HISTOIRE DE LA GRÈCE

DIX-SEPTIÈME VOLUME

CHAPITRE III — GUERRE EUBŒENNE ET GUERRE OLYNTHIENNE.

 

 

Si même à Athènes, à la date de la première Philippique de Démosthène, l’inquiétude inspirée par Philippe était considérable, elle était devenue beaucoup plus sérieuse parmi ses voisins les Olynthiens (351 av. J.-C.). Il les avait gagnés, quatre ans auparavant, en leur cédant le territoire d’Anthémonte, et la ville plus importante encore de Potidæa, prise sur Athènes par ses propres armes. Reconnaissants des cessions dont nous venons de parler, ils étaient devenus ses alliés dans sa guerre contre Athènes qu’ils haïssaient pour mille raisons ; mais un changement considérable s’était opéré depuis. Dès le moment de la perte de Methônê, Athènes, chassée de la côte de la Thrace et de la Macédoine, avait cessé d’être une voisine hostile, et d’inspirer de l’alarme aux Olynthiens ; tandis que l’immense accroissement de la puissance de Philippe, combiné avec son talent et son ambition également manifestes, avait étouffé leur gratitude pour le passé par un sentiment de crainte pour l’avenir. II n’était que trop clair qu’un prince qui étendait ses bras envahisseurs dans toutes les directions, — jusqu’aux Thermopylæ, à l’Illyrie et à la Thrace, — ne permettrait pas longtemps que la péninsule fertile, placée entre le golfe Thermaïque et le golfe Strymonique, restât occupée par des communautés grecques libres. En conséquence, il parait qu’après la grande victoire de Philippe en Thessalia sur les Phokiens (dans la première moitié de 352 av. J.-C.), les Olynthiens manifestèrent leur inquiétude en se séparant de l’alliance formée avec lui contre Athènes. Ils conclurent la paix avec cette cité, et témoignèrent de tels sentiments d’amitié qu’une alliance commença à être jugée possible. Cette paix semble avoir été conclue avant novembre 352 avant J.-C.[1]

C’était un changement important de politique de la part des Olynthiens. Bien que probablement ils le projetassent, non comme une mesure d’hostilité contre Philippe, mais simplement comme une précaution pour s’assurer un secours ailleurs dans le cas où ils seraient exposés à son attaque, il n’était pas probable qu’il établirait ou reconnaîtrait une distinction pareille. Il pensait probablement que par la cession de Potidæa il avait acheté leur coopération contre Athènes, et il dut regarder leur séparation comme mettant au moins fin à toute relation amicale.

Quelques mois plus tard (à la date de la première Philippique)[2], nous voyons que lui, ou ses soldats, avaient attaqué leur territoire, contigu au sien, et y avaient fait des incursions soudaines.

C’est dans cet état d’hostilité partielle, toutefois sans guerre déclarée ni poussée avec vigueur, que les choses semblent être restées pendant toute l’année 351 avant J.-C. Philippe fut occupé pendant cette année à son expédition en Thrace, où il tomba malade, de sorte que les entreprises offensives furent suspendues pour le moment. Cependant les Athéniens semblent avoir proposé à Olynthos un plan d’alliance décidée contre Philippe[3]. Mais les Olynthiens avaient trop à redouter de lui pour devenir eux-mêmes les agresseurs. Ils espéraient probablement encore qu’il pourrait trouver assez d’ennemis et d’occupation ailleurs, chez les Thraces, les Illyriens, les Pæoniens, Arymbas et les Epirotes, et chez les Athéniens[4] ; en tout cas, ils ne voulaient pas être les premiers à provoquer une lutte. Cet état de méfiance réciproque[5] dura pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’enfin Philippe commençât des opérations sérieuses contre eux ; peu de temps après qu’il fut rétabli de sa maladie en Thrace, et vraisemblablement vers le milieu de 350 avant J.-C.[6], un peu avant le commencement de l’Olympiade 107, 3.

Ce fut probablement pendant la durée de ces relations semi-hostiles que deux demi-frères de Philippe, fils de son père Amyntas et d’une autre mère, cherchèrent et obtinrent un asile à Olynthos. Ils vinrent comme ses ennemis ; car il avait mis à mort déjà un de leurs frères, et ils n’échappèrent eux-mêmes au même sort que par la fuite. Avaient-ils commis quelque acte positif pour provoquer sa colère, c’est ce qu’on ne nous apprend pas ; mais ces tragédies n’étaient pas rares dans la famille royale macédonienne. Tant qu’Olynthos fut en termes d’amitié et de reconnaissance avec Philippe, ces exilés ne durent pas y avoir recours ; ruais ils furent actuellement reçus avec faveur, et il se peut qu’ils aient présenté l’espérance qu’en cas de guerre ils pourraient soulever un parti macédonien contre Philippe. Ce prince trouva dans l’accueil fait à ses ennemis fugitifs un prétexte plausible de guerre contre Olynthos, — prétexte qu’il aurait cherché en toutes circonstances, et il semble qu’il fut présenté ainsi dans ses déclarations publiques[7].

