ROME, LA GRÈCE ET LES MONARCHIES HELLÉNISTIQUES AU IIIe SIÈCLE AVANT J.-C. (273-205)

 

CHAPITRE QUATRIÈME. — LA SECONDE GUERRE D'ILLYRIE (219). LES ROMAINS ET LA GUERRE-DES-ALLIÉS (219-217). LA PAIX DE NAUPAKTE (217).

  

 

§ III. — LES ROMAINS ET LA GUERRE-DES-ALLIÉS.

Pour les Romains cette guerre est un bienfait des dieux. Elle n'eût point existé, qu'il l'eût fallu faire naître ; puisqu'elle existe, il la faut faire durer : il est clair, en effet, que, tant qu'elle durera, il sera interdit à Philippe de joindre ses espérances à celles d'Hannibal[1]. C'est pourquoi, semble-t-il, le gouvernement romain devrait se résoudre enfin à s'immiscer dans les affaires de Grèce, entrer en rapports avec les Aitoliens, renouer et resserrer les relations éphémères formées avec leur Ligue en 228, s'unir à eux, et, de façon ou d'autre, les encourager, les aider et soutenir leur effort. Une intervention des Romains en Grèce, coïncidant avec la nouvelle guerre aitolique, est chose si naturellement indiquée que, dès le premier jour, Philippe parait l'avoir prévue et crainte, et non point indirecte et plus ou moins tardive, mais immédiate et brutale. C'est à coup sûr un fait digne d'attention, qu'au commencement de l'été de 219, ayant assemblé une puissante armée — près de 20.000 hommes[2] —, lui, qu'on verra tout à l'heure si entreprenant, et si ardent et si prompt dans ses entreprises, lui qui, menant la guerre d'une allure effrénée, la fera comme la course[3], il séjourne longuement, immobile et presque inactif, au sud de l'Épire. Si, au lieu de foncer sur la Vieille-Aitolie et d'accabler l'ennemi surpris sous le poids des grandes forces qu'il tient en main[4], il passe quarante jours à réduire Ambrakos[5] ; s'il s'attarde devant cette petite place dont l'acquisition, avantageuse peut-être aux Épirotes[6], n'est pour lui d'aucun prix et dont la perte ne saurait causer aux Aitoliens un sérieux dommage[7] ; et si, plus tard, sourd aux prières des Achéens, il refuse de passer le Rhion et d'envahir l'Élide[8] ; s'il s'obstine à guerroyer sur les confins occidentaux de l'Aitolie[9], à courte distance de l'Épire et de la Macédoine, la raison en est sans doute qu'il suit d'un regard anxieux l'armée romaine qui opère contre Démétrios, on attend quelque acte hostile et que, jugeant ses États menacés, il redouterait de s'en trop éloigner[10]. Mais ce sont là de vaines appréhensions. Si Philippe s'inquiète de Romains, les Romains ne s'occupent point de Philippe : il n'a rien à craindre d'eux. Non seulement, Démétrios abattu, L. Aemilius ne se tourne pas contre la Macédoine — ce qu'à vrai dire, lui interdisent de faire les graves nouvelles venues d'Espagne, l'annonce de la rupture certaine avec Carthage, et l'approche de la grande lutte où Rome va s'engager —, mais on dirait qu'il ne soupçonne même pas que, non loin de lui, a quelques journées de marche vers le Sud, le souverain ennemi de Rome, le protecteur avoué du Pharien, est aux prises avec des Hellènes, qui se trouvent ainsi devenir pour les Romains de naturels alliés. A la différence du consul vainqueur de Teuta, le consul vainqueur de Démétrios lève l'ancre, repasse en Italie, sans députer aux Aitoliens : il néglige de leur renouveler le témoignage de l'amitié romaine. Et les Patres gardent la même réserve : nulle ambassade partie de Rome ne visite les Confédérés. Le Sénat semble ne pas comprendre que leur cause ne fait qu'un désormais avec celle du Peuple romain. Cette guerre précieuse, qui lui peut épargner de si lourds soucis, il y reste étranger, il s'en détourne, il l'ignore. Nous en avons le récit, minutieux à l'excès, fait par Polybe ; nous pouvons être assurés que les Romains ne s'y sont mêlés à aucun instant ni d'aucune manière[11]. La seule nation dont l'Aitolie ait peut-être, et d'ailleurs très vainement, espéré le secours, la seule que ses ennemis aient craint de voir s'intéresser pour elle, c'est l'Égypte[12], ce n'est pas Rome. — Et notre surprise est la même que tout à l'heure, lorsque nous avons vu Antigone relever, sous les yeux indifférents du Sénat, la puissance de la Macédoine. Elle est plus vive encore et plus justifiée, car Antigone n'était pour les Romains qu'un ennemi éventuel ou probable, au lieu que Philippe, s'il sort vainqueur de la guerre présente, usera sûrement de sa victoire, soit pour attaquer l'Illyrie romaine, soit pour s'allier à Carthage, soit pour faire à la fois l'un et l'autre, et menacera donc Rome d'un danger certain.

