ROME, LA GRÈCE ET LES MONARCHIES HELLÉNISTIQUES AU IIIe SIÈCLE AVANT J.-C. (273-205)

 

CHAPITRE SEPTIÈME. — LA PAIX DE PHOINIKÉ (205). - ROME ET LA MACÉDOINE EN 205.

 

 

Le fait est qu'ils m'ont aucun désir de prolonger leur querelle avec la Macédoine. Rien ne nous éclaire mieux à cet égard que les événements de 205 ; rien n'est plus instructif que la fin subite qu'impose alors le Sénat à la guerre. Il a déjà été parlé incidemment du traité de Phoiniké ; il y faut revenir pour en bien marquer la signification et l'importance.

 

I

Contrairement à ce qu'on aurait cru, l'expédition de P. Sempronius tourne de court ; elle semblait annoncer un vif réveil de la guerre, et c'est la paix qui survient.

Peu après l'inutile visite de Lætorius aux Aitoliens, il se produit, en Illyrie, un brusque arrêt des opérations militaires, arrêt qui est naturellement imputable, non point a Philippe seul, comme T. Live le voudrait faire accroire[1], mais aussi au général romain. Celui-ci, ayant levé le siège de Dimalé[2], s'est retiré dans Apollonia. Philippe vient lui offrir la bataille sous les murs de la place ; le proconsul la refuse, et ce refus peut être motivé par l'infériorité de ses forces. Mais, un peu plus tard, se jugeant hors d'état d'enlever Apollonia, le roi fait volte-face, regagne ses États[3]. Cette fois, il serait loisible à Sempronius de se mettre en campagne, d'inquiéter l'ennemi dans sa retraite, de presser ses arrière-gardes, de le poursuivre jusqu'aux confins de la Macédoine[4] : il est remarquable qu'il ne tente rien de pareil. Nihil ultra inritatis novo certamine odiis, dit T. Live en parlant de Philippe[5] ; l'observation s'applique à Sempronius pour le moins autant qu'au roi. Cette attitude peu agressive du proconsul porte aussitôt ses fruits ; c'est elle qui décide les magistrats épirotes à se présenter à lui en médiateurs[6]. Et, tout de suite, Sempronius fait a leurs ouvertures un accueil plein de promesses. Il ne se borne pas à leur laisser entendre qu'il ne répugne point à la paix ; il leur déclare et leur permet d'instruire Philippe, qu'il a, pour la conclure, les pouvoirs suffisants et qu'il est disposé à s'aboucher sans retard avec le roi[7]. Là-dessus, Philippe se rend à Phoiniké, lieu désigné pour l'entrevue : il ne s'y rend, on le voit, que sur l'invitation indirecte du Romain ; c'est de celui-ci que sont venues les avances, c'est à lui qu'appartient l'initiative du rapprochement. Ce qui se passe à Phoiniké n'est pas moins significatif[8]. Le roi n'y fait pas figure de solliciteur, il ne demande point la Paix à l'adversaire ; on a pris soin de lui épargner cette démarche humiliante. En vertu d'un arrangement concerté, et qui a donc reçu l'approbation de Sempronius, c'est le premier stratège des Épirotes qui, ouvrant la séance, adjure à la fois Philippe et le général romain de mettre fun aux hostilités. Puis, Sempronius prend la parole, énonce ses propositions, autrement dit, offre la paix. Il n'y a point, semble-t-il, de discussion ; l'accord se fait d'emblée entre les deux parties ; et ceci donne lieu de croire que les conditions romaines ont été au préalable, avec l'assentiment du proconsul, communiquées au roi par l'entremise des Épirotes[9]. Aussi bien, elles sont singulièrement favorables et telles que Philippe y doit faire bon visage. Si les Romains réclament de lui le territoire des Parthiniens, la ville forte de Dimalé et quelques autres places de la même région[10] ; s'ils lui reprennent aussi certaines des conquêtes qu'il a faites depuis 217 sur Skerdilaïdas et Pleuratos, en revanche, ils lui abandonnent un large morceau de ces mêmes conquêtes[11], et, surtout, lui laissent une contrée d'une grande importance militaire, placée dès 229 sous leur autorité, et dont, en 209 encore, Sulpicius exigeait la restitution comme condition nécessaire de tout accord[12]. Ainsi que l'a prévu Sempronius, le roi souscrit, sans plus de délai, au traité préliminaire établi sur ces. bases, et députe aussitôt à Rome pour les ratifications dernières[13].

La paix est l'ouvrage de P. Sempronius ; pourtant, dès qu'on y réfléchit, c'est chose manifeste qu'il n'en est que l'auteur apparent. Si nouvellement arrivé a l'armée, ayant a peine exercé le commandement, il n'a pu prendre sur lui de la donner si vite à l'ennemi ; il, n'a pu, de son chef, terminer du jour au lendemain cette guerre qui durait depuis huit ans. D'ailleurs, n'ayant point subi d'échec militaire, pourquoi se montrerait-il si facile sur les conditions ? Visiblement, il n'est ici que l'exécuteur d'une consigne et l'agent docile de son gouvernement ; il se borne à obéir aux instructions qu'il a emportées de Rome. A son départ, le Sénat lui a prescrit deux lignes de conduite entre lesquelles il devrait choisir selon l'occurrence, c'est-à-dire selon que les Aitoliens consentiraient ou non à rentrer dans l'alliance romaine. Dans le premier cas, uni à ces alliés recouvrés, il pousserait vivement les hostilités ; dans le second, il renoncerait à toute offensive et se hâterait de traiter avec Philippe, aux conditions d'avance fixées par les Patres et par eux calculées de façon qu'elles fussent agréées sur-le-champ. Les Aitoliens s'étant dérobés à ses invites, c'est au dernier parti, ainsi qu'il lui était ordonné, que s'est rangé le proconsul. Ce qui confirme, au reste, qu'en négociant les accords d'Épire, comme les appelle Polybe[14], il n'a fait que ce qu'on attendait de lui, c'est qu'à Rome ces accords sont convertis, sans nulle opposition, en traité définitif, et que lui-même, pour prix de ses services, est aussitôt élevé au consulat[15]. La paix soudaine de Phoiniké a le Sénat pour auteur véritable ; elle est l'acte, volontaire et réfléchi, du gouvernement romain.

 

II

Cette paix suggère quelques réflexions.

Certes, que Philippe l'accepte allègrement, on n'en saurait être étonné. Pour lui, l'impuissance démontrée des Puniques sur mer, leur échec désormais certain en Italie, leur retraite découragée dans le pays bruttien, ont marqué le terme logique de la guerre. Son alliance avec Hannibal se trouve dénouée par la force des choses ; il ne peut plus rien pour son allié, qui n'attend plus rien de lui. Que servirait dès lors de s'acharner ? Est-ce le moment de provoquer les Romains par un redoublement d'hostilités ? Assiéger les grandes places de l'Illyrie romaine, Épidamnos et Apollonia, peut-être le pourrait -il ; mais à quoi bon ? A supposer qu'avec l'aide des dieux il parvint à s'en emparer, quelle apparence qu'il les gardât ? Les Romains, qui n'y sauraient renoncer, n'auraient point de cesse qu'ils ne les eussent reprises, et, sitôt terminée guerre contre Carthage, ils se mettraient à l'œuvre c'est seulement la victoire décisive des Puniques qui lui eût assuré la possession de ces villes. Plutôt que d'en tenter la conquête éphémère, ce que la raison conseille au roi, c'est de s'accommoder, s'il se peut, avec Rome. Précisément et contre toute attente, voici que les Romains, faisant les premiers pas, se disent prêts à traiter : comment repousserait-il une telle occasion ? Il le doit d'autant moins que la paix qu'ils lui proposent est, comme on vient de voir, honorable et même avantageuse, plus honorable à coup sûr et plus avantageuse qu'il n'aurait osé l'espérer. Et, surtout, elle a cc mérite d'être opportune, d'arriver a son heure. — D'une part, elle devance le jour, qu'il faut prévoir et qui sans doute est proche, où Carthage, s'avouant vaincue, subira les conditions romaines, et, de la sorte, elle tire Philippe d'affaire fort à propos car il est clair que, ce jour-là, malgré les engagements pris en 215[16], les Puniques seront impuissants a stipuler des garanties en sa faveur, et, Pour lui, le suprême péril serait de rester seul, exposé à porter tout le poids de leurs vengeances, face à face avec les Romains victorieux. — Et, d'autre, part, grâce à cet te paix, sa liberté lui est rendue juste à l'instant où le soin pressant de ses intérêts l'appelle au loin à de nouvelles entreprises.

C'est qu'en effet l'Orient l'occupe maintenant beaucoup plus que l'Occident. De grands changements s'y sont produits sans lui ; de plus grands s'y préparent, dont il entend n'être point le spectateur oisif[17]. Tandis qu'il piétinait en Grèce, y perdait le temps et y usait ses forces à se débattre, dans une lutte fastidieuse et sans gloire, contre les Aitoliens et une poignée de Romains, là-bas, favorisé d'un bonheur injurieux, cet Antiochos qui, par l'âge, par la date commune de leur avènement, lui est un naturel émule, accomplissait des œuvres mémorables. Il menait dans les hautes terres d'Asie et jusqu'au seuil de l'Inde, sur les traces retrouvées d'Alexandre, cette prodigieuse anabase, dont le bruit emplit tout le monde grec[18] et qui, dans l'imagination des peuples, l'égale presque au grand Macédonien. A présent, il est sur la voie du retour, chemine vers la Syrie[19], et Philippe attache sur ses pas des regards inquiets et jaloux. C'est qu'Antiochos, il le sait, n'a point achevé sa tâche, et que ses desseins prochains, se découvrent à tous les yeux. Il ne peut suffire à ce victorieux, à ce Grand-Roi, comme il lui plaît aujourd'hui de s'appeler[20], d'avoir relevé[21] sur ses bases affermies le colosse d'empire, avant lui croulant et démembré, qu'a fondé Séleukos ; reconquise est pour lui trop peu de chose. Armé des ressources qu'elle lui fournit, il est sûr qu'il se propose maintenant de venger l'injure de Raphia ; il est sûr que, bientôt, il attaquera l'Égypte[22] qui, sous le règne méprisé de Philopator, abaissée, énervée, rongée par l'éternelle sédition des indigènes, semble devoir lui être une proie facile ; il est sûr que, dans sa folie d'ambition, il ne vise à rien de moins qu'à fondre en un empire unique les deux monarchies de l'Orient grec[23]. Ceci, Philippe ne le peut ni ne le veut permettre. Si les Lagides doivent disparaître, il ne supportera point que ce soit au profit du Séleucide. Il n'a déjà que trop souffert de voir, pendant qu'échouaient ses projets contre Rome, renaître et croître sans mesure la puissance de la Syrie ; l'équilibre n'est déjà que trop brutalement rompu entre la Macédoine et le royaume d'Asie. Ce qu'il fera, par quelles manœuvres il devra parer au péril qui grandit en Orient, quels expédients lui suggérera son génie de ruse et d'audace, il ne le sait pas d'avance, l'occasion en décidera peut-être, sollicité par les Alexandrins qui comptent sur son aide[24], prendra-t-il la défense de l'Égypte, afin d'en frustrer Antiochos et d'en demeurer maître après l'avoir sauvée ; peut-être, pour se dispenser de le combattre et sauf à faire de lui sa dupe aussitôt et le plus qu'il pourra, pactisera-t-il avec le Séleucide, contraint de l'avoir pour ennemi ou de le subir comme associé ; peut-être — et ce serait le chef-d'œuvre — accordera-t-ii, moyennant le prix convenable, son alliance aux deux adversaires[25], afin de les jouer l'un et l'autre, de se nantir à l'aise tandis qu'ils seront aux prises et de rester seul fort quand ils seront épuisés... En tout cas et quoi qu'il résolve, le point certain, c'est que, dans cette crise qui va s'ouvrir, il ne tolérera pas qu'on l'oublie, mais exigera sa part. Or, pour être assuré de l'obtenir, il lui faut être à même de s'en saisit et de la garder ; et, par suite, il est nécessaire que, libre à l'Occident, affranchi de la guerre avec Rome, il se tienne prêt à faire front vers l'Asie, au premier jour, avec toutes ses forces.