Mais Philippe, en faisant ses conquêtes, connaissait bien le moyen de joindre l’influence de la ruse et de la séduction à celle des armes, et de diviser ou de corrompre ceux qu’il avait l’intention de soumettre. Olynthos prêtait de bien des manières à ces insidieuses approches. La puissance de cette cité consistait, en grande partie, dans sa position comme chef d’une confédération nombreuse, comprenant une partie considérable des cités grecques, bien que non pas toutes probablement, de la péninsule de la Chalkidikê. Parmi les différents membres de cette confédération, il y avait plus ou moins d’intérêts ou de sentiments opposés, que des circonstances accidentelles pouvaient enflammer, de manière à amener un désir de séparation. En outre, dans chaque cité, et dans Olynthos elle-même, il y avait des citoyens ambitieux se disputant le pouvoir, et peu scrupuleux quant aux moyens à l’aide desquels on devait l’acquérir ou le conserver. Dans chacune d’elles, Philippe pouvait nouer des intrigues et enrôler des partisans ; dans quelques-unes, il dut probablement recevoir des invitations à le faire ; car la grandeur de ses exploits, si elle inspirai de l’alarme dans quelques endroits, faisait concevoir des espérances à des minorités désappointées et jalouses. Si, grâce à ces circonstances prédisposantes, il acquit ou trouva des partisans et des traîtres dans les cités éloignées du Péloponnèse, à plus forte raison cela était-il praticable pour lui dans la péninsule voisine de la Chalkidikê. Olynthos et les autres cités étaient presque toutes contiguës au territoire macédonien, quelques-unes probablement avec des frontières peu clairement établies. Perdikkas II avait donné aux Olynthiens (au commencement de la guerre du Péloponnèse)[8] une portion de son territoire près du lac Bolbê. Philippe lui-même leur avait donné le district d’Anthémonte. Possesseur de tant de terres environnantes, il avait le troyen, en perdant peu lui-même, de favoriser où d’enrichir considérablement tels citoyens individuels, d’Olynthos ou d’autres cités, disposés à favoriser ses desseins. Outre des dons directs dans les endroits où ce mode de procéder était le plus efficace, il pouvait accorder le droit de pâture gratuite aux troupeaux de grand et de petit bétail de l’un, et fournir d’abondantes quantités de bois de construction à un autre. Maître comme il l’était actuellement d’Amphipolis et de Philippi, il pouvait à son gré leur ouvrir on leur fermer les spéculations dans les mines d’or du mont Pangæos, dont elles avaient toujours eu grande envie[9], Si ses corsaires harcelaient même la puissante Athènes et les îles sous sa protection, à plus forte raison devaient-ils être importuns à ses voisins dans la péninsule Chalkidique, qu’ils entouraient pour ainsi dire, à partir du golfe Thermaïque d’un côté jusqu’au golfe Strymonique de l’autre. En dernier lieu, nous ne pouvons douter que quelques individus de ces villes n’aient trouvé avantageux de prendre un service, civil ou militaire, sous Philippe, ce qui dut lui fournir des correspondants et des partisans parmi leurs amis et leurs parents.

Il sera ainsi facile de voir que, par rapport à Olynthos et à ses cités confédérées, Philippe avait à sa disposition des moyens de faveur et de vexation privées à un degré tel qu’ils lui assuraient la coopération d’une minorité vénale et traîtresse dans chacune ; cette minorité confondant naturellement ses actes, et cachant ses desseins, dans les luttes politiques permanentes de la ville. Toutefois ces moyens précédaient seulement l’emploi direct de l’épée. Ses séductions et ses présents commencèrent l’œuvre,

mais son talent supérieur comme général et ses excellents soldats, — la phalange, les hypaspistæ et la cavalerie, tous amenés par l’éducation militaire à un état admirable pendant les dix années de son règne, — l’achevèrent.

