En 229[1], en 229
seulement, les Romains, en guerre avec les Illyriens, franchissent pour la
première fois l'Adriatique, prennent pied sur le rivage qui leur fait face,
puis rattachent à leur empire, par une sorte de protectorat, une partie
étendue de ce rivage. Selon quelques historiens, ce sont là des
manifestations certaines de cet esprit de conquête et de domination d'où
procèdent, à l'étranger, toutes les démarches de l'État romain : le Sénat commence
simplement d'exécuter, sur un théâtre nouveau, ce plan
d'extension méthodique[2] qu'il a,
croit-on, conçu de tout temps. Il bornait jusqu'alors ses entreprises au bassin
occidental de Au lendemain de la guerre d'Illyrie, les Romains, pour la
première fois, adressent des ambassades à quelques nations ou cités helléniques.
Voilà, pense-t-on, leur politique envahissante qui prend § I. — ORIGINES DE Rome, en 229, intervient par les armes en Illyrie. Il est nécessaire d'insister quelque peu sur les origines de cette guerre[7]. Certains historiens s'expriment de telle sorte qu'on croirait, à les lire, qu'elle a été de longue date préméditée par le Sénat, qui, pour l'entreprendre, n'attendait qu'un prétexte, et se saisir avidement du premier qui s'offrit[8]. C'est là une flagrante erreur. Née à l'improviste d'une cause purement fortuite, des violences intolérables des Illyriens et des injures de leur souveraine, Teuta, qui, en 230, succède à Agron[9], la guerre d'Illyrie n'a été en rien l'ouvrage des hommes d'État romains. Il n'y a nulle apparence qu'ils l'aient désirée ; il est certain qu'ils ne l'ont pas cherchée. Ils l'ont dû, et non voulu faire elle leur a été imposée. Depuis longtemps, comme on l'a vu déjà, la piraterie illyrienne inflige de cruels dommages au commerce de l'Italie, sans que le gouvernement romain en ait daigné prendre souci ni élever aucune protestation. Mais, en l'an 230, les corsaires envoyés par la reine Teuta dans les mers grecques se portent à des excès encore inconnus. Lors de la prise de Phoiniké, des marchands italiens, en grand nombre, ont été, non seulement dépouillés, mais emmenés en servitude ou même massacrés[10]. A cette nouvelle, en Italie et à Rome, l'opinion s'émeut et s'irrite, et les plaintes adressées au Sénat se font si véhémentes que les Patres, sortant de leur longue apathie, se jugent tenus d'y donner suite[11]. Toutefois, ils sont bien éloignés de prendre des décisions précipitées : ils pourraient exercer contre les Illyriens d'immédiates représailles ; ils estiment préférable d'user des voies de droit et de saisir Teuta de leurs griefs. Une ambassade la va trouver devant l'île d'Issa qu'elle assiège. Polybe définit ainsi la tâche prescrite aux légats : τούς έπίσκεψιν ποιησομένους περί τών προειρημένων (άδικημάτων)[12]. C'est trop peu dire : il ressort de son texte même que les envoyés du Sénat, porteurs d'une rerum repetitio en forme, doivent exiger de la reine la réparation des crimes et des dommages commis par ses sujets, et, de plus, l'engagement précis que la marine italienne sera désormais respectée[13]. Mais rien n'autorise à penser que l'État romain ait donné à ses réclamations une forme injurieuse ; rien ne permet de supposer qu'il ait machiné, pour provoquer Teuta, un ultimatum outrageant, et voulu se procurer, en la poussant à bout, l'occasion d'une victoire facile. Ceux mêmes qui croient, si volontiers et trop naïvement, au machiavélisme du Sénat ne le sauraient prétendre ; tout le récit de Polybe dément une telle idée[14]. L'étonnante patience observée jusque là par les Patres, le fait que, cette fois encore, ayant pour eux le droit, ayant la force, ils consentent à négocier, ne permet pas rie douter de leur volonté pacifique[15]. Ce conflit singulier qui met aux prises deux adversaires si prodigieusement inégaux pourrait se résoudre par un accommodement, le plus puissant n'ayant point dessein d'abuser de ses avantages. Il suffirait, pour que tout s'apaisât, que l'Illyrienne eût un peu de prudence et de raison, accordât quelques satisfactions pour le passé, et garantit, pour l'avenir, aux navigateurs venant d'Italie la sécurité qui leur est due. Mais le malheur est que ses yeux restent fermés au péril,
trop nouveau, dont elle est menacée[16]. Des Romains,
elle ne sait ou ne veut savoir qu'une chose : c'est que jamais leurs escadres
n'ont paru dans les eaux de Grèce ni d'Illyrie. Une entreprise armée de Aussitôt informés du meurtre de leur envoyé, les Romains s'y sont décidés. Dans leur colère, raconte Polybe[25], ils poussent leurs préparatifs, enrôlent des troupes, assemblent une flotte. Ils ne sauraient moins faire ; si brutal est l'outrage que la vengeance ne peut être différée. Il est d'ailleurs possible, comme on l'a justement observé[26], que la nouvelle, parvenue à Rome entre temps, de la mort de Démétrios, l'allié de l'Illyrienne, confirme encore le Sénat dans sa résolution ; mais cette résolution a été arrêtée dès le premier moment[27] ; elle est la conséquence, directe et nécessaire, de la folie de Teuta. Je n'ai point à raconter les événements qui suivent ; il suffit de les rappeler[28]. On sait comment, dans l'été de 229, les consuls en charge, d'abord Gn. Fulvius, puis A. Postumius, ouvrent la campagne, l'un avec la flotte, forte de 200 voiles, l'autre à la tête de l'armée consulaire, qui compte 20.000 hommes et 2.000 chevaux[29] ; comment, grâce à la trahison de Démétrios le Pharien, phrouarque de Kerkyra, qui ne perd point un moment pour passer à l'ennemi et lui livrer ses troupes, Fulvius devient sans coup férir maitre de l'île et de la ville ; et comment ensuite, conseillés et guidés par le même Démétrios, les deux généraux romains, qui opèrent de concert, prennent Apollonia sous leur protection, font lever aux corsaires le siège d'Épidamnos, poussent, sur le continent, une pointe heureuse au-delà du Drilon[30], délivrent l'île d'Issa bloquée par Teuta, réduisent au passage plusieurs places de la côte, obligent la reine à fuir jusqu'à Rhizon, et, malgré quelques échecs sur terre[31], remportent un si glorieux succès que, dès la fin de l'été, Fulvius peut ramener en Italie la majeure partie des forces romaines[32] et qu'au printemps suivant, Teuta se trouve contrainte à implorer, la paix. — Au reste, pour grand qu'il soit, ce succès n'a rien d'inattendu. L'invasion, la conquête de l'Illyrie continentale eût été une entreprise de longue haleine, difficile et chanceuse ; mais les Romains n'avaient garde d'en courir le risque[33]. En revanche, sur mer, il était certain qu'on verrait l'ennemi s'évanouir en poussière[34] à l'apparition de la première grande flotte venue d'Italie. On savait bien à Rome, par les rapports des navigateurs, que la narine illyrienne consistait toute en lemboi, c'est-à-dire en coquilles de noix : terrible aux Grecs, elle prêtait à rire aux commandants des quinquérèmes[35]. Sa déroute ne devait être qu'un jeu, dès l'instant qu'il plairait au Sénat de donner à quelque amiral — consul ou préteur — l'ordre de mettre le cap à l'Est. Le fait surprenant et notable, c'est que, sachant la tâche si aisée, la victoire tellement assurée, les Patres aient, attendu, pour donner cet ordre, d'y être contraints par une sanglante insulte faite à la majesté romaine. L'expédition de 229 donne lieu à une autre remarque. Elle
