PREMIÈRE PARTIE — HISTOIRE DE LA GRÈCE DEPUIS FLAMININUS JUSQU’À AUGUSTE - (194 av. J.-C. — 14 apr. J.-C.)
Nous avons déjà vu qu’on est obligé de reconstituer l’histoire de la ruine de la dernière puissance indépendante de la Grèce d’Europe au moyen d’une foule de notices isolées, dispersées dans un grand nombre d’auteurs des siècles les plus divers. Mais il est bien plus difficile encore de retracer l’histoire de cette longue période de cinquante-sept ans depuis la chute de la Ligue achéenne jusqu’au moment où l’antique pays des Hellènes, par suite du développement tout particulier des rapports entre la République maîtresse du monde et une grandes puissance qui avait récemment surgi en Orient, fut entraîné de nouveau, pour son malheur, à jouer un rôle considérable dans la politique générale du monde d’alors. Pendant tout ce temps, la Grèce européenne n’a pour ainsi dire pas d’histoire politique. La Macédoine, du moins, conservait encore une grande importance comme boulevard naturel des pays civilisés du sud de la péninsule contre les nombreuses et belliqueuses peuplades barbares demeurant à l’est et au nord-est de la ligne du Nestos et au nord du haut plateau dardanien, peuplades contre lesquelles les gouverneurs romains de cette province soutenaient presque constamment les luttes les plus pénibles[1]. Quant à la Grèce, les historiens clans les ouvrages desquels nous puisons notre connaissance de l’histoire générale de cette époque n’en parlent pas avec suite ; nous sommes obligés de nous contenter de quelques notices d’un petit nombre d’écrivains originaux et de quelques inscriptions. De 146 ou de 145 à 89 avant J.-C., il ne peut donc pas être question d’une histoire de la Grèce dans la véritable acception du mot ; c’est à peine si nous pouvons nous faire une idée de la situation générale de la Grèce à cette époque. Ce qui est à peu près certain, c’est que la partie de la Grèce qui jusqu’à la chute de Corinthe avait conservé encore le plus de vie, le Péloponnèse, tomba pour de longues années dans une apathie politique complète, par suite de la malheureuse guerre qu’elle soutint contre les Romains, et on peut en dire autant des cantons de la Grèce centrale et septentrionale, complètement ruinés depuis la guerre contre Persée. Aussi voyons-nous reprendre de l’importance celui des Etats de la Grèce qui autrefois avait été la gloire des Hellènes, mais qui, dès l’époque d’Antigone Gonatas, était tombé de plus en plus, au point de vue moral, économique et politique, et qui avait même fini par devenir la cause éloignée de la catastrophe finale des Achéens, la république athénienne. Athènes, du moins, n’avait pas souffert directement des misères de la dernière guerre. Alliée des Romains depuis de longues années, elle avait été assez heureuse pour conserver avant tout son ancienne importance comme siège principal de la science hellénique, cet élément essentiel de la vie athénienne qui devait assurer pour longtemps encore une influence durable et un haut degré de gloire à l’antique cité de Périclès et de Platon. Ce ne sont pas toutefois des phénomènes de cette espèce, toujours consolants, qui, plusieurs années après la honteuse affaire d’Oropos et la chute de Corinthe, attirèrent de nouveau sur Athènes le regard des contemporains ; ce fut, au contraire, un des phénomènes les plus horribles de cette époque qui fit sentira la population athénienne d’alors son pouvoir destructeur. Depuis longtemps, on le sait, mais surtout depuis la fin de la seconde guerre punique, l’esclavage, avec ses indicibles horreurs, ses dangers sociaux et ses vices, avait pris une extension toujours croissante dans l’empire romain. On sait aussi que, précisément à celle époque où, après la ruine de Carthage et de Corinthe, des milliers de familles originaires de la Macédoine, de la Grèce, de Carthage, de l’Espagne ou du Nord furent vendues et condamnées au plus triste esclavage ; où, sur les cotes de l’Asie-Mineure, les pirates et marchands d’esclaves ciliciens et crétois faisaient de la chasse à l’homme un métier ; où, sur le marché de Délos entre autres, dix mille esclaves furent débarqués et vendus en un seul jour ; — on sait que non seulement sur divers points de l’Italie (en 141) des mouvements inquiétants se manifestaient parmi les esclaves, mais que les Romains eurent à soutenir pendant plusieurs années, de 143 à 132 avant J.-C, dans la malheureuse île de Sicile, un des principaux centres d’exploitation pour les marchands d’hommes et les planteurs du monde romain et grec, une guerre très dangereuse contre les esclaves soulevés en masse, parmi lesquels un esclave grec d’origine achéenne, du nom d’Achæos[2], joua comme général un rôle important. Ces commotions se firent sentir (en 133 ou 133 avant J.-C.) jusque sur le territoire attique. Les esclaves se soulevèrent non seulement à Délos[3], mais dans l’Attique même. Ceux qui travaillaient en masse dans les célèbres mines d’argent de Laurion se révoltèrent. Ils assassinèrent leurs surveillants, s’emparèrent ensuite de la citadelle de Sounion, dévastèrent l’Attique et ne purent être réduits qu’après de grands efforts par les troupes athéniennes commandées par le stratège Héraclite[4]. Cette révolte fut étouffée, il est vrai ; mais l’exploitation des mines de l’Attique ne paraît pas s’être jamais relevée de ce coup[5]. A partir de cette époque, le nom des Athéniens disparaît de nouveau pour longtemps des annales politiques de cette période. En dehors de quelques renseignements, peu nombreux d’ailleurs, sur l’état où se trouvaient alors à Athènes les écoles philosophiques, que nous examinerons plus tard dans leur ensemble, du nom de quelques archontes, dont il n’est, du reste, que rarement possible de dire quand ils ont été en fonctions[6] nous savons seulement qu’à l’époque de l’archonte Agathoclès (en 126/5), une ambassade du célèbre grand-prêtre et ethnarque juif, Jean Hyrcan, de la famille des Asmonéens (135-107), arriva à Athènes et que le peuple athénien rendit un décret intéressant en l’honneur de ce prince[7]. Trente-sept ans se passent encore jusqu’au moment où les événements de la première guerre contre Mithridate donnent à l’histoire d’Athènes, plus qu’à celle de toutes les autres cités grecques, un intérêt nouveau et vraiment tragique. Quant au reste de la Grèce, l’examen des documents historiques ne donne, comme nous l’avons déjà fait observer, que peu de résultats. Et même il n’y a, à vrai dire, pendant toute l’époque suivante, qu’un seul événement dans l’existence des Grecs d’Achaïe auquel ceux-ci aient pris une part active. En effet, une inscription, qui malheureusement n’est complétée en aucune façon par d’autres renseignements, nous apprend que (probablement en 115 av. J.-C.) un soulèvement démocratique eut lieu dans la ville achéenne de Dyme à la tête duquel se trouvèrent trois hommes- considérables ; Sosos, fils de Tauromène — le damiorge Phormiscos, fils d’Échesthène — et Timothéos, fils de Nicias. Nous n’en connaissons ni la cause, ni les péripéties ; nous ne savons comment il fut étouffé. Nous savons seulement que ce soulèvement, pendant lequel on se rendit sans doute coupable de violences criminelles envers le parti romain, avait d’une part un caractère social et démocratique et visait à la destruction des livres de créances, et eut pour résultat, d’autre part, le renversement de la constitution timocratique établie par les Romains à Dyme après la destruction de Corinthe. L’édifice où se réunissait le Conseil devint la proie des flammes, ainsi que les archives. Nous ne savons pas au juste si ce mouvement fut complètement étouffé par les seules forces du reste des confédérés[8], ou s’il ne le fut que par la coopération des troupes du proconsul de Macédoine — qui était à l’époque Q. Fabius Maximus Eburnus, — ni si, par suite de ces événements, la condition politique de la ville de Dyme devint plus mauvaise (v. plus bas). Par contre, nous apprenons que Sosos et Phormiscos, condamnés à mort par le proconsul Fabius, furent graciés, puis relégués, déportés ou sévèrement bannis (nous ne savons pas où). Quant à Timothéos, moins gravement compromis, il fut interné à Rome pour un temps indéfini et mis à la disposition du prœtor peregrinus[9]. Bien que l’histoire ne nous apprenne que peu de chose sur les Grecs d’Europe, de 145 à 89 av. J.-C, il n’est pas tout à fait impossible de se faire une idée approximative de l’étal de la nation hellénique pendant cette période. On peut admettre avec quelque certitude que les Grecs, et spécialement les Péloponnésiens, se soumirent tranquillement à leur destin dès qu’ils se furent relevés jusqu’à un certain point des désastres de leur malheureuse guerre contre Rome. Les Romains, nous l’avons montré plus haut, n’avaient nullement l’intention d’écraser la malheureuse nation hellénique comme les Carthaginois et d’agir à leur égard comme ils avaient agi et agissaient toujours encore dans leurs luttes contre les Barbares celtes, sardes ou espagnols. Les Hellènes eux-mêmes avaient très bien compris que la courte durée de la guerre contre Rome avait du moins préservé la Grèce d’une ruine complète, et le digne Polybe, étant donnée la situation, pouvait contempler l’étal de la Grèce après la réorganisation de la péninsule avec un sentiment de profonde résignation, il est vrai, niais avec une satisfaction manifeste[10]. Il fallait bien avouer en tout cas que l’anéantissement de toute politique grecque indépendante avait du moins mis un terme aux luttes désastreuses entre les divers cantons. Il est vrai que les antipathies réciproques des cantons n’ont pas cessé après la ruine de la Ligue achéenne ; elles ont, au contraire, survécu longtemps à la République romaine elle-même et déterminé à plusieurs reprises, jusqu’à la bataille d’Actium, l’attitude des diverses cités grecques à l’égard des partis politiques de Rome ou de ceux qui avaient le pouvoir en main, dans les occasions où elles pouvaient librement prendre une décision (voyez ci-après). Cependant la Grèce jouissait de nouveau d’un certain calme et les Hellènes pouvaient songer sérieusement à prendre soin de leurs intérêts matériels, à se remettre peu à peu des suites des terribles désastres causés par les nombreuses guerres qui avaient eu lieu entre 220 et 146 av. J.-C, et notamment à remédier au désordre économique[11] et à payer les dettes qui les accablaient et dont j’ai dû parler plus haut à diverses reprises. A cet égard, le Péloponnèse notamment semble avoir fait pendant quelque temps des progrès assez considérables[12]. Seulement, il ne faut pas oublier que l’épuisement complet des sources de prospérité qui dépendaient de l’existence de la brillante Corinthe, que l’extension de la grande propriété autorisée de nouveau par les Romains avec tous ses inconvénients, que l’exploitation de la Grèce par les négociants romains, enfin que le goût croissant de l’émigration (ci-après) empêchaient cette contrée aussi de résisterait longue à l’épuisement dont souffraient partout les pays de la Grèce d’Europe Par contre, les événements ultérieurs, et surtout l’attitude des Grecs pendant la guerre contre Mithridate, nous montrent que les peuples helléniques n’étaient pas près de se soumettre sans arrière-pensée à la domination romaine. Nous ne savons pas si, à cette époque déjà, comme plus tard, la Grèce eut à souffrir des exactions, des empiétements et des violences des fonctionnaires romains, comme en souffraient alors beaucoup d’autres parties de l’empire romain et entre autres la Macédoine[13] ; nous savons seulement qu’à Athènes, sans parler des événements complètement isolés qui eurent lieu à Dyme en 115, le démos continuait à ressentir péniblement les restrictions et, en général, la sévère discipline que lui imposaient les Romains. D’ailleurs, il nous est difficile de croire que la plupart des Hellènes, dès que la génération dont la force avait été brisée à Scarpheia, à Leucopétra et à Corinthe eut disparu et qu’une nouvelle génération qui ne possédait pas la sagesse de Polybe eut grandi, ne ressentit pas avec une profonde douleur et ne vit pas avec peine que la vie politique de la Grèce était anéantie. Les anciennes formes de la vie politique subsistaient sans doute encore dans bien des parties de la Grèce ; mais cette vie là ne pouvait satisfaire aucune ambition politique ou militaire d’un ordre élevé. Non seulement la volonté invariable du Sénat pesait partout lourdement sur la démocratie, excepté à Athènes, mais il était maintenant complètement indifférent au point de vue politique que ce fût tel plutôt que tel autre qui exerçât les fonctions de chef de la Ligue chez les Achéens, les Phocidiens ou les Béotiens, ou que l’on confiât à tel ou tel une des nombreuses fonctions cantonales ou municipales. Partout la volonté de la puissante aristocratie romaine régnait en souveraine ; la Grèce ne comptait plus pour rien dans la politique d’alors. Partout en Grèce régnait alors le calme d’une province romaine ; le vigoureux mouvement politique de la première moitié de ce siècle avait réellement fait place à une idylle communale. Cette Grèce si cultivée à cette époque, ces Hellènes auxquels l’histoire avait ironiquement rendu le nom d’Achéens, autrefois si glorieux et maintenant si humble, ils voyaient revenir les temps et les circonstances tels qu’ils avaient été des siècles auparavant, avant l’apparition des grands tyrans de la première période, mais sans cotte conscience d’une force juvénile, cet espoir, cette ardeur passionnée pour l’action et le progrès, qui animaient les Grecs des premiers temps. Quant à une union intime avec Rome, une sphère d’activité où les meilleurs et les plus ambitieux des Hellènes eussent pu servir directement la République, les antiques principes de la politique romaine les rendaient impossibles ; la paix qui régnait en Grèce, l’éloignement de ce pays de toute frontière ennemie (excepté tout au plus, au Nord, de celle des contrées barbares de la Dalmatie et de la Thrace), empêchaient même en général, jusqu’aux jours de la guerre contre Mithridate et des guerres civiles des Romains, la jeunesse belliqueuse, qui ne trouvait plus que de temps à autre l’occasion de se battre au service de l’Asie[14], de s’enrôler en grand nombre comme auxiliaires des Romains et de se couvrir ainsi de lauriers[15]. Un pareil état de choses, un pareil engourdissement de la vie politique en Grèce sous l’étreinte de fer de la domination romaine, devait remplir les Hellènes d’une profonde douleur ; elle ne satisfaisait, selon toute apparence, que le nombre restreint des grands propriétaires et des citoyens riches qui, peu ambitieux, se contentaient du soin exclusif de leurs intérêts matériels et de l’administration paisible de leur cité. Mais le temps n’était pas encore venu où le plus grand nombre des Grecs actifs et bien doués trouveraient uniquement dans l’étude, dans la contemplation savante de leur passé, ou dans l’importance plus grande, pour ne pas dire exclusive, qu’ils attachaient à la célébration de leur fêtes, dans la culture des arts ou de leur intelligence, dans la composition d’adresses pompeuses en l’honneur des empereurs romains ou des membres de leur famille, dans le soin enfin qu’il prenaient de leurs gymnases, une compensation suffisante pour la vie publique qui faisait défaut. La profonde irritation que faisait naître l’état de la patrie se manifesta alors et bien longtemps encore par deux sortes de phénomènes d’une nature bien différente. En effet, d’une part, nous voyons commencer avec la ruine de l’indépendance hellénique une nouvelle émigration des Grecs d’Europe, qui, cette fois, se dirige vers l’Ouest, surtout[16] vers l’Italie, vers Rome et les grands ports de mer de cette contrée, notamment vers Putéoli. Les Ilots de l’immigration grecque qui, dos parties les plus diverses du monde hellénique, avait commencé depuis longtemps déjà à envahir l’Italie, grossirent encore considérablement depuis que, par suite de l’anéantissement de toute vie politique véritable dans la péninsule, terre de leurs aïeux (comme plus tard en Asie-Mineure), la patrie avait perdu aux yeux des Grecs, des Grecs d’Europe surtout, son principal attrait. Toujours plus grand devenait le nombre des Hellènes qui, en qualité d’artisans, de marchands ou de négociants, de prêtres ou de devins, d’artistes de toute espèce — depuis le sculpteur, le peintre et l’acteur, depuis l’athlète et le maître d’escrime jusqu’au cuisinier, au boulanger et au barbier, et même jusqu’au saltimbanque et au prestidigitateur, — de médecins enfin et de savants et avant tout de pédagogues de haut et de bas étage, se rendaient à Rome pour chercher, dans la nouvelle capitale du monde, la fortune et la richesse que leur patrie, appauvrie et déchue, ne pouvait plus leur donner. Sans doute, il n’est pas facile d’indiquer pour chaque État, pour chaque cité de la Grèce d’Europe, la part d’émigrés qui lui revient. Mais on peut affirmer que tous ces étrangers, qu’ils en eussent conscience ou non, eurent leur part dans la conquête morale et intellectuelle du vieux monde romain, dans la politesse croissante de ses mœurs, dans les modifications profondes qu’il subit pendant les deux derniers siècles av. J.-C., modifications qui, sans qu’il soit possible d’appeler réjouissants tous les phénomènes qui s’y rattachent ou seulement le plus grand nombre d’entre eux, malgré l’opposition énergique tantôt de quelques hommes isolés, comme notamment du vieux Caton, tantôt du génie particulier de la nation italienne en général, exercèrent une influence irrésistible dans les domaines les plus divers de la vie intellectuelle, morale et sociale, sur les mœurs, le culte et les croyances, le commerce et l’industrie, sur la manière de rendre la vie plus agréable et d’en jouir davantage (jusqu’aux combats de taureaux des matadors thessaliens à cheval, que, plus tard, César introduisit le premier à Rome[17]), sur l’art et la littérature, et même en partie dans le domaine de la jurisprudence. L’influence puissante de la civilisation hellénique, de la civilisation grecque moderne surtout et hellénistique (influence préparée depuis longtemps par le contact des tribus italiques avec les Grecs de l’Italie méridionale et de la Sicile), ne peut être méconnue dès la seconde guerre punique ; elle s’accroît sans cesse depuis le passage des légions en Grèce et en Asie-Mineure et depuis la marche progressive des fonctionnaires, des fermiers d’impôts et des négociants romains vers l’Orient, qui se croisa avec l’émigration hellénique et hellénistique vers l’Italie. Malheureusement, à côté du beau spectacle que nous offre l’hellénisme des Scipions et de Flamininus, de Paul-Émile et de son glorieux fils, de la noble Cornélie, et plus tard de L. Lucullus, de Cicéron, de César et des meilleurs de leurs contemporains, nous voyons de bonne heure déjà des choses odieuses, comme les horreurs des mystères de Bacchus, l’immoralité croissante de la jeunesse romaine, la ruine de la religion romaine, et d’autres phénomènes hideux en comparaison desquels l’hellénisme plein de fatuité d’un Aulus Postumius Albinus parait innocent et excusable. Malheureusement, si la vieille Rome gagnait d’un côté en acceptant ce que la Grèce avait de meilleur, de l’autre, l’Orient grec et hellénistique exerçait sur elle l’influence la plus fâcheuse. L’influence politique de Polybe et du stoïcien Panætios sur Scipion Émilien, comme plus tard celle du philosophe stoïcien Blossios de Cumes et de Diophane de Mytilène sur le jeune réformateur Tiberius Gracchus, marchent de front avec la corruption grecque et hellénistique de l’espèce la plus dangereuse, avec le mélange des vices de la civilisation hellénique la plus raffinée avec les graves défauts du caractère romain et italien, empreint de plus de rudesse et de la corruption qui lui était particulière. Nous ne nous proposons pas d’étudier en détail l’influence considérable qu’exerça sur la civilisation la fusion de l’élément grec et italique, avec ses côtés sombres ou brillants. Mais nous pouvons faire observer que les Hellènes agirent bien plus fortement sur les Romains de ces temps-là que les Romains sur les Hellènes. Ce n’est que sous les empereurs que ce rapport se modifie ; c’est par la conquête intellectuelle et la modification profonde du vieux caractère romain que les Hellènes, vaincus par la supériorité politique et militaire des Romains, s’acquittèrent envers leurs nouveaux maîtres[18]. Cette émigration des Hellènes vers Rome n’a fait que s’accroître dans le cours des siècles, surtout depuis que les villes et les Etats grecs et hellénistiques de l’Orient, et en premier lieu le royaume de Pergame et les brillantes villes grecques de la côte occidentale de l’Asie-Mineure, eurent été unis directement sous différentes formes avec l’empire romain (v. plus bas). Nous trouverons plus tard, à plusieurs reprises, surtout à l’époque de Juvénal, puis à celle de Lucien de Samosate et de ses prédécesseurs, l’occasion de traiter de ces faits avec plus de détails. Mais tous ceux qu’animaient encore dans les États helléniques l’ancienne fierté nationale ne pouvaient pas considérer cette affluence croissante avec une satisfaction sans mélange. Sans doute, c’était un spectacle grandiose que de voir la nation italique, maîtresse du monde et si puissante par ses armes, qui avait détruit l’indépendance de la Grèce et des Etats hellénistiques, et qui avait, en quelque sorte, brisé le cœur à la nation grecque, conquise à son tour et profondément modifiée par la civilisation hellénique ; de voir ces mêmes Hellènes, qui plusieurs siècles auparavant avaient pénétré en Orient jusqu’au delà du Tigre et y avaient répandu une vie nouvelle, pouvoir maintenant faire l’essai de leur puissance civilisatrice sur les nobles et puissantes tribus de la péninsule italique. Et pourtant, on ne pouvait nier que cette nouvelle situation cosmopolite de la nation hellénique fût le prix d’énormes sacrifices. Il était sans contredit très fâcheux que cette émigration nouvelle vers l’Italie contribuât pendant longtemps de son côté à rendre de plus en plus déserts les villes et les cantons de la Grèce dont la dépopulation, déjà commencée longtemps avant la dernière guerre d’Achaïe, avait sans cesse augmenté depuis l’engourdissement et le dépérissement de la vie