Que Philippe, en 205, souscrive d'emblée à la paix qu'on lui offre, il n'y a donc là rien que de simple ; il se règle sur son intérêt présent et futur. Mais pourquoi le Sénat la lui offre-t-il avec tant d'empressement, consentant même des sacrifices qui doivent être douloureux à l'orgueil romain ? La chose a paru surprenante. Et les modernes, dans leur surprise, ont estimé, pour la plupart, qu'en traitant avec la Macédoine, les Patres n'avaient agi ni librement ni, partant, sincèrement.

Sans doute ils ont voulu la paix d'Épire, mais ils ne l'ont voulue, pense-t-on, que d'une volonté contrainte. C'est une opinion communément admise[26] que cette paix est pour eux une nécessité imposée par les circonstances. On y croit voir la suite obligée de la défection opiniâtre des Aitoliens ; on répète qu'abandonnée de ses alliés grecs et désormais réduite à ne compter que sur soi, Rome, qui vient de prendre le grand parti de combattre les Puniques chez eux, doit renoncer à la lutte contre le Macédonien. C'est là commettre une erreur ; et l'erreur vient simplement de ce qu'on néglige de distinguer, lorsqu'on parle de la guerre avec Philippe, entre la défensive et l'offensive. Il est véritable qu'en 205 les Romains se trouvent hors d'état de prendre l'offensive en Macédoine en même temps qu'en Afrique : seuls, sans appui en Grèce, ils ne sauraient s'engager à fond contre Philippe qu'au prix d'un effort militaire que leur interdit, outre la pénurie du trésor et l'épuisement de l'Italie, leur résolution, arrêtée déjà, d'attaquer Carthage sur son territoire ; mais il est faux qu'ils soient incapables de soutenir et de prolonger la défensive en Illyrie[27]. On oublie trop qu'après la retraite des Aitoliens, l'épisode de la diversion hellénique une fois clos, la guerre entre Philippe et Roule une fois ramenée à son premier théâtre, la situation des deux partis se retrouve ce qu'elle avait été de 214 à 212, avec cette différence pourtant, tout à l'avantage des Romains, qu'ils n'ont plus à craindre la marine de Carthage, qu'ils sont délivrés des Puniques en Sicile et dans les Espagnes, et qu'ils le seront sans doute bientôt en Italie, où, dans le Nord, Magon se montre peu redoutable[28], et, dans le Sud, Hannibal commence à ne plus l'être[29]. En de telles conditions, ce qu'ils mit pu jadis. il n'est pas douteux qu'ils ne le puissent encore ; ce que Lævinus a fait durant deux ans, Sempronius, à son tour. serait en mesure de le faire. Car, tout victorieux que vienne d'être l'adversaire en Grèce, ses ressources ne se sont point accrues. Pas plus qu'autrefois, Philippe ne doit compter sur les Symmachoi pour l'aider contre Rome[30] ; comme autrefois, il ne dispose que de ses Macédoniens, et, comme autrefois, il lui manque une marine cette flotte de cent navires que, trois ans plus tôt, il a, dit-on, commencé de construire[31], n'est pas sortie encore des chantiers de Kassandreia[32]. Il est clair, dès lors, que ce serait assez d'une escadre d'effectif restreint, de quelques troupes, inférieures même en nombre à celles qu'a débarquées Sempronius, pour pro léger les échelles illyriennes, couvrir Épidamnos et Apollonia, et faire traîner la guerre jusqu'à l'heure ou la paix imposée à Carthage rendrait au Peuple romain l'usage de plus grands moyens. Et comment le Sénat craindrait-il que le maintien de ce peu de forces en Illyrie compromit le succès de l'expédition confiée à Scipion ? Pour être assuré qu'il n'est point si timide et que ses dispositions sont autres, il suffit d'une observation bien simple. Quand, au printemps de 205, les Patres envoient Sempronius par delà le détroit, avec ses 35 vaisseaux éperonnés, ses 10.000 hommes de pied et ses 1.000 cavaliers, ils ignorent apparemment combien de temps il y devra demeurer ; il se peut qu'il y fasse longuement campagne : ce sera le cas si, comme on s'en flatte, il réussit à rendre du cœur aux Aitoliens. Mais cependant, à cette même date, P. Cornelius a reçu permission de conduire une armée en Libye : élu consul à cet effet, à cet effet chargé du gouvernement de la Sicile, il y prépare déjà sa grande entreprise[33]. Voilà la preuve que, dans la pensée du Sénat, la guerre d'Afrique et la continuation de la guerre de Macédoine, celle-ci dût-elle-même exiger l'emploi d'un assez fort contingent militaire, sont choses qui ne s'excluent point[34]. S'il renonce en 205 à défendre l'Illyrie, ce n'est donc pas qu'il manque des quelques milliers d'hommes suffisants pour cette tâche ; s'il met tant de hâte à s'accommoder avec Philippe, ce n'est pas que les événements l'y contraignent : le traité d'Épire est bien l'œuvre de sa libre volonté.

Reste un point, et capital : ce traité, l'a-t-il conclu de bonne foi ? est-il résolu à le respecter ? C'est ce qu'on ne manque guère de nier. Une manœuvre politique, une feinte militaire, une suspension commode des hostilités, une trêve à court terme, que les Romains se ménagent dans le présent, en se réservant de la rompre dès qu'ils auront réglé le sort de Carthage : selon la plupart des historiens modernes[35], la paix de 205 ne serait pas autre chose. Et, pour l'établir, ils allèguent qu'en effet, vainqueurs des Puniques, les Romains la rompent presque aussitôt ; moins de deux ans après en avoir fini avec eux, ils reprennent les armes contre Philippe. Il est vrai ; mais, lors qu'ils les déposaient à Phoiniké, est-il sûr qu'ils fussent décidés à les ressaisir si vite ? faut-il voir dans les événements de l'an 200 l'accomplissement d'un dessein préconçu ? et devons-nous croire que, lorsqu'il terminait la première guerre de Macédoine, le Sénat se proposât déjà d'entreprendre la seconde ? C'est-là toute la question, et qu'on a tort de préjuger. Ici encore, je le crains, on prête aux Patres trop d'arrière-pensées, une politique trop suivie, des desseins trop constants et conduits de trop loin. — Et, d'autre part, n'est-il pas vrai que, sans y prendre garde, on leur prête aussi un manque de réflexion, un défaut de clairvoyance par trop étrange ?

Il le faut reconnaître si leurs sentiments à l'égard de Philippe sont ceux que l'on suppose ; si, après 205, ils le tiennent toujours pour l'ennemi nécessaire, et si, par suite, ils jugent indispensable de le réduire à merci, leur conduite est faite pour étonner. A quoi bon, dans ce cas, suspendre les hostilités ? C'est, dit-on, une feinte, une ruse ; il semble que soit surtout un imprudence, et même une double imprudence. — Car, d'abord, cette trêve qu'on lui octroie, sans le lier par aucun engagement onéreux, sans prendre contre lui aucune précaution, il est à craindre que l'adversaire d'hier, qui sera l'adversaire de demain, n'en fasse trop bon usage. Tandis que les Romains, occupés d'achever les Puniques, le laisseront en repos, qui empêchera Philippe d'utiliser ce repos opportun pour refaire son armée[36] et remplir son trésor, pour achever enfin la construction de sa flotte[37], pour mater les barbares du Nord, Dardaniens et Thraces — éternels ennemis qui menacent ses frontières[38] — et pour asseoir plus solidement encore son autorité sur la Grèce ? Il y a risque que, de la paix téméraire qui lui est accordée, il ne sorte réparé et renforcé, mieux armé pour la défensive ou pour la contre-attaque[39]. Ce risque, le Sénat le devrait-il courir ? et convient-il qu'il procure à l'ennemi, dont il médite la ruine, des loisirs qui lui peuvent être trop profitables ? — Et il y a autre chose à considérer, autre chose qui, semble-t-il, ne saurait échapper aux Patres. Une fois terminée la lutte contre Carthage, au sortir du cauchemar punique, après cet excès de misères prolongé durant tant d'années, il est certain qu'à Rome le peuple aura l'horreur naturelle de toute guerre[40]. A ce moment, au moment où il croira tenir enfin la paix, la paix avec tous, lui en imposer une nouvelle — et, qui pis est, une guerre lointaine, transmarine, peut-être longue, peut-être laborieuse, car l'adversaire porte un nom redouté[41] ce sera presque immanquablement provoquer chez lui un violent sursaut de révolte. Continuer la guerre de Macédoine afin de s'en libérer au plus vite, les citoyens eussent pu s'y résigner ; la recommencer alors qu'ils l'auront crue finie, voilà ce qu'ils supporteront mal. Ils estimeront, non sans apparence de raison, qu'en 205 on les a trompés aussi bien que Philippe lui-même. Est-il sage de se mettre dans le cas d'avoir à compter avec leurs déceptions et leurs colères ? Sans doute, les résistances du peuple finiront par se laisser vaincre ; il se peut toutefois qu'elles soient une cause de retards et d'embarras, qu'elles rendent inévitables de fâcheuses concessions, qu'elles obligent, par exemple, le Sénat à restreindre à l'excès ses armements, à n'opérer contre Philippe qu'avec des moyens trop réduits. Et c'est à quoi sans doute il eût bien fait de songer. Il n'y a point songé, si l'on accepte l'opinion courante ; au vrai, il n'a songé à rien ; il n'a pas vu que, pour deux motifs au moins, l'un d'ordre extérieur, l'autre d'ordre intérieur, interrompre la guerre de Macédoine, c'était, selon toute apparence, la rendre plus difficile dans l'avenir ; il n'a pas compris que, si vraiment cette guerre était une nécessité politique, la prudence voulait qu'on la poursuivit sans arrêt, sans accorder de répit à l'ennemi ni au Peuple romain. Ceux qui lui attribuent si peu de perspicacité sont les mêmes qui admirent volontiers, et en toute occasion, son machiavélisme : c'est encore par -machiavélisme qu'il aurait bâclé la paix menteuse de 205 ; je me refuse, pour ma part, à lui imputer ce machiavélisme imbécile.

Au surplus, il n'existe aucune preuve que le gouvernement romain n'ait conclu les accords d'Épire que pour les violer à l'heure favorable, mais il existe, en revanche, une preuve, trop peu remarquée, du contraire. — Entre l'Aitolie et la Macédoine, la paix, rétablie en 206, maintenue en 205 malgré les efforts des Romains, n'a point tardé à être troublée. Ce ne sont point les Confédérés qui la troublent. Dolents des coups que leur a portés Philippe, épuisés d'argent, tombés dans un noir dénuement, déchirés par une crise sociale des plus âpres[42], ils n'ont d'abord souci que de panser leurs plaies. Le parti pacifique et modéré a pris chez eux et garde l'ascendant ; si bien que le boutefeu des anciennes guerres, l'ennemi passionné de la Macédoine, Scopas de Trichonion, ayant échoué dans ses projets de réformes démagogiques et vainement tenté de se faire élire stratège, se voit réduit à quitter le pays, et passe au service de l'Égypte[43]. Il est sûr que les Aitoliens assagis, aplatis, ne chercheront plus noise au Macédonien. Mais, dans l'été de 202, la façon dont les traite Philippe montre, une fois de plus, ce que valent des accords garantis par ses serments. Dans le trouble qui suit la mort de Ptolémée Philopator, exploitant tout ensemble l'embarras des Alexandrins, menacés par Antiochos, la crainte qu'il inspire lui-même au Séleucide, les avances dont il est l'objet des deux côtés, il a secrètement lié partie avec la Syrie contre l'Égypte, avec l'Égypte outre la Syrie[44] ; et, dès lors assuré de n'être dérangé ni par l'une ni par l'autre, il entreprend de satisfaire en Orient cette passion conquérante, d'y réaliser ces rêves de grandeur, dont il est travaillé depuis son avènement. Et, pour ses débuts, il s'empare, dans la Chersonèse thrace et sur la Propontide, de trois villes qui dépendent étroitement de l'Aitolie ; il occupe Lysimacheia et Calcédoine, assiège Kios et, l'ayant prise, la saccage, la détruit et fait esclaves ses habitants[45]. A la nouvelle de ces attentats, commise en pleine paix sans l'ombre d'un prétexte, les colères assoupies des Aitoliens reprennent feu ; une fois encore, l'ancienne humeur guerrière s'agite en eux : ils voudraient tirer du Macédonien la vengeance méritée[46]. Mais sachant, par une expérience toute fraiche, quel antagoniste est Philippe, le cœur leur manque pour l'affronter seuls. Jamais ils n'ont eu un besoin si urgent d'assistance étrangère et jamais, par malheur, ils ne s'en sont trouvés si dépourvus. En Grèce, les Messéniens, les Éléens, Nabis de Sparte demeurent, il est vrai, leurs alliés[47] ; mais c'est seulement dans le Péloponnèse, contre les Achéens, qu'on les peut employer, et, depuis la bataille de Mantinée, on n'a plus dans les Spartiates la même confiance que jadis. Hors de Grèce, bien que toujours unis à lui par un traité[48], ils ne sauraient rien espérer d'Attale, qu'intimide l'audace de Philippe[49], qu'inquiète son alliance avec Prousias, qui se juge lui-même en péril et n'oserait quitter l'Asie. Encore moins peuvent-ils s'adresser aux Alexandrins, tout occupés de se garantir des attaques d'Antiochos[50], et qui, pour être protégés contre elles, ont mis leurs espoirs en Philippe. Dans cette détresse, ne découvrant nulle part dans le monde grec l'auxiliaire puissant qui, leur est nécessaire[51], pressés cependant de sortir d'un isolement qui fait d'eux le jouet de l'ennemi, un seul parti s'offre aux Confédérés. Ils fléchissent leur orgueil, font l'effort de se retourner vers Rome, et se résignent à quémander son aide. — En 202, probablement à l'automne, une ambassade aitolienne vient trouver les Patres, leur dénonce les agressions de Philippe, sollicite contre lui la protection romaine et le renouvellement de l'ancienne alliance[52].