a pour théâtre les parages de § II. — RÈGLEMENT DES AFFAIRES ILLYRIENNES. C'est ce règlement des affaires illyriennes qu'il faut maintenant considérer. En effet, peut-être nous accordera-t-on que la guerre faite à Teuta n'est point née d'un désir de conquête ; mais ceux qui l'accorderont ne manqueront pas, sans doute, de soutenir que l'ambition romaine y sut quand même trouver son compte, et ils en allégueront pour preuve les résultats mêmes de la guerre. Rome, dira-t-on, ne s'est pas contentée d'infliger à la
reine barbare le châtiment mérité[40] ; de lui enlever
tout ce qu'elle avait conquis au midi de Lissos[41] ; de lui
défendre, comme à tous les dynastes illyriens[42], de jamais
s'aventurer, soit par mer, soit sur terre[43], au-delà de
cette ville, qui marquera désormais vers le Sud la limite infranchissable de
l'Illyrie maritime de l'astreindre, pour une série d'années, au paiement
d'une lourde indemnité de guerre[44] ; d'établir
enfin, à son côté, pour la surveiller et l'inquiéter, Démétrios le Pharien,
devenu, pour prix de sa défection, sous la tutelle romaine, le chef d'un État
demi-continental, demi-insulaire, fait en partie des dépouilles arrachées à
son ancienne souveraine[45]. Il y a plus[46], et la grande
nouveauté est celle-ci le Peuple romain range sous sa protection, c'est-à-dire,
pour parler net, soumet à sa domination bienveillante les cités grecques et les
peuplades barbares, empressées à lui faire dédition[47], qu'il a
débarrassées de la tyrannie ou soustraites aux menaces des Illyriens. Issa au
Nord, Kerkyra au Sud, entre les deux, sur le littoral, Épidamnos, Apollonia
et Orikos[48],
au-dedans des terres, la tribu des Parthiniens, voisine d'Épidamnos, et celle
des Atintanes, sur le bas Aoos, seront désormais comprises dans sa clientèle
; et, du coup, le voilà suzerain en droit[49], maitre en fait[50], des places
maritimes où aboutissent les routes du détroit, de la grande île qui en
couvre l'entrée, et, dans l'intérieur du continent, jusqu'à trente milles de
la côte, de villes fortes situées sur les confins de A tout prendre — et réserve expresse faite sur les projets orientaux du Sénat — il se pouffait que
cette opinion contint sa part de vérité. Il se pourrait que les Patres, jugeant l'acquisition précieuse,
eussent cédé surtout au désir de pourvoir l'État romain d'une bonne station navale sur l'Adriatique supérieure
: ce serait sans doute naïveté que de trop croire à leur désintéressement.
Toutefois, ils nous ont paru jusqu'à présent si insoucieux des choses
d'outre-mer ; nous les avons vus si peu disposés à tourner vers le détroit
d'Hydrous l'activité de la marine romaine ; l'histoire nous les montrera, par
la suite, répugnant si décidément à toute annexion en terre grecque, qu'il
faut prendre garde de trop accorder ici à leurs ambitions,
lesquelles seraient bien soudaines et n'auraient été que bien passagères.
L'établissement du protectorat romain sur les échelles helléniques et les
populations indigènes de Ce qu'il y faut voir, avant tout, c'est la suite directe
et le complément logique des décisions prises à l'égard des Illyriens, c'est
la naturelle garantie des accords qui leur ont été imposés. Il est bien, sans
doute, mais il ne saurait suffire d'avoir interdit au vaincus de sortir de
leur pays et de jamais s'étendre vers le Sud. Avec d'autres on pourrait se
reposer sur les serments reçus : mais comment se fier à ces pirates ? venant
d'eux quelle parole est sûre, quel engagement durable ? La crainte seule les
rendra loyaux. Et puisque les nations de l'Hellade, trop faibles ou trop
timides, sont, comme l'a montré une longue expérience, impuissantes à se faire
craindre d'eux ; puisque Ne mettons pas l'ambition, tout au moins ne la mettons pas
d'abord, là où il y eut sûrement de la prévoyance et peut-être nulle autre
chose. Au surplus, avant d'être si prompt à dénoncer l'humeur conquérante des
Patres, on eût pu observer qu'il n'aurait tenu qu'à eux de traiter En étendant leur protectorat sur la zone littorale
comprise entre Lissos et l'Épire, c'est d'abord contre les Illyriens[59] que se précautionnent
les Romains ; mais est-ce contre eux seuls ? Il se pourrait, et l'on doit se
garder ici d'inductions téméraires. Pourtant, il ne semble pas douteux qu'en
même temps que les Illyriens, derrière eux, c'est Il n'y a rien là qui puisse surprendre. Vraisemblablement,
le pensée et leur regard une fois attirés vers les terres d'outre-mer, leur
résolution une fois prise de combattre Teuta, les Patres
ont médité sur l'inoubliable aventure de Pyrrhos, vieille seulement de
cinquante ans. Et, sans doute, ils ont réfléchi que l'aventure est de celles
qui se peuvent renouveler ; que, maintenant comme jadis, le détroit d'Hydrous
a moins de cent milles de large[63] ; qu'une flotte
partie des ports de l'Illyrie n'a besoin, par bonne brise, que d'un petit
nombre d'heures pour gagner §. III. — PREMIER CONTACT DE ROME AVEC LES GRECS Ainsi donc, en 228, qu'il s'agisse des Illyriens ou de On l'imaginerait volontiers. Par sa vigueur a réprimer la
piraterie illyrienne, fléau commun des Grecs[69], Rome a bien
mérité d'eux tous ; et l'éclatante démonstration qu'elle a donnée de sa
puissance, l'envoi qu'elle a fait outre-mer d'une armée de plus de vingt
mille hommes, d'une flotte de deux cents voiles, sous ses deux premiers
magistrats, ont vivement ému les esprits. Sur une vue sommaire des choses on le pourrait penser[71]. Postumius,
aussitôt, la paix conclue avec Teuta, expédie une ambassade aux Aitoliens et
aux Achéens[72]
; à peu de temps de là, c'est, le Sénat lui-même qui envoie ses légats à
Corinthe et à Athènes[73]. Polybe prend
soin d'insister sur ces premiers rapports publics des Romains avec le monde
grec[74]. Et, certes,
l'événement pourrait être de grande conséquence. Il pourrait ouvrir un
chapitre nouveau dans l'histoire extérieure de Rome il pourrait marquer le
début d'entreprises par lesquelles le Sénat interviendrait assidûment en Grèce,
la soumettrait a son influence, la travaillerait contre Cette double démarche est de pure forme. En Aitolie et en Achaïe
