V Par grande fortune, les temps sont encore favorables, et peut-être plus que jamais. — Dans cette Grèce où, trois ans plus tôt, il se promenait en vainqueur, Philippe, maintenant, a les dieux contre soi ; tout ce qu'il y entreprend n'aboutit qu'à lui nuire : on l'a vu, une fois de plus, à la fin de 214[1]. Battu sous Apollonia, le roi est descendu dans le Péloponnèse. Et là, calculant le tort grave que lui a causé son récent échec, sachant que ses ennemis ont ri de lui et se sont enhardis par le rire, craignant de leur part quelque poussée d'audace, il s'est résolu à réparer l'erreur commise en 215. A la veille de retourner en Illyrie pour une seconde campagne qui risque d'être longue, il a jugé que, décidément, il lui fallait s'affermir au Sud, assurer ses derrières, couvrir l'Achaïe, intimider Sparte, barrer la route aux Aitoliens ; il a jugé qu'il lui fallait, partant, occuper Messène et l'Ithome, point d'appui stratégique aussi : indispensable contre la Grèce hostile que Sintia contre les Dardaniens, Iamphorynna contre les Maides[2], Lissos contre Skerdilaïdas, ou l'Atintania contre les Romains. Il a donc recommencé le coup manqué l'année d'avant ; mais, par malchance, il l'a manqué de nouveau. Démétrios de Pharos a été tué en essayant de brusquer Messène, et lui-même, accouru a la rescousse, s'est heurté en vain aux murailles de la ville ; il n'a pu, dans la rage de sa déconvenue, que saccager affreusement le plat pays[3]. Un attentat scandaleux[4] commis contre un peuple allié, et qui, ayant échoué, reste sans excuse, aggravé d'ailleurs de brutalités gratuites et odieuses, c'est tout le résumé, de sa triste expédition. Et les suites en sont détestables. Non seulement elle soulève en Aitolie un tumulte d'indignation[5], un bouillonnement de colères, dont se fortifie le parti de la guerre, celui que mène l'ancien stratège Scopas, mais la nation aitolienne tout entière se trouve en retirer un double avantage. Les perfidies de Philippe servent les Confédérés de deux façons : elles leur garantissent la fidélité des Péloponnésiens amis, Éléens et Spartiates, qui, par crainte du Macédonien, s'attacheront plus étroitement à leur alliance ; et, de plus, elles leur procurent un allié nouveau : ce même peuple qu'ils ont toujours prétendu dominer, les Messéniens, qui, maintenant, faisant bloc, nobles et plébéiens confondus, ayant tous pour Philippe la même exécration, sortent brusquement de la Symmachie et se retournent contre la Macédoine[6]. Du coup, les voilà plus forts qu'en aucun temps dans le Péloponnèse ; ils tiennent dans leur dépendance la moitié de la presqu'île ; et, désormais, en cas de guerre, contre les Achéens isolés — d'ailleurs agités d'un grand trouble, cruellement désabusés sur Philippe, outrés, à la suite d'Aratos[7], de ce qu'il vient d'oser en Messénie — ils pourront lancer trois nations qu'ils comptent manœuvrer à leur gré[8]. La ruine de leurs rivaux détestés leur parait dès lors assurée : perspective joyeuse, qui les excite et les attire. Et, vers le même moment, de bonnes nouvelles leur arrivent d'Orient bien faites aussi pour leur échauffer le cœur. — Ce jeune prince héroïque qu'admire tout le monde grec, Antiochos de Syrie, vient d'écraser la révolte d'Achaios avec le même bonheur que, sept ans plus tôt, celte des satrapes de Perse et de Médie ; l'antiroi a succombé dans Sardes[9] ; la paix est rétablie dans la Petite-Asie reconquise : événements lointains, mais qui, tout lointains