Toutefois, que la République s'abstienne d'abord de prêter main-forte aux Aitoliens, la chose est à la rigueur explicable. Il est possible que son assistance soit inutile aux Confédérés. Ce sont eux qui ont voulu cette guerre que Philippe s'efforçait d'éviter[13] ; ce sont eux qui, par leurs agressions et leurs insolences redoublées, l'ont imposée à l'adversaire : preuve assez claire qu'ils s'en promettent le succès[14]. Il se peut qu'avec l'aide de leurs alliés du Péloponnèse, les Éléens et surtout les Spartiates, que le parti de Kléomènes redevenu tout-puissant a jetés dans leurs bras[15], ils taillent une rude besogne au Macédonien ; il se peut même qu'en un tournemain, comme ils s'en sont vantés[16], ils matent et réduisent à rien ce jouvenceau, ce marmouset, objet de leurs sarcasmes[17], sur qui pèse l'accablante succession d'Antigone. — Les débuts des hostilités ne démentent pas ces espérances. Pendant la campagne de 219, Philippe a commis ou paru commettre (nous nous sommes expliqués là-dessus) des fautes dont il a payé le prix[18]. Si, vers la fin de l'été, frappant pour la première fois un coup de vigueur, il a forcé par l'Ouest la frontière aitolienne, causé de grands dommages aux Confédérés et fait sur eux quelques conquêtes précieuses[19], auparavant, tandis qu'il perdait le temps au siège presque inutile d'Ambrakos, ses ennemis ont profité de ses lenteurs, les Aitoliens, sous Skopas, pour pénétrer dans la Piérie et la mettre a sac, les Spartiates, avec le roi Lykurgue, pour envahir le territoire de Mégalopolis et prendre l'Athénaion, les Éléens, conduits par le stratège aitolien Euripidas, pour mordre les frontières de l'Achaïe et de l'Arcadie[20]. A l'automne, les Aitoliens réussissent encore à pousser une incursion hardie dans la Haute-Épire, et dévastent le sanctuaire de Dodone comme ils ont fait celui de Dion[21]. Ainsi, dans cette première passe d'armes, les succès ont été moins fort balancés ; Philippe et ses alliés y ont connu de fâcheuses disgrâces[22]. — Mais, aussitôt après, les choses prennent un autre tour. Ce qu'on n'eût jamais cru[23], le jouvenceau si volontiers moqué se révèle soudain, comme jadis le margitès Alexandre, capitaine accompli et manœuvrier de première force. Rompant avec tous les usages militaires[24], il ébranle ses troupes dans le fort, de l'hiver, traverse le Péloponnèse, passe les monts d'Arcadie au moment des grandes neiges, rosse les Éléens à Stymphale, emporte d'assaut Psophis, tenue pour imprenable, ramasse dans l'Élide envahie un immense butin, et termine en six jours la conquête de la Triphylie[25]. Et la campagne suivante fait paraître de plus grandes merveilles aux veux de l'Hellade étonnée[26]. Présent partout presque en même temps, au centre de l'Aitolie comme au cœur du Péloponnèse, Philippe prévient, surprend tous les ennemis[27], et porte chiez tous le ravage et la ruine. On ne se rappelle point avoir vu général si agile, si audacieux, ni dont l'audace fût récompensée d'un bonheur si constant[28]. Voilà, croirait-on, qui est, propre à faire réfléchir les Romains : si, quelque jour, ils le doivent affronter, ils risquent de trouver dans le roitelet dédaigné un adversaire à leur mesure; c'est pourquoi il serait sage de l'arrêter dès ses premiers pas et de dresser devant lui des obstacles. Mais le Sénat n'en juge point ainsi ; indifférent aux bruits qui lui arrivent, de Grèce, aux nouvelles qu'il reçoit certainement de Kerkyra et des villes illyriennes, il laisse à Philippe le champ libre.

A la vérité, il est une remarque qu'on fera sans doute ici c'est que les Aitoliens ne tentent aucune démarche pour obtenir l'aide des Romains ; si nulle ambassade romaine ne débarque en Aitolie, nulle ambassade aitolienne ne se présente dans la curie. La remarque est exacte, mais il faut prendre garde d'en tirer de fausses conclusions. L'erreur serait grande de croire que, par patriotisme hellénique, les Confédérés répugnent à l'idée d'attirer en Grèce le barbare, et qu'averti de ces dispositions, la crainte d'un refus humiliant a pu dissuader le Sénat de leur offrir son assistance. Les hommes qui, à cette heure, gouvernent l'Aitolie, Skopas et Dorimachos de Trichopion, sont les mêmes qu'on verra par la suite, en des circonstances bien moins graves, alors qu'aucun péril ne menacera leur pays, s'allier, par haine de la Macédoine et passion de revanche, au propréteur M. Laevirtus. Dans le moment, ils n'ont qu'un désir et qu'une pensée : vaincre Philippe, se tirer avec honneur de cette guerre qui est leur ouvrage, et, pour y réussir, tous moyens leur seraient bons. Si, parmi ces moyens, ils négligent le recours au Sénat, c'est 'qu'ils tiennent pour certain qu'il serait très vain de s'adresser à lui. Et cette conviction n'a rien que de naturel. Elle s'explique, sans doute, par l'idée qu'on se fait au loin du désarroi profond où l'invasion punique a dû jeter l'État romain ; elle s'explique aussi, et suffisamment, par le silence des Romains qui, depuis dix ans, depuis l'ambassade d'A. Postumius, on paru ne vouloir plus connaître les Aitoliens, par la froideur tenace qu'ils témoignent à toutes les nations grecques et qui semble marquer chez eux un parti arrêté d'en demeurer constamment éloignés. En ce temps-là, nul, en Grèce, n'imagine, ne peut imaginer que Rome consente jamais à donner son appui à quelque peuple hellène. Mais, les choses étant ainsi, ce serait affaire au Sénat, s'il le juge utile aux intérêts romains, d'amener les Grecs d'autres sentiments, de leur apprendre que la cause de leurs libertés[29] ne laisse point Rome indifférente, et que ce qu'elle a fait, pour le bien de la Grèce, contre les Illyriens, elle saurait, le cas échéant, à faire aussi contre la Macédoine. Si les Patres estiment opportun de secourir l'Aitolie mise à mal par Philippe, ils ne doivent point attendre son appel ; ils se sont jusque-là comportés de telle manière qu'ils l'attendraient toujours : c'est à eux de le prévenir. Mais ils n'en ont point la pensée. Cette alliance, que les Aitoliens, en la souhaitant peut-être, regardent comme impossible, ils Tes confirment dans l'idée qu'elle est impossible en effet la guerre a beau se poursuivre, apportant à Philippe l'occasion de succès toujours plus déclarés, ils ne font point vers les Confédérés ce premier pas qu'il leur appartient de faire.

