III Les Romains ont promis de ne faire et ne feront en Grèce aucune annexion ; mais ils entendent pourtant n'y pas demeurer les mains vides. Non seulement la guerre y devra nourrir la guerre : il convient qu'elle leur soit une source de profits. A. cet effet, dès le premier moment, ils ont pris leurs précautions. Cette même clause, déjà mentionnée, du traité de 212, qui attribue à l'Aitolie la propriété de toutes les villes conquises, leur confère à eux-mêmes le droit de les vider à fond, d'en enlever tout ce qui peut être pris, hommes, femmes, enfants, bêtes et meubles ; et de ne laisser en place que les toits et les murs[1]. Or, on l'a vu plus haut, les villes conquises seront des villes helléniques, situées dans les États de la Symmachie. Ainsi, c'est sur les peuples alliés de Philippe que les Romains ont résolu d'assouvir leur cupidité ; et, dès le premier moment, afin de l'assouvir, ils ont résolu de faire à ces peuples une guerre atroce et sans merci. Le fait est singulier et vaut qu'on s'y arrête. Certes, que les Aitoliens et les Grecs amis de l'Aitolie mènent âprement la lutte contre les nations à la Symmachie, rien de plus naturel. Ces nations sont, pour la plupart, leurs ennemies d'ancienne date ; ils sont contre elles animés de vieilles haines ; ils ont sur elles des revanches à prendre, des représailles à exercer ; ils leur veulent rendre les coups qu'ils en ont reçus dans la guerre-des-Alliés, et c'est seulement de leurs dépouilles qu'ils peuvent s'accroître. Mais ce qui est naturel des Aitoliens et de leurs alliés grec ne l'est pas des Romains. Pour ceux-ci, les Symmachoi, si étroits que soient leurs liens avec la Macédoine, ne sont pas, n'ont jamais et des ennemis. Rome n'a point avec eux de querelle propre. Ils ne se sont pas déclarés contre elle ; s'ils figurent en bloc, à côté de Philippe, dans le traité conclu avec Hannibal[2], c'est manifestement sans avoir été consultés. Ils n'ont point pris part au expéditions du roi en Illyrie[3] ; ils ont gardé, durant ces entreprises, une neutralité exacte et prudente ; et Lævinus a pu savoir que le chef vénéré des Achéens, Aratos, s'est efforcé de détourner Philippe de faire la guerre a Rome, a même refusé de l'accompagner lors de sa seconde tentative contre Apollonia[4]. A l'endroit du Peuple romain, les nations qui dépendent de la Macédoine sont donc sans reproche. Les Romains n'ont contre elles ni griefs ni rancunes ; ils n'ont aucun motif de leur être hostiles, aucun, sinon qu'ils se trouvent être fortuitement les alliés de l'Aitolie[5], dont ils ont promis de servir les convoitises et les vengeances. — Mais, en revanche, s'ils ont enfin projeté d'avoir une politique hellénique, il semble que leur intérêt bien compris les devrait incliner à traiter ces nations avec quelque ménagement. En effet, il est aisé de se figurer ce que doit être, dans ses lignes générales, une telle politique. Dirigée, non contre les Grecs, dont Rome ne saurait rien craindre, mais contre les souverains macédoniens, ennemis du Peuple romain, elle aura nécessairement pour premier objet de mettre fin à leur domination sur la Grèce. Toute ingérence active et prolongée des Romains dans les affaires de Grèce implique la ruine de cette domination. Faire en sorte que la Macédoine cesse d'être puissance hellénique ; abolir l'œuvre des grands Argéades, poursuivie et complétée par les Antigonides ; isoler la Macédoine de la Grèce, détacher la Grèce de la Macédoine ; par suite, dissoudre la confédération restaurée par le troisième Antigone, distraire de Philippe les Symmachoi ; substituer à la Grèce vassale ou sujette des Macédoniens une Grèce amie et cliente de Rome, respectueuse de son autorité, docile à ses volontés ; puis, opposer cette Grèce amie de Rome aux roi de Macédoine, comme on leur a naguère opposé les villes et les tribus de la Basse-Illyrie placées sous la tutelle romaine ; bref, développer, élargir, étendre aux pays grecs le système jusque-là borné à l'Illyrie : voilà, si le gouvernement romain a des desseins sur la Grèce, dès l'instant que ces desseins ne sont point conquérants, en quoi ils devront consister. Visiblement, ici, le point capital sera enlever à Philippe ses alliés. Pour y réussir, il est clair qu'on aura le choix de deux méthodes : on pourra soit employer la violence, soit, sans négliger l'intimidation, recourir aux voies de douceur, user de séduction et de persuasion ; soit contraindre les Symmachoi à rompre leur union avec la Macédoine, soit, en se les conciliant, les amener à se séparer d'elle. lie ces deux méthodes, il semble bien qu'on devra préférer à seconde : c'est elle qui coûtera le moins d'effort, et les œuvres de la violence risquent toujours d'être précaires. Donc, procéder avec les Grecs alliés de l'Antigonide a peu près de même façon qu'Hannibal, par exemple, a tenté de faire avec les Italiens alliés de la République ; rassurer les Symmachoi et, en les rassurant, les gagner ; s'appliquer à les convaincre que e Peuple romain travaille pour eux, sert leurs intérêts, ne prétend que les affranchir d'un despotisme étranger ; les attirer ainsi à son côté, les déterminer à s'unir à lui par des liens d'alliance ou d'amitié : c'est là, le jour où il plaira au Sénat d'avoir en Grèce une politique, ce que lui devra conseiller la prudence. Ce ne sont point ici, qu'on le veuille bien remarquer, jeux d'imagination ni spéculations théoriques. La politique dont nous esquissons les traits — hostile à la Macédoine et, cependant, favorable par système aux Symmachoi et à tous les Hellènes, anti-macédonienne et philhellénique à la fois — sera dans peu d'années une réalité. C'est celle qu'adoptera le Sénat, au printemps de l'an 200, lorsqu'il se déclarera en face de Philippe le protecteur de