ROME, LA GRÈCE ET LES MONARCHIES HELLÉNISTIQUES AU IIIe SIÈCLE AVANT J.-C. (273-205)

 

CHAPITRE DEUXIÈME. — LA PRÉTENDUE POLITIQUE ORIENTALE DES ROMAINS AU IIIe SIÈCLE.

 

 

 

§ III. — RELATIONS DE ROME AVEC L'ÉGYPTE.

En l'an 273, une ambassade égyptienne, la première qui vînt à Rome, se présenta devant le Sénat ; c'était Ptolémée II Philadelphe qui en avait ordonné l'envoi. Le gouvernement romain répondit par une contre-ambassade, qui reçut à Alexandrie un accueil magnifique[1]. C'est de la sorte que les Romains et la monarchie lagide entrèrent en rapports. A vrai dire, le fait n'est attesté que par de très médiocres autorités ; pourtant, il semble qu'il y aurait impertinence à le révoquer en doute. L'initiative du rapprochement fut prise, notons-le, par le roi d'Égypte[2].

Lorsque les députés alexandrins arrivèrent dans la Ville[3], c'est au plus si eux ans s'étaient écoulés depuis que Pyrrhos, mis en échec à Bénévent, avait dû quitter l'Italie. On peut, avec apparence de raison, établir quelque lien entre les deux faits ; on peut admettre, avec Mommsen et beaucoup d'autres[4], qu'en adressant ses ambassadeurs au Sénat, Philadelphe eut hâte de reconnaître cette situation nouvelle de grande-puissance et d'État méditerranéen, que Rome s'était acquise par la défaite de l'Aiakide. Mais on ne fait ainsi que poser un problème dont la solution reste à trouver. Quand il s'empressait de donner au Romains cette marque éclatante d'estime, quelle était la pensée du Lagide ? Quels motifs précis avait-il, ou même avait-il quelques motifs précis de les flatter et de se les concilier ? Voulait-il simplement, prince avisé et dont la prudence ménageait l'avenir, se rendre favorable, a tout événement, cette jeune nation en qui se révélait une grande force, ou poursuivait-il des fins plus directes ? Voilà ce qu'on aimerait à savoir et ce qu'on ignore entièrement. Les explications que produisent les historiens modernes à l'appui de la seconde opinion ne sont que des conjectures plus ou moins hasardées, parfois de téméraires fantaisies[5]. Ils ont accoutumé d'attribuer la démarche de Ptolémée à des calculs commerciaux et politiques. Par exemple, on va répétant que le roi d'Égypte avait dessein ouvrir l'Italie au négoce alexandrin[6]. Sans m'étendre sur ce sujet, j'oserai dire qu'il se pourrait bien que ce ne fût là qu'une phrase vide de sens : car, apparemment, les armateurs d'Alexandrie n'avaient pas attendu l'an 273 pour connaître et pour fréquenter les places maritimes de l'Occident, et l'on ne peut douter que, longtemps auparavant, leurs vaisseaux n'eussent accès aux ports de l'Italie. Quant aux raisons d'ordre politique qui auraient déterminé Philadelphe, il faut avouer que, s'il en eut, elles nous demeurent impénétrables. C'est, à la vérité, une idée fort répandue, qu'en se tournant vers Rome, le Lagide cherchait un moyen nouveau de faire échec à la Macédoine, et projetait d'utiliser contre elle l'amitié romaine[7]. Seulement, ceux à qui cette opinion est chère n'ont oublié qu'une chose, c'est d'établir qu'en 273 les Romains étaient hostiles à la Macédoine et disposés à la traiter en ennemie. Le contraire paraîtra plus probable si l'on fait réflexion qu'ils étaient à peine délivrés de Pyrrhos ; qu'ils pouvaient appréhender son retour et craindre ses nouvelles entreprises[8] ; qu'ils lui devaient donc souhaiter des embarras ; et que l'adversaire naturel et permanent de Pyrrhos était le roi de Macédoine, Antigone, qui, tout récemment, lui avait refusé des secours en Italie[9], et que, par représailles, sitôt rentré chez soi, l'Épirote s'était empressé d'attaquer[10]. Mais le plus probable encore est que le Sénat n'avait point, en ce temps-là, plus souci de la Macédoine que de l'ensemble des États helléniques. Durant les cinq années qu'ils eurent affaire à Pyrrhos, les Romains ne tentèrent jamais d'exciter en Grèce quelque mouvement contre lui ; et l'on peut croire que cette indifférence dont ils enveloppaient le monde grec n'avait point échappé à la perspicacité du Lagide. Ajoutons, ce qui ne laisse pas de compliquer les choses, qu'il semble bien qu'en 273 Philadelphe fût favorable à Pyrrhos, c'est-à-dire au grand ennemi de Rome, et le soutint dans la lutte qu'il venait d'engager heureusement contre le Macédonien[11] ; de sorte qu'en fin de compte on ne voit pas du tout de quels intérêts politiques, communs à l'Égypte et au Peuplé romain, se serait inspiré le second Ptolémée lorsqu'il se rapprocha de la République[12].

Nous ne perdrons pas notre peine, après tant d'autres, a les vouloir découvrir ou imaginer. La question que nous essayerons d'éclaircir est celle-ci : à quelque cause qu'elles aient, dei leur origine, les relations qui se nouèrent entre Alexandrie et Rome au temps de Philadelphe, et qui persistèrent sous les règnes suivants, ont-elles eu le caractère qu'on leur attribue communément ? Est-il vrai qu'elles aient pris la forme politique, et qu'en 273 les deux États aient conclu un traité (lequel aurait été continûment renouvelé par la suite) — traité de societas, comme on l'a cru longtemps[13], comme on ne le croit plus guère[14], comme quelques-uns pourtant le veulent croire encore[15], — ou traité d'amicitia, comme c'est  l'opinion courante[16] ? Et, dans le cas contraire, est-il vrai qu'on doive, tout au moins, reconnaître à ces relations une signification politique[17] ? est-il vrai qu'elles aient eu pour conséquence quelque entente du Sénat et des Ptolémées en matière de politique étrangère, quelque action politique concertée, exercée en commun par les deux gouvernements ?

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Sur la nature des rapports qu'ont entretenus, au IIIe siècle, l'État romain et la monarchie lagide, nos sources directes d'information sont des textes romains d'origine annalistique[18]. C'est dire qu'on ne leur saurait accorder grand crédit. Comme nous venons de le voir, une tradition mensongère a voulu que Seleucus n'eût pas de plus cher désir que de conclure avec le Peuple romain un fœdus amicitiæ. Il est naturel que d'autres traditions, de même sorte et de même aloi, inspirées des mêmes tendances et destinées pareillement à flatter la vanité des Romains, aient montré Philadelphe tenant une conduite semblable. C'est de quoi nous devons nous souvenir, au moment de passer en revue les textes de provenance romaine où il est fait mention de lui,

L'abréviateur de Tite-Live, auteur des periochæ, est, en apparence fort net : cum Ptolemæo Aegypti rege societas iuncta est[19]. Philadelphe et les Romains auraient contracte alliance. Mais nulle part ailleurs il n'est expressément parlé de cette alliance ; et l'on sait le constant abus que les écrivains latins ont fait des termes socius et societas[20], au lieu d'amicus et amicitia, alors même que ces derniers mots ne devraient s'appliquer qu'à des relations d'amitié dépourvues de caractère officiel.

On lit chez Dion : όμολογίαν έποιήσατο Φιλάδελφος[21]. Le terme όμολογία peut désigner soit un simple accord, soit un traité en forme[22]. Dans le second cas, on ne saurait dire s'il s'agit d'un fœdus societatis ou d'un fœdus amicitiæ. Eutrope et Appien ne parlent que d'amitié ; ils en parlent confusément. — Legati Alesandrini, dit Eutrope, a Ptolemæo missi, Romana venere et a Romanis amicitiam, quam petierant obtinuerunt[23]. Les mots amicitiam obtinuerunt impliquent-ils qu'il y ait eu conclusion d'un fœdus amicitiæ ? L'amicitia, dont il est ici question, est-elle celle qui existe en vertu d'un traité ? Il est impossible de le dire. — Appien[24] n'est pas plus clair. Il rapporte que, lors de la guerre de Sicile, Ptolémée (Philadelphe) était lié d'amitié avec Rome et Carthage ; qu'il refusa aux Puniques une avance de 2.000 talents, sur ce motif qu'il était le φίλος des Romains, et s'efforça vainement de réconcilier les deux peuples. Dans ce passage, les mots φιλία, φίλοι, qui s'appliquent à la fois aux Puniques et aux Romains, ont-ils, en ce qui concerne ceux-ci, une valeur juridique ? Nous ne saurions l'affirmer. Il va de soi que la neutralité prudente observée par le Lagide entre Rome et Carthage n'implique point nécessairement qu'il fût uni à la première par les liens de l'amicitia publique.

Tous ces témoignages, qui s'accordent mal entre eux[25], ne nous apportent qu'incertitude. Un autre, qui est aussi d'origine romaine, a semblé plus concluant[26]. Les historiens modernes[27] font volontiers état de l'indication suivante, empruntée par T. Live à quelque Annaliste (27. 4. 10) et Alexandream ad Ptolomæum et Cleopatram reges M. Atilius Aeilius legati, ad commemorandam renovandamque amicitiam missi, dona tulere, regi togam et tunicam purpuream cum sella eburnea, reginæ pallam pictam cum amiculo purpureo. Le fait ici mentionné est de l'année 210 ; le roi d'Égypte est donc Ptolémée Philopator, la reine devrait être Arsinoé III. On est d'avis qu'il s'agit, dans ces lignes, de la renovatio du fœdus amicitiæ conclu par l'État romain avec Philadelphe — et déjà renouvelé sous le règne d'Évergètes —, si bien que nous aurions ici la preuve indirecte, mais certaine, de l'existence de ce fœdus. A l'examen, les choses ne vont pas si simplement.

