MÉMOIRES POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE MON TEMPS

TOME HUITIÈME — 1847-1848.

CHAPITRE XLIX. — RÉSUMÉ.

 

 

Deux choses déterminent le caractère des gouvernements et les sentiments d’estime ou de blâme, de sympathie ou de répulsion qui leur sont dus : le sort, bon ou mauvais, qu’ils ont fait aux générations qui ont vécu sous leur empire ; le bien ou le mal qu’ils ont légué aux générations qui les ont suivis.

Je n’ai pas raconté le règne du roi Louis-Philippe ; j’ai pris, dans ce règne, les événements et les actes considérables auxquels j’ai été mêlé, et je me suis appliqué à les faire bien connaître et apprécier en les retraçant avec détail et précision. Ce n’est pas toute l’histoire de cette époque ; mais c’est assez, je pense, pour que je sois en mesure et en droit d’en résumer les principaux résultats. Quelle influence a exercée, pendant sa durée, sur le sort et l’état de la France, le gouvernement qu’elle a possédé de 1830 à 1848 ? Qu’est-il resté et que reste-t-il à la France de l’influence et des œuvres de ce gouvernement ? Je ne ferai à ces questions que les réponses les plus simples et les plus brèves ; je ne veux que recueillir des faits avérés, sans discussion ni commentaire.

Je regarde d’abord à la politique générale, et je cherche quels résultats a obtenus pour ses contemporains, quelles traditions a laissées à ses successeurs le gouvernement de 1830. Ce gouvernement a eu l’honneur de naître d’une révolution accomplie pour la défense des lois et des libertés violées. Il a eu le malheur de naître d’une révolution, et d’une révolution accomplie aux dépens du principe essentiel de la monarchie, et avec le concours de partis et de passions qui dépassaient de beaucoup son but. Entreprise au nom des droits de la monarchie constitutionnelle, la révolution de 1830 a ouvert la porte aux tentatives républicaines et aux perspectives indéfinies de l’imagination humaine, honnêtes ou perverses. Le gouvernement de 1830 a courageusement fait le départ entre ces idées et ces forces diverses déployées autour de son berceau ; il a accepté comme sa source et sa règle : 1° les droits de l’indépendance nationale ; 2° le respect des lois, des droits et des libertés publiques ; 3° les principes et la pratique du régime constitutionnel. Point d’intervention ni d’immixtion étrangère dans les affaires et les résolutions intérieures de la France. Point de lois d’exception ni de suspension des libertés publiques. Les pouvoirs constitutionnels en plein exercice et toujours appelés à débattre et à régler ensemble les affaires du pays.

Le gouvernement de 1830 ne s’est pas borné à mettre ces principes en pratique à l’intérieur et pour la France elle-même ; ils ont présidé à ses relations avec les autres États, spécialement avec les États assez voisins de la France pour que leur situation et leur destinée importent à la sienne. Il a déclaré qu’en Belgique, en Suisse, en Piémont, en Espagne, il ne souffrirait aucune intervention étrangère sans y intervenir aussi, dans l’intérêt français. En reconnaissant le droit de ces peuples à modifier leurs institutions, il a efficacement protégé, tout autour de la France, l’indépendance nationale de ses voisins et l’établissement ou les progrès du régime constitutionnel. A coup sûr, ce n’était pas là une politique facile à faire accepter de la plupart des grandes puissances européennes, au sortir d’un temps plein de guerres de conquête et d’interventions étrangères. Pourtant le gouvernement de 1830 y a réussi, et c’est au nom de la paix européenne qu’il a réussi. Le congrès de Vienne avait fondé la paix européenne sur la domination générale des grandes puissances et le régime stationnaire des États. Le gouvernement de 1830 a maintenu la paix européenne en en brisant les pesantes conditions. Il a concilié les bienfaits de la paix avec l’indépendance des peuples et les progrès de la liberté.

Les politiques clairvoyants de l’Europe ne se sont pas mépris sur les résultats de cette conduite du gouvernement de 1830 pour la grandeur de la France. Le 24 février 1848, au moment même de la chute imprévue de ce gouvernement, le chancelier de l’empire russe, le comte de Nesselrode, écrivait à l’ambassadeur de Russie à Londres : La France aura gagné à la paix plus que ne lui aurait donné la guerre. Elle se verra entourée de tous côtés par un rempart d’États constitutionnels, organisés sur le modèle français, vivant de son esprit, agissant sous son influence.

L’influence du gouvernement de 1830 a survécu même à sa ruine. Au dehors, c’est en maintenant sa politique extérieure que la République qui lui a succédé s’est fait reconnaître et accepter de l’Europe. Au dedans, sous le coup de cette disparition soudaine de tous les pouvoirs organisés et dans cette explosion soudaine de toutes les ambitions humaines, que serait devenue la société française si, depuis trente ans, elle n’avait été accoutumée et formée, par le spectacle et la pratique de son gouvernement, au respect du droit et de la liberté ? C’est par les traditions et les habitudes du gouvernement libre qu’elle venait de renverser que la révolution de 1848 a été défendue contre sa propre pente. Qui pourrait dire quels coups elle aurait portés à l’ordre social et à la paix européenne, si l’esprit légal et pacifique du régime déchu n’avait encore plané au-dessus de ses ruines ?

Je descends de la politique générale aux actes spéciaux du gouvernement de 1830 dans l’administration intérieure du pays, et je constate, par la simple énumération des faits et des chiffres, quelles ont été ses œuvres, leur impulsion et leurs résultats.

Pour rendre ce tableau des principaux actes du gouvernement de 1830 clair et concluant, je range ces actes sous trois chefs qui comprennent les diverses mesures législatives et administratives, incontestablement bien qu’inégalement importantes, accomplies à cette époque :

Législation politique et sociale ;

Administration des finances ;

Travaux publics.