tous les peuples grecs, et qu'il enverra ses légats porter, sitôt débarqués en Grèce, des assurances d'amitié, non seulement aux Aitoliens, qui sont les ennemis du roi, mais aux Épirotes et aux Achéens, alliés de la Macédoine[6]. C'est à la mettre en pratique que l'agent le plus avisé du gouvernement romain, T. Quinctius, emploiera, avec plus de zèle que de succès, ses soins continus et son habileté trop vantée. C'est elle enfin qu'à Rome on se flattera — très prématurément, il est vrai, — d'avoir fait triompher en 196. Or, cette politique, qui sera la sienne à partir de 200, le Sénat en pourrait sans doute avoir l'idée douze ans plus tôt ; et c'est même à quoi l'on s'attendrait, si, comme certains le prétendent, la Grèce est depuis longtemps l'objet de ses préoccupations et de ses visées. Mais, en ce cas, les Patres et les généraux qui reçoivent leurs ordres devraient s'apercevoir qu'il y a contradiction entre ce rôle d'alliée de l'Aitolie, qui oblige Rome à combattre les Symmachoi, et les motifs d'intérêt général qui l'invitent à les ménager ; et, s'apercevant de la contradiction, ils devraient, semble-t-il, faire effort pour l'atténuer : je veux dire que — les Akarnaniens mis à part, qu'ils se sont engagés à replacer sous le joug aitolien ils devraient, bien qu'en guerre avec eux, montrer quelque indulgence aux peuples jusque-là dépendants de la Macédoine, les traiter tout au moins sans excès de dureté, éviter de les exaspérer, veiller, en considération de l'avenir, à ne point transformer en ennemis durables ces adversaires d'occasion. Et qui sait ? peut-être pourraient-ils faire davantage, s'engager déjà dans la voie tout à l'heure indiquée, mêler le négociations à la guerre, moins combattre que négocier. Si Lævinus, si, après lui, Sulpicius s'informaient de ce qui s'agite en Grèce, se renseignaient sur l'état de l'opinion, daignaient s'éclairer, observer, réfléchir, bien des choses leur seraient révélées, dont eux-mêmes et leur gouvernement pourraient faire leur profit. Ils n'ignoreraient point que, toute compacte et bien liée qu'elle paraisse être encore, la Symmachie est travaillée de troubles intérieurs qui l'ébranlent et la rendent chancelante. Il leur apparaîtrait qu'à la vérité, les sentiments qu'inspire Philippe aux Grecs sont confus et divers[7], variables suivant le moment, les lieux, surtout suivant le rang social de ceux qui les éprouvent, mais que, nulle part, l'autorité du roi, compromise par ses excès mêmes, n'est ni si facilement acceptée, ni si fermement établie qu'on le croirait d'abord ; qu'il n'a point ses alliés dans la main ; qu'ancien ou récent, l'antagonisme est aigu entre lui et nombre d'Hellènes, et que l'hostilité traditionnelle contre la Macédoine persiste chez les uns, s'est ranimée et reprend force chez les autres. Ils s'aviseraient, par exemple, que, sans doute, la nation thessalienne, naturellement si inquiète et si turbulente[8], si impatiente de toute discipline, ne s'est pas résignée à l'état de sujétion[9] où, sous couleur d'alliance, l'ont réduite les Antigonides. Seize ans seulement se sont écoulés depuis l'effort violent qu'elle a fait pour se détacher d'eux[10] : comment, en un temps si court, la volonté d'être libres se serait-elle éteinte chez les Thessaliens ? A vrai dire, pendant ces seize ans — et c'est de quoi plus d'un s'est étonné[11] — ils ont su se contenir, observer un calme apparent ; mais les gens avertis croient savoir qu'ils n'en sont pas moins dévorés de cette soif d'indépendance, que Philippe déclarera plus tard inextinguible[12]. Aussi bien, en plus d'une rencontre, le roi les a sentis rétifs à ses volontés. On cite ce fait (et les Romains le pourraient connaître), qu'invités par lui à procéder à de larges naturalisations d'étrangers qui les aideraient à combler les vides de leur population, les Lariséens se sont, six ans de suite, dispensés de lui obéir[13]. Cet entêtement dans l'indocilité, seule forme d'opposition qu'ils puissent alors se permettre, en dit long sur les sentiments que nourrissent envers leur suzerain les peuples de la Thessalie centrale. Plus au Sud, en Phthiotide, le souvenir dure toujours du châtiment féroce infligé, cinq ans plus tôt, par Philippe aux Thébains[14], coupables seulement d'avoir repoussé la force par la force. Et quant aux habitants de la Magnésie, c'est chose connue qu'ils s'indignent de l'humiliant honneur qu'a fait le roi à leur grande cité, Démétrias, en la choisissant pour seconde capitale, et que le voisinage des garnisaires macédoniens, la vue du château royal dressé au milieu de la ville, en leur rendant sans cesse présente l'image du maître, irritent leur farouche ennui[15]. L'Achaïe, à l'autre extrémité de la Grèce, semble un des éléments les plus solides de la Symmachie. Rallier les Achéens à la Macédoine, transformer le vieux rebelle Aratos en un client respectueux de sa maison, c'avait été le chef-d'œuvre d'Antigone. Cependant, à y bien regarder, nulle part peut-être Philippe ne compte plus d'adversaires. Ce sont d'abord les hommes du parti vraiment national[16], les purs Achéens, qui n'ont pu se résigner à la volte-face d'Aratos, persistent à tenir pour déshonorante l'union contractée avec Antigone, s'indignent après douze ans comme au premier jour de voir l'Acrocorinthe livrée aux mercenaires illyriens et gaulois[17], et pour qui le roi de Macédoine, quel qu'il soit, quoi qu'il fasse, ne sera jamais que l'oppresseur des libertés grecques : comment ces irréconciliables supporteraient-ils sans frémir la dure hégémonie de Philippe ? Et ce sont aussi, en grand nombre, des représentants du parti contraire, politiques de l'école d'Aratos, favorables d'abord à l'alliance macédonienne, mais revenus maintenant de leurs longues