Bien que Démosthène, dans un passage, aille jusqu’à dire que Philippe estimait si haut son influence établie qu’il s’attendait à incorporer la confédération chalkidique dans son empire sans difficultés sérieuses et même sans guerre réelle[10], — il y a lieu de croire qu’il rencontra une résistance énergique que punirent des rigueurs illimitées après la victoire. Les deux années et demie entre le solstice d’été de 350 avant J.-C., et le commencement de 347 avant J.-C. — les deux dernières années de la cent septième Olympiade et les neuf premiers mois de la cent huitième — furent fécondes en phénomènes plus terrifiants que tout ce que renferment les récentes annales de la Grèce. Il n’y eut pas moins de trente-deux cités grecques libres de la Chalkidikê qui furent prises et détruites par Philippe, les habitants étant réduits à l’esclavage. De ce nombre furent Olynthos, l’un des membres les plus puissants, les plus florissants et les plus énergiques de la confrérie hellénique ; Apollonia, dont les habitants durent alors se repentir du maladroit entêtement de leurs pères (trente-deux années auparavant) à repousser une confédération généreuse et sur un pied d’égalité avec Olynthos, et à invoquer le secours de Sparte pour faire revivre la puissance déclinante du père de Philippe, Amyntas ; et Stageira, lieu de naissance d’Aristote. La destruction de trente-deux communautés helléniques libres, accomplie en deux ans par un prince étranger, fut un malheur dont le e pareil ne s’était jamais présenté depuis la répression de la révolte ionienne et l’invasion de Xerxès. J’ai déjà raconté ailleurs[11] la manifestation de colère à la fête de la quatre-vingt-dix-neuvième Olympiade (384 av. J.-C.) contre les envoyés de Denys l’Ancien, de Syracuse, qui avait pris et renversé cinq où six communautés helléniques libres en Italie et en Sicile. Bien plus véhément dut être le sentiment d’effroi et de terreur, après la guerre Olynthienne, contre le destructeur, macédonien de trente-deux cités chalkidiques. Nous trouverons ce fait clairement indiqué dans les phénomènes qui suivirent immédiatement. Nous verrons Athènes terrifiée au point de faire une paix à la fois déshonorante et imprudente, à laquelle Démosthène lui-même n’ose pas s’opposer ; nous verrons,Eschine, de citoyen athénien au franc parler qu’il était, devenir un servile adorateur, sinon un agent payé, de Philippe ; nous remarquerons Isocrate, jadis champion de la liberté et de l’intégrité panhelléniques, proclamer avec ostentation Philippe comme le maître et l’arbitre de la Grèce, tout en le persuadant en même temps de faire un bon usage de son pouvoir dans le dessein de conquérir la Perse. Ce furent des temps terribles, convenablement expliqués dans leurs cruels détails par les troupes de Grecs chalkidiques des deux sexes réduits à l’esclavage, que l’on -vit passer même dans le Péloponnèse[12], comme propriété de nouveaux concessionnaires qui vantaient la munificence du donateur Philippe, et convenablement annoncés par d’effrayants signes célestes, des pluies de feu et de sang tombant des cieux sur la terre en témoignage de la colère des dieux[13].

Toutefois, si nous établissons avec une clarté passable le résultat général de la guerre faite par Philippe à Olynthos, et la terreur dont elle frappa l’esprit grec, nous nous trouvons non seulement sales information quant à ses détails, mais nous sommes même embarrassé par sa chronologie. J’ai déjà fait remarquer que, bien que les Olynthiens eussent conçu des soupçons au sujet de Philippe, même avant le commencement de 351 avant J.-C., qui les engagèrent à faire la paix avec leur ennemie, Athènes, — ils avaient néanmoins décliné les ouvertures qu’Athènes leur avait faites pour une alliance plus étroite, ne désirant pas s’attirer l’hostilité décidée d’un voisin aussi puissant, jusqu’à ce que ses agressions fussent poussées au point de ne pas leur laisser le chou. Nous n’avons pas d’information précise quant aux mouvements de Philippe après ses opérations en Thrace et sa maladie en 351 avant J.-C. Mais nous savons qu’il n’était pas dans sa nature de rester inactif ; qu’il poussait incessamment ses conquêtes, et qu’aucune conquête ne pouvait être plus importante pour lui que celle d’Olynthos et de la péninsule Chalkidique. En conséquence, nous ne sommes pas surpris de voir que la confédération olynthienne et la chalkidienne devinrent l’objet de son hostilité directe en 350 avant J.-C. Il souleva des prétextes dit taque contre l’une ou contre l’autre de ces cités séparément, évitant d’avoir affaire à la confédération comme ensemble, et désavouant, par des envoyés spéciaux[14], tout dessein préjudiciable à Olynthos.