politique en Grèce[19] ; il n’était pas moins regrettable que l’amour de la patrie, dans le sens plus restreint du mot, qui, déjà du temps des grands Diadoques, avait diminué graduellement en bien des endroits, disparût complètement chez des milliers d’hommes, grâce au nouveau cosmopolitisme ; que les Grecs de cette époque et de celle qui suivit eussent bien conservé l’antique goût des voyages qui caractérisait la race grecque des temps passés, mais que l’attachement profond au sol natal cédât de plus en plus le pas à cette manière de voir dont le programme se résumait dans cette odieuse maxime : Ubi bene, ibi patria ! Ajoutez à cela que les Grecs éprouvèrent en Italie bien souvent le triste sort qui a condamné tant de nobles nations à n’être plus que le fumier de la civilisation. Elles sont innombrables les humiliations auxquelles furent exposés notamment les Grecs des classes élevées — à moins qu’ils n’arrivassent à une haute position, comme entre autres le Lesbien Théophane auprès du grand Pompée — qui cherchaient et trouvaient leur place à l’ombre des grandes familles de la capitale du monde, dans l’entourage des nobles et riches Romains, et plus tard aussi à la cour dont s’entouraient les grandes dames romaines. La profonde corruption qui, surtout depuis la ruine de Carthage et de Corinthe, prenait dans le monde romain des proportions vraiment colossales, n’empêchait nullement les fiers habitants de Rome et de l’Italie de regarder avec un souverain mépris l’agitation fiévreuse et bruyante des Grecs de tout rang et de toute profession qui s’étaient établis partout au milieu d’eux. Les Romains des basses classes, les propriétaires fonciers de la classe moyenne aux rudes allures et la noblesse princière, malgré le dépérissement progressif et inévitable du vieil esprit national, étaient tous remplis du même orgueil, de la même aversion instinctive, du même souverain mépris à l’égard des Grecs d’Europe et bien plus à l’égard des Grecs d’Asie, plus dégénérés encore ; ils avaient tous, en un mol, le même sentiment d’hostilité à l’égard de toute la nation grecque ; ils avaient en horreur le peu de sérieux, les mœurs, il faut bien le dire, souvent très légères, l’attitude peu convenable de ces Grecs, de l’habileté et des talents desquels on ne voulait plus se passer, qu’on exploitait a plaisir, mais auxquels on était à tout moment disposé, à de rares exceptions près, à faire sentir, sans aucun ménagement, la supériorité des Romains. Non seulement les générations vivantes des Græculi ne profilaient pas, en général, de la vénération qu’inspiraient aux Romains d’un esprit cultivé Phidias et Praxitèle, Sophocle et Euripide, Platon et Aristote : les Romains croyaient même avoir parfaitement le droit de juger du caractère de toute la nation grecque en deçà et au delà de la mer Egée par ce qu’ils voyaient des aventuriers de l’espèce la plus dangereuse, de tous ces étrangers de langue hellénique ou hellénistique qui arrivaient en compagnie de beaucoup d’autres qui n’étaient pas Grecs ou ne l’étaient qu’à demi. Et, il faut bien le dire, un grand nombre des Grecs qui restèrent dans la mère-patrie sous la domination romaine, de ceux surtout qui vécurent sous la terrible oppression des tyrans républicains depuis Sylla, ne devinrent pas meilleurs. Ce n’est pas seulement à Rome que les Grecs se montraient trop souples en poussant souvent jusqu’au servilisme le désir de se rendre utiles ; dans beaucoup de villes et de cantons de la patrie, un grand nombre d’entre eux se consolaient de plus en plus de la nullité de leur existence politique en se livrant à une fiévreuse et vaine activité ; plus d’un cherchait à se dédommager du mépris des Romains par un orgueil mal fondé, d’impudentes fanfaronnades et de belles phrases vides de sens. Même les Romains les moins sévères, surtout pendant les vingt ou trente dernières années delà République, étaient choqués par l’inqualifiable légèreté, le manque de sérieux et de caractère, la mollesse, la ruse, l’avidité peu scrupuleuse de la plupart des Grecs ; ces derniers y joignaient trop souvent des sentiments de colère qu’un rien faisait naître, qui rendaient toute réconciliation difficile et qui cependant, dans la plupart des cas (il y eut pourtant des exceptions), ne dépassaient pas un ardent mais impuissant désir de vengeance. Les Romains crurent donc pouvoir constamment — même à une époque où ils étaient bien plus corrompus sous tous les rapports et plus vicieux que les Hellènes, et où les mœurs des Grecs en face de celles des Romains dégénérés paraissaient à leur tour non seulement pleines de mesure, mais même honnêtes — regarder In monde hellénique avec un sourire dédaigneux et un mépris mêlé de pitié ; et cela d’autant plus que les Romains, bien que dégénérés, n’avaient du moins jamais complètement perdu leurs puissantes passions, leur formidable énergie, leur activité, leur supériorité militaire et le sentiment profond de la grandeur nationale qui avait animé leurs ancêtres. Cette antipathie des Italiens pour les Grecs était si tenace que la rusticité romaine, même au temps de Néron, préférait aux jouissances délicates de l’art de la Grèce, à son théâtre, à ses jeux athlétiques, les plaisirs plus grossiers et plus barbares nés sur le sol de l’Italie ; et que, plus tard encore, même chez des Romains d’un esprit cultivé, un étroit patriotisme ne s’abstenait nullement de dénigrer brutalement même les beaux côtés du caractère hellénique[20]. Les Hellènes enfin qui, d’un caractère plus sérieux, avaient préféré, après la ruine de Corinthe, rester fidèles à leur antique patrie, pouvaient bien supplier leurs dieux de leur accorder, dans leur miséricorde, l’oubli de la grandeur passée de la Grèce. Et certes, ce n’était pas facile. Chaque montagne, chaque vallée de ce pays était devenue sacrée par le souvenir d’un grand fait historique ; chaque page des livres des anciens historiens rappelait à ces tristes épigones l’ancienne importance de la Grèce et de ses habitants. Et celui qui, découragé, se détournait des livres voyait apparaître à ses yeux les innombrables inscriptions commémoratives de Delphes et d’Olympie, les nombreux et magnifiques édifices dans toutes les parties du pays comme autant de témoins muets et pourtant bien éloquents d’un passé glorieux ; mais les statues de marbre et d’airain de tous ces grands hommes, fils illustres de la Grèce — depuis Aristogiton et Harmodios jusqu’à Philopœmen, le dernier des héros, — semblaient jeter un regard ironique sur ces Hellènes soumis aux Romains et incapables de s’illustrer par des actions d’éclat. Mais, à cette époque, les Grecs ne pouvaient pas encore se résigner à regarder avec calme l’histoire de leurs ancêtres comme celle d’un peuple à jamais disparu de la scène du monde. Le fait que deux des chefs les plus passionnés de l’insurrection athénienne à l’époque de la guerre contre Mithridate ont été des savants grecs, n’est certainement pas l’effet du hasard. A mesure que s’effaçait le souvenir des défaites de Scarpheia et de Leucopétra, et que ce peuple, toujours prêt à se faire illusion sur sa propre nullité et sur sa faiblesse, perdait de nouveau le sentiment de ce dont il était capable, on voyait renaître peu à peu chez les Hellènes le désir ardent de reprendre part à la politique générale. La destinée ennemie n’a pas refusé à cette malheureuse nation l’accomplissement de ce désir fatal. Quatre fois encore dans le cours du dernier siècle avant noire ère, la Grèce fut le théâtre d’événements d’une importance capitale, auxquels ses habitants prirent une part active. Il s’en fallait beaucoup que la mesure des maux que le destin réservait à cette nation infortunée fût épuisée par la ruine de Corinthe, et tous les malheurs que l’alliance d’abord, et puis la lutte avec Rome avaient causés à la Grèce furent bien surpassés par la désolation et les misères amenées par les combats que se livrèrent dès lors les Romains sur le sol de ce pays si cruellement éprouvé, d’abord pour leur existence même, et puis dans des luttes fratricides. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, le laps de temps qui s’écoula de l’année 145 à 89 av. J.-C. fut pour la Grèce, autant que nous sachions, une époque de calme a peine interrompu par moments ; les grands événements qui ébranlèrent profondément pendant ce temps une grande partie des pays voisins de la Grèce n’exercèrent sur l’antique pays des Hellènes aucune influence perceptible. La confiscation du royaume de Pergame — qui, comme l’on sait, devint une possession romaine en 133 av. J.-C, à la mort de son dernier roi Attale III, en vertu d’un prétendu testament fait en faveur des Romains[21] — excita naturellement en Grèce aussi un puissant intérêt, à cause des nombreuses villes grecques de l’Asie-Mineure qui, dès lors, eurent à l’égard de Rome la même situation que les Grecs d’Europe. La guerre pénible que les Romains, soutenus par une série de villes grecques d’Asie, comme notamment Myndos, Samos, Colophon, Éphèse, — tandis que beaucoup d’autres, et parmi elle Phocée, étaient hostiles à Rome — durent faire pendant quatre ans (132-129) au vaillant prétendant Aristonicos, fils naturel d’Eumène II, avant de pouvoir organiser comme province d’Asie[22] la partie occidentale du royaume qu’ils réunirent alors déjà a leur empire, ne toucha en rien la Grèce d’Europe. Des mercenaires grecs peuvent bien être allés secourir Aristonicos, des auxiliaires grecs avoir été levés par les Romains ; on parle en particulier du secours que Byzance accorda alors aux Romains[23]. Et certes, les Grecs d’Achaïe pouvaient se considérer comme heureux en comparant leur sort à celui des peuples de l’Asie, en voyant la province de Pergame, sous l’influence et par suite de l’activité révolutionnaire de Gaius Gracchus[24], non seulement frappée d’impôts directs et indirects de toute espèce, et notamment de l’impôt foncier de la dîme, mais aussi entièrement livrée, par la manière dont ces impôts étaient affermés, à la tyrannie et à l’exploitation brutale des riches capitalistes et publicains romains. Par contre, les formidables mouvements provoqués à Rome par les Gracques ne purent encore exciter un vif intérêt que chez les Grecs qui avaient un sens politique développé ; les rogations agraires formulées par les Gracques n’eurent pas de retentissement en Grèce, autant du moins que nous pouvons en juger par la tradition peu explicite qui nous en a été conservée, bien que l’état de la propriété dans ce pays ne prêtât que trop à des réformes analogues[25]. La tempête soulevée par l’invasion des Cimbres se déchaîna trop loin des frontières de la Grèce pour faire naître de grandes appréhensions chez les Hellènes ; cependant il nous est permis de supposer que la violence croissante des luttes qu’il fallut soutenir contre les Barbares des frontières de la Macédoine depuis 114 av. J.-C., auxquels déjà, depuis 119 av. J.-C., on avait fait énergiquement la guerre, ne furent pas sans rapport avec la première apparition des Cimbres sur le Danube moyen et en Illyrie[26]. Les menées démagogiques, au contraire, de Gaius Servilius Glaucia et de Lucius Appuleius Saturninus menaçaient (en 100 av. J.-C.) de troubler directement la Grèce ; en effet, l’Achaïe aussi, comme la Macédoine, faisait partie de ces contrées dans lesquelles, d’après une loi présentée alors par le second de ces deux hommes, des citoyens romains, surtout des vétérans du général démocrate Gaius Marius, devaient être établis sur des propriétés de l’État ou des terres qu’il se proposait d’acheter. Cependant la ruine subite de ces démagogues et l’écroulement de la puissance politique de Gaius Marius empêcha, comme on sait, l’exécution de cette loi[27]. Cependant le temps approchait où la paix dont la Grèce jouissait depuis longtemps devait être troublée par une catastrophe sanglante. Avec une horreur profonde, peut-être aussi çà et là non sans une joie secrète, les Hellènes virent éclater en Italie, pendant l’automne de l’année 91 av. J.-C., cette terrible guerre civile dans le cours de laquelle les fils de l’Italie, maîtresse du monde, se déchirèrent entre eux. Mais les Grecs étaient si profondément convaincus de la puissance invincible de Rome, que beaucoup d’entre eux se hâtèrent de mettre leurs forces et leur habileté à la disposition de la République, serrée de près par ses ennemis, lorsqu’elle s’efforça d’équiper une flotte capable de résister à ces derniers[28]. Elles n’étaient plus loin ces journées néfastes et sanglantes où les Grecs allaient pouvoir satisfaire, pour leur malheur, le besoin d’action qui les dévorait, non plus en combattant côte à côte avec les Romains, mais en se révoltant contre eux avec fureur et en luttant avec acharnement contre les légions de l’Occident. Depuis longtemps déjà, l’Orient tout entier s’agitait à la nouvelle des hauts faits et des brillants succès d’un grand prince asiatique ; d’un homme qui se distinguait avantageusement de ces potentats efféminés qui, depuis que les Ptolémées elles Séleucides avaient dégénéré, avaient offert au monde, pendant la durée de plusieurs générations, un spectacle pitoyable sur tous les trônes de l’Orient hellénistique, à l’exception de celui de Pergame. C’était Mithridate VI Eupator, roi du Pont[29], qui, d"un côté, depuis 114 environ avant J.-C, avait fait des conquêtes considérables en Colchide et dans les contrées grecques et barbares situées sur les bords de la mer Noire au nord-est et au nord, et, de l’autre, avait réussi à étendre sa puissance en Asie-Mineure par la ruse et par la force, aux dépens des princes de la Paphlagonie et de la Cappadoce. Peu à peu sa puissance devint également menaçante pour les intérêts de Rome en Orient ; du reste, le roi Mithridate VI avait toujours été, comme l’on sait, hostile aux Romains, parce que le Sénat, pendant sa minorité, avait de nouveau détaché du royaume de Pont cette partie de la Grande-Phrygie qu’avait reçue son père Mithridate V Évergète après la défaite d’Aristonicos. Le Sénat surveillait donc avec inquiétude les progrès constants de ce prince audacieux ; les empiétements du roi finirent par provoquer (d’abord en 92 av. J.-C.), de la part des Romains, des démonstrations très sérieuses. Mithridate recula momentanément devant les menaces des Romains, mais bientôt il donna sur d’autres points des preuves de son ressentiment. Car l’hypothèse d’un savant moderne[30], qui attribue au roi du Pont une part dans les attaques furieuses dirigées contre la Macédoine avec une violence et une constance surprenantes, depuis 92 av. J.-C., par les tribus barbares de la frontière septentrionale et orientale de cette province, n’est sans doute pas dépourvue de fondement. Ce fut surtout en 90 et en 89 av. J.-C. que les Barbares de la Thrace inondèrent non seulement la Macédoine, mais aussi la plus grande partie de l’Épire, et qu’ils pillèrent le temple de Dodone. Gaius Sentius Saturninus, le vaillant gouverneur de la Macédoine, s’efforça, il est vrai, de protéger sa province, et repoussa en effet les brigands avec le secours de la tribu thrace des Denthélètes[31] ; mais bientôt les affaires prirent une tournure bien plus menaçante pour les Romains en Grèce et en Macédoine. Mithridate avait bientôt (directement et indirectement) renouvelé ses attaques en Asie-Mineure contre les peuples et les princes ses voisins. Le roi recula, il est vrai, encore une fois devant les menaces de l’ambassadeur romain Manius Aquillius en 90 av. J.-C ; mais maintenant, sans se soucier de l’immense danger où se trouvait Rome précisément alors par le soulèvement des Italiotes, Aquillius cherchait partons les moyens à forcer Mithridate, qui, selon toute apparence, n’était pas disposé alors à se mesurer avec les Romains, à leur déclarer la guerre. Il ne réussit que trop bien. Mithridate, poussé à bout, animé dès lors de cette haine ardente contre Rome qu’il manifesta a diverses reprises d’une manière si effrayante pendant sa longue existence, fit, en 89 av. J.-C, où il rompit enfin ouvertement avec les Romains, les préparatifs les plus formidables ; et lorsque la guerre éclata, au printemps de l’année 88 av. J.-C, les troupes italiennes dont disposait Rome, trop peu nombreuses, et les contingents considérables, mais de médiocre qualité, de ses alliés d’Asie, furent partout défaits et dispersés en Asie Mineure parles armées du Pont admirablement commandées. Les débris de l’armée romaine cherchèrent à se maintenir dans la ville de Laodicée en Phrygie, sous le préteur Quintus Oppius, qui, de la Pamphylie, avait conduit des troupes romaines contre Mithridate et dans les villes fortes sur le Méandre supérieur ou dans d’autres endroits de la Carie, sous Lucius Cassius Longinus, gouverneur de la province d’Asie. Sous l’impression des rapides et complètes victoires du roi, puis des nouvelles d’Italie, où le consul L. Cornélius Sulla — auquel le parti populaire dirigé par le tribun du peuple Publius Sulpicius Rufus voulait arracher, d’une façon complètement illégale, le commandement suprême contre Mithridate, que le Sénat lui avait déjà accordé, pour en revêtir son ennemi personnel et politique, le vieux Gaius Mari us — avait commencé à faire ouvertement la guerre à ses propres concitoyens du parti opposé, Mithridate fut reçu avec enthousiasme dans presque toute l’Asie-Mineure, aussi bien par les Asiatiques que par les Grecs, auxquels le roi, qui connaissait bien la civilisation, les mœurs et les coutumes des Hellènes et qui, en même temps, avait fait annoncer partout aux habitants des villes que leurs dettes publiques et privées seraient annulées et qu’il les exemptait de tout impôt et du service militaire pendant cinq ans, apparaissait comme un sauveur ardemment désiré, venu pour les délivrer du joug des Romains. Et bientôt on trouva l’occasion d’assouvir par d’horribles forfaits la haine du nom romain que depuis des années avaient fait naître, dans la province d’Asie, cruellement opprimée, et dans les pays voisins, les percepteurs, les chasseurs d’esclaves et les usuriers romains. Non seulement les habitants de Laodicée livrèrent à Mithridate, pour subir les plus odieux traitements, le général Oppius, ceux de Mitylène, Manius Aquillius, qui s’était réfugié auprès d’eux[32] ; mais lorsque le vainqueur, avide de vengeance, publia à Éphèse cet ordre sanguinaire bien connu qui enjoignait à tous ses lieutenants et aux habitants des cités déjà placées sous sa dépendance de tuer le même jour tous les Romains ou Italiotes établis sur le territoire, hommes libres ou affranchis, sans distinction d’âge ni de sexe ; de s’abstenir, s’ils ne voulaient s’exposer aux châtiments les plus sévères, de secourir les proscrits ; de jeter leurs cadavres aux chiens et aux oiseaux de proie, de confisquer leurs biens et d’en livrer la moitié aux assassins et la moitié au roi[33] ; il trouva partout des bourreaux tout prêts à lui obéir, non seulement parmi les esclaves, auxquels on promettait la liberté pour prix de leur trahison et du meurtre de leurs maîtres, et parmi les débiteurs, auxquels le massacre de leurs créanciers italiotes devait rapporter la moitié du montant de leurs dettes. Cette journée pleine d’horreur coûta la vie à quatre-vingt mille, peut-être même à cent cinquante mille personnes[34] d’origine romaine ou italiote, en partie au milieu de scènes d’une abominable cruauté. Les Grecs rivalisaient de fureur brutale avec les Asiatiques. A Éphèse — où l’on avait déjà brisé ou outragé, dans un premier accès de fureur, les offrandes et les statues des Romains, qui se trouvaient dans la ville[35] — la sainteté du temple d’Artémis ne suffit même pas à protéger les Romains qui s’y étaient réfugiés ; à Pergame, les malheureux qui cherchaient un refuge dans le temple d’Asclépios furent tués à coups de flèche ; à Adramyttion, on précipita entre autres dans la mer les enfants des odieux Occidentaux. A Caunos aussi, le temple de Hestia ne put sauver les Italiotes ; avec une cruauté réfléchie, on égorgea d’abord les enfants sous les yeux de leurs mères, puis les mères elles-mêmes, et enfin les hommes. A Tralles, on loua pour le massacre un sauvage paphlagonien du nom de Théophile, qui, avec ses satellites, parqua les malheureux dans le temple de la Concorde (!) et commença par couper les mains à ceux qui enlaçaient de leurs bras les images des dieux. Dans un petit nombre d’endroits seulement, les Hellènes eurent trop de noblesse d’âme pour consentir à être les bourreaux d’un despote sanguinaire. Les citoyens de Cos, notamment, bien qu’ils n’opposassent d’ailleurs aucune résistance au roi du Pont, protégèrent, d’une façon qui leur fait honneur, les fugitifs romains ou italiotes et les placèrent sous l’antique et inviolable protection du temple élevé dans leur île à Asclépios[36]. D’un autre côté, les succès militaires du roi se ralentirent dans plusieurs endroits.. Non seulement les Lyciens et plusieurs villes de Carie lui opposèrent une résistance énergique, mais, notamment à Rhodes, des troupes romaines et des Hellènes amis de Rome résistèrent avec une grande bravoure et avec succès aux forces supérieures du roi. La résistance opiniâtre de la ville de Magnésie sur le Sipyle fil même échouer l’énergie et le talent du vaillant Archélaos. un Cappadocien hellénisé, le meilleur de tous les généraux du Pont[37]. Mais ce furent avant tout les Rhodiens, comme nous l’avons déjà fait observer, qui méritèrent alors la reconnaissance des Romains. Ce peuple de marchands intelligents connaissait sans doute trop bien la puissance et la politique tenace des Romains pour se laisser tromper par quelques succès peu importants des armées du Pont et pour rompre avec Rome dans un moment où l’odieux massacre de la population civile romaine et italiote en Asie devait pousser Rome et l’Italie à se venger sans pitié. Ajoutons que Mithridate, dont la flotte dominait maintenant dans la mer Egée, avait, dès le début, noué des relations intimes avec les pirates, ennemis naturels du trafic rhodien, et surtout avec les Crétois[38], vieux amis de sa famille et de sa cour, qui lui fournirent de nombreux soldats. Il avait ainsi partout, dans les mers de l’Orient, déchaîné la piraterie, qui prit un développement vraiment désastreux[39]. Dans ces circonstances, les Rhodiens restèrent d’autant plus fidèles à ce principe si raisonnable