illusions. Ceux-ci, apparemment, ne pardonnent point à Philippe leurs blessures propres[18], comme ils disent : les tristesses et les amertumes parmi lesquelles, aux derniers temps de sa vie, a langui leur chef ; sa mort suspecte, déclarée par lui-même être un présent de l'amitié du roi[19], et l'outrage sans nom fait au second Aratos. Mais peut-être lui pardonnent-ils moins encore leurs déconvenues et leurs mécomptes, l'immense déception qu'il leur a causée, l'erreur, risible si elle n'était tragique, où ils sont tombés à son sujet, lorsqu'ils se sont persuadé ingénument que ce souverain, le plus entier, le plus violemment personnel, le plus passionné d'ambition qui fut jamais, resterait toujours le sage jeune homme[20] qui les avait d'abord charmés, se laisserait docilement mener aux lisières par le vigilant Aratos[21], et bornerait sa gloire à n'être que le général de la Grèce libre[22]. A présent, ces chimères sont loin, et les patriotes achéens, tous également attachés à la poursuite du même dessein, rêvant tous avec la même ferveur d'une grande Achaïe qui comprendrait tout le Péloponnèse et les Îles environnantes, ne peuvent que s'irriter et gémir en commun de la ruine de leurs espérances. Car l'affligeante vérité se découvre à tous les yeux tant que Philippe sera le maitre, il n'y a point à compter que le territoire fédéral élargisse ses frontières. Si, lors de la guerre-des-Alliés, il a daigné rendre à la Ligue quelques-unes de ses villes occidentales — Psophis, Lasion et Stratos — reprises aux Éléens[23], en revanche, il s'est adjugé la plus large part des conquêtes faites dans cette même guerre Alipheira, qui pourtant appartenait aux Mégalopolitains, Phigalie, et toute la Triphylie[24]. Par ces possessions nouvelles, qui s'ajoutent à celles qu'il tenait d'Antigone et qui font corps avec la grande place d'Héraia, il a pris de fortes racines à l'ouest comme à l'est de la péninsule, et l'on sait bien qu'il ne songe qu'à s'y implanter davantage. Ses visées sur l'Élide se sont révélées dès 218 dès ce temps-là sans doute il l'eût soumise à son autorité, si Aratos, éventant ses projets, ne les eût traversés[25] ; depuis, par l'annexion de la Triphylie, par celle de Zakynthos, il a réussi tout au moins à mettre doublement sous ses prises le pays convoité. Mais l'injure toujours nouvelle et saignante au cœur des Achéens, ce sont ses entreprises répétées contre la Messénie[26] : d'abord, en 215, ses manœuvres louches qui ont provoqué de si sanglants conflits et le massacre de près de deux cents notables messéniens[27] ; puis, un an plus tard, ses attentats déclarés : le coup tenté par Démétrios sur Messène, et l'horrible ravage des campagnes par l'armée macédonienne. Sûrement, s'il trouve un jour le biais favorable, Philippe, suivant le conseil donné par le Pharien, prendra la bête — le Péloponnèse — aux deux cornes[28] : déjà maitre de l'Acrocorinthe, il se saisira de l'Ithome, et, ce jour-là, c'en sera fait de l'αΰξησις[29] éternellement souhaitée, de la Grande-Achaïe. Telles sont les sombres prévisions qui attristent l'esprit des Confédérés : dans l'avenir, s'il reste fort et puissant, leur étrange hégémon sera l'obstacle certain où se briseront leurs ambitions sacrées. Mais, cependant, dans le présent, sa politique, brutalement personnelle, les expose aux rires dangers. Autour d'eux, depuis 214, ils ont vu, par sa faute, s'étendre l'influence de l'Aitolie, et grandir à leurs portes le nombre de leurs ennemis. La moitié du Péloponnèse leur est maintenant hostile : à leurs vieux adversaires, Éléens et Spartiates, se joignent les Messéniens, jetés par les trahisons du roi hors de la Symmachie. Et voici, par surcroît, que son inquiétude et ses témérités, ses desseins démesurés, sa folle alliance avec Hannibal ressuscitent la guerre hellénique[30], fournissent aux Aitoliens une occasion de revanche, leur procurent des secours inespérés et — ce que naguère on n'eût jamais pu croire — attirent sur l'Achaïe la terreur des armes romaines. Ce sont là les derniers fruits, singulièrement amers, de l'alliance macédonienne. En son meilleur temps, cette alliance n'a jamais été qu'un mal utile ; elle semble, étant, donné ce que Philippe en a fait, n'être plus qu'un mal pernicieux. C'est pourquoi beaucoup, parmi les Achéens, l'ont répudiée en secret ; c'est pourquoi la Ligue renferme plus d'un Aristainos qui, déjà, songe a s'en délivrer, interroge l'avenir, compte sur l'heure opportune, imagine avec complaisance un désastre de l'ancien allié, un bienfaisant désastre, ou l'on gagnerait de recouvrer Corinthe, et d'acquérir dans le Péloponnèse tout ce qu'ont usurpé les Macédoniens. — Et Philippe n'ignore pas leurs pensées ; il suit d'un clair regard le travail qui se fait contre lui dans les esprits ; il sent que l'Achaïe se dérobe et glisse aux trahisons, si bien que tout à l'heure, pliant aux circonstances, faisant au feu sa part, il va promettre aux Confédérés de leur céder Héraia, Alipheira et la Triphylie[31]. D'autres nations, par exemple la Béotie[32], l'Eubée[33], peuvent être plus fidèles, tenir à la Macédoine par de plus fermes liens. Pourtant, là comme ailleurs, là comme partout, Philippe a des ennemis sournois ou déclarés, ardents à souhaiter sa perte ; il en a jusque chez les Akarnaniens[34], d'une loyauté d'ailleurs si éprouvée. C'est qu'en effet, s'il a su d'ordinaire se rendre favorables les masses — les όχλοι, les πολλοί — la plèbe indigente, cette multitude grondante de misérables qui, dans tout État grec, forme à présent le peuple, en revanche, et par une compensation nécessaire, il s'est, le plus souvent aliéné la bourgeoisie des cités, la classe possédante et dirigeante, — les gens bien pensants[35], comme on les appelle, — ces boni et ces optimales, futurs