§ IV. — PRÉTENDUES RELATIONS AVEC L'ASIE GRECQUE. Je ne saurais quitter ce sujet de la prétendue politique orientale des Romains au IIIe siècle, sans discuter brièvement une opinion qui a trouvé et trouve encore quelque crédit. Certains historiens ont pensé qu'au cours de ce siècle, des raisons d'ordre économique avaient induit le Sénat à entretenir des rapports publics avec plusieurs des grandes cités maritimes de l'Asie grecque, et à s'unir à elles par des traités commerciaux[1]. Ce qu'on a supposé — à tort — s'être passé dès la fin du ive siècle entre les Romains et l'État rhodien se serait ainsi passé, un peu plus tard, entre eux et d'autres États de la même région. Or, il va de soi que les traités dont il s'agit, bien que l'objet en fût proprement commercial, n'auraient pas laissé d'avoir quelque caractère politique : c'auraient été nécessairement des traités d'amitié[2]. Pratiquant en Orient une politique économique, le Sénat se serait trouvé par là même avoir, dans quelque mesure, une politique orientale. Il est visible que ceux qui professent cette opinion admettent implicitement deux choses : l'une, c'est que, dès le IIIe siècle, Rome avait dans l'Orient hellénique de grands intérêts commerciaux ; l'autre, c'est que, dès ce temps-là, la protection de ces intérêts tenait une place importante dans les préoccupations du gouvernement romain. Ces deux points doivent être examinés. Or, sur le premier, il y a déjà lieu de faire d'expresses
réserves. — Entendons-nous bien : qu'au IIIe siècle — et dès les temps les
plus anciens — Tant, y a que ces grands intérêts que, dès le IIIe siècle, Rome aurait eus dans l'Orient hellénique, échappent aux regards attentifs. Et c'est ici que se pose la seconde question. A supposer ces intérêts réels, y a-t-il apparence que le Sénat ait eu la prompte volonté de les servir et de les protéger, et qu'à cet effet il se soit hâté d'avoir en Orient une politique économique ? On croyait beaucoup jadis, à la suite et peut-être sur la
foi de Mommsen[20],
à la politique économique ou, comme on disait, mercantile
de l'État romain[21]. On est bien
éloigné aujourd'hui d'y croire aussi volontiers, du moins pour la période
antérieure à l'époque des Gracques[22] et le temps n'est
plus où, de l'aveu unanime, l'humiliation de Rhodes, la création du port
franc de Délos, la ruine de Carthage et celle de Corinthe passaient pour des
satisfactions accordées à la cupidité des financiers de Rome[23]. Que, dès le
cours du IIIe siècle, les considérations d'ordre économique aient été
puissantes sur l'esprit des Patres,
assez puissantes pour devenir, en certains cas, la règle de leurs rapports
ave l'étranger, c'est à coup sûr une opinion hardie et qui aurait besoin d'être
fortement appuyée sur les faits. Or, on n'en produit aucun qui l'autorise ;
mais on en peut, en revanche, alléguer plusieurs qui lui apportent un démenti
formel. Comme l'a justement signalé T. Frank[24], c'est chose
assez frappante que ni le traité de 201 avec Carthage, ni celui de 197 avec
Philippe, ni celui de 189 avec l'Aitolie, ni celui de 188 avec Antiochos ne
renferment une seule stipulation commerciale en faveur des Romains et de
leurs alliés l'Italie[25]. Et, d'autre
part, il y a lieu d'observer que le gouvernement romain, comme il a été dit
plus haut[26],
refusa longtemps de prêter attention aux doléances des marchands italiens
molestés par les corsaires d'Illyrie ; que ce fut seulement après 228 qu'il entra
en rapports officiels, du reste éphémères et sans conséquences, avec Athènes
et Corinthe[27],
c'est-à-dire avec les deux métropoles du commerce hellénique en Europe ;
qu'en 197, T. Quinctius n'hésita point à contracter alliance avec le roi