Ce qu'il faut observer d'abord, c'est qu'il se rencontre dans le texte annalistique deux anachronismes des plus grossiers qui en décèlent la date tardive la reine y est appelée Cleopatra[28] et on la montre associée au roi dans l'exercice du pouvoir souverain[29]. Deux erreurs si fortes rendent étrangement suspect le témoignage qu'a reproduit Tite-Live. — Et voici qui est encore inquiétant. Nous savons par Polybe que, postérieurement à 215, le Sénat envoya des légats à Philopator[30]. Il est bien tentant de reconnaître dans cette ambassade celle dont parle l'Annaliste[31]. Mais, chez Polybe, les légats ne sont nullement chargés de renouveler un fœdus amicitiæ, ni même de porter au roi des assurances d'amitié. Leur mission est fort différente ils doivent obtenir de Philopator qu'il autorise en Italie l'expédition de convois de blé. Par suite, si, comme on est d'abord porté à le croire, les deux ambassades n'en font qu'une, il semble que l'Annaliste se soit mépris sur son caractère et son objet. Pour se tirer de cette difficulté, ceux qui voudront, suivant une méthode que je n'approuve guère, concilier à tout prix Polybe et l'Annaliste, devront soutenir que les ambassadeurs, en même temps qu'ils demandèrent au roi de ravitailler Italie, renouvelèrent avec lui — probablement pour la seconde fois depuis son avènement[32] — le traité qui l'unissait à Rome ; autrement dit, ils en seront réduits à imaginer que Polybe et l'Annaliste ont tous deux péché par omission[33] : le premier, en ce qui concerne l'exportation des blés d'Égypte, le second, en ce qui concerne le renouvellement du fœdus. Je doute qu'on goûte beaucoup cette échappatoire. Mieux vaudrait sans doute admettre qu'en dépit des vraisemblances, l'ambassade rappelée par Tite-Live, à la supposer historique, n'a rien de commun avec celle que mentionne Polybe ; que, mal datée par l'Annaliste, elle appartient à une époque plus ancienne ; qu'elle est, en réalité, fort antérieure à 210 et qu'elle a suivi à court intervalle l'avènement de Philopator[34], — ce qui aurait l'avantage de rendre plus explicables et le renouvellement du fœdus et la remise solennelle, faite par le Sénat au roi, des insignes de la magistrature[35]. Mais on voit assez que c'est seulement à grand renfort d'hypothèses qu'on se débarrassera des légitimes suspicions qu'inspire le texte annalistique, lequel, d'ailleurs, restera toujours entaché des troublants anachronismes que j'y ai d'abord signalés.

Aussi bien, quoi que vaille ce texte, une question demeure, qu'on n'a, je crois, jamais soulevée, et qu'il faut pourtant se poser est-il sûr qu'on le doive entendre comme on fait d'ordinaire, et les mots ad commemorandam renovandamque amicitiam ont-ils nécessairement le sens qu'on s'accorde à leur attribuer ? On admet, sans hésiter, qu'ils s'appliquent au renouvellement d'un fœdus amicitiæ. Cela est possible[36] ; cela, comme on va voir, n'est rien moins que certain. On lit dans Tite-Live (Ann. ; 42. 19. 7; ann. 172)sed ut in Asia quoque et insulis explorata omnia essent, Ti. Claudium Neronem, M. Decimium legatos miserunt. (8) adire eos Cretam et Rhodum iusserunt, simul renovare amicitiam, simul speculari, num sollicitati animi sociorum ab rege Perseo essent —; (P., 42. 44. 5 ; ann. 171) Thebanos Marcius et Atilius læti audierunt auctoresque et his et separatim, singulis (Bœotis) tuerunt ad renovaridam amicitiam mittendi Romam legatos. Voilà deux emplois de la locution renovare amicitiam, qu'on rapprochera légitimement de celui que nous offre le texte en discussion[37]. Or, c'est chose assurée que ni les Crétois ni les Rhodiens en 172[38], ni les Thébains en 171, n'avaient avec les Romains de fœdus amicitiæ. Dans le second des deux exemples cités, les mots renovare amicitiam, employés d'une façon fort incorrecte, répondent, chez Polybe[39], à διδόντες αύτούς είς τήν πίστιν et se rapportent ainsi — ce qui ne laisse pas d'être surprenant et demeure exceptionnel — à une déclaration de deditio. Dans le premier, le terme amicitia désigne, comme c'est maintes fois le cas, de simples relations amicales qu'on se propose de resserrer : il est clair que, dans notre texte, rien n'empêche qu'il ait cette même acception[40]. Les légats M. Atilius et M'. Acilius ont pu venir à Alexandrie, non pour y renouveler un traité, mais seulement pour resserrer les liens de traditionnelle amitié depuis longtemps formés avec les Ptolémées. On raisonne comme si, dans la phrase de T. Live, amicitia était l'exact équivalent de fœdus amicitiæ ; c'est une hypothèse qu'on peut faire, mais qu'on n'a pas le droit de tenir pour démontrée. La vérité est que le langage de l'Annaliste est équivoque. Et, partant, quelle qu'en soit la valeur historique (laquelle parait des plus douteuses), le texte couramment allégué comme preuve d'une amicitia publique entre Rome et l'Égypte, n'autorise, en fait, aucune conclusion[41].

Chose singulière, le seul texte qui soit ici vraiment considérable — parce qu'il est étranger aux traditions romaines — a échappé à l'attention de la plupart des historiens modernes. Il se trouve chez Polybe, au l. XV, ch. 25[42]. Nous lisons là qu'à la fin de 203 ou au commencement de 202[43], Agathoklès, alors régent d'Égypte avec Sosibios, chargea le Mégalopolitain Ptolémée, fils d'Agésarchos, l'un des grands du royaume[44], de se rendre auprès du Sénat. Polybe ne nous renseigne pas (ou ne nous renseigne plus) sur l'objet de cette ambassade ; mais deux faits ressortent de son récit l'un, c'est que l'envoi en fut décidé aussitôt après l'intronisation de Ptolémée Épiphanes[45] ; l'autre, c'est qu'à ce moment-là, tout le monde en Égypte redoutait d'un jour à l'autre une agression d'Antiochos III, et qu'Agathoklès s'efforçait par diverses mesures de la retarder ou d'y parer[46]. Dès lors, il semble assuré que Ptolémée de Mégalopolis devait notifier à Rome l'avènement du nouveau roi, et l'on ne peut guère douter non plus qu'il eût mandat de dénoncer aux Patres les armements d'Antiochos, de leur recommander les intérêts de l'empire égyptien menacé par cet inquiétant voisin, et de faire appel, au cas où le danger deviendrait trop pressant, à leur amicale et puissante intervention. Effectivement, nous savons qu'à la fin de l'an 200, le Sénat s'interposa, ou plutôt feignit de s'interposer entre Épiphanes et Antiochos. Cette tentative de médiation avait nécessairement été provoquée par quelque démarche du gouvernement alexandrin ; or, il semble bien qu'entre 203 et 200, celui-ci n'ait envoyé à Rome qu'une seule ambassade[47], qui fut donc celle de Ptolémée de Mégalopolis. Tout ceci, il en faut convenir, s'accorderait à souhait avec l'hypothèse d'une amicitia publique unissant la monarchie lagide au Peuple romain. Il est de règle que les rois qui sont officiellement les amis des Romains se fassent reconnaître par eux comme souverains légitimes dès le début de leur règne[48] : on s'expliquerait ainsi que Ptolémée de Mégalopolis fût venu informer le Sénat de l'avènement d'Épiphanes. Et, d'autre part, c'est en s'autorisant du fœdus conclu avec Rome par le précédents souverains et dont il demandait le renouvellement, que cet ambassadeur aurait prié les Patres de s'entremettre en faveur du roi enfant, au cas où Antiochos passerait des menaces aux actes. — Mais j'ai hâte d'ajouter que ce ne sont là que des conjectures, et qui n'ont rien de nécessaire. Dans la situation critique ou se trouve l'Égypte après la mort de Philopator, la démarche faite à Rome par les régents alexandrins, en vue d'obtenir pour leur maître l'éventuelle protection du Sénat, est chose naturelle et s'explique de soi. Une telle démarche suppose sans doute l'existence de rapports amicaux entre les deux États ; elle ne saurai prouver qu'ils fussent liés par un traité d'amitié[49].

Et voici, en revanche, qui démontre le contraire. J'ai parlé précédemment du rôle joué par les Rhodiens pendant la première guerre de Macédoine ; j'ai signalé leurs tentatives énergiques et sans cesse renouvelées pour amener un accommodement entre Philippe et les Aitoliens. Et l'on a vu que ces tentatives, faites en dehors des Romains et sans leur aveu[50], contrariaient directement leurs intérêts, si bien qu'il n'est pas possible que l'État rhodien eût alors avec Rome un fœdus amicitiæ. La même conclusion vaut pour le roi d'Égypte, qui tient, à la même époque, la même conduite que les Rhodiens, agit de concert avec eux, s'associe à tous leurs efforts, et dont les Rhodiens, qui sont ses plus fidèles amis, ne font peut-être que suivre la politique et qu'imiter l'exemple[51]. Depuis 209 jusqu'en 206, accompagnés des députés d'Athènes et des représentants des États  maritimes, les ambassadeurs Philopator s'évertuent, en toute occasion, a rétablir la paix en Grèce[52], c'est-à-dire, si l'on va au fond des choses, à priver les Romains de l'alliance de l'Aitolie, et, par suite, à leur rendre ou singulièrement malaisée ou décidément impossible la continuation de la guerre contre Philippe. Si le Lagide avait été dans ce temps-là, en vertu d'un fœdus, l'ami du Peuple romain, qui peut raisonnablement croire qu'il se fût comporté de la sorte[53] ?