tout se réduit à des démonstrations de courtoisie, à un échange de politesses
diplomatiques. Aux deux nations grecques les représentants du consul exposent
les raisons qui ont déterminé les Romains à passer le détroit, font le récit
de la campagne victorieuse d'Illyrie, donnent lecture du traité imposé à
Teuta[78]. Bref, ils
s'appliquent à justifier l'intervention romaine, à dissiper les craintes
qu'on en a pu concevoir, à en faire valoir les heureux effets, et, par une
déférence flatteuse, affectent de solliciter l'approbation des Achéens et des
Aitoliens. Ceux-ci leur répondent par des décrets louangeurs, prodiguent aux
Romains les témoignages de leur φιλανθρωπία[79]. Mais les choses
s'arrêtent là. Ni en Achaïe, ni en Aitolie, les délégués de Postumius
n'engagent de négociations ; et personne n'en vient engager après eux, car
leur ambassade n'est suivie d'aucune autre[80]. Rome croit
assez faire en adressant un salut courtois aux deux grandes confédérations helléniques
; elle ne songe point à se les attacher[81]. Elle n'y
songera de longtemps : seize ans se passeront avant qu'elle s'unisse par un
traité à l'Aitolie ; trente ans, avant qu'elle essaye d'obtenir l'alliance
des Achéens. Si Postumius a député auprès de ces deux États, c'est qu'ils se
sont tout à l'heure efforcés de défendre contre les Illyriens les intérêts
communs des Grecs[82], et que les
Romains, prenant leur place, viennent d'accomplir la tâche qu'ils avaient assumée
en vain. Et, de même, si les délégués du Sénat se montrent à Corinthe et à
Athènes, c'est à seule fin de recueillir dans ces deux grandes places de
commerce[83],
les plus actives de L'opinion contraire est fort répandue ; une courte discussion ne sera donc point inutile. Quelques érudits sont d'avis que, peu après 228, lors de la venue à Athènes des légats du Sénat, une alliance fut conclue entre l'État romain et les Athéniens[87]. Ils n'ont point prêté une suffisante attention au texte même qu'ils allèguent, au seul qu'ils puissent alléguer. Ce texte se trouve dans Dion-Zonaras[88]. On voit que, dans ces lignes, il est question de φιλίας mais nullement de συμμαχία ; le mot alliance n'y figure point[89]. Les Romains ont contracté amitié avec les Athéniens ; autrement dit, les deux nations se sont unies par un fœdus amicitiæ : voilà ce que rapporte Dion. — Reste à savoir si ce renseignement est exact. Ce qui le rend, a priori, suspect, c'est que les Athéniens ne se seraient point contentés de former amitié avec les Romains : ils leur auraient conféré la πολιτείς et le droit de « prendre part aux Mystères[90]. Que ces dernières assertions soient inacceptables, on n'en peut raisonnablement douter[91], et, dès lors, la première inspire de naturelles défiances. Le fait est qu'il la faut rejeter, et pour un double motif. Polybe mentionne en ces termes la venue des ambassadeurs romains à Corinthe et à Athènes (II, 12. 8). Au sujet des honneurs conférés par les Corinthiens aux Romains, il y a, comme on voit, accord entre Polybe et Dion ; celui-ci ajoute seulement un détail : le nom du premier Romain qui remporta le prix de la course aux Isthmiques. Mais, s'il s'agit de ce qui eut lieu à Athènes, la discordance saute aux yeux : Polybe est muet, ainsi qu'il s'y fallait attendre, sur l'admission des Romains au Mystères et sur l'octroi, qu'on leur aurait fait en bloc, de la πολιτεία ; il est muet aussi sur cette amicitia qu'Athéniens et Romains se seraient empressés de contracter. Argumentum ex silentio, dira-t-on ; mais le silence de Polybe est plus considérable que l'affirmation de Dion. Qui croira que Polybe ait pu pécher ici par oubli ou par omission ? Il s'attache à signaler l'importance historique des plus anciennes ambassades envoyées par les Romains en Grèce ; si les Romains, dès ce premier contact avec les États grecs, s'étaient liés par traité au plus illustre d'entre eux, comment eût-il négligé de le rappeler ? La conclusion de ce fœdus aurait été un événement pour le moins aussi digne de mémoire que l'admission des Romains aux fêtes de l'Isthme. Le silence de Polybe inflige ainsi à Dion un démenti sans réplique. L'antique φιλία de Rome et d'Athènes, inconnue de Polybe, ne peut point avoir de réalité : ce n'est qu'une invention de l'Annalistique romaine. Au surplus, nous savons par Polybe (dans Tite-Live) quelle conduite tint le peuple athénien durant la première guerre de Rome contre Philippe. Il ne prit aucune part à cette guerre, bien qu'il se trouve encore des historiens qui s'obstinent dans cette vieille erreur[92] ; mais, à la suite et à l'exemple du roi d'Égypte, dont l'influence était sur lui toute-puissante[93], à la suite et à l'exemple des Rhodiens et des cités qui leur faisaient cortège, il s'efforça d'y mettre fin en réconciliant les Aitoliens avec Philippe[94], c'est-à-dire en les détachant de l'alliance romaine. Qu'une telle conduite fût incompatible avec la qualité d'amici populi Romani, nous l'avons dit lorsqu'il s'agissait des Rhodiens et de Philopator ; il le faut répéter au sujet des Athéniens ; et voilà dès lors la preuve qu'au temps de la première guerre de Macédoine, soit quelque vingt années après la démarche faite par le Sénat, ils n'avaient point encore formé d'amitié publique avec Rome. § IV. — ROME ET ANTIGONE DOSON. Ainsi, pas plus que les ambassades envoyées en Aitolie, en
Achaïe, à Corinthe, celle qui vient, vers la même époque, visiter les
Athéniens n'a de caractère politique ; ainsi, victorieuse en Illyrie, Rome ne
fait point usage de sa victoire pour tenter d'exercer une action politique
sur En effet, l'intervention romaine en Illyrie aura, par un
enchaînement inévitable, des suites qu'il lui faut prévoir et qu'il doit surveiller
; la précaution même qu'il a prise contre Elles ne tardent point à se produire : elles se produisent
dès le temps même que nous étudions. L'histoire nous offre là un spectacle
imprévu. — Au moment où les légions débarquent en Illyrie, la monarchie
antigonide connaît des jours tragiques. Je viens de rappeler l'invasion
dardanienne, les menaces des Aitoliens, la rébellion de Cette inaction remarquable du gouvernement romain, les
historiens modernes ont voulu l'expliquer. A les en croire, si le Sénat demeure
pendant sept ans si étranger aux choses de Mais ce n'est là qu'un de ces semblants d'explication dont
les historiens ont la commode habitude. Ils oublient trop que les hommes
publics, comme aussi bien les simples hommes, sont susceptibles de porter à
la fois leur attention sur des objets divers. Au reste, il ne semble point
que le Sénat ait d'abord suivi d'un regard si vigilant ce qui se préparait en