qui consiste à ne changer de parti à aucun prix au milieu d’une crise. Rhodes, lieu de rendez-vous de tous les Romains et Italiotes fugitifs et entre autres aussi du proconsul d’Asie, Lucius Cassius[40], faisait les préparatifs les plus énergiques pour résister au roi, qui avait commencé par faire avancer sa Hotte contre l’île et avait ensuite établi .un camp dans le voisinage de la ville. A plusieurs reprises, l’excellent commandement de leur amiral Damagoras et leur habileté extraordinaire sur mer procura aux Rhodiens, dans une série de combats, la victoire la plus glorieuse sur les escadres du Pont bien supérieures en nombre. Les assauts que Mithridate livra à la ville furent également si malheureux qu’il s’éloigna enfin de Rhodes et renonça provisoirement à arracher aux Romains cette place, si importante au point de vue politique et militaire[41]. Cet échec cependant pouvait lui paraître d’autant moins grave que, sur ces entrefaites, il avait conçu l’espoir de rejeter la puissance romaine au delà de l’Adriatique. En effet, dans la Grèce d’Europe, les nouvelles étonnantes arrivées d’Asie et d’Italie avaient produit un mouvement formidable. Un prince hellénistique, qui annonçait partout aux peuples de l’Orient qu’il les délivrerait du joug des Romains, avait fait subir aux sévères dominateurs de la Grèce des échecs considérables ; et ce roi était d’une toute autre trempe que le faible Antiochus, qu’on avait pourtant surnommé le Grand. Chaque jour, il donnait de nouvelles preuves de son énergie ; l’homme qui avait fait verser à flots le sang romain et italiote devait, à n’en pas douter, faire la guerre à outrance ; il était bien permis aux Grecs de penser qu’il n’abandonnerait pas avec une molle indifférence, comme autrefois Antiochus avait abandonné les Etoliens, les peuples qui, du camp romain, passeraient dans le sien. Et l’on voyait alors le monde romain, malgré les dangers qui le menaçaient du côté de l’Orient et les avertissements que lui donnait la guerre sociale en Italie, livrer son propre sein aux ravages d’une révolution pleine d’horreurs et à une sanglante guerre civile. Il n’est donc pas étonnant que les Hellènes, toujours prêts à espérer, crussent de nouveau à la possibilité de secouer enfin le joug des Romains avec le secours de leur libérateur le roi du Pont, de changer en une réalité politique la souveraineté chimérique de leurs communes, et, en général, de jouer encore dans la politique du temps un rôle important. Dans tous les cas, après les premiers succès importants de Mithridate[42], le parti romain, l’oligarchie, avait perdu le pouvoir dans toute la Grèce, excepté dans un petit nombre de villes ; et déjà avait paru, pour le malheur de la Grèce, ce méprisable démagogue sous le gouvernement duquel l’infortuné pays des Hellènes devait être écrasé par l’invasion des forces militaires de Rome et du Pont. C’est à Athènes, en effet, que l’agitation populaire avait atteint le plus haut degré de violence. Nous ne savons pas si l’aversion démocratique pour le patronat gênant de Rome et l’aristocratie du pays avait été récemment accrue par quelques faits particulièrement révoltants[43] ; toujours est-il que, lorsque les premières victoires de Mithridate mirent la foule en émoi, un homme, qui depuis exerça une influence fatale sur la destinée d’Athènes, réussit à pousser rapidement et complètement les Athéniens dans la voie de la politique de Mithridate : c’était le philosophe Aristion[44]. Cet Aristion[45] était fils de l’Athénien Athénion — qui passe pour avoir été le disciple et l’ami du chef d’école péripatéticien Erymnéos[46], lequel florissait vers la fin du second siècle av. J.-C. et au commencement du premier — et d’une esclave égyptienne[47]. Élevé dans la maison de son père, malgré sa naissance illégitime, le jeune Aristion s’était approprié la culture intellectuelle ordinaire des jeunes Athéniens, avait embrassé les doctrines philosophiques de son père[48], était devenu l’héritier du vieillard à la mort de celui-ci, et avait trouvé en même temps le moyen de se procurer le droit de bourgeoisie. Il épousa ensuite une jeune et jolie fille, se mit à enseigner la philosophie péripatéticienne et sut, grâce aux charmes de sa femme, attirer à lui une foule déjeunes gens riches qui écoutaient ses leçons ; les honoraires qu’il leur demandait remplirent sa caisse. Quelque temps après, il se mit à voyager avec sa femme et sut, tant à Messène qu’à Larissa en Thessalie, se faire une grande réputation par ses discours, et en même temps augmenter sa fortune ; il était riche en revenant dans sa patrie[49]. Nous ne connaissons pas, il est vrai, les événements de sa vie peu avant le commencement de la guerre en Asie-Mineure ; cependant sa destinée ultérieure nous permet de supposer qu’il jouait alors à Athènes un rôle important. Il est bien possible, toutefois, que l’aristocratie ait témoigné peu de sympathie à un homme d’une origine aussi douteuse : elle expia cruellement plus tard ce manque d’égards. Mais les masses, auxquelles imposaient sa richesse et son éloquence facile, l’audacieux et fougueux démagogue peut bien alors déjà se les être attachées, en célébrant par de beaux discours l’antique grandeur d’Athènes et en déplorant les misères du présent. Bref, lorsque sous l’impression des premières nouvelles des victoires du roi du Pont, venues d’Asie-Mineure, et des rumeurs fâcheuses concernant la révolution et la guerre civile qui avaient éclaté à Rome, à Athènes aussi le parti romain perdit le pouvoir qu’il avait eu jusqu’alors, Aristion persuada facilement au démos athénien de renvoyer comme ambassadeur d’Athènes auprès de Mithridate. Celui-ci, qui sut complètement gagner l’habile Athénien, combla de faveur le philosophe qui promettait de devenir un instrument extrêmement utile de la politique du roi du Pont ; et Aristion, qui, en attendant, restait témoin, à la cour et dans le camp du roi, des succès et des crimes de Mithridate, sut en revanche, par une série de dépêches remplies des plus belles promesses, exciter de plus en plus contre les Romains les Athéniens, ses concitoyens, et leur inspirer pour Mithridate un enthousiasme qui allait jusqu’à la folie[50]. Enfin, il s’en retourna en Grèce avec un message du roi. Une tempête poussa son navire dans le port de Carystos, où il paraît avoir séjourné quelques temps. Dès que les Athéniens eurent appris que leur ambassadeur bien-aimé était si près d’eux, ils se hâtèrent de préparer au grand homme la réception la plus brillante. Escorté par les vaisseaux de guerre de la République, le vaisseau d’Aristion entra dans le Pirée ; et l’on vit alors l’ancien « maître d’école » péripatéticien faire son entrée triomphale dans la ville, sur une litière ornée de pieds d’argent et couverte de tapis de pourpre, tandis que des milliers de Grecs émus, venus de près et de loin, se pressaient autour de lui, contemplant avec admiration cet homme venu directement du camp du grand ennemi de Rome, du libérateur tant désiré des Hellènes. A Athènes, on lui donna pour résidence la splendide maison du plus riche citoyen de la ville — probablement l’archonte Médeios — qui, (comme fermier des impôts, paraît-il), avait acquis une grande fortune grâce à son trafic avec Délos ; cette maison était probablement située dans le Dromos, la grande rue, une espèce de Corso qui s’étendait du côté septentrional du marché jusqu’à la célèbre porte de Dipylon et traversait le quartier du Céramique. Couvert d’un manteau magnifique et portant au doigt une bague avec l’image de Mithridate, Aristion se présenta encore une fois ce jour-là à la foule étonnée qui l’accompagnait dans les rues, tandis que, pour célébrer son arrivée, les artistes Dionysiaques faisaient de pompeux sacrifices, dans un endroit consacré attenant à la maison qui leur servait de Heu de réunion dans la grande rue mentionnée plus haut, non loin du Dipylon[51]. Athènes tout entière semblait donc encore s’abandonner à ce délire effréné des temps romanesques de Démétrios Poliorcète. Mais ce fut la première scène d’une effroyable tragédie ; seulement, cette fois-ci, la pièce satirique précéda l’affreuse catastrophe. Ce fut sans doute par calcul que l’astucieux démagogue avait évité de parler au peuple le jour même de son entrée dans la ville. La foule en devint tellement impatiente que, dès le lendemain matin, elle s’amassa devant la porte de sa demeure, que des troupes d’Athéniens et d’autres Grecs allaient et venaient, comme des flots agités, dans la grande rue du Céramique et dans l’agora, et qu’enfin — lorsque le héros du jour parut au milieu de ses adorateurs et qu’un essaim de rusés personnages, qui avaient soif de la faveur du peuple souverain, l’entourèrent comme les courtisans d’un prince, et que tous ceux qui parvenaient à toucher le vêtement du héraut admiré de la nouvelle gloire d’Athènes se sentaient heureux — la foule se réunit toute seule en assemblée pour prêter l’oreille aux paroles d’Aristion. Le flot tumultueux se dirigea d’abord vers l’agora. Aristion prit place sur la tribune élevée pour le gouverneur de la Macédoine devant le portique du roi Attale[52] et commença, avec l’art consommé d’un astucieux démagogue, à entretenir les masses des victoires et de la puissance formidable de Mithridate, qui, disait-il, se préparait à lancer sur le continent européen des forces imposantes, de ce roi auquel tous les peuples de l’Occident, sans en excepter Carthage (!!), avaient promis leur secours contre Rome, l’objet de leur haine ! Puis il excita la colère du peuple contre les Romains. Il ne se contenta pas d’insister sur les entraves depuis longtemps cruellement ressenties qu’on avait imposées à la démocratie, sur l’abandon des anciens lieux de réunion du peuple, du Pnyx et du théâtre, sur la ruine des plus importantes institutions démocratiques, désormais sans valeur, grâce au nouvel ordre de choses établi parles Romains : la triste situation de la ville, un grand nombre de temples et de gymnases tombant en ruines, les fêtes qu’on cessait de célébrer, la décadence de telle ou telle école de philosophie, tout était mis sur le compte de la domination romaine[53]. Le discours d’Aristion produisit l’effet désiré : la foule surexcitée se précipita en tumulte vers le temple de Dionysos et, dans son exaltation, conféra au hardi démagogue la dignité de premier stratège. Sur son avis, on confia sans tarder les autres fonctions publiques à de bons démocrates, à d’ardents ennemis de Rome[54]. C’était déclarer ouvertement la guerre à Rome. Toutes les entraves que les Romains avaient imposées à la démocratie furent supprimées sans autre forme de procès[55] ; Aristion se prépara ensuite activement à la guerre et résolut d’exterminer le parti romain à Athènes, en prenant pour exemple la conduite du cruel Mithridate. Nous ne savons pas si Aristion avait alors déjà à sa disposition des troupes auxiliaires du Pont[56]. Mais il est probable que Mithridate lui donna provisoirement des sommes importantes, à l’aide desquelles il put lever des troupes plus nombreuses que celles que lui fournissaient Athènes affaiblie et l’aveugle enthousiasme des masses. Alors commença une persécution systématique de tous les citoyens qui passaient pour être partisans de l’alliance romaine. Chez Aristion, le fanatisme politique peut bien s’Atre allié à un désir de vengeance personnel, peut-être mémo à la jalousie de métier ou à l’envie que lui inspiraient certains philosophes, ses anciens collègues. En un mot, l’ancien professeur de philosophie se mit à déployer, à l’égard de l’oligarchie athénienne, une cruauté, une rapacité qu’ignoraient la plupart des anciens tyrans antérieurs aux guerres médiques, et que ne connaissaient que trop les tyrans plus récents, les Lacharès d’Athènes, les Nabis et autres personnages sanguinaires de cette détestable espèce. Le premier sang que versa le nouveau despote fit fuir tous ceux qui se sentaient menacés ; on ferma les portes de la ville. Lorsqu’ensuite un grand nombre des partisans de Rome — sans cesse inquiétés par les menaces publiques du stratège et par la persécution impitoyable de nombreux citoyens qu’Aristion faisait condamner à mort et exécuter de la manière la plus sommaire et au mépris de toutes les formes légales, sous prétexte du relations secrètes avec les fugitifs et d’opposition au nouvel ordre de choses — essayèrent de s’échapper en franchissant pendant la nuit les murs d’enceinte, le monstre organisa une chasse générale. Des escouades de ses cavaliers cuirassés reçurent l’ordre de poursuivre partout les fugitifs, et ceux qu’ils atteignaient étaient, s’ils ne se rendaient immédiatement, massacrés en rase campagne, ou ramenés couverts de chaînes ; les prisonniers étaient alors exécutés à Athènes, en subissant souvent les plus cruels tourments, ou gardés pour être livrés au roi[57]. Ceux qui, par ordre du tyran, pourchassaient les fuyards ne cessaient de parcourir et de fouiller les campagnes de l’Attique ; tous les chemins étaient occupés par ses patrouilles, tandis qu’il remplissait sa caisse en confisquant la fortune de ses victimes. Et comme il craignait sans cesse l’arrivée des troupes romaines de la Macédoine ou les soulèvements et la trahison du parti romain de la ville, Athènes fut mise alors déjà en état de siège : de forts détachements gardaient les portes et empêchaient qui que ce fût d’entrer ou de sortir ; après le coucher du soleil, personne ne devait sortir de chez soi ; enfin, en sa qualité de premier stratège, il s’empara de tous les greniers publics ou privés et fixa les rations quotidiennes de tous les habitants[58]. Cependant un grand nombre des partisans de Rome avaient réussi à se sauver[59]. Quant aux Romains, ils laissèrent provisoirement en paix le bourreau d’Athènes. Le gouverneur de la Macédoine, Gaius Sentius, se voyait lui-même 1res sérieusement menacé du côté de la Thrace (v. plus bas), et les chefs des troupes destinées à défendre la Grèce contre une attaque des armées du Pont ne pouvaient pas songer à entreprendre le siège d’Athènes, si bien fortifiée, en laissant sur leurs derrières la Béotie et l’Achaïe toutes prêtes à se soulever. Aristion résolut donc de commencer de son côté les hostilités. Il est possible que ce fut Gaius Sentius qui envoya à Délos un de ses légats, Orhius (Orobios), avec un détachement peu considérable[60], pour y protéger autant que possible contre les corsaires du Pont les nombreux Romains et Italiotes et les biens considérables qu’ils possédaient dans l’île ; en tout cas, les Athéniens n’avaient plus aucune influence à Délos. Aristion résolut donc de reconquérir cette île par un coup de main et de s’emparer en même temps des trésors du temple d’Apollon. Pour diriger cette entreprise téméraire, le stratège avait choisi un audacieux aventurier, homme sans principes, ayant mené une existence très agitée, d’un caractère turbulent et inconstant, qui était devenu un des amis intimes d’Aristion, auquel d’ailleurs l’unissaient des opinions philosophiques communes. C’était le péripatéticien Apellicon, né à Téos, mais devenu citoyen d’Athènes ; il avait vécu jusque-là en riche particulier et était connu comme amateur passionné de livres et de précieux documents manuscrits. Il s’était rendu coupable dans d’autres villes déjà, et plus tard à Athènes, d’audacieuses rapines littéraires, et avait fini par être pris sur le fait en commettant un vol dans les archives de l’État (dans ce qu’on appelait le Métrôon) ; une fuite rapide lui avait permis d’échapper alors à un procès criminel dangereux, et il n’avait pu revenir sans crainte d’être puni que grâce à de puissants et complaisants amis[61]. Aristion envoya à Délos ce docte pirate, avec des forces imposantes et un matériel de guerre considérable. Le débarquement réussit à souhait, et Apellicon se mit avec ardeur à faire construire des machines de siège. Mais, dans son ignorance complète de l’art de la guerre, il agit sans s’être tracé aucun plan ; il se montra si léger et si étourdi qu’il ne fortifia même pas son camp et négligea presque complètement de surveiller l’ennemi. Le Romain Orbius put donc, pendant une nuit sans clair de lune, le cerner sans rencontrer d’obstacle, et surprendre avec toutes ses forces les troupes ennemies, qu’il trouva en partie endormies, en partie en état d’ivresse. Alors commença un massacre épouvantable ; les soldats athéniens, sans défense, furent égorgés en masse ; 600 furent tués, près de 400 faits prisonniers, les machines de guerre livrées aux flammes. Puis on se mit à poursuivre les Athéniens qui s’étaient réfugiés dans l’intérieur de l’île. Un grand nombre d’entre eux avaient cherché un asile dans les maisons de campagne les plus voisines : l’impitoyable Orbius y fit mettre le feu, et ils périrent dans les flammes. Quant à Apellicon, il avait, selon l’habitude des héros de son espèce, cherché son salut dans la fuite[62]. Nous ne savons pas si la nouvelle de cette terrible défaite calma jusqu’à un certain point l’enthousiasme des Athéniens pour Aristion et pour la guerre contre "les Romains. Dans tous les cas, les événements prirent alors une tournure qui rendait inutile un pareil revirement dans l’opinion. En effet, Mithridate, après avoir renoncé à s’emparer de Rhodes, commença à transporter en Europe, dans de vastes proportions, le théâtre de la guerre. Le plus jeune des fils du roi, Ariarathe, franchit l’Hellespont, probablement vers la fin de l’année 88 av. J.-C., pour conquérir la Thrace et la Macédoine, où Philippe et Abdère devinrent les principaux points d’appui des armées du Pont en Europe[63]. D’autre part, des forces considérables furent mises en mouvement contre la Grèce sur mer et sur terre, sous les généraux Archélaos et Métrophane. L’escadre du Pont s’empara d’abord des Cyclades et des autres îles de la mer Egée jusqu’aux eûtes du continent hellénique ; Délos fut alors affreusement dévastée. La résistance de ses défenseurs fut bientôt vaincue ; puis les soldats de Mithridate, en vrais bourreaux, massacrèrent près de vingt mille hommes, pour la plupart Romains ou Italiotes ; les sanctuaires et les marchandises accumulées furent pillés, la ville de Délos rasée et le reste des habitants vendus comme esclaves[64]. La conquête la plus importante que firent ensuite les généraux du roi fut l’île d’Eubée, qui dut également être prise par la force[65]. Là, Chalcis, la grande porte maritime de la Grèce moyenne, devint une des stations principales des Asiatiques ; c’est là que commanda ensuite Néoplolémos, frère d’Archélaos[66]. Les généraux du Pont se séparèrent ensuite[67]. Métrophane se tourna avec une partie de la flotte vers la côte méridionale de la Thessalie, pour s’emparer avant tout de Démétrias : Archélaos, de son côté, tendit la main à Aristion et aux Athéniens[68], pour soulever partout les Hellènes contre Rome dans la Grèce centrale et méridionale. Alors les Asiatiques rencontrèrent enfin un général romain digne de se mesurer avec eux. Pendant que Sentius, avec des forces peu considérables, cherchait à se défendre contre Ariarathe, son énergique, vaillant et habile légat Bruttius Sura se dirigea en toute hâte vers la Thessalie avec une petite armée. Avec une flotte peu considérable, il se jeta au-devant de Métrophane, le chassa loin de la côte de la Thessalie en le battant sur mer, et détruisit en outre les corsaires pontiques qui s’étaient établis dans l’île de Sciathos[69]. Puis il se tourna contre la Grèce centrale, avec une armée qui s’était augmentée dans l’intervalle d’un renfort de mille guerriers venus de la Macédoine, pour se porter au-devant d’Archélaos, dont l’arrivée en Grèce avait déjà décidé les États du Péloponnèse[70] et les peuplades du centre de la Grèce jusqu’aux frontières de la Thessalie, et notamment les Béotiens, à se soulever ouvertement en faveur de Mithridate. En Béotie, la ville de Thèbes seule restait fidèle aux Romains ; Archélaos en faisait précisément le siège, lorsque la nouvelle de l’approche de Bruttius se répandit dans le camp pontique. Archélaos somma partout les Hellènes de prendre les armes contre les Romains ; lui-même, avec ses propres troupes et celles d’Aristion, marcha contre Bruttius, avec lequel il se mesura pendant trois jours dans une lutte acharnée, sans pouvoir remporter sur l’éminent général romain un avantage tant soit peu important. Ce ne fut que lorsque les bataillons serrés des levées du Péloponnèse se joignirent à Archélaos, que Bruttius commença à se replier sur les Thermopyles[71]. Le général du roi du Pont, convaincu que les victoires faciles qu’il avait remportées en Asie-Mineure ne se répéteraient pas sur le sol de la Grèce, s’en retourna en attendant à Athènes et au Pirée, pour en faire la base de ses entreprises ultérieures[72] ; la saison avancée (l’année 87 av. J.-C. avait probablement commencé depuis quelques semaines déjà) invitait d’ailleurs les belligérants à suspendre provisoirement les hostilités[73]. Dans ces circonstances, les affaires semblaient prendre une tournure très favorable pour Bruttius, qui parait s’être avancé de nouveau jusqu’à la frontière de la Béotie[74] ; les Hellènes commençaient à comprendre qu’ils s’étaient un peu trop hâtés de se compromettre en faveur du Grand-Roi asiatique. La lutte n’avait pas encore recommencé lorsque Bruttius vit arriver, vers le printemps de l’année 87 av. J.