Probablement le parti favorable à Philippe dans cette cité peut avoir insisté sur ce désaveu comme satisfaisant, et avoir donné autant de fausses assurances au sujet des desseins de Philippe, que l’orateur Æschine, comme nous le verrons, en avança bientôt à Athènes. Mais la masse générale des citoyens ne se laissa pas abuser ainsi. Sentant que le moment était venu où il était prudent d’en finir avec les précédentes ouvertures athéniennes, ils envoyèrent à Athènes des députés proposer une alliance et demander une coopération contre Philippe. Leurs premières propositions ne furent pas sans doute exprimées dans le langage de la détresse et de l’urgence. Ils n’étaient pas encore réellement en danger ; leur puissance était grande en réalité, et appréciée au dehors à toute sa valeur ; de plus, en prudents diplomates, ils durent naturellement exagérer leur dignité et la grandeur de ce qu’ils offraient. Ils durent donc demander qu’un secours athénien fût envoyé à la péninsule Chalkidique, — puisqu’elle était le théâtre de la guerre ; mais ils durent demander ce secours afin d’agir énergiquement contre l’ennemi commun et d’arrêter le développement de sa puissance, — et non pas pour détourner un danger immédiat menaçant Olynthos.

Une discussion ne fut pas nécessaire pour engager les Athéniens à accepter cette alliance. C’était ce qu’ils avaient cherché longtemps, et ils acceptèrent volontiers la proposition. Naturellement ils promirent aussi, — ce qui à dire vrai était presque compris dans l’acceptation, — d’envoyer une armée en Chalkidikê pour opérer contre Philippe. Lors de cette première reconnaissance d’Olynthos comme alliée, ou peut-être peu après, mais avant que les circonstances fussent entièrement changées, — Démosthène débita sa première harangue Olynthienne. Des trois mémorables compositions ainsi nommées, la première est, à mon sens, celle qui se trouve la seconde dans l’ordre imprimé. Leur véritable ordre chronologique a longtemps été, et est encore, matière à controverse ; la meilleure conclusion que je puisse former, c’est que la première et la seconde sont mal placées, mais que la troisième est réellement la dernière[15] ; toutes étant prononcées pendant les six ou sept derniers mois de 356 avant J.-C.