Espagne et dans Ce que le Sénat ne fit pas, il faut dire, non qu'il ne le pouvait, mais qu'il ne le voulut pas faire, ou n'y songea pas. Peut-être, bien que la chose paraisse peu croyable, l'idée ne lui vint-elle pas d'agir en Grèce contre Antigone ; s'il eut cette idée, il refusa ou dédaigna de s'y arrêter. Dans un cas comme dais l'autre, on voit s'il est exact de prétendre qu'il saisissait avec empressement les occasions de se mêler aux affaires du monde hellénique[118]. § V. — RÉSUMÉ ET CONCLUSION. Résumons les observations qui précèdent et voyons ce qui se dégage. La venue et le premier établissement des Romains dans la péninsule
grecque est un événement qui, dans les exposés des historiens modernes, revêt
un caractère singulier de fatalité. Ils y voient l'accomplissement d'une
nécessité presque inéluctable ; ils ne doutent pas que, plus tôt ou plus
tard, il ne dût se produire. L'interventio de
Rome dans les pays grecs, écrit fermement l'un d'eux, n'était et ne pouvait
être qu'une question de temps[119]. S'ils en
jugent de la sorte, nous savons pourquoi. Ils partent de l'idée que l'ambition de Rome croissait fatalement avec ses succès[120] ; que, poussés
par cette ambition, les Romains devaient fatalement
entrer en rapports toujours plus suivis avec l'Orient[121] ; et que le
Sénat eut, de très bonne heure, l'intention arrêtée
de l'étendre à l'est de l'Italie[122]. Par malheur,
est là une conviction que rien n'autorise. Cette intention
qu'on attribue aux politiques de Rome, on la leur attribue gratuitement ;
jamais, jusqu'en 229-228, ils ne l'ont laissé paraître. Rome souffre que les
offenses des Illyriens demeurent longuement impunies ; et tandis qu'au midi
de Observons à présent, car cette remarque n'a guère été faite, que si les Romains entrent enfin en rapports avec quelques États grecs, ce n'est point d'emblée ni par une démarche directe, mais par une sorte de ricochet, et seulement à l'occasion et a la suite de la guerre d'Illyrie. La première ambassade romaine que les Hellènes voient paraître devant eux n'est point venue d'Italie elle arrive de Kerkyra ou d'Apollonia[128] ; ce n'est point le Sénat, c'est l'un des consuls vainqueurs de Teuta, qui l'a envoyée aux Aitoliens et aux Achéens ; et les ambassadeurs n'ont d'autre mission que de notifier à ces peuples les utiles résultats de l'expédition qui prend fin. Plus tard, la présence des légats sénatoriaux à Corinthe et à Athènes a pareillement pour cause la victoire de Rome sur les corsaires. Ainsi, ce premier et tardif rapprochement qui s'opère entre Romains et Grecs, n'étant que la conséquence d'un fait dont il faut reconnaître le caractère accidentel, n'est, à son tour, qu'un accident. Supposons que la guerre d'Illyrie n'eût point eu lieu, combien d'années se fussent-elles écoulées avant qu'une ambassade fît route de Rome en Grèce ? Nul ne le saurait dire. Tant y a que le rapprochement se fait. Mais est-il tel
qu'il devrait être si les Romains, rêvant déjà de s'imposer en maîtres à
l'Hellade, avaient le désir intéressé de la pénétrer de leur influence ? Nous
avons vu que non ; nous avons vu combien, pour l'historien, il est, si je
puis dire, chose décevante. Il pourrait être fécond et demeure stérile ; il
reste dans l'histoire des deux pays un fait épisodique, sans portée ni
conséquences. Polybe parle de la 'Ρωμαίων
έπιπλοκή είς
τούς κατά τήν
Έλλάδα τόπους[129] ; il faut
prendre garde d'exagérer la signification de ces mots[130]. Un moderne,
les commentant à sa guise, montre la diplomatie
[ ?] romaine accomplissant en Grèce une
œuvre grandiose : ... Elle avait, dit-il, mis Rome en relations avec les ligues étolienne et
achéenne, avec Corinthe, avec Athènes, c'est-à-dire avec tout ce qui représentait
en Grèce la force militaire, l'organisation politique [ ?], la richesse
présente et les grands souvenirs d'autrefois[131]... Mais la
seule question est de savoir si ces relations
persistèrent, s'affermirent, devinrent étroites, et s'il en résulta enfin
quelque union durable. Il n'en est rien. Tout de suite après la guerre
d'Illyrie, Romains et Grecs s'oublient, redeviennent aussi étrangers qu'avant
cette guerre, et continuent, de chaque côté de la mer, de vivre leur vie à part
: nous le verrons de reste tout à l'heure quand nous étudierons les
événements des années 220-217. Entre eux il n'existe ni liaison d'intérêts,
ni commerce d'amitié ; de A partir de l'an 228, aux concours fameux de l'Isthme célébrés à la gloire de Poséidon, les athlètes, chanteurs et musiciens, venus de Rome ou de l'Italie romaine, les 'Ρωμαίοι, comme on les appelle, sont admis à l'honneur de disputer aux Hellènes les couronnes illustres faites de l'ache sacrée[134] : tel est, en Grèce, le seul gain que retirent les Romains de leurs victoires d'Illyrie, et c'est de quoi se contente alors leur ambition, qu'on dit si insatiable. |
[1] Sur la date de l'expédition d'Illyrie, voir De Sanctis, III, 1, 297, note 89, à l'avis duquel je me range pour tout l'essentiel.
[2]
G. Colin, Rome et
[3] G. Colin, 24.
[4] G. Colin, 663 ; cf. 36 ; 46.
[5] G. Colin, 49 ; 663.
[6]
G. Colin, 46 : Nous nous rendons bien compte du danger
que court, dès la fin du le siècle, l'indépendance de
[7] Le seul récit des origines de la guerre et de la guerre elle-même, qui mérite créance, est celui de Polybe (Fabius P) : II, 8 sqq. Dion (fr. 49. 3-7 ; I, 180-182 Boissev. = Zonaras, VIII, 19. 4-6) fourmille d'erreurs grossières. Il suffira de relever les suivantes : Teuta fait massacrer plusieurs ambassadeurs et emprisonner les autres (49. 3) ; — Démétrios de Pharos devient un agent de Teuta envoyé aux consuls pour traiter avec eux et leur remettre Korkyra (Zonar., 19. ; l'expédition des Illyriens contre Épidamnos et Apollonia (49. 6, = Zonar., 19. 5), comme aussi la défection de Démétrios (49. 7 s-e-Zonar. 9. (3), est placée beaucoup trop tard ; — ce qui est dit des vaisseaux remplis de trésors, envoyés du Péloponnèse à Teuta et capturés par les Romains (Zonar., 9. 6), ne se comprend pas (il semble que Dion mêle ici des faits rapportés par Polybe à eux dates différentes : II, 5. 1 et II, 14) ; enfin ; la longue histoire alternée des défaillances de la reine et de ses retours d'audace parait n'avoir été imaginée que pour lustrer le thème (49. 4), dont l'idée première peut avoir été suggérée par les indications de Polybe : II, 4. 8 ; 8. 12 : j'ai dit ailleurs que le prétendu recours des habitants d'Issa aux Romains (Dion, fr. 49. 1-2) ne peut être tenu pour historique. Je ne m'explique pas bien que De Sanctis ait, dans son exposé de la guerre d'Illyrie (III, 1, 293-298), fait emprunt à Dion en même temps qu'à Polybe.