-C., un officier romain, le légal (proquesteur) Lucius Lucullus, qui lui ordonna au nom de son général en chef à lui, du proconsul L. Cornélius Sulla, qui devait sous peu se charger de la direction des opérations militaires en Grèce et en Asie, de s’en retourner en Macédoine[75]. Et en effet, le puissant général de l’aristocratie Sulla arriva bientôt en Grèce avec son armée, des côtes de l’Illyrie et de l’Épire où il avait débarqué[76]. Immédiatement tout commença à changer de face. A peine, en effet, entendit-on de nouveau retentir en Grèce le pas d’airain des légions romaines, que presque partout les Hellènes insurgés perdirent courage. Sulla put, en marchant sur les Thermopyles, tirer sans aucune difficulté des contrées de l’Étolie et de la Thessalie des subsides, des approvisionnements et des auxiliaires[77]. Puis il s’avança contre les cantons de la Béotie et de l’Attique, le foyer de l’insurrection en Grèce. Un combat heureux qu’il livra aux troupes des généraux Archélaos et Aristion[78], rejeta derrière les remparts d’Athènes et les fortifications du Pirée l’armée du Pont et celle de l’Attique ; partout les Grecs, sans en excepter l’arrogante Thèbes et la plupart îles Béotiens, malgré leur fureur contre Rome, se hâtèrent de faire la paix avec le redoutable général romain[79]. Sulla résolut alors de saisir le taureau par les cornes, et de porter aux troupes de Mithridate un coup décisif en Attique, où la guerre se concentrait alors. Tandis que l’un de ses légats, Lucius Hortensius, occupait la Thessalie[80], et put ainsi tendre la main aux Romains serrés de près en Macédoine ; tandis qu’un autre légat, Munatius, observait la division de l’armée du Pont qui stationnait à Chalcis[81], Sulla songeait à écraser, en leur portant quelques coups rapides avec le gros de son armée, les masses ennemies réunies derrière les remparts d’Athènes. Cependant Sulla, malgré la rapidité de ses premiers succès, se trouvait dans une situation très difficile. A son arrivée dans la péninsule hellénique, il ne pouvait disposer que d’une armée d’un peu plus de 30.000 hommes (cinq légions de faible effectif, quelques cohortes surnuméraires et quelques escadrons de cavalerie)[82]. Il ne pouvait guère s’attendre à voir arriver des renforts considérables «le l’Italie, où de vastes territoires persévéraient encore dans l’insurrection, où les alliés n’étaient qu’incomplètement soumis, et où, à Rome, une nouvelle révolution démocratique pouvait éclater à chaque instant. Mais c’était surtout l’argent du Trésor public qui faisait défaut au général romain. Et c’est dans cette situation qu’il devait attacher à sa personne, par la victoire et le butin, son armée, son unique appui dans la guerre que se faisaient les partis ; qu’il devait, tout en ayant à côté de lui et derrière lui les Grecs à peine pacifiés, combattre un ennemi formidable, ayant à sa disposition des ressources inépuisables et notamment une flotte puissante, qui faisait complètement défaut au général romain. Mais toutes ces difficultés, auxquelles cent autres auraient succombé, n’en rendaient Sulla que plus actif et plus audacieux ; les Grecs infortunés durent largement payer ses combats et ses victoires. On comprend donc que Sulla désirât mettre fin aussi rapidement que possible à la guerre eu Grèce, eu frappant quelques grands coups. Il se contenta donc, une fois en face du système des fortifications d’Athènes, de faire observer par une partie de son armée la ville elle-même, qui était défendue par Aristion et qui, par suite de l’étal de délabrement où se trouvaient les fameux Longs Murs, n’était plus reliée qu’imparfaitement aux ports[83]. Avec le gros de son armée, il se jeta sur le Pirée que défendait Archélaos avec la plus grande partie île ses forces, essaya sans tarder de le prendre d’assaut, mais fut repoussé après un combat acharné[84]. Sulla se vit donc contraint de se soumettre aux longueurs d’un siège et il eût peut-être fini par voir toutes ses espérances déçues, si Mithridate avait eu assez de bon sens pour laisser agir comme il l’entendait Archélaos, son éminent général, et pour exploiter à sou avantage la situation intérieure de la république romaine, qui devenait de jour en jour plus désastreuse. Sulla se retira d’abord sur Eleusis, pour s’y procurer les moyens d’attaquer plus efficacement les murs gigantesques du Pirée[85]. A partir de ce moment, la Grèce ne cessa d’être épuisée par des réquisitions vraiment colossales de toute espèce. Nous apprenons, entre autres choses, que Sulla, pendant qu’il attaquait le Pirée, faisait travailler journellement, pour mettre en mouvement ses machines de guerre et son artillerie, dix mille paires de mulets qui, par suite du traitement impitoyable auquel on les soumettait, périrent en masse et durent être remplacés par d’autres qu’on amena de toutes les parties de la Grèce[86]. Des artisans et des ingénieurs militaires, des matériaux de construction et de guerre de toute espèce, ainsi que des machines de gros calibre, lui furent fournis par la ville de Thèbes, qu’il châtia avec une rigueur toute spéciale[87]. Et comme le bois faisait peu à peu défaut pour construire les grandes machines de guerre et pour remplacer celles qui se trouvaient usées ou détruites par l’ennemi, Sulla n’hésita pas un instant à faire dévaster les lieux de prédilection des Athéniens, l’Académie et le Lycée, ainsi que les bois sacrés dont les arbres (surtout les célèbres et magnifiques platanes de l’Académie) durent servir à ses desseins : les Athéniens éplorés virent se répéter les tristes scènes qu’ils avaient eues sous les yeux pendant la désastreuse époque du siège de leur ville par Lysandre et par le roi Philippe[88]. Bien plus, cet homme dont la raison était si froide et le cœur bien plus froid encore, qui, pendant la tourmente révolutionnaire, avait osé le premier conduire contre Rome une armée romaine et violer la paix sacrée de la ville, n’hésita pas non plus à se procurer les sommes dont il avait besoin en faisant des emprunts forcés aux temples helléniques. Sous la réserve d’un dédommagement futur, les sanctuaires les plus vénérés de la Grèce, notamment le temple d’Asclépios à Épidaure et celui de Zeus à Olympie, furent dépouillés de leurs trésors ; les Amphictyons durent livrer les trésors sacrés de Delphes à un confident de Sulla et un de ses agents en Grèce, le Phocidien Caphis, qui ne se chargea que malgré lui de cette affaire ; un célèbre vase d’argent très grand et très lourd fut mis en pièces à cette occasion[89]. Lucullus fut ensuite chargé de faire convertir en monnaie ces trésors[90], que Sulla salua par de frivoles plaisanteries[91]. Cependant on poussait activement le siège d’Athènes et du Pirée. Athènes fut plutôt bloquée qu’assiégée, mais les efforts étaient dirigés contre le Pirée. Les restes des Longs Murs furent démolis pour fournir les matériaux d’un mur de circonvallation, sur lequel on se proposait d’établir les tours de siège, les batteries et les machines d’attaque. Les machines de siège fonctionnaient nuit et jour, pour faciliter, en faisant des brèches, les assauts plusieurs fois tentés par Sulla, longtemps sans succès appréciable. Archélaos, de son côté, tentait, entre autres moyens d’une défense aussi vaillante qu’habile, d’énergiques et fréquentes sorties, qui, il est vrai, se terminaient en général par la défaite des troupes de Mithridate, parce que Sulla, qui entretenait des intelligences dans le camp ennemi, était parfaitement instruit de toutes les entreprises de son adversaire. Aussi longtemps que Sulla n’avait pas de flotte, la mer restait complètement ouverte à Archélaos ; il put donc, lorsque le danger devint plus pressant, faire venir par mer les troupes cantonnées à Chalcis et dans les îles voisines ; avec elles et les matelots armés de sa flotte, il réussit une nuit à détruire un grand nombre des machines de siège des Romains. L’arrivée d’un renfort considérable venu d’Asie sous Dromichælès décida enfin Archélaos à risquer sous les murs du Pirée une bataille régulière, qui se termina par la défaite complète de l’armée asiatique. Sur ces entrefaites arriva l’hiver de l’année 87/6 av. J.-C. La mauvaise saison, qui décida le général romain à aller camper de nouveau à Eleusis, où les troupes du Pont eurent encore l’audace de venir l’inquiéter, n’interrompit que momentanément les opérations du siège. Dès que le temps le lui permit, Sulla renouvela ses attaques sur le Pirée avec plus d’énergie qu’auparavant, et peu à peu le succès couronna ses efforts. Après une série de combats acharnés et des efforts réciproques de toute espèce, les Romains réussirent enfin à faire une large brèche dans les murs gigantesques du Pirée ; mais, comme leur tentative de pénétrer immédiatement dans la ville échoua, Archélaos eut le temps d’élever derrière la brèche une section de mur en demi-lune que ne put emporter même un assaut général de l’armée romaine. Sulla mit alors provisoirement un terme aux combats qu’il avait livrés jusque-là en cet endroit, se contenta de bloquer étroitement le Pirée, et se tourna avec toutes ses forces contre la ville d’Athènes, où des perspectives plus favorables venaient de s’ouvrir pour lui[92]. La situation des Athéniens était alors épouvantable à tous les points de vue. L’ivresse dans laquelle avaient plongé le peuple le sentiment de sa liberté et son désir de se venger des aristocrates s’était dissipée depuis longtemps ; lorsque les murailles d’airain des légions romaines entourèrent la ville, la plupart des Athéniens eussent été peut-être heureux de faire la paix avec Sulla[93] ; mais ils ne pouvaient plus maintenant se débarrasser des troupes du Pont et de leur stratège, et c’est ainsi que ce peuple infortuné — qui depuis longtemps avait perdu l’habitude de se battre, qui était toujours spirituel, mais immoral, servile et flatteur, et ne rappelait plus ses ancêtres que par sa versatilité et sa faconde — se voyait forcé de faire face sérieusement aux Romains et de supporter toutes les suites de sa défection irréfléchie. Et Aristion faisait son possible pour rendre plus dur le sort de ses compatriotes. Tant que la détresse n’avait pas atteint son comble, il s’était complu à provoquer la haine irréconciliable de Sulla en lançant en toute sécurité du haut des murs des insultes à l’adresse du général romain et de sa femme[94]. En outre, il parait même s’être brouillé complètement avec Archélaos[95]. Au début, le danger n’était pas très pressant ; mais bientôt les Athéniens se virent menacés d’un terrible ennemi, de la faim : les approvisionnements diminuaient peu à peu ; le prix des vivres atteignit des proportions exorbitantes[96]. Sulla, qui alors s’occupait encore surtout du Pirée, fit entourer Athènes d’une série de forts, pour retenir dans la ville la foule désespérée et empêcher les défenseurs d’Athènes d’être soulagés par la fuite d’un grand nombre des non-combattants. Les tentatives d’Archélaos pour ravitailler la ville échouèrent, en général, parce que Sulla était d’ordinaire averti à temps de ces entreprises par les partisans qu’il avait dans le camp pontique[97]. Dans cette détresse, Aristion montra toute la bassesse de son caractère. Il est possible que les malheureux Athéniens aient dit de lui plus tard tout le mal imaginable, qu’ils aient exagéré bien des choses et fait de lui un portrait plus odieux que la réalité ; dans tous les cas, cet homme, dont le terrorisme sanguinaire avait complètement mis dans l’ombre les crimes de Diæos, fit preuve d’une brutalité et d’une frivolité que n’avait même pas montrées le trop fameux Lacharès. On l’accusa plus tard de n’avoir pas eu honte — dans un temps où, par sa faute, les misères de l’époque de Lysandre et celles du siège qu’on avait soutenu sous Lacharès étaient venues s’abattre dix fois plus fortes sur Athènes, où le pauvre peuple assouvissait sa faim au moyen de misérables herbes et même de cuir bouilli, où l’affreuse famine finit même par pousser les infortunés à saler et à dévorer des cadavres humains — de passer son temps dans l’Acropole avec ses amis à festiner copieusement, grâce à des provisions soigneusement entassées. Faute d’huile, la lampe sacrée d’Athéné Polias s’était éteinte ; sans se soucier de ce mauvais présage, il eut l’audace d’envoyer du poivre à la grande-prêtresse d’Athéné, qui l’avait supplié de lui donner une poignée de blé. Il fit disperser à coups de flèches les bouleutes et les prêtres qui le suppliaient à genoux de livrer la ville aux Romains[98]. Mais la catastrophe approchait enfin. Lorsque Sulla attaqua la ville avec toutes ses forces, il commença par l’entourer complètement d’un fossé[99]. Alors enfin Aristion consentit à traiter avec lui. Il va sans dire que ce misérable ne songeait pas à sauver ses concitoyens en se sacrifiant lui même. Il ne trouva rien de mieux à faire que d’envoyer dans le camp romain quelques-uns de ses compagnons de débauche : ceux-ci, au lieu de s’efforcer d’obtenir une capitulation acceptable, entretinrent le général romain de la gloire mythique de leur ville et des hauts faits des anciens Athéniens vainqueurs à Marathon et à Salamine. Sulla les interrompit enfin en disant qu’il n’était pas venu à Athènes pour étudier l’histoire, mais pour châtier des rebelles, et les renvoya chez eux[100]. Sur ces entrefaites, Sulla avait appris par hasard[101] que, non loin de l’Heptachalcon — une petite éminence entre la porte de Dipylon et celle du Pirée, sur laquelle passait le mur de la ville[102] —, il y avait dans le mur d’enceinte un endroit d’un accès facile, qu’on pouvait escalader sans peine et qu’Aristion avait négligé de faire garder. On se prépara donc à un assaut général, et, la nuit suivante, ce point fut enlevé après un combat de courte durée ; malgré la faible résistance des défenseurs épuisés par la faim, on fit une large brèche, de telle sorte que, vers minuit, les colonnes romaines, avides de sang et de butin, purent pénétrer dans l’intérieur de la ville au son des fanfares et en poussant de formidables cris de guerre[103]. L’antique ville de Cécrops eut alors à passer un terrible moment. Sulla avait permis à ses soldats de piller et de tuer sans pitié. Les malheureux Athéniens furent donc massacrés par milliers, sans distinction d’âge ni de sexe ; c’est dans l’agora et au Céramique surtout que le carnage fut horrible : la longue rue de ce quartier était littéralement inondée de sang : il s’échappait par la porte Dipylon pour se répandre dans le faubourg. Les Athéniens crurent que la ruine de leur ville était imminente : plusieurs se donnèrent la mort uniquement pour échapper aux bourreaux italiques et pour ne pas voir avant de mourir la destruction de leur magnifique cité. Enfin Sulla se décida, sur les instantes supplications de quelques aristocrates athéniens fugitifs qui se trouvaient dans son camp, de Médeios ou Midias[104], de Calliphon et de plusieurs sénateurs romains, à arrêter le carnage. On annonça qu’on ferait grâce à un grand nombre d’hommes pour l’amour d’un petit nombre d’autres, aux vivants à cause des hauts faits des morts : les édifices de la ville — Sulla et ses amis attachèrent plus lard à ce fait une grande importance[105] — échappèrent également à la destruction. D’autres châtiments furent remis provisoirement à plus tard (voyez ci-après). Athènes était retombée au pouvoir des Romains le 1er mars de l’année 86 av. J.-C.[106] Pendant les terribles massacres qui suivirent la prise d’Athènes, Aristion avait réussi, avec une partie des troupes et quelques-uns de ses concitoyens, à se réfugier dans la forteresse de l’Acropole, qu’il résolut de défendre énergiquement. Il avait pu encore mettre le feu au célèbre Odéon de Périclès — situé un peu au nord-est du théâtre de Dionysos, au bas de la partie sud-est du rocher qui portail la citadelle[107] —, pour empêcher les Romains d’employer la charpente de cet édifice à réparer leurs machines de siège[108]. Sulla n’attaqua pas lui-même l’Acropole ; il se rendit en toute hâte au Pirée pour se jeter de nouveau sur Archélaos avec toutes ses forces : il laissa par contre à un petit détachement, sous le commandement de Gaius Scribonius Gurion, le soin de compléter sa victoire sur Aristion. Au bout d’un certain temps, cet officier réussit à empêcher le tyran de se servir de la célèbre source de Clepsydra, creusée dans le roc[109] ; l’eau contenue dans les grandes citernes du fort finit par s’épuiser aussi, et la garnison de l’Acropole souffrit à tel point de la soif qu’elle fut obligée enfin de se rendre à Curion. Cependant Aristion, chargé de fers, avait à peine été conduit dans la ville, lorsqu’une forte pluie vint remplir abondamment d’eau fraîche les citernes de la citadelle[110]. Les anciens virent dans ce fait un signe visible de l’intervention de la Divinité, qu’ils croyaient irritée contre le sanguinaire despote ; si cette pluie était tombée quelques heures plus tôt, Aristion eût pu se défendre longtemps encore[111]. Le dernier démagogue de l’antiquité dans la Grèce d’Europe avait donc joué son rôle ; mais nous verrons que deux fois encore après lui, surgirent en Grèce des hommes que les Hellènes mirent au nombre de leurs tyrans de l’ancien temps. Cependant Sulla redoublait d’efforts pour s’emparer du Pirée. Il est vrai qu’il n’avait toujours pas de Hotte ; son légat Lucullus, qu’il avait envoyé pendant l’hiver de l’année 87/86 av. J.-C. dans les Étals hellénistiques amis situés sur les côtes du sud-est de la Méditerranée, pour équiper avec leur secours une flotte romaine, n’avait pu encore faire que peu de chose[112]. Malgré cela, Sulla — qui avait été destitué et proscrit par les comices romains, après la terrible révolution démocratique qui avait éclaté en Italie pendant son absence en 87 av. J.-C. et que dirigeaient Marius et Cinna, et se voyait menacé, du côté de l’Italie, d’une attaque du parti démocratique, et qui, d’autre part, avait appris l’approche d’une formidable armée asiatique venant de la Macédoine (v. plus bas) — continuait à attaquer le Pirée avec une telle fureur et une énergie si irrésistible, qu’Archélaos dut enfin renoncer à le défendre plus longtemps. Le général de Mithridate abandonna la plus grande partie de ses positions et se retira vers le point le plus fortifié du système de défense du Pirée — dans un fort situé au sud du port de Munichie, d’après l’indication spéciale de Plutarque[113] —. Dans cette position, qu’on ne pouvait enlever sans le concours d’une flotte, Archélaos aurait pu se maintenir encore longtemps et empêcher les Romains, au moyen de sa flotte, de se ravitailler par mer ; de là, il eût pu voir bientôt une armée de démocrates romains venir attaquer son puissant adversaire, s’il n’avait été contraint — selon toute apparence, par un ordre formel de Mithridate — de renoncer à son plan de défense habilement calculé, pour s’exposer aux chances incertaines des grandes batailles en rase campagne. La grande armée du prince Ariarathe avait à peu près achevé la conquête de la Macédoine en 87 av. J.-C. ; elle avait ensuite pénétré en Thessalie, pour porter secours aux troupes du Pont et à leurs alliés assiégés dans Athènes et au Pirée. Sur ces entrefaites, Ariarathe était mort en route près du promontoire Tisæon, et cette mort avait provisoirement arrêté les progrès de son armée[114]. Cependant le général Taxile, qui le suivait avec de nouvelles forces, et qui antérieurement déjà avait mérité la reconnaissance de Mithridate en s’emparant d’Amphipolis[115], avait pris le commandement suprême ; il chassa aussitôt de la Thessalie le Romain Hortensius, et se dirigea avec toutes ses troupes vers la Grèce centrale. Instruit de l’approche de cette armée, Archélaos évacua également Munichie — il est possible aussi que ce fort, auquel le départ d’Archélaos ne permit pas de se défendre plus longtemps, se soit rendu aussitôt après aux Romains[116] — ; et, tandis qu’il conduisait lui-même par mer son armée à Chalcis, pour aller au devant de Taxile par la Béotie et la Phocide jusqu’aux Thermopyles et y concentrer toutes les troupes que Mithridate avait en Grèce[117], Sulla faisait raser les fortifications du Pirée et incendier le célèbre arsenal maritime, aménagé pour contenir les agrès de quatre cents vaisseaux (il avait été terminé en 330 av. J.-C, par l’architecte Philon), les chantiers et les docks, capables de recevoir des centaines de vaisseaux, et enfin la ville elle-même[118]. Il voulait évidemment, vu le petit nombre de ses troupes — qu’il ne pouvait pas affaiblir davantage en laissant çà et là des garnisons, — empêcher, par cette mesure barbare, une nouvelle armée du Pont d’occuper le Pirée[119]. Puis il marcha rapidement sur la Thessalie, car il ne fallait pas qu’il se laissât enfermer dans l’Attique, maintenant complètement épuisée par les masses asiatiques. Autant que le lui permettaient encore les circonstances, il appela à lui des contingents grecs pour renforcer son armée[120]. On peut admettre que le résultat fut médiocre ; car déjà le flot des masses ennemies s’approchait de la Béotie par la Phocide, où Taxile avait inutilement attaqué l’importante Élatée[121]. Sulla dut s’estimer heureux que son ami Caphis eût réussi à conduire de la Thessalie méridionale au château phocidien de Tithora, en franchissant le Parnasse par des sentiers peu connus, le corps du général Hortensius serré de près par les Asiatiques : ce dernier, après un combat sanglant avec les troupes du Pont, put marcher pendant la nuit sur Patronis en Phocide et rejoindre son général en chef[122]. Malgré cela, l’armée romaine, à laquelle celle de Taxile et d’Archélaos était plus de trois fois supérieure[123], était et resta numériquement, bien plus faible que les forces imposantes dont disposaient maintenant les généraux du Pont. Taxile, à lui seul, selon Plutarque, conduisit aux Thermopyles 100.000 fantassins, 10.000 cavaliers et 90 chars à faux, et, d’après Appien, 120.000 guerriers environ de toute espèce se trouvèrent finalement en face des Romains[124]. Sur les frontières de la Phocide et de la Béotie et dans le voisinage de la ville béotienne de Chéronée, Archélaos, qui, depuis sa réunion avec Taxile, se voyait poussé malgré lui à risquer une bataille et qui maintenant s’efforçait de se ménager an moins la retraite vers Chalcis et les plaines de la Béotie, et Sulla, qui au début eut quelque peine à soutenir le courage de ses soldats, s’observèrent pendant quelque temps. Sulla ne put empêcher des pillards pontiques de ravager brutalement, sous les yeux mêmes des Romains[125], la ville phocidienne de Panope et Lébadée en Béotie, avec son sanctuaire de Trophonios ; mais il en retira du moins cet avantage que les habitants de cette contrée se détournèrent complètement des Asiatiques, que l’oracle de Trophonios prédit aux Romains de brillantes victoires[126], que notamment les Grecs de Chéronée s’unirent à lui de la façon la plus étroite[127], et lui procurèrent finalement les moyens d’exploiter de la façon la plus heureuse et au détriment des Asiatiques le terrain montagneux et difficile qui s’étendait dans le voisinage de leur ville[128]. La sanglante bataille de Chéronée — livrée peut-être encore au mois de mars de l’an 86 av. J.-C.