Apparemment, une telle démarche est faite pour remplir d'aise le Sénat, s'il se propose en secret de recommencer la guerre de Macédoine et de la mener jusqu'à la victoire complète. Car il est sûr qu'en pareil cas le concours des Aitoliens sera de nouveau précieux aux Romains ; et, de plus, renouant avec eux, ils se trouveront reprendre contact avec la Grèce, et pourront, corrigeant leurs erreurs passées, tenter d'agir sur elle et de l'émouvoir contre Philippe. Si les intentions des Paires sont telles qu'on a coutume de se les figurer, ils doivent donc faire aux Confédérés un bienveillant accueil et, sinon s'engager sur-le-champ avec eux, être du moins attentifs à ne les point décevoir, les écouter complaisamment, affecter de ressentir comme eux-mêmes leurs injures, les persuader qu'ils entrent dans leurs intérêts, et les flatter de l'espoir d'une assistance prochaine. Qu'on n'objecte pas que la défection de l'Aitolie est trop récente, que le Sénat ne saurait feindre de l'avoir si vite oubliée, qu'il lui en coûterait trop de se faire cette violence, et que ses colères sont encore toutes chaudes. Les Patres, je l'ai dit, sont capables de toutes les patiences et savent imposer silence à leurs rancunes, pour peu que l'intérêt de la chose romaine soit en jeu. Toute leur histoire est là pour l'attester ; et c'est, aussi bien, ce qui paraîtra dans deux ans, c'est ce que montrera justement la conduite qu'ils tiendront avec les Aitoliens, aussitôt résolue la nouvelle guerre contre Philippe. Ils n'auront alors rien de si pressé que de se rapprocher d'eux et de les solliciter. C'est de Rome, cette fois, que viendront les avances : les envoyés du Sénat se présenteront à Naupakte dès le printemps de l'an 200[53] ; dès son arrivée en Grèce, le consul P. Sulpicius chargera Amynandros, le roi des Athamanes, de travailler la nation aitolienne ; et son légat, L. Furius Purpurio, viendra, dans l'assemblée des Panaitolika, adjurer les Confédérés de vaincre avec les Romains plutôt que de périr avec Philippe[54]. Ce sacrifice de leurs ressentiments, qu'ils n'hésiteront point à faire en ce temps-là aux exigences de leur politique, nul doute que les Patres ne l'eussent fait deux ans plus tôt, s'ils l'avaient estimé utile. Les Aitoliens retrouveraient tout de suite une apparente faveur et rentreraient en grâce, si le Sénat jugeait avoir besoin d'eux. Mais c'est un accueil hostile et injurieux que leurs ambassadeurs reçoivent dans la curie. Insoucieux de l'avenir et pleins du passé, les Patres, intraitables et hautains, n'ont pour eux que paroles acerbes. Ils rappellent aux Aitoliens leur faute et les accablent de ce souvenir[55]. Ils les rebutent si durement et les offensent si grièvement qu'après cet échec et cet affront, déçus, mortifiés, ulcérés, les Confédérés vont abdiquer tout dessein belliqueux, bouder tout à l'heure Rome et ses alliés, rester pendant deux ans sourds leurs appels, s'opiniâtrer dans une neutralité rageuse, nommer stratège, en septembre 200, un personnage suspect de complaisances intéressées pour Philippe, et demeurer les spectateurs en apparence indifférents des premières opérations de Sulpicius contre la Macédoine[56] : c'est seulement dans l'été de 199, après l'entrée en campagne de Pleuratos et des Dardaniens, l'arrivée de la flotte romaine à Oréos, le combat d'Ottolobos, premier échec grave infligé à Philippe, que, pressentant sa défaite prochaine et flairant la curée, ils se résoudront enfin à joindre leurs armes à celles du proconsul[57].  Telles sont les suites, naturelles et qu'on pouvait prévoir, de la réception brutale faite par le Sénat aux représentants de l'Aitolie. Brutalité instructive, qui nous éclaire sur sa pensée intime et ses dispositions véritables : elle prouve que, même à la fin de 202, même après la défaite de Carthage[58], les Patres dédaignent, comme superflue, l'alliance des Aitoliens. Elle prouve, partant, qu'ils n'imaginent pas que l'occasion se présente à nouveau de les employer contre Philippe ; elle prouve, dès lors, que, quoi qu'on ait dit[59] et malgré les apparences, ils ne songent pas à demander compte au Macédonien de ses accointances avec Hannibal, qu'ils ne sont pas animés contre lui d'un esprit persistant de vengeance[60], et qu'ils n'envisagent ni comme probable, ni même comme possible, la reprise de ces hostilités auxquelles ils ont spontanément mis fin. La paix qu'il leur a plu d'accorder à Philippe n'était point une paix provisoire ; ils l'ont jurée sans arrière-pensée, d'une âme sincère, avec la volonté qu'elle fût durable.

 

III

Ils sont las de la guerre transmarine ; ils s'en veulent débarrasser et débarrasser au plus vite ; ils y renoncent définitivement, dans l'avenir comme dans le présent : voilà ce qu'indique la résolution qu'ils prennent en 205, rapprochée de la conduite qu'ils tiennent en 202. Cette guerre, ils eussent d'abord consenti à la poursuivre, au moins- durant un temps, de compte à demi avec les Aitoliens et sauf, sans doute, à leur en faire porter le poids principal ; demeurés seuls, ils se refusent à en assumer la charge.

Il s'agit de comprendre leurs raisons. Est-ce, d'aventure, que la charge leur paraisse accablante ? Il n'est guère possible de le croire. — Soutenir la défensive, Jusqu'au moment ou les Puniques se trouveront hors de cause, serait, nous l'avons dit, chose aisée. Et, le moment de l'offensive arrivé, les Patres n'ont point lieu d'appréhender que le succès soit trop chèrement acheté. En effet, s'il est un enseignement que Lævinus et Sulpicius aient dû tirer de leurs campagnes, c'est que Philippe, impuissant sur mer, ne possède, même. sur terre, qu'une puissance militaire médiocre. Assurément, les forces qu'il commande, étant donné surtout l'usage qu'il en sait faire, suffisent à le rendre terrible aux Aitoliens, à tous les Hellènes, aux Illyriens de Pleuratos ; mais, le jour où les Romains pousseraient contre lui une attaque résolue, suffiraient-elles à les arrêter longtemps ? Rien de moins probable ; car on n'ignore plus qu'elles sont étroitement limitées. Ce qu'on a vu, c'est qu'en cas de guerre avec Rome, les peuples de la Symmachie — les Thessaliens peut-être exceptés[61] — ne sont au roi d'aucune utilité : ils ne joignent pas leurs troupes aux siennes ; ils lui refusent leur concours, et, qui pis est, au lieu de le fortifier, ils l'affaiblissent : car, incapables de s'aider eux-mêmes, ils ne peuvent se passer de son aide, et lui demandent des soldats au lieu de lui en offrir. Philippe ne doit faire fonds que sur la seule Macédoine ; mais ce qu'on a vu aussi, c'est que la Macédoine, sans doute épuisée d'hommes[62], ne met à son service que de ressources restreintes. Au cours des huit dernières années, l'armée, l'unique armée qu'elle lui a fournie, cette armée qu'on a vu s'essouffler sur toutes les routes de Grèce, des Thermopyles en Élide, du Péloponnèse en Magnésie, était peu nombreuse. La preuve en est qu'il n'en a pu distraire, pour aider ses alliés, que des détachements trop réduits : en 209, aux Achéens environnés d'ennemis, menacés par Machanidas, par les Aitoliens et les Éléens, par Attale et par Sulpicius, il n'accorde que 2.500 hommes[63], et qu'il lui faut bientôt rappeler ; l'année d'après, c'est avec 1.500 hommes, dont 500 auxiliaires, que Ménippos a charge de défendre Chalkis et l'Eubée contre Attale ; et Polyphantas ne dispose que d'un contingent mesuré pour protéger la Béotie et la Phocide[64]. La preuve en est, surtout, que jamais il n'a possédé des réserves qui lui eussent été nécessaires pour assurer la garde de ses États lorsqu'il les devait quitter : chaque fois qu'il descend en Grèce[65], il vide son royaume et le laisse derrière lui à peu près sans défense. — Or, il s'expose ainsi aux pires aventures. Le fait grave entre tous, qu'ont appris aux Romains les derniers événements, c'est, en effet, le danger constant dont menace la Macédoine l'immense barbarie répandue autour d'elle[66]. Sitôt que Philippe a le dos tourné, Dardaniens, Thraces et Maides, qui guettent son absence, sont prêts à se ruer à l'assaut de ses frontières[67]. De là pour le roi d'éternelles inquiétudes. Impossible à lui de conduire au loin, avec sécurité, une opération de longue durée ; il est à la merci de nouvelles alarmantes qui peuvent, à tout instant, arrêter son élan et rompre ses desseins, l'obliger à suspendre les entreprises en cours, le contraindre à la volte-face, le forcer à rebrousser chemin. C'est ce qui est arrivé en 209 : comme il envahissait l'Élide, averti que les Dardaniens, ameutés par un traître, marchaient sur l'Orestide, il a dû surseoir incontinent à l'expédition commencée, évacuer le Péloponnèse, ramener en dix étapes, de Dymai à Démétrias, ses troupes hors d'haleine[68]. Dans l'été de 208, les agitations des Maides lui ont fait craindre des embarras semblables[69] ; et, vers la fin de la même année, à peine rentré en Macédoine, il lui en a fallu repartir pour courir sus aux Dardaniens qui méditaient une agression nouvelle[70]. Pourtant, en 211, avant qu'éclatât la guerre aitolique, il avait pris ses précautions, paré de son mieux aux incursions prévues : afin de barrer la route aux Dardaniens, il avait conquis la ville forte de Sintia, et, pour intimider les Maides, assiégé leur capitale et dévasté leur territoire[71]. Mais il aura beau s'évertuer, jamais il n'en aura fini avec ces peuples ennemis, jamais il ne réussira à décourager leur audace[72]. Aussi bien, le mal date de loin ; lui-même en a déjà fait l'expérience lors de la guerre-des-Alliés : il a dû, dès ce temps-là, se mettre en défense contre les Dardaniens[73] ; et, avant lui, Antigone n'avait pu qu'avec peine repousser leur grande invasion[74], Démétrios était mort en les combattant[75]. Visiblement, ce mal ancien est un mal permanent, qui défie tout remède et qui, toujours, sévira par accès. Pour ses sauvages voisins, la Macédoine sera la proie perpétuellement visée ; toujours ils se jetteront sur elle dès qu'ils la sauront en danger d'autre part. C'est pourquoi, le cas échéant, les Romains seront sûrs de trouver en eux les phis prompts et les plus utiles des auxiliaires. La partie se liera d'elle-même[76] : s'ils assaillent Philippe par l'Ouest, les Barbares s'élanceront du Nord[77], et le Macédonien, entrepris de deux côtés, devra faire front contre une double attaque. Situation terriblement scabreuse ; d'autant que, n'ayant ni armée de réserve ni troupes de seconde ligne, sa fortune dépendra d'une seule journée. Qu'il subisse une seule grande défaite, les débris de son armée rompue tomberont dans le vide : force lui sera d'abandonner le plat pays, où roulera librement l'invasion, et d'abriter derrière les remparts de ses villes les épaves de sa déroute[78].