[8]
Voir, par exemple, ce qu'écrit G. Colin, (Rome et
[9] Polybe, II, 4. 6-7 ; cf. Dion, fr. 49. 3 (I, 181 Boissev.) ; Appien, Illyr., 7. — De Sanctis, III, 1, 293, note 74. — Teuta exerce le pouvoir pendant la minorité de Pinnès, fils d'Agron et de Triteuta.
[10] Polybe, II, 8. 2.
[11] Polybe, II, 8. 3.
[12] Polybe, II, 8. 3.
[13] Cf. Polybe, II, 8. 6 ; 8. 8.
[14] La chose est également vraie du récit (du reste sans valeur) de Dion, qui nous montre complaisamment le Sénat débonnaire se laissant amuser par les feintes soumissions de la reine.
[15] Il faut noter que les Romains ne commencent leurs armements qu'après l'échec des négociations et le retour de l'ambassade : Polybe, II, 8. 13.
[16] Cf. Polybe, II, 4. 8.
[17] Cf., à ce sujet, les remarques faites par De Sanctis, III, 1, 296.
[18] Polybe, II, 8. 7.
[19] Polybe, II, 8. 8.
[20] Polybe, II, 8. 10-11. — La réflexion de Polybe (8. 9) est intéressante en ce qu'elle montre que Polybe n'est pas, comme on pourrait le craindre, systématiquement favorable aux Romains. — T. Frank (Roman Imperialism, 116) croit à tort que L. Coruncanius signifia un ultimatum à Teuta ; les paroles prononcées par le légat gardent un caractère privé.
[21] Polybe, II, 8. 12 ; cf. 4. 8.
[22] Polybe, II, 8. 12. — Il est clair qu'on n'a jamais pu savoir si Teuta avait donné l'ordre 'assassiner le légat romain ; et il est sans doute assez vain de se poser la question. Mais il ressort du silence de Polybe que la reine jugea superflu de décliner la responsabilité du meurtre, et qu'elle ne fit point part de ses regrets au Sénat. Une telle conduite autorisait tous les soupçons. Chez Dion (fr. 49. 5 = Zonar. VIII, 19. 4), Teuta essaie de se disculper, mais seulement après que la guerre lui a été déclarée à Rome.
[23] Polybe, II, 9. 1 (printemps de 229).
[24] Polybe, II, 9. 2 — 10. 9.
[25] Polybe, II, 8. 13. - D'après Dion (fr. 49. 5 = Zonar. VIII, 19. 4), il y aurait eu, à Rome, ne déclaration de guerre en forme ; la chose est possible, bien qu'en raison des circonstances, une telle déclaration ne fût pas du tout indispensable.
[26] Cf. Niese, II, 286 ; De Sanctis, III, 1, 297, note 89. La mort de Démétrios, arrivée probablement dans l'hiver de 229/228, n'a précédé que de peu de mois le départ des Romains pour l'Illyrie (cf. Polybe, II, 44. 2). — Sur l'invasion des Dardaniens en Macédoine, qui fait suite à cette mort : Justin, 28. 3. 14 ; cf. Trogue Pompée, prol., 28.
[27] Niese se méprend certainement lorsqu'il écrit, (II, 286) : ...man darf wohl annehmen, diss Zeit und Ausführung ihres Unternehmens (der Römer) dadurch [il s'agit de la mort de Démétrios et de ses conséquences] wesentlich mit bestimmt worden sind. Démétrios aurait continué de vivre, que l'expédition romaine n'en aurait pas moins eu lieu et sans retard.
[28] Polybe, II, 11. 1 sqq.
[29]
On s'est étonné, non sans motif, d'un si grand déploiement de forces (voir, par
exemple, G. Colin, Rome et
[30] Polybe, II, 11. 10 ; sur cette opération, qui ne parait point avoir eu beaucoup d'ampleur, cf. De Sanctis, III, 1, 300 et note 93 ; Zippel, Röm., Herrsch. in Illyrien, 51.
[31] Polybe, II, 11. 13 : échec près de Noutria (?).
[32] Je suis ici Polybe (II, 12. 1), sans me troubler de la difficulté, signalée par De Sanctis (III, 297, note 89), qui résulte de l'indication des Fasti triumph, relative au triomphe de Gn. Fulius. Ne peut-on tenir cette indication pour suspecte, comme mainte autre de leur origine ?
[33] Voir les remarques de Beloch (III, 1, 689, 1) sur le récit de Polybe l'armée romaine vite de pénétrer dans l'intérieur de l'Illyrie.
[34] Mommsen, R. G., I7, 549.
[35] Sur l'impuissance des lemboi contre les vaisseaux de ligne, cf. Polybe, V, 109. 2-3, 110. 4. A Paxos, ils sont enfoncés par les navires kataphraktes des Aitoliens et des Achéens (Polybe, II, 10. 4) ; si, dans cette rencontre, les Illyriens finissent par être vainqueurs, c'est que l'escadre ennemie ne compte que dix navires, et qu'usant de stratagème et forts de leur grand nombre, les épibates embarqués sur les lemboi s'élancent à l'abordage et combattent comme à terre (ibid.). A Khios, en 201, les lemboi de Philippe causent le sérieux embarras à la flotte rhodienne (Polybe, XVI, 4. 8-10) à celle d'Attale, mais Attale et les Rhodiens réussissent pourtant à en couler ou revendre soixante-douze (7. 1-2).
[36] Cf. Polybe, II, 11. 2 : Cn. Fulvius cingle et droiture vers Kerkyra : c'est le premier but qu'il s'est assigné.
[37] Cf. Polybe, II, 12. 3 (défense faits aux illyriens de naviguer plus loin que Lissos) ; 12. 5-6.
[38] Je ne sais comment Niese peut écrire (Grundriss 4, 106) : Anderseits machten die Römer bei dieser Gelegenheit gemeinschaftliche Sache mit den Ätolern und Achäern, die mit Maliedonien in Krieg lagen.
[39] Cf. Polybe, XVIII, 45. 9, et le discours de T. Quinctius à Nabis en 195 : T. Live, (P. ?) 34., 2. 13.
[40]
Dans ce qui suit, je ne fais guère que reproduire, en la rectifiant sur
quelques points de fait, l'argumentation de G. Colin (Rome et
[41] Notamment l'Atintania. Il n'est pas douteux que les Parthiniens (cf. Polybe, II, 11. 11) fussent devenus aussi sujets des Illyriens. — comme on l'a généralement reconnu, l'affirmation de Polybe (II, 12. 3) — est singulièrement exagérée.