courtisans, clients et protégés de T. Quinctius. Pour en être assurés, les Romains n'auraient qu'à ouvrir les yeux, Ils s'apercevraient que, dans chaque ville de la Symmachie, il se trouve, en plus ou moins grand nombre, des hommes de cette[36] classe pour former le noyau, qui pourra grossir, d'une faction anti-macédonienne. Et ils en pénétreraient aisément les raisons. C'est que ces bourgeois sont des modérés (μέτριοι)[37], gens de sens rassis, soucieux de calme et de sécurité[38], respectueux de l'ordre légal, et qu'il devient chaque jour plus évident que Philippe est l'homme de toutes les violences et de toutes les audaces comme de toutes les tromperies ; c'est que, naturellement appelés par la tradition, par leur naissance et leur fortune, au gouvernement des cités et des confédérations, ces βέλτιστοι prétendent les gouverner en effet, et qu'à mesure qu'elle revêt une forme plus monarchique[39], le fait plus impérieuse et plus accaparante, empiète plus hardiment sur les libertés urbaines et fédérales, la suzeraineté de la Macédoine amoindrit leur rôle, restreint leurs pouvoirs, les réduit au silence, abaisse ou supprime leur autorité[40] ; et c'est surtout que, dans cette crise sociale qui ébranle toute la Grèce, obsédés par la terreur des bouleversements et des spoliations populaires, tremblant que les hommes de rien, les méchants, les καχέκται, ne prennent assez de force pour exécuter leur effrayant programme de néotérismes — abolition des créances, distribution des terres, partage des fortunes —, ces εΰποροι, à qui est chère la possession paisible de leurs biens, s'indignent de n'avoir pas rencontré dans Philippe le patron dévoué de leurs intérêts, mais de le voir, au contraire, avide d'une popularité grossière, flatter les foules, rechercher leur applaudissement[41], affecter pour elles de basses complaisances, et, dans les pays où s'exerce davantage son action ou son influence, tolérer une scandaleuse anarchie[42] dont se réjouit la canaille et gémissent les bons. En tous lieux, à l'état manifeste ou latent, il existe de la sorte en face du Macédonien une coalition redoutable d'ambitions frustrées, d'amours-propres ulcérés, de quiétudes troublées, d'intérêts lésés ou alarmés. Instruits de cette irritation qui fermente dans la Symmachie et des progrès qu'y fait l'esprit de révolte, avertis des défiances, des rancunes, des colères qui s'y sont amassées contre Philippe, peut-être Lævinus et Sulpicius, opérant déjà comme fera T. Quinctius, pourraient-ils s'efforcer d'en tirer avantage ; peut-être, au cours de la guerre, mettant à profit le grand trouble qu'elle cause, les craintes que Rome inspire, leurs émissaires pourraient-ils s'insinuer auprès des mécontents, les faire parler et s'en faire écouter, flatter leurs ressentiments et les aigrir, obtenir par là leur confiance, et, cependant, faire briller à leurs yeux des espoirs imprévus : leur déclarer que le Peuple romain est sans haine contre les Grecs courbés sous la tyrannie macédonienne ; leur laisser entendre que, plus tard, en des temps plus propices, il consentirait même à prendre en main la cause de l'Hellade opprimée ; les assurer qu'en tout cas et dès ce jour, sa protection est garantie à tous ceux, États ou cités, qui se détacheront de Philippe... Si l'on procédait de la sorte, peut-être réussirait-on à provoquer dans la Symmachie plus d'une défection. — Et, sans doute, une telle politique n'irait pas sans risques. Se rapprocher des Symmachoi, les décider à rompre avec la Macédoine, les mettre ainsi hors de la guerre et, partant, les soustraire aux entreprises, les dérober aux convoitises de leurs adversaires — Aitoliens et Péloponnésiens amis de l'Aitolie —, tout en étant, tout en demeurant les alliés de ceux-ci, ce serait jouer un jeu subtil et chanceux. Il y faudrait de la prudence et du tact pour ne point s'exposer à perdre d'une part ce qu'on acquerrait de l'autre ; entre les peuples clients de Philippe et les Grecs qui leur sont hostiles, il faudrait manœuvrer d'adroite façon afin de ne pas s'aliéner les seconds à mesure qu'on gagnerait les premiers. Mais, si malaisée que soit la tâche, on verra les Romains, dans quelque quinze ans, prétendre la mener à bien. En ce temps-là, quoique alliés de l'Ai-tee, ils s'appliqueront à le devenir de tous les Symmachoi, le deviendront en effet des Achéens[43]. Ce qu'ils feront alors, ne pourraient-ils l'essayer dès maintenant ? On nous déclare que la diplomatie est chose où ils excellent ; un érudit — qui, à vrai dire, parait trop sujet au vertige — affirme qu'ils en savent déjà pratiquer l'art avec une effrayante profondeur[44]. L'occasion leur est belle de montrer qu'ils méritent cet éloge ou ce blâme : s'ils sont les habiles que l'on dit, un vaste champ s'ouvre à leurs habiletés. Mais la vérité est qu'ils n'entendent rien a ces finesses : ils n'ont pas l'esprit si délié. Étrangers et indifférents jusque-là aux choses de la Grèce, ils ne se mettent point en peine d'en démêler la complication laborieuse. Un historien croit apercevoir leurs agents parcourant la péninsule hellénique, et s'efforçant d'y nouer des relations avec le plus grand nombre possible de peuples[45] : c'est ce qui pourrait être, mais ce qui n'est pas. Eux qu'on représente se complaisant aux trames enchevêtrées, procèdent, au contraire, par partis sommaires et tranchés. Alliés des Aitoliens, il leur parait tout simple d'être les ennemis de leurs ennemis. Entre la Macédoine et les États soumis à son hégémonie, Lævinus et Sulpicius n'ont pas un instant l'idée qu'il puisse y avoir à faire quelque départ. Libres de toute arrière-pensée, ils ne songent point à s'enquérir si, d'aventure, certains de ces États ne seraient pas les alliés de Philippe à contrecœur et