L’un de mes plus fidèles et plus éclairés amis, M. Moulin, jadis député du département du Puy-de-Dôme, a bien voulu se charger de vérifier l’exactitude de ces documents, et venir ainsi en aide à la mémoire de la politique conservatrice et libérale après l’avoir fermement soutenue quand elle était en action.

I. — Législation politique et sociale.

Je comprends sous ce chef : 1° les lois d’organisation et de garantie pour la force publique, pour les libertés publiques, pour l’ordre public ; 2° les lois de réforme et d’amélioration sociale.

1° Lois d’organisation et de garantie politique.

1830. 12 septembre. Loi qui soumet à la réélection les députés promus à des fonctions publiques.

10 décembre. Loi sur la police des afficheurs et crieurs publics.

1831. 4 mars. Loi sur la composition des cours d’assises et sur la majorité nécessaire pour les décisions rendues par le jury contre l’accusé.

21 mars. Loi qui fixe, pour le jugement des conflits entre l’autorité administrative et les tribunaux, un délai d’un mois, passé lequel le conflit peut être considéré comme non avenu.

21 mars. Loi sur la formation et l’organisation des conseils municipaux par la voie de l’élection.

22 mars. Loi sur l’organisation de la garde nationale sédentaire et mobile, par l’élection directe des sous-officiers et l’élection indirecte des officiers supérieurs.

19 avril. Loi sur les élections législatives qui abaisse le cens électoral de 300 à 200 fr. et le cens d’éligibilité de 1.000 à 500 fr.

1832. 22 mars. Loi sur le recrutement militaire et la formation de l’armée.

1833. 24 avril. Loi sur le régime législatif dans les colonies.

24 avril. Loi sur l’exercice des droits civils et politiques dans les colonies.

22 juin. Loi sur l’organisation des conseils généraux de département et des conseils d’arrondissement, par la voie de l’élection, avec adjonction des capacités portées sur la seconde liste du jury aux possesseurs du cens électoral politique, et fixation d’un minimum pour le nombre des électeurs.

7 juillet. Loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. Elle établit par quel mode légal l’utilité publique est déclarée, et elle soumet au jury l’estimation et le règlement des indemnités. Cette loi a été modifiée et complétée par une autre loi du 3 mai 1841.

1834. 16 février. Loi sur les crieurs publics d’écrits.

10 avril. Loi sur les associations.

20 avril. Loi sur l’organisation du conseil général et des conseils d’arrondissement du département de la Seine et du conseil municipal de la ville de Paris, par la voie de l’élection.

19 mai. Loi sur l’état des officiers.

1835. 9 septembre. Loi sur les crimes, délits et contraventions commis par la voie de la presse et autres moyens de publication.

9 septembre. Loi sur les cours d’assises.

9 septembre. Loi portant modification des articles 341, 345, 346, 347 et 352 du Code d’instruction criminelle, et de l’art. 17 du Code pénal.

1837. 1er avril. Loi qui détermine l’autorité des arrêts de la Cour de cassation après deux pourvois.

18 juillet. Loi sur l’administration communale et les attributions des conseils municipaux.

1838. 10 mai. Loi sur les attributions des conseils généraux de département et des conseils d’arrondissement.

1839. 3 août. Loi qui fixe le cadre de l’état-major de l’armée de terre.

1841. 17 juin. Loi d’organisation de l’état-major de l’armée navale.

1842. 30 août. Loi sur la régence du royaume.

2° Lois de réforme et d’amélioration sociale.

1831. 8 février. Loi qui admet le culte israélite au nombre des cultes reconnus par l’État et met le traitement de ses ministres à la charge du trésor public.

4 mars. Loi pour la répression de la traite des nègres.

1832. 17 avril. Loi apportant divers adoucissements à la contrainte par corps.

28. avril. Loi apportant de nombreuses et importantes réformes dans la législation pénale ; entre autres l’admission des circonstances atténuantes et l’abolition de onze cas de peine de mort.

1833. 28 juin. Loi organique de l’instruction primaire, élémentaire et supérieure.

1835. 25 mai. Loi relative à l’administration des biens ruraux des communes, hospices et autres établissements publics.

5 juin. Loi qui confère aux caisses d’épargne la qualité de personnes civiles pouvant recevoir des dons et legs ; une seconde loi du 31 mars 1837 chargea la caisse des dépôts et consignations de recevoir et d’administrer les fonds que les caisses d’épargne seraient admises à placer au trésor.

1836. 21 mai. Loi qui supprime et prohibe les loteries.

21 mai. Loi organique sur la construction et l’administration des chemins vicinaux.

1837. 4 juillet. Loi sur les poids et mesures, qui consacre le système métrique comme obligatoire.

1838. 11 avril. Loi qui élève la compétence des tribunaux civils de première instance.

25 mai. Loi qui élève la compétence des juges de paix.

28 mai. Loi sur les faillites et banqueroutes apportant de graves réformes dans le Code de commerce.

20. juin. Loi sur les aliénés et sur les établissements consacrés au traitement de l’aliénation mentale.

1840. 8 mars. Loi sur l’organisation et l’extension de la compétence des tribunaux de commerce.

6 juin. Loi apportant diverses modifications au régime de la pêche fluviale.

1841. 22 mars. Loi sur le régime et les conditions du travail des enfants employés dans les manufactures.

2 juin. Loi apportant de graves modifications au code de procédure civile sur la vente judiciaire des biens immeubles.

14 juin. Loi qui modifie le code de commerce sur la responsabilité des propriétaires de navires de commerce.