[42]
Cela résulte de Polybe, III, 16. 3 ; 1V. 16. 6 ; cf.
[43] Il n'est parlé dans Polybe que de l'interdiction faite aux Illyriens d'envoyer leurs lemboi au sud de Lissos : II, 12. 3 — ; mais il va de soi que leurs troupes de terre doivent aussi respecter cette limite. Cf. Täubler, Imp. Romanum, I, 77 ; Zippel, 53.
[44] Polybe, II, 12. 3. — Comme l'a bien vu Beloch (III, 1, 689, 1), il s'agit là d'une indemnité de guerre payable par annuités ; pour le même emploi du mot φόρος, cf. Polybe, XV. 20. 7 ; XVI II, 44. 7, etc. Si l'on admet l'indication, à la vérité très douteuse, qui se trouve dans T. Live (Ann.), 22. 33. 5, l'indemnité n'aurait pas encore été versée entièrement en 217.
[45] Polybe, comme l'a remarqué De Sanctis (III, 1, 302, note 98), s'exprime avec une évidente exagération (II, 11. 17). — De Sanctis (302) pense que Démétrios fut mis par les Romains en possession de Lisses et de la région avoisinante. Cela me parait douteux, car Démétrios demeura maître de Pharos, son domaine patrimonial, et la distance est bien grande entre Pharos et Lissos. Le plus probable, semble-t-il, est que sa δυναστεία comprenait, avec Pharos, quelques îles et localités de terre ferme situées dans le voisinage (cf. Beloch, III, 1, 689 ; Niese I, 284). Au reste, on ne peut sur cette question énoncer que des conjectures.
[46] Cf. Mommsen, R. G., I7, 550.
[47] Dédition des Kerkyréens : Polybe, II, 11. 5-6 ; — des Apolloniates : 11. 8 ; — des Épidamniens : 11. 10 ; — des Parthiniens et des Atintanes : 11. Il ; — des Isséens : 11. 12. — Polybe, à propos des Kerkyréens et des Parthiniens (11. 6 ; 11. 11), emploie l'expression παραδέχεσθαι είς φιλίαν ; mais il est évident que le mot φιλία ne désigne point ici l'amicitia publique établie par traité.
[48] Pour Orikos, que ne nomme point Polybe dans II, 11 ni VII, 9. 13, cf. T. Live, (P.) 24. 40 ; 26. 25. 2 ; Dion-Zonar., IX. 4. 4.
[49] Sur la condition de ces villes et de ces peuples à partir de 228, cf. Zippel, 87 suiv. ; Niese, II, 285 ; Beloch, III, 1, 689 et note 1 ; De Sanctis, III, 1, 301-302 ; et surtout Täubler, Imp. Romanum, I, 25 et note 2. C'est par un léger abus de terme qu'on les qualifie quelquefois d'alliés du Peuple romain (voir, par exemple, T. Frank, Roman Imperialism, 117). Leurs libertés leur furent maintenues, mais seulement à titre précaire, en vertu d'une décision gracieuse et toujours révocable. — On a pensé qu'Issa avait avec Rome un fœdus acquum (Zippel, 92-93 ; De Sanctis, III, 1, 301, note 96), parce qu'elle ne figure oint dans le traité de Philippe et d'Hannibal (Polybe, VII, 9. 13) à coté des autres localités dépendantes du Peuple romain. L'argument est sans valeur. On peut être assuré qu'Hannibal et Philippe n'ont pas poussé la subtilité jusqu'à faire une distinction entre les villes directement soumises à Rome et celles qui n'auraient été que ses alliées. Le silence ardé sur Issa dans le traité de 215 reste inexpliqué, et l'on n'en peut rien conclure quant la condition juridique de l'île.
[50] La vérité est exprimée crûment dans le traité entre Philippe et Hannibal : Polybe, VII, 9. 13 : cf. III, 16. 3. — Appien, Illyr., 7, s. f.
[51] Notamment Antigoneia, dans l'Atintania.
[52] Cf. De Sanctis, III, 1, 300.
[53]
G. Colin, Rome et
[54] Dès 315 (cf. Beloch, III, 2, 202), Apollonia avait été assiégée par les Illyriens ; elle fut alors délivrée par Akrotatos d'Épire (Diodore, XIX. 70. 7). Un peu plus tard (314 ?), a ville, ayant chassé la garnison qu'y avait mise Kassandre, se trouve réduite à se donner aux Illyriens (Diod., XIX. 89. 1).
[55] Noter ce que dit Polybe au sujet des Kerkyréens : II, 11. 5.
[56] Remarquer que, dès l'hiver de 229/228, A. Postumius, resté en Illyrie, forme un corps de troupes au moyen de contingents levés dans les villes qui se sont données aux Romains : Polybe, II, 12. 2. — Sur les auxiliaires ultérieurement fournis par les mêmes villes, voir, par exemple, T. Live, (P.) 33. 3. 10 ; 42. 55. 9 (Apolloniates) ; 44. 30. 10 (Apolloniates, Bylliniens, Dyrrhachiniens) ; cf., pour les contingents maritimes d'Issa, les textes cités par Zippel, Röm. Herrsch. in Illyrien, 92.
[57] Mommsen écrit (R. G., I7, 550) : Also traten gleich Sicilien und Sardinien auch die wichtigsten Seestationen irn adriatischen Meer in die römische Botmässigkeit ein. On voit assez que le rapprochement manque d'exactitude.
[58]
G. Colin (Rome et
[59] Comp. l'observation de T. Frank (Roman
Imperialism, 117) à propos des événements de 219 : The
incident is worthy of notice ... because it
proves that the senate avoided the acquisition of territory east of the
[60] Polybe, II, 11. 11 ; cf. VII, 9. 13 ; Appien, Syr., 7-8.
[61] Sur l'importance militaire des défilés de l'Aoos, cf. Kromayer, Ant. Schlachtf., II, 36 suiv. ; Tarn, Antig. Gonatas, 311. — L'intérêt qu'attachent les Romains, d'une part, Philippe V, de l'autre, à la possession de l'Atintania apparaît bien aux conférences d'Aigion en 209 : T. Live, (P.) 27. 30. 13. Il est à remarquer qu'en 205, lorsque les Romains consentent à s'en dessaisir, l'Atintania fait retour à l'État macédonien : T. Live, (P.) 29. 12. 13 : P. Sempronius condiciones paria dixit — Atintania —, ut Macedoniae accederet. Philippe, bien qu'allié des Épirotes, ne la leur restitue point.
[62]
L'Atintania, comme l'a montré Beloch (III, 2, 316 ; cf. Tarn, Antig. Gonatas,
312), dut être conquise par Kassandre en même temps que l'Illyrie méridionale.