Leur inaction, dira-t-on peut-être, a pour cause leur impuissance. Rome ne peut rien en faveur de l'Aitolie ; pour agir en Grèce, les moyens lui manquent. N'oublions pas que voici venir les sombres jours de la guerre d'Hannibal. Le péril punique s'est démasqué tout d'un coup ; Sagonte, qu'il eût fallu secourir, est tombée à l'automne de 219, et si Hannibal a pris son temps avant de se mettre en marche[30], il a marché d'un train bien plus rapide qu'on ne l'eût imaginé. En 218, il a franchi les Pyrénées, devancé sur le Rhône le consul P. Cornelius, franchi le fleuve, franchi les Alpes ; et la même année va voir les premiers durs revers des armes romaines, le Ticinus et la Trébia. L'État romain doit ramasser ses forces contre l'envahisseur ; il lui est interdit d'en rien distraire pour aider les ennemis de Philippe.

Objection spécieuse au premier regard, mais qui ne résiste pas à l'étude exacte des faits. Pour entretenir la guerre en Grèce, point n'est besoin que Rome fasse un grand effort militaire ; point n'est besoin qu'elle envoie les légions par delà le détroit, ni se mette en dépense de soldats. Ce serait assez qu'elle prêtât aux Aitoliens le concours de quelques navires. On le verra de reste en 212 : les Confédérés reprendront alors les armes contre Philippe, recommenceront la lutte interrompue, dès qu'ils sauront pouvoir compter sur le modeste appui de vingt-cinq quinquérèmes[31]. Car, ce qu'elle fera en 212, dans la plus rude période de la guerre d'Hannibal, il est hors de doute que la République l'aurait pu faire six ou sept ans plus tôt.

Il suffirait, pour en être assuré, de se rappeler de quelles immenses ressources maritimes elle dispose, et combien, par la puissance de ses flottes, elle l'emporte sur Carthage[32]. Voyons cependant les choses de plus près. En 218, Rome a mis à la mer 220 vaisseaux[33]. Soixante, sous les Scipions, sont destinés aux Espagnes ; et la plupart de ceux-là servent, en effet, à transporter, d'abord de Pise à Massalia, puis de Massalia à Emporion, les troupes du consul P. Cornelius[34] ; ils ne reparaîtront plus dans les eaux d'Italie. Mais les 160 autres, qui doivent pousser jusqu'en Libye, insulter les rivages puniques et peut-être assiéger Carthage, ne vont pas plus loin que la Sicile. Conduits à Lilybée par le consul Ti. Sempronius[35]; ils y stationnent longuement pendant les mois d'été[36], puis, sur la nouvelle de l'invasion d'Hannibal, sont ramenés à Ostie[37] où ils restent sans emploi[38]. Cette escadre, de médiocre effectif, cette escadre qui pourrait donner secours aux Aitoliens, le Sénat l'a donc sous la main : il ne tient qu'à lui de la détacher, la fin de l'été, de la flotte consulaire désormais inactive. Et, à vrai dire, il aurait pu l'en détacher plus tôt encore, dans le temps même qu'il préparait l'expédition d'Afrique : car comment croire que le succès de l'entreprise eût été compromis parce que l'armada du consul, amoindrie de quelques unités, n'eût compté que 140 ou 130 navires au lieu de 160 ? — Les facilités sont semblables au commencement de 217. Cette année-là, la flotte que commandera durant l'été le consul Gn. Servilius sera forte de 120 vaisseaux[39], si bien que, selon les calculs les plus modérés, la marine romaine garde alors en réserve une quarantaine de bâtiments[40], c'est-à-dire beaucoup plus qu'il ne serait nécessaire d'expédier en Grèce. — Mais, au reste, les calculs sont ici superflus, et voici qui nous éclaire à souhait. Au début de l'année 215, le Sénat apostera à la garde de la Calabre une division de 25 bâtiments sous les ordres de M. Valerius Laevinus ; et, un peu plus tard, quand lui aura été subitement révélée l'alliance de Philippe et d'Hannibal, il prendra soin que la même division, accrue du double, portée à 50 vaisseaux, croise au large de Brundisium, s'y tienne constamment sous voiles, prête à cingler à l'Est[41] : c'est elle, comme nous le verrons plus loin, qui, en 214, viendra sauver Apollonia serrée de près par les Macédoniens. Cette force navale, dont le gouvernement romain aura la libre disposition même au lendemain de ses grands désastres, même à la veille de la. défection prévue de l'État syracusain, et qu'à ce moment il jugera bon d'opposer à Philippe, n'est-il pas évident qu'il eût pu l'employer en partie au service de l'Aitolie dès 218 et 217 ?