25 juin. Loi sur la vente en détail des marchandises aux enchères, ou à cri public.

25 juin. Loi sur la transmission des offices réglant la forme et les droits d’enregistrement des traités.

1843. 18 juin. Loi sur les commissaires-priseurs.

1844. 3 mai. Loi sur la chasse.

5 juillet. Loi sur les brevets d’invention.

3 août. Loi qui accorde, à la veuve et aux enfants des auteurs d’ouvrages représentés sur un théâtre, le droit garanti par le décret du 5 février 1810 à la veuve et aux enfants des auteurs d’écrits imprimés.

1845. 29 avril (et 11 juillet 1847). Loi sur le régime des irrigations.

21 juin. Loi qui supprime les droits de vacation des juges de paix et augmente leur traitement.

22 juin. Loi qui fixe le maximum et le minimum des versements dans les caisses d’épargne.

15 juillet. Loi sur la police des chemins de fer.

18 juillet. Loi qui apporte règlement et adoucissement dans le régime de l’esclavage aux colonies.

9 août 1847. Une nouvelle loi ajoute aux mesures favorables de la loi précédente, et institue des cours criminelles chargées de connaître des crimes commis envers et par des esclaves.

1846. 3 juillet. Loi qui modifie le régime de postes en supprimant le décime rural et en réduisant la taxe sur les envois de fonds.

Il suffit de parcourir cette simple nomenclature législative pour reconnaître qu’il n’est aucune des grandes questions d’intérêt national ou social, dont notre temps est avec raison préoccupé, qui n’ait été, pour le gouvernement de 1830, l’objet d’une sérieuse attention et d’une féconde activité.

Dans l’ordre politique, il a efficacement organisé et réglé la force publique, le mode de sa formation, ses divers éléments, l’état de ses officiers, la composition de ses états-majors[1] ; et notre armée de terre et de mer ainsi constituée a glorieusement suffi jusqu’ici à toutes les missions, à toutes les épreuves auxquelles elle a été appelée, aux campagnes de Crimée et d’Italie comme à la conquête de l’Algérie.

Le gouvernement de 1830 n’a pas donné moins de soin à la vie intérieure de la France qu’à sa force au dehors : le principe électif, gage nécessaire d’influence et de contrôle pour toute société, grande ou petite, a été introduit dans l’administration des départements et des communes, y compris celle de la ville de Paris[2] ; et en même temps que la liberté devenait ainsi un droit actif sur tous les points du territoire comme au centre de l’État, la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire, la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux et les deux lois du 11 juin 1842 et du 15 juillet 1845, l’une sur la constitution du réseau général, l’autre sur la police des chemins de fer, imprimaient partout, dans les campagnes comme dans les villes, un mouvement permanent de progrès moral et matériel.

Dans l’ordre civil, nos divers codes ont reçu d’importantes réformes, toutes dirigées vers l’efficacité pratique et l’adoucissement des lois, la simplification des affaires, la garantie de la propriété et des droits privés dans leurs rapports avec l’État[3].

L’ordre moral n’a pas été plus négligé que l’ordre politique et l’ordre civil : les caisses d’épargne, le travail des enfants dans les manufactures, le sort des aliénés et les établissements consacrés à cette triste misère humaine, l’état des prisons, l’abolition de la traite des nègres, le régime de nos colonies, la condition des esclaves, leurs rapports avec les maîtres, la préparation de l’abolition de l’esclavage, l’abolition des loteries et des jeux, toutes les questions où sont engagés soit l’état actuel, soit les longues espérances de l’humanité dans les diverses conditions sociales[4], ont été abordées, étudiées, débattues, quelques-unes résolues, toutes mises en état de travail et de progrès.

Je n’ai fait entrer, dans ce tableau de l’activité législative du gouvernement de 1830, que les lois adoptées, promulguées et mises en vigueur pendant sa durée. Je n’ai voulu inscrire au compte définitif de ce gouvernement que des faits accomplis et des résultats acquis. Je dois cependant à sa mémoire quelque mention des travaux qu’il avait préparés et livrés aux épreuves du régime constitutionnel dans les sessions voisines de sa chute. L’instruction primaire et la situation des instituteurs, l’instruction secondaire et la liberté d’enseignement, l’enseignement du droit et celui de la pharmacie, l’exercice de la médecine, la réforme des prisons et l’établissement du régime pénitentiaire, les sociétés de secours mutuels, les caisses de retraite pour la vieillesse, la réforme du système hypothécaire, la navigation intérieure, le reboisement des montagnes, tous ces intérêts de l’ordre moral, social, matériel, étaient l’objet de nombreux projets de loi présentés aux Chambres, que leurs commissions étudiaient, et qu’elles étaient près de discuter quand la révolution du 24 février renversa les Chambres et la monarchie constitutionnelle elle-même. A ces témoignages de l’activité législative je devrais joindre ceux de l’activité administrative et les nombreuses mesures d’amélioration et de progrès accomplies par ordonnances royales dans les services publics. Je n’en citerai que deux, très diverses quant à leur objet et à leur date, mais empreintes, chacune à son tour, de l’une des deux idées qui ont simultanément présidé au gouvernement de 1830. Le 27 août 1830, une ordonnance du roi rendit au barreau français ses anciennes franchises en reconnaissant à tout avocat inscrit au tableau le droit de concourir, par élection directe, à la nomination des membres du conseil et du bâtonnier de l’ordre, ainsi que le droit de plaider devant toutes les cours et tous les tribunaux du royaume sans avoir besoin d’aucune autorisation. Le 31 mai 1838, une ordonnance du roi régla le régime de la comptabilité publique, d’une façon générale et destinée à maintenir un ordre sévère dans cette branche de l’administration. Soit qu’il agît de concert avec les Chambres ou par la Couronne seule, le Gouvernement avait pour égale règle de conduite le soin de l’ordre et le respect de la liberté.