Dans cette première harangue (celle qui est imprimée comme la seconde Olynthienne), Démosthène insiste sur l’avantageuse éventualité qui vient de se présenter pour Athènes, grâce à la faveur des dieux, dans l’offre spontanée d’un allié si précieux. Il recommande d’envoyer du secours à ce nouvel allié ; le secours le plus prompt et le plus efficace sera celui qui lui plaira le plus. Mais cette recommandation est contenue dans une seule phrase, au milieu du discours ; l’orateur ne la répète pas, il n’insiste pas sur elle expressément, et il ne l’étend pas en spécifiant la quantité ou la qualité du secours à envoyer. Il ne fait d’allusion ni aux nécessités ni au danger d’Olynthos, non plus qu’à la chance que Philippe pourrait conquérir la ville, encore moins à des éventualités ultérieures, qui feraient que Philippe, s’il s’en rendait maître, pourrait transporter le théâtre de la guerre de ses propres côtes à. celles de l’Attique. Au contraire, Démosthène fait remarquer la puissance des Olynthiens, — la situation de leur territoire, tout près des flancs de Philippe, — leur résolution arrêtée de ne vouloir jamais entrer de nouveau en amitié ni faire de compromis avec lui, comme preuves de l’importance que leur alliance aura pour Athènes, en la mettant à même de poursuivre avec plus de succès la guerre contre Philippe, et dé réparer les pertes honteuses qui ont résulté pour elle de sas négligence antérieure. Le but principal de l’orateur est d’exciter ses compatriotes à faire des efforts plus sincères et plus énergiques pour continuer cette guerre générale, tandis, que fournir des secours aux Olynthiens n’est qu’un but secondaire et une partie d’un plan plus considérable. Je ne m’étendrai pas (dit l’orateur) sur la formidable puissance de Philippe comme sur un argument, propre à vous pousser à accomplir votre devoir public. Ce serait trop à son honneur et en même temps trop à votre honte. À la vérité, je l’aurais jugé moi-même véritablement formidable, s’il était parvenu à son élévation actuelle par des moyens conformes à la justice. Mais il s’est agrandi en partie, à cause de votre négligence et de votre imprévoyance, en partie par des moyens perfides,en prenant à sa solde des partisans gagnés à Athènes, et en trompant successivement les Olynthiens, les Thessaliens, et tous ses autres alliés. Ces alliés, qui ont actuellement découvert sa perfidie, sont en train de l’abandonner ; sans eux, sa puissance tombera en poussière. De plus, les Macédoniens eux-mêmes n’ont aucune sympathie pour son ambition personnelle ; ils sont fatigués du travail que leur imposent ses mouvements militaires sans fin, et appauvris par la fermeture de leurs ports, résultat de la guerre. Ses officiers si vantés sont des hommes d’habitudes indignes et dissolues ; ses compagnons personnels sont des voleurs, vils agents de plaisir, rebut de nos cités. Sa bonne fortune passée donne à toute cette faiblesse réelle un air trompeur de force ; et sans doute sa bonne fortune a été très grande. Mais la fortune d’Athènes, et son titre à l’aide bienveillante des dieux sont encore plus grands,si seulement vous voulez faire votre devoir, Athéniens. Cependant vous êtes ici, encore assis, à ne rien faire. Le paresseux ne peut pas même ordonner à ses amis de travailler pour lui,encore bien moins le peut-il aux dieux. Je ne m’étonne pas que Philippe, toujours en campagne, toujours en mouvement, faisant tout par lui-même, ne laissant jamais échapper une occasion, l’emporte sur vous qui ne faites que parler, demander et voter sans agir. Bien plus,le contraire serait étonnant,si dans de telles circonstances il n’avait pas été le vainqueur. Mais ce qui m’étonne, c’est que vous, Athéniens,qui jadis luttiez contre les Lacédæmoniens pour la liberté panhellénique,qui, dédaignant un injuste agrandissement pour vous-mêmes, combattiez en personne et prodiguiez votre bien pour protéger les droits des autres Grecs,vous reculiez aujourd’hui devant un service personnel et un payement d’argent pour la défense de vos propres possessions. Vous, qui avez si souvent sauvé les autres, vous pouvez actuellement rester assis tranquilles après avoir tant perdu de ce qui vous appartenait ! Je n’étonne que vous ne jetiez pas un regard sur votre conduite passée qui a amené vos affaires à cet état de ruine, et que vous ne vous demandiez pas comment elles’ pourront jamais se rétablir, tant qu’une pareille conduite restera la même. I1 était beaucoup plus facile de conserver d’abord ce que vous aviez jadis, que de recouvrer ce qui est actuellement perdu ; aujourd’hui nous n’avons plus rien à perdre, nous avons tout à recouvrer. Et cela, vous devez le faire vous-mêmes, et immédiatement ; nous devons fournir de l’argent, nous devons servir en personne tour à tour ; nous devons donner à nos généraux les moyens de bien remplir leur tâche, et alors leur demander plus tard un compte sévère,ce que nous ne pouvons faire, tant que nous ne voulons nous-mêmes ni payer ni servir. Nous devons corriger cet abus qui a grandi, par lequel certaines symmories dans l’Etat s’arrangent pour s’exempter de devoirs onéreux, et pour les rejeter tous injustement sur les autres. Nous devons non seulement nous mettre en avant avec cœur et énergie, et de nos personnes et l’argent à la main, mais encore chaque homme doit s’attacher fidèlement à la part qui lui revient de l’obligation patriotique.

Tels sont les principaux points du premier discours prononcé par Démosthène sur la question d’Olynthos. Dans l’esprit des lecteurs modernes, comme dans celui du rhéteur Denys[16], il y a une tendance involontaire à s’imaginer que ces mémorables plaidoyers ont dû produire la persuasion, et à grossir l’importance de leur auteur comble personnage historique et influent. Mais il n’existe pas de faits à l’appui d’une pareille impression. Démosthène était encore comparativement un jeune homme,-il avait trente et un ans ; admiré il est vrai pour ses discours et ses compositions écrites que d’autres devaient prononcer[17], mais ne jouissant pas jusque-là de beaucoup d’influence pratique. Il est en outre certain, — à son honneur, — qu’il découvrit et mesura ; les dangers étrangers avant qu’ils fussent reconnus par les politiques ordinaires ; qu’il conseilla une marche énergique et salutaire, il est vrai, mais pénible pour le peuple à suivre, et désagréable pour les chefs reconnus à proposer ; que ces chefs, tels qu’Euboulos et autres, lui furent par conséquent contraires. Le ton de Démosthène dans ces discours est celui d’un homme qui sent qu’il a affaire à forte partie, en combattant une répugnance habituelle et profondément implantée. C’est un orateur d’opposition, qui fait de vives remontrances et contribue à faire naître graduellement un corps de conviction et de sentiment publics qui puissent finir par se traduire en actes. Son rival Euboulos est l’organe ministériel, que suivit la majorité, les riches comme les pauvres ; homme qui n’était nullement corrompu (autant que nous le savons), mais qui suivait simplement une routine conservatrice, esquivant toutes les nécessités pénibles et les précautions extraordinaires, se conciliant les riches en résistant à une taxe foncière, et la masse générale des citoyens en refusant de s’occuper de la dépense théôrique.