Auquel cas, en Grèce, la guerre eût peut-être changé de face. Ce qui rend, en effet, les succès de Philippe si rapides, ce qui lui permet de frapper ces coups imprévus, soudains, simultanés, qui étonnent, déconcertent, découragent ses ennemis, c'est qu'il a la maîtrise de la mer[42]. C'est parce qu'il est maitre de la mer que, venu de Corinthe à Képhallénia et à Leukas[43], il peut envahir l'Aitolie par l'Ouest, débarquer en secret à Limnaia[44], pousser de là par des chemins de chèvre jusqu'à Thermos[45], puis, s'étant brusquement rembarqué, ayant ravagé la Lokride au passage[46], apparaitre sept jours plus tard, en plein milieu du Péloponnèse[47], surprendre à Amyklai les Lacédémoniens stupéfaits[48], dévaster la Laconie jusqu'au Tainare et jusqu'à Akriai[49], et faire défiler, sous les murs de Sparte intimidée, son armée victorieuse presque sans combat[50]. Et voici le paradoxe : il est maitre de la mer et pourtant n'a pas de marine. Il n'a ni arsenaux, ni chantiers de construction[51]. Il n'a pas d'équipages il en est réduit, au printemps de 218, à exercer, dans le port du Léchaion, les phalangites macédoniens à faire office de rameurs[52]. Il n'a pas de flotte ; ce qui lui en tient lieu, c'est un ramassis bigarré de bâtiments de même provenance et de toute sorte, la plupart sans valeur militaire : vieux vaisseaux macédoniens et achéens, transports fournis par les Messéniens, les Épirotes et les Akarnaniens, lemboi demandés à Skerdilaïdas[53] ; il ne dispose guère, au total, que d'une douzaine de navires kataphraktes et d'une quarantaine de bâtiments légers[54]. Contre les Aitoliens, encore plus démunis, c'est assez d'une force si chétive. Mais qu'une escadre romaine se mette de la partie, du coup le jeu se retourne et les rôles sont renversés. Ce fantôme de marine, que commande le roi de Macédoine, rentre au port et s'y tient coi ; la mer échappe à Philippe, et les Romains y dominent souverainement[55]. Et, dès lors, ce sont eux qui, déplaçant les opérations à leur gré, multipliant comme il leur plaît Tes descentes et les surprises, promenant de côte en côte la menace d'un débarquement, vont inquiéter et distraire le Macédonien, tenu de porter secours aux nations de la Symmachie ; ce sont eux qui vont l'obliger à disperser son effort dans un défensive hésitante et lui interdire toute grande entreprise, cependant que les peuples qui lui sont ennemis, Aitoliens au Nord, Spartiates au Sud, pourront pousser contre ses alliés d'énergiques attaques. Les embarras que Philippe connaîtra plus tard, par exemple en 208, et qui rendront alors sa tâche si laborieuse, il les eût pu connaître, si les Romains l'avaient voulu, dès sa première guerre avec l'Aitolie ; il ne leur en eût coûté que d'agir en ce temps-là comme force leur sera d'agir dans peu d'années.

 

 

 



[1] Cf. Polybe, III, 2. 3.

[2] Au printemps de 219, Philippe a sous ses ordres 15.800 Macédoniens (10.000 phalangites, 5.000 peltastes, 800 cavaliers), qu'il a levés pendant l'hiver (Polybe, IV, 37. 7 ; cf. 9. 1). Il y joint, lors de son arrivée en Épire, 300 frondeurs envoyés d'Achaïe, 500 Polyrhéniens et tout le contingent épirote (61. 2). L'importance de ce dernier contingent n'est point indiqué par Polybe ; mais, à Sellasia, les Épirotes avaient mis en ligne 1.000 hommes et 50 chevaux (II, 65. 4) ; il est évident que les troupes qu'ils fournirent à Philippe étaient au moins aussi nombreuses. L'effectif des forces commandées par le roi s'élevait donc certainement à plus de 17.000 hommes. Il avait, en outre, à sa disposition et pouvait, d'un moment à l'autre, appeler le contingent akarnanien ; après la prise d'Ambrakos, lorsqu'il envahit l'Aitolie occidentale, Philippe reçoit d'Akarnanie 2.000 fantassins et 200 cavaliers (Polybe, IV, 63. 7). Polybe insiste sur la force numérique de l'armée royale, qu'il appelle δύναμις βαροΐα (61. 3). — Il ne serait pas impossible que Philippe eût d'abord projeté de l'employer en Illyrie, où il aurait prêté main-forte à Démétrios ; peut-être fut-il prévenu par le débarquement des Romains : voir, à ce sujet, les conjectures de M. Nicolaus, Zwei Beitr. zur Grisch. König Philipps V, 52-53.

[3] Cf. Liv., (P.) 31. 24. 2 : cursu prope Chalcidem contendit Philippus (aut. 200).

[4] Voir les reproches que lui adresse Polybe (IV, 61. 3-4 ; 61. 63. 1).

[5] Polybe, IV, 61. 4-5 ; 61. 8 ; 63. 1-3.

[6] Polybe, IV, 61. 5-6. Encore faut-il remarquer que la prise d'Ambrakos n'a d'utilité qu'en ce qu'elle peut rendre aisée celle d'Ambrakia (61. 6-7) ; or, une fois Ambrakos réduite, Philippe n'entreprend rien contre Ambrakia ; ce qu'il accorde aux Épirotes n'est donc qu'un semblant de satisfaction.

[7] La garnison aitolienne d'Ambrakos ne compte que 500 hommes (Polybe, IV, 63. 3), ce qui n'est guère en face des grandes forces de Philippe. On peut noter que les Aitoliens ne tentent aucun effort pour débloquer la place.

[8] Polybe, IV, 64. 1-3 (entrevue de Philippe et des députés achéens près de Stratos ; le roi ne leur donne que de bonnes paroles) ; cf. 67. 6 (les Achéens désespèrent de voir Philippe venir dans le Péloponnèse).

[9] Polybe, IV, 63. 7 — 65. 11. — Opérations de Philippe dans l'ancienne Akarnanie orientale ; prise de Phoitiai (63. 7-8) ; — invasion de la Stratiké (63, 10-11) ; prise et incendie de Métropolis (64. 4) ; — premier passage de l'Achéloos (64.5-8) ; opérations dans la région de Konopé (64. 9 ; d. 64. 3-4) ; prise et destruction d'Ithoria et des forts construits sur la rive gauche de l'Achéloos (64. 10-11) ; — opérations dans la Parachéloïtis Y,; prise et destruction de Paianion (65. 3-4) ; — occupation d'Oiniadai (65. 5-6) ; — opérations dans la Kalydonia (65. 6-71 ; prise de la forteresse d';taos (G5. 6) ; — retour à Oiniadai (65. 7-8 ; 65. 11). La Kalydonia est le point extrême atteint par Philippe vers l'Est.