Je passe de la législation politique et sociale, de 1830 à 1848, à l’administration des finances durant la même époque, et j’en constate pareillement les résultats en prenant pour point de comparaison, d’après les comptes généraux et définitifs de cette administration, les deux exercices de 1829 et de 1847, les derniers qui aient complètement appartenu, le premier au gouvernement de la Restauration, le second au gouvernement de 1830.

II. — Administration des finances.

1° Revenus ordinaires.

En 1829, les revenus ordinaires ont été de 993.396.000 fr.

En 1847, ils ont été de 1.342.809.354 fr.

L’accroissement des revenus ordinaires de 1829 à 1847 a donc été de 349.413.354 fr.

Savoir :

1° Sur les contributions directes de 94.000.560 fr.

2° Sur les contributions indirectes de 243.317.400 fr.

3° Produits divers de toute nature. 12.095.394 fr.

Aucun impôt nouveau n’a été créé durant cette époque. J’indiquerai tout à l’heure les augmentations qu’ont reçues quelques-uns des impôts déjà établis.

L’accroissement du revenu public est provenu :

— Sur les contributions directes : 1° de l’addition faite en 1832 au principal de la contribution personnelle et mobilière et de la taxe des portes et fenêtres, qui a ajouté environ 11 millions aux ressources de l’État et 5 millions à celles des départements ; 2° de l’application de la loi des finances de 1835 qui soumit à l’impôt les bâtiments nouvellement construits et en déchargea les bâtiments démolis ; 3° du développement des centimes additionnels départementaux.

— Sur les contributions indirectes, l’accroissement du produit a été presque uniquement le résultat du progrès continu de l’aisance générale et de la richesse nationale. Quelques élévations de tarifs ont influé, dans une certaine mesure, sur la plus-value des produits de l’enregistrement ; mais cette plus-value a été beaucoup plus que compensée par des dégrèvements considérables, savoir : 1° par une réduction de 30 millions opérée en 1830 sur l’impôt des boissons ; 2° par une réduction de 12.792.000 fr. sur le revenu des douanes, réduction amenée par les abaissements de tarifs de 1830 à 1836 ; 3° par une réduction d’un million sur le produit des postes.

— Sur les produits divers de toute nature, l’accroissement de 12.095.000 fr. a eu lieu malgré la réduction de 18.000.000 amenée par l’abolition de la loterie et des jeux, et malgré la suppression de la rétribution universitaire qui avait produit, en 1844, 1.982.000 fr.

Ces réductions réunies, toutes opérées par les plus justes motifs, ont imposé au Trésor un sacrifice annuel de 63.000.000.

Si donc le revenu public ordinaire avait été perçu en 1847 sur les mêmes bases qu’en 1829, il aurait reçu un accroissement bien plus considérable que celui qu’il a effectivement atteint et que je viens de rappeler.

2° Dépenses ordinaires.

En 1829, les dépenses ordinaires ont été de 1.014.914.000 fr.

En 1847, elles ont été de 1.452.226.564 fr.

De 1829 à 1847 l’accroissement des dépenses ordinaires a donc été de 437.312.564 fr.

Les causes de cet accroissement ont été :

1° Les dépenses occasionnées par la conquête et l’occupation de l’Algérie. Ces dépenses ont toujours été comprises dans les dépenses ordinaires de l’État. De 1830 au 31 décembre 1847, elles se sont élevées à plus d’un milliard. Dans les derniers exercices de 1830, elles grevaient le budget annuel des dépenses ordinaires de plus de 100 millions.

2° Les armements, les approvisionnements militaires et l’extension des cadres de l’armée nécessités par les circonstances politiques, d’abord au début du gouvernement de 1830, ensuite en 1840 ; les inondations et la crise de la cherté alimentaire en 1846 et 1847.

3° Le développement naturel et nécessaire, quoique modéré et lent, des divers services publics. J’en consigne ici les détails les plus importants.

Ministère de la Justice et des Cultes.

Le budget de la justice qui était en 1829 de 19.588.000 fr. s’est élevé en 1847 à  27.457.724 fr.

Cette augmentation de 7.869.724 fr. est provenue : 1° de l’amélioration des traitements de la magistrature, principalement dans les degrés inférieurs ; 2° de la suppression des vacations des juges de paix remplacées par une addition à leur traitement fixe ; 3° de l’accroissement des frais de justice criminelle.

Le budget des cultes était en 1829 de 35.481.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 39.367.395 fr.

La construction ou la restauration d’édifices diocésains, les subventions accordées pour la construction ou la restauration d’édifices paroissiaux, la création des succursales et des vicariats, l’érection d’un certain nombre de cures inamovibles, les améliorations apportées dans les traitements des desservants catholiques et des pasteurs protestants, les traitements des ministres israélites et autres frais de culte inscrits pour la première fois au budget sous le gouvernement de 1830, ont déterminé cette augmentation de 3.886.395 fr.

Ministère de l’Instruction publique.

Le budget de ce ministère était en 1829 de 7.292.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 19.269.438 fr.