qu'ils sont, peuvent, avant peu, avoir pour l'Aitolie d'heureuses et vastes conséquences. En effet, les Confédérés ont là-bas, de longue date[10], un ami d'importance, énergique et circonspect, singulièrement actif à pousser sa fortune ou à la rétablir, puissant par ses richesses, expert a s'en servir[11], sur lequel ils savent pouvoir compter et qu'ils savent compter sur eux, au cas où eux ou lui entreraient en lutte avec Philippe : c'est le dynaste de Pergame, devenu le roi Attale, dont la souple et mobile ambition est toujours en travail, toujours en quête d'occasions, et qui, sur le déclin de l'âge, après quelque trente ans d'un règne étrangement alterné de succès et de traverses, se trouve maintenant au grand tournant de son histoire. Jadis rival heureux des Séleucides, maître un moment de la majeure partie de l'Asie cistaurique, puis dépouillé de ses conquêtes quand s'est relevée la monarchie syrienne, forcé de lâcher pied devant Achaios, alors loyal serviteur de ses princes[12], ramené par lui aux frontières paternelles[13] et, depuis ce temps, étroitement resserré, coupé de l'intérieur de l'Asie, pressé contre la côte, Attale a résolu de se donner de l'air ailleurs, de s'ouvrir des voies nouvelles, de s'échapper vers l'Ouest, vers la mer et l'Europe. Aussi bien, tous les souverains issus d'Alexandre ont possédé quelque empire maritime ; ne sied-il pas qu'en ceci comme dans le reste le monarque de Pergame se montre leur émule ? Dominer l'Égée, y prendre la place quittée par l'Égypte, y prévenir la Macédoine et lui enlever ce qu'elle y tient déjà, occuper les Cyclades et même l'Eubée, pénétrer au Sud jusqu'au cœur des mers grecques, pousser au Nord jusqu'aux îles et aux rivages de Thrace, puis s'étendre, s'il se peut, vers la Chersonèse, se saisir des détroits, et, chevauchant sur l'Europe et l'Asie, restaurer l'éphémère empire de Lysimaque ce sont là les objets, ou proches ou lointains, que, par une conversion soudaine imprimée à sa politique, pressé de réparer en Occident les pertes qu'il a faites en Orient[14], vise à présent le Pergaménien. Et déjà, pour les atteindre, il s'est muni de l'instrument nécessaire : dans ces dernières années, il s'est construit une forte marine[15], révélant ainsi, aux yeux de tous, les desseins nouveaux qui le sollicitent. Mais, ces desseins l'opposant à Philippe, il est clair que leur accomplissement aura pour condition première une guerre heureuse faite au Macédonien[16] : c'est pourquoi, dès qu'il les a conçus, Attale a cru devoir se rapprocher des Aitoliens ; c'est pourquoi, depuis quelque dix ans, il s'est montré magnifique envers eux et s'est acquis leur amitié [17]. Entre l'Aitolie et lui la partie est liée en principe : adversaire éventuel de Philippe — qui, d'ailleurs, a le tort d'être uni de parenté au roi de Bithynie Prousias, voisin dangereux de Pergame[18] —, il est, contre Philippe, l'éventuel allié des Confédérés. Or, à la fin de 213, ceux-ci ont lieu de croire le moment arrivé où l'alliance va devenir effective et agissante. Comment Attale ne profiterait-il pas de l'occupation précieuse qu'impose à Philippe sa guerre contre Rome ? Sûrement, il y a songé aussitôt qu'a éclaté cette guerre ; mais tant qu'Achaios a fait tête en Lydie, tant qu'a traîné le siège interminable de Sardes, il ne pouvait s'éloigner de l'Asie ; il le pouvait d'autant moins qu'allié d'Antiochos[19], il lui devait son concours contre l'antiroi. Libre à présent par la ruine