[10] A vrai dire, les apparentes lenteurs de Philippe au début de la campagne s'expliquent aussi, sans doute, par sa volonté persistante d'éluder la guerre avec les Aitoliens. Il évite de parti pris de s'engager à fond contre eux et se flatte qu'il suffira d'une démonstration militaire — le siège d'Ambrakos n'est pas autre chose — pour les amener à résipiscence (sur ce point, il semble bien que la vérité ait été vue par Niese, II, 447, 3). Mais, si Philippe éprouve tant de répugnance à combattre énergiquement les Aitoliens, c'est que la question d'Illyrie est son souci dominant et qu'il entend garder, de ce côté, sa liberté d'action.

[11] G. Colin (Rome et la Grèce, 43) fait observer que le spectacle de la Guerre Sociale, de 219 à 217, avait fait connaître (au Sénat) les divisions des Grecs, et qu'il espérait en profiter. Que n'en profite-t-il dès le temps de cette guerre même ?

[12] Polybe, IV, 30. 8. — La précaution était, en fait, superflue. La guerre de Koilé-Syrie, qui avait éclaté à l'improviste en 221, ne permettait point à l'Égypte surprise d'intervenir en Grèce contre Philippe. Plus tard, elle se rapproche de lui pour l'opposer à Antiochos III.

[13] Que la guerre-des-Alliés ait eu lieu contre la volonté et malgré les efforts de Philippe, c'est ce qui ressort avec évidence de la lecture de Polybe et ce qu'on a trop peu remarqué (voir toutefois quelques indications dans Niese, II, 417, 423, 447 et note 3 ; Beloch, III, 1, 746, 747 ; De Sanctis, III, 2, 393). — 1° Après leur défaite de Kaphyai, dans l'été de 220, les Achéens demandent à Philippe et aux États de la Symmachie de leur donner assistance, c'est-à-dire d'engager les hostilités contre les Aitoliens (Polybe, IV, 15. 1-2) ; Philippe leur oppose le refus le plus net (16. 1-3). — 2° Appelé de nouveau à l'aide par Aratos, lors de l'expédition de Dorimachos et de Skopas contre Kynaitha, il est notable que Philippe met tant de lenteur à se rendre clans le Péloponnèse (22. 2) que les envahisseurs ont le loisir de revenir sans dommage en Aitolie. — 3° A la fin de l'été de 220, la conduite, singulièrement clémente, que tient le roi à l'égard de Sparte, où un parti puissant s'agite contre la Macédoine et fait mine de s'unir à l'Aitolie, serait inconcevable s'il avait dessein de combattre prochainement les Aitoliens en pareil cas, son premier soin devrait être d'établir fortement son autorité sur la ville suspecte. Sa modération, son refus d'intervenir dans les affaires intérieures de Sparte et de châtier les rebelles, s'expliquent très bien, au contraire, par son désir de ne point irriter les Aitoliens. — 4° Même après le congrès de Corinthe et la déclaration de guerre des Symmachoi, Philippe leur tend encore la perche ; il leur écrit que, s'ils ont quelques raisons à faire valoir pour leur justification, il est prêt à les écouter, et leur laisse entendre que, même au point où en sont arrivées les choses, tout peut encore se régler à l'amiable (26. 3). Le fait est qu'il se rend au Rhion, au jour qu'ils lui ont marqué, pour conférer avec eux (26. 6) ; si l'entrevue n'a pas lieu, c'est que les Aitoliens, manquant à leur promesse, se dérobent au rendez-vous (26. 5-6) ; quant à la bonne volonté de Philippe, elle est évidente. — 5° Enfin, ce n'est pas lui qui prend l'initiative les hostilités : elles sont engagées par Lykurgue dès l'automne de 220 (36. 4-6), et par les Aitoliens et leurs alliés au printemps de 219. Philippe se borne d'abord à assiéger Ambrakos ; or ce n'est là, comme nous l'avons dit, qu'une démonstration militaire. — Son langage aux représentants des États neutres en 218 (V. 24. 11) est certainement sincère, car s'accorde avec toute sa conduite ; c'est à tort que Polybe n'y veut voir qu'une feinte.

[14] Polybe, IV, 36. 7 (sentiments confiants des Aitoliens au début de la guerre) ; cf. 2. 4-5 ; V, 29. 2.

[15] Polybe, IV, 34-35 (révolution à Sparte ; triomphe du parti de Kléomènes ; rétablissement de la royauté ; alliance avec l'Aitolie).

[16] Polybe, V, 29. 2.

[17] Polybe, IV, 3. 3 ; 5. 3 ; 22. 5 ; cf. V. 18. 6 ; Plutarque, Arat., 46.

[18] Cf. Polybe, IV, 63. 1.

[19] Prise de Phoitiai, d'Oiniadai, d'Élaos ; ravages dans la Stratiké, la région de Konopé, la Parachéloïtis ; incendie de Métropolis, destruction d'Ithoria et des forts qui bordent l'Achéloos à l'Est, destruction de Paianion.

[20] Polybe, IV, 62. 1-3 (Skopas et les Aitoliens en Piérie ; sac de Dion) ; 60. 3 ; cf. 37. 6 (Lykurgue prend l'Athénaion aux Mégalopolitains) ; 59 — 60. 1 (incursion d'Euripidas et des Éléens sur les territoires de Pharai, Tritaia et Dymai ; défaite de l'hypostratège achéen Mikkos ; prise du fort de Teichos, enlevé aux Dymaiens) ; 60. 3 (prise de Gortyne, enlevée aux Telphousiens).

[21] Polybe, IV, 67. 1-3.

[22] Cf. Beloch, III, 1, 753, dont l'appréciation parait, toutefois, un peu exagérée.

[23] Cf. Polybe, IV, 22. 5 ; 69. 9 ; 82. 1.

[24] Cf. Polybe, IV, 67. 6.