L’augmentation de 11.787.438 fr. a eu pour causes : 1° le rétablissement de la cinquième classe de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques) ; 2° la création de nouvelles facultés dans les départements et de nouvelles chaires dans les facultés existantes, au Collège de France et au Muséum d’histoire naturelle ; 3° le développement des écoles de pharmacie rattachées pour la première fois au budget de l’instruction publique ; 4° le rétablissement de l’École normale supérieure ; 5° l’institution de quatorze nouveaux collèges royaux et l’augmentation des encouragements accordés aux études et aux travaux scientifiques et historiques ; 6° enfin et surtout la grande extension du service de l’instruction primaire organisée par la loi du 28 juin 1833. Je n’insiste pas sur les résultats de cette loi ; ils sont trop positivement constatés et trop universellement reconnus pour qu’il me convienne de m’y arrêter. Je ne signalerai qu’un fait. En 1832, avant la loi du 28 juin 1833, il y avait en France 42.092 écoles primaires, communales ou privées, et dans ces écoles 1.935.624 élèves, garçons ou filles. Au 1er janvier 1848, sous l’influence de la loi du 28 juin 1833, le nombre des écoles primaires s’était élevé à 63.028, et celui des élèves à 3.530.135. Ainsi, dans l’espace de quatorze ans, l’instruction primaire avait acquis 20.936 écoles et 1.594.511 élèves de plus.

Ministère de l’Intérieur.

Ce budget était en 1829 de 53,370.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 142.465.747 fr.

L’augmentation de 89.096.747 fr., dont il faut déduire 66.000.000 de dépenses départementales, est due aux notables améliorations morales et matérielles apportées dans le régime des prisons, au développement des lignes télégraphiques, à la conservation des monuments historiques, aux subventions allouées aux ponts à péage des chemins vicinaux, aux nouvelles allocations accordées aux établissements de bienfaisance et aux beaux-arts, aux dépenses de la garde nationale, etc., etc.

Ministère de l’Agriculture et du Commerce.

Ce budget était en 1829 de 10,177.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 14.015.000 fr.

Cette augmentation d’environ 4 millions a été appliquée aux encouragements à l’agriculture, aux pêches maritimes, au Conservatoire des arts et métiers, aux établissements thermaux et sanitaires, aux secours pour inondations et au développement des haras.

Ministère des Travaux publics.

Ce budget était en 1829 de  33.397.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 69.474.765 fr.

Cette forte augmentation a eu pour cause les nombreux travaux publics entrepris et exécutés sur le budget ordinaire de l’État, l’ouverture des lacunes et les rectifications des routes royales, l’amélioration de la navigation intérieure, la construction ou l’agrandissement des ports maritimes, les réparations et les constructions de monuments publics et, par une conséquence nécessaire, le développement des cadres du personnel des ponts et chaussées et des mines.

Pour l’achèvement du seul port de Cherbourg, le gouvernement de 1830 a dépensé, de 1830 à 1848, 49.123.695 fr., somme très supérieure à celles qu’ont dépensées pour ce grand travail les divers gouvernements qui y ont concouru depuis son origine jusqu’à son achèvement (1783-1867).

Ministère de la Guerre.

Ce budget était en 1829 de   214.367.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 349.310.950 fr.

Les dépenses de l’Algérie figurent dans cette augmentation pour plus de 104 millions. Un accroissement d’effectif de 17 à 18.000 hommes sur l’effectif de 1829, une amélioration de solde et d’entretien pour les soldats et les grades inférieurs, l’extension des écoles régimentaires et les changements dans la proportion des armes ont déterminé le surplus de l’augmentation.

Ministère de la Marine.

Ce budget était en 1829 de 72.935.000 fr.

Il s’est élevé en 1847 à 133.732.030 fr.

Les trois principales causes qui ont amené cette augmentation de 60 millions ont été : 1° la création de services qui n’existaient pas au budget du département de la marine en 1829, tels que l’infanterie de marine, la gendarmerie maritime et les gardes maritimes ; 2° les améliorations introduites, comme pour l’armée de terre, dans la condition, la nourriture et la solde des officiers, sous-officiers, soldats, matelots et ouvriers ; 3° le développement de nos forces navales, soit par les armements, soit par les travaux maritimes ; développement rendu nécessaire par la conquête de l’Algérie, par le progrès du commerce extérieur, par nos nouveaux établissements lointains, et par le rôle de plus en plus important que la marine est appelée à jouer pour l’extension et la protection de l’activité et des intérêts nationaux dans toutes les parties du monde.

Je résume, d’après ces faits et ces chiffres, les résultats de l’administration des revenus et des dépenses ordinaires, de 1830 à 1848 :

1° Aucune création d’impôts nouveaux. Nulle autre augmentation des impôts existants en 1830 que l’addition de 16.000.000 au principal de la contribution personnelle et mobilière et de la taxe des portes et fenêtres, quelques élévations de tarifs dans les droits d’enregistrement et les centimes additionnels votés par les conseils généraux.

2° Réduction de 63.000.000 d’impôts divers, savoir :

30 millions sur l’impôt des boissons.

12 millions sur les douanes.

1 million sur les droits de poste.

18millions pour l’abolition de la loterie et des jeux.

2 millions par l’abolition de la rétribution universitaire.

Total : 63 millions.

3° Malgré ces réductions de taxes diverses, l’augmentation progressive des produits des contributions indirectes, augmentation amenée par la seule puissance de la prospérité publique et du travail national, a apporté dans les revenus ordinaires de l’État, de 1829 à 1847, un accroissement d’environ 244 millions.

4° Ainsi, réduits d’une part et accrus de l’autre, les revenus ordinaires ont suffi, de 1838 à 1848 : 1° à l’acquittement de toutes les dépenses ordinaires de l’État, y compris celles qu’ont entraînées la conquête et l’occupation de l’Algérie et les armements extraordinaires nécessités en 1830 et en 1840 par les circonstances politiques ; 2° à de nombreuses et importantes améliorations apportées dans tous les services publics, de l’ordre moral comme de l’ordre matériel, de la guerre comme de la paix, et au profit de toutes les classes de citoyens.