d'Achaios, rien ne l'empêche plus de quitter ses États, d'amener sa flotte dans les eaux grecques, et d'attaquer par l'Est le roi de Macédoine tenu de porter à l'Ouest tout son effort. Nul doute qu'il ne s'y prépare ; et, si les Aitoliens se décident à rompre avec Philippe, nul doute qu'il ne se joigne à eux ; déjà, semble-t-il, il leur a fait en ce sens de significatives ouvertures[20]. Là-dessus, les esprits s'exaltent en Aitolie, et les belliqueux y reprennent l'ascendant : l'audace aitolienne[21] s'est réveillée. Négligera-t-on l'occasion de revanche qui se présente ? On aurait tort ; car, avec l'aide d'Attale, la victoire parait sûre. Soulevés par cette force d'orgueil et d'illusion, cette intrépidité de confiance en soi, qui les hausse parfois aux pires témérités et qui, vingt ans plus tard, les dressera contre Rome elle-même, les Confédérés ne se rappellent plus les dures leçons qu'en mainte rencontre ils ont reçues des Macédoniens[22]. De la guerre que Philippe vient de leur faire, ils ne veulent retenir que ce qui flatte leur amour-propre et leurs espérances. Comme ils n'y ont point perdu de grande bataille, n'en ayant risqué aucune, ils se persuadent qu'ils en sont sortis invaincus[23]. Ils tiennent pour assuré — et, à la vérité, non sans quelque raison — que, si Philippe a été si facilement heureux, c'est que, possédant la mer, il a pu, sur terre, les surprendre à son aise mais, Attale se mêlant à la lutte, l'ennemi perdra cet avantage ; la mer lui sera enlevée, partant plus de surprises ni d'embûches à craindre ; c'est front contre front qu'il faudra combattre, et, dans le combat loyal, à visage découvert, il n'est personne que redoutent les Aitoliens[24]. |
[1]
L'indication donnée par Plutarque (Arat., 51, d'après Polybe) ne permet
guère de douter que Philippe soit venu dans le Péloponnèse très peu après sa
défaite d'Apolonia. C'est donc à la fin de 214 ou, au plus tard au début de
213, qu'il faut placer sa seconde entreprise contre Messène (cf. Scaliger, Messenien
und der ach. Bund, 13-14 : Nicolaus, Zwei Beitr.
zur Gesch. Kœnig Philippe V, 68-69).
[2] Cf. Liv. (P.) 26. 25. 3 ; 25. 8 ; 25. 1. 5 (ann. 212/211).
[3] Polybe, III. 19. Il (Démétrios à Messène) ; — VIII. 8. 1-2 ; 12. 1 ; Plutarque (P.) Arat., 51 (invasion de la Messénie par Philippe). Niese (II, 472) place cette invasion avant la tentative de Démétrios ; l'ordre inverse, admis par Büttner-Wobst dans son édition de Polybe, est préférable ; cf. Scaliger, 14 et note 14, que j'ai suivi dans son interprétation des fragments de Polybe. La dévastation des campagnes messéniennes par Philippe ne s'explique, ce me semble, que comme un acte de vengeance du roi, après qu'il n'a pu se rendre maître de la ville. — Le récit de Pausanias (IV. 29. 1-5) est presque négligeable.
[4] Cf. Polybe, VIII. 8. 4, où l'attentat de Philippe contre Messène est qualifié d'άσέβεια et de παρανομία.
[5] Cf. Polybe, IX. 30. 2 (discours de Chlainéas à Sparte, en 211/210).
[6] Polybe, VIII. 12. 1 (les Messéniens devenus les ennemis de Philippe). Ils sont mentionnée pour la première fois comme alliés des Aitoliens en 211/210 (Polybe, IX. 30. 6), mais l'alliance eut remonter à 214/213. Les Aitoliens leur ont certainement promis de les aider à reprendre Pylos aux Achéens : cf. Liv. (P.), 27. 30.13 ; Polybe, XVIII. 42.7.
[7] Polybe, VIII. 12. 2 (rupture entre Aratos et Philippe) ; cf. Plutarque (P.), Arat., 51.
[8] Cf. Polybe, IX. 30. 6 ; rapprocher IV. 36. 9 (ann. 219).