forban Nabis qui, par ses pirateries, rendait intenables les parages du
Péloponnèse[28]
; qu'en 189, l'amiral Q. Fabius Labeo s'abstint d'engager une action
vigoureuse contre les Crétois, écumeurs assidus des mers, dont l'île
regorgeait de captifs italiens et romains, et que les Patres firent preuve a leur endroit de la plus
patiente longanimité[29] ; qu'enfin, vers
l'an 180, l'allié préféré de Au surplus — et peut-être eût-il suffi de bien. marquer ce
point l'embarras est grand de découvrir ces États marchands de l'Orient
hellénique, avec qui Rome se fût pressée de conclure des traités de commerce
et d'amitié. Quels seraient-ils, quelles seraient ces villes maritimes dont
on parle en termes vagues, sans se risquer à prononcer aucun nom[32] ? J'ai tenté
cette recherche et l'ai tentée sans succès. — S'agit-il d'Éphèse, de Samos,
d'Halikarnasse ? Non point ; car ces cités dépendent, au IIIe siècle, tantôt des
Séleucides, tantôt et finalement des Ptolémées[33], et ne sont donc
pas maîtresses de leurs relations extérieures. — S'agit-il de Byzance, de Mytilène,
de Khios ? Non encore ; car ces villes, alliées, amies ou clientes de Rhodes,
se montrent, comme Rhodes elle-même, décidément hostiles aux Romains lors de
leur première guerre contre Philippe[34]. — S'agit-il de
certaines des villes dites autonomes,
échelonnées sur les rivages d'Asie qui ont réussi à secouer la domination des
deux grandes monarchies, orientales et qui sont parvenues à recouvrer, en
fait, leur indépendance ? Non vraiment ; car l'histoire de la longue querelle
diplomatique qui précède la guerre d'Antiochos fait voir qu'au début du IIe
siècle, aucune de ces villes n'est unie à Rome par d'anciennes relations
d'amitié[35].
Lorsque commence cette guerre, les seules qui aient fait appel aux Romains
contre le Séleucide, les seules dont les Romains soutiennent la cause, les
seules qui leur soient connues, sont Lampsaque, Smyrne et Alexandrie-Troas[36]. Mais ils ne les
connaissent que de la veille ; ce n'est qu'en 196[37] que, menacées par
Antiochos et jugeant nécessaire de se couvrir de la protection romaine, ces
trois villes se sont mises en rapports avec le Sénat ; jusque-là elles lui
étaient demeurées tout-à-fait étrangères[38]. Quant aux
autres cités helléniques, il n'est fait
mention d'aucune d'elles, en 196 ni 193, dans ces discussions laborieuses où les
Patres, jaloux d'enrayer les progrès
d' Antiochos, curieux de lui opposer sans cesse des obstacles, affectent un
si grand zèle à défendre contre lui les droits des Hellènes
d'Asie, qu'il prétend replacer sous sa suzeraineté[39]. Ce silence est
la preuve qu'à la réserve des Lampsakéniens, des Smyrniens et des
Alexandrins, les Hellènes d'Asie se sont abstenus de solliciter l'assistance
de Rome[40].
Or, est-il besoin d'indiquer que les choses se seraient passées différemment,
si certains d'entre eux avaient pu, de longue date, se dire les amis du Peuple romain ? Nantis d'un titre si
précieux, il est clair qu'ils s'en fussent prévalus auprès du Sénat afin
d'obtenir son appui. Ce qui ressort de ces observations, c'est que, durant
tout le IIIe siècle, Rome et les villes autonomes de |
[1] Voir notamment De Sanctis, II, 427 ; III, 2, 438, note 96.
[2] Effectivement, comme l'a fait observer Täubler (Imp. Romanum, I, 205), le droit public romain ne connaît pas de traités qui soient simplement commerciaux. Tout traité conclu par le Peuple romain est un acte politique : fœdus amicitiæ, fœdus societatis, traité de clientèle. — De Sanctis indique expressément que les traités conclus, au IIIe siècle, par les Romains avec les cités d'Asie auraient été des traités d'amitié (trattati d'amicizia) (III, 2, 438, note 96).