Ce résultat est incontestable aujourd’hui. Tous les comptes du gouvernement de 1830 ont été l’objet de règlements législatifs, et le déficit du dernier exercice (1847) n’a laissé, pour toute la durée de ce gouvernement, qu’un découvert de 13.762.000 fr.

Je dois reconnaître que, dans les premières années de son existence, pour subvenir aux frais inséparables de toute révolution, le gouvernement de 1830 a eu recours à des ressources extraordinaires : il a aliéné des bois de l’État ; il a annulé des rentes rachetées par l’amortissement, et il a fait appel au crédit jusqu’à concurrence de 290.000.000 fr. Mais, à partir de 1833, non seulement ses ressources ordinaires lui ont suffi ; elles ont de plus fourni, aux travaux publics extraordinaires qu’il a entrepris et accomplis, des voies et moyens très considérables. C’est le grand fait qui me reste à constater.

III. — TRAVAUX PUBLICS.

Je persiste, pour ce résumé des travaux publics de 1830 à 1848, dans l’ordre que j’ai adopté pour le résumé de l’administration générale des finances. J’indique d’abord la somme et la nature des fonds qui ont été affectés à cet emploi.

Ces fonds ont été puisés à des sources diverses :

1° Dans les ressources ordinaires des budgets. De 1830 à 1847, dans tous les budgets ordinaires, des crédits ont été ouverts pour des travaux publics extraordinaires. Ces crédits sont épars dans les budgets de l’intérieur, des travaux publics, de la guerre et de la marine. Ils se sont élevés à 328.135.000 fr.

2° Les réserves de l’amortissement, ou budget extraordinaire créé par la loi du 17 mai 1837, ont été la seconde source ouverte à l’accomplissement des travaux publics extraordinaires. Sous le gouvernement de 1830, l’amortissement de la dette publique a constamment fonctionné ; mais les fonds que le crédit public avait portés et soutenait au-dessus du pair, le 5, le 4 ½ et le 4 p. % ne pouvaient continuer à être amortis sans imposer au Trésor une perte considérable. La dotation et les rentes rachetées appartenant à chacun de ces fonds n’étaient donc plus employées en achats nouveaux, et constituaient un fonds provisoirement disponible auquel on donna le nom de réserves de l’amortissement. Ce fut ce fonds que la loi du 17 mai 1837 affecta aux travaux publics extraordinaires. Il leur a fourni 225.624.000 fr. Il faut remarquer que ces 225.624.000 fr. avaient été produits par les revenus ordinaires de l’État, et ne peuvent être rangés parmi les ressources extraordinaires.

3° Les emprunts soit en rentes, soit en dette flottante, ont été la troisième des ressources affectées aux travaux publics extraordinaires. J’en indique la date et le montant.

1° La loi du 27 juin 1833 autorisa l’émission de 5 millions de rentes 5 p. %, en prononçant l’annulation d’une même quantité de rentes sur celles qui avaient été rachetées par l’amortissement. Cette émission a produit 93.852.000 fr.

2° La loi du 25 juin 1841 autorisa une émission de rentes 3 p. %, qui s’éleva à 12.810.245 fr. de rente et qui a produit 450.000.000 fr.

3° La loi du 11 juin 1842, qui établit le réseau général de nos chemins de fer, ordonna que les dépenses des travaux qui devaient rester à la charge de l’État seraient provisoirement supportées par la dette flottante. Au 31 décembre 1847, les avances s’élevaient à 441.000.000 fr.

Le 10 novembre 1847, un emprunt en rentes 3 p. % (9.966.777 fr. de rentes), autorisé par une loi du 11 août précédent, avec affectation aux travaux publics extraordinaires, produisit 250.000.000 qui devaient réduire d’autant le chiffre de la dette flottante. Cette somme ne pourrait, sans un double emploi évident, être comprise parmi les ressources extraordinaires créées pour les grands travaux publics. Sur ces 250.000.000, une somme de 82.000.000 déjà versés se trouvait, le 24 février 1848, dans l’encaisse du Trésor, et les versements qui restaient à effectuer (168.000.000) ont été reçus par le gouvernement de la République.

Au moment de sa chute, le gouvernement de 1830 possédait, pour faire face à sa dette flottante de 441.000.000 fr. :

1° Les ressources provenant des travaux exécutés à l’aide de cette dette flottante, savoir les remboursements dus :

Par la compagnie du chemin de fer du Nord. 93,592.000 fr.

Par la compagnie du chemin de fer de Lyon. 42.000.000 fr.

Par la compagnie du chemin de fer de Tours à Nantes, environ.6.000.000 fr.

Par diverses compagnies pour prêts.56.268.000 fr.

Pour le prix des terrains de l’ancien hôtel des affaires étrangères, environ 7.000.000 fr.

Total. 204.860.000 fr.

Les comptes successifs de l’administration des finances depuis 1848 constatent que ces ressources ont été réalisées.

2° A ces recouvrements qui devaient décharger d’autant la dette flottante de 441 millions, il faut ajouter les réserves de l’amortissement restées sans emploi, grâce à l’élévation constante du 5, du 4 ½ et du 4 p. % au-dessus du pair, réserves que la loi du 11 juin 1843 avait affectées à l’extinction des découverts du budget. Le 31 décembre 1847, ces réserves s’élevaient à 80 millions, et le découvert du budget n’était plus alors, comme cela a été constaté, que de 13.762.000 fr. Les réserves de l’amortissement allaient donc devenir disponibles, du moins en grande partie, et elles auraient pu être affectées à la réduction de la dette flottante jusqu’à concurrence de leur disponibilité.