Les Athéniens ne suivirent pas le conseil de Démosthène, Ils acceptèrent l’alliance olynthienne, mais ne prirent aucune mesure active pour coopérer avec Olynthos dans la guerre contre Philippe[18]. Malheureusement telle était leur habitude. Celle de Philippe était le contraire. Nous n’avons pas de témoin pour nous convaincre qu’il ne dut pas se ralentir dans son attaque, et que dans le cours d’un mois ou de deux il dut s’emparer de plus d’une des cités chalkidiques, peut-être en défaisant aussi les forces olynthiennes. Les Olynthiens durent découvrir qu’ils n’avaient rien gagné à avoir de nouveaux alliés, tandis que le parti favorable à Philippe parmi eux dut prendre avantage de la négligence d’Athènes pour déprécier ses promesses comme sans valeur ou sans sincérité, et pour insister sur un accommodement avec l’ennemi[19]. Des plaintes durent bientôt arriver à Athènes, apportées par de nouveaux envoyés des Olynthiens, et probablement aussi les Chalkidiens ; qui étaient ceux qui souffraient le plus des armes de Philippe. Ils durent naturellement justifier cette nouvelle demande en s’étendant sur la marche victorieuse de ce prince ; ils durent actuellement demander du secours avec plus d’insistance, et purent même jeter un regard sur la possibilité d’une conquête de la Chalkidikê par Philippe. Les affaires étaient arrivées à cette phase avancée, quand Démosthène fit de nouveaux efforts dans la cause, en prononçant le discours qui est le premier suivant l’ordre imprimé des Olynthiennes.

Ici nous avons non pas une Philippique, mais une véritable Olynthienne. Olynthos n’est plus une partie et une fraction d’un sujet plus considérable, sur l’ensemble duquel Démosthène à l’intention de discourir, ratais elle ressort comme le trait saillant et l’objet spécial de son plaidoyer. Elle est déclarée actuellement en danger et dans un besoin pressant de secours ; de plus, sa conservation est présentée avec force aux Athéniens, comme essentielle à leur propre sûreté. Tant qu’elle existe avec sa confédération autour d’elle, les Athéniens peuvent combattre Philippe sur ses propres côtes ; si elle tombe, il n’y a rien pour l’empêcher de transporter la guerre en Attique, et de les attaquer sur leur propre sol[20]. Démosthène est monté au plus haut point de force, en se plaignant de la tiédeur de ses compatriotes au moment d’une crise qui exige impérieusement une action instantanée[21]. Il demande de nouveau qu’on vote sans retard un secours pour Olynthos, et qu’on expédie deux armements aussi vite que possible ; l’un pour conserver à Olynthos ses cités confédérées, l’autre pour opérer une diversion par une attaque simultanée dirigée sur Philippe dans son pays. Sans ce double secours (dit-il) les cités ne peuvent être conservées[22]. Il avait déjà donné dans sa précédente harangue l’avis de secourir en général, bien qu’avec moins de force ; mais actuellement il surajoute une nouvelle suggestion, — c’est qu’on y dépêche des députés athéniens destinés non seulement à annoncer l’arrivée de l’armée, mais encore à rester à Olynthos et à veiller sur la marche des événements ; car il craint que, si l’on n’envoie pas cet encouragement immédiat, Philippe, même sans le procédé ennuyeux d’un siège, n’effraye ou ne cajole la confédération olynthienne et ne l’amène à se soumettre ; en partie en lui rappelant qu’Athènes n’a rien fait pour elle, et en la dénonçant comme une alliée perfide et indigne[23]. Philippe serait content de l’entraîner par ruse dans quelque capitulation plausible, et bien qu’elle sache qu’elle ne peut avoir aucune garantie de sa fidélité à en observer les termes dans la suite, il pourrait cependant réussir, si Athènes restait inactive. C’était actuellement, plus que jamais, le moment pour les Athéniens de se mettre en avant et de faire leur devoir sans y manquer ; de servir en personne et de se soumettre au montant nécessaire d’une taxation directe. Ils n’avaient plus le plus petit prétexte pour prolonger leur inaction ; la conjoncture même qu’ils avaient si longtemps désirée s’était présentée d’elle-même, — une guerre entre Olynthos et Philippe, et cela encore sur des motifs particuliers à Olynthos, et non à l’instigation d’Athènes[24]. L’alliance olynthienne avait été jetée sur le chemin de cette cité par la bonté spéciale des dieux, pour qu’elle pût réparer ses nombreuses erreurs et fautes passées. Elle devait bien guetter ces dernières occasions qui restaient et en faire un bon usage, afin d’effacer la honte du passé ; mais si maintenant elle laissait échapper Olynthos, et, qu’elle permit à Philippe de la conquérir, il n’y avait plus rien pour l’empêcher de s’avancer partout où il voudrait. Son ambition était si insatiable, son activité si incessante, que, en admettant qu’Athènes persistât dans sa négligente inaction, il porterait la guerre de Thrace en Attique, — démarche dont les ruineuses conséquences n’étaient que trop claires[25].