[25] Polybe, IV, 67. 6-7 (entrée de Philippe en campagne vers l'époque du solstice d'hiver) ; 70. 1 (passage de l'Olygyrtos par des neiges ; cf. 72. 5) ; 69. 6-8 (affaire de Stymphale) ; 71 (prise de Psophis) ; 73 — 75 (invasion de l'Élide) ; 79— 80. 15 (conquête de la Triphylie). Pour l'effet produit en Grèce par la campagne de 219/218 : 69. 9 ; 77. 1 ; 82. 1.

[26] Cf. Polybe, V, 18. 10 (à propos de l'expédition de Philippe en Laconie, en 218).

[27] Cf. Polybe, V, 18. 7.

[28] Cf. Polybe, IV, 77. 1 ; V, 29. 2 ; 102. 1.

[29] On sait qu'en luttant contre la Macédoine, les Aitoliens ont toujours prétendu combattre polir les libertés de la Grèce ; cf., par exemple, le début du discours de Chlainéas (Polybe, IX. 28. 1 : hiv. 211/210) et le discours du Rhodien Thrasykratès (XI, 5. 1 ; ann. 207).

[30] Polybe, III. 34. 1. Cf. J. Fuchs, Der zweite pun. Krieg (Wiener-Neustadt, 1891), 51-55 ; De Sanctis, III, 2, 8-9. — Sur la marche rapide d'Hannibal et l'impression qu'elle produit à Rome : Polybe, III, 61. 6-9 ; cf. 41. 6-8.

[31] Traité de 212 entre Rome et les Aitoliens : Liv. (P.) 26. 24. 10 : bellum ut extemplo Aetoli cum Philippo terra gererent ; navibus ne minus XXV quinqueremibus adiuvaret Romanus ; cf. 28. 5. 1. — Le nombre de 25 quinquérèmes dut être fixé par les Aitoliens eux-mêmes, qui estimaient donc que c'était là une aide suffisante. A la vérité, ils espéraient aussi, en 212, le secours d'Attale (26. 24. 9 ; cf. Polybe, IX, 30. 7) — sur lequel ils n'eussent pu compter au temps de la guerre des Alliés — ; mais ils ne l'avaient point encore obtenu lorsqu'ils rompirent avec Philippe, et ne le reçurent qu'après trois ans de guerre ; Attale ne vint en Grèce que vers la fin de 209.

[32] Sur la supériorité navale des Romains et l'importance de leurs armements maritimes, cf., en général, Mommsen, R. G., I7, 575 ; De Sanctis, III, 2, 14-15 (en 218), 220-221 (après 16), 258, note 115 (en 214), 324 (de 215 à 210) ; Fuchs, Der zweite pun. Krieg, 26 ; 33-34 ; Gsell, Hist. ant. de l'Afrique du Nord, II, 458 ; III, 144.

[33] Polybe, III, 41. 2 ; Liv., 21. 17. 3 ; 17. 5-8. De Sanctis écrit avec quelque raison (III, 2, 5, note 7) : Per Polibio la squadra di Sempronio è tutta di quiriqueremi : di che sarà lecito dubitare. Il est bon de se souvenir qu'en 218 la seule escadre punique dont nous constations avec certitude la présence à la mer, celle qu'Hannibal a laissée à son frère Hasdrubal, ne compte au total que 57 bâtiments (50 pentères ; 2 tétrères ; 5 trières) ; encore n'en a-t-on armé: que 37 (32 pentères et les 5 trières) Polybe, III, 33. 14 ; Liv., 21. 2. 4. Ce que rapporte T. Live (21. 49. 2-50. 6 ; 51. 3-6) d'attaques dirigées contre la Sicile et l'Italie par deux autres escadres, fortes respectivement de 20 (21. 49. 2) et 35 vaisseaux (21. 49. 4), est, comme on sait, extrêmement suspect ; el. les observations de Niese, I, 511, 4, et de Kahrstedt, 401. — Aux 220 vaisseaux destinés aux Espagnes et à la Libye, n doit naturellement ajouter ceux, en nombre inconnu, qui furent armés et tenus en réserve pour défendre, en cas d'alerte, l'Italie et les îles. Il est bon de se souvenir qu'en 229 a flotte romaine comptait déjà 200 bâtiments (Polybe, II, 11. 1).

[34] Départ du consul P. Cornelius Scipion et de son frère Gnaeus pour l'Ibérie avec 60 vaisseaux : Polybe, III. 41. 2 ; Liv, 21. 17. 8. — Navigation de Pise à Massalia ; arrêt et débarquement à Massalia : Polybe, III, 41. 4-6. — Après qu'Hannibal a passé le Rhône, Scipion envoie son frère Gnaeus en Espagne avec la flotte et l'armée : 4 6. 5 (tandis que lui-même s'en revient à Pise ai cc un petit nombre d'hommes : 56. ). — Débarquement de Gn. Scipion à Emporion : 76. 1. — Quelques-uns des 60 aisseaux mis à la disposition de P. Scipion furent nécessairement ramenés par lui de Massalia à Pise, mais le nombre en dut être très restreint (cf. 56. 5) ; il est évident que Gn. Scipion se rendit à Emporion avec tout le gros de la flotte, comme l'indiqueraient au besoin, dans le texte de Polybe visé plus haut (76. 1), les mots παντί τώ στόλω. Si, à la bataille de l'Èbre (print. 217), il ne met en ligne que 35 bâtiments (95. 5), c'est que, faute d'épibates en nombre suffisant, il a dû laisser les autres à Tarraco ; voir, à ce sujet, la bonne explication de Kahrstedt (424, 1). Je ne saurais admettre celle que propose De Sanctis (III, 2, 242, note 61). Il est tout à fait impossible que Gn. Scipion n'ait amené en Espagne qu'une trentaine de vaisseaux.