[129] —, qui fournit une preuve éclatante de la supériorité des Romains sur les Asiatiques au point de vue de la stratégie et de la tactique, se termina par la défaite complète des Asiatiques ; ou dit qu’Archélaos, fuyant devant les Humains qui le serraient de près, parvint à se retirer à Chalcis avec 10.000 hommes au plus. Sulla, dont la marche se trouvait arrêtée par l’Euripe et les retranchements de Chalcis, célébra à Thèbes la brillante victoire de Chéronée par des fêles splendides ; près de la source d’Œdipe[130], on célébra des jeux pendant lesquels les habitants de différentes villes grecques remplirent le rôle de juges. Les Thébains seuls furent exclus de cet honneur ; car, les Béotiens ayant été plus dépendants des Romains que les autres Grecs, Sulla leur en voulait plus qu’à ces derniers de leur défection. Thèbes perdit même à cette époque la moitié de son territoire ; les revenus de cette contrée devaient servir à dédommager les temples de Delphes, d’Olympie et d’Épidaure des emprunts forcés qu’on leur avait faits l’année précédente[131]. Cependant Sulla n’était pas encore en état de profiter largement de sa victoire au point de vue militaire. D’un côté, If manque de vaisseaux de guerre lui interdisait tout mouvement important ; il ne put même pas empocher Archélaos de partir de Chalcis avec sa flotte pour faire le tour du Péloponnèse, dont il pilla les côtes, et de tenter même une attaque contre l’île de Zacynthe[132]. D’autre part, un sérieux danger le menaçait du côté de l’Italie ; en effet, le consul L. Valerius Flaccus, du parti démocratique, avait débarqué sur ces entrefaites en Épire avec deux légions, pour se charger de la guerre contre Mithridate, mais aussi pour enlever d’abord son armée au vainqueur de Chéronée proscrit à Rome. Lorsqu’il parut en Thessalie, Sulla aussi se porta vers cette contrée, et les deux armées se touchèrent près de la ville de Méliteia (sur les hauteurs au nord de l’Othrys). Mais aucune bataille n’eut lieu. Flaccus reconnut bien vite que, dans une rencontre avec Sulla, il aurait inévitablement le dessous, et jugea par conséquent qu’il était plus prudent de se replier bientôt vers le nord pour chercher l’ennemi, l’armée asiatique, en Macédoine, en Thrace, sur les rives de l’Hellespont et du Bosphore[133]. Sulla, de son côté, n’était pas disposé non plus à se mesurer sans nécessité en rase campagne avec le général romain son adversaire, et cela, en face des Asiatiques qui l’épiaient. Il évita donc toute rencontre à main armée avec Flaccus et paraît avoir passé ensuite l’hiver de 86 à 80, ou du moins une partie de ce temps, à Athènes[134], pour régler définitivement les affaires de cette ville. Malgré les nombreuses contradictions des documents qui restent, nous pouvons admettre du moins que Sulla ne considéra pas comme suffisamment expié, ni par les souffrances du siège et l’affreux massacre du 1er mars de l’année 86 avant J.-C, ni par la destruction de leur splendide Pirée, le crime dont les Athéniens s’étaient rendus coupables en embrassant la cause de Mithridate. En effet, d’une part, il prononça une série de condamnations capitales : outre le sanguinaire Aristion, les officiers de son entourage, les citoyens qui, pendant l’insurrection, avaient rempli des fonctions publiques, en général, tous les hommes considérables qui avaient pris part au renversement de l’ordre de choses établi par les Romains dans la constitution d’Athènes, périrent par la main du bourreau[135]. D’autre part, on ne se contenta pas de faire, pour restreindre la démocratie, des arrangements durables, semblables à ceux qui avaient existé avant l’année 88 ; Sulla enleva encore aux Athéniens qui avaient porté les armes contre lui la qualité d’électeur (peut-être aussi d’éligible) et le droit de voter dans l’assemblée du peuple ; la génération suivante seulement devait rentrer dans la pleine jouissance de ses droits civiques. Il va sans dire que ces mesures replacèrent de fait et complètement l’administration entre les mains des familles oligarchiques revenues à Athènes. Par contre, on ne modifia point et on ne rendit pas plus mauvaise systématiquement la situation d’Athènes au point de vue du droit international[136]. Mais lu situation matérielle des Athéniens était pour le moment vraiment horrible : ils purent s’estimer heureux d’être aidés, pour passer ces premiers terribles moments, par l’humanité d’un jeune et riche Romain, Titus Pomponius, qui, à cette époque, vint se fixer à Athènes[137]. Cependant Mithridate avait réussi, en faisant un suprême effort, à rassembler des forces nouvelles et considérables. Au printemps de l’année 85 avant J.-C., un autre de ses généraux hellénistiques, l’ami de sa jeunesse, Dorylaos[138], put aborder en Eubée avec 80.000 hommes et se joindre à Archélaos à Chalcis[139]. Rempli du désir de se battre, il contraignit le prudent Archélaos — qu’on commençait déjà, dans le Pont, à accuser de trahison, en insinuant que la bataille de Chéronée pouvait bien avoir été perdue par sa faute — à pénétrer avec impétuosité en Béotie[140], où une grande partie de la population, notamment dans les districts de l’est et du nord, se déclara aussitôt, librement ou non, pour les généraux du Pont[141]. Sulla, qui, selon toute, apparence, avait alors concentré ses forces sur les frontières de la Thessalie et de la Grèce centrale[142], se porta vivement au-devant des Asiatiques. L’ouest de la Béotie fut encore le théâtre de la guerre. Un combat malheureux au pied du mont Tilphossion (situé au nord et à peu de distance de la chaîne de l’Hélicon, sur la rive méridionale du Copaïs et sur la route d’Haliarte à Coronée) refroidit considérablement l’ardeur belliqueuse de Dorylaos[143]. Cependant la plaine d’Orchomène paraissait aux généraux du Pont si favorable au déploiement de leurs nombreux escadrons de cavalerie, qu’ils n’hésitèrent pas longtemps à risquer une nouvelle rencontre décisive ; cette contrée fut donc bientôt le théâtre d’une nouvelle bataille meurtrière, dans laquelle les Romains, après une lutte longue et longtemps indécise, remportèrent la victoire la plus complète. D’innombrables Asiatiques avaient péri suites bords du Mélas, du Céphise ou du Copaïs, et dans les rivières et les marais si nombreux dans cette contrée : encore deux cents ans plus lard, à l’époque où vécut Plutarque, il n’était pas rare d’y trouver dans la vase quantité d’armes asiatiques. Archélaos lui-même, après une fuite longue et aventureuse, arriva à Chalcis sans armée[144]. La guerre, en Grèce, était terminée. Sulla parcourut encore une fois la Béotie, pour châtier les villes qui s’étaient déclarées pour Dorylaos en les faisant piller. Leur sort fut terrible : Orchomène vit ses plus belles œuvres d’art, et notamment une statue de Dionysos, œuvre de Myron, placées par Sulla sur l’Hélicon, dans un bois consacré aux Muses ; d’autres, comme Anthédon et les antiques villes locriennes de Halæ et de Larymna, furent presque entièrement détruites[145]. Puis Sulla put se tourner vers le nord, pour chasser de la Macédoine les garnisons du Pont remplies de terreur[146], et enfin faire équiper en Thessalie, où il passa l’hiver de 85 à 84, la flotte qui lui était nécessaire pour continuer ses entreprises[147]. Le reste de la première guerre des Romains contre Mithridate n’intéresse pas directement l’histoire des Grecs d’Europe. Mais les événements subséquents frappèrent d’autant plus durement les Grecs d’Asie, qui depuis longtemps avaient dû se convaincre qu’ils ne s’étaient rendus bien coupables aux yeux des Romains, eux et les autres habitants de la province d’Asie, que pour se charger d’un joug bien plus lourd. Mithridate n’avait pas tardé à laisser voir sa brutale nature de sultan ; il n’avait tenu aucune des brillantes promesses par lesquelles, au début, il avait su charmer les Asiatiques. En ne cessant d’accabler les villes d’impôts et en imposant le service militaire à une grande partie de la jeunesse, il avait provoqué peu à peu un profond mécontentement. Pour briser la résistance qui, en plus d’un endroit, se manifestait ouvertement, le roi, entre autres actes arbitraires, avait employé les mesures les plus radicales, les plus révolutionnaires : il avait octroyé (notamment en 86 av. J.-C.) aux villes qui avaient pris son parti, l’autonomie ; aux étrangers, le droit de cité ; aux débiteurs, la pleine rémission de leurs dettes ; aux pauvres, des terres ; aux esclaves, la liberté[148]. Tout cela, en plusieurs endroits, donna lieu à des scènes de violence. Des villes considérables, comme Smyrne, Colophon, Tralles, Ephèse et d’autres, se révoltèrent ouvertement contre le roi, et se déclarèrent même de nouveau pour Rome[149] ; par contre, un fonctionnaire au service de Mithridate, le rhéteur et philosophe académicien Diodore, fit massacrer tout le conseil municipal d’Adramyttion[150]. L’île de Chios, depuis longtemps odieuse et suspecte au roi, fut traitée de la façon la plus honteuse, probablement vers la lin de l’année 86, à cause de la sympathie d’un grand nombre de ses habitants pour Rome et de l’entente secrète de son oligarchie avec Sulla[151]. Et tandis que Mithridate s’aliénait ainsi complètement les Grecs d’Asie, qu’il tâchait de maintenir dans l’obéissance par des actes d’une violence croissante, il se vit, dans le courant de l’année 85 avant J.-C., il se vit lui-même, sur divers points, vivement attaqué par les Romains. Le général Lucullus avait, en 86 avant J.-C., non seulement renoué ses relations avec l’île de Crète[152] ; il avait aussi réussi, avec le secours des villes maritimes de la Syrie, de la Phénicie, de l’île de Cypre, de la Pamphylie et des Rhodiens, à équiper une Hotte considérable[153], avec laquelle (en 86 et en 85) il put reprendre Cos et Cnide, s’emparer de Samos et chasser de Chios et de Colophon les lieutenants de Mithridate[154]. Mithridate se voyait aussi gravement menacé dans le nord. Le consul Flaccus, du parti démocratique, s’était avancé en 86 avant J.-C. de la Thessalie jusqu’au Bosphore, où la libre Byzance, amie des Romains, eut terriblement à souffrir de l’indiscipline de ses troupes[155]. Dans les quartiers d’hiver qu’il avait pris à Byzance et à Chalcédoine (de 86 à 85), Flaccus périt à la suite d’une révolte de ses troupes ; son légat Gaius Flavius Fimbria, un homme de mœurs dissolues, qui avait amené sa chute et avait pris (en 85 avant J.-C.) le commandement des troupes, était un général capable, qui, il est vrai, se rendit coupable des crimes les plus odieux à l’égard des Hellènes de l’Hellespont et de la Propontide, et notamment des villes de Cyzique et d’Ilion, — villes libres toutes deux et amies des Romains, qui n’avaient sans doute pas pris pari aux horribles massacres de l’année 88[156], — mais qui, en même temps, fit tant de mal à Mithridate par ses succès militaires, que le roi fut même obligé d’évacuer Pergame et de se réfugier à Pitane[157]. Ce fut uniquement grâce à la répugnance qu’éprouvait l’amiral Lucullus, du parti aristocratique, à venir en aide au démocrate Fimbria, qui assiégeait Pitane, que le roi put se sauver à Mytilène[158]. Cependant Mithridate n’en fut pas moins forcé, comme l’on sait, pendant l’hiver de l’an 85 à 84, de faire entamer par Archélaos de sérieuses négociations avec Sulla. Et comme le roi ne voulait pas accepter dans toute leur étendue les conditions stipulées (à Délion sur la côte de la Béotie), Sulla, qui, pendant ce temps, avait réorganisé la province de Macédoine et châtié les Barbares établis sur les frontières de la Thrace et de la Macédoine, marcha, probablement au printemps ou vers l’été de l’an 84 avant J.-C, à travers la Thrace sur l’Hellespont, dont Lucullus était complètement maître après plusieurs victoires navales remportés en 85 avant J.-C. Il conclut ensuite avec Mithridate, qui se décida enfin à céder, la paix de Dardanos, par laquelle ce dernier s’engageait à évacuer les divers points de la Grèce encore occupés par ses troupes, à payer une forte indemnité, à livrer à Sulla la flotte d’Archélaos, forte de 80 voiles ; en Asie, on revint aux frontières qui avaient existé avant la guerre[159]. Il fut alors facile de se débarrasser de Fimbria. En outre, on réduisit plusieurs cités qui continuaient à résister çà et là ; l’état de choses établi par Mithridate par des mesures révolutionnaires fut violemment renversé au milieu de scènes sanglantes. Mais il s’agissait aussi de châtier les Orientaux et les Grecs qui habitaient la province d’Asie de leur défection et des crimes dont ils s’étaient rendus coupables à l’égard des Romains, bien que plusieurs villes, comme, par exemple, Smyrne, cherchassent à apaiser la colère du vainqueur par une soumission pleine d’humilité[160]. L’exécution des chefs qui s’étaient le plus gravement compromis et les contributions dont on s’ingénia à accabler les habitants, en faveur de l’armée romaine, n’avaient rien d’étonnant ; mais le recouvrement immédiat des impôts et des droits arriérés depuis cinq ans et une contribution de 20.000 talents (environ 120 millions de francs), qu’on imposa à la province coupable, ruinèrent pour de longues années ces contrées cruellement éprouvées déjà depuis cinq ans[161]. Ilion[162] et Chios[163] seules, ainsi que la fidèle Magnésie sur le Sipyle[164] et avant tout Rhodes[165], à laquelle on rendit quelques-unes de ses anciennes possessions qu’elle avait perdues après la guerre des Romains avec Persée, comme aussi les Lyciens, non seulement échappèrent à la ruine générale, mais furent récompensés autant que possible de leur fidélité ; on leur accorda des honneurs et on les dédommagea de leurs souffrances. Sulla, au printemps de l’an 83 av. J.-C, se rendit d’abord d’Éphèse en Attique avec son armée, destinée à faire la guerre civile en Italie[166]. Le terrible vainqueur se montra clément à sa manière à l’égard des Hellènes dont il avait couvert le pays de ses trophées. A Athènes, où il fréquentait T. Pomponius[167], esprit distingué et très cultivé, il se fit initier aux Mystères d’Eleusis[168]. Et lorsqu’il fut contraint par un accès de goutte, avant de s’embarquer pour l’Italie, d’aller prendre les eaux chaudes et sulfureuses d’Ædepsos en Eubée[169], où il passa son temps avec des acteurs et d’autres artistes dionysiaques, il permit à quelques fugitifs — c’était ce qui restait de la population de la ville béotienne d’Haïs, détruite après la bataille d’Orchomène — de rentrer dans leur patrie, parce que quelques pêcheurs, dont il avait appris avec un étonnement aussi naïf que frivole que quelques habitants d’Halæ étaient encore vivants, lui avaient fait présent de quelques magnifiques poissons[170]. Du reste, Sulla n’abusa pas autrement de son pouvoir en Grèce ; et notamment il ne fut point question cette fois-ci de vols considérables d’objets d’art. Que Sulla eût enlevé naguère de l’Opisthodome du Parthénon athénien, pour ses opérations militaires, environ quarante livres d’or et près de six cents livres d’argent, cela était assez naturel ; cette fois, le général se contenta de faire transporter à Rome[171] la magnifique bibliothèque d’Apellicon, (qui avait partagé la ruine d’Aristion), très riche en livres précieux et en écrits de toute espèce, et notamment le manuscrit original, le plus complet qui existai alors, des Œuvres d’Aristote et de Théophraste[172]. Il fit en outre emballer, avec un certain nombre de tableaux et de statues, quelques colonnes doriques, destinées à la construction de l’Olympiéon athénien, pour en orner le temple de Jupiter au Capitole[173]. Déjà après la victoire remportée à Orchomène, on avait enlevé du temple d’Athéné, près de la petite ville béotienne d’Alalcoménæ, la statue d’ivoire de la déesse[174]. Lorsque Sulla, au printemps de l’an 83 av. J.-C, quitta enfin l’Attique et puis la Grèce, afin de s’embarquer pour Brundisium, selon les uns de Dyrrhachion[175], selon les autres en passant par Patræ[176], des troupes nombreuses de guerriers macédoniens et grecs, surtout péloponnésiens, l’accompagnèrent pour aller se battre on Italie contre les démocrates, partisans de Marius[177]. Un corps d’armée romain, de force moyenne, resta provisoirement en Grèce (voyez ci-après)[178]. C’est ainsi que la péninsule grecque devint pour la première fois, comme tant de fois dans la suite, un des arsenaux des guerres civiles des Romains. Après le départ de Sulla, les Hellènes durent s’occuper eux-mêmes du rétablissement de leurs affaires, qui se trouvaient dans un état déplorable. Les vastes contrées du Nestos au Péloponnèse offraient en effet le plus triste spectacle. La Macédoine avait horriblement souffert, et la Thessalie aussi avait été bien éprouvée. Mais dans les pays au sud des Thermopyles, les cantons même qui n’avaient pas été le théâtre de la guerre avaient été rudement malmenés par des contributions de guerre, des réquisitions, des levées de troupes ; le nord de la Phocide, où Élatée seule reçut des Romains le précieux privilège de l’immunité en récompense de sa fidélité[179], et avant tout les campagnes de la Béotie et de l’Attique, avaient été littéralement écrasées par les armées belligérantes. Si partout de nouvelles dettes, une vie misérable, une triste gène étaient les suites de cette guerre désastreuse, dans ces contrées-là surtout une telle quantité de la propriété publique et privée se trouvait ruinée, la perte d’hommes était si considérable, qu’en bien des endroits un relèvement n’était plus possible, encore que le goût indéracinable des Grecs pour les jeux solennels ait survécu à de telles épreuves. La ville phocéenne de Panopée ne se releva jamais[180] ; la spoliation de son temple, auquel on avait enlevé son unique trésor, suffit pour faire tomber complètement dans l’oubli Alalcoménæ, en Béotie[181]. Thèbes même souffrit tellement des suites de cette guerre, qu’à l’époque de Strabon déjà la ville n’était plus qu’un village insignifiant, et qu’au temps de Pausanias, la ville basse était complètement déserte et l’antique Cadmée seule encore habitée[182] ; parmi les autres villes de la Béotie, un petit nombre seulement réussit à se maintenir dans une situation tolérable[183]. Les terribles dévastations de l’année 86 av. J.-C., la destruction du Pirée[184], l’horrible ravage de Délos, qui depuis cette guerre resta à peu près déserte[185] et ne put jamais se relever du coup qui l’avait frappée, enlevèrent à jamais à Athènes, qui depuis la ruine de Corinthe avait été la ville la plus brillante du monde hellénique en Europe, l’importance politique qu’elle avait conservée jusque-là, et, au moins pour de longues années, sa situation de ville commerçante. Pendant les quelques années qui s’écoulèrent de 88 à 83 av. J.-C., la décadence de la Grèce avait fait des progrès effrayants, et les quelques dizaines d’années qui suivirent ne firent que rendre pire encore cette situation lamentable. |
[1] D’après les recherches, déjà plusieurs fois mentionnées plus haut, de A. W. ZUMPT sur l’histoire de la province de Macédoine, les gouverneurs connus jusqu’à présent, depuis A. Licinius Nerva, cité plus haut, sont les suivants : le préteur D. Junius Silanus Manliunus (DRUMANN, Gesch. Roms, vol. IV, p. 45 sqq.), selon toute apparence en 141 ou en 140 av. J.-C ; le préteur M. Cosconius, qui (en 135) combattit avec succès les sauvages tribus celtiques des Scordisques (dans la Croatie, la Bosnie et la Servie actuelles), et qui s’avança même en partie bien avant dans la Thrace (TITE-LIVE, Epit., lib. LVI. ZUMPT, Comm. Epigr., vol. II, p. 165) ; puis, en 129, le préteur Ti. Pandusa ; ensuite il parait que L. Cæcilius Metellus (Dalmaticus), le consul de l’an 119 av. J.-C, a exercé le commandement en Macédoine de 119 à 117 av. J.-C pendant les guerres qu’il fit aux tribus de la Dalmatie et qui agitèrent puissamment les autres Barbares du Nord et de l’Est. Q. Fabius Maximus Eburnus, consul en 116 av. J.-C, se battit probablement en Macédoine, où il exerça ensuite, en 115, les fonctions de proconsul (il passa peut-être encore l’année 114 en Macédoine, le consul de cette année, Gaius Porcius Caton, ayant été. complètement battu par les Scordisques). Cf. ZUMPT, p. 167-172. HERMANN, Defens., p. 5. La défaite du consul Caton fut vengée par le préteur T. Didius, gouverneur de la Macédoine en 113 (ZUMPT, p. 171 sqq.) ; en 112 av. J.-C, le consul de cette année, M. Livius Drusus, combattit en Macédoine et dans les pays voisins jusqu’à la fin de l’an III av. J.-C ; depuis 110 (probablement jusqu’à la fin de 108 av. J.-C), nous voyons dans cette province le consul de l’an 110 av. J.-C, M. Minucius Rufus, soutenir des luttes semblables contre les Scordisques et des peuplades de la Thrace (ZUMPT, p. 172). Après une assez grande lacune dans la liste de ces gouverneurs, parait enfin le préteur Gaius Sentius Saturninus, que nous rencontrerons plus tard à l’occasion de la première guerre contre Mithridate ; d’après ZUMPT, p. 173 sqq., depuis l’année 92 av. J.-C (v. plus bas). Cf MOMMSEN, Röm. Münzwesen, p. 692 sqq. et 375, note 30, qui ne le place qu’en 665 U. C. ou 89 av. J.-C.
[2] DIODORE, XXXIV, 2, 19 et 42. Cf. NITZSCH, Die Gracchen, p. 287 sqq.
[3] DIODORE, XXXIV, 2, 19. OROSE, V, 9.
[4] DIODORE, ibid. POSIDONIUS dans ATHEN., VI, c. 21 (104), p. 272 e. OROSE, V, 9. (PAUL. DIACON.), Hist. miscell., IV, 60 ; cf. FINLAY, Greece under the Romans, 2e édit., 1857 ; trad. all., 1801, p. XXII et p. 21 sqq. NITZSCH, op. cit. p. 291. ELLISSEN, Zur Gesch. Athens, p. 10. (MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 79 et 137, croit, en se fondant évidemment sur le passage précité d’Athénée, devoir admettre un double soulèvement des esclaves du Laurion, l’un en 133, l’autre (104-102) à l’époque du soulèvement sicilien sous Athénien).
[5] Ces mines étaient, il est vrai, déjà depuis Xénophon bien moins productives qu’auparavant. A l’époque de Strabon (d’Auguste), qu’avaient précédée les malheurs de l’Attique pendant la première guerre contre Mithridate et les premières guerres civiles de Rome, l’exploitation des mines épuisées et désertes avait été complètement abandonnée ; on ne songeait plus qu’à tirer parti des vieilles scories. Cf. STRABON, IX, 1, 23, p. 613 (399). VITRUVE, VII, 7. PLINE, N. H., XXXVII, 5 (18), 70. PLUTARQUE, De defect. orac., c. 43. PAUSANIAS, I, 1, 1. BEUTLER, p. 41. BÖCKH, Staatshaush. d. Athener, I, p. 420. LEAKE, Die Demen von Attika, trad. Westermann, p. 56. BURSIAN, Geogr., I, p. 354 sqq.