Il ne l'eût pu faire qu'à la condition de violer ce l'occlus, en manquant à la neutralité qu'il lui aurait prescrite, et de commettre ainsi à l'endroit des Romains une évidente forfaiture. Mais, en ce cas, les Romains eussent rompu avec lui ; toutes relations auraient cessé entre Rome et l'Égypte. Or, rien de tel ne s'est produit. Si, comme on le peut croire, le Sénat conçut un noir dépit des interventions du Lagide en Grèce et lui en garda une rancune amère, les rapports de la République et de la cour d'Alexandrie n'en parurent pourtant pas troublés. C'est ce que montre, ainsi qu'on l'a vu, la présence à Rome de Ptolémée de Mégalopolis, ambassadeur d'Agathoklès ; c'est ce que montre, plus clairement encore, le fait qu'à la suite de cette ambassade les Patres prennent ou du moins semblent prendre Épiphanes sous leur protection, vont, en 200, sommer Philippe de respecter ses provinces, et feront le geste d'intercéder pour lui auprès d'Antiochos. L'amitié de Rome et de l'Égypte subsiste ainsi, inaltérée en apparence, même après la première guerre de Macédoine. D'où l'on doit conclure qu'en manœuvrant en Grèce de la façon que j'ai rappelée, Philopator n'avait fait qu'user d'un droit non contestable ; que les Romains n'étaient point fondés à lui reprocher un manquement de foi ; qu'il n'avait failli ni contrevenu a aucun engagement pris avec eux, et que l'amitié qui existait entre la République et lui ne ressemblait donc en rien à celle qu'eût créée un fœdus.

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Les relations qui s'établirent, à partir de 273, entre les Ptolémées et les Romains n'ont point revêtu la forme politique ; elles n'ont point été consacrées par un traité ; les Lagides n'ont pris rang ni parmi les amici, ni, à plus forte raison — est-il besoin de le dire ? — parmi les socii populi Romani : c'est là ce qu'il est permis d'affirmer avec assurance. Et, partant, ce que rapporte l'épitomateur de Tite-Live (peut-être, à la vérité, par simple inadvertance) d'une societas qu'auraient conclue Philadelphe et la République, ne mérite aucune créance. Et ce qui est pareillement indigne de créance, c'est ce que raconte Eutrope[54] d'une offre d'assistance, qu'entre 241 et 237 (?) le Sénat aurait faite à Ptolémée III, alors en guerre avec Antiochus : car une telle offre, qui, du reste, parait dès l'abord d'une criante invraisemblance, impliquerait presque nécessairement qu'Évergètes était, non pas seulement l'ami public[55], mais l'allié des Romains[56].

Il ne fut ni l'un ni l'autre, non plus qu'avant lui son père et qu'après lui son fils et son petit-fils[57]. Et maintenant, ce n'est point assez de dire que les relations formées, au IIIe siècle, par les souverains lagides avec l'État romain ne donnèrent point lieu à la conclusion d'un fœdus ; on doit ajouter, contrairement à l'opinion régnante, qu'il n'en résulta nulle entente politique des deux gouvernements. C'est ce que fait voir encore l'intervention de Philopator en Grèce de 209 à 206. Elle prouve que, dans l'ordre politique, Rome et l'Égypte ne sont aucunement solidaires ; que, dans les questions où toutes deux prennent parti, chacune est libre de suivre, sans avoir égard à l'autre, sa politique propre ; et qu'il peut arriver, qu'il arrive, que leurs deux politiques soient en opposition directe. Tel est justement le cas lors de la première guerre de Rome contre Philippe ; et, plus généralement, tel est le cas pendant les vingt dernières années du IIIe siècle[58], chaque fois qu'il s'agit de la Macédoine. Car il est un fait, trop négligé, qu'il convient ici de signaler : c'est après que les entreprises romaines en Illyrie ont fait de la Macédoine et de Rome deux puissances antagonistes[59], qu'on voit les Alexandrins, avertis par la guerre de Koilé-Syrie que l'Égypte aura dans Antiochos III, le nouveau roi d'Asie, un dangereux adversaire contre lequel elle se doit mettre en garde, rompre avec la tradition qui voulait que chaque Lagide fût l'invariable ennemi de chaque Antigonide, se tourner vers la Macédoine[60], lui prodiguer leurs bons offices et rechercher son amitié, afin de s'en faire une auxiliaire qu'ils opposeront au Séleucide. La médiation de Philopator entre Philippe et les Aitoliens à la fin de la guerre des Alliés[61] — guerre manifestement avantageuse à Rome, bien qu'elle n'y ait point eu de part — marque le début de cette politique nouvelle. C'est elle qui inspire, comme nous l'avons vu, toutes les démarches de l'Égypte en Grèce, quand Rome s'y montre en armes pour la première fois la cour d'Alexandrie n'a point de cesse qu'elle n'ait débarrassé Philippe des Aitoliens et, par contrecoup, des Romains. Et, sur la fin du siècle, alors que, malgré la paix de Phoiniké, Philippe, ancien allié d'Hannibal, demeure pour les Romains, un ennemi probable, elle aboutit, comme à son terme logique, à cette union des deux monarchies, préparée aux derniers temps de Philopator, négociée en hâte par Agathoklès dès l'avènement de son successeur[62], que devra sceller le mariage d'Épiphanes avec une fille de Philippe[63], et par laquelle les Alexandrins se flattent d'obtenir contre Antiochos III l'assistance armée du Macédonien[64]. Tout de suite après l'άνάδειξις d'Épiphanes, au même moment, exactement, où, comme il a été dit plus haut, Ptolémée de Mégalopolis part pour Rome avec mandat d'intéresser le Sénat en faveur du jeune roi, Ptolémée, fils du régent Sosibios, reçoit l'ordre d'aller trouver Philippe. L'envoi simultané de ces deux ambassades, adressées à deux récents adversaires, est chose à retenir. Ce qu'on voit ici tout ensemble, c'est que l'Égypte, attentive à ne pas négliger l'amitié romaine, sait y recourir à l'occasion pour faire obstacle au roi d'Asie, mais qu'elle entend cependant garder vis-à-vis de la République la pleine indépendance de ses relations extérieures, prendre ses alliés où il lui plan, et les aller chercher, si elle le juge utile, même dans le camp opposé aux Romains. Et il y a plus : il apparaît clairement, à lire Polybe, qu'il n'existe point de parité entre la mission qu'accomplit en Macédoine le fils de Sosibios et celle dont est chargé à Rome Ptolémée de Mégalopolis. Celle-ci, dans la pensée du gouvernement égyptien, semble bien n'être qu'à demi sérieuse ; ce n'est guère qu'une marque de déférence accordée à l'orgueil romain. Agathokiès n'en attend que peu de résultat. La preuve, c'est qu'il a laissé entendre à Ptolémée qu'il n'avait point à se hâter de parvenir au but de son voyage, et lui a donné licence de s'arrêter et de séjourner en Grèce[65] : visiblement, il ne fait pas grand fonds sur la bienveillance du Sénat, il n'en compte recevoir aucune aide efficace — et, vraiment, après la conduite tenue par les Alexandrins durant la guerre de Macédoine, le contraire serait surprenant. L'ami en qui l'Égypte, dans ces jours d'inquiétude, a placé sa confiance, qu'elle compte engager dans sa querelle, et dont elle attend le secours militaire, c'est le roi naguère ennemi de Rome, c'est le Macédonien. Contre les entreprises prévues d'Antiochos, c'est sur l'appui de Philippe qu'elle se repose et s'assure.

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Pour conclure, il faut donc se garder d'exagérer la signification des rapports qu'ont entretenus, depuis 273, le Peuple romain et la dynastie ptolémaïque. Par la volonté de Philadelphe, l'Égypte et Rome cessèrent d'être tout-à-fait étrangères l'une à l'autre ; au cours du IIIe siècle, les deux gouvernements apprirent quelque peu à se connaître ; mais l'erreur serait grande de croire qu'ils se soient alors étroitement rapprochés. Il n'est pas vrai, quoi qu'ait déclaré l'éloquent Droysen[66], qu'au lendemain de la guerre de Pyrrhos, l'initiative prise par le second Lagide ait eu pour effet de faire entrer Rome dans la sphère des grandes relations politiques qui... s'étendaient des Colonnes d'Héraclès au Gange..., il n'est pas vrai qu'en 273 ait été inaugurée une alliance qui devait prouver, par sa durée de deux siècles, qu'elle était bien appropriée à la situation [?][67]. Des égards réciproques, un va-et-vient, probablement assez intermittent, d'ambassades courtoises, échange, à plus ou moins longs intervalles, de salutations et de compliments, c'est à quoi semble s'être réduite, pendant soixante- dix ans, cette amitié de Rome et de l'Égypte, que les modernes, à la suite ides Annalistes romains, ont transformée en un fait historique de grande conséquence. Jamais, durant cette longue période, Alexandrins et Romains ne s'associent dans un dessein commun ; jamais on ne les voit se lier d'intérêts : mais, au contraire, une fois au moins, comme il a été dit plus haut, leurs intérêts se heurtent violemment ; jamais il n'apparaît qu'une même pensée politique préside à leurs relations. Et c'est pourquoi l'on a lieu de se demander si toute pensée de cette sorte n'était point étrangère a Philadelphe lorsqu'il résolut de se faire connaître des Romains. S'il leur rendit un hommage spontané, ce fut peut-être simplement qu'une intelligente curiosité le poussait à se mettre en rapports avec les grandes nations barbares dont le renom arrivait jusqu'à lui ; s'il expédia une ambassade au Sénat, le motif en put être le même qui lui en fit envoyer une aussi à la cour des souverains hindous[68]. Et quant aux Patres, s'ils accueillirent volontiers ses avances, ce n'est certes point, comme le montrent les événements, qu'ils eussent l'intention d'engager la politique romaine dans des voies nouvelles, ni de la diriger vers des buts lointains, ignorés jusque-là. Mais ils firent probablement réflexion qu'en prévision des années de disette ou de maigre récolte, il n'était point indifférent de vivre sur un pied. d'amitié avec le souverain de qui dépendait le plus riche marché de céréales qui fût au monde[69]. A quoi l'on peut ajouter qu'en ce temps-là, toute leur vertu républicaine ne les défendait pas contre le prestige attaché à la personne des rois[70], et n'empêchait pas qu'ils ne fussent singulièrement sensibles aux prévenances des monarques étrangers.