Je soutiens (continue l’orateur) que vous devez prêter aide dans la crise actuelle de deux manières : en conservant aux. Olynthiens leurs cités confédérées, au moyen d’un corps de troupes envoyé dans ce dessein exprès,et en employant à la fois d’autres troupes et d’autres trirèmes à agir d’une manière offensive contre le propre littoral de Philippe. Si vous négligez l’une ou l’autre de ces mesures, je crains que l’expédition n’échoue. Quant à la contribution pécuniaire, vous avez déjà plus d’argent que toute autre cité, propre aux desseins de la guerre ; si avec cet argent vous payez des soldats en service, il n’y a pas besoin d’autre contribution,sinon, alors le besoin existe ; mais avant tout, il faut trouver de l’argent. Quoi donc ? me demandera-t-on. Proposes-tu que le fonds théôrique soit consacré à des desseins de guerre ? Moi, nullement, par Zeus ! Je me borne à exprimer ma conviction qu’il faut équiper des soldats, et faire marcher de pair la perception des deniers de l’État et l’accomplissement du service public ; mais votre habitude est de prendre pour les fêtes l’argent de l’État, sans remplir aucune condition pareille. En conséquence, il ne reste qu’une chose à faire : c’est que tous contribuent directement ; beaucoup s’il faut beaucoup, peu si peu suffit. Pour ce qui est de l’argent, il en faut ; sans cela on ne peut prendre aucune mesure essentielle. Il y a de plus différentes voies et diverses manières suggérées par d’autres. Choisissez celle que vous jugerez avantageuse ; et rendez-vous avec vigueur maîtres des événements tandis que l’occasion dure encore[26].

Ce fut ainsi que Démosthène parla à ses compatriotes peu de temps après que les Olynthiens avaient été reçus comme alliés, niais avant, qu%lacune armée auxiliaire leur eût été envoyée ou même eût été positivement décrétée, — toutefois alors que cet ajournement d’action leur avait inspiré de la méfiance, en les menaçant de les jeter, même sans résistance, dans les bras de Philippe et du parti qui chez eux favorisait ce prince. Nous remarquons dans Démosthène la même appréciation sagace, tant du présent que de l’avenir, que nous avons déjà observée dans la première Philippique, — la prévision des terribles conséquences de cette guerre Olynthienne, tandis qu’elles sont éloignées pour les autres qui ne les remarquent pas. Nous découvrons le même bon sens et le même courage à invoquer les bons remèdes, bien que ses propositions d’un service militaire personnel, d’une taxation directe, ou d’une application du fonds théôrique à un autre objet, fussent toutes les plus impopulaires qu’on pût faire. Dans le fait, la dernière des trois, il ne la fait pas entrer dans une motion spéciale, et il ne pouvait le faire sans une illégalité positive, ce qui l’aurait ex-posé à l’accusation appelée Graphê Paranomôn. Mais il l’aborde d’assez près pour soulever dans l’esprit public la question telle qu’elle était réellement, — à savoir qu’il fallait avoir de l’argent ; qu’il n’existait que deux manières d’en avoir, — une taxation directe et une appropriation du fonds destiné aux fêtes, et qu’on devait avoir recours à celle-ci aussi bien qu’à celle-là. Nous verrons cette question concernant le fonds théôrique revenir plus d’une fois, et nous aurons bientôt à la mentionner plus au long.