Cette défaite-là, serait-il bien difficile aux Romains de la lui infliger ? Sans doute, l'adversaire n'était pas méprisable ; l'épreuve faite dans les dernières années ne permettait point de le mépriser. Les succès y avaient été balancés : par exemple, le combat de Sicyone, où la cavalerie royale avait ramené, de si rude façon, jusqu'à leurs vaisseaux les fantassins romains[79], devait avoir laissé à Sulpicius un cuisant souvenir. Mais cette guerre n'avait ressemblé en rien a celles que les Romains avaient accoutumé de faire. Par système et faute de moyens, ils s'étaient abstenus d'y jouer un rôle actif. Jamais on ne s'y était fortement heurté ; les plus grandes affaires n'y avaient été que des escarmouches ; éparpillée en vingt endroits, elle avait consisté toute en surprises et en coups de main, en ces actions de détail ou, comme les Grecs, excellaient les Macédoniens[80]. Débarrassés de Carthage, s'il leur plaisait de passer à l'offensive, rien n'empêcherait les Patres de donner aux choses une autre allure. Conduite à la romaine et menée à fond, la guerre, cette fois, pourrait être faite d'une suite ordonnée d'opérations qui, serrant l'ennemi au plus près, ne lui laisseraient pas de relâche[81] ne lui permettraient ni de se dérober, ni d'éluder les rencontres, ni de transporter çà et là les hostilités à sa manière voltigeante[82]. On le contraindrait par manœuvre au juste combat, comme on disait à Rome ; on l'obligerait à faire tête ; on lui imposerait la lutte à découvert où s'affronteraient les armées[83]. Or c'était, chez les hommes du Sénat, une conviction arrêtée que, dans ces conditions nouvelles, Mars n'hésiterait point. Le grand nom de la phalange ne leur imposait nullement. La chose est si vraie que, dans six ans, les généraux envoyés contre Philippe n'auront d'autre stratégie que de l'acculer au plus vite à l'action décisive[84]. A Rome, on tenait pour certain qu'en cas de bataille, l'emploi de l'ordonnance manipulaire, l'excellence de l'armement[85], l'usage nouveau du glaive espagnol[86], la solidité de la cavalerie légionnaire[87] qu'accompagneraient au besoin de légers éléments numides[88], et, par dessus tout, l'ardeur disciplinée et la vaillance tenace[89] des vétérans de la guerre d'Hannibal fixeraient la victoire ; et, certes, au lendemain de la délivrance de l'Italie, cette fière confiance était permise. — Point donc ne serait besoin d'accabler les Macédoniens sous le nombre. Il suffirait de les combattre à forces égales, d'opposer aux quelque 20 ou 25.000 hommes, qu'à la rigueur Philippe[90] pouvait mettre en campagne, une armée consulaire normale[91], soigneusement recrutée, au moyeu d'engagements plus ou moins volontaires, dans l'élite des vieilles troupes et conduite par un général d'expérience tel, par exemple, que Sulpicius. La défaite de la Macédoine ne réclamerait guère une plus grande dépense de forces que, jadis, celle de l'Illyrie.

Si le gouvernement romain renonce si volontiers, en 205, à la guerre contre Philippe, ce n'est donc pas la difficulté de la tâche qui le rebute et l'arrête. C'est bien plutôt, au contraire, que la faiblesse relative de l'adversaire s'est manifestée avec évidence. Ceci peut sembler paradoxal ; mais l'étude, précédemment faite, de la conduite de Rome envers la Macédoine pendant les trente dernières années du nie siècle rend la chose aisée à comprendre. — Effectivement, ce qu'a montré cette étude, c'est qu'à aucune époque les Romains n'ont été enclins à entrer en lutte avec les princes antigonides. Non seulement, n'ayant pas de convoitises à satisfaire à leurs dépens, ne méditant sur eux nulle annexion, et n'estimant donc pas que leur défaite et leur amoindrissement importât à la grandeur de Home, ils n'ont jamais dirigé ni préparé contre eux d'entreprise conquérante ; mais encore, par insouciance et courte vue, manque. de logique et de résolution, surtout par un parti, pris opiniâtre de n'intervenir que le moins possible outre-mer, ils se sont abstenus de poursuivre et de développer la politique de précaution qu'ils avaient d'abord jugé sage d'adopter à leur endroit, quand, pour les contenir et s'en garantir, ils dressaient devant eux la barrière illyrienne. Par deux fois, après 228 et 219, ils ont omis d'engager, contre Antigone et contre Philippe, l'action préventive qu'impliquait et que leur prescrivait cette politique, et que les circonstances eussent favorisée ; par deux fois, bien qu'ils ne pussent douter de ses projets hostiles et de sa volonté de revanche, ils ont négligé l'occasion de faire en Grèce échec au Macédonien ; par deux fois, ils se sont refusés à prendre des sûretés efficaces contre l'ennemi certain qui guettait l'Illyrie romaine. Et si, finalement et tardivement, après bien des hésitations et des lenteurs, ils se sont décidés à le combattre, s'ils l'ont alors attaqué jusqu'en Grèce, si Lævinus a jeté sur lui les Aitoliens, on en sait la raison : c'est qu'une nécessité les pressait à laquelle il leur fallait céder, et que, par son entente avec les Puniques, par ses agressions contre les villes illyriennes, par la menace suspendue sur l'Italie, Philippe leur avait mis les armes à la main ; L'imminence du péril brutalement révélé les a seule déterminés a se déclarer contre lui ; seule, elle les a forcés d'entreprendre une guerre dont, jusque-là, ils écartaient l'idée et qui, sous ses dehors offensifs, est restée purement défensive. — Mais, en 205, le péril s'est évanoui, et l'on n'a point à craindre qu'il renaisse. Car, d'une part il n'y a nulle vraisemblance que Philippe retrouve un allié fort sur qui s'appuyer : d'où lui viendrait un second Hannibal ? D'allié, hors de Grèce, on ne lui en connaît qu'un seul, insignifiant et négligeable — Prousias, ce roi de la lointaine Bithynie, qu'Attale suffit à tenir en respect. Et, d'autre part, mieux avertis, les Romains savent aujourd'hui que, réduit à soi-même, le Macédonien, beaucoup moins redoutable qu'on ne se le figurait à distance, est impuissant à rien tenter contre eux. Désormais, une chose est claire à leurs yeux : s'il a pu le devenir un moment, à la faveur de conjonctures qui ne se reverront plus, Philippe n'est point, en réalité, et ne sera jamais un de ces voisins dangereux[92] — comme, par exemple, Carthage — que la prudence commande d'accabler. C'est pourquoi l'on peut se dispenser de accabler, et même de l'affaiblir ; guerre qu'on lui ferait ne serait qu'une guerre de précaution : la précaution apparaît superflue. Sans doute, à toute occurrence, il sera sage de le surveiller : dès l'instant qu'on reste maitre des échelles d'Illyrie, la chose sera facile ; mais on peut l'épargner, le laisser régner sur la Macédoine telle qu'il l'a reçue de ses prédécesseurs, le laisser même régenter la Grèce, dont les Romains n'ont cure et qui, tout compensé, l'embarrasse peut-être plus qu'elle ne lui sert. Bref, on peut s'en tenir avec lui à cc système de non-intervention qui, de tout temps, a eu les préférences du Sénat, adversaire constant des entreprises orientales ; et les Patres s'y tiennent en effet. — Un trait marque bien le peu d'inquiétude que leur cause à présent le roi de Macédoine : c'est la cession qu'en 205, afin d'aboutir plus vite à la paix, ils lui font de l'Atintania[93], jadis si obstinément refusée. A première vue, cette cession est une imprudence ; car l'Atintania recouvrée peut offrir à Philippe des facilités singulières pour pénétrer, par les routes du Sud-Ouest, dans la Basse-Illyrie. Mais, aux yeux du Sénat, l'imprudence n'existe point, pour la raison qu'il considère le roi comme incapable d'en tirer avantage. Et, de fait, dans les dernières années, n'a-t-il pas, à plusieurs reprises, envahi par terre-la plaine illyrienne ?[94] Pourtant, non seulement il n'a pas su conquérir, mais jamais il n'a tenté d'attaquer Apollonia ni Épidamnos. Ce qu'il n'a point fait alors, quelle apparence qu'il l'essaye dans l'avenir, ayant en face de lui, de l'autre côté de la mer, les Romains armés de toutes leurs forces ? L'idée ne lui en viendra même pas. On le sait audacieux et parfois téméraire, on n'a pas le droit de le croire aveugle ou fou : il se gardera d'une aventure qui menacerait de s'achever en catastrophe ; il ne touchera plus à l'Illyrie romaine ; il n'osera plus rien contre Rome. Rome peut vivre en paix avec la Macédoine.

 

 

 



[1] Notez la phrase (Liv. (P.) 29. 12. 7) : — et cum Romanis quoque, seul cum Aetolis, cupiens pacem (Philippus) eqs.

[2] Liv. (P.) 29. 12. 4 ; 12. 6.

[3] Liv. (P.) 29. 12. 6-7.

[4] Comparez la campagne menée, à l'automne de 200. par L. Apustius, légat de P. Sulpicius, dans la Macédoine occidentale : Liv. (P.) 31. 27. Ce légat n'avait certainement que peu de troupes à sa disposition.

[5] Liv. (P.) 29. 12. 7.

[6] Liv. (P.) 29. 12. 8.

[7] Ceci ressort nettement de la phrase (Liv. (P.) 29. 12. 8-9) : Epirotae temptata prius Romanorum voluntate legatos de pace communi ad Philippum misere, satis confidere conventuram eam adfirmantes si ad conloquium cum P. Sempronio imperatore Romano venisset.

[8] Liv. (P.) 29. 12. 11-15.

[9] Ainsi peut s'expliquer la conférence qu'a Philippe avec les stratèges épirotes avant d'entrer en rapports avec Sempronius : Liv. (P.) 29. 12. 11.