en dépit de soi ; ils n'en cherchent pas si long. Ils exercent d'emblée contre les Symmachoi les mêmes rigueurs que s'ils étaient Macédoniens et sujets directs du roi ; leur font, sans hésiter, l'application exacte et féroce du pacte féroce de 212 ; traitent ces faibles Hellènes, dont Rome n'eut jamais à se plaindre et dont, la veille, elle ignorait les noms, comme ils traiteraient les plus anciens, les plus constants et les plus redoutés de ses ennemis, Insubres ou Boïens, Ligures ou Puniques. Entre 211 et 208, selon les renseignements sûrement très incomplets qui nous sont parvenus, cinq vieilles cités de l'Hellade[46] — Antikyra de Phocide, Dymai, Aigine, Oréos, Opous — sont mises à sac, souffrent le supplice des villes prisés d'assaut, qu'elles aient ou non fait dédition[47]. Deux d'entre elles, Aigine et Oréos, sont, par surcroît, incendiées[48] ; dans quatre au moins Antikyra, Dymai, Aigine, Oréos — ceux des habitants qui échappent au massacre sont réduits en servitude[49] ; et les citoyens de la plus illustre, Aigine, n'obtiennent qu'à grand'peine de Sulpicius, qui raille cruellement leur misère, la permission de se faire racheter[50]. Rarement la Grèce a connu guerre plus barbare, au sens précis qu'elle donnait à ce mot, plus sauvage et plus étrangère à ses mœurs[51] que celle que font il la moitié de ses peuples les cieux premiers généraux de Rome descendus sur ses rivages. Vingt an, plus tôt, en Aitolie et en Achaïe, à Corinthe et Athènes, les Romains se sont vantés de l'avoir salivée des fureurs les Illyriens ; ces fureurs, ils semblent aujourd'hui les vouloir égaler ou dépasser. Les conséquences suivent d'elles-mêmes et sont ce qu'elles doivent être. Ce barbare d'Occident[52], qu'ils apprennent seulement à connaître, mais qui se montre trop semblable à l'image odieuse et terrible que leur en faisaient leurs frères d'Italie et de Sicile[53], les Grecs alliés de Philippe en ont, dès le premier jour, l'épouvante et l'horreur. Beaucoup parmi eux se demandent si Rome n'a pas résolu, d'accord avec Attale et les Aitoliens, la conquête et l'asservissement de la Grèce[54] ; ils se trompent, mais le sort fait à leurs villes tombées au pouvoir des Romains explique assez cette méprise. Et tous, dans leur effroi et leur détresse, se rejettent vers le seul protecteur qu'ils puissent opposer à l'envahisseur, c'est-à-dire vers le Macédonien. Imploré par leurs députations affolées[55], Philippe met a les secourir un zèle ardent et habile[56]. A la vérité, la tâche passe ses forces : menacé lui-même par les barbares du Nord[57] toujours en armes contre la Macédoine, et ne pouvant longtemps s'absenter de son royaume, il se trouve souvent empêché de prêter une aide efficace aux peuples de la Symmachie, trop éloignés de lui et trop distants entre eux[58]. D'ailleurs, sans flotte de guerre, comment aurait-il raison des Romains et des Pergaméniens montés sur leurs vaisseaux ? Si agile que soit sa petite armée, elle ne peut guère atteindre l'insaisissable ennemi qui, sans se fixer nulle part, mord l'une après l'autre les terres grecques, débarque à l'improviste, se rembarque à la hâte, file sous le vent, et porte de côte en côte ses incursions et ses ravages. Du moins, pour donner secours a ceux qui l'invoquent, ne ménage-t-il ni ses soldats ni sa personne[59]. Pas un moment il n'a l'égoïste pensée de s'enfermer dans ses États, ni de se tenir à l'abri derrière cette barrière des Thermopyles qu'ont dressée les Aitoliens[60] afin de l'isoler de ses alliés. Pendant quatre ans, il veut et sait montrer qu'autant que roi de Macédoine, il est le défenseur de l'Hellade. Les Akarnaniens, les Achéens, les Chalcidiens, les Opontiens le voient s'empresser à leur appel[61] et forcer les étapes pour arriver plus tôt ; il ne dépend pas de lui qu'il ne soit partout présent. Aussi lui sait-on gré de sa bonne volonté toujours prête, de ses discours réchauffants, des actes qui suivent ses paroles, de sa vaillance alerte, de cette guerre haletante qu'il mène, d'une allure enragée, d'un bout de la Grèce à l'autre avec un héroïque entrain. On goûte ses invectives généreuses contre ses adversaires, si prompts à se dérober qu'ils ne lui laissent point le loisir de les vaincre[62]. Ses moindres succès sont accueillis par de joyeux transports[63]. Au contact du péril étranger, les nations grecques connaissent combien Philippe leur est nécessaire[64]. Dans les villes d'Achaïe, si es optimates, qu'il ménage trop peu, qu'il irrite par le scandale de ses mœurs, hésitent encore à se rapprocher de lui, ils font du moins taire leurs ressentiments ; et le roi retrouve, dans ces villes, ces sympathies populaires[65] qu'il est habile à se concilier et qui sont venues à lui dès les débuts de son règne. Aussi bien, dans la Symmachie entière, l'instinct panhellénique réveillé violemment et, pour un temps, souverain dans les âmes, recouvre tout sous lui ; rien n'apparaît plus des discordes anciennes : puisque le barbare confond sous ses coups Grecs et Macédoniens, on ne sait plus, on ne veut plus savoir qui est Macédonien ou Grec. C'est ainsi que la brutalité romaine refait l'union de l'Hellade et de Philippe, resserre les liens, si relâchés naguère, entre le roi et ses alliés. Jusqu'au bout tous les Symmachoi lui resteront fidèles ; pour tous, rendu à son rôle véritable, il est redevenu ce qu'il devait toujours être, leur naturel hégémon. Ces conséquences inévitables de leurs violences, il est impossible que les Romains ne les aient point prévues ; aussi bien, elles naissent et se développent sous leurs yeux : comment ne les verraient-ils pas[66] ? Ils les voient et s'en pourraient inquiéter ; mais ils n'en sont point inquiets. Ils voient grandir contre eux l'exaspération de sept États grecs