[35] Le consul Ti. Sempronius (Longus) part pour la Libye avec 160 quinquérèmes : Polybe, III, 41. 2 ; cf. Liv. 21. 17. 5-6. — Son arrivée en Sicile et sa jonction avec Hiéron (?) Liv. 21. 50. 7-11. — Il se rend à Lilybée, où il prépare un débarquement en Afrique et le siège de Carthage : Polybe, III, 41. 3 ; cf. 61. 8. — Il occupe l'île de Mélité (?) : Liv. 21. 51. 1-2 (sur l'authenticité du fait, cf. Kahrstedt, 401). — Le Sénat le rappelle en Italie : Polybe, III, 61. 9-10.

[36] C'est vers le milieu de septembre (218), selon un calcul plausible (De Sanctis, III, 2, 28 ; 85), que Ti. Sempronius aurait reçu l'ordre de regagner l'Italie et de se porter au secours de son collègue. En tout cas, l'idée de la descente en Afrique dut nécessairement 4tre abandonnée par le Sénat, dès qu'il sut qu'Hannibal avait forcé le passage du Rhône t se dirigeait vers les Alpes, c'est-à-dire dès la seconde quinzaine d'août : cf. De Sanctis, II, 2, 85. Le gouvernement romain avait donc, dès ce moment-là, la libre disposition de la flotte de Sicile.

[37] La flotte parait être revenue à Ostie. Polybe, III, 61. 10 rapproché de 96. 10 (été 217).

[38] Noter que l'armée de Ti. Sempronius, contrairement à ce qu'indique T. Live (21. 51. 6), n'a point été embarquée sur la flotte ; c'est par terre que les légionnaires se rendent de Lilybée à Messine et de Rhégion à Ariminum (cf. De Sanctis, III, 2, 8,7.) : Polybe, 61. 10 ; 68. 13-14. A partir du moment où le consul a reçu son ordre de retour, la flotte ne sert plus à aucun usage. D'autre part, puisqu'elle fait voile jusqu'à Ostie, c'est qu'il est encore facile de naviguer et que la saison maritime n'est point close. — Selon T. Live (21. 51. 6), Ti. Sernpronius aurait laissé au légat S. Pomponius 25 vaisseaux destinés à protéger les parages de Vibo Valentia, et à M. Aemilius, préteur de Sicile, un nombre utilisant de bâtiments pour qu'il en commandât 50 au total ; ces indications sont des plus douteuses (toutefois, la critique de Kahrstedt, 401, et note 1, n'est pas fondée ; cf., en sens contraire, De Sanctis, III, 2, 5, note 7).

[39] Dans l'été de 217, Gn. Servilius (Geminus) prend à Ostie le commandement de 120 vaisseaux (Polybe, III, 96. 10 ; cf. 88. 8), avec lesquels il donne chasse à l'escadre punique de 70 voiles qui a menacé la Sardaigne et la côte étrusque, relâche à Lilybée, croise dans les eaux d'Afrique, y fait quelques opérations peu importantes, et revient à Lilybée où il demeure en station (96. 8-14). Cette flotte de 120 vaisseaux représente la majeure partie de celle, forte de 160 quinquérèmes, que Ti. Sempronius commandait l'année précédente et qu'il avait ramenée de Lilybée (cf. Kahrstedt, 416). C'est probablement sur la quarantaine de bâtiments gardés en réserve que fut prise ultérieurement une partie de la division de 20 vaisseaux conduite en Espagne par P. Scipion (Polybe, III, 97.2 ; 30 vaisseaux selon T. Live, 22. 22. 1) — une partie seulement, car Scipion dut emmener avec lui les navires, en petit nombre, qu'il avait, en 218, reconduits de Massalia à Pise (III, 56. 5). Il se peut, toutefois, que les vaisseaux nouveaux donnés à P. Scipion lent été prélevés sur la flotte même de Servilius : il y a lieu de remarquer, en effet, que, par la suite, la flotte qui stationne en Sicile semble compter régulièrement une centaine de bâtiments (cf. VIII, 1. 7 ; Liv. 24. 27. 5 ; 26. 1. 1). Si tel a été le cas, la réserve générale de la marine n'aurait subi aucune diminution.

[40] Remarquer qu'il ne serait point du tout impossible que ces 60 quinquérèmes, mentionnées par Polybe (III, 75. 4), qu'on arma au printemps de 217, fussent des bâtiments nouveaux, n'ayant pas fait partie de la flotte de Ti. Sempronius (cf., au contraire, Kahrstedt, 416) : auquel cas l'effectif des flottes romaines se serait élevé, cette année-là comme en 218, à 220 vaisseaux. Les 60 quinquérèmes nouvellement armées auraient remplacé celles, en nombre presque égal, que Gn. Scipion avait emmenées en Espagne, et la réserve aurait, en conséquence, compté, non point 40, mais 100 bâtiments.

[41] L'escadre de Calabre (pour ce nom, Liv., 24. 40. 2) est mentionnée pour la première fois dans Liv. (Ann.) 23. 32. 17 (cf. 38. 7 ; 33. 4) elle est formée de 25 bâtiments commandés par P. Valerius Flaccus, præfectus de M. Valerius Laevinus, et garde la côte entre Brundisium et Tarente.

[42] C'est au printemps de 218 que Philippe se décide à faire la guerre par mer : Polybe, V, 2. 1-4. Les raisons de cette décision sont clairement indiquées par Polybe : 9. 1. Cf. 109. 2.

[43] Traversée de Corinthe à Képhallénia : Polybe, V, 2. 11 3. 3 ; — opérations à Képhallénia : 3. 4 — 4. 13 — navigation de Képhallénia à Leukas, puis sur le golfe ambrakique : 5. 11-12 ; 5. 14.

[44] Débarquement à Limnaia : Polybe, V, 5. 14 ; cf. 6. 5.

[45] Expédition de Thermos ; étonnement des Aitoliens : Polybe, V, 7. 2 : cf. 8. 6.