Selon toute vraisemblance, la première ambassade égyptienne, investie d'une mission politique, qui se soit rendue à Rome, fut, en 202, celle, déjà mentionnée, de Ptolémée de Mégalopolis ; le grand péril que courait alors la monarchie lagide en motiva l'envoi. Pourtant, nous l'avons dit, il n'y eut sans doute là, de la part des Alexandrins, qu'une démarche de pure forme : tandis qu'ils faisaient mine d'implorer l'aide du Sénat, c'est ailleurs, en Macédoine, qu'ils travaillaient à se pourvoir de l'allié dont ils avaient besoin. — Selon toute vraisemblance, la première ambassade romaine, ayant un objet politique, qui soit venue en Égypte, fut celle qui, vers la fin de 200, feignant de satisfaire à la requête du Mégalopolitain, parut vouloir réconcilier Antiochos et la cour d'Alexandrie. On a vu, d'ailleurs, qu'en cette occasion le Sénat servit d'étrange façon les intérêts de Ptolémée V. S'il lui plut de les défendre contre Philippe, quand celui-ci se fut jeté sur la Thrace égyptienne[71], il ne se fit aucun scrupule de les sacrifier, au moins provisoirement, aux ambitions d'Antiochos, dont le Peuple romain redoutait par-dessus tout l'hostilité. Vainqueur à Panion dans l'été de 200[72], le Séleucide eût pu envahir et conquérir l'Égypte sans qu'à Rome on osât s'en émouvoir. Ce fut seulement en 196 que, raffermis par le désastre de Philippe, et jugeant le moment venu d'arrêter le roi de Syrie qui, déjà, prenait pied en Europe, les Patres s'avisèrent, pour l'embarrasser, de soutenir en face de lui[73] ce rôle de médiateurs amis de Ptolémée, qu'ils avaient assumé et négligé depuis quatre ans. Ils s'en avisèrent un peu tard : entre temps, oubliés des Romains et les oubliant à leur tour, les Alexandrins s'étaient décidés, à l'insu du Sénat et sauf à le mettre en fâcheuse posture, à faire leur paix avec Antiochos[74]. Telle est l'édifiante sincérité qu'apportaient dans leurs relations ces deux États amis depuis si longtemps, Rome et l'Égypte, quand, pour la première fois, par l'initiative du gouvernement lagide, ces relations devinrent politiques.

 

 

 



[1] Tite-Live, Per., 14 ; Eutrope, 2.15 ; Denys d'Halicarnasse, Ant. Rom., XX, 14. 1-2 ; Dion, fragm. 41 (I, 139 Boissev.) = Zonaras, VIII, 6. 11 ; cf. Justin, 18. 2. 9 ; Val. Maxime, 4. 3. 9. — Pour les modernes qui ont spécialement traité des rapports de Rome avec l'Égypte, voir Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 175, 1. Le meilleur travail est celui de E. Bandelin, De rebus inter Aegyptios et Romanos intercedentibus... (diss. Halle, 1893) ; il n'y a pas à tenir compte de la mauvaise compilation de C. Barbagallo, Le relazioni politiche di Roma con l'Egitio..., Romaa, 1901), — L'ambassade envoyée par Philadelphe au Sénat a fait, en ces dernières années, l'objet des remarques de plusieurs historiens ; voir notamment : Ferrenbach, Die amici p. R. republ. Zeit., 18, cf. 21 ; Niese, II, 66, 197, 281 ; Grundr. der röm. Gesch.4, 86, 5 ; Beloch, III, 1, 686 ; C. F. Lehmann-Haupt, Klio, 1902, 347-348 ; 1903, 537 suiv. ; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 174-175 ; G. Colin, Rome et la Grèce, 2-34 ; Ad. Reinach, Rev. Ét. gr., 1911, 402 ; De Sanctis, II, 428 ; III, 1, 275 ; Tarn, Antig. Gonatas, 445, 4 ; Täubler, Imp. Romanum, I, 202-203, etc. [C'est seulement pendant la correction des épreuves que j'ai pu prendre connaissance du mémoire de E. Ciaceri, Le relazioni fra Roma e l'Egitio (Processi politici e Relazioni internationali, Roma, 1918, 1 suiv.). Je n'y ai rien trouvé qui m'obligeât à modifier mes propres opinions ; mais j'ai constaté avec intérêt que l'auteur refuse à peu près tout caractère politique aux premières relations de Rome et des Lagides.]

[2] Beloch (III, 1, 686, 1) émet là-dessus des doutes. Mais le contraire serait l'invraisemblance même.

[3] Si le fait est authentique, comme il y a lieu de le croire, je ne vois pas bien pourquoi on en contesterait la date, donnée par Eutrope ; voir cependant les réserves de Niese II, 197 ; Grundriss 4, 86, 5) et de Beloch (III, 1, 686, 1).

[4] Cf. Mommsen, R. G., I7, 429 ; Lehmann-Haupt, Klio, 1903, 537 ; Täubler, I, 203, etc. — C'est ce qu'indique déjà Dion (fragm. 41 ; I, 139 Boissev.). — Selon G. Colin (32), Philadelphe aurait félicité le Sénat de la victoire remportée par les Romains sur Pyrrhos ; mais cela ne se trouve dans aucun texte.

[5] Il est permis, je pense, de qualifier de fantaisie le système de Lehmann-Haupt, développé dans Kilo, 1903, 537 suiv. A l'instigation de Philadelphe, l'Égypte, Antigone Gonatas, Areus, roi de Sparte, et le Peuple romain se seraient unis pour former une sorte de coalition ou d'entente (Interessengruppe) opposée à Maltas, Antiochos Ier, Pyrrhos, Tarente et Carthage. On croit retrouver ici l'une de ces gigantesques combinaisons politiques, qui plaisaient si fort à Droysen et qu'il était si habile à échafauder. Tarn s'est donné la peine de réfuter point par point le système de Lehmann-Haupt (Antig. Gonatas, 442 suiv.) ; il n'en a rien laissé subsister. [Je n'ai pu prendre que tout récemment connaissance de la réfutation, également concluante, de W. Kolbe, Hermes, 1916, 536 suiv.].

[6] Cf. Droysen, III, 297 (trad. fr.) ; G. Colin, Rome et la Grèce, 33 : (Philadelphe) attache a plus grande importance au développement du commerce de l'Égypte ;... il a donc besoin de lui ouvrir tous les marchés de la Méditerranée... Il lui restait à assurer a ses vaisseaux l'accès de l'Italie... ; Bandelin, 8 ; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 319. Mommsen (R. G., I7, 429) pense aussi qu'il s'agissait d'abord de régler, entre l'Égypte et Rome, les relations commerciales.

[7] Bouché-Leclercq, I, 319 ; même idée chez Mommsen (R. G., I7, 429), qui est pourtant obligé de reconnaître que la Macédoine et Rome ne sont devenues ennemies qu'à une époque postérieure ; chez Niese, II, 281 : Nur eins wissen wir, dass die Römer mit Aegypen, dem Feinde Makedoniens, Freundschaft geschlossen hatten... ; chez De Sanctis, II, 428. — L'hypothèse de Lehmann-Haupt, mentionnée plus haut, place, au contraire, La Macédoine dans le même camp que les Romains ; où Lehmann-Haupt s'égare évidemment, c'est lorsqu'il fait d'Antigone l'allié de Philadelphe : cf. Tarn, Antig. Gonatas, 444-445 ; [Kolbe, Hermes, 1916, 536-538].

[8] Pyrrhos reste maître de Tarente jusqu'à sa mort ; cf. Beloch, III, 1, 665. Je place, comme Beloch (III, 2, 103 ; 226), la mort de Pyrrhos à l'automne de 272.

[9] Justin, 25. 3. 1-3 ; Pausanias, I, 13. 1.

[10] Sur ces faits, cf. Niese, II, 54 suiv. ; Beloch, III, 1, 592 suiv. ; Tarn, 260 suiv.

[11] Voir les ingénieuses remarques de Tarn, 445 ; cf. 263, 264, 269 ; [Kolbe, 337]. Il est toutefois singulier qu'avant la bataille de Bénévent, Pyrrhos, qui réclamait les secours d'Antigone et même d'Antiochos, ne se soit point adressé à Philadelphe (l'hypothèse exprimée à ce sujet dans la Rev. Ét. gr. 1911, 402, ne repose sur rien). — Sur l'hostilité, peut-être dissimulée, mais certaine, de Philadelphe contre Antigone, voir Tarn, 444-445.

[12] Droysen (III, 178 ; trad. fr.) écrit, avec sa grandiloquence habituelle : Ainsi fut inaugurée une alliance, qui devait prouver, par sa durée de deux siècles, qu'elle était bien appropriée à la situation. Mais il a omis de montrer quelle était cette situation à laquelle aurait si bien répondu l'alliance de Rome et de l'Égypte.

[13] Droysen, III, 177 (trad. fr.) ; Mommsen, R. G., I7, 429, qui ne parle toutefois que d'une politische Verbündung en préparation.

[14] L'existence de l'alliance est niée décidément par Bandelin, De rebus inter Aegypitos et Romanos eqs, 8 ; par J. P. Mahaffy, The empire of the Ptolem., 141 ; par De Sanctis., II, 1, 275 : relazioni (d'amicizia) che a torto son dette d'alleanza da qualche surittore latino ; par Ad. Reinach, Rev. Ét. gr., 1911, 403.