et croître à mesure, dans ces États, la popularité de Philippe ; ils voient l'indignation qu'ils excitent se répandre et gagner jusqu'à ceux des Hellènes qui habitent le lointain Orient, les Îles, l'Asie, l'Égypte[67] ; pourtant, la pensée ne leur vient pas de rien changer à leurs procédés de guerre. La guerre, si farouches en ce temps-là que dans les assauts ils tuent tout ce qu'ils rencontrent, bêtes et gens, et massacrent jusqu'aux chiens[68], les Romains s'obstinent à la mener, quatre ans durant, contre les Symmachoi avec la cruauté froide et la sauvagerie méthodique qui sont dans leurs traditions. Jamais, au cours de ces quatre ans, ils ne font mine de s'adoucir ni de s'humaniser ; tels ils sont au début, tels ils demeurent jusqu'à la fin ; sur tous les rivages où ils opèrent, ils laissent les mêmes traces ardentes de leur passage : en 208, ils renouvellent à Oréos[69] les tristes exploits précédemment commis à Antikyra et à Aigine ; on dirait qu'ils prennent à tâche de semer partout les haines — haines vivaces, qui dureront et porteront des fruits empoisonnés[70]. Manifestement, s'ils agissent comme ils font, c'est qu'ils ne conçoivent pas qu'avec les Grecs alliés de Philippe ils aient lieu d'agir d'autre sorte. Que cette guerre impitoyable et honteuse qu'ils leur infligent, guerre de rapt, de pillage et de dévastation, risque d'être une imprudence et une faute ; qu'ils aient peut-être mieux à faire que de les brutaliser et de les terrifier ; qu'il soit peut-être d'une politique fâcheuse de les indigner et de les révolter ; que, plus tard, ils puissent être amenés à se rapprocher d'eux et doivent donc éviter de rendre le rapprochement trop difficile ; qu'ils puissent, quelque jour, trouver leur avantage à séparer la Symmachie de la Macédoine, alors que leurs violences produisent nécessairement l'effet inverse : ce sont là, de toute évidence, réflexions qu'ils n'ont jamais faites, éventualités qu'ils n'ont jamais considérées. Leur regard ne porte pas si loin ; ils voient court, à leur habitude. Entre eux et les peuples dont Philippe est le chef ou le suzerain, ils ne soupçonnent point qu'il puisse, en aucun temps, exister quelque communauté d'intérêts ; bref, ils n'ont nulle idée de cette politique dont, tout à l'heure, nous tracions le programme et qui bientôt sera la leur. Alliés des Aitoliens, il leur suffit de l'être ; ils le sont d'une manière exclusive et violente. En Grèce, ils ne connaissent, ne veulent connaître qu'eux et les trois nations du Péloponnèse qui les suivent à la remorque. Peu leur importent les autres États grecs : ce n'est que matière à butin. |
[1] Liv. (P) 26. 24. Il (texte précédemment cité ; cf. Polybe, IX. 39. 3 ; XI. 5. 4-5 ; XVIII. 38. 7.
[2] Les alliés de Philippe sont mentionnés à trois reprises dans ce traité : Polybe, VII. 9. 1 ; 9. 5 ; 9. 7.
[3] Cela parait vrai même des Thessaliens, bien que directement soumis à Philippe ; cf. Liv. (P.) 26. 25. 5 : c'est seulement, semble-t-il, en 211 que le roi essaie de leur faire prendre les armes.
[4] Polybe, VII. 13. 1 ; cf. Plutarque, Aratos, 51 : il s'agit là de l'expédition dirigée, en 214, par Philippe contre Apollonia ; cf. Niese, II, 471, et notes 2 et 3.
[5] Cf. Liv. (P.) 27. 31. 10 : Achæi — infensi Aetolis, quos Romanum quoque adversus se movisse bellum credebant.
[6] Polybe, XVI. 27. 4.
[7]
Voir ce que dit T. Live, d'après Polybe, des sentiments incertains et
contradictoires des Achéens en 198 : 32. 19. 9-10.
[8] Cf. Liv. (P.) 34. 51. 5.
[9] Cf. Polybe, IV. 76. 1-2.
[10] Cf. Just., 28. 3. 14 ; Trogue, prol. 28.
[11]
Voir les réflexions de Polybe, VII. 11. 4-5.
[12] Cf. Liv. (P.) 39. 26.
7-8.
[13] Dittenberger, Sylloge2, 239 ; cf.
Mommsen, Ges. Schrift., IV, 50.
[14] Polybe, V. 99. 8 ; cf. Liv. (P.) 28. 7. 12.
[15] CL Liv. (P.) 35. 31. 9. — Sur les sentiments des Magnètes à l'égard de Philippe : 35. 31. 5-6 ; 31. 11-12 (ann. 192).
[16] Pour les sentiments de ce parti, voir Plutarque, Cléomène, 16. 2-4 ; Aratos, 38. 3.
[17] Cf. Plutarque, Aratos, 38. 3.
[18] Cf. Liv. (P.) 32. 21.. 22 : nostrorum ipsi vulnerum — obliviscamur... (discours d'Aristainos à la diète de Sicyone en 198).
[19] Polybe, VIII. 12. 5.
[20] Cf. Plutarque, Aratos, 51.
[21] Cf. Plutarque, Aratos, 48. 2.
[22] J'emprunte cette expression si juste à Fustel de Coulanges (Questions historiques, 163) Aratos se trompa au point... de croire contraindre Philippe à n'être que le général de Grèce libre.
[23] Polybe, IV. 72. 6-7 ; 73. 2 ; F. Arci, Il Peloponn. al tempo della guerra sociale (Studi di stor. ant., II), 154.
[24] Polybe, IV. 80. 1.5 ; cf. Liv. (P.) 28. 8. 6 ; 32. 5. 4-6 ; Arci, 155. — Sur les rapports d'Alipheira avec Mégalopolis, Polybe, IV. 77. 10 ; Liv. (P.) 28. 8. 6. — Pour Phigalie, Polybe, IV. 79. 8 ; Arci, 151.
[25] Cf. Polybe, IV. 84-85, avec les observations de Niese (II, 447 et note 2) et de M. Nicolaus, Zwei Beitr. zur Gesch. König Philipps V, 34-36.
[26] Cf., en général, Niese, II, 470-472, et les intéressantes remarques de M. Nicolaus, 63 suiv. — Sur la gravité que prit aux yeux des Achéens la question messénienne, Plutarque, Aratos, 49-51.
[27] Plutarque, Aratos, 49. 2-50. 1 ; Liv. (P.) 32. 21, 23. Le meurtre de Kharitélès de Kyparissia (Liv. ibid.) peut être rapporté à ces circonstances.
[28] Cf. Polybe, VII. 12. 3.
[29] Cf. Polybe, XVIII. 13. 9.
[30] Remarquez avec quel soin, en 209, Philippe rejette tir les Aitoliens la responsabilité e cette guerre et prend ses alliés à témoin de sa volonté pacifique : Liv. (P.) 27. 30. 14.
[31] En 208 : Liv. (P.) 28. 8. 6. Notez que T. Live, dans ce passage, écrit à tort : reddidit (Philippus) inde Achæis Heræam... Il ne se peut agir que d'une promesse (cf. Arci, 150) ; la preuve en est que la cession n'aura lieu qu'en 199 : 32. 5. 4-6.