[6] Nous avons sans doute, pour les temps qui suivirent l’établissement du pouvoir romain en Macédoine, plusieurs listes d’archontes éponymes athéniens ; j’indique en particulier les travaux de M. H. E. MEIER, Commentat. Epigr. secund., Halle, 1854, 4, p. 75 sqq. et p. 79 sqq. (Index atticorum archontum eponymorum, qui post Ol. 121, cum magistrutum obtinuerunt. Halle, 1854) ; la liste de K. F. HERMANN, Griech. Staatsalterth., 4e édit. 1855, p. 572 sqq. ; ensuite WESTERMANN, dans l’article Archontes de la Realencyclop. de Pauly, vol. I, 2e édit., p. 1476 sqq. Toutefois, jusqu’à l’époque d’Auguste surtout, il n’est possible que dans un petit nombre de cas de préciser l’année où chacun des archontes dont les noms nous ont été conservés était en fonctions. En commençant par cet Antithéos que Pausanias place dans la première année de la CLXe olymp. = 110 av. J.-C., et dont (VII, 16,7) il place l’archontat, en commettant une faute de chronologie, dans l’année même de la ruine de Corinthe (v. WESTERMANN, p. 1477. HERMANN, Eroberung von Korinth, p. 351. Griech, Staatsalt., p. 572), les savants modernes n’assignent de date fixe pendant la période indiquée qu’à Agathoclès (JOSEPH., Ant. jud., XIV, 8, 5), que HERMANN, p. 572, WESTERMANN, p. 1476, MEIER, Ind. eponym. s. v. Agath. et ELLISSEN, p. 11, d’après CORSINI, Fast. Att., I, 279 sqq. IV, 114, placent dans la 3e année de la CLXIIIe Ol. ou 126 av. J.-C. ; pour Jason (PHLEGON, Mirab., c. 10), selon HERMANN, p. 574. ELLISSEN, p. 11. MEIER, s. x. Jason, et WESTERMANN, p. 1479 (cf. CLINTON, Fast. Hellen., vol. III, p. 120), qui est de OL., CLXIII, 4 = 125 av. J.-C. Durant la domination d’Aristion, au cours de la première guerre contre Mithridate, il n’y a pas d’archonte ; c’est l’anarchie. Avant, en 89/88 av. J.-C, se place l’archontat de Médeios (Ephemerid. Arch., n° 3793. BERGK, in Rhein. Mus., XIX, p. 605. Cf. SCHÖMANN, Griech. Alterthümer, 2e édit., II, p. 553). Nous voyons ensuite Théophémos [Euseb. Armen., cf. NIEBUHR, Kl. histor. u. philol. Schriften, t. I, p. 249), en 62 av. J.-C. = Ol. CLXXIX, 3. MEIER, Ind. s. v. WESTERMANN, p. 1478), puis Hérode (DIODORE, I, 4) en 60 av. J.-C. = Ol., CLXXX, 1 ; cf. CLINTON, Fast. Hell., vol. III, p. 182 sqq. ELISSEN, p. 21 sqq. WESTERMANN, p. 1478. MEIER, Ind. s. v. Un autre Agathoclès se place entre les années 47-40 av. J.-C, d’après KEIL, Rhein. Muséum, XVIII, p. 67. WESTERMANN, p. 1476. Argeios de Tricorythos (MEIER, Ind. s. v. Argeios. Comm. Epigr., n° 43, 23. BERGK, Zeischrift f. A. W. 1853, n° 35, p. 278. WESTERMANN, p. 1477) se trouve placé, sans indication précise, dans le second ou le premier siècle av. J.-C. (entre 168 et 27 av. J.-C.), ainsi que Médeios, MEIER, Ind. s. v. et Comm. Epigr., II, n° 24, 15, p. 50. WESTERMANN, p. 1479 ; — puis, pas avant l’an 27 av. J.-C., Aréios le Pananien, selon BÖCKH, C. I. Gr., vol. I, n°478, rectifié d’après l’inscription de la Hall. A. Lizig., 1838, n° 196. Ephem. Arch., 1839, n° 186, et ROSS, Demen von Att., n° 6. MEIER, Ind. s. v. Areios. WESTERMANN, op. cit., p. 1477. Un Paramonos et un Dionysios, avant l’époque des empereurs romains (en tout cas après Ol. CLII) ; C. I. Gr., vol. I, n° 124. MEIER, Ind. s. v. KEIL, Rhein. Mus., XVIII, p. 61, WESTERMANN, p. 1477, placent un Anstarchos dans la seconde moitié du premier siècle av. J.-C ; WESTERMANN, ibid., un Démétrios ; WESTERMANN, p. 1179, un Hipparchos ; WESTERMANN, op. cit., un Lénœos ; et WESTERMANN, p. 1480, un Nicodémos. Enfin, entre 12 et 1 av. J.-C. (BÖCKH, C. I. Gr., vol. I, n° 477) se place Nicias (cf. MEIEH, Ind. s. v.) : mais, avec ce dernier, et avec le prince thrace Rhœmetalcas, (d’après ROSS, Demen, n° 10, 10, en 725 de Rome, 29 av. J.-C, d’après MEIER, Ind. s. v., dès l’an 708 de Rome, 16 av. J.-C., tandis que CORSINI, F. A., II, 194 sqq. IV, 147 sqq., cf. ELLISSEN, p. 29, indique l’année 9 ap. J.-C, et que BÖCKH, n° 265, fait aussi mention d’un second Rhœmetalcas, depuis 772 de Rome, 19 ap. J.-C), nous touchons déjà à l’époque dont l’histoire est réservée au deuxième volume de cet ouvrage.
Nous connaissons encore moins bien les noms des stratèges suprêmes de cette période. Nous avons rencontré les noms d’Héraclitos ; ensuite celui d’Aristion (v. ci-après) pendant les années 88-86 av. J.-C. Puis, jusqu’à la fin de l’époque qui précède l’ère chrétienne, et notamment avant 51 av. J.-C, Polycharmos, mentionné par CICÉRON, Ad Attic., V, 11, 6. Ad fam., XIII, 1 ; cf. MEIER, Ind. s. v. Polycharm., et ELLISSEN, p. 23. Apollodoros parait être le contemporain de l’archonte Médeios, nommé plus haut (MEIER, Comm. Epigr., II, n° 24, 16, p. 50). Pamménès de Marathon n’est pas antérieur à l’an 727 de Rome, 27 av. J.-C ; BÖCKH, C. I. Gr., vol. I, n» 478. Enfin, entre 12 et 1 av. J.-C., Euclès de Marathon (BÔCKH, C. I. Gr., vol. I, n° 477. MEIER, Ind. s. v. Nikias). Sarapion était peut-être aussi stratège (mais avant Aristion), MEIER, ibid., I, n° 41, p. 41 (*).
(*) Je ne puis pas, quant à présent, dire exactement quand Xénoclès, mentionné par WESCHET et FOUCART, Inscriptions de Delphes, p. 273, n° 424, lig. 3 et 4 (cf. E. CURTIUS, Gœtt. Gel. Anz. [Nachricht v. d. K. Get. d. Wiss.] 1884, p. 170) énerva ses fonctions.
[7] JOSEPH., Ant. Jud., XIV, 8, 5 ; cf. ELLISSEN, p. 11. MEIER, Comm. Epigr., I, n° 13, p. 27 et Ind. Arch. s. v. Agathocles. EWALD, Gesch. d. Volkes Israël, vol. IV, p. 457-567. Par contre, l’identité des Spartiates mentionnés, I MACCHABÉES, 12, 2 sqq. ; 14, 16 ; 20 sqq., cf. II MACCHABÉES, 5, 9, et JOSEPH., Ant., XII, 4, 10. XIII, 5, 8, avec lesquels un des prédécesseurs de Jean Hyrcan, l’Asmonéen Jonathan, a renouvelé un ancien traité vers 144 av. J.-C, cf. EWALD, ibid., p. 277 sqq., 381 — l’identité, dis-je, de ces Spartiates avec les Lacédémoniens a été contestée par HITIZG, qui, dans la Zeitschrift d. deutsch. morgenl. Gesellsch., vol. IX, 1855, fasc. IV, p. 731-737, entend par la Sparte en question une Sparte lycienne ou Patara [v. aussi le passage intéressant I MACCHABÉES, 15, 23, concernant les rapports des Romains avec Délos et Sicyone, Samos, l’île de Crète, Rhodes, Halicarnasse, Myndos et Cnide].
[8] Toutefois, je ne sais pas au juste si Cyllanios avec ses synèdres, nommés dans la 5e ligne de l’inscription à citer, ont été fonctionnaires de Dyme ou fonctionnaires de la confédération.
[9] V. cette inscription importante dans BÖCKH, C. I. Gr., vol. I, p. 112 sqq., n° 1543. Les développements que nous donnons dans le texte ont pour base l’étude de K. F. HERMANN, Defens. disput., etc., p. 5 sqq. Cf. aussi CURTIUS, Pelop., vol. I, p. 423, et ZUMPT, op. cit., p. 167 sqq.
[10] Cf. POLYBE, LX, 10, 3 sqq., 13, 1-3 ; voyez aussi LA ROCHE, Charahteristik des Polybius, p. 103 sqq. MARKHAUSER, Polybius, p. 65 sqq., qui cite aussi des passages comme POLYBE, II, 37 ; IV, 32, 9 et 10, 71, 8.
[11] POLYBE, II, 62, 1 et 4, évalue à 6.000 talents à peine (53.364.000 fr.) la valeur totale de tous les biens, meubles et immeubles, du Péloponnèse tout entier (est-ce avant la ruine de Corinthe, ou, ce qui est plus probable, à l’époque relativement prospère dont nous parlons dans le texte ?)
[12] Cf. ZONARAS, IX. 31 (peut-être aussi POLYBE, II, 62, 4) ; et CURTIUS, Pelop., vol. I, p. 79. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 50.
[13] Cf. les plaintes des Macédoniens au sujet des exactions du prêteur D. Junius Silanus Manlianus en 141 ou en 140 av. J.-C. dans TITE-LIVE, Epit., lib. LIV. CICÉRON, De fin., I, 7. VALÈRE MAX., V, 8, 3 ; et au sujet des exactions du consul Gaius Porcius Cato, qui y commandait en 114, voyez VELEIUS, II ; CICÉRON, In Verres, Act. II, lib. III, c. 80, 184 ; lib. IV, c. 10, 22. ZUMPT, op. cit., p. 170. — Les odieuses violences dont se rendit coupable le consul romain P. Licinius Crassus Mucianus pendant la guerre de Pergame (pl. bas) contre Aristonicos (en 131) envers un fonctionnaire d’une ville grecque (GELL, N. A., I, 13, 11) se rapportent, suivant HERMANN, Defens., p. 8, à cause du mot Elatensium, à Etalée en Phocide. MEIER, par contre, Pergamen. Reich, p. 418, considère, et sans doute arec raison, la forme Elæensium comme plus juste, et pense à la ville d’Elæa en Asie-Mineure, près de Pitane et de Myrina. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 65 sqq., dit que c’est à Mylasa que ces faits ont eu lieu (c’est par erreur que Jean de Salisbury, Policrat. s. de nugis curial., VI, 12 [éd. Lugdum., 1639, p. 356] met cette histoire sur le compte d’un fonctionnaire athénien et du célèbre Crassus, qui a vécu plus tard ; cf. HERMANN, ibid., et ELLISSEN, Zur Gesch. Athens, p. 22 sqq.). Du fait que Mithridate, APPIEN, Mithrid., c.16, en faisant ses préparatifs contre Rome, comptait beaucoup sur les sympathies des Grecs, on peut conclure que la Grèce était fortement irritée contre Rome, du moins peu avant la première guerre contre Mithridate.
[14] Cf. STRABON, X, c. 4, 10, p. 731 (477).
[15] Des troupes auxiliaires grecques, — quelques centaines de soldats thessaliens et acarnaniens — furent employées par le préteur L. Licinius Lucullus, lorsqu’il combattit, en 103, le dangereux chef d’esclaves sicilien Athénion (Diodore, XXXVI, 8, 1).
[16] Nous apprenons par Diodore, XXXIV et XXXV, 35, que le roi de Numidie, Micipsa (148-118 av. J.-C.) aimait aussi à attirer à sa cour et à voir autour de lui un grand nombre de savants grecs.
[17] PLINE, N. H., VIII, 45 (70), 182. SUÉTONE, Claude, c 21. Cf. GÖLL, Kulturbilder ans Hellas und Rom, vol. II, p. 306.
[18] Cf. en général les développements de DRUMANN, Gesch. Roms, vol. VI, p. 654 sqq. FR. BLASS, Die griechische Beredtsamkeit in dem Zeitalter von Alexander bis auf Augustus, p. 88, 104-221. MOMMSEN, R. G., vol. I, p. 873-956, vol. II, p. 403, 414-470 ; vol. III, p. 534 sqq., 551 sqq., 553-614. VOIGT, Jus naturale, vol. II, 2, p. 641 sqq. BERNHARDY, Rom. Litterat., p. 54 sqq. 188-260 (§ 36-48) et Griech. Litterat., t. I, p. 561 sqq. (§ 82 sqq.). BECKER-MARQUARDT, Rom. Alterth., vol. IV, p. 63 sqq. PRELLER, Röm. Mythol., 2e édit., p. 710 sqq. LANGE, Röm. Alterth., vol. II, p. 278 sqq. H. GÖLL, Kulturbilder aus Hellas und Rom, vol. II, p. 225-247.
[19] Cf. en général CURTIUS, Peloponn., vol. I, p. 78 sqq. ZUMPT, Veberden Stand der Bevölkerung und die Volksvermehrung im Alterthum, p. 13 sqq., FINLAY, Greece under the Romans, trad. all., p. 47 sqq., et v. plus bas. V. aussi HERMANN, Griech. Privatalterth., § 1, 9. FIEDLER, Gesch. von Altyriechenltand, p, 169. 171.
[20] Cf. CICÉRON, In Verres, act. II, lib. 1, 26, 66. Ad Quint, fratr., I, 1, 16. De Republica, IV, 4 et 6. SALLLUTE, Ord. republ., II, 9. HORACE, Sat., II, 2, M. QUINTILIEN, II, 4, 18. PLINE, N. H., V, 1 (1), 4. XV, 4 (5), 19. LUCAIN, Pharsale, VII, 271 sqq., et, plus tard, TACITE, Hist., III, 47. JUVENAL, III, 100. X, 174. SIL. ITALICUS, Pun., XIV, 136. PLINE, Panegyr., c. 13. Epist., X, 49. Voyez HERMANN, Gr. Privatalterth., § 6, 15 sqq. DRUMANN, Gesch. Roms, vol. VI, p. 652-657. BERNHARDY, R. L., p. 53 sqq. FINLAY, p. 59 sqq. MOMMSEN, R. G., vol. III, p. 612. BECKER-MARQUARDT, R. A., IV, p. 481 sqq. FRIEDLÆNDER, Darstellungen aus der Sittengeschichte Roms, t. II, p. 143. 261 sqq., 268 sqq., 295 sqq., 303 sqq., 313 sqq., 319 sqq., et en particulier sur les athlètes a Rome, voyez M. PLANCK dans PAULY, R. E., vol. I, 2e édit., p. 2002 sqq. (V. quelques détails intéressants sur le Romain Gaius, vainqueur aux courses d’Olympie en 72 av. J.-C. PHLEGON, Olymp. fr. [dans WESTERMANN, Script. mirab. Græc. ex libb. incert., p. 209, XII].
[21] Les modernes ne sont pas d’accord sur ce testament. Ce sont notamment MEIER, Pergamen. Reich, p. 414-416. FLATHE, vol. II, p. 650 sqq. R. BERGMANN, de Asia Roman. provincia, p. 13 sqq., qui déclarent que le testament est supposé et l’attribuent à une intrigue romaine. PETER aussi incline vers cette manière de voir ; v. Studien zur Röm. Geschichte, p. 15-1 sqq. Gesch. Roms, vol. I, 2e édit., p. 497. NITZSCH, par contre, Die Gracchen, p. 313, se prononce pour l’authenticité du testament, de même que MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 54.
[22] Nous n’avons pas à traiter ici en détail de cette guerre et de l’organisation de cette nouvelle province (cf. notamment NITZSCH, Die Gracehen, p. 313. 319. 334. 343, MEIER, Pergamen. Reich, p. 416-422, 425. BERGMANN, de Asia Roman. provincia, p. 14-30. BECKER-MARQUARDT, Röm. Alt., vol. III, 1, p. 130-145. 250. 268 et KUHN, Die städt. Verfass., vol. Il, p. 264-304. Pour atteindre le but que nous poursuivons ici, nous ne relèverons que quelques faits qui se rapportent à notre récit. Nous ferons donc observer que les possessions européennes des Attalides en Thrace, notamment la Chersonèse de Thrace, furent probablement réunies alors à la province de Macédoine ; cf. p. 247. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 55. BECKER-MARQUARDT, Röm. Alterth., v. III, 1, p. 119,131. BERGMANN, op. cit., p. 16. CICÉRON, In Pison., 35, 86. — La ville libre de Byzance [cf. plus haut, et v. CICÉRON, De Prov. cons., 3, 5 et 6 ; 4, 7. In Pison., 35, 86 et pour plus tard PLINE, N. H., IV, 11 (18), 46. DION CHRYSOST., vol. I, p. 622 (343, 2), 625 (344, 46 sqq.), 679 (377, 24) Reiske. TACITE, Annal., XII, 62, 63, où cependant la ville — v. plus bas — parait déjà tributaire (mais sans doute d’une façon transitoire) sous Claude, et DION CASS., 74, 14 ; cf. KUHN, Städt. Verfass., vol. II. p. 27. 33. 50. 56] était dès lors, comme Athènes et d’autres villes libres grecques, soumise au gouverneur de la Macédoine ; cf. CICÉRON, ibid. et Pro Sest., 26, 56 ; 39, 84. Plus tard, c’est-à-dire depuis l’organisation de la province de Thrace (qui eut lieu sous Claude en 46 ap. J.-C), il était naturel que Byzance fût considérée comme ville libre dans cette province (cf. PLIN., N. H., IV, 11 (18), 46. DION CASS., ibid.). Sur cette question et la dépendance ultérieure et momentanée de cette ville de la Bithynie (sous Trajan, cf. PLINE, Epist. X, 52, 57), cf. BECKER-MARQUARDT, op. cit., p. 120, 153. — Les villes et les lies grecques de la nouvelle province d’Asie (du moins eu partie) eurent dès le début et conservèrent ou obtinrent dans différentes occasions la situation de villes libres dans la province ; cependant c’est précisément à ce sujet que nous manquent les renseignements exacts ; cf. surtout BECKER-MARQUART, op. cit., p. 143. Si nous considérons chaque cité en particulier, nous voyons l’île d’Astypalée unie à Rome par un æquum fœdus qui, renouvelé solennellement en 105 av. J.-C, 649 U. C., était lu publiquement tous les ans dans l’île ; v. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2485 et p. 385. KUHN, Städt. Verfass., vol. II, p. 15, 16. PAULY, Realencyclop., vol. I, 2e édit., p. 1944. WALTER, Geschichte des römischen Rechts, t. I, p. 357. Rem., 121. BECKER-MARQUARDT, p. 143. 248. PLINE, N. H., IV, 12 (23), 71. L’île de Chios parvint aussi à sauvegarder son indépendance pendant la première guerre contre Mithridate. (APPIEN, Mithrid., c. 61, in.), indépendance qui fut plus tard confirmée en bonne forme par le Sénat en 674 U. C. 80 av. J.-C. (v. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2222, p. 206 ; v. aussi PLINE, N. H., V, 31 (37), 136. BECKER-MARQUARDT, p. 143. 251. KUHN, op. cit., vol. II, p. 16, 33. Parmi les villes libres du temps de Cicéron, nous voyons Apollonis, CICÉRON, Pro Flacc., c. 29, 71. PLINE, N. H., V, 29 (29), 109, range dans cette catégorie Alabanda [immunis dans ECKHEL, D. N., II, p. 571), Caunos, V, 29 (29), 101, Cnide, V, 29 (29), 104, sans doute aussi immunis par César (PLUTARQUE, Cæs., c. 48), Stratonicée, PLINE, ibid., 109, Mylasa, V, 29 (29), 108, BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2695 b, et Termera ibid., 107. Le cas d’Halicarnasse est douteux : v. BECKER-MARQUARDT, p. 143. On sait que quelques-unes furent déclarées libres plus tard ; comme Phocée, par Pompée (DION CASS., XLI, 25. LUCAIN, Pharsale, V, 53 ; Aphrodisias (avec l’immunité), en æquum fœdus, par Marc-Antoine, entre 39-35 av. J.-C. ; cf. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2737, p. 494 sqq., 2845. PLINE, N. H., V, 29 (29), 109. MARQUARDT, R. A., p. 143, 248. KUHN, p. 21. PAULY, R. E., V, 1, 2e édit., p. 1948. WALTER, loc. cit., et notamment l’île de Samos, à laquelle l’empereur Auguste octroya l’autonomie en 19 av. J.-C., DION CASS., LIV, 9 ; cf. PLINE, N. H., V, 31 (37), 135 (d’après Eusèbe, Chron. ad Ol. CXC, p. 76 Scaliger, cela n’aurait eu lieu que sous Tibère, v. SUÉTONE, Tibère, c. 12), jusqu’au moment où Vespasien rendit l’île a l’empire (SUÉTONE, Vespasien, c. 8. EUTROPE, VII, 19). Cos obtint l’immunité de l’empereur Claude en 53 ap. J.-C. TACITE, Annal., XII, 61. (Sur Mitylène et Magnésie, v. plus bas ; et sur Éphèse, cf. MOMMSEN, C. Inscr. Latin, antiquiss., p. 170). Ilion, auquel les Romains avaient procuré des faveurs spéciales déjà du temps du roi Séleucos II Callinicos (SUÉTONE, Claude, c. 25) conserva l’indépendance et l’immunité qui lui avaient été accordées après la défaite d’Antiochus le Grand, pendant la première guerre contre Mithridate (APPIEN, Mithr., c. 61, init.) ; sa situation privilégiée s’améliora constamment plus tard, de telle sorte que celle ville finit par être dispensée par l’empereur Claude de toute obligation envers l’État. STRABON, XIII, 1, 27, p. 888 sqq. (594. 595, init.). SUÉTONE, Claude, c. 25. TACITE, Ann., XII, 58. DIGESTE, De excusationibus, XXVII, 1, 17, § 1. PLINE, N. H., V, 30 (33), 124. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 3610, p. 898. Cf. KUHN, Die städr. Verf., vol. II, p. 19. 32. — La ville de Cyzique, qui précisément à l’époque des Épigones, comme amie des Attales, avait joué le rôle brillant d’une république indépendante, était en très bons termes avec les Romains depuis l’annexion du royaume de Pergame (sans que ses rapports avec Rome eussent été légalement fixés) ; elle dut à son excellente altitude pendant la troisième guerre contre Mithridate de conserver son autonomie lorsque L. Lucullus et Pompée réglèrent les affaires de l’Asie-Mineure ; cf. STRABON, XII, 8, 11, p. 863 (576). Privée momentanément de son autonomie sous Auguste (20 ou 22-15 av. J.-C), DION CASS., LIV, 7 et 23. ZONARAS, X, 34. EUSÈBE, Chron., p. 155, Scalig., elle la perdit définitivement sous Tibère, en 24 ap. J.-C. DION. CASS., 57, 24. SUÉTONE, Tibère, c. 37, et TACIT., Annal., IV, 36 ; cf. MARQUARDT, Cyzicus, p. 75. 81. Röm. Alterth., p. 143. KUHN, p. 137. 19. 49.
[23] TACITE, Annal., XII, 62.
[24] Cf. les développements de MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 113. 120. 269. 393 sqq.
[25] On connaît la part que prirent les archers crétois à la défaite de Gaius Gracchus et de ses amis en 121. PLUTARQUE, Gaj. Gracch., c. 16.
[26] Cf. ZUMPT, Comm. Epigraph., vol. II, p. 171. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 176. — Ce fut probablement en l’année 114, où le consul Gaius Porcius Cato (p. 297) fut complètement battu par les Scordisques (v. ZUMPT, p. 170 sqq. ; TITE-LIVE, Epit., lib. 63. EUTROPE, IV, 21. FLORUS, I, 38), que les Barbares de la Thrace pénétrèrent jusqu’en Thessalie. FLORUS, ibid. Voyez dans MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 171 sqq., l’énumération des guerres qu’on fit depuis 135 environ av. J.-C. jusqu’à la guerre contre Mithridate, aux peuples établis entre le Danube, la Macédoine et l’Adriatique. — Je ne sais pas au juste à quel fait se rapporte la relation d’APPIEN, Illyr., c. 5, d’après laquelle les Scordisques envahirent un jour la Macédoine et la Grèce avec des tribus thraces et illyriennes, et pillèrent le temple de Delphes (à moins qu’il n’ait songé peut-être à l’invasion des Celtes en 279 ; ce qui toutefois me parait très peu probable). Je ne vois pas pourquoi L. CONTZEN, Die Wanderungen der Kellen, p. 205, place tout simplement en 114 av. J.-C. les faits rapportés dans cette notice.