Elle tomba plus tard au pouvoir de Pyrrhos (Beloch, ibid. ; Tarn, 58) ;
mais que devint-elle par la suite ? Là-dessus les opinions diffèrent. Selon
Beloch (III, 2, 316-317 ; 320-321), elle serait demeurée à l'Épire jusqu'en 230
[229, Beloch], et les Épirotes l'auraient alors cédée à l'Illyrie gouvernée par
Teuta (III, 2, 320-321 ; III, 1, 660). Tarn, au contraire, est d'avis que
l'Atintania, reprise à l'Épire par Antigone Gonatas en 262, resta province
macédonienne jusqu'en 230 (Antig. Gonatas, 312 et note 3) ; il nie que
le texte de Polybe (II, 5. 6), allégué par Beloch, prouve qu'Antigoneia,
principale ville des Atintanes, dépendit de l'Épire lors de la prise de
Phoiniké. — Un examen attentif de la question m'a persuadé que c'est à Beloch
qu'il faut donner raison. En 229, les Romains établissent leur protectorat sur
l'Atintania ; c'est donc qu'à ce moment le pays est dans la dépendance de
l'Illyrie : si
[63] Cf. Nissen, Ital. Landeskunde, I, 94 : Des promontoires d'Akrokéraunie au cap d'Hydrous la distance n'est que de 63 kil. et peut être couverte en cinq heures. On compte environ 50 milles d'Hydrous à l'île de Sason (dans la baie d'Aulon) et 60 milles environ jusqu'au port d'Apollonia. Il y a 100 milles de Brundisium à Dyrrhachion (Épidamnos) et 90 milles de Brundisium à Aulon (ibid., II, 2, 878-879). — Le temps moyen pour la traversée du détroit d'Hydrous était d'un jour, comme le montrent quantité d'exemples historiques.
[64] J'ai laissé mon texte tel que je l'avais rédigé en 1913.
[65] Après le traité de l'Èbre avec Hasdrubal ; cf. T. Live, 21. 32. 4 ; 60. 3. Il y a eu de croire que les peuplades ibériques qui habitaient au nord du fleuve virent leurs fiertés garanties par les Romains : cf. Kahrstedt, Gesch. der Karthager, 375, 3.
[66] Il ne me parait pas douteux que Dimalé, dans le pays des Parthiniens, ait été soumise aux Romains dès 229.
[67] Polybe, III, 16. 4.
[68]
G. Colin, Rome et
[69] Cf. Polybe, II, 12. 6.
[70] Polybe, II, 12. 8.
[71]
Cf. G. Colin, 39 : Les Romains profitent immédiatement
de leur succès pour entrer en relations avec les principaux peuples de
[72] Polybe, II, 12. 4.
[73]
Polybe, II, 12. 8. G. Colin (Rome et
[74] Polybe, II, 12. 7. La seconde phrase se rapporte proprement à l'envoi fait par Postumius d'ambassadeurs en Aitolie et en Achaïe.
[75]
Alliance des Aitoliens et des Achéens contre Démétrios : Polybe, II, 44. 1 ;
46. 1. ; cf. 9. 7. — En 231 (cf. De Sanctis, III, 1, 293, note 73), attaque des
Aitoliens contre l'Akarnanie, qui est l'alliée de Démétrios (siège de Médion) ;
Polybe, II, 2. 5 sqq. — La paix entre l'Aitolie et
[76] Ferguson place la délivrance d'Athènes au commencement de l'été de 229 (Hellen. Athens, 207). Selon Beloch (III, 1, 663 ; cf. III, 2, 175 ; 525), elle est plus récente d'une année.
[77] C'est, par exemple, ce que n'hésite pas à faire Niese (II, 286). Cf. Grundriss der röm. Gesch4, 107. Mais, pour devenir ces willkormmene Helfer, à tout le moins eût-il fallu que les Romains eussent conclu des accords avec les Hellènes. E. Speck (Handelsgesch. des Alteri., III, 2, 4) reproduit l'opinion de Niese et l'exagère encore.
[78] Polybe, II, 12. 4.
[79] Polybe, II, 12. 4.
[80] C'est ce qui résulte clairement du silence de Polybe.
[81] Telle n'est point, à la vérité, l'opinion hardie de Speck (Handelsgesch. des Alteri., III, 2).
[82] Polybe, II, 9. 9-10. 1 sqq. (bataille de Paxos).
[83] Ceci a été bien vu par Beloch, III, 1, 689. — Pour le commerce d'Athènes à cette époque, cf. Ferguson, Hellen. Athens, 246-247.
[84] Cf. Polybe, V, 106. 8 ; cf. T. Live, (P.) 31. 45. 2 (ann. 199).
[85]
Il est, d'ailleurs, bien clair que la ville de Corinthe, faisant alors partie
de
[86] Corinthe redevient macédonienne en 223 ; cf. Beloch, III, 1, 735.
[87]
Voir notamment G. Colin, Rome et
[88] Zonaras, VIII, 19. 7.
[89] Cf. Ferguson, Hellen. Athens, 256, 2 ; De Sanctis, III, 2, 438 et note 98. — Dans le décret d'Athènes en faveur d'Euryklcidès (Dittenberger, Sylloge2, 233), le mot συμμάχους, restitué avec probabilité à la l. 16, ne saurait, quoi qu'ait pensé Köhler (IG, II, 1, 37 ; II 2, 834), désigner les Romains.
[90]
Le témoignage de Dion est accepté, sans restriction aucune, par Droysen, III,
483 trad. fr.) ; Mommsen, R. G., I7, 551 ; Diels, Sibyll. Blätter, 92 ;
G. Colin, Rome et
[91] Il est sans exemple que le peuple athénien ait octroyé par décret l'admission, même individuelle, aux Mystères. Effectivement, son autorité ne pouvait s'étendre jusque-là ; la μετουσία τών μυστηρίων n'était point un privilège dont il eût le droit de disposer à son gré. Les Mystères étant restés la propriété des deux familles sacrées d'Éleusis, les Eumolpides et les Kérykes, c'est à ces familles seules qu'il appartenait d'en ouvrir ou d'en interdire l'accès. On sait que tout ce qui avait rapport à l'initiation relevait uniquement de leur autorité, et que c'étaient leurs représentants qui, avant la célébration des Grands Mystères, prononçaient la formule d'exclusion ou πρόρρησις (cf. P. Foucart, Les Mystères d'Éleusis, 144-145 ; 147 ; 281-282 ; 309-310). Dans le texte de Zonaras, l'admission, tout à fait imaginaire, des Romains aux Mystères d'Éleusis est là pour faire pendant à leur admission, celle-ci certainement historique, aux fêtes de l'Isthme ; l'Annaliste reproduit par Dion n'a pas voulu que les Athéniens se fussent montrés moins généreux que les Corinthiens. — Il est singulier que, dans sa récente dissertation ayant pour titre : Romani ad Eleusi (Atti dell' Accad. di Torino, 1914-1915, 319 suiv., 369 suiv.), G. Giannelli ait passé sous silence l'indication de Zonaras.
[92] Par exemple, A. Schtschoukareff, B. C. H., 1888, 73 (cf., au contraire, Dittenberger, Syllogue2, 246, not. 1) ; R. Pöhlmann, Grundr. der gr. Gesch 4, 314 ; M. Brillant, Les secrétaires athéniens, 73 ; Graillot, Le culte de Cybèle, 42 ; T. Frank, Roman Imperialism, 143. Les historiens, indifférents à la tradition de Polybe, se sont laissé abuser par ce qui se lit chez T. Live, 29. 12. 14 ; ils s'imaginent que les Athéniens étaient, contre Philippe, les alliés des Romains.