[15] G. Colin (Rome et la Grèce, 33-34), à la suite de Droysen, et Lehmann-Haupt (Klio, 903, 537 ; 54) admettent expressément qu'il y eut alliance entre Philadelphe et les Romains. Bouché-Leclercq (Hist. des Lagides, I, 319) l'admet aussi, mais avec des réserves singulières : ... Les Romains étaient, depuis le temps de Philadelphe, les amis et alliés des Lagides. C'était là une alliance qui ne comportait guère d'engagements réciproques... Je ne saurais souscrire à cette opinion si les Romains avaient été réellement les amis et alliés des Lagides, les engagements réciproques eussent, au contraire, été d'une extrême précision.

[16] Bandelin, 8-9 ; Ferrenbach, Die amici p. R. republ. Zeit, 18 ; Niese, II, 281 (mais à la p. 66, et dans le Grundr. der röm. Gesch.4, 86, le même auteur ne parle que de commerce amical ou de relations d'amitié) ; Täubler, Imp. Romanum, I, 202-203. — Notons que, si c'est là l'opinion courante, ce n'est point, il s'en faut, l'opinion unanime. Il y a présentement tendance à restreindre beaucoup l'importance de l'événement de 273. Selon Niese (passages cités en dernier lieu), Beloch (III, 1, 686 ; cf., au contraire, III, 521), Tarn (445, 4), De Sanctis (II, 428 ; III, 1, 275), Philadelphe aurait simplement entretenu avec les Romains des rapports d'amitié. (Cf. Ciaceri, 3-4 ; 21, etc.). Cf. E. Pais, Storia critica di Roma, IV, 362. L'illustre critique se borne à écrire : Ptolemeo Filadelfo — nel 273 spediva un' ambascria a Roma con cui stringeva amicizia, ed alla loro volta i Romani inviavano un' ambasciata ad Alessandria. Il ne parait point attribuer un caractère officiel à l' « amitié » alors formée entre les Romains et le Lagide.

[17] Cf. De Sanctis, II, 428 : ... (Le) legazioni amichevoli scambiatesi tra Roma e Alessandria — forse non erano senza un certo significato politico.

[18] Cf. Beloch, III, 1, 686, 1. De Sanctis (III, 1, 241) estime toutefois que le renseignement donné par Appien (Syr., 1) peut émaner d'un historien grec digne de confiance.

[19] Tite-Live, Per., 14. Cf. Bandelin (8) et, De Sanctis (III, 1, 275). — Ptolémée (Philopator et Épiphanes ?) fait figure d'allié du Peuple romain dans Tite-Live (Ann.) 31. 2. 3-4, comme aussi dans 31. 9. 1-5. Mais ces deux textes, auxquels les modernes ont attribué parfois beaucoup d'importance, n'offrent l'un et l'autre qu'un mauvais verbiage annalistique. J'aurai lieu, plus loin, de reparler du premier. Cc qui montre suffisamment ce que vaut le second, c'est que la deuxième guerre contre Philippe y est représentée (9. 3-4) comme faite par les Romains dans le seul intérêt des Athéniens.

[20] Cf., pour T. Live, L. E. Matthaei, Class. Quarterly, 1907, 186-187 ; F. Fügner, Lex. Livian., I, col. 1008 (idem valent amicitia et societas...). — Pour le passage d'Eutrope 3.1), qui parait impliquer l'existence d'une societas, cf. ci-après.

[21] Dion, fragm. 41 (1, 139 Boissev.) = Zonaras, VIII, 6. 11.

[22] Qu'il s'agisse d'un accord ou d'un traité en forme, il faut noter que le texte de Dion est rédigé d'étrange façon. Philadelphe est représenté comme étant le seul auteur de l'όμολογία ; c'est en qui ne se comprend point. Et ce qui est bizarre aussi, c'est que la conclusion de cette όμολογία précède le départ des ambassadeurs romains pour Alexandrie. — Ferrenbach (18) a bien vu qu'il n'y a rien à tirer de l'indication de Dion.

[23] Eutrope, 2, 15.

[24] Appien, Sic., 1.

[25] Sur la contradiction qui existe entre la per. 14 (societas) et Eutrope (amiciata), cf. Bandelin (8) et Ferrenbach (18). C'est d'ailleurs à tort que le dernier pense qu'on la peut résoudre au moyen du texte d'Appien.

[26] Je passe sous silence ce qui est dit du bon accueil fait par Ptolémée (Philopator) au Campanien fidèle à Rome, Decius Magius (Tite-Live 23. 10. 11-13), parce que, vraie ou fausse, cette anecdote est parfaitement insignifiante.

[27] Voir, notamment, Mahaffy, The empire of the Ptolem., 271 : Ferrenbach, 21 ; et surtout Täubler, I, 203 et note 3 : ...so ist... die Vertragserneuerung im Jahre 210 glaubwürdig bezeugt. — Täubler (I, 203, 3) croit pouvoir s'autoriser aussi de Tite-Live (Ann.) 31. 2. 3 : interim ad Ptobomæum Aegypti regem legati tres missi —, ut nuntiarent victum Hannibalem Pœnosque et gracias agerent regi, quod in rebus dubiis, (4) cum finitimi etiam socii Romanos desererent, in fide mansisset —. Mais ce texte annalistique n'a aucune valeur. L'ambassade qui s'y trouve mentionnée, et qui est faussement datée de 201, est celle qui partit de Rome au printemps de 200 et dont on peut suivre l'histoire dans Polybe, XVI. 25. 2 sqq. ; 27 ; 34. 1 sqq. ; 35. 2. L'Annaliste n'a aucune idée de la mission qu'elle devait accomplir : cf. Nissen, Krit. Unters. 122-123 ; Niese, II, 591, 1. Ajoutons que les mots ut nuntiarent victum Hannibalem sont d'une absurdité manifeste puisque la défaite d'Hannibal est vieille d'une année. Enfin, l'Annaliste parait croire que le souverain qui règne sur l'Égypte en 201 est le même qui la gouvernait déjà lorsqu'éclata la guerre entre Rome et Carthage.

[28] On sait que Kléopatra est le nom constamment porté par les reines d'Égypte depuis le mariage d'Épiphanes avec la fille d'Antiochos III. L'Annaliste, jugeant du passé par ce qui avait lieu de son temps, n'a pas douté que toutes les reines ne se fussent toujours appelées ainsi. [Cf. F. Stähelin, P.-W. X, s. v. Kleopatra, 26.]

[29] Cela résulte évidemment des mots ad Ptolomæum et Cleopatram regeslegatimissi ; cf. Tite-Live (Ann.) 37. 3. 9 (ann. 190) legati ab Ptolomæo et Cleopatra regibus Aegypti gratulantesvenerunt —; 45. 13. 4 (ann. 168) Ptolomæi legati communi nomine regis et Cleopatræ gracias egerunt ; 13. 7 : regibus Aegypti, Ptolomæo Cleopatræque (responsum) —. Or, la première reine d'Égypte officiellement associée à l'exercice de la royauté est la seconde Cléopâtre, en 170 ; cf. M. Strack, Dynastie der Ploient. 3 et 32 ; E. Breccia, Dirillo dinastico, 135 ; F. Stähelin, P.-W. X, s. v. Kleopatra, 15. Täubler (1, 203, 3) écrit: Es fragt sich nur, ob auf Grund des Livius die Mitherrschaft der Königin angenomrnen werden darf. En réalité, la question ne se pose pas ; et, partant, c'est bien vainement que Täubler suppose que le fœdus fut renouvelé à l'occasion du mariage de Philopator avec sa sœur Arsinoé. Rien d'ailleurs n'autorise à placer ce mariage en 210. Sur l'association de Kléopatra II à la royauté, voir maintenant les importantes remarques de W. Otto, Archiv für Papyrustorsch., VI, 317-318 et 318, 1.

[30] Polybe, IX, 11 a. 1. Le terminus post quem (année 215) résulte de la place de ce fragment dans les Exc. de legat. (pars I, § 9, 34, De Boor). Il y est précédé par le fragment VII. 2 — 5 (= Exc. de legat. pars I, 8, 31-34), qui se rapporte à l'année 215. D'autre part, le terminus ante quem semble bien être l'année 210 : une fois la Sicile reconquise et pacifiée, la σπάνις dont parle Polybe dut prendre bientôt fin.

[31] L'identification est communément admise : Bandelin, 12 ; Ferrenbach, 21 ; Niese, I, 407, 1 ; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 320, 2. Ce dernier s'étonne qu'on veuille distinguer en 210 deux ambassades, celle de Polybe et celle de Tite-Live ; mais il faut prendre garde que l'ambassade mentionnée par Polybe ne porte point de date et que si on la place en 210, c'est qu'on l'identifie préalablement avec celle de T. Live.— Au reste, le plus probable me parait être qu'il s'agit bien chez les deux auteurs de la même ambassade : ce qu'on retrouve chez l'Annaliste de T. Live, c'est simplement a tradition de Polybe altérée et rendue méconnaissable; cf. Niese, II, 407, 1. Même opinion chez Ed. Meyer, Sitz.-ber. Berl. Akad., 1915, 952, 4. L'ambassade mentionnée par Polybe et celle de T. Live (Ann.) seraient identiques ; mais l'Annaliste en aurait, de parti pris, travesti le caractère.

[32] Cf. Ferrenbach, 21.

[33] On pourrait, à la rigueur, supposer que, dans le texte de Polybe, l'omission est imputable à l'auteur des Exc. de legationibus.

[34] J. H. Schneiderwirth (Polit. Bezishungen zwischen Rom und Aegypten..., 10) a supposé que l'ambassade de T. Live, à laquelle il maintient la date de 210, était postérieure à celle de Polybe (cf. P. Guiraud, De Lagid. cum Romanis societate, 10-11). Cela, si l'on adopte l'interprétation courante, est inadmissible ; le renouvellement du fœdus aurait dû précéder ou accompagner la demande de secours adressée à Ptolémée ; on ne comprendrait pas qu'il l'eût suivie.