[3] Voir son exposé des motifs commerciaux (commerciellen Motive) qui auraient fait entreprendre aux Romains leur seconde guerre contre Philippe : R. G., I3, 697-698.
[4] Homolle, B. C. H., 1884, 83. Le même auteur admet qu'il y eut intervention de Rome dans le commerce de l'Orient dès le début du IIe siècle (ibid. 79). Cf. De Sanctis, III, 2, 401 : ... Il mercante Italiano, il quale nel corso del secolo III sempre più imparava a frequentare i porti del Levante.... — H. Graillot (Le culte de Cybèle, 33) estime que, depuis sa victoire sur Pyrrhus, Rome a étendu ses relations avec les États grecs et que, selon toute vraisemblance, elle n'est pas sans rapports de commerce avec les grandes cités marchandes qui constituent alors les Échelles du Levant, Rhodes, Mitylène, Smyrne, Cyzique....
[5]
G. Colin, Rome et
[6] Homolle, Rapport sur une mission archéologique à Délos (Arch. miss. scientif., 1887), 424 ; cf. B. C. H., 1884, 78 : Grâce à eux [les documents épigraphiques de Délos], on verra cette colonie [romaine] se former (250-168), se développer et devenir prospère...
[7] Voir notamment les critiques de T. Frank, Americ. histor. Review, 1913, 241 et note 19 ; Roman Imperialism, 284-285, 295, note 24.
[8] Voir, avant tout, le mémoire de J. Hatzfeld, Les Italiens résidant à Délos (B. C. H., 1912, 1 suiv. ; en particulier, 102 suiv., 140, etc.) ; cf. P. Roussel, Délos colonie athénienne, 75 suiv. ; T. Frank, Roman Imperialism, 284-285, et les autres écrits du même savant, cités ici dans les notes. — Je n'ai pu prendre qu'une connaissance sommaire du livre tout récent de J. Hatzfeld, Les trafiquants italiens dans l'Orient hellénique (Paris, 1919). Je dois dire que, dans ce remarquable ouvrage, l'auteur me semble assigner parfois une date trop ancienne aux premières entreprises du commerce italique en Orient ; ses conclusions sur ce point (voir, par exemple, 19-20, 178-179, 367) outrepassent et vont jusqu'à contredire les observations si exactes et si précieuses qu'il a faites sur les inscriptions de Délos.
[9] Cf. Hatzfeld, B. C. H., 1912,140-141. Il n'est fait mention, pour le IIIe siècle, que du θαυματοποιός Σέρόων (IG, XI, 2, 115), qui se qualifie de 'Ρωμαΐος, mais dont le nom n'est pas latin (cf. la note de F. Durrbach sur IG, XI, 2, 115), d'un ouvrier agricole appelé Νόυιος (IG, XI, 2, 287, A, l. 58), et d'un citoyen de Canusium en Apulie (IG, XI, 4, 642) ce qui est assurément peu de chose. Hatzfeld (80) admet que la famille des Staii a pu s'établir à Délos dès la fin du IIIe siècle (avant 220) ; mais elle semble originaire de Cumes.
[10] Cf. P. Roussel, Délos colonie athénienne, 75-76 : Les recherches les plus exactes n'ont permis de découvrir, dans les textes antérieurs à 166, que quelques mentions de personnages de noms romains qui aient été des particuliers, peut-être des marchands ; Hatzfeld, B. C. H., 1912, 102 : C'est à la fin de la période de l'indépendance qu'on... voit apparaître les premiers 'Ρωμαΐοι [nom qui ne désigne pas du tout nécessairement des Romains : cf. 132 suiv., 138] ; mais ils restent rares jusqu'au moment où Délos est rendue aux Athéniens ; Les trafiquants italiens, 20, 34, etc.