[32] Sur l'attachement traditionnel et obstiné des Béotiens aux Antigonides ; Polybe, XX. 5. 13 ; cf. XVIII, 43. 3 ; XXII. 4. 6 ; XXVII. 2. 7, etc. ; Liv. (P.) 42. 12. 5 ; Bœotorum gentem captatam Philippo. — Les faits qui se passeront dans l'hiver de 197/196 serons particulièrement caractéristiques : Polybe, XVIII. 43. 1-12 ; Liv. (P.) 33. 28-29. — Principes opposés à Philippe, à la même époque : Polybe, XVIII. 43. 5-6 ; Liv. (P.) 33. 1. 7 ; 2. 6 ; 27. 9 ; 28. 5-15 ; 29. 1 ; cf. Polybe, XXII. 4. 4-10 ; 4. 16.
[33] Cf. Liv. (P.) 28. 6. 11 ; 8. 13 (fidélité des habitants de Chalkis et d'Oréos, même des principes, à Philippe, en 208).
[34] Cf. Liv. (P.) 33. 16. 5 (ann. 198).
[35] Voir, par exemple, Polybe, XXII. 4. 3 — XXIV. 10. 4.
[36] Il s'en faut d'ailleurs que l'opposition des optimales à Philippe soit unanime. C'est e qu'a soutenu à tort Fustel de Coulanges dans son mémoire célèbre sur Polybe ou la Grèce conquise par les Romains, réédité dans ses Questions historiques.
[37] Cf. Polybe, X. 26. 5.
[38] Cf. Liv. (P.) 34. M. 6 (ann. 1.94) ; — potentioremque eam partem civitatium fecit (T. Quinctius), cui salva et tranquilla omnia esse magis expediebat.
[39] Cf. Polybe, X. 26. 2.
[40] Cf. Liv. (P.) 34. 48. 2. Comp. les plaintes que feront entendre, en 185, les bourgeois de Maroneia : Liv. (P.) 39. 27. 8 : — dominari adsentatores regios: his solis loqui et in senatu et in contionibus licere; eos omnes honores et capere ipsos et dare aliis. (9) optimum quemque, quibus libertatis, quibus legum cura sit, aut exsulare pulsos patria aut inhonoratos et deterioribus obnoxios silere.
[41] Cf. Polybe, X. 26. 1-2 ; Liv. (P.) 27. 31. 4 (séjour de Philippe à Argos, en 209, lors de la célébration des Néméennes).
[42] C'est le cas, notamment, en Béotie (Polybe, XX. 6. 1-4), où domine presque sans conteste a faction macédonienne.— État de choses analogue en Thessalie, d'après Liv. (P.) 34. 51. 5.
[43] Alliance avec l'Achaïe en 198 : Liv. (P.) 32. 19 sqq. ; alliance imposée aux Béotiens au printemps de 197 : 33. 1 sqq. ; tentatives semblables en Akarnanie : 33. 16. 1 sqq.
[44] Hertzberg, Gesch. Griechenl. unt. der Herrsch. der Römer, I, 57 (trad. fr.).
[45] G. Colin, Rome et la Grèce, 46 (ceci, sans doute, par une interprétation erronée de Polybe, V. 105. 8).
[46] Cf. Pausanias VII. 8, 2 (cf. 7.9) (Pausanias confond d'ailleurs les deux guerres de Macédoine).
[47] Antikyra : Liv. (P.) 26. 26. 3 ; Polybe, IX. 39. 2-3 : cf. Pausanias, VII. 7. 9 ; X. 36. 6. Il agit, non d'Antikyra de Lokride, comme le dit T. Live, mais d'Antikyra de Phocide ; f. Salvetti, Studi di stor. ant., II, 120 ; Niese, II, 479, 4. — Dymai : Liv. (P.) 32. 22. 10 ; cf. Pausanias, VII. 17. 5. Noter que Niese (II, 483 ; cf. 487) interprète à faux Liv. (P.) 27. 31. 9 ; dans ce passage, le mot urbs désigne la ville d'Élis (cf. 32. 2 et 8), comme l'a vu De Sanctis, III, 2, 427, note 75. L'époque rte la prise de Dymai (par Sulpicius) demeure inconnue ; contrairement à ce que pense De Sanctis (ibid.), l'événement doit se placer au plus tard en 208. — Aigine : Polybe, IX. 42. 5-8 ; XI. 5. 6-8 ; XXII. 8. 9. — Oréos : Liv. (P.) 28. 6. 4-5 ; 7. 4 ; Polybe, Xl. 5. 6-8, — Opous : Liv. (P.) 28. 7. 4-5. C'est Attale qui saccage la ville, mais avec l'autorisation de Sulpicius. Antikyra et Opous avaient fait deditio : Liv. (P.) 26. 26. 3 ; 28. 7. 9. — Aux villes ci-dessus énumérées il est probable qu'il faut joindre Oiniadai ; toutefois, nous n'avons pas la preuve directe qu'elle ait subi le même traitement que les autres.
[48] C'est ce que parait du moins indiquer Polybe : XI. 5. 6 et 8.
[49] Antikyra : Polybe, IX. 39. 2-3. Dymai : Liv. (P.) 32. 22. 10. — Aigine : Polybe, IX. 5-8. Oréos : Liv. (P.) 28. G. 4-5 ; Polybe, XI. 5. 6 ; 5. 8.
[50] Polybe, IX. 42. 5-8.
[51] Cf., dans Polybe, les discours de l'Akarnanien Lykiskos et du Rhodien Thrasykratès, notamment IX. 39. 2 sqq. ; XI. 5. Remarquer (XI. 5. 6) la phrase : καὶ κυριεύσαντες μὲν αὐτοὶ πόλεως οὔτ᾽ ἂν ὑβρίζειν ὑπομείναιτε τοὺς ἐλευθέρους οὔτ᾽ ἐμπιπράναι τὰς πόλεις, νομίζοντες ὠμὸν εἶναι τὸ τοιοῦτο καὶ βαρβαρικόν.