[35] En effet, le renouvellement du fœdus amicitiæ et la remise des dora solennels ont lieu, selon la règle, peu après l'avènement du roi ami. Cependant, il peut arriver que le fœdus soit plusieurs fois renouvelé au cours d'un même règne ; et il arrive aussi qu'un même souverain reçoive à diverses reprises les insignes de la magistrature ; ils auraient été, comme on sait, conférés par trois fois à Masinissa : Tite-Live (Ann.) 30. 15. 11 ; 17. 13 ; 31. 11. 11-12.

[36] Cf., par exemple, Tite-Live (P.) 40. 58. Il s'agit du renouvellement du fœdus conclu entre Philippe et Rome.

[37] Cf. encore Tite-Live (Ann.) 44. 14. 3-4. Il n'y a, je crois, nulle apparence que les Pamphyliens eussent un fœdus avec Rome. Dans 42.19.7, la mention de M. Decimius est inexacte : cf. Nissen, Krit. Unters., 246.

[38] S'il était besoin de démontrer que les Crétois, lors de la guerre de Perseus, n'étaient pas officiellement les amis du Peuple romain, on en trouverait la preuve dans Tite-Live, 43. 7. 13. On voit que le Sénat ne rappelle pas les Crétois au respect du traité conclu avec Rome, ce qu'il eût nécessairement fait si un tel traité avait existé. Ferrenbach (345), se fondant précisément sur Tite-Live 42. 19. 8, texte qu'il interprète à faux, imagine une amicitia publique entre les Romains et la Crête ; mais il est fort embarrassé pour en découvrir l'origine, et suppose naïvement que la première mention s'en trouvait dans un des livres perdus de la seconde décade ! Cardinali (Riv. di Filol., 1907, 24) donne le vrai sens de la phrase de T. Live : Gli ambasciatori romani... visitarono... l'isola, e cercarono di assicurarsene il favore....

Il y a lieu d'ajouter l'observation suivante. Que ni les Crétois ni les Rhodiens n'aient eu, en 172, de traité d'amitié avec les Romains, la chose est certaine. Mais il se peut que l'Annaliste à qui T. Live a fait emprunt du texte cité (42. 19. 7-8) ait, par erreur, cru le contraire, et qu'en conséquence, dans ce texte, la locution renovare amicitiam s'applique au renouvellement d'un foedus (le qualificatif inexact de socii donné aux Crétois et aux Rhodiens fournit peut-être une légère indication en ce sens). Ce n'est toutefois là qu'une hypothèse : la valeur de l'expression renovare amicitiam, dans 42. 19. 8, demeure incertaine, d'où il suit qu'elle l'est aussi dans 27. 4. 10. Mais, au reste, à supposer l'hypothèse démontrée, cette même erreur de fait qu'aurait commise, au sujet des Crétois et des Rhodiens, l'Annaliste auteur de 42.19. 8, pourquoi l'Annaliste auteur de 27. 4. 10 ne l'aurait-il pas commise au sujet de Ptolémée IV ? Lors même que les mots renovare amicitiam auraient, dans ce dernier passage, la signification qu'on a coutume de leur attribuer, le témoignage de l'Annaliste ne serait point une preuve suffisante que Ptolémée fût réellement l'ami public du Peuple romain.

[39] Polybe, XXVII, 2. 6.

[40] Il faut observer que la collation des insignes de la magistrature n'implique pas, pour le roi qui en est honoré, la qualité d' g ami » public des Romains. Par exemple, en 210, le Sénat les confère à Syphax, alors qu'il n'est encore que l'auxiliaire bénévole de Rome et n'a point conclu de fœdus avec elle : Tite-Live (Ann.) 27. 4. 7-8, et la note de Weissenborn sur ce passage ; cf. De Sanctis, III, 2, 519.

[41] Remarquons ici que le passage annalistique de T. Live (42. 6. 4 ; ann. 173), d'où il résulterait, selon quelques historiens, que les Romains renouvelèrent avec Philométor l'amicitia publique contractée avec ses ancêtres (cf. Ferrenbach, 34 ; E. Kornemann, Klio, 1909, 138), présente la même équivoque qui celui qui concerne Philopator (27. 4. 10) et n'est donc pas plus significatif. Le texte de Polybe (XXVIII. 1. 7-8 = Diodore, XXX, 2), qui mentionne l'ambassade envoyée à Rome par Philométor en 169, ne parle aussi que d'άνανέωσις τών φιλανθρώπων, et rien n'autorise à croire que cette expression trop vague s'applique au renouvellement d'un fœdus. Quant à la phrase XXXI. 20. 3 (ann. 162 /161), je crois que Polybe y désigne par le mot συμμαχία les accords spéciaux intervenus entre le Sénat et Philométor, lors du premier différend de celui-ci avec son frère.

[42] On a pensé (voir Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 356, 2) qu'Agathoklès avait seulement fait mine d'envoyer à Rome une ambassade. Le texte de Polybe n'autorise pas cette interprétation ; le verbe καταμένειν signifie ici faire arrêt et séjour : Ptolémée reçut simplement l'autorisation de séjourner en Grèce, au cours de sa mission, parmi ses proches et ses amis. La raison en fut, selon Polybe, qu'Agathoklès souhaitait s'en défaire le plus longtemps qu'il se pourrait.

[43] La date résulte de celle de l'avènement de Ptolémée Épiphanes. Cet avènement eut lieu le 28 novembre de l'an 203, comme on le voit par l'inscription de Rosette (l. 46) rapprochée de Polybe, XV, 25. 3 sqq. Je m'en tiens sur ce point à l'opinion que j'ai exprimée à diverses reprises (Rev. Ét. gr., 1899, 35, 1 ; 1900, 190, 2 ; B. C. H., 1906, 473, 2 ; Klio, 1908, 268 ; cf. Niese, II, 573, 2 [en contradiction avec ce qui est dit par erreur à la p. 639, 2] ; Bouché-Leclercq, I, 335-337 ; II, 391 ; et déjà K. B. Stark, Gaza und die philist. Küste, 397-399) et qui est seule conforme aux indications de Polybe. J'ai vu avec plaisir qu'elle est adoptée par Ferguson, Hellen. Athens, 267. [Elle l'est aussi par E. Degen, Krit. Ausf. zur Gesch. Antiochus d. G. (diss. Zurich, 1918), 5 ; c'est seulement au dernier moment que je puis prendre une connaissance sommaire de cet excellent travail]. Je viens de constater, avec une extrême satisfaction, que la date proposée pour l'avènement de Ptolémée Épiphanes est celle qu'admet M. Wilhelm., Anz. der Wien. Akad., XVII-XXVII (1920), 55-56.

[44] Sur ce personnage, cf. C. Müller, FHG, III, 66 ; R. von Scala, Stud. des Polyb., I, 58-60. Il devint gouverneur de Kypre après Polykratès d'Argos, en 196 (Polybe, XVIII, 55. 6). — L'ambassade du Mégalopolitain a été oubliée de presque tous les modernes (Sharpe-Gutschmid, Schorn, Mommsen, Nissen, Hertzberg, Guiraud, Holm, Bandelin, Ferrenbach, Barbagallo). Je n'en trouve mention que chez Niese (II, 574) et Bouché-Leclercq (Hist. des Lagides, I, 343 ; 356, 2). [Ajouter maintenant Degen, 14 suiv., qui fait de bonnes remarques sur cette ambassade].

[45] Cf. Polybe, XV, 25. 3-12, et, notamment, 25. 5.

[46] Polybe, XV. 25. 1.3 : envoi de Pélops auprès d'Antiochos pour l'inviter à respecter accords conclus avec Philopator ; ibid. : envoi de Ptolémée, fils de Sosibios, auprès de Philippe de Macédoine (mariage d'Épiphanes avec une fille de Philippe) —; 25. 16-17 : envoi de l'Aitolien Skopas en Grèce pour y recruter des mercenaires (sur cette mission de Skopas, Klio, 1908, 277) ; cf. 25. 34.

[47] C'est ce que j'aurai lieu d'établir dans un travail spécial. Qu'il me suffise, pour l'instant, de faire observer que Justin (30. 2. 8 ; cf. 31. 1. 2 ; cf. Appien, Syr., 2 s. f.) ne connaît, avant le commencement de la seconde guerre de Macédoine, qu'une ambassade venue d'Alexandrie à Rome pour y demander assistance. On admet d'ordinaire que cette ambassade se rendit à Rome en 201 (voir, par exemple, Niese, II, 580), dans le même temps que celles d'Attale et des Rhodiens — bien que dans l'exposé de Justin (cf. 30. 3. 3-5) elle soit donnée comme plus ancienne — parce qu'on croit, sur la foi de Justin (2. 8 ; cf. 3. 3), qu'elle s'y plaignit, non seulement d'Antiochos, mais aussi de Philippe, et qu'elle révéla le pacte conclu par les deux souverains en vue de démembrer l'empire égyptien. Mais le témoignage de Justin est contredit et démenti par celui d'Appien (Syr., 2 s. f. ; cf. Maced., 4. 2), qui reproduit moins inexactement la tradition de Polybe : c'est du seul Antiochos que les Alexandrins s'allèrent plaindre aux Romains ; ils gardèrent le silence sur Philippe. Leur ambassade date de l'époque où ils croyaient pouvoir compter, pour résister à Antiochos, sur l'alliance de la Macédoine (cf. Polybe, XV, 25. 13), et, partant, on est pleinement autorisé, je crois, à l'identifier avec celle de Ptolémée de Mégalopolis.

[48] Voir, par exemple, pour Perseus, Tite-Live (P.) 40. 58. 9 ; 41. 42. 6 ; (Ann.) 45. 9. 3.