[10] Liv. (P.) 29. 12. 13, dont l'énumération est, d'ailleurs, très probablement incomplète. Outre Dimalé (Dimallum, Liv.), les deux seules villes nommées sont Bargullum et Eugenium, l'une et l'autre inconnues et qui ne semblent donc point avoir eu une grande importance. L'indication relative aux Parthini a été rejetée par Niese (II, 502, 3 ; cf. III, 15, 3 ; voir, au contraire, Kromayer, Ant. Schlachtf. II, 10, 3), qui lui oppose le texte de Polybe, XVIII. 47. 12 (** Liv. 33. 34. 11). Mais : 1° dans ce texte, le nom de IIcip0o ; désigne-t-il, comme l'a cru T. Live (ibid.), le peuple des Παρθΐνοι ? Cela est au moins contestable (cf. les objections de Zippel, Röm. Herssch. in Illyrien, 77-78) ; et, de fait, on ne s'expliquerait guère qu'en 196 les Romains eussent renoncé en faveur de Pleuratos à une contrée qui leur avait appartenu dès 229, et qui était toute voisine 'Épidamnos ; 2° il n'est nullement impossible, quoi qu'ait pensé Niese (II, 502, 3), que Philippe ait reconquis le pays des Parthiniens au début de sa seconde guerre contre Borne, par exemple à l'automne de 200, dans une circonstance ignorée de nous et omise intentionnellement par T. Live (cf. l'indication donnée par Dion-Zonaras, IX. 15. 4 s. f. sur la prompte retraite du légat Apustius). — En revanche, c'est tout-à-fait à tort qu'on a prétendu (cf. en dernier lieu, De Sanctis, III, 2, 435, note 92) pour concilier T. Live (29. 12. 13) et Polybe (XVIII. 47. 12) — que Philippe s'était annexé le pays des Parthiniens entre la première et la seconde guerre de Macédoine. Cette opinion se fonde sur l'interprétation qu'a donnée T. Live (32. 33. 3) de la phrase de Polybe (XVIII.1. 14). Mais T. Live a mal entendu Polybe. Il s'agit n réalité chez celui-ci, comme l'a seul compris Zippel (73), des régions de l'Illyrie restées en possession de Philippe ce en vertu et à la suite de la paix de Phoiniké. L'emploi que fait Polybe, dans la phrase précitée, du parfait est, à cet égard, décisif. Au reste, si Philippe avait occupé, entre 204 et 200, une partie de l'Illyrie romaine, il aurait pourvu le Sénat d'un casus belli des plus légitimes, dont nous trouverions mention dans la rerum repetitio de l'an 200 (Polybe, XVI. 27. 2 ; cf. 34. 3). Enfin, il est absurde de supposer qu'en 198 T. Quinctius n'ait réclamé de Philippe que l'abandon des territoires qu'il aurait usurpés en Illyrie depuis la précédente guerre ; ce qu'exige le proconsul, c'est que le roi renonce à toutes ses possessions illyriennes, y compris celles que lui avait reconnues le traité de Phoiniké (cf. Polybe, XVIII. 8. 10 = Liv. 32. 35. 9 : cette fois, T. Live, amplifiant Polybe, mais sans le trahir, écrit : Romanis eum cedere tota Illyrici ora). — Il n'y a naturellement rien à tirer des textes annalistiques, entièrement apocryphes, qui parlent de prétendues violences exercées, en 203-201, par Philippe contre certains alliés de Rome en Grèce (Liv. (Ann.) 30. 26. 2 : sociæ urbes ex Græcia ; cf. 42. 2 ; 42. 6 ; 42. 8 ; 42. 10 : socii populi Romani). Ne sachant où situer ces socii, on les a placés en Illyrie (cf. Weissenborn, note à Liv. 30. 26. 2, et Zippel lui-même, 73-74), en s'autorisant du texte déjà cité, et mal interprété, de Polybe, XVIII. 1. 14. La vérité est qu'ils sont parfaitement imaginaires et n'ont place nulle part.

[11] T. Live est muet, sans doute de parti pris, sur ce qui est intervenu entre Philippe et Pleuratos, allié des Romains ; nous en sommes donc réduits ici aux conjectures. — En dehors de l'Atintania, les localités d'Illyrie demeurées au roi en 205 et, comme l'a bien vu Zippel (Röm. Herrsch. in Illyrien, 73), identiques aux Ίλλυρίδος τόποι (Polybe, XVIII. 1. 14), paraissent être d'abord les suivantes : 1° les places de la Dassarétide occidentale reprises par le roi à Skerdilaïdas en 217 (Polybe, V. 108. 8) : par exemple, Antipatreia, qui est encore possession macédonienne en 200 (Liv. (P.) 31. 27. 2-3) ; 2° les places ou la plupart des places de la Dassarétide occidentale conquises sur Skerdilaïdas en 217 (Polybe, V. 108. 8) : par exemple, l'εροΰς et Όργυστός, identiques à Gerrunium et Orgessus, qui appartiennent encore à Philippe en 200 (Liv. (P.) 31. 27. 2) ; 3° très probablement, les places ou quelques-unes des places de la Dassarétide septentrionale, voisines du lac Lykhnidia, conquises par le roi sur Skerdilaïdas en 217 Polybe, V. 108. 8 : les quatre villes nommées là par Polybe ne sont pas connues d'ailleurs) il faut remarquer, en effet, que Philippe est encore maître de Lykhnidos en 197 (Polybe, XVIII. 47. 2, où Λυχνίς doit être identifiée avec Λυχνιδός (XXXIV. 12. 6) malgré les doutes de Zippel, 7), et probablement aussi de toute la région environnante (on fera d'ailleurs cette réserve lue la ville même de Lykhnidos n'avait pas été prise en 217 ; son nom manque dans Polybe, V. 108. 8 ; le roi la devait posséder auparavant). — D'autre part, il n'est pas douteux que Philippe n'ait. gardé une partie des cités et des territoires qu'il avait enlevés aux Illyriens en 213 ; mais toute précision nous est ici refusée, d'autant que nous connaissons fort mal l'étendue des conquêtes faites par le roi cette année-là. Philippe, peut être resté maitre de quelques-unes des contrées occupées par les Ardiéens dans le voisinage de Lissos (cf. Liv. (P.) 27. 30. 13 ; Polybe, VIII. 14. 10). Le plus intéressant serait de savoir si la ville même de Lissos est demeurée en sa possession ; c'est ce que croit De Sanctis (III, 2, 436), mais sans preuve. Il me parait improbable que les Romains lui aient fait abandon d'une station navale de cette importance.

[12] Liv. (P.) 27. 30. 13 (les Aitoliens parlent au nom du proconsul).

[13] Liv. (P.) 29. 12. 15.

[14] Polybe, XVIII. 1. 14 ; au propre, à la réconciliation d'Épire.

[15] Liv. (P.) 29. 12. 16 : vote du traité définitif par le peuple. T. Live passe sous silence le vote du Sénat ; mais ce silence même implique qu'il n'y eut point d'opposition de sa part. Je ne vois pas bien pourquoi De Sanctis (III, 2, 444) est porté à croire le contraire. Il se peut d'ailleurs, comme parait l'indiquer T. Live (29. 12. 16 ; 31. 1. 8) et comme on l'admet d'ordinaire (cf. Matzat, Röm. Zettrechn. 160, 12, 14 ; Weissenborn, notes à Liv. 9. 12. 1 et 14 ; au contraire, Niese, II, 502, 5), que le traité n'ait été ratifié qu'au début de l'année 204, je ne pense pas qu'il y ait grande conséquence à tirer de là. — Élection de P. Sempronius au consulat : Liv. (Ann.) 29. 11. 10 ; (P. ?) 11. 16. On peut douter, avec Niese (II, 502, 5), que cette élection ait eu lieu pendant l'absence de Sempronius, et, par suite, que le vote du traité ait été aussi tardif que le ferait croire le texte de T. Live.

[16] Cf. Polybe, VII. 9. 12-13 (traité d'Hannibal avec Philippe).

[17] Que les succès d'Antiochos en son retour d'Orient, ses projets contre l'Égypte, les mesures à prendre pour l'entraver ou le contenir, aient été, de 205 à 202, le souci contant de Philippe, c'est chose évidente de soi et pourtant méconnue de la plupart des historiens modernes. L'un d'eux, T. Walek (Die delph. Amphiktyonie in der Zeit der ätol. Herrschaft (diss. Berlin, 1911), 165, 65) écrit : Es scheint mir zweifellos, dass Philipp V. zu dem Frieden mit den Römern durch den Tod des Ptolemaios Philopator bewogen wurde, weil sich ihm dadurch ganz neue Aussichten im Osten eröffneten, etc. Il est manifeste que Walek a complètement oublié l'existence et les conquêtes d'Antiochos ; mais Philippe n'a pu être aussi distrait.

[18] Sur l'impression profonde causée par l'expédition d'Antiochos en Asie, Polybe, XI. 34. 4-16 ; XV. 37. 1. Appien, Syr. 1.

[19] Sur ces faits, Niese, II, 401-402. En 206, après avoir traité avec Sophagasénos, Antiochos s'en revient par l'Arachosie, la Drangiane et la Karmanie c'est en Karmanie qu'il passe l'hiver de 206/205 (Polybe, XI. 34. 11-14). L'année suivante, il traverse la Perse, se dirigeant vers la Mésopotamie, et visite les Gerrhéens (XIII. 9). Il est rentré en Syrie soit vers la fin de 205, soit, au plus tard, au commencement de 204.

[20] C'est dans le courant de l'année 205 qu'Antiochos parait avoir pris le titre de βασιλεύς μέγας ; voir ma note dans B. C. H., 1908, 266 suiv.

[21] Cf. Polybe, XI. 34. 14-15.

[22] L'attaque est prévue dès 204, comme le montre Polybe, XIII. 2. 3 : la nomination de Scopas au grade de commandant en chef de l'armée de campagne implique une réorganisation de toute armée.

[23] Ce qui caractérise, en réalité, le véritable Antiochos, c'est sa prudence, sa modération et le sang-froid qu'il sait garder dans ses plus grands suces. La preuve s'en trouve dans doute l'histoire de son expédition d'Asie, comme aussi dans la conduite qu'il tint de 200 à 197 il ce moment, d'envahir l'Égypte, il s'abstint sagement de risquer cette aventure. Mais les Grecs se le figurèrent d'abord comme un second Alexandre, conquérant le monde à perte d'haleine (cf. Polybe, XI. 34. 16, où le mot βασιλεία désigne certainement la monarchie universelle ; XV. 37. 1), et telle était aussi l'idée que Philippe s'en devait faire.

[24] Sur le rapprochement qui s'était opéré entre l'Égypte et la Macédoine, voir ci-dessus, chapitre II, § III-2. Le projet de mariage de Ptolémée (le futur Épiphanes) avec l'une des filles de Philippe paraît avoir été négocié sur la fin du règne de Philopator. — On voit par Polybe, XV. 20. 1, que Philippe (comme aussi Antiochos) offrit, avant la mort de Philopator, ses secours à l'Égypte, probablement contre les indigènes insurgés.

[25] C'est selon toute apparence le parti où s'arrêta Philippe.

[26] Voir notamment Niese, II, 501 ; Die Römer hatten alle Gedanken auf Afrika gerichtet etc. Grundriss4, 123 ; cf. Ihne, III, 2, etc. — La même idée se trouve déjà exprimée par quelques-uns des Annalistes de T. Live ; Liv. 31. 1. 8 — cum Aetoli et belli [ce qui est une audacieuse contre-vérité] et pacis fuissent causa — ; 29. 12. 16 : — iusseruntque omnes tribus, quia verso in Africam bello omnibus aliis in præsentia levari bellis volebant ; cf. 31. 31. 19. : — et nos, cum alia maiora urgerent, depositum a vobis bellum et ipsi omisimus.

[27] Je comprends mal que De Sanctis (III, 2, 433) déclare qu'une telle défensive eût pu entrainer des risques graves.

[28] On ne sait à peu prés rien sur les opérations de Magon de 205 à 203 (cf. Kahrstedt, 538 ; 541 ; 555), et cette ignorance suffirait  à prouver qu'elles furent peu considérables. La défaite que, selon les Annalistes (Liv., 30. 18), les Romains lui auraient infligée en 203 n'a peut-être rien de réel (voir la discussion dans De Sanctis, III, 2, 541, note 150), mais ce qui est sûr, c'est qu'ils l'ont contenu aisément en Ligurie, d'où il ne réussit jamais à sortir pour envahir l'Italie.

[29] En 206, Hannibal, retiré sur le territoire bruttien, renonce à attaquer les Romains Liv. (P. ?) 28. 12. 1 ; cf. Kahrstedt, 531) l'année suivante, il perd la grande place de Lokroi.

[30] Se rappeler notamment les dispositions des Achéens à regard de Philippe au début de la seconde guerre contre Rome : Liv. (P.) 31. 25. 8. Leur victoire de Mantinée a eu pour effet naturel de les rendre moins dépendants de la Macédoine. D'autre part, l'attitude agressive de Nabis va leur ôter leur liberté. d'action : cf. Polybe, XIII. 8. 7.

[31] Liv. (P.) 28. 8. 14.