[52] Les Romains sont constamment qualifiés de barbares dans les discours de Lykiskos et de Thrasykratès : Polybe, IX. 37. 5 ; 37. 7 ; 38. 5 ; XI. 5. 6-7. — T. Frank (Roman Imperialism, 150) est d'avis qu'ils souffraient grandement de s'entendre appeler ainsi par les Grecs. Il faut convenir pourtant que Lævinus et Sulpicius se sont guère mis en peine de s'épargner cette souffrance.
[53] Se souvenir des violences commises par les Romains à Henna (en 213), à Syracuse (en 212), à Akragas (en 210), à Tarente (en 209).
[54]
Cette idée revient maintes fois dans les discours de Lykiskos et de
Thrasykratès : Polybe, IX. 37. 7-10
; XI. 5. 1 ; 5. 9 ; 6. 2 ; cf. X. 25. 5 ; Appien, Maced., 3, s. f.
[55] Cf. Liv. (P.) 26. 25. 15 (ann. 212) : appel des Akarnaniens à Philippe ; — Polybe, X. 41. 2-4 (ann. 208) : appels des Achéens, des Béotiens, des Eubéens, des Akarnaniens, des Épirotes.
[56] Ceci est assez bien indiqué dans le résumé de Justin, 29. 4. 9 (cf. Polybe, X. 41. 8) : quibus tot tantisque redus obsessus (Philippus), cui rei primum occurreret, ambigebat ; omnibus tamen propediem auxilia se missurum pollicetur, non quia lacere posset quæ promittebat, sed ut spe inpletos in societatis jure retineret.
[57] Cf. Liv. (P.) 27. 32. 9 ; 33. 1 (ann. 209) ; Polybe, X. 41. 4 (ann. 208).
[58] C'est ainsi qu'en 208 il ne peut sauver ni Oréos ni Opous.
[59]
Voir l'éloge que Polybe lui-même ne lui peut refuser : X. 41. 6-8.
[60] Polybe, X. 41. 5 ; cf. Liv. (P.) 28. 7. 3.
[61] Akarnaniens (en 212 ) : Liv. (P.) 26. 25. 17 ; — Achéens (en 209) : Liv. (P.) 27. 29. 9 ; 30. 15 ; 31. 2-3 ; 31. 9 sqq. ; 32. 10 ; (en 208) : 28. 7. 16-17 ; — Chalcidiens (en 209 et 208) : Liv. (P.) 27. 30. 7-8 ; 28. 7. 2 ; cf. Polybe, X. 42. 2 ; — Opontiens (en 208) : Liv. (P.) 28. 7. 5-9. — Secours envoyés aux Phocidiens et aux Béotiens en 208 : Polybe, X. 42. 2.
[62] Cf. Liv. (P.) 28. 8. 1 (été 208) : Philippus mærebat quidem et angebatur, cum ad omnia ipse raptim isset, nulli tamen se rei in tempore occurrisse, et rapientem omnia ex oculis eluisse celeritatem suam fortunam.
[63] Liv. (P.) 27. 31. 3-4 (à Argos, en 209, après le combat de Sicyone) ; cf. 28. 8.5 (diète achéenne de 208) : læti regem socii audierunt.
[64] Notez l'aveu de Polybe concernant les Achéens : X. 26. 6 ; cf. Liv. (P.) 28. 8. 14 : — res in Græcia tranquillas et profectio Attali fecerat, et in tempore laborantibus sociis latum ab se (Philippo) auxilium —.
[65] Polybe, X. 26 ; Liv. (P.) 27. 31. 4-5 (célébration des Néméennes à Argos, en 209). Les scandales qu'on reproche à Philippe (Polybe, X. 26. 3-4 ; Liv. (P.) 27.31.5-7) n'indisposent guère contre lui que les gens de la classe supérieure (les μέτριοι : Polybe, X. 26. 5).
[66] Il convient de prêter attention au texte d'origine annalistique qui se trouve dans Liv. 27. 35. 3 : — L. Manlius trans mare legatus ira, viseretque, quæ ibi gererentur ; simul, quod Olympiæ ludicrum ea æstate futurum erat (il ne peut s'agir que des Olympiques de 208 ; cf. De Sanctis, III, 2, 472, note 44 ; 642), quod maximo cœtu Græciæ celebraretur, ut, si tuto per hostem posset, adiret id concilium... On voit par là que le Sénat envoyait quelquefois des légats en Grèce ; ils pouvaient y faire des observations instructives.
[67] Cf. Polybe, XI. 4. 1 ; 4. 6 (discours de Thrasykratès de Rhodes). Dans ce texte, il est clair que le mot νησιώται (4. 6) désigne, non les Insulaires de la Mer Égée, mais les habitants des grandes îles proches de la côte d'Asie : Khios, Lesbos, etc. (cf. 4. 1). Même sens du même terme dans Polybe, V. 105. 6 ; P. Graindor, qui a pensé m'apprendre l'existence de ce dernier texte (Mél. God. Kurth, 1908, 11), s'est entièrement mépris sur la signification de νησιώται.
[68] Cf. Polybe, X. 15. 4-6. Notez la remarque de Polybe (15. 4) : ποιεῖν δέ μοι δοκοῦσι τοῦτο καταπλήξεως χάριν.
[69] Liv. (P.) 28. 6. 5 : cæduntur capiunturque (oppidani) ; 7. 4 : — Oreum — ab Romano milite — direptum fuerat ; Polybe, XI. 5. 6 ; 5. 8.
[70] La haine et la défiance unanimes qu'on ressent pour les Romains expliquent l'échec piteux qu'éprouvent dans leur mission les légats qui essaient, au printemps de 200, d'émouvoir la Grèce contre Philippe (Polybe, XVI. 27. 4 ; cf. Niese, II, 598), comme, plus tard, l'insuccès habituel des intrigues diplomatiques de T. Quinctius. — Sentiments hostiles des Achéens en 198 : Liv. (P.) 32. 22. 1-8, et surtout Appien, Maced., 7 (témoignage qu'il n'y a aucune raison d'écarter) ; cf. Pausanias, VII. 8.2 ; — attitude des Dymaiens : Liv. (P.) 32. 22. 9-10. — Conduite des Akarnaniens en 197, des Béotiens en 197/196 : 33. 16. 3 sqq. ; Polybe, XVIII. 43. 1-6. — Protestation de l'Éginète Kasandros en 185 : Polybe, XXII. 8. 9 sqq.