[49] Ferrenbach (Die amici p. R. republ. Zeit, 25-26), qui croit au renouvellement du fœdus lors de l'avènement d'Épiphanes, tire argument de Tite-Live (Ann.) 31. 2. 3-4 ; 9. 1-5. Ces deux textes (qui se rapportent, l'un à l'année 201, l'autre à l'année 200) impliquent, dit-il, l'existence d'un traité d'amitié, lequel doit remonter à l'année 204 (date supposée de l'avènement d'Épiphanes). Mais, ainsi que je l'ai indiqué déjà, les textes en question, qui font de Ptolémée (Philopator et Épiphanes ?) non pas seulement l'ami, mais l'allié des Romains, ne méritent pas qu'on en tienne compte. Ferrenbach pense, d'autre part, qu'il faut établir un lien direct entre l'amicitia renouvelée per Épiphanes avec les Romains et cette tutelle, mentionnée par Justin (30. 2. 8 ; 3. ; 21.1. 2) et Val. Maxime (6. 6. 1), qu'à la prière des Alexandrins (ou de Philopator mourant ?) le Sénat aurait exercée sur l'Égypte pendant les premières années du nouveau règne. Il suffira de rappeler que tout ce qui concerne la prétendue tutelle du Sénat, représenté par le légat M. Aemilius Lepidus, n'est qu'une légende romaine de fabrication tardive (cf. Nissen, Krit. Unters., 306 ; et, plus décidément, Niese, II, 637, 2; Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, 357, 3 ; II, 2, 1).

[50] J'ai déjà noté l'altération que certaines traditions romaines tardives font ici subir à la vérité historique. D'après Dion, fragm. 57. 58 (I, 256 Boissev.), Ptolémée aurait chargé ses ambassadeurs de réconcilier les Romains et Philippe ; cf. Appien, Maced., 3 init.

[51] Ceci, toutefois, est loin d'être sûr pendant la guerre-des-Alliés, les Rhodiens unis. aux Khiens interviennent entre Philippe et les Aitoliens (Polybe, V. 24. 11 ; 28. 1) indépendamment de Ptolémée, dont la médiation est postérieure (100. 9).

[52] Tite-Live (P.) 27. 30. 4 ; 30. 10 ; 30. 12 (à Phalara et à Aigion, en 209) ; 28. 7. 13-15 (à Hérakleia et à Élateia, en 208) ; Polybe, XI. 4. 1. sqq. (à Hérakleia? ou à Naupakte? en 207) ; cf. Appien, Maced., 3. Noter ce que dit, en commençant son discours, l'ambassadeur rhodien Thrasykratès (Polybe, XI, 4. 1).

[53] Peut-être y a-t-il lieu aussi de prêter attention au fait suivant. Nous savons. par Polybe (dans Tite-Live 24. 26. 1. ; cf. Polybe, VII. 2. 2) que le roi de Syracuse Hiéronymos, au moment précis où, rompant avec Rome, il s'allie à Hannibal, envoie Zoïppos, son oncle, l'un des chauds partisans et des fauteurs de la nouvelle alliance, en ambassade auprès de Philopator. Zoïppos, qu'accompagnent, semble-t-il, les jeunes frères du roi (cf. Niese, II, 515, 4 ; Th. Lenschau, P.-W. VIII, col. 1538, s. v. Hiéronymos, 8 ; De Sanctis, III, 2, 268), a vraisemblablement pour mission d'assurer aux Syracusains, dans la lutte qu'ils vont engager contre Rome, l'appui du roi d'Égypte (cf. De Sanctis, ibid. ; Lenschau, ibid., qui parle même d'un projet d'alliance entre Hiéronymos, Carthage et le Lagide). Cette démarche aurait eu bien peu de chances de succès, et par suite ne se comprendrait guère, si Philopator avait été lié aux Romains par les engagements précis qu'implique un traité d'amitié. — Je dois faire observer, toutefois, que le trop bref passage de T. Live relatif à l'ambassade de Zoïppos est, en un point, d'une fâcheuse obscurité. Il y est parlé de l'exil volontaire de ce personnage : (26.1) — Zoippi, qui legatus ab Hieronymo ad regem Ptolomæum missus voluntarium consciverat exilium — ; et, plus loin, dans un développement oratoire, il est vrai, T. Live prête à Hérakleia, femme de Zoïppos, les propos que voici : (26. 4) nihil se ex regno illius (Hieronymi) præter exilium viri habere(6) si quis Zoippo nuntiet inrerfecturn Hieronymum ac liberatas Syracusas, cui dubium esse, quin extemplo conscensurus sit navem altque in patriam rediturus ? On est tenté d'induire de là que Zoïppos, lorsqu'il quitta Syracuse, était en défaveur auprès de son neveu, et que celui-ci ne le fit partir pour l'Égypte qu'afin de s'en débarrasser (ce qui fut peut-être aussi le cas pour les princes royaux ; cf. Niese, II, 515, 4). Il se pourrait alors, contrairement à ce qu'on croit d'ordinaire, que l'ambassade de Zoïppos n'eût point d'objet politique ; ce serait sous un prétexte quelconque, et non pour se concilier la bienveillance de Philopator, que Hiéronymos, au lendemain de sa rupture avec Rome, l'aurait expédié à Alexandrie.

[54] Eutrope, 3. 1 : finito igitur Punico bello, quod per XXIII annos tractum est, Romani iam clarissima gloria noti legatos ad Ptolemæum Aegypti regem miserunt, auxilia promittentes, quia rex Syriæ Antiochus ei bellum intulerat, ille gratias Romanis egit, auxilia non accepit, iam enim juerat pugna transacta. — Sur les discussions qu'a soulevées ce texte, voir Bandelin (9-10) et Bouché-Leclercq (Hist. des Lagides, I, 259, 2). Aux auteurs cités par ce dernier, ajouter : Lehmann-Haupt, Klio, 1903, 542, 1 ; Cardinali, Riv. di Filol., 1903, 440 et note 3 ; Corradi, Atti dell' Accad. di Torino, 1904-1905, 820 ; Ad. Reinach, Rev. Ét. gr., 1911, 403-405 ; De Sanctis, Atti dell' Accad. di Torino, 1911-1912, 813, 815 ; III, 1, 275, etc. — L'hypothèse de Schneiderwirth (Polit. Bezichungen zwischen Rom und Aegypten..., 9) et de P. Guiraud (De Lagid. cum Roman. societate, 10), reprise récemment par Ad. Reinach (ibid., 404-405), selon laquelle le fait mentionné par Eutrope se apporterait à l'année 217, ne mérite pas d'être réfutée. — L'opinion en faveur aujourd'hui est celle de Cardinali et de Beloch (III, 2, 453, 1 ; 458), qui pensent tous deux qu'il s'agit chez Eutrope de la seconde guerre — postérieure à la paix ou à l'armistice de 242 (?) — faite par Ptolémée III à Séleukos II, et de la paix définitive conclue entre les deux souverains (cf. notamment De Sanctis, Atti, 1911-1912, 815). Mais on est obligé d'admettre que l'abréviateur a écrit Antiochus au lieu de Seleucus, et l'on ne voit point quelle serait cette bataille décisive (pugna) qui aurait terminé la guerre. Noter, d'ailleurs, les réserves caractéristiques de Beloch au sujet de la démarche attribuée au Sénat (II I, 2, 453) : Natürlich beweisen solche aus den ramischen Annalen geflossene Angaben sehr wenig.

[55] Noter, sur ce point, la remarque de Bandelin, qui admet l'existence d'une amicitia publique entre Évergètes et les Romains (9) : — bello inter Syriam et Aegyptum coorto maius, quam fœdere obsiricti erant (Romani), fecerunt legatosque miserunt, qui Ptolemæo auxilium contra hostem offerrent.

[56] C'est ce qu'a fait observer avec raison Niese (I 153, 4), et il ne me semble pas que Cardinali (Riv. di Filol., 1903, 440, 3) ait réfuté son argumentation. — Supposer que le gouvernement romain, au sortir de la première guerre punique, soit intervenu, de son propre mouvement et sans que rien l'y obligent, dans les querelles de l'Égypte et de la Syrie, c'est imaginer l'impossible. Le dernier historien qui ait traité la question, De Sanctis, s'exprime ainsi (III, 1, 275-276) : Singolare questa, offerta alla maggiore Potenza orientale contrastante in apparenta contro gl'interessi di Roma, perchè diretta a rassodare il primato egiziano. In realtà per allora i Romani a conquiste nel bacino orientale del Mediterranco non pensavano ; ma come a qualche Giapponese d'oggi arride forse il pensiero non di eonquiste in Europa, si d'un intervento nelle contese nostre che ponga il Giappone dinanzi alla opinione pubblica europea alla pari con le grandi Potenze civili dell' Occidente ; cosi sorrideva allora ai Romani l'ambizione che la loro Repubblica si dimostrasse col fatto pari alle grandi monarchie dei diadochi ; parificazione, fa duopo appena notare, da cui si ripromettevano con ragione vantaggi e morali e materiali. Je ne crois nullement, je l'avoue, à cette politique japonaise qu'auraient pratiquée les Romains en Orient vers l'ail 240 avant notre ère ; et j'ai quelque soupçon que l'ingénieux auteur des lignes ci-dessus transcrites n'y croit pas beaucoup plus que moi. On n'aura rien fait tant qu'on n'aura pas découvert l'intérêt qu'aurait eu le Sénat à venir spontanément en aide à Évergètes contre Séleukos II (à supposer qu'il s'agisse de celui-ci), et, selon toute apparence, c'est une découverte qu'on ne fera pas de sitôt, puisqu'on ne l'a pas faite encore. En réalité, a démarche du Sénat ne pourrait s'expliquer que comme la conséquence d'un engagement inscrit dans un traité. Ciaceri (Le relazioni fra Roma e l'Egiito, 32-33) admet, en principe, l'authenticité du renseignement donné par Eutrope ; mais il interprète son texte de telle façon que tout se réduirait, en fin de compte, à un semplice scambio di cortesie fra i due stati ! [Il faut avouer que c'est là tirer d'Eutrope un peu moins que ce qu'il offre.] — Il vaut la peine de signaler ici l'étrange raisonnement de Mommsen (R. G., I7, 547-548) Wie sehr den Römern daran gelegen war Makedonien und dessen natürlichen Verbündeten, den syrischen König niederzuhalten und wie eng sie sich anschlossen an die eben darauf gerichtete ägyptische Politik, beweist das merkwürdige Anerbieten, das siedem König Ptolemaios III. — machten, ihn in dem Kriege zu unterstützen, den ergegen Seleukos IIführte und bei dem wahrseheinlich Makedonien für den letztern Partei genommen haste. Ainsi, c'est pour nuire à la Macédoine, que les Romains se seraient offerts à partir en guerre contre la Syrie. Il eût été plus simple, en vérité, de combattre la Macédoine en Grèce, en soutenant contre elle les ennemis qu'elle y avait ; or, c'est ce que les Romains n'eurent jamais l'idée de faire avant l'an 212.