[32] Ce qui suffirait à le prouver, c'est que P. Sempronius n'amène en Illyrie que 35 vais-eaux (Liv. (P.) 29. 12. 2) et n'en expédie que 15 en Aitolie (12. 5). Au surplus, on ne voit pas que Philippe tente alors sur mer aucune entreprise. C'est seulement lors de sa première expédition en Orient (202) qu'il dispose d'une flotte puissante ; ses préparatifs maritimes ne doivent avoir été terminés que peu auparavant ; cf. l'indication, d'ailleurs trop vague et trop peu claire, donnée par Appien, Maced. 4. 1.

[33] Liv. (Ann.) 28. 38. 12 ; 45. 8 : autorisation donnée à Scipion de passer en Afrique ; 46. 1 : Scipion en Sicile ; cf. 29. 1. 1-14 (naturellement très suspect dans le détail : voir Kahrstedt, 539, 1 ; 541, 1 ; Gsell, Hist. anc. de l'Afrique du Nord, III, 205).

[34] On peut remarquer, d'ailleurs, qu'il n'y a nul indice que les troupes ramenées en Italie par Sempronius aient été employées en Afrique. Nous ignorons ce qu'elles deviennent. On a supposé qu'elles avaient été disloquées (P. Cantalupi, Studi di stor. ant., I, 24), ou encore, par une conjecture ingénieuse (De Sanctis, III, 2, 509, note 104), qu'elles étaient entrées à Tarente, d'où il semble qu'elles étaient venues — et où l'on peut douter que leur présence fût indispensable.

[35] Cf., par exemple, Ihne, III, 2 : Dass ein unter solchen Umständen und solchen Bedingungen abgesehlossener Friede necht ein ehrlich gemeinter und dauernder sein konnte, verstand sich von selbst ; Hertzberg, I, 46-47 (trad. fr.), etc. ; au contraire, Mommsen, R. G., I7, 697. — On trouve l'expression de la même idée chez plusieurs historiographes romains Appien, Maced., 3 s. f. ; Justin, 29. 4. 11. Dion (Zonaras, IX. 15. 1) la pousse à l'absurde ; cf. Liv. 29. 12. 16 ; 31. 31. 19-20 ; 32. 21.18. .

[36] Effectivement, avant d'entreprendre ses expéditions en Orient, c'est-à-dire avant 202, il n'est pas douteux que Philippe ait procédé à de grands préparatifs militaires.

[37] La flotte est certainement prête en 202.

[38] Vers 204 ( ?), Philippe fait contre les Dardaniens une expédition victorieuse Diodore, XXVIII. 2 s. f. ; cf. Just. 29. 4. 10 (texte rapporté par Niese (II, 570, 3) aux mêmes circonstances ; mais le rapprochement est contestable ; il s'agit peut-être chez Justin rie l'expédition de 208 : cf. Liv. (P.) 28. 8. 14). — Vers la même époque, Philippe parait avoir aussi combattu les Thraces : Niese, II, 571 et note 2.

[39] De Sanctis écrit (III, 2, 433) : ... Una breve sospensione d'armi giovava anche perchè gli avversari di Filippo e degli Achei, gli Etoli e Sparta, riprendessero le forze... Mais il est clair que ce raisonnement vaut également pour Philippe.

[40] Cf. Liv. (Ann.) 31. 6. 3-4 ; 13. 2-4. La tradition annalistique relative aux préliminaires de la seconde guerre de Macédoine est erronée dans presque toutes ses parties, comme le mentie une comparaison attentive avec la tradition de Polybe. Elle ne mérite, dans l'ensemble, aucune créance. Je ne sais, cependant, s'il faut rejeter ce qu'elle rapporte de la violente opposition du peuple à la guerre, tant cette opposition, étant données les circonstances parait naturelle. Bien que le fait soit sans exemple dans l'histoire intérieure de Rome, il n'est point incroyable que le vote de la lex de Bello indicendo ait d'abord été refusé par les centuries. Kahrstedt (Annalist. von Livius, 21, 1 ; 33-34) semble, ici comme ailleurs, pousser trop loin le scepticisme.

[41] Cf. Liv. (Ann.) 31. 1. 7 ; 13. 3 ; Just. 29. 3. 8.

[42] Sur la situation embarrassée de l'Aitolie après 206, Polybe, XIII. 1 ; 1 a ; cf. Niese, II, 563.

[43] Sur la seconde stratégie d'Agélaos de Naupakte (vers 207/206), cf. ci-dessus, chapitre précédent, § IV. — Nomographie de Scopas ; opposition que lui fait Alexandros (Isios ?) : Polybe, XIII. 1 ; 1 a. — Échec de Scopas aux élections pour la stratégie, probablement en 204/203 : 2. 1. Comme H. Pomtow (Delph. Chronol., 95-96), je crois que, dans Polybe, XIII. 2. 1, il faut tenir pour exacte l'indication des Exc. de sententiis, § 87, 166 : Σκόπάς ό Αίτωλών νομογράφος, et, par conséquent, supprimer les mots Αίτωλών στρατηγός donnés par les Exc. de virt. et vitiis, pars II, § 46, 136. L'άρχή, dont il s'agit en ce passage, et que n'a pu obtenir Scopas, ne saurait être que la στρατηγία. Deux inscriptions récemment découvertes à Thermos ont fait connaître une troisième stratégie de Scopas (Άρχ. δελτίον, 1915, 48-49, n. 19), et l'on a pensé qu'il la fallait placer en 204/203 (G. Sotiriadis, ibid. ; A. Plassart, B. C. H., 1915, 128). C'est une hypothèse arbitraire. Il suffit de faire observer que rien ne prouve que Scopas ait été stratège pour la première fois en 220/219 ; sa stratégie de cette année-là peut fort bien avoir été la seconde, en sorte que la troisième serait celle de 212/211. — Départ de Scopas pour l'Égypte, où il devient commandant-général de l'armée : Polybe, XIII. 2 ; cf. XV. 25. 16, etc.

[44] Voir, à sujet, les remarques sommaires que j'ai présentées dans Klio, 1913, 155 et note 2. La question mérite une étude détaillée qui sera faite ailleurs ; je m'en tiens ici quelques indications essentielles. — Pour l'alliance formée contre l'Égypte par Antiochos et Philippe et leur projet de partage de la monarchie lagide : Polybe, III. 2. 8 ; V. 20. 1 sqq. ; Appien, Maced., 4. 1 (texte où la tradition de Polybe est, du reste, gravement altérée). Pour l'appel adressé à Philippe par les régents d'Égypte et l'envoi en Macédoine de Ptolémée, fils de Sosibios Polybe, XV. 25.13. C'est sans raison qu'on a supposé que Philippe avait repoussé les ouvertures de cet ambassadeur (Niese, II, 577-578 ; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 351 suiv.). Le long séjour, d'au moins un an, qu'il fit à la cour de Macédoine et l'accueil honorable qu'il y reçut (cf. Polybe, I. 22. 3-5) seraient déjà la preuve du contraire. Philippe avait un intérêt évident à promettre assistance aux Alexandrins : c'était le seul moyen de les empêcher de s'accommoder avec Antiochos et de passer par ses conditions ; il dut, avec sa fourbe ordinaire, se déclarer le protecteur de l'Égypte, cependant qu'il feignait de s'allier contre elle au Séleucide. — On remarquera, du reste, qu'en 202 il n'envahit, à notre connaissance, aucune terre qui dépende des Lagides. En Thrace, il épargne Ainos et Maroneia ; c'est seulement dans l'été de 200 qu'il s'en emparera (Liv. (P.) 31. 16. 3-4), comme sans doute aussi de Sestos (cf. Rev. Ét. gr., 1920, 229, 3) qui, d'ailleurs, n'appartenait peut-être point à Ptolémée. Dans les îles, Théra et Itanos de Crète demeurent et continueront de demeurer à l'Égypte, de même qu'Arsinoé-dans-le-Péloponnèse (Méthana, en Argolide ?). Notez, d'autre part, avec quelle facilité, au début de la campagne de 201, Philippe occupe Samos, puis rallie et joint à sa propre flotte la flotte égyptienne (cf. mon mémoire dans laie, 1909, 454 suiv. ; Rev. Ét. anc., 1921,182) ; les Égyptiens ne lui ont point opposé de résistance, précisément parce qu'il s'est donné jusque-là pour allié d'Épiphanes. La prétendue démarche que, selon Justin (30. 2. 8 ; 3. 1.), les Alexandrins auraient faite à Boras, peu après la chute d'Agathoklès, pour s'y plaindre de Philippe en même temps que d'Antiochos, doit, comme il a été dit ailleurs, être tenue pour apocryphe. Il y a, chez Justin, confusion probable avec l'ambassade de Ptolémée, fils d'Agésarchos, venue à Rome en 203/2 pour y signaler l'attitude menaçante du seul Antiochos. D'une manière générale, les modernes ont cru trop volontiers que Philippe tint loyalement les engagements qu'il avait pris avec Antiochos et s'unit franchement à lui contre Épiphanes. Polybe (XV. 20. 6 ; cf., pour la conduite du satrape Zeuxis, XVI. 1. 9) indique tout le contraire. Un fait particulièrement significatif est la brusque occupation de Lysimacheia par Philippe ; il est certain que cette occupation, par où débutent ses entreprises en Orient, s'est faite en violation des arrangements passés avec Antiochos ; c'est ce que montre Polybe, XVIII. 51. 4-6.

[45] Sur ces faits, dont je prépare une étude nouvelle, voir Niese, II, 581-582. — Toutefois, l'opinion de Niese (II, 581), reproduite par Svoboda (Staatsalters. 330, 5), d'après laquelle Lysimacheia, Calcédoine et Kios auraient été abandonnées par l'Égypte aux Aitoliens au moment même de l'expédition de Philippe, ne supporte pas l'examen ; il ressort (voir la note suivante) de la phrase de Polybe, XV. 23. 8-9, convenablement interprétée, que ces rois villes dépendaient de la Confédération aitolienne au moins depuis 206. Au reste, jamais Kios ni Calcédoine n'ont appartenu aux Lagides. — Deux fragments du traité conclu entre Philippe et les Lysimachéens ont été publiés par G. P. Oikonomos, Έπιγρ. τής Μακεδονίας, I, (1915), 2 suiv. n° 1. L'existence de ce traité semble être la preuve que Philippe ne s'est pas comporté à Lysimacheia avec autant de brutalité que Polybe le donnerait à croire. On peut se demander aussi si la ruine de Kios fut aussi complète que l'indiquent Polybe et, d'après lui, Strabon (XII. 4. 3, 563). Il est notable qu'en 192, on rencontre à Chalkis un Cianus mercator, potens propter divitias : Liv. (P.) 35. 37. 5.

[46] Sur l'irritation que causa aux Aitoliens la prise de Lysimacheia, de Calcédoine et de Kios par Philippe, cf. Polybe, XV. 23. 6 : δ τν οδων δμος π τατης τς μρας (le jour où l'on connaît les violences commises à Kios) ς περ πολεμου διελμβανε το Φιλππου, κα πρς τοτον τν σκοπν ποιετο τς παρασκευς. (7) Παραπλσιον δ κα τος Ατωλος μσος κ τατης τς πρξεως νειργσατο πρς ατν· (8) ρτι γρ διαλελυμνος κα τς χερας κτενων πρς τ θνος, οδεμις προφσεως γγινομνης, φλων παρχντων κα συμμχων Ατωλν, Λυσιμαχων, (9) Καλχηδονων, Κιανν, βραχε χρν πρτερον (en 206), πρτον μν προσηγγετο τν Λυσιμαχων πλιν, ποσπσας π τς τν Ατωλν συμμαχας, δευτραν δ τν Καλχηδονων, τρτην δ τν Κιανν ξηνδραποδσατο, στρατηγο παρ'Ατωλν ν ατ διατρβοντος κα προεσττος τν κοινν. — Il ressort de ce texte que, jusqu'à l'expédition de Philippe en Thrace et dans la Propontide, les Aitoliens n'avaient pas de griefs ou, tout au moins, de griefs sérieux contre lui (cf. d'ailleurs Polybe, XVIII. 3. 12 ; 5. 4), et que la paix de 206 n'avait pas reçu d'atteinte grave. — Je note ici que la phrase φλων παρχντων κα συμμχων Ατωλν, Λυσιμαχων, Καλχηδονων, Κιανν, βραχε χρν πρτερον n'a point, d'ordinaire, été bien entendue. Selon l'opinion commune (cf., par exemple, Swoboda, Staatsaltert., 350, 5 ; Th. Sokoloff, Klio, 1907, 70 ; Oikonornos, mém. cité, 4), elle signifierait seulement que les Lysimachéens, les Kalchédoniens, etc., étaient amis et alliés des Aitoliens. Cette interprétation ne rend pas compte des mots βραχεΐ χρόνω πρότερον (qu'il faut nécessairement rapprocher de άρτι διαλελυμένος κτλ.) et ne saurait être admise. Le participe ΰπαρχόντων a sûrement pour régime sous-entendu αύτώ, c'est-à-dire Φιλίππω (cf. Polybe, XVIII. 3. 1.2 ; 5. 4). Quant au mot συμμάχων, dans l'expression φίλων καί συμμάχων, il est explétif comme, par exemple, dans XVIII. 5. 2. Le sens véritable du passage a été donné par Casaubon : Nuper enim iis (Aetolis) conciliatus (Philippus), et genti Aetolorum manus porrigens, cum amicis et sociis paullo ante uteretur Aetolis, Lysimachensibus, Chalcedoniis et Cianis eqs. Par sa paix de 206 avec l'Aitolie, Philippe est devenu tout ensemble l'ami des Aitoliens, des Lysimachéens, des Kalchédoniens et des Kianiens ; d'où il résulte que ces trois derniers peuples étaient, dès ce temps-là, rattachés à la Confédération aitolienne.