[9] Sur ces faits, Niese, II, 393-396 ; la prise de l'acropole de Sardes et la mort d'Achaios sont de 213. Cf. Holleaux, Rev. Ét. anc., 1916, 233 suiv. ; j'ai montré dans cette étude, en me fondant sur l'indication de Polybe, VII, 16. 7, qu'un certain nombre d'Aitoliens s'étaient enrôlés au service d'Achaios, sans doute avec la connivence de l'Égypte. Le gouvernement fédéral devait être renseigné par ces mercenaires sur ce qui se passait en Asie.
[10] Le plus ancien témoignage relatif à cette amitié se trouve dans Polybe, IV. 65. 6 : Attale a fourni aux Aitoliens les subsides nécessaires pour fortifier le χωρίον d'Élaos dans la Kalydonia. Le fait est antérieur à 219.
[11] Cf. Polybe, XVIII. 41. 2-3.
[12] Sur ces faits, Niese, II, 172-173 ; 390-392 ; Beloch, III, 1, 709 ; et surtout G. Cardinali, Regno di Pergarno, 44 suiv. ; et, pour l'expédition d'Attale en 218, Holleaux, Rev. Univ. du Midi, 1897, 409 suiv. — Sur la faible étendue du royaume de Pergame après 223 et, notamment, en 216, lors de l'alliance d'Attale avec Antiochos, voir Cardinali, 78-83.
[13] Polybe, IV. 48. 2 ; cf. 48. 11.
[14] C'est en 210-208 que se manifestent pour la première fois les appétits maritimes d'Attale. Ce qu'il entreprend en ce temps-là, il le poursuivra et s'efforcera de le compléter en 199 et 198. — En 210, acquisition d'Aigine ; dans le courant de 209, arrivée du roi dans l'île. — En 208, c'est évidemment à sa demande que Sulpicius s'en vient opérer dans la Mer Égée. Noter, cette année-là, l'expédition dirigée contre Lemnos (Liv. (P.) 28. 5.1) qui appartient alors à Philippe (cf. Beloch, III, 2, 281) ; en 199, tentative analogue contre a Chalkidique (Liv. (P.) 31. 45. 14-16). — Attaques contre l'Eubée (prévues par Philippe dès 209 ; 27. 30. 7) : erg 208, prise d'Oréos, tentative contre Chalkis (28. 5. 18 6) ; en 199, seconde prise d'Oréos (31. 46. 6 sqq.) ; en 198, prise de Karystos et d'Érétrie (32. 16. — 17. 1-3) ; en 196, Eumènes réclame du Sénat la cession de ces trois villes (Polybe, XVIII. 47. 10-11). — Dans les Cyclades, en 199, Attale essaie d'enlever Kythnos aux Macédoniens et leur prend Andros (Liv. (P.) 31. 45. 3-8) qui, depuis, demeure toujours à sa maison (cf. Th. Sauciuc, Andros, 85-86 ; 130 ; 134 : inscr. 3 et 4) ; s'il ne conquiert pas d'autres îles, c'est que, dès l'été de 200, les Rhodiens ont eu soin de le prévenir (Liv. (P.) 31.15. 8) et de faire entrer dans leur alliance toutes celles qui n'avaient pas de garnison macédonienne. — Pour les relations d'Eumènes avec la Crète, qu'il tente de soumettre à son protectorat, comme Philippe y avait autrefois réussi, voir l'exposé de Carinali, Riv. di Filol., 1907, 20 suiv.