[93] Polybe, V. 106. 7. Sur les relations d'Athènes et de l'Égypte après 229, cf. Ferguson, Hellen. Athens, 241-242 ; 250 ; 255.
[94] Les représentants d'Athènes interviennent en 209 à Phalara et à Aigion, en même temps que ceux de l'Égypte, de Rhodes et de Khios : T. Live, (P.) 27. 30. 4 ; cf. 30. 10-14. Leurs tentatives de médiation se sont certainement renouvelées pendant les années suivantes ; cf. Ferguson, Hellen. Athens, 255. — Contrairement à l'opinion de Ferguson (256, 2), je ne vois pas qu'il y ait rien à tirer de Polybe, IX, 40. 1, court fragment qui demeure isolé et dont le sens ne peut être précisé.
[95] Justin, 28. 3. 14. — Sur tous ces faits, voir Beloch, III, 1, 661 ; III, 2, 340-341 ; Niese, I, 287.
[96] Beloch (III, 2, 341 ; cf. III, 1, 661 et note 3) place en 228 la paix conclue par Antigone avec l'Aitolie (cf. Polybe, II, 45. 2) ; mais cette date n'est pas certaine et l'événement peut être un peu plus récent ; cf. Niese, II, 324, 2.
[97] Justin, 28. 3. 14.
[98] C'est ce qu'a bien vu Mommsen, R. G., I7, 551.
[99]
Le fait, d'ailleurs très singulier, que le consul n'expédie pas non plus
d'ambassade en Épire ni en Akarnanie peut avoir pour motif que ces deux États
sont alors soumis à l'influence de
[100] Voir Beloch (III, 1, 664 ; 718), qui a si bien dégagé le caractère de ces événements.
[101] Sur ces faits, Beloch, III, 1, 662-663 ; Niese, II, 289-290.
[102] Beloch, III, 1, 664.
[103]
Sur tous ces événements, Beloch, III, 1. 661-662 ; Niese, II, 287-288.
[104] Cf. Polybe, IV, 3. 2.
[105] Cf. Beloch, III, 1, 743, 1.
[106] Moins les ports de l'Akarnanie méridionale, Oiniadai et Nasos (?), qui appartiennent lors aux Aitoliens (Polybe, IV. 65. 2 sqq. ; cf. T. Live, (P.) 26. 24. 15).
[107] Polybe, III, 16. 4.
[108] Cf. Niese, II, 325-326 ; De Sanctis, III, 1, 304.
[109] Polybe, II, 21. 2-6 (ann. 236).
[110] Voir les justes remarques de Mommsen, R. G., I7, 553, 567-568, 575 ; cf. De Sanctis, II, 1, 288-289, 304. C'est seulement en 225 que le gouvernement romain s'avise de prendre es mesures indispensables pour arrêter l'invasion celtique : De Sanctis, III, 1, 306. Le fait qu'on avait envoyé l'un des consuls en Sardaigne (Polybe, II, 23. 6) parait bien indiquer qu'on fut surpris par les Gaulois.
[111] Polybe, II, 13, 3-4. Cf., sur la conduite du Sénat dans les affaires d'Espagne, Mommsen, R. G., I7, 566-568. — Je dois dire que je ne puis croire à la prétendue ambassade envoyée έπί κατασκοπή par le Sénat à Hamilcar en 231 Dion, fr. 48 (I, 178 Boissev.) ; on n'imagine pas que les Patres se soient laissé berner si naïvement par le général de Carthage. — En revanche, il ne parait pas douteux qu'ils n'aient promptement conclu alliance avec Sagonte.
[112] Polybe, II, 13. 7. Pour la date, De Sanctis, III, 1, 412, note 62.
[113] Cf. Polybe, II, 23. 7.
[114]
C. Jullian, Hist. de
[115] Sur les résultats immédiats de la victoire de Télamon, De Sanctis, III, 1, 312.
[116]
Une nouvelle étude de la question m'a convaincu que, contrairement à l'opinion
que j'ai autrefois soutenue (Mél. Nicole, 273 suiv.), la bataille de
Sellasia est bien de l'été de 221. Je me rallie à la solution adoptée par G.
Niccolini (
[117]
L'idée que les Romains eussent pu agir de quelque manière en faveur des
Aitoliens et de Kléomènes paraîtra sans doute bien aventurée à certaines
personnes. Peut-être seront-ce les rames qui estiment tout naturel que, vers
237, le Sénat ait été prêt à expédier les légions en Asie au secours de
Ptolémée III, — De Sanctis (III, 1, 298) fait observer que, par prudence, les
Romains devaient éviter un conflit avec
[118]
G. Colin, Rome et
[119] Beloch, III, I, 686.
[120] G. Colin, 29.
[121] G. Colin, 70.
[122]
G. Colin, Rome et
[123] Selon De Sanctis (III, 1, 412, note 64), c'est dans l'intervalle qui sépare la première et la seconde guerre puniques qu'un traité particulier aurait été conclu entre Rome et Emporiai (Emporion). Comme Emporion était une colonie de Massalia, il est probable que ses premières relations d'amitié avec les Romains sont encore plus anciennes.
[124]
C. Jullian, Hist. de
[125]
L'alliance de Rome et de Sagonte est antérieure à 220 et même à 226, comme De
Sanctis (III, 1, 417 et note 75), rectifiant Ed. Meyer (Sitz.-ber. Berl.
Akad., 1913, 708) et Kromayer (Hist. Zeitschr., 1909, 257), l'a
conclu avec raison de Polybe, III, 30. 1-2 ; cf. H. Hesselbarth, Hist.-krit. Unters. zur dritt. Dekade des
Livius, 90-91.
[126] C'est l'opinion, tout-à-fait paradoxale, de E. Cavaignac (Hist. de l'Antiquité, III, 280).
[127]
Beloch, III, 1, 685. Cf.
Mommsen, R. G., I7, 429.
[128] Polybe (II, 12. 2 sqq.) n'indique point le lieu où séjourna A. Postumius après le départ de Gn. Fulvius. Les ambassadeurs envoyés en Aitolie et en Achaïe reviennent à Kerkyra (12. 5)
[129] Polybe, II, 12. 7.
[130] On observera, du reste, que Polybe ne se sert ici que du terme έπιπλοκή (prise de contact) ; la συμπλοκή (connexion) des choses de Grèce et des choses d'Italie ne s'établit pour lui que plus tard, après la paix de Naupakte (217) : Polybe, V, 105. 4 ; cf. IV. 28, 5.
[131]
G. Colin, Rome et
[132] G. Colin, 25.
[133] G. Colin, 26.
[134] Théoriquement, le fait n'est pas sans importance. Wilamowitz écrit avec raison (Staat und Gesellschaft, 146) : ... die Römer (waren anerkannt) durch die Zulassung zu den hellenischen Nationalspielen als eine ebenbürtige, a]so im Grunde hellenische Nation ; mais les événements font assez voir que son importance est demeurée toute théorique.