Enfin, à la date du 31 décembre 1847, l’amortissement du 3 p. %, qui n’avait pas été suspendu un seul jour, avait racheté 17.603.712 fr. de rentes ; et si on liquide à cette époque l’administration financière du gouvernement de 1830, ces rentes rachetées avec ses revenus ordinaires font incontestablement partie de son actif.

J’arrive à la conclusion qui découle de ces faits et de ces chiffres scrupuleusement recueillis.

De 1830 à 1847, le gouvernement de cette époque a exécuté pour 1.538.000.000 de grands travaux publics. Pour accomplir cette œuvre, il n’a eu recours aux moyens de crédit, ou, en d’autres termes, il n’a grevé l’avenir que jusqu’à concurrence de 984.000.000, même en y comprenant les 441.000.000 de dette flottante, quoiqu’il ait laissé, dans son actif, des ressources suffisantes pour les couvrir. Si donc, dans les premières années de son existence, le gouvernement de 1830 a dû recourir à des ressources extraordinaires pour payer une partie des dépenses de son établissement, il a, pour ainsi dire, restitué ces dépenses en payant sur ses ressources ordinaires une partie (554.000.000) des grands travaux publics que les gouvernements ont toujours payés avec des ressources extraordinaires.

Comment ont été employés les crédits que je viens d’indiquer ? Quels grands travaux publics extraordinaires ont été accomplis de 1830 à 1848 ? C’est le dernier fait que je tiens à mettre en lumière.

Le gouvernement de 1830 a continué d’abord les œuvres commencées par ses prédécesseurs. Les nombreuses lacunes que présentaient les anciennes routes royales ont été achevées. Les pentes qui les rendaient dangereuses ou impraticables ont été rectifiées. Les canaux entrepris par la Restauration ont été complètement exécutés, et les grands ports maritimes encore inachevés énergiquement continués. D’anciennes et célèbres cathédrales ont été restaurées. Les monuments entrepris par l’ancienne monarchie ou par l’Empire, les églises de Sainte-Geneviève et de la Madeleine, la Sainte-Chapelle, l’arc de triomphe de l’Étoile, le Muséum d’histoire naturelle, l’École des beaux-arts, les palais législatifs ou ont été terminés ou agrandis ou embellis. Les besoins nouveaux ont reçu aussi leur satisfaction ; une nouvelle école normale supérieure a été offerte à l’enseignement public grandement et libéralement développé. Les maisons centrales de détention ont été appropriées à un meilleur régime pénitentiaire. Les hospices des aliénés et des sourds-muets ont été mis en état de mieux répondre à leur destination. De nouvelles routes ont été ouvertes pour pacifier et enrichir les contrées qu’avait désolées la guerre civile. Les voies navigables à l’intérieur du pays ont été perfectionnées. Deux grands canaux, celui de la Marne au Rhin et le canal latéral à la Garonne, ont été ouverts. Le réseau télégraphique a été étendu. Le matériel de la guerre et de la marine a été complété et amélioré à grands frais. Paris et Lyon ont été fortifiés.

Je trouve dans un écrit publié en 1848, peu de mois après la révolution de février[5], par M. Lacave-Laplagne, mon collègue comme ministre des finances de 1842 à 1847, un tableau des fonds affectés, sur les ressources ordinaires et extraordinaires des budgets, aux travaux publics extraordinaires, notamment à ceux que je viens de rappeler. Ce tableau, dressé en 1848, a pu être complété par des renseignements plus récents qu’il serait trop long d’expliquer ici. J’en tire cependant quelques chiffres, qui donnent une idée approximativement juste de l’importance des principaux travaux ainsi accomplis. De 1830 à 1847 inclusivement, il a été dépensé sur les ressources ordinaires des budgets :

Pour les canaux. 35.773.000 fr.

Pour les routes royales, ponts, etc. 14.708.000

Pour les routes départementales. 3.996.000

Pour les monuments publics de divers genres. 46.388.000

La somme totale des fonds affectés, sur les ressources ordinaires des budgets, aux travaux publics extraordinaires, s’élève, selon ce tableau, à 328.125.000 fr. ;

Et ce chiffre est conforme à celui que j’ai déjà indiqué.

La somme totale des fonds appliqués, sur les ressources extraordinaires portées dans des budgets spéciaux, à des emplois de même nature, s’élève, selon le tableau de M. Lacave-Laplagne, à 1.136.280.000 fr.

Ce qui fait, en tout, pour les travaux publics extraordinaires exécutés de 1830 à 1848, une somme totale de 1.461.415.000 fr.

Les renseignements plus complets que j’ai recueillis portent ce total, comme je l’ai dit d’abord, à la somme de 1.538.000.000 fr.

Le plus considérable de ces travaux a été sans contredit l’établissement des chemins de fer. Non seulement c’est sous le gouvernement de 1830 que cette grande œuvre a pris son premier élan ; c’est de lui qu’elle a reçu la forte impulsion et les lois fondamentales qui ont présidé à ses développements et déterminé son succès. De 1833 à 1847, je trouve, dans le tableau chronologique des travaux législatifs de cette époque, trente-cinq lois proposées, discutées et promulguées pour l’étude et l’exécution des chemins de fer successivement entrepris dans toute l’étendue de la France[6]. Et, à l’origine comme au terme de cette législation, se placent deux grandes lois : l’une 9 août 1847.

— Loi sur l’achèvement du chemin de fer de Paris à Valenciennes.

— Loi sur des modifications aux conditions de concession du chemin de fer de Paris à Lyon.

— Loi sur le classement du chemin de fer de Montereau à Troyes.