On remarquera, d'autre part, que les contrées voisines de ('Hellespont et de la Propontide sont l'un des objets préférés des ambitions d'Attale et de son fils. — Attale fait entrer de bonne heure dans son alliance Alexandrie-Troas, Ilion et Lampsaque (Polybe, V. 78. 6) ; il est en bons rapports avec Byzance (IV. 48. 1-2) ; si, en 208, il tente de surprendre Lemnos, c'est que, maître de l'île, il commanderait l'entrée des détroits et surveillerait la Thrace ; en 200, il pense à sauver Abydos assiégée par Philippe (Liv. (P.) 31. 16. 7-8 ; Polybe, XVI. 34. 1). — C'est Eumènes qui excite contre Antiochos et qui appuie auprès des Romains les Larapsakéniens et les Smyrniens (Liv. (P.) 35. 17. 1). — En 189, la débâcle d'Antiochos permet aux Pergaméniens de satisfaire en partie leurs longues convoitises Eumènes devient maître de Lysimacheia, de la Chersonèse et de quelques-uns des territoires attenants (Polybe, XXI. 46. 9 ; Dittenberger, Or. gr. inscr. 301 ; 302-304 ; 339 ; cf. Niese, III, 62). On sait ses intrigues pour enlever à Philippe et, plus tard, après la défaite de Perseus, pour obtenir du Sénat Maroneia, Ainos, etc., (Niese, III, 21 ; 26 ; 200).
[15] La création (antérieure à 212) de la marine pergaménienne est le fait capital, trop négligé par les historiens (voir cependant Beloch, III, 1, 366), qui nous éclaire sur la politique nouvelle d'Attale. Cette marine ne parait point exister encore en 218 ; elle ne joue aucun rôle lors des opérations du roi sur les côtes d'Aiolide et d'Ionie : Polybe, V. 77. 2-5 ; 78.6 (les Gaulois Aigosages, mercenaires d'Attale, ont pu naturellement être amenés de Thrace en Asie sur de simples transports). En 209, lorsqu'il vient en Grèce, le roi commande à 35 vaisseaux de haut bord : Liv. (P.) 28. 5. 1. Ce n'est peut-être là qu'une partie de sa flotte, car il compte sur le concours de l'escadre romaine. — Ne point exagérer, toutefois, la puissance maritime de l'État de Pergame. Je ne sais où Graillot (Le culte de Cybèle, 39) a pu prendre qu'il tenait sous son protectorat presque tout le commerce du Levant (?).
[16] Les historiens modernes ont éprouvé quelque embarras à expliquer l'hostilité d'Attale contre Philippe et la part qu'il a prise à la première guerre de Macédoine. Selon les uns (cf. U. Wilcken, P.-W., II, 2163, s. v. Attalos, 9), Attale aurait redouté les dangers que lui faisait courir l'humeur conquérante de Philippe ; mais ces dangers sont alors imaginaires : jusqu'à l'année 205, Philippe n'eut point le loisir d'avoir des ambitions orientales, et rien ne permettait de prévoir qu'il en aurait jamais. Selon d'autres (cf. Niese, II, 481), Attale en aurait voulu à Philippe de soutenir contre lui les entreprises de Prousias ; mais ces entreprises, qui furent certainement encouragées par Philippe, ne commencent qu'en 208 et paraissent n'être qu'une riposte à celles d'Attale contre la Macédoine ; si, précédemment, Prousias avait déjà fait mine d'attaquer Attale, il est clair que celui-ci n'eût point, en 209, commis l'imprudence de quitter son royaume. Selon d'autres enfin (cf. De Sanctis, III, 2, 416), Attale aurait été l'adversaire naturel de Philippe parce que les Antigonides faisaient d'ordinaire cause commune avec les Séleucides et qu'ils étaient notamment leurs alliés contre les Ptolémées, amis du royaume de Pergame : on conviendra que c'est là tirer les choses d'un peu loin ; et c'est aussi, semble-t-il, oublier qu'à l'époque dont il s'agit, les anciennes relations d'amitié s'étaient fort relâchées entre la Macédoine et la Syrie, tandis qu'un rapprochement s'était fait entre l'Égypte et la Macédoine ; à quoi il faut ajouter qu'Attale entretenait de bons rapports avec Antiochos dont il était l'allié contre Achaios. En réalité, comme j'essaie de le montrer dans le texte, l'hostilité d'Attale contre Philippe est simplement la conséquence de ses ambitions nouvelles. Dès l'instant qu'il se tournait vers l'Occident et prétendait s'y créer un empire maritime, il devait entrer en lutte avec la Macédoine ; il s'est préparé de longue date à cette lutte, et s'y est engagé aussitôt que s'est offerte l'occasion favorable. Sa première guerre contre Philippe est une guerre de conquête, et rien autre chose. — Tout ce qu'écrit Graillot (Le culte de Cybèle, 39) sur les premiers rapports d'Attale avec la Macédoine n'est qu'erreur et confusion. Il s'imagine que, vers 216, Philippe était un adversaire toujours prêt à envahir le royaume de Pergame (!).