[47] Polybe, XVI. 13. 3. — Dès 204, Nabis entre en conflit avec Mégalopolis et les Achéens : Polybe, XIII. 8. 7 ; cf. XXI. 9. 1. ; Niese, II, 565.

[48] Cf. Liv. (P.) 31. 46. 3.

[49] Cf. Polybe, XVI. 9. 4. En 201, c'est Théophiliskos de Rhodes qui oblige Attale, hésitant et craintif, à ouvrir, à Khios, les hostilités contre Philippe. — Alliance de Philippe et de Prousias : Polybe, XV. 23. 10 ; XVIII. 4. 7 ; 5. 4.

[50] Pour la première campagne d'Antiochos contre l'Égypte, cf. mon mémoire dans Klio, 1908, 267 suiv.

[51] A la vérité, les Rhodiens, qui avaient de vieux griefs contre Philippe (cf. Niese, II, 571-572, dont l'exposé doit être rectifié sur quelques points), qui s'inquiétaient de ses entreprises indirectes en Carie (Rev. Ét. gr. 1899, 20 suiv.), et qu'Il venait de bafouer odieusement pendant le siège de Rios (Polybe, XV. 22.5-23. 1-4), avaient pris à son égard une attitude hostile et faisaient même mine d'armer centre lui (23. 6). Mais ils s'étaient montrés jusque-là si amis de la paix, ils s'étaient naguère donné tant de peine pour réconcilier les Aitoliens et Philippe, qu'on devait croire en Aitolie qu'ils s'en tiendraient à des velléités belliqueuses. Et le fait est que, si, en 201, ils passèrent des menaces aux actes, le mérite en revint, semble-t-il, au seul Théophiliskos (cf. Polybe, XVI. 9. 4). Il n'y a, d'ailleurs, à cette époque, nulle trace d'entente entre Rhodes et l'Aitolie.

[52] Appien, Maced. 4. 2. — Que cette démarche des Aitoliens soit historique et que l'indication donnée par Appien remonte à Polybe, cela résulte, comme on l'a vu depuis longtemps (cf. Nissen, Krit. Unters. 123), des paroles que T. Live, à la suite de Polybe, fait prononcer à l'un des ambassadeurs macédoniens venus aux Panaitolika de 199 (31. 29. 4) : an imitariRomanorum licentiam, an levitatem dicam, mavultis (Aetoli) ? qui cum legatis vestris Romae responderi ita iussissent : “quid ad nos venitis, Aetoli, sine quorum auctoritate pacem cum Philippo fecistis ?”, iidem nunc ut bellum secum adversus Philippum geratis postulant. C'est pour avoir oublié ce texte décisif, que Costanzi a soutenu (Studi storici, 1908, 423 suiv.), contre l'évidence, que l'appel des Aitoliens au Sénat n'était qu'une invention tardive des Annalistes romains (ibid. 441-442). Notons, d'ailleurs, qu'une allusion, à la vérité très vague, à cet appel se rencontre aussi dans Liv. 31. 1. 9 : — Romanosinfensos Philippo cum ob infidam adversus Aetolos aliosque regionis ejusdem socios pacem. Dans cette phrase, il y a manifestement une réminiscence de Polybe ; Nissen (123) l'a justement rapprochée du texte d'Appien (Maced. 4. 2), et c'est bien à tort que Costanzi (435) a contesté l'exactitude du rapprochement. — J'ajoute que, dans ces prétendues plaintes que, selon les Annalistes (Liv., 30. 26. 2), quelques sociæ urbes ex Græcia, molestées par Philippe, auraient adressées au Sénat à la fin de 203, on peut retrouver le souvenir altéré de la démarche des Aitoliens mentionnée par Appien.

Celle-ci est sûrement historique ; mais il reste à savoir si la date qu'Appien lui a marquée est exacte. — A l'en croire, l'arrivée à Rome des ambassadeurs aitoliens serait postérieure à celle des ambassadeurs de Rhodes et de Pergame (ces derniers non nommés dans son texte) et même à celle — apocryphe, comme on l'a vu plus haut — des ambassadeurs athéniens ; d'autre part, elle aurait précédé le départ pour la Grèce et l'Orient des trois légats du Sénat, G. Claudius, P. Sempronius, M. Aemilius, chargés de notifier à Philippe la rerum repetitio du gouvernement romain et de visiter les cours d'Égypte et de Syrie (cf. Polybe, XVI. 25. 2 ; 27 ; 34. 1-2 ; Liv. (Ann.) 31. 2. 3, où le départ des légats est placé environ six mois trop tôt ; ci-dessus, p. 66, note 3). Les ambassadeurs rhodiens et pergaméniens arrivèrent à Rome à la fin de l'été ou au commencement de l'automne de 201 ; les légats en partirent vers avril 200 ; c'est dans cet intervalle que les députés de l'Aitolie te seraient présentés devant le Sénat. Cette chronologie a été acceptée de confiance par un grand nombre d'historiens : voir, par exemple, Brandstäter, Gesch. des ætol. Landes, 404-405 ; Nissen, Krit. Unters. 325 ; Van Gelder, Gesch. der alt. Rhodier, 124 ; Bouché-Leclercq, Hist. du Lagides, I, 355 ; Ferguson, Hellen. Athena, 270, etc. Pourtant, il est manifeste qu'elle ne peut être admise. Si les Aitoliens étaient venus à Rome à l'époque indiquée, le Sénat les aurait reçus à bras ouverts. En effet, sa résolution de recommencer la guerre contre Philippe fut prie dès l'automne de 201, aussitôt après la démarche d'Attale et des Rhodiens, comme le prouve assez l'élection de P. Sulpicius au consulat : en nommant ce consul, il est clair qu'on entendait désigner le général de la prochaine guerre de Macédoine. Au reste, la visite des légats sénatoriaux à Naupakte, au printemps de 200 (Polybe, XVI. 27. 4), fait voir quelles étaient à cette époque les dispositions nouvelles des Paires à l'égard de l'Aitolie et le grand désir qu'ils avaient de renouer avec elle les relations rompues depuis 206. D'un autre côté, le refus des Aitoliens d'envahir la Macédoine pendant l'été de 201, tandis que Philippe ravage le territoire de Pergame (Liv. (P.) 31. 46. 4), a sa naturelle explication dans la déconvenue qu'ils ont précédemment éprouvée à Rome, dans le découragement qui en a été l'effet et dans le ressentiment qu'ils en ont gardé. L'été de 201 devient ainsi le terminus ad gitan pour la démarche qu'ils ont faite auprès du Sénat ; et, comme on voit par Polybe (XV. 23. 7-9) que leur rupture avec Philippe eut pour cause les entreprises du roi contre Lysimacheia, Calcédoine et Kios, cette démarche ne saurait avoir eu lieu avant l'été de 202, si bien que l'été de 202 et celui de 201 se trouvent marquer ici les deux limites extrêmes. J'inclinerais volontiers à croire que les Aitoliens ne députèrent aux Romains qu'après la bataille de Naraggara (mai-juin 202 ? cf. Kahrstedt, 569, 1 ; ou octobre 202 ? cf. De Sanctis, III, 2, 599-600) : il semble, en effet, que, pour solliciter leur appui, ils aient dû attendre la fin de la guerre d'Afrique. Ces résultats concordent, dans l'ensemble, avec ceux auxquels était parvenu Niese (II, 588 589), qui place en 202/201 le recours des Aitoliens au Sénat. On voit que l'Annaliste d'Appien a, comme il lui est arrivé souvent, brouillé l'ordre des faits, et l'on peut le soupçonner de ne l'avoir pas brouillé sans intention. Il lui a plu sans doute de montrer que, même à la veille d'engager les hostilités contre Philippe, et si précieux que leur pût être le concours de l'Aitolie, les Romains avaient trop fière pour rendre leur amitié à des alliés déloyaux qui s'en étaient montrés indignes. Si cette interprétation est exacte, nous aurions ici l'exemple d'une de ces « erreurs » tendancieuses, prises à tort pour des négligences ou des lapsus, que Ed. Schwartz a justement signalées chez Appien (P.-W. II, 220, s. Appianus). Je ferai observer, en terminant, qu'on s'est sûrement mépris Lorsqu'on a voulu tirer argument d'un passage mutilé de Polybe (XVI. 23. 3) pour dater de l'été ou de l'automne de 201 l'envoi des ambassadeurs aitoliens à Rome. Dans ce texte, les mots οδ γνει τς ξαποστελλομνας κατ ατο (Φίλιππος) πρεσβεας ες Ῥώμην désignent certainement les ambassades de Rhodes et de Pergame, mais rien n'autorise à croire qu'il s'agisse en même temps d'une ambassade aitolienne, ni que les Aitoliens, comme l'a cru Nissen (Krit. Unters. 123), fussent mentionnés dans la lacune qui fait suite à ces mots (voir à ce sujet les remarques de Costanzi, Studi stor., 1908, 435-437). Quant à la phrase qui précède (XVI. 23. 2) — οδαμς βολετο (Φίλιππος) παραχειμζειν κατ τν σαν, φοβομενος <μν ον> κα τος Ατωλος κα τος ωμαους —, elle indique simplement que, durant son absence d'Europe, Philippe redoutait, soit une agression des Aitoliens, soit quelque entreprise des Romains ; elle n'implique en aucune façon qu'à ce moment les Aitoliens fissent effort pour obtenir le secours de Rome.

[53] Polybe, XVI. 27. 4.

[54] Liv. (P.) 31. 28. 3 ; Amynandro Aetolos concitandos ad bellum attribuit (P. Sulpicius) (hiver 200/199) ; — 29. 1 : huic (concilio Aelotorum, quod Panactalium vocant) ut occurrerentet a consule missus L. Furius Purpurio legatus venit (print. 199) : — 31. 20 (discours de L. Furius aux Aitoliens) : et vobis restituendi vos in amicitiam societatemque nostram fortuna oblata est, nisi perire cum Philippo quam vincere cum Roomanis mavultis.

[55] Appien, Maced. 4. 2 ; Liv. (P.) 31. 29. 4.

[56] Dans l'été de 201, les Aitoliens, malgré les instances d'Attale, refusent d'envahir la Macédoine pendant l'absence de Philippe : Liv. (P.) 31. 46. 4. — Un an plus tard (été 200), les négociations engagées par Attale en Aitolie n'ont aucun succès : 15. 9. — Amynandros, dans l'hiver de 200/199, n'est pas plus heureux : 28. 3. — Aux Panaitolika de 199 (printemps), le stratège Damokritos (en charge depuis octobre 200) use de subterfuge pour éviter de faire une réponse à L. Furius : 32. 2-5 (l'affirmation de T. Live (32. 1.) inclinatis omnium animis ad Romanos — est naturellement suspecte). — Sur la conduite équivoque de ce stratège et les soupçons auxquels elle donne lieu : 32. 1.