[11] P. Roussel, 87 suiv. ; T. Frank, Roman Imperialism, 284-285 ; Hatzfeld, Les trafiquants italiens, 374.
[12] P. Roussel, 76 : Nous avons [vers 160-150], si l'on veut, l'embryon d'une colonie italienne... Pour saisir une réalité plus consistante, il faut en venir à l'époque qui suivit la ruine de Corinthe ; cf. Hatzfeld, Les trafiquants italiens, 28.
[13] Hatzfeld, B. C. H., 1912, 104 : A partir de 125 environ, les 'Ρωμαΐοι se multiplient à Délos. — C'est... dans le dernier quart du IIe siècle que les Italiens sont assez nombreux pour mériter une mention spéciale dans l'ensemble de la population de l'île... Il résulte des recherches de J. Hatzfeld (110-117) que l'édifice spécialement affecté à la colonie italienne (Agora des Italiens) n'a été construit que vers l'année 100. Cf. T. Frank, Roman Imperialism, 285 ; Classic. Journal, 1909-910, 104.
[14]
On m'objectera la ρωμαική
ναΰς (Plut., Arat., 12) en route pour
[15] Hatzfeld, B. C. H., 1912, 131 suiv. ; Les trafiquants italiens, 240-242, 243-244, sur l'emploi abusif du terme 'Ρωμαΐοι à Délos ; cf. T. Frank, Roman Imperialism, 285.
[16] Cf. Nissen, Ital. Landeskunde, II, 2, 738-739 (Ch. Dubois, Pouzzoles, 65 suiv., n'ajoute rien). L'établissement du portorium est, comme on sait, de 199 ; la colonie romaine est fondée en 194. Le commerce de Puteoli grandit pendant le IIe siècle ; il atteint un haut degré de prospérité vers l'an 100.
[17] Les cités qui suivent alors la même politique que Rhodes ont ses alliées ou ses clientes : Byzance, Khios, Mytilène (Polybe, XI, 4. 1).
[18] Polybe, IX, 11 a.
[19] Polybe, IX, 11 a. 2. Ce qu'ajoute Polybe est
là une erreur manifeste : à l'époque dont il s'agit, après la victoire
d'Antiochos sur Achalos (213), il n'y a point de guerre dans
[20]
Voir, par exemple, la façon trop hardie dont A. Merlin (L'Aventin dans
l'Antiquité, 278-280) amplifie les indications de Mommsen : (279) Après comme avant et pendant les guerres puniques,
(la classe mercantile) exerce un minutieux contrôle
sur l'opportunité et la direction des opérations militaires. Elle exige que
l'on tienne compte de ses appétits, de ses revendications, qu'on lui fasse une
large part dans les gains de la victoire, etc. Je voudrais qu'on montrât
dans les textes un mot, un seul mot, qui autorisât ces affirmations. — Cf., au
contraire, T. Frank, Econom. History of
[21]
G. Colin (Rome et
[22] Voir en particulier T. Frank, Roman Imperialism, 277 suiv., 283-286 ; et, sur l'importance attribuée à tort, avant l'époque des Gracques, aux intrigues et à l'influence des equites, 292-293. Cf. Hatzfeld, Les trafiquants italiens, 369-374 (noter que l'auteur n'a pas connu les travaux de T. Frank), 370 : Il est ... une première période où l'on ne peut relever aucune marque de [ces] préoccupations (mercantiles des Romains) : c'est celle des deux premières guerres de Macédoine et de la guerre contre Antiochus.