[17]
Cf. le texte (déjà visé) de Polybe (IV. 65. 6) relatif à la construction de la
forteresse d'Élaos en Kalydonia. Il va sans dire que cette générosité d'Attale
n'est point demeurée isolée. Peut-être est-ce vers le même temps qu'il a fait
élever, à Delphes, la mentionnée dans un décret amphictyonique (B. C. H.,
1902, 268 ; Ad. Wilhelm, Jahresh.,
1905, 12 ; cf. T. Walek, Die delph. Amphictyonie, 148-149).
[18] Polybe, XV. 22. 1. On ne sait quelle relation de parenté désigne au juste, dans ce passage, le mot κηδεστής ; sur la question, voir, en dernier lieu, Ad. Wilhelm, Jahresh., 1908, 79-81. On a cru que Prousias Ier avait épousé une demi-sœur de Philippe, nommée Apamée. En réalité, comme l'a montré Wilhelm, Apamée était la fille de Philippe, et c'est à Prousias II qu'elle fut mariée.
[19] Polybe, V. 107. 4 ; cf. XXI. 17. 6 ; Cardinali, Regno di Pergamo, 48, 81-82.
[20] Que les Aitoliens comptent presque fermement, en 212, sur l'alliance d'Attale, 'est ce qu'indique le texte des accords conclus avec M. Lævinus. La clause où il est fait mention du roi (Liv. (P.) 26. 24. 9) implique nécessairement une entente ou, à tout le moins, un commencement d'entente entre lui et les Confédérés. — Remarquons, d'ailleurs, qu'on ignore la date du traité (fœdus) conclu par les Aitoliens et Attale, dont il est parlé dans T. Live (P., 31. 46. 3). Ce traité peut, sans doute, n'avoir précédé que de peu de temps la venue d'Attale en Grèce et remonter seulement à l'année 211 (cf. Polybe, X. 30. 7 : hiv. 211 /210) ; mais il est très possible aussi qu'il soit plus ancien (cf. Niese, II, 81, 3 et 8). C'est même, à la réflexion, ce qui parait le plus probable. Dans leur convention avec Lævinus, les Aitoliens placent Attale sur le même rang que les Éléens, les Messéniens (ceux-ci omis par T. Live) et les Lacédémoniens ; or, à l'époque de cette convention, ils ont une alliance en forme, non seulement avec le dernier de ces trois peuples (Polybe, IV. 35. 5 ; IX. 31. 2-6), mais certainement aussi avec les deux premiers. On croira volontiers que le cas d'Attale est semblable.
[21] Cf. Polybe, II. 47. 4 ; IV. 7. 8.
[22] Voir, dans Polybe (IX, 28 sqq.), le discours de Chlainéas, notamment 30, 5-9.
[23] Cf., dans le discours de Chlainéas (Polybe, IX, 31, 9), cet étrange résumé de la guerre-des-Alliés : εἰ γὰρ πρὸς μόνους Αἰτωλοὺς πολεμῶν [Φίλιππον] μηδέποτε δυνατὸς ἦν χειρώσασθαι τούτους...
[24] Cf., dans le même discours, 31, 7 : Φίλιππον δὲ πάντως πέπεισμαι λήξειν τῆς ὁρμῆς κατὰ μὲν γῆν ὑπ᾽ Αἰτωλῶν πολεμούμενον...