Quelque temps après cette nouvelle harangue de Démosthène, — quel fut l’intervalle, ou jusqu’à quel point cette mesure en fut-elle la conséquence, c’est ce que nous ne pouvons dire,-les Athéniens commissionnèrent et envoyèrent un corps de mercenaires étrangers au secours des Olynthiens et des Chalkidiens. L’équipement ; et le transport de ces troupes furent en partie défrayés par des souscriptions volontaires de riches citoyens athéniens. Mais on n’expédia aucun soldat-citoyen d’Athènes ; et on n’assigna pas non plus d’argent comme solde de ces mercenaires ; l’expédition parait avoir été envoyée vers l’automne de 350 avant J.-C., autant que nous pouvons prétendre à affirmer quelque chose relativement à l’obscure chronologie, de cette période[27]. Elle gagna bientôt quelque victoire sur Philippe ou sur les généraux de ce prince, et put transmettre à Athènes une bonne nouvelle, qui y excita de grands transports de joie, et amena le peuple à s’imaginer qu’il était en bonne voie pour se venger des torts passés de Philippe. Selon quelques orateurs, non seulement les Olynthiens étaient à l’abri de tout danger, mais Philippe était en bon chemin pour être puni et humilié. Dans le fait, il est possible que le succès ait été réellement quelque chose de considérable, qui a pu arrêter les progrès de Philippe pour le moment. Bien que victorieux en général, il a dû éprouver des revers partiels et momentanés ; autrement il aurait terminé la guerre avant le commencement du printemps de 347 avant J.-C. Ce succès coïncida-t-il avec celui du général athénien Charês sur Adæos, général de Philippe[28], c’est ce que nous ne pouvons pas dire.

Mais Démosthène eut assez de sagacité pour apercevoir et assez de franchise pour déclarer que ce succès ne décidait ; nullement la guerre en général ; qu’il était pire que rien, s’il amenait les Athéniens à s’imaginer qu’ils en étaient venus à leurs fins.

Corriger l’imagination trompeuse, qu’on a assez fait, combattre cette maladie chronique dans laquelle les Athéniens trouvaient si facilement un encouragement et des excuses pour leur inaction, ranimer en eux la conviction qu’ils avaient contracté une dette, non encore payée, à l’égard de leurs alliés Olynthiens et de leur sécurité définitive, — tel est le but de Démosthène dans sa troisième harangue Olynthienne ; troisième dans l’ordre imprimé, et troisième aussi selon moi, dans l’ordre de temps, prononcée vers la fin de l’année 350 avant J.-C.[29] Comme Periklês, il n’était pas moins attentif a rabattre les illusions extravagantes et intempestives de triomphe dans ses compatriotes, qu’à relever leurs esprits dans les moments d’alarme et de découragement exagérés[30].

Tout ce que j’entends dire au sujet d’une punition à infliger à Philippe (dit Démosthène en substance) repose sur une base fausse. Les faits réels du cas nous donnent une leçon très différente[31]. Ils nous ordonnent de bien veiller à notre propre sécurité, afin que nous ne soyons pas nous-mêmes les victimes, et que nous sauvions nos alliés. Il y eut en effet un temps, — et encore peu éloigné autant que je m’en souvienne, — où nous aurions pu conserver ce que nous avions et en outre punir Philippe, mais actuellement notre premier soin doit être de sauver nos propres alliés. Quand nous aurons assuré ce résultat, il sera temps de songer à punir les autres. La conjoncture présente demande une délibération sérieuse. Ne commettez pas la même erreur que vous avez commise il y a trois ans. Quand Philippe assiégeait Heræon en Thrace, vous rendîtes un décret énergique à l’effet d’envoyer une expédition contre lui ; bientôt vinrent des rapports annonçant qu’il était malade et qu’il était mort : cette bonne nouvelle vous fit croire que l’expédition n’était pas nécessaire, et vous la laissâtes tomber. Si vous aviez exécuté promptement ce que vous aviez résolu, Philippe aurait été abattu alors, et ne vous aurait plus causé d’embarras[32].

Toutes ces choses, il est vrai, sont passées et ne peuvent se réparer. Mais je vous les signale maintenant, parce que la crise actuelle de la guerre est très semblable, et que j’espère que vous ne commettrez pas de nouveau la même faute. Si vous n’envoyez pas des secours à Olynthos en employant toutes vos forces et tous vos moyens, vous jouerez le jeu de Philippe pour lui aujourd’hui, exactement comme vous l’avez joué alors. Vous avez longtemps désiré que les Olynthiens fussent en guerre avec Philippe et vous y avez travaillé. Cela est arrivé maintenant : que vous reste-t-il à faire, si ce n’est de les aider sincèrement et avec vigueur ? Vous vous couvrirez de honte si vous ne le faites pas. Mais ce n