[23] On peut s'étonner qu'à propos de la création du port franc de Délos, Wilamowitz (Staal und Gesellschaft, 182) reproduise encore en partie l'ancienne doctrine. Cette création ne fut qu'une mesure de vengeance prise contre les Rhodiens et destinée à frapper leur commerce (cf. Polybe, XXX, 31. 10-12) ; rien ne permet de croire qu'elle ait eu pour objet d'avantager les négociants romains. Cf. T. Frank, Econom. History of Rome, 109. — Pour la destruction de Carthage, U. Kahrstedt, Gesch. der Karthager, 616, et, avec plus de réserve, Ferguson, Hellen. Athens, 329. Il vaut la peine de citer, comme l'a fait aussi T. Frank (Roman Imperialism, 293, 1), les paroles de Kahrstedt : Nirgendsin der guten antiken Literatur ist das bezeugt, was die Modernen, selbst Mommsen, als Grund der Zerstörung Karthagos angeben, die merkantile Eifersucht der italischen Grosskaufmannschaft. — Pour la destruction de Corinthe, bonnes remarques de Hatzfeld, Les trafiquants italiens, 373.
[24] T. Frank, Roman Imperialism, 283 ; cf. 279-280. — Le silence gardé sur les Romains et les Italiens dans le traité avec Antiochos est d'autant plus notable que ce traité maintient expressément aux Rhodiens les privilèges commerciaux dont ils jouissaient dans le royaume d'Asie : Polybe, XXI, 43. 16-17.
[25] T. Frank (279-280) a fait voir combien sont exagérées les conclusions qu'on a voulu tirer du sénatus-consulte relatif à Ambrakia (Tite-Live (P.) 38. Y. 4), qui exempte les Romains et leurs alliés des péages (portoria) établis par les Ambrakiotes ; cf. Econom. History of Rome, 108. — L'État romain, comme il a été rappelé ci-dessus, ne tire en Macédoine aucun profit de la défaite de Perseus.
[26]
Polybe, II, 8. I ; 8. 3.
[27] Polybe, II, 12. 8.
[28] Cf. Tite-Live (P.) 34. 32. 18-19 ; 36. 3. — Noter que, dans Tite-Live (P.) 34. 32. 18-19, il n'est parlé que des attaques dirigées par Nabis, durant la guerre de Macédoine, contre les convois qui ravitaillaient en Grèce l'armée romaine. Nulle allusion à des dommages causés, en temps de paix, à la marine de commerce italique et romaine. Ce silence ne laisse pas d'être un argument indirect contre la présence de cette marine dans les mers grecques au commencement du IIe siècle.
[29] Cf. Tite-Live (P.) 37.60. 2-5. — Voir, en général, les observations de Cardinali, Riv. di Filol., 1907, 12-16. C'est seulement en 184 que les Romains interviennent en Crète avec un succès relatif.
[30] Cf. Polybe, XXVII, 7. 5.
[31]
Cf. la conclusion générale de T. Frank (Econom. History of
[32] H. Graillot (Le culte de Cybèle, 33) parle de Rhodes, Mitylène, Smyrne, Cyzique, mais il est visible que ces noms sont jetés au hasard dans son texte.
[33]
Sur l'histoire de ces villes au IIIe siècle, voir, en général, Beloch, III, 2,
266, 271 suiv., et mes observations dans
[34]
Pour ce qui est de Byzance, comment d'ailleurs supposer que les Romains eussent
dès le IIIe siècle des intérêts commerciaux dans
[35] Ce qui parait déjà significatif, c'est que le Rhodien Thrasykratès, dans le discours si véhément contre Rome qu'il adresse en 207 aux Aitoliens, déclare parler au nom de tous les Hellènes qui habitent l'Asie (Polybe, I. 4. 6).
[36] A la vérité, en 193, les habitants de Téos ont prié le Sénat de reconnaitre l'άσυλία de leur ville, consacrée à Dionysos ; mais cette requête n'implique nullement qu'il existât auparavant des relations entre eux et Rome ; c'est même le contraire qui est certain : cf. O. Scheffler, De rebus Teiorum (diss. Leipzig, 1882), 29. Au reste, à l'époque indiquée, Téos n'est point une cité libre, mais dépend d'Antiochos ; cf. mon mémoire dans Klio, 1913, 158. — En 196, si les Romains prennent sous leur protection les petites villes d'Iasos, de Bargylia, d'Euromos et de Pédasa, précédemment occupées par Philippe, c'est là une simple conséquence de leur victoire.