[57] Liv. (P.) 31. 40. 9-10. — Notons que, même à cette époque, la guerre contre la Macédoine est médiocrement populaire ; la preuve en est que la jeunesse aitolienne s'enrôle en masse au service de l'Égypte à l'appel de Scopas : Liv. (P.) 31. 43. 5-7 ; cf. Holleaux, Klio, 1908, 277-278.

[58] Si toutefois la démarche des Aitoliens à Rome est plus récente que la bataille de Naraggara ; j'ai dit que la chose est probable, mais elle n'est pas certaine.

[59] Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 355 : de même, Ihne, III, 2 ; Hertzberg, I, 46-47 trad. fr.) ; Ed. Meyer, Kl. Schriften, 277, etc.

[60] L'idée, chère à beaucoup de modernes, que la seconde guerre de Macédoine fut une guerre de revanche est à peu près absente des traditions anciennes. Je ne la trouve exprimée que par un des Annalistes de T. Live (31. 11. 9) bellum cum rege Philippo susceptum, quod Carthaginienses auxiliis iuvisset (10) iniuriasque inferendo sociis populi Romani flagrante bello Italia cœgisset classes avercitusque in Græciam mitti et distinendo copias causa in primis fuisset serius in Africam traiciendi ; et par Justin, 30. 3. 1. Dion (Zonaras, IX. 15. 1) est peu clair.

[61] Cf. Liv. (P.) 26. 25. 5. On peut conclure de ce passage qu'en 211 Philippe a réussi à lever quelques contingents en Thessalie.

[62] Cf. Liv. (P.) 33. 3. 1-2 ; 39. 24. 3.

[63] Liv. (P.) 27. 32. 10. Les 4.000 hommes mentionnés précédemment (30. 15), et provisoirement affectés à la défense de l'Achaïe, forment une partie considérable de l'année royale et sont emmenés par Philippe lorsqu'il quitte le Péloponnèse (cf. 32. 11) ; il ne laisse alors en Achaïe que les 2.500 hommes commandés par Ménippos et Polyphantas. Ces troupes ont elles-mêmes été rappelées plus tard, comme on le voit par Polybe, X. 41. 2. En 208, Ménippos est en Eubée, et Polyphantas en Phocide et en Béotie (42. 2).

[64] Polybe, X. 42. 2. C'est avec raison, je crois, que T. Live rend par modica manus (28. 5. 11) le σύμμετρος δύναμις de Polybe.

[65] Cf. Liv. (P.) 27. 30. 1.

[66] Combien ce péril, qui menaçait non seulement la Macédoine, mais aussi toute la Grèce, a fixé l'attention des Romains, c'est ce que montrent les paroles adressées par T. Quinctius à l'Aitolien Alexandros Isios après la bataille de Kynosképhalai : Polybe, XVIII. 37. 8-9. — Notez, d'autre part, le langage que lui fait tenir Justin avant cette bataille (30. 4. 12) : — (Macedones) — qui non ita pridem prædas Dardanis fuerint.

[67] Pour les Maides, voir notamment le passage classique de Liv. (P.) 26. 25. 7 : incurrere ea gens in Macedoniam solita erat, ubi regem occupatum externo bello ac sine præsidio esse regnum sensisset — ; cf. Polybe, X. 41. 4. Pour les Dardaniens, Liv. (P.) 40. 57.6 : — Dardani, gens semper infestissima Macedoniæ temporibusque iniquis regum imminent — ; cf. Polybe, IV. 66. 1 (ann. 219).

[68] Liv. (P.) 27. 32. 9-11 ; 33. 1 ; cf. Just. 29. 4. 6.

[69] Polybe, X. 41. 4.

[70] Liv. (P.) 28. 8. 14.

[71] Liv. (P.) 26. 25. 3 : expédition de 21.1 contre les Dardaniens ; prise de Sintia ; — 25. 6-8 ; 25. 15 : expédition la même année contre les Maides ; siège de Iamphorynna.

[72] Cela est si vrai qu'à la fin de son règne, pour avoir raison des Dardaniens, Philippe ne trouve rien de mieux que de les faire exterminer par les Bastarnes : Liv. (P.) 40. 57. 5-6. Notez la phrase (57. 5) Dardanorum gentem delere propositum erat inque eorum agro sedes fundare Bastarnis. — L'expédition victorieuse de 204 ( ?) (Diodore, XXVIII. 2 ; cf. Niese, II, 570) avait pu assurer à la Macédoine quelque tranquillité ; mais ce répit fut peu durable. Dès la fin de 200, les Dardaniens sont prêts à s'unir aux Romains : Liv. (P.) 31. 28. 1.

[73] Polybe, IV. 66. 1 (ann. 219) ; V. 97. 1-2 (ann. 217) : prise de Bylazora.

[74] Beloch (Gr. Gesell., III, 1, 661) a fait observer avec raison qu'Antigone avait dû leur abandonner la Paionie septentrionale. D'autre part, il est probable, comme l'a supposé Niese (II, 347), que ces Illyriens, auxquels Antigone dut livrer bataille aussitôt après la journée de Sellasia (Polybe, II. 70), étaient aussi des Dardaniens.

[75] C'est du moins ce qu'on peut induire de Trogus, prol. 28 ; Just. 28. 3. 14 ; cf. De Sanctis, II, 1, 297, note 89.

[76] Bato, roi des Dardaniens, vient s'offrir aux Romains dès le début de leur seconde guerre contre Philippe (automne 200) : Liv. (P.) 31. 28. 1-2. — Sur le plan d'attaque combiné par le consul P. Sulpicius avec les Dardaniens, Kromayer, Ant. Schlachtf. II, 10-11.

[77] Sur les entreprises des Dardaniens pendant la seconde guerre de Macédoine, et les embarras qu'ils causent à Philippe en 199 : Liv. (P.) 31. 28. 5 ; 33. 3 ; 34. 6 38. 7 : eo quoque minus est mirum temptasse eum (Philippum) fortunam, quod fama erat Pleuratum Dardanosque ingentibus copiis profectos domo iam in Macedoniam transcendisse ; (8) quibus ai undique circumventus copiis foret, sedentem Romanum debellaturum credi poterat ; 40. 7-8 ; 40. 10 ; — retraite des Dardaniens : 43. 1-3. — Ils demeurent tranquilles en 198 ; mais, l'année suivante, ayant appris la défaite de Philippe à Kynosképhalai, ils envahissent de nouveau la Macédoine : 33. 19. 1-3.

[78] Cf. les justes remarques de Kromayer, II, 6. Noter l'indication de Polybe (XVIII. 39. 4) : si, après Kynosképhalai, Philippe avait voulu continuer la guerre, il en aurait été réduit à πολιοφυλκεΐν.

[79] Liv. (P.) 27. 31. 2-3 (été 209). Un peu plus tôt, lorsque Philippe remporte près de Lamia un double succès sur les Aitoliens, ceux-ci sont renforcés, non seulement d'auxiliaires fournis par Attale, mais aussi de 1.000 Romains débarqués de la flotte : Liv. (P.) 27. 30. 2.

[80] Je parle ici de la guerre entre Macédoniens et Romains ; les combats livrés par Philippe aux Aitoliens furent, au contraire, des affaires sérieuses. — Le rôle, très différent, joué par les Romains dans les deux premières guerres de Macédoine est bien marqué dans ce passage de T. Live (P.) 32. 21. 17 : Aeiolos tum classe adiuverunt (Romani) ; nec duce consulari [ceci est inexact à partir de 210] nec exercitu bellunt gesserunt — : (18) nunc autemnon præsidium Aetolis bellantibus miserunt, sed ipsi duce belli arma terra manique simul Macedoniæ intulerunt. Cf. aussi 31. 31. 20. — Bonne caractéristique de la première guerre de Macédoine dans Kromayer, Schlachtf., II, 7.

[81] Remarquer, à ce propos, le caractère et l'objet de la campagne de 199 : c'est une campagne offensive visant directement la Macédoine elle-même, qui est envahie et doit être assaillie de toutes parts. P. Sulpicius voudrait, dés le début des hostilités, contraindre Philippe à accepter une bataille rangée. Cf. Kromayer, II, 9, 11, 24 (au sujet du combat de Banitza) ; Liv. (P.) 31. 34. 9 ; 35.1 ; 36.4 ; et, en général, Dion, fr. 58,1-2 (I, 275 Boissev.).

[82] C'est ce que Philippe s'efforcera constamment de faire pendant la campagne de 199 ; cf. Kromayer, II, 7-8, 19, 22, 30-31. — Sur la stratégie employée par Philippe en 199-198, voir Polybe, XVIII. 3. 3-4 (discours d'Alexandros Isios aux conférences du golfe maliaque).

[83] Sur la différence des deux stratégies, romaine et macédonienne, en 199, voir encore Liv. (P.) 31. 34. 5 ; 35. 3 ; 35. 6.

[84] Cf. Kromayer, II, passages précédemment cités, et 57.

[85] Cf. Liv. (P.) 31. 35. 6 ; 32. 10. 11.

[86] Cf. Liv. (P.) 31. 34. 4 ; Diodore (P.) XXVIII. 8. 1 (combat de cavalerie en Lynkestide ; print. 199) ; — sur l'excellence du glaive ibérique : Polybe, VI. 23. 6 sqq.

[87] Cf. Liv. (P.) 31, 35. 5-6 : la cavalerie de Philippe ne peut soutenir le choc de la cavalerie romaine (combat d'Ottolobos ; été 199).

[88] Cf. Liv. (Ann.) 31. 11. 10 ; 19. 34 ; 32. 27. 2.

[89] Cf. Liv. (P.) 32. 10. Il (bataille de l'Aoos ; print. 198) ; 31. 35. 4-5 (combat d'Ottolobos) ; 45. 5 (prise d'Andros ; print. 199).

[90] Au début de la campagne de 199, Philippe, ayant concentré en Macédoine toutes ses troupes disponibles et dégarni la frontière de Pélagonie, n'a sous ses ordres que 20.000 fantassins et 2.000 cavaliers : Liv. (P.) 31. 34. 7 ; cf. Kromayer, II, 95. Il est vrai qu'il a fait des pertes importantes à la bataille navale de Khios (Polybe, XVI. 7. 5-6 ; cf. 8. 6) et laissé quelques détachements en Asie ; mais ces détachements paraissent composés surtout d'auxiliaires, tirés en partie du pays même (Liv. (P.) 33. 18. 7-9). Dans l'été de 197, Deinokratès, stratège de Stratonicée, n'a, semble-t-il, avec lui que 500 Macédoniens (18. 9). — En 197, après avoir procédé dans tout son royaume à des enrôlements forcés et appelé sous les armes jusqu'aux adolescents (33. 3. 1-4), Philippe ne dispose que de 23.500 gens de pied et 2.000 cavaliers (auxiliaires compris) : 33. 4. 4-5 ; cf. Kromayer, II, 102.

[91] Il y a lieu de remarquer que, lors de la seconde guerre contre Philippe, l'effectif total de. l'armée romaine fut fixé à deux légions dès l'été de 200, c'est-à-dire en un temps où l'on ignorait encore si l'on trouverait des auxiliaires parmi les Grecs et où l'attitude des Aitoliens donnait plutôt à craindre le contraire. — Pour l'évaluation précise des forces placées, en 200, sous les ordres de P. Sulpicius, voir les calculs très satisfaisants de Kromayer, II, 9 ; 95-96 le consul aurait disposé de deux légions normales avec leurs compléments, soit environ 23.000 hommes de pied et 2.000 cavaliers.

[92] Cf. Polybe, I. 10. 6.

[93] Liv. (P.) 29. 12. 13 : P. Sempronius condiciones pacis dixit, — Atintania, si missis Romam legatis ab senatu inpetrasset, ut Macedoniæ accedere. Il n'est pas douteux que la cession n'ait été consentie par le Sénat.

[94] Cf. Liv. (P.) 26. 25. 2 (hiv. 212/211) ; 29. 12. 6 (ann. 205). Il est probable que, dès 213, après la prise de Lissos, Philippe avait poussé des incursions dans l'Illyrie maritime.