[46] Polybe, V, 17. 8 (territoire d'Oiantheia).

[47] J'observe que la chronologie de cette campagne a été passablement brouillée par la plupart des historiens modernes. C'est à tort que H. Droysen (Heerwes. und Kriegführ. der Grechen, 83, 1) et Niese (II, 449) supposent que Philippe mit quatre jours à se rendre de Tégée à Sparte. S'il en avait été ainsi, le roi n'aurait pas pu se trouver sous les murs de Sparte sept jours après son départ de Leukas, comme l'affirme expressément Polybe (V, 18. 10) ; et, à ce propos, je dois faire remarquer que H. Droysen et Niese (ibid.) se méprennent gravement lorsqu'ils placent l'arrivée de Philippe au voisinage de Sparte, l'un, le septième jour après son débarquement au Léchaion, l'autre, le douzième après son embarquement à Leukas. Voici la suite véritable des faits : Embarquement de Philippe à Leukas ; navigation de Leukas au Léchaion ; arrivée au Léchaion : 1er-2e jours. — Arrêt d'un jour à Corinthe : 3e jour. — Marche de Corinthe à Argos : 4e jour. — Marche d'Argos à Tégée : 5e jour (arrivée à Tégée 2 jours après le départ de Corinthe : 18. 1). — Marche de Tégée au Ménélaïon : 6e-7e jours (arrivée au Ménélaïon 4 jours après le départ de Corinthe : 18. 3 ; et 7 jours après le départ de Leukas : 18. 10).

[48] Expédition de Laconie ; étonnement des Lacédémoniens : Polybe, V, 18. 4-11.

[49] Polybe, V, 19. 4-8.

[50] Polybe, V, 24. 6-7. — La seule rencontre sérieuse entre Macédoniens et Spartiates a lieu au Ménelaton (22. 8 — 23. 6), d'où Philippe déloge rapidement les troupes de Lykurgue.

[51] Ceci résulte clairement de Liv. (P.) 28. 8. 14 (ann. 208).

[52] Polybe, V, 2. 4 ; 2. 7 ; 2. 11 ; cf. 109. 4.

[53] Sur la décadence de la marine macédonienne à l'époque de Démétrios II et d'Antigone Doson, cf. Holleaux, B. C. H., 1907, 107 et note 3 ; E. Pozzi, Le battaglie di Cos e di Andros (Mem. dell' Accad. di Torino, 1911-1912), 385. — Au Léchaion, au printemps de 218, Philippe a des vaisseaux achéens joints aux siens : Polybe, V, 2. 4. Ces vaisseaux — probablement les kataphraktes, au nombre de cinq, qui ont échappé au désastre de Paxos (II 10. 5 ; cf. 9. 9) — doivent naturellement être distinguées des six qui sont mis à la mer en 217 (V, 91. 8) et qui opèrent sous le commandement du navarque achéen (94. 7-8 ; 95. 11-12). L'effectif total de la marine achéenne serait ainsi, en 217, de 11 bâtiments. Et, de fait, c'est bien celui que nous retrouvons une dizaine d'années plus tard : lors de la première guerre de Macédoine, Philippe reçoit des Achéens d'abord, en 209, 5 longæ naves (Liv. (P.) 27. 30. 15), puis, en 208, 6 autres bâtiments : 3 quadrirèmes et 3 birèmes (28. 8. 7). Sur l'état .de délabrement de la marine achéenne, cf. Liv. (P.) 35. 26. 5-6 ; Plutarque, Philop., 14. 5. — Transports venus de Messénie, d'Épire, d'Akarnanie, qui rejoignent Philippe à Képhallénia au printemps de 218 : Polybe, V. 3. 3 ; cf. ft. 4. En 229, les Akarnaniens avaient sept vaisseaux kataphraktes (II, 10. 1) ; je ne sais s'ils existent encore. — Lemboi (au nombre de 15 au lieu de 30 : cf. IV, 49. 7) amenés par Skerdilaïdas à Philippe : V, 3. 3 ; 4. 3. Skerdilaïdas ne demeure du reste l'allié du roi que pendant l'année 218 ; depuis la lin du printemps de 217, il est son ennemi.

[54] La flotte royale, que Polybe montre venant (de Démétrias ?) à Corinthe au printemps de 217 (V, 101. 2), comprend : 12 kataphraktes (cf. 101. 4), 8 aphraktes et 30 hémiolioi (ces 38 derniers vaisseaux, de petites dimensions, sont transportés par terre à travers l'Isthme (cf. 101. 4). Le total de 12 kataphraktes est, je crois, formé par 7 pentères macédoniennes (cf. Liv. (P.) 28. 8, 8 ; ann. 208) et les 5 longae naves des Achéens (Liv. (P.) 27. 30. 15 ; ann. 209 ; cf. la note précédente). Aux vaisseaux mentionnés par Polybe il faut joindre les quatre bâtiments placés sous les ordres de Taurion, qui doivent d'ordinaire stationner à Corinthe, mais qui, en 217, ont été envoyés à Leukas (Polybe, V, 95. 3 ; 101. 1).

[55] Pour les craintes qu'inspire à Philippe la marine romaine, cf. Polybe, V, 109. 2 ; 109. 5-6 (print. 216) ; 110. 4. — Il est à remarquer que, pendant la première guerre de Macédoine, Philippe n'essaie jamais avec ses seules forces de disputer la mer à M. Laevinus ni à P. Sulpicius. Il juge que, pour une pareille tâche, le concours des Puniques et de Prousias, auxquels il fait appel, lui est indispensable : Liv. (P.) 27. 30. 16 (ann. 209) (cf. 27. 15. 7 ; 28. 7. 17-18 ; 8. 8). Notons qu'à cette date (ann. 209), la flotte d'Attale ne s'est pas encore jointe à l'escadre romaine, et que celle-ci n'est forte que de 25 quinquérèmes : Liv., P., 28. 5. 1.