[27] Cf. AUR. VICTOR, De vir. ill., c. 73 (L. Appulei. Saturn.). BECKER-MARQUARDT, Rom. Alterth., vol. III, 1, p. 123, 328. RUDORFF, Das Ackergesrtz des Sp. Thorius (Zeitschrift. f. gesch. Rechtswiss., X, 1), p. 140. ZUMPT, Comm. Epigr., vol. I, p. 222-229.
[28] Il nous a été conservé (cf. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 235, en note) un sénatus-consulte du 22 mai de l’année 676 U. C. 78 av. J.-C., qui accorde des honneurs et des avantages, lorsqu’on leur donna leur congé, à trois capitaines de vaisseau grecs de Carystos, de Clazomène et de Milet, pour les fidèles services qu’ils avaient rendus depuis le commencement de la guerre d’Italie (90 av. J.-C). C’étaient Asclépiade de Clazomène, Polystrate de Carystos et Méniscos de Milet. Cf. MOMMSEN, C. I. Latin. Antiquiss., p. 110 sqq., n° 203, et BÖCKH, C. I. Gr., vol. III (éd. Franz), n° 5879, p. 766 sqq. — Memnon (éd. Orelli), c. 29 (al. 31) nous donne des détails analogues sur la ville confédérée d’Héraclée (voyez ci-après) sur la mer Noire. — Des mercenaires crétois (que les Romains employèrent aussi dans d’autres circonstances, VALÈRE MAX., IX, 3, 7) se battaient alors pour Rome comme pour l’Italie ; cf. DIODORE, XXXVII, 17.
[29] Mithridate était né à Sinope. STRABON, XII, 3, 11, p. 821 (545). Cette ville grecque, qui avait autrefois résisté avec succès avec le secours des Rhodiens (vers l’an 220 av. J.-C. (POLYBE, IV, 56) aux attaques du roi du Pont, Mithridate IV, avait fini par être conquise par le roi du Pont, Pharnace I, vers 182 av. J.-C. ; (POLYBE, XXIV, 10, 2 et 3. TITE-LIVE, XL, 2. STRABON, XII, ibid., et p. 546 ; cf. MEIER, Pergamen. Reich, p. 381. CLINTON, Fast. Hellen., vol. III, p. 425. STREUBER, Sinope, p. 81. KUHN, Städt. Verf., vol. II, p. 139). Sinope devint plus tard (DIODORE, XIV, 31, 2. STRABON, X, 4, 10, p. 731 (477) et XII, ibid.), sous Mithridate V Evergète, et surtout sous Mithridate VI Eupator, capitale du Pont.
[30] MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 291 ; cf. DION CASS. (éd. Dindorf), p. 140, fr. 101, 2. DRUMANN, Gesch. Roms, vol. II, p. 445.
[31] TITE-LIVE, Epit., lib. LXX, LXXIV, LXXIV. OROSE, V, 18, s. fin. OBSÈQUENS, c. 113. DION CASS., ibid. CICÉRON, In Pison., c. 34,84. In Verres, act. II, lib. III, c. 93, 217. Cf. ZUMPT, Comm. Epigr., vol. II, p. 173 sqq. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 291. — Sentius (ci-dessus, p. 297) fut, d’après ZUMPT, Comm. Epigr., vol. II, p. 173 ; cf. p. 175 sqq., gouverneur depuis 92 av. J.-C ; d’après MOMMSEN, Röm. Münzwesen, p. 692 sqq., et 375, note 30, depuis 89 av. J.-C. — Dans le cours de ces invasions, on aurait essayé encore une fois de placer sur le trône de la Macédoine un prétendant du nom d’Euphène. Voyez DIODORE, Fragm. Scorial. fr. libb., XXX sqq., n° 31, dans DIODORE, Bibl., éd. Bekker, t. IV, p. 269. Cf. MOMMSEN, R. G., vol. II p. 291.
[32] APPIEN, Mithr., c. 20. 21. 112. 113. DIODORE, XXXVII, 27. ATHEN., V, p. 213, a et b. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXVIII. VALÈRE MAX., IX, 13,1. VELLEIUS, II, 18. PLINE, N. H., XXXIII, 3 (11), 48. Cf. aussi CICÉRON, Pro Rabir. Postum., 10, 27.
[33] Cf. APPIEN, Mithr., c. 22. 62. FLORUS, I, 39. EUTROPE, V, 6. AUR. VICTOR, De vir. ill., 76.
[34] MEMNON, c. 31 (33), et VALÈRE MAX., IX, 2, ext. 3, indiquent le premier de ces nombres ; pour l’autre, voyez PLUTARQUE, Sulla, c. 24. DION CASS., fr., n° 176 Reimar. D’après APPIEN, Mithr., c. 23, 54, un grand nombre d’esclaves d’origine italique furent également assassinés à cette époque. MEIER, Pergamen. Reich, p. 423, cherche à concilier ces indications.
[35] APPIEN, Mithrid., c. 21, 61.
[36] APPIEN, Mithrid., c. 23. 54. 58. 62. DION CASS., (éd. Dindorf) fr. 101, 1. MEMNON, c. 31 (33). PLUTARQUE, Sulla, c. 21. CICÉRON, Pro leg. Manil., c. 3. Pro Flacc., c. 25, 60. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXVIII. VALÉRE MAX., IX, 2, ext. 3. VELLEIUS, II, 18. TACITE, Annal., IV, 14. FLORUS, ibid. OROSE, VI, 2. PAULY, Realencyclop., vol. I, 2e édit., p. 1917. Sur les actes de pillage commis par Mithridate à Cos, v. JOSEPH., Ant., XIV, 7, 2. MÜLLER, Fr. Hist. Gr., III, p. 492, 5.
[37] Cf. APPIEN, Mithr., c. 21, fin. et 61. PLUTARQUE, Praec. reip. gerend., c. 11. PAUSANIAS, I, 20, 3.TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXI. Pausanias, ibid., nomme Magnésie sur le Sipyle ; Tacite, Annal., III, 02, ferait plutôt penser à Magnésie sur le Méandre, dont on loue ici la résistance à Mithridate ; cependant BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, p. 584, en s’appuyant sur Strabon, XIII, 3, 5, 923 (621), est encore d’avis qu’il ne faut pas renoncer à la Magnésie sur le Sipyle de Pausanias. — Sur Archélaos, v. PLUTARQUE, Sulla, C. 22.
[38] Cf. STRABON, X, 4, 9 et 10, p. 731 sqq. (177 sqq.). FLORUS, I, 11. HOCK, Kreta, vol. III, p. 497 sqq.
[39] SALLUSTE, Hist. fr. ex lib. IV (ep. Mithr. ad regem Arsacem). FLORUS, I, 40. 41. APPIEN, Sicil., c. 6. Mithr., c. 56. 63. 92. PLUTARQUE, Lucullus, c. 2 et 3 ; Pompée, c. 24, init. ZONARAS, X, 3, init.
[40] APPIEN, c. 24, init.
[41] APPIEN, Mithr., c. 22. 24-27. DIODORE, XXXVII, 28. MEMNON, C. 31 (33). TITE-LIVE, Epist., lib. LXXVIII. VELLEIUS, II, 18. CICÉRON, In Verres, act. II, lib. II, 65. VALÈRE MAX., V, 2, ext. 2. FLORUS, I, 39. AUR. VICTOR, De vir. ill., 76. Sur Damagoras, v. aussi PLUTARQUE, Lucullus, c. 3.
[42] D’après APPIEN, Mithr., c. 16. Mithridate d’ailleurs semble avoir toujours compté sur les sympathies des Hellènes.
[43] Les paroles d’Aristion, dans ATHEN., V, p. 212 a, semblent faire allusion à un fait de cette espèce.
[44] A consulter spécialement sur Aristion : C. M. WIELAND, Athenion, genannt Aristion, 1781. (Sämmtliche Werke, Supplément, vol. VI. p. 3-64. Leipzig, 1798). PLASS, Die griech. Tyrannis, vol. II, p. 185 sqq. et l’article de G.-F. HERTZBERG, Aristio dans la Realencyclopädie de Pauly, vol. I (2e éd.), p. 1591 sqq.
[45] Ce personnage est appelé Athénion par POSIDONIUS, ap. ATHEN., V, 13 sqq. ; (47 sqq.), p. 211 sqq. et JUL. CAPITOLINUS, Maximin., c. 9 (à moins que Jul. Capitolinus ne veuille parler, dans le passage cité, du fameux Athénion, le chef des esclaves siciliens révoltés en 104-102, ce que permet de croire la comparaison qu’il fait au même endroit avec Spartacus) : d’autres auteurs, notamment STRABON, IX, 1, 20, p. 610 (398). PLUTARQUE, Sulla, c. 12 sqq. ; Numa, c. 9 ; Lucullus, c. 19 ; Præcept. reip. gerend., c. 14. APPIEN, Mithridate, c. 28 sqq. DION CASS., fr., p. 142 sqq. (Reimar., I, p. 50 sqq.). PAUSANIAS, I, 20, 3, lui donnent le nom d’Aristion (sur la forme Ariston, cf. WYTTENBACH, Animadv. ad Plutarch. Moral., II, 1, p. 392, et FABRIC., ad Dion. Cass., lib. XXXV, p. 50). Sur les tentatives faites pour assimiler Athénion et Aristion, v. VICTOR, Var. lect., XXV, 24. CASAUBON, ad Athen., 211 f. (28). AHRENS, p. 4. ELLISSEN, p. 12. MEIER, Comm. epigr., II, p. 76.
[46] Cf. C. G. ZUMPT, Ueber den Bestand der philosophischen Schulen in Allten und die Succession der Scholarchen, p. 69 et 93.
[47] ATHEN., V, p. 211 e.
[48] Appien seul, Mithridate, c. 28, l’appelle épicurien, malgré le témoignage très clair de POSIDONIUS, ap. ATHEN., V, p. 211 d, peut-être uniquement à cause des excès auxquels se livra plus tard le démagogue.
[49] ATHEN., V, p. 211 d-f., 212 a.
[50] ATHEN., V, p. 212 a et b. — Ce fut peut-être alors ou peu après que Mithridate envoya comme offrandes aux temples de Némée et de Delphes plusieurs de ces armures gigantesques dont il couvrait sa stature colossale, au grand étonnement des Asiatiques et des Hellènes (APPIEN, Mithr., c. 112).
[51] ATHEN., V, p. 212 b-e. Voyez BERHK in Rhein. Muséum, XIX, p. 605. — Sur la question topographique, cf. BURSIAN, Geogr. von Griechenl., vol. I, p. 289 sqq. et De for. Athen. disput., Zurich, 1865, et dans PAULY, R. E., vol. I, 2e édit., p. 1981. CURTIUS, Att. Studien, II, p. 17 sqq.
[52] Le portique construit par le roi Attale II, de Pergame était probablement situé sur le côté est de la partie nord de l’agora (WACHSMUTH, Die Stadt Athen, I, p. 135 sqq. 642).
[53] ATHEN., V, p. 212 e - 213 e ; cf. AHRENS, De Athen. stat. polit., p. 47. CURTIUS, Attische Studien, II, p. 31 sqq., 49 sqq.
[54] ATHEN., V, p. 213 e et f.
[55] APPIEN, Mithrid., c. 39.
[56] Nous sommes malheureusement mal renseignés sur certains détails intéressants de cet épisode. Appien notamment contredit d’une façon absolue le récit de Posidonios. Selon APPIEN, Mithr., c. 28, ce n’est pas Aristion, mais le général Archélaos qui avait gagné Athènes pour le roi en donnant aux Athéniens Délos, qu’il avait prise et qui s’était séparée d’Athènes. C’est alors seulement qu’Aristion reçoit de lui la mission de se rendre à Athènes avec le trésor du temple de Delos et 2.000 hommes ; c’est avec ces troupes qu’il s’empare de la tyrannie. — En face de cette assertion d’Appien, qui, précisément ici, mérite peu de confiance, nous nous en tiendrons à celle de Posidonios, très bien renseigné ; il est évident que Délos ne se détacha d’Athènes, ou, si on veut, ne fut enlevée aux Athéniens par les Romains (v. plus bas), que lorsque Athènes eut rompu avec Rome. Il est d’ailleurs bien possible qu’Aristion eût à sa disposition dès le début des troupes du Pont ; mais il est plus probable que les 2.000 hommes en question ne furent jetés dans Athènes pour lui servir de garnison qu’après les progrès d’Archélaos. — D’après PAUSANIAS, I, 20, 3, Aristion avait été également chargé de messages pour d’autres villes. — Sur les tetradrachmes athéniens des années 88 à 86 avant J.-C., avec les noms de Mithridate et d’Aristion, v. ECKHEL, D. N., II, 219. BEULÉ, Monn. d’Athènes, p. 237. MOMMSEN, Gesch. d. Röm. Münzwesens, p. 692. HULTSCH, Metrologie, p. 162 : cf. aussi les inscriptions dans BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2277 et 2278.
[57] Nous empruntons ce dernier trait à APPIEN, Mithr., c. 28.
[58] ATHEN., V, p. 214 a-d ; plus bas, p. 214 e-f. On nous dit, au milieu de l’histoire d’Apellicon, qu’Aristion fixa la ration de chaque citoyen à un chœnix (c’est-à-dire à un peu plus d’un litre) d’orge pour quatre jours : c’était par conséquent le quart de la quantité de blé que les Athéniens jugeaient nécessaire à l’entretien quotidien d’un homme (cf. HULTSCH, Métrologie, p. 82 sqq. 87). Ceci n’eut lieu sans doute que lorsque Athènes fut cernée par Sulla.
[59] Ces fugitifs (parmi eux le vieux Philon de Larissa, alors scholarque de l’école académique d’Athènes, voyez ZUMPT, Succession der Scholarchen, p. 43, qui, réfugié à Rome, devint le maître de Cicéron. CICÉRON, Brutus, c. 89, 306, et sans doute aussi son disciple Antiochus d’Ascalon, plus tard le favori spécial de Lucullus, cf. ZUMPT, p. 13. DRUMANN, Gesch. Roms, vol. IV, p. 173) se rendirent pour la plupart auprès des Romains ; CICÉRON, Brutus, ibid. PLUTARQUE, Sulla, c. 14. PAUSANIAS, I, 20, 3 (plusieurs fugitifs, membres de l’oligarchie, paraissent plus lard dans l’entourage de Sulla). D’après PLUTARQUE, Lucullus, c. 19, plusieurs Athéniens auraient cherché alors un refuge dans la ville d’Amisos, située sur la mer Noire (considérée comme une colonie athénienne).
[60] On ne peut rien affirmer à ce sujet. Orbius était peut-être un officier romain venu d’Asie et séparé de ses compagnons d’armes ; il est possible aussi qu’Orbius, pressé par les événements, ait formé un corps de volontaires composé de marchands romains ou italiotes et de fugitifs réunis en masse à Délos.
[61] ATHEN., p. 214 d-e. Sur Apellicon, v. aussi STRABON, XIII, 1, 54, p. 906 sqq. (609), et SUIDAS, s. v. O. RIBBECK in N. Jahrb. f. Philol., XXVI [1852], p. 4, et PAULY, Realencylop., vol. I, 2e édit., p. 1220 sqq.
[62] ATHEN., p. 214 e-1, p. 215 a-b.
[63] Cf. PLUTARQUE, Sulla, c. 11, GRAN. LICINIAN., éd. Philol. Bonn. Heptas, p. 33, lig. 9. Je profite, pour fixer les dates de ces événements-là, des indications de MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 291, en me souvenant du passage déjà cité de Plutarque. Appien, Mithr., c. 35, qui donne partout au prince en question le nom d’Arcathias, semble placer la conquête de la Macédoine un peu plus lard, vers la fin de l’an 87 av. J.-C.
[64] Nos sources ne s’accordent pas quant aux détails que nous allons raconter. D’après Plutarque, Sulla, c. 11, c’est Archélaos, que nous voyons partout en Europe comme général en chef (Eutrope, V, 6, et Orose, VI, 2, lui donnant une armée de 120.000 hommes, tant cavaliers que fantassins), qui fait la conquête de toutes les îles du sud de la mer Egée et de l’Eubée. D’après Appien, Mithrid., c. 27, 28, 29, Archélaos s’empare, il est vrai, de Délos ; mais c’est Métrophane qui, pendant qu’Archélaos opère sur la terre ferme, se porte contre l’Eubée et la Thessalie avec une autre flotte. Florus, 1,39, adjoint Néoptolèmos à Archélaos. Pausanias, III, 23, 2 (cf. VIII, 33,1) appelle le bourreau de Délos Ménophane. Strabon, X, 5, 4, p. 744 (586), ne parle que très brièvement du ravage de Délos. Voyez aussi MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 291. 402.
[65] PLUTARQUE, Sulla, c. 1. APPIEN, Mithrid., c. 20. MEMNON, C. 32 (31), init. FLORUS, ibid.
[66] Cf. APPIEN, Mithr., c. 34.
[67] C’est ce je que conclus des passages cités ci-dessus, note 64.
[68] EUTROPE, V, 6. OROSE, VI, 2. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXVIII. FLORUS, 1, 39. APPIEN, Mithr., c. 29. PLUTARQUE, Sulla, c. 11.
[69] APPIEN, Mithr., c. 29. Sur Bruttius Sura, v. aussi BORGHESI, Observat. Numism. dec. XVI, 2 (Diurn. Arcad., 1828, 4, p. 183).
[70] EUTROPE, V, 4. OROSE, VI, 2. Appien, Mithr., c. 29, cite deux fois les Achéens et les Laconiens comme alliés péloponnésiens d’Archélaos ; on ne peut dire avec certitude s’il veut parler des Éleuthérolaconiens ou des Spartiates. Cependant, comme Memnon, c. 32 (34), init., emploie l’expression : καί μήν καί Λακεδαιμονίων ήττηθέντων, d’après laquelle les Lacédémoniens n’auraient abandonné Rome que parce qu’on les y avait contraints, il est sans doute question des Spartiates, qui, on le sait, furent toujours les plus fidèles partisans de Rome depuis les derniers temps de la Ligue achéenne.
[71] OROSE, VI, 2. PAUSANIAS, IX, 7, 4. APPIEN., Mithrid., c. 29. Plutarque, Sulla, c. 11, représente comme plus grands encore les succès que Bruttius remporta à Chéronée. Ce que nous savons de la situation militaire d’alors sur le théâtre de la guerre en Grèce ne nous permet pas de comprendre comment Appien, ibid., 29, fin, peut affirmer que Bruttius s’est retiré vers le Pirée devant Archélaos, et n’a été chassé de ce lieu que par la flotte pontique.
[72] APPIEN et PLUTARQUE, loc. cit.
[73] Cf. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 292.
[74] Cf. PLUTARQUE, Sulla, c. 11.
[75] PLUTARQUE, Sulla, c. 11.
[76] APPIEN, Mithr., c. 30.
[77] APPIEN, Mithr., c. 30.
[78] Je vois que Pausanias seul, I, 20, 3, fait mention de ce combat ; je ne sais pas pourquoi MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 293, dit que ce combat fut livré près du mont Tilphossion.
[79] APPIEN, Mithrid., c. 30. PLUTARQUE, Sulla, c. 12, init. MEMNON, c. 32 (34). PAUSANIAS, IX, 7, 4.
[80] Cf. PLUTARQUE, Sulla, c. 15.
[81] Cf. APPIEN, Mithr., c. 34.
[82] APPIEN, Mithr., c. 30, init. Cf. PETER, Gesch. Roms, vol. II, p. 118. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 293.
[83] Les Longs Murs avaient été probablement démolis déjà en plus d’un endroit par Antigone Gonatas, vers 255 av. J.-C. (cf. DROYSEN, Hist. de l’Hellénisme, trad. Bouché-Leclercq, vol. III, p. 240) ; lorsque (vers la fin de l’an 200 et au commencement de l’an 199 av. J.-C, v. plus haut) le roi Philippe assiégea Athènes, les murs étaient, selon Tite-Live, XXXI, 26, simiruti. Aussi ne nous dit-on pas que Sulla ait été obligé d’enlever ces murs pendant le siège à Archélaos ou à Aristion ; dés le début, au contraire (APPIEN, c. 30, fin) les Romains se servent, sans être inquiétés, de ce qui reste de ces murs pour leurs constructions. (Ce que dit Strabon, IX, 1, 15, p. 606 (39) est inexact), Pausanias (I, 2, 2) n’a plus vu que quelques ruines des Longs Murs.
[84] APPIEN, Mithrid., c. 30.
[85] APPIEN, Mithrid., c. 30.
[86] PLUTARQUE, Sulla, c. 12.
[87] APPIEN, Mithrid., c. 30.
[88] APPIEN, ibid. PLUTARQUE, Sulla, c. 12. DION CASS., éd. Dindorf, vol. I, p. 142. (fragm., n° 121, éd. Reimar.). Cf. VARRON, De re rust., I, c. 37, fin. BURSIAN, Geogr. von Griechenland, vol. I, p. 321-324. Sur les arbres gigantesques de l’Académie, voyez PLINE, Nat. Hist., XII, 1 (5), 9.
[89] APPIEN, Mithrid., c. 54. PLUTARQUE, Sulla, c. 12. PAUSANIAS, IX, 7, 4. DION CASS., fragm., n° 122, 123, éd. Reimar. DIODORE, XXXVIII et XXXIX, 7. Sur Épidaure, cf. CURTIUS, Peloponnenos, vol. II, p. 424, 573.
[90] PLUTARQUE, DION CASS., DIODORE, ibid., II.
[91] PLUTARQUE, Lucullus, c. 2, init.
[92] APPIEN, Mithr., c. 30-37. PLUTARQUE, Sulla, c. 12. VELLEIUS, II, 23. GELL, XV, 1. FLORUS, I, 39. EUTROPE, V, 6. AUR. VICTOR, De vir. illust., c. 75. OROSE, VI, 2. OBSEQUENS, 116. Sur le siège du Pirée, voyez aussi ROSS, Archæolog. Attfsätze, vol. I, p. 233. 238-241. D’après Ross, Sylla dirigea ses attaques surtout sur la partie du mur située entre la grande route d’Athènes et la lagune marécageuse d’Halipédon.
[93] Velleius Paterculus, II, 23, raconte des merveilles sur l’attachement des Athéniens pour Rome et croit que, si les Athéniens se sont battus contre Rome, c’est uniquement parce qu’ils y ont été contraints par les armées de Mithridate : à l’entendre, pendant le siège leurs corps seuls étaient dans la ville, mais leurs fîmes étaient restées avec les Romains. Les événements racontés plus haut nous permettent d’affirmer seulement de l’oligarchie athénienne qu’elle est restée constamment fidèle aux Romains ; le démos ne se sera sans doute repenti de sa défection que pendant le siège (cf. PLUTARQUE, Sulla, c. 12, init.). Il est probable que plus tard on prit à Athènes l’habitude de rejeter uniquement sur Aristion et sur la pression exercée par les armes du roi du Pont la défection dont on s’était rendu coupable à l’égard de Rome. Toutefois Tacite, Annal., Il, 55, nous prouve qu’à Rome on savait très bien à quoi s’en tenir.