[57] Si l'on fait abstraction, comme il est nécessaire, des textes annalistiques de T. Live et de la tradition relative à la tutelle de Lepidus, rien absolument ne donne à croire que Rome et l'Égypte aient été unies par un traité sous le règne d'Épiphanes. Et le fait que les Alexandrins s'accommodent en 196 avec Antiochos à l'insu des Romains est une preuve du contraire.

[58] On a peine à comprendre comment Ed. Meyer (Kl. Schr., 266) peut écrire qu'en ce temps-là mit dem Hof von Alexandreiawurde die nahe Freundschaft befestigt, die schon nach dem Pyrrhoskriege geschlossen war.

[59] Comme je l'ai indiqué déjà, on parle volontiers de l'hostilité des Romains contre la Macédoine antérieurement à cette époque (voir, par exemple, De Sanctis, II, 428 ; III, 1, 278 ; cf. III, 2, 415-416), et l'on pense l'expliquer par le fait que Rome était l'amie des Ptolémées. Mais la vérité est que cette hostilité supposée n'apparaît nulle part dans les textes.

[60] Ce changement radical survenu dans la politique égyptienne doit, selon toute apparence, être attribué au premier ministre Sosibios ; cf. les indications sommaires que j'ai données à ce sujet dans la Rev. Ét. anc., 1912, 371, 5. — Il est clair que l'inimitié de Sosibios contre Kléomènes, inimitié qui aboutit à l'internement di roi de Sparte et qui, finalement, causa sa ruine (Polybe, V, 36. 8-39), dut faciliter le rapprochement entre le grand-vizir et Philippe V. Cf. les remarques concordantes de Beloch, III, 1, 749.

[61] Polybe, V, 100. 9. — J'ai signalé autrefois (Rev. Ét. gr., 1895, 191 ; 1897, 48-49 ; cf. Dittenberger, Or. gr. inscr., 80, not. 1 ; 81, not. 1) les rapports amicaux et fréquents qui s'établirent, sous Philopator, entre la cour d'Égypte et la Confédération béotienne. C'est là, sans doute, une des conséquences de la politique nouvelle adoptée per le gouvernement alexandrin. On sait que la Béotie était, depuis le règne d'Antigone Doson, étroitement attachée à la dynastie de Macédoine (cf. Polybe, XX, 5. 7 sqq ; VII, 11. 7 ; XVIII, 43. 1 sqq. etc.). Il convient de prêter une attention particulière aux décrets d'Orchomène et de Tanagra en l'honneur de Sosibios (IG, VII, 3166 ; 507 = Dittenberger, Or. gr. inscr. 80).

[62] Polybe, XV, 25. 13.

[63] C'est à ce projet de mariage, comme on l'a vu depuis longtemps (cf. Niese, II, 574, 1), que se rapportent les mots τά τε περί τής έπιγαμίας συνθησόμενον dans le texte de Polybe ci-dessus transcrit (XV, 25. 13). Les objections que ce texte suggère à Bouché-Leclercq se laissent aisément écarter. L'éminent historien s'exprime ainsi (Hist. des Lagides, I, 342, 2 ; cf. Hist. des Séleucides, I, 170, 4) Τά περί τάς [τής ?] έπιγαμίας συνθησόμενον. La leçon τάς rend le passage inintelligible. On ne voit pas à quel propos une question juridique de conubium aurait pu être soulevée. Avec la correction τής on ne peut que conjecturer un projet de mariage (auquel cas έπιγαμία est impropre) entre le roi et une fille de Philippe. Mais on ne connaît pas de fille à Philippe ; Épiphane était encore un enfant; et l'emploi de l'article suppose que l'affaire avait déjà été engagée. Le passage reste énigmatique. A ces remarques je crois devoir opposer les observations suivantes : 1° Il n'y a point d'incertitude sur la rédaction du texte : l'unique manuscrit qui nous ait conservé ce fragment de Polybe, le ms. de l'Escurial (S = Exc. de insid. 226 De Boor), donne τά τε περί τής έπιγαμίας. — 2° Le terme έπιγαμία est usuel pour désigner une alliance (entre deux familles, deux dynasties, etc.) résultant d'un mariage ; il suffit de renvoyer à Diodore, XXXI, 19. 6 ; Appien, Maced., 11. 2 (cf. Tite-Live (P.) 42. 12. 3) — ; Syr., 5. — ; cf. encore Diodore, XVII, 98. 1 ; XVIII, 4. 4 ; et la loi d'Ilion sur la tyrannie (Dittenberger, Or. gr. inscr. 218), l. 105. J'ajoute qu'en grec moderne le mot έπιγαμία a conservé le même sens ; c'est ainsi qu'on lit dans le Lexikon de A. Th. Hépitès (Athènes, 1908) : έπιγαμία, ένωσις διά τοΰ γάμου. — 3° On connaît au moins deux filles de Philippe (cf. Tite-Live (P.) 32. 38. 3) l'une épousa le roi thrace Térès (Diodore, XXXII, 15. 5) ; une autre, qui s'appelait Aparné (comme l'a montré Ad. Wilhelin, Jahresh., 1903, 80-81), fut mariée à Prousias II de Bithynie (Tite-Live (P.) 42. 12. 3-4 ; 29. 3 ; Appien, Mithr., 2). — 4° Le fait qu'en 203/202 Épiphanes était un tout jeune enfant ne saurait empêcher qu'on eût projeté de le marier à l'une des filles de Philippe : Louis XV n'avait que dix ans lorsqu'on le fiança à l'infante Victoire, qui n'en avait que cinq. — 5° Il est exact que la présence de l'article τής devant έπιγαμίας, comme l'emploi de l'expression τής έπιγαμίας, sans autre indication, implique que l'affaire avait été déjà engagée (cf. Niese, II, 574, 1) et que Polybe en avait précédemment parlé il en faut simplement conclure que le futur mariage des deux enfants royaux et, plus généralement, que l'alliance de la Macédoine et de l'Égypte avait fait l'objet d'un commencement de négociation vers la fin du règne de Philopator. Il y a lieu de se souvenir à ce propos que Philippe, comme l'indique Polybe (XV. 20. 1), avait, du vivant de Philopator, offert ses services à l'Égypte. — Je ne comprends pas bien comment, dans sa récente Histoire des Séleucides (I, 170, 4), Bouché-Leclercq affirme encore qu'il ne s'agit aucunement de mariage et substitue à έπιγαμίας l'extraordinaire correction de J. Svoronos, έπιμαχίας, laquelle a le défaut de n'offrir aucun sens.

[64] Polybe, XV, 25. 13.

[65] Polybe, XV, 25. 14.

[66] Droysen, III, 177 (trad. fr.). Le Bombast de Droysen est convenablement reproduit par le traducteur.

[67] Droysen, III, 178 (trad. fr.).

[68] Pline, N. H., VI, 58 ; cf. Tarn, Antig. Gonagas, 445, 4.

[69] Cf. M. Rostowzew, P.-W., VII, 139, s. v. Frumentum.

[70] Voir la curieuse remarque de Polybe à propos de la venue du roi des Athamanes, Amynandros, à Rome, lors des négociations de 198/197 : XVIII, 10. 7. Si T. Quinctius prend soin de l'y expédier, c'est qu'il compte que ce roitelet d'une peuplade inconnue et à demi sauvage fera grande impression sur le Sénat.

[71] Polybe, XVI. 34. 3 (indictio belli du Sénat signifiée, à Abydos, par le légat M. Æmilius à Philippe) ; cf. XVIII, 1. 14 (colloque du golfe maliaque, aut. 198). Il s'agit certainement, dans le premier texte, des conquêtes toutes récentes de Philippe en Thrace (prise d'Ainos et de Maroncia). L'interprétation de Mommsen (R. G., I7, 700), reproduite par G. Colin (Rome et la Grèce, 68), est erronée : il n'est point question d'obliger Philippe à restituer ce qu'il a jadis pris au Lagide. Je ne doute pas que, dans le second texte, il ne soit aussi question des villes ptolémaïques de Thrace. On admet d'ordinaire que T. Quinctius y veut parler de villes enlevées en Asie par Philippe à l'Égypte ; mais, à la date de 198, je ne trouve aucune ville d'Asie, dépendant antérieurement de l'Égypte, qui soit au pouvoir de Philippe.

[72] Pour cette date, voir mon mémoire dans Klio, 1908, 270 suiv. Celle de 198, maintenue encore par Bouché-Leclercq (Hist. des Séleucides, I, 176 ; II, 572), n'est pas acceptable.

[73] Polybe, XVIII. 47. 1 ; 50. 5 ; Appien, Syr., 2-3.

[74] Ceci résulte de Polybe, XVIII, 51. 10 ; dans 54. 41, il s'agit certainement aussi des λύσεις de l'Égypte et de la Syrie. Que les Romains n'aient point eu connaissance des accords intervenus entre Antiochos et Ptolémée Épiphanes, voilà qui montrerait, à soi seul, ce que vaut l'histoire de la tutelle de M. Lepidus.