[37] Il est même possible que la démarche faite à Rome par les Alexandrins-de-Troade ne date que de 192 ; cf. Cardinali, Regno di Pergamo, 69, 2. C'est cette année-là qu'ils ont nommés pour la première fois : Tite-Live (P.) 35.42. 2.
[38] Cela résulte avec évidence, pour Lampsaque, du décret en l'honneur d'Hégésias (Dittenberger, Sylloge 2, 276).
[39] Voir notamment les déclarations de T. Quinctius aux conférences de Rome, en 193 : Tite-Live (P.) 34. 58. 12 : sic et ab Philippo Græciam liberavit (populus Romanus), ita et ab Antiocho Asiæ urbes, quæ Graii nominis sint, liberare in animo habet — ; 58. 3 : ut et Romanis ius sit Asiæ civitatium amicitias et tueri, quas habeant (il s'agit là de Lampsaque, de Smyrne, et peut-être d'Alexandrie-Troas le mot amicitias n'est d'ailleurs pas pris dans son sens juridique), et novas complecti — ; 59. 4-5. — Dès 196, le Sénat affecte, pour gêner Antiochos, de prendre sous son patronage les Hellènes d'Asie, comme le montrent le sénatus-consulte relatif à la paix avec Philippe (Polybe, XVIII. 44. 2), les paroles adressées Corinthe par T. Quinctius aux ambassadeurs syriens (47. 1), et le langage tenu à Antiochos lui-même par L. Cornelius, à Lysimacheia (50. 7). Notons que c'est là une politique nouvelle motivée par les progrès du Grand-roi ; à l'automne de 198, aux conférences du golfe maliaque et de Nikaia, T. Quinctius laissait encore aux Rhodiens le soin de défendre contre Philippe les intérêts de l'Asie grecque : Polybe, XVIII. 2. 3-4 ; 8 . 9.
[40] Même en 193, aux conférences d'Éphèse, il n'est nommément question, dans les entretiens de Minnion et des légats sénatoriaux, que de Smyrne et de Lampsaque : Tite-Live (P.) 35. 16. 3 ; 16. 5 ; cf. 17. 6 ; 17. 8 : — Romanis de duabus civitatibus agi ; et allias civitates, simul duas iugum exuisse vidissent, ad liberatorem populum defecturas — ; plus tard, en 192, on leur trouve adjointe Alexandrie-Troas : 42. 2 : tres eum (Antiochum) civitates tenebant, Zmyrna et Alexandria Troas et Lampsacus eqs. Voir aussi Polybe, XXI. 3. 3 c'est seulement du conflit qui s'est ému entre le Sénat et Antiochos au sujet de Lampsaque, de Smyrne et d'Alexandrie-Troas, que la guerre est sortie. Il ressort du même texte (cf. 14. 2) que, si d'autres villes d'Aiolide et d'Ionie se placèrent sous la protection de Rome, ce ne fut qu'après le passage des Romains en Asie. — Je remarque, à ce propos, que T. Live exagère certainement, lorsqu'il parle (34. 57. 2 ; cf. 59. 4) de nombreuses ambassades qui seraient venues de l'Asie grecque à Rome au commencement de 193 ; il ne doit s'agir, en réalité, que des ambassades envoyées par les Lampsakéniens, les Smyrniens et, peut-être, les Alexandrins-de-Troade. On observera que, dans le passage correspondant de Diodore (XXVIII, 15. 1 ; 15. 4), il n'est parlé que des άπό τής Έλλάδος πρεσβεΐαι.
[41] Se rappeler d'ailleurs le texte déjà cité de T. Live : (29. 11. 1) nullasdum (en 205) in Asia socias civitates habebat populus Romanus.