Je n’ajoute rien à ces faits. Ils contiennent une claire et concluante réponse aux deux questions que j’ai posées en tête de ce résumé : Quelle influence a exercée, pendant sa durée, sur l’état et le sort de la France, le gouvernement de 1830 ? Qu’est-il resté et que reste-t-il à la France de l’influence et des œuvres de ce gouvernement ? Évidemment l’ordre politique et l’ordre civil, l’ordre moral et l’ordre matériel, les droits de la liberté et ceux de la sécurité publique, les progrès de la prospérité et du bien-être dans toutes les classes de la nation ont été, pour le gouvernement de 1830, l’objet d’une constante préoccupation et d’une honnête et efficace action. Il a compris sa mission et poursuivi son but, sérieusement, simplement, sans charlatanerie, sans fantaisie, et le bien de ses œuvres a survécu au malheur de sa chute. Il a eu les caractères essentiels et il atteignait de jour en jour les résultats essentiels d’un gouvernement légal et libre. Ce fut son travail. Ce sera son honneur.

 

FIN DU HUITIÈME ET DERNIER TOME.

 

 

 



[1] Par les lois des 22 mars 1831, 22 mars 1832, 19 mai 1834, 9 août 1839 et 17 juin 1841.

[2] Par les lois des 21 mars 1831, 22 juin 1833, 20 avril 1834, 18 juillet 1837 et 10 mai 1838.

[3] Par les lois des 4 et 21 mars 1831, 7 juillet 1833, 7 avril 1837, 17 et 28 avril 1832, 25 mai 1835, 11 avril, 25 et 28 mai 1838, 8 mars 1840, 2, 14 et 25 juin 1841, 18 juin 1843, 3 mai, 5 juillet et 3 août 1844, 28 avril, 21 et 22 juin 1845.

[4] Par les lois des 24 juin 1833, 4 mars 1831, 5 juin 1835, 21 mai 1836, 20 juin 1838, 22 mars 1841, 3 août 1844, 18 juillet 1845 et 9 août 1847.

[5] Observations sur l’administration des finances pendant le gouvernement de Juillet, et sur ses résultats, par M. Lacave-Laplagne ; Paris, 1848. Cet ouvrage et quatre autres écrits publiés de 1848 à 1864, savoir : 1° Histoire financière du gouvernement de Juillet, par M. L. Vitet, 1848 ; 2° De l’équilibre des budgets sous la monarchie de 1830, par M. S. Dumon, ancien ministre des finances (1849) ; 3° Le roi Louis-Philippe ; liste civile : par M. le comte de Montalivet (1851) ; 4° Rien ! Dix-huit années de gouvernement parlementaire, par M. le comte de Montalivet (1864) ; contiennent, sur l’administration politique et financière du gouvernement de 1830 et sur ses résultats, des renseignements aussi véridiques que circonstanciés.

[6] En voici le tableau :

27 juin 1833. — Loi pour des études sur les chemins de fer.

9 juillet 1836. — Loi d’établissement du chemin de fer de Paris à Versailles.

Chemin de fer de Montpellier à Cette.

6 mai 1838. — Chemin de fer de Strasbourg à Bâle.

26 juillet 1839. — Chemin de fer de Lille à Dunkerque.

1er août 1839. — Chemin de fer de Paris à Versailles.

— de Paris à Orléans.

— de Paris au Havre et à Dieppe.

15 juillet 1840. — Loi qui modifie quelques-unes des lois précédentes.

13 juin 1841. — Chemin de fer de Bordeaux à la Teste.

11 juin 1842. — Prolongement du chemin de fer de Paris à Rouen jusqu’au Havre. — Loi pour l’établissement d’un système général de chemins de fer en France.

28 juillet 1843. — Chemin de fer d’Avignon à Marseille.

7 juillet 1844. — Chemin de fer de Montpellier à Nîmes.

26 juillet 1844. — Chemin de fer de Paris à la frontière d’Espagne (entre Tours et Bordeaux).

— De Paris à la Méditerranée par Lyon (entre Paris et Dijon, Châlons et Lyon).

— De Paris sur l’Océan (par Tours et Nantes).

26 juillet 1844. — De Paris sur l’ouest de la France (par Chartres, Laval et Rennes).

— De Paris sur l’Angleterre et la frontière de Belgique (par Calais, Dunkerque et Boulogne).

— D’Orléans à Vierzon et de Vierzon à Bourges.

— De Paris sur le centre de la France  (du 11 juin 1842) qui a posé les bases du réseau général des chemins de fer et qu’on a justement appelée leur charte ; l’autre (du 15 juillet 1845) qui a réglé la police des chemins de fer et fondé ainsi le régime permanent de ce grand et nouveau système de communication. Cette dernière loi, présentée et soutenue par M. Dumon, alors ministre des travaux publics, n’a pas cessé d’être en vigueur.

Au 31 décembre 1847, il y avait 2,059 kilomètres de chemins de fer en pleine exploitation, et 2,144 kilomètres de chemins de fer en construction.

Châteauroux et Limoges, par Bourges sur Clermont.

2 août 1844. — De Paris sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg.

5 août 1844. — De Paris à Sceaux.

5 juillet 1845. — De Lille à la frontière de Belgique.

15 juillet 1845. — Loi sur la police des chemins de fer.

16 juillet 1845. — Loi complémentaire sur le chemin de fer de Paris à Lyon et de Lyon à Avignon.

19 juillet 1845. — Loi complémentaire des chemins de fer de Tours à Nantes et de Paris à Strasbourg. — Embranchement sur Reims et Metz — sur Dieppe et Fécamp — de Rouen au Havre — d’Aix sur Marseille et Avignon.

21 juin 1846. — Chemin de fer de Dijon sur Mulhouse avec embranchements.

— Développements du réseau de l’Ouest.

— De Bordeaux à Cette.

3 juillet 1846. — D’Orléans à Vierzon et de Nîmes à Montpellier (loi complémentaire).