[94] PLUTARQUE, Sulla, c. 2, init., c. 6, fin., c. 13, init., et De garrulitate, c. 7, SÉNÈQUE, III, p. 431 (éd. Hasse), fragm., 63.
[95] C’est ce qu’il faut conclure de PLUTARQUE, Sulla, c. 23.
[96] PLUTARQUE, Sulla, c. 13. On payait alors entre autres mille drachmes (982 fr.) pour un boisseau de blé.
[97] APPIEN, Mithr., c. 31, init., c. 35, init. et fin.
[98] PLUTARQUE, Sulla, c. 13 ; Numa, c. 9. APPIEN, Mithrid., c. 38. FLORUS, I, 39. DION CASS., fr., n° 124, éd. Reimar.
[99] APPIEN, Mithrid., c. 38.
[100] PLUTARQUE, Sulla, c. 13, fin.
[101] PLUTARQUE, Sulla, c. 14, init., et De garrulitate, c. 7.
[102] BURSIAN, Geogr. von Griechenland, vol. I, p. 290.
[103] PLUTARQUE, Sulla, c. 14, et De garrul., c. 7. APPIEN, Mithrid., c. 38.
[104] Peut-être un descendant de ce fameux Midias qui avait été autrefois l’adversaire acharné de Démosthène. Ce Midias est sans doute celui auquel, d’après CORN. NEPOS (éd. Nipperdev) Attic., c. 3, 2, les Athéniens érigèrent plus tard des statues, sans doute pour le récompenser des efforts qu’il fit pour les sauver. A l’exemple de BERGK (in Rhein. Mus., XIX, p. 605), je considère actuellement Midias et Médeios comme étant le même personnage. — Le nom de Calliphon parait encore dans des inscriptions d’une époque bien postérieure : cf. BÖCKH, C. I. Gr., vol. I, n° 395 et 620.
[105] Cf. PLUTARQUE, Lucullus, c. 19 ; Apophthegm. Roman., s. Sylla. (Moralt., vol. I, p. 202 e, éd. Didot).
[106] PLUTARQUE, Sulla, c. 14. De garrulit., c. 7. APPIEN, C. 38. DIODORE, XXXVIII et XXXIX, 6. PAUSANIAS, I, 20, 4. DION CASS., éd. Dindorf, vol. I, p. 143, fr. 103. STRABON, IX, 1, 15 et 20, p 606 et 610 (396 et 398). MEMNON, 32, (34). TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXI. VELLEIUS, II, 23. FLORUS, I, 39. EUTROPE, V. 6. OROSE, VI, 2. AUR. VICTOR, De vir. illust., c. 75. OBSEQUENS, c. 116.
[107] BURSIAN, p. 298. R. SCHILLBACH, Ueber das Odeion des Herodes Attikos, p. 11 sqq.
[108] APPIEN, Mithrid., c. 38. (Pausanias, I, 20, 3, n’est pas de cet avis ; d’après l’opinion unanime des commentateurs, il a tort de rendre Sulla responsable de cette destruction).
[109] Cf. C. BÖTTICHER, Ergänzungen zu den letzten Untersuchungen auf der Akropolis von Athen., Abth. II. Grottenheiligthum des Apollo und Klepsydra. p. 73. (Philologus, XXII [1864], 1er fascic.)
[110] BÖTTICHER, op. cit.
[111] PLUTARQUE, Sulla, c. 14. APPIEN, Mithrid., c. 39, init.
[112] Cf. PLUTARQUE, Lucullus, C. 2. APPIEN, Mithrid., c. 33.
[113] APPIEN, c. 40. PLUTARQUE, Sulla, c. 14, 15. GELL., XV, 1. BURSIAN, p. 265 sqq., 269 sqq. ROSS, op. cit., p. 241.
[114] APPIEN, c. 35, 41. Cf. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 205 et 896.
[115] MEMNON, c. 32 (al. 34).
[116] APPIEN, c. 41. PLUTARQUE, Sulla, c. 15. MEMNON, 32 (34). PAUSANIAS, I, 20, 4.
[117] APPIEN, PLUTARQUE, ibid.
[118] PLUTARQUE, Sulla, c. 14, fin. APPIEN, c. 41 ; cf. STRABON, IX, 1, 15. p. 606 (395). VITRUVE, VII, praef. PLINE, N. H., VII, 37, 38 (125), et BURSIAN, p. 266. BÖCKH, Staatshaush. d. Ath., vol. III, p. 64 sq. SCHÆFER, Demosthenes, vol. II, p. 288 sq., vol. III, p. 274. TH. LAU, Sulla, p. 236. WACHSMUTH, Die Stadt Athen, I, p. 598.
[119] PLUTARQUE, Sulla, c. 15. APPIEN, c. 41.
[120] APPIEN, c. 41, fin.
[121] APPIEN, c. 41. Sur Élatée, v. PAUSANIAS, I, 20, 4, et X, 34. 2.
[122] PLUTARQUE, Sulla, c. 15. MEMNON. C. 32 ; cf. APPIEN, 41, fin. BURSIAN, p. 160 sqq. Patronis était peut-être sur le territoire de Daulis ; cf. BURSIAN, p. 169.
[123] APPIEN, Mithrid., c. 41. fin. D’après PLUTARQUE, Sulla, c. 16, init., Sulla n’avait que 1.500 cavaliers et 15.000 fantassins.
[124] PLUTARQUE, Sulla, c. 15, init. APPIEN, ibid. Outre des soldats de toutes les tribus de l’Asie antérieure, un grand nombre de guerriers scythes et thraces combattaient sous Taxile. Cf. OROSE, VI, 2. EUTROPE, V, 6. Par contre, d’après MEMNON, loc. cit., les généraux du Pont, n’avaient que 60.000 combattants.
[125] Après sa réunion avec Hortensius, Sulla s’arrêta d’abord sur le mont Philobœotos (auj. Parori), un contrefort du Parnasse qui forme avec le mont Hadyleion un défilé important dans la vallée du Céphise. BURSIAN, p, 157, 164. PLUTARQUE, Sulla, c. 16.
[126] PLUTARQUE, Sulla, c. 16 et 17. Sur les rapports plus anciens de l’oracle avec les Romains, v. OBSEQUENS, c. 110, ad a. 659 U. C., 95a. Chr. Cf. BOUCHÉ-LECLERCQ, Histoire de la Divination, vol. III, p. 330.
[127] PLUTARQUE, Sulla, c. 10, fin.
[128] PLUTARQUE, Sulla, c. 17. 18. 19.
[129] Le combat s’engagea sur le mont Thouriou au sud de Chéronée et eut surtout pour théâtre la plaine du Céphise, au nord et à l’est de Chéronée, entre la ville et le camp de l’urinée du Pont, situé au pied de l’Acontion (chaîne de montagnes qui s’étend, en face de la ville, sur la rive gauche du Céphise, du mont Hadyleion vers Orchomène). PLUTARQUE, Sulla, C. 17-19. BURSIAN, p. 206. Pour la chronologie, voyez MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 297-299.
[130] Cf. BURSIAN, p. 230. Sur le trophée élève à celle occasion, Sulla prit le titre (qu’il se donnait chaque fois qu’il écrivait aux Grecs) de Lucius Cornélius Sulla Epaphroditus (PLUTARQUE, De Rom. fort., 4).
[131] APPIEN, c. 15. PLUTARQUE, Sulla, c. 19. PAUSANIAS, IX, 7, 4 (d’après ce passage, les Romains auraient rendu plus tard ce territoire aux Thébains), et 33, 4. APPIEN, c. 54 (qui permettrait peut-être d’admettre une nouvelle défection des Thébains en 86 av. J.-C), et DIODORE, XXXVIII et XXXIX, 7. Sur les honneurs accordés aux deux habitants de Chéronée, Homoloïchos et Anaxidamos, pour avoir servi de guides à l’armée romaine au moment décisif, v. PLUTARQUE, Sulla, c. 17 et 19. Voyez aussi PAUSANIAS, IX, 40, 4.
[132] APPIEN, Mithrid., c. 45, fin. Cf. GRAN. LICINIAN., p. 33.
[133] PLUTARQUE, Sulla, c. 20, init. APPIEN, c. 51.
[134] C’est l’avis de MOMMSEN, R. G., vol. Il, p. 298 et 299 ; notamment d’après PAUSANIAS, I, 20, 4, et GRAN. LICINIAN. (éd. philol. Bonnens.), p. 33 : Sulla Athenas reversus in principes seditionis et noxios animadvertit violentius, necatis reliquis..., etc.
[135] Quant aux châtiments infligés aux Athéniens (châtiments auxquels semblent avoir contribué d’ailleurs également le désir de vengeance et la jalousie de différents philosophes les uns à l’égard des autres ; voyez ZUMPT, Ueber den Besland der philosophisden Schulen, p. 88), c’est Pausanias qui nous en fait le tableau le plus saisissant ; cet écrivain (dont la description des événements qui concernent Athènes s’éloigne d’ailleurs plus d’une fois de ce que nous rapportent d’autres historiens) dit que les habitants du Céramique (I, 6, 4) furent décimés, et que beaucoup d’Athéniens, pleins de terreur, s’enfuirent à Delphes. — D’après Appien, c. 38 (immédiatement après la prise de la ville), les esclaves furent vendus ; nous ne savons si, peut-être pour se procurer de l’argent, on vendit tous les esclaves des Athéniens, ou ceux-là seulement qu’Aristion avait armés. Voyez en outre GRAN. LICIN., loc. cit. PLUTARQUE, Sulla, v. 23, et APPIEN, c. 49. Quant au sort d’Aristion, Strabon dit simplement, IX, 1, 20, p. 610 (308), qu’après la prise de l’Acropole il fut puni de mort : c’est ce que dit aussi Appien, c. 39. D’après Pausanias (ibid.), le tyran avait été arraché de force du temple d’Athéné, où il avait cherché un refuge. Mais d’après Plutarque, Aristion resta provisoirement prisonnier du général romain, qui, dit-on, ne se défit de lui par le poison, pour plaire à Archélaos, qu’en 84, après la cessation des hostilités (Sulla, c. 23 ; DION CASS., fragm., n° 173, éd. Reimar.). Sur l’antipathie persistante des Athéniens pour les descendants d’Aristion, encore du temps de Plutarque, v. PLUTARQUE, De sera num. vindict., c. 13.
[136] APPIEN, c. 38, fin., c. 39, fin. ; cf. CURTIUS, Attischt Studien, p. 19 sqq. — Sur la continuation de la souveraineté nominale de l’État athénien, voyez, outre APPIEN, loc. cit., notamment STRABON, IX, 1, 20, p. 610 (398). PLUTARQUE, Comp. Lysand. c. Sull., c. 5. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXI. Cf. HERMANN, Griech. Staatsalt., § 170, 9. (On sait que BÖCKH a déclaré sans valeur, dans le vol. II du C. I. Gr., p. 250, les hypothèses qu’il avait pu faire précédemment dans le vol. I, page 337 sqq.. en raison de la découverte récente de l’endroit exact où furent trouvées les inscriptions n° 202-206, mentionnées dans le vol. I, p. 336 et sqq.).
[137] CORN. NEPOS, Attic., c. 2, et ci-après.
[138] Cf. aussi STRABON, X, 4, 10, p. 732 (478) ; XII, 3, 33, p. 835 (557). HÖCK, Kreta, vol. III, p. 497 sqq.
[139] PLUTARQUE, Sulla, c. 20. APPIEN, c. 46, init., c. 49, init. Cf. OROSE, VI, 2. GRAN. LICINIAN, p. 33. EUTROPE, V, 6.
[140] PLUTARQUE, Sulla, c. 20 et 26.
[141] PLUTARQUE, Sulla, c. 20 et 26. APPIEN, c. 51, init. PAUSANIAS, IX, 33, 4.
[142] Cf. PLUTARQUE, Sulla, c. 20.
[143] PLUTARQUE, Sulla, c. 20. Cf. BURSIAN, p. 231.
[144] PLUTARQUE, c. 20-21. APPIEN, c. 49. 50. GRAN. LICIN., OROSE et EUTROPE, loc. cit. Cf. BURSIAN, p. 196 sqq., 210 sqq.
[145] APPIEN, c. 51, init. PLUTARQUE, Sulla, c. 20. PAUSANIAS, IX, 33, 4 et 30, 1 ; VIII, 33, 1. BURSIAN, p. 239 et 192.
[146] GRAN. LICIN., p. 33.
[147] APPIEN, c. 51, init.
[148] Cf. APPIEN, Mithrid., c. 48. 58. 61. 62. PLUTARQUE, Sulla, c. 18. MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 300.
[149] Cf. OROSE, VI, 2. APPIEN, c. 48. MOMMSEN. p. 300 et la note *.
[150] STRABON, XIII, 1, 66, p. 913 (614). Cf. MOMMSKN, p. 300. BLASS, Griech. Beredtsamkeit, p. 69. C’est plus tard seulement que les Adramytténiens vinrent à bout de régulariser à nouveau leurs affaires intérieures, avec le secours d’arbitres pris à Antandros (BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, Addenda, n° 2349 b, p. 1065 sqq.).
[151] APPIEN, c. 25. 46. 47. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2222, p. 208 ; cf. MEMNON, c. 33 (al. 35). POSIDON. ap. MÜLLER, Fr. Hist. Græc., III, p. 265 sq., 39 ; p. 415,79. NICOL. DAMASC., Hist. e. lib. 103.
[152] PLUTARQUE, Lucullus, c. 2.
[153] PLUTARQUE, Lucullus, c. 3 ; APPIEN, Mithr., c. 56.
[154] PLUTARQUE, Lucullus, c. 3.
[155] Cf. MEMNON, c. 34 (al. 30). DION CASS., (éd. Dind.) fr. 104, 1-3. (Byzance est plus tard amie de Sulla, TACITE, Annal., XII, 62.)
[156] Cf. APPIEN, Mithr., c.53. STRABON, XIII, 1, 27, p. 887 sq. (594). TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXII et LXXXIII. DIODORE, XXXVIII et XXXIX, 8, 2-4. DION CASS., fr. 104, 7. AUR. VICTOR, De vir. ill., 70. OBSEQUENS, c. 116. OROSE, VI, 2. Ilion en particulier fut traitée avec tant de dureté parce que cette ville voulait se rendre à Sulla et non à Fimbria, v. APPIEN, ibid. MARQUARDT, Cyzicus, p. 75 sq.
[157] APPIEN, Mithr., c. 52, fin. PLUTARQUE, Lucullus, c. 3. MEMNON, c. 34. OROSE, 11.
[158] PLUTARQUE, Lucullus, c 3. APPIEN, C. 52, fin. OROSE, VI, 2.
[159] PLUTARQUE, Sulla, c. 22-25. Lucullus, c. 3, fin., c. 4, init. APPIEN, c. 54-59. MEMNON, c. 35. (al. 37). DIODORE, XXXVIII et XXXIX, 6. DION CASS., fr. 105, 1-4, éd. Dindorf. GRAN. LICINIAN., p. 33 sq. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXIII. FLORUS, I, 39. VELLEIUS, II, 23. OROSE, ibid. EUTROPE, V, 7. Sur la guerre que Sulla fit aux tribus barbares, v. GRAN. LICINIAN., p. 35. TITE-LIVE, Epit., lib. LXXXI, LXXXII et LXXXIII. EUTROPE, V, 7, init. PLUTARQUE, Sulla, c. 23. APPIEN, Mithr., c. 55, fin. AUR. VICTOR, De vir. ill., 75.
[160] TACITE, Annales, IV, 56.
[161] APPIEN, Mithr., c. 61-63. GRAN. LICIN., p. 35, lig. B, 10 sq. SALLUSTE, Catil., c. 11. PLUTARQUE, Sulla, c. 25 ; Lucullus, c. 4. Cf. MEIER, Pergamen. Reich, p. 424, et MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 306 et 391, qui, — contrairement aux autres modernes, — rapporte uniquement à la contribution extraordinaire les 20.000 talents mentionnés par Plutarque, loc. cit. : Cf. BECKER-MARQUARDT, Röm. Alt., III, 1, p. 135.
[162] L’indépendance qu’on avait octroyée depuis longtemps à cette cité, et qu’elle conserva sans doute lors de la défaite d’Aristonicos, lui fut à présent confirmée (APPIEN, Mithr., c. 61), et on y ajouta des indemnités d’un autre genre, STRABON, XIII, 1, 27, p. 888 (591).
[163] Restitutions faites à Chios (cf. MEMNON, c. 33), APPIEN, c. 55 ; la ville fut alors déclarée indépendante, APPIEN, c. 61, et un sénatus-consulte en bonne forme confirma cette indépendance en 80 av. J.-C ; et. BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, n° 2222 et p. 200.
[164] Magnésie fut déclarée libre ; v. APPIEN, Mithr., c. 61, init., v. aussi STRABON, XIII, 3, 5, p. 923 (621). Quant à Magnésie sur le Méandre, voyez TACITE, Annal., III, 62 et BÖCKH, C. I. Gr., vol. II, p. 581. PAULY, Realencyclop., vol. I, 2e édit., p. 1948.
[165] APPIEN, c. 61. On rendit donc alors aux Rhodiens une partie de leurs possessions sur la terre ferme, et notamment Caunos avec plusieurs îles ; cf. CICÉRON., Ad Quint. fr. I, 1, 11, 36 ; v. aussi STRABON, XIV, 2, 3, p. 963 (652), et sur la Peræa rhodienne d’une époque ultérieure, v. CICÉRON, Ad famil., XII, 15, 4. STRABON, XIV, 2, 1, 3, p. 962 sq. (651. 652), et cf. DION CHRYSOST., vol. I, p. 633 (349, 13), 591 (324 extr.), 592 (325, 26), 593 (326, 7), 620 (341, 31) Reiske. KUHN, Städt. Verf., II, p. 46.
[166] APPIEN, Mithr., c. 63, fin ; Bell. civ., I, c. 76, init. PLUTARQUE, Sulla, c. 20, init.
[167] CORN. NEPOS, Attic., c. 4.
[168] PLUTARQUE, Sulla, c. 26, init.
[169] PLUTARQUE, Sulla, c. 20. STRABON, X, 1, 9, p. 686 (417), v. aussi FRIEDLÆNDER, Darstell. a. d. Siltengesch. Roms., v. II, p. 20, 58 sq.
[170] PLUTARQUE, Sulla, c. 26. BURSIAN, p. 192.
[171] APPIEN, Mithr., c. 39, fin., cf. ELLISSEN, p. 17.
[172] PLUTARQUE, Sulla, c. 26 ; cf. STRABON, XIII, 1, 51, p. 906 sq. (608 sq.). ATHEN., V, p. 214 e. SUIDAS, s. v. Συλλ. Sur le sort des œuvres d’Aristote à Rome, cf. PLUTARQUE, ibid. STRABON, ibid., LUCIAN., Adv. indoct., c. 4, et notamment BRANDIS dans le Rhein. Mus., I (1827), p. 236 sq. ELLISSEN, p. 18. C. ZUMPT, Ueber den Bestand der philos. Schulen, p. 70. STAHB, Aristoteles, p. 18 sq., III sq., 128. PAULY, Realencyclop., vol. I, 2e édit., p. 992 sqq. 1226 sqq. PLANER, de Tyrannione grammatico, p. 4.
[173] Cf. PLINE, N. H., XXXVI, 6 (5), 15. BURSIAN, Geogr., p. 300. ELLISSEN, p. 18. D’après Lucien, Zeuxis, c. 3, un vaisseau chargé par ordre de Sulla d’objets d’art athéniens péril dans une tempête près du cap Malée, en se rendant à Rome. Les compagnons de Sulla, par contre, se rendirent coupables de plusieurs vols d’objets d’art (PAUSANIAS, X, 21, 3) ; à Athènes, entre autres, des offrandes du Portique de Zeus Éleuthérios (près de l’agora : BURSIAN, Geogr., p. 282, et De foro Athenarum disputatio, p. 6 sqq. et PAULY, R. E., vol. I, 2e édit., 1981. CURTIUS, Att. Studien, II, p. 20 sq.). — Sur les exactions des officiers de Sulla en Grèce, v. aussi le chap. suivant.
[174] PAUSANIAS, IX, 33,4. BURSIAN, p. 234 sq. Ce fut peut-être alors ou un peu plus tard (si ce n’est déjà à l’époque de Fulvius Nobilior) qu’on transporta à Rome, de l’enceinte sacrée d’Héraclès, près d’Alyzia, en Acarnanie, une œuvre de Lysippe, représentant les travaux et les combats d’Héraclès. STBABON, X, 2, 21, p. 705 (459).
[175] PLUTARQUE, Sulla, c. 27.
[176] APPIEN, Bell. civ., I, 79.
[177] APPIEN, Bell. civ., I, 79.
[178] Cf. ZUMPT, Comm. Epigr., vol. II, p. 178 et 182 sq. DRUMANN, Gesch. Roms, vol. I, p. 532.
[179] PAUSANIAS, X, 34, 2.
[180] Cf. PAUSANIAS, X, 4, 1, et BURSIAN, p. 168.
[181] PAUSANIAS, IX, 33, 4. BURSIAN, p. 234 sq.
[182] Cf. STRABON, IX, 2, 5, p. 617 fin. (403). PAUSANIAS, IX, 7, 4. BURSIAN, p. 225. SCHÖHN, Gesch. Griechenlands, p. 407.
[183] D’après une légende qui prit naissance plus tard, les dieux auraient fait pressentir aux Athéniens leur malheur par une pluie de cendres, une année avant la terrible époque de Sulla (PAUSANIAS, IX, 6, 2).
[184] Cf. STBABON, IX, 1, 15, p. 606 (395 et 396), d’après lequel, encore de son temps, au lieu des magnifiques ports du Pirée et de Munychie, on ne trouvait plus qu’un hameau insignifiant ou plutôt quelques rangées de maisons près des ports et du temple de Zeus Soter ; v. aussi XIV. 2, 9, p. 966, fin. (654), et LUCAIN, Pharsale, III, 181 sqq. et CICÉRON, Ad famil., IV, 5, 4. BURSIAN. p. 268.
[185] Nous ne savons pas au juste quand Délos, que Mithridate évacua en 84, fut rendue a Athènes. Que les Romains l’aient rendue aux Athéniens immédiatement après la guerre (comme le croit MOMMSEN, R. G., vol. II, p. 205), ou un peu plus tard, toujours est-il que du temps d’Auguste elle appartenait de nouveau aux Athéniens, comme le montre STRABON, X, 5, p. 744(486). BÖCKH, (C. I. Gr., vol. II, p. 232 et p. 235. n° 2282. MEIER, Comm. Epigr., I, n° 31, p. 35. Sur la situation de l’île aux temps de Strabon et de Pausanias, cf. STRABON, loc. cit. PAUSANIAS, III, 23, 2 ; VIII, 33, 1.