des Helvètes sur la colline au nord-est de Montmort. Mais je préfère la longue croupe du sud et sud-est, de l’autre côté de la grande route de Luzy et du ruisseau d’Auzon : 1° les Helvètes, en refluant de ce côté, se retrouvaient sur le chemin de Luzy, où était leur arrière-garde ; 2° César semble bien avoir traversé cette route pour les rejoindre, au moment où la réserve gauloise arrivait sur lui (ex itinere, 25, 6) ; 3° cela explique la possibilité de la retraite sur Langres ; 4° dans le système de Stoffel, latus apertum serait la gauche, dans celui-ci, la droite, son vrai sens. En d’autres termes, les Helvètes, je crois, partent de la route de Luzy vers la colline de Montmort et sont rejetés sur cette même route, d’où ils gravissent la colline au delà dans le sens des chemins actuels de la gare et du Buisson-Borget vers Mont-Tortu. Dans le même sens que nous, Bircher ap. Frœhlich, p. 34, et Bibracte, pl. 3. En faveur de Stoffel, Dennison, Classical Philology, IV, 1909, p. 200-1.

[264] César, I, 25, 6. — Sur le danger de cette manœuvre, cf. Pecis, p. 84.

[265] César, I, 25, 6 ; Dion, 33, 4. Sans doute sur la route, à la droite des Romains, vers l’étang. — C’est ici que se place l’expression la plus discutée, peut-être, de tous les Commentaires. César dit que ses légions furent attaquées ab latere aperto : cela veut-il dire du côté droit, le côté droit étant celui où le soldat n’est pas garanti par le bouclier ? ou du côté découvert, c’est-à-dire celui où l’armée est exposée à l’ennemi ? J’incline de plus en plus à accepter le premier sens (entre autres motifs, parce que César l’emploie, VII, 50, 1, dans une circonstance où précisément l’armée romaine n’était pas exposée à l’ennemi). Dans le cas présent, c’était bien sur la droite. Cf., pour le sens de à droite, Frœhlich, Kriegswesen, p. 225 ; Heller, Philologus, XXVI, p. 659 ; contra, Stoffel, Revue de philologie, 1891, p. 144 et suiv. ; etc.

[266] I, 25, 6. — Ici, Dion (XXXVIII, 33, 5) diffère complètement de César : le proconsul aurait laissé ses cavaliers poursuivre les vaincus (ce qui parait bien difficile) et aurait marché vers les nouveaux venus.

[267] I, 25, 6 et 7 ; 26, 1-2. Ce fut la troisième ligne romaine qui fut portée contre la réserve ennemie. — Le gros de la bataille a dû se livrer entre la gare et Le Buisson-Borget.

[268] I, 26, 1 ; Dion (33, 5) dit qu’ils se replièrent tous sur les chariots.

[269] I, 26, 1, 3-4 ; Dion, 5 ; Plutarque, César, 18. Le fait que César a attaqué et occupé le camp gaulois montre bien qu’il n’était pas sur une hauteur : e loco superiore (26, 3) signifie du haut des chariots pro vallo.

[270] César, I, 43, 7.

[271] Depuis le départ de Genève. Il en est parti 368.000 (29, 3), 6.000 Verbigènes furent pris plus tard (27, 4), 30.000 Tigurins furent tués, 14.000 Boïens survécurent, 110.000 revinrent en Suisse (29, 3 ; Plutarque, César, 18 ; Orose, VI, 7, 5 ; Appien, C., 1, 3 : on semble d’accord sur ce chiffre). Appien donne 80.000 morts dans la bataille ou la guerre, Orose, 47.000.

[272] I, 26, 5 : ils y arrivèrent die quarto, ce qui peut être le matin du 4e jour, y compris celui de la bataille. La fuite vers le pays des Lingons s’explique si l’on admet qu’ils se sont réfugiés après la bataille au sud-est du lieu de la rencontre, vers Toulon. Il est possible qu’ils aient voulu, de Dijon, gagner Besançon et le pays des Séquanes. — Je doute qu’ils se soient enfuis par Lormes et Avallon, en contournant le Morvan (Napoléon III, p. 80).

[273] I, 26, 5 : c’est un des rares passages où César mentionne vulnera militum et sepulturam occisorum.

[274] I, 26, 5 et 6.

[275] I, 26, 6 ; 27, 1.

[276] 27, 1-2.

[277] I, 27, 3, jusqu’à 28, 2 ; Dion (33, 6) dit, non pas capturés, mais détruits. Ils voulaient s’enfuir vers le Rhin (par la trouée de Belfort ?), I, 27, 4 : ils furent pris sans doute par les Séquanes.

[278] Il semble que César se soit vanté de sa clémence (cf. Julien, Conv., p. 321 d, S.).

[279] I, 28, 3 ; Plutarque, César, 18 ; Dion, 33, 6 : César dit qu’il renvoya chez eux Helvètes, Tulingiens et Latoviques ; il ne parle pas des Rauraques, qu’on retrouvera cependant en Suisse, à la différence des deux autres.

[280] I, 28, 5. Ils étaient, au départ, 32.000 têtes (29, 2), et il en survécut, semble-t-il, 14.000 (cf. 26, 5 ; 29, 3 ; 27, 4).

[281] Plutarque, César, 18 ; César, I, 28, 4.

[282] La date ne peut être qu’approximative, étant donné le seul renseignement fourni par César (I, 6). C’est tout à fait arbitrairement qu’on place la bataille au 29 juin (Napoléon III, p. 108), au 7 juillet (de Saulcy, p. 315). On peut supposer aux environs du 20 juin, une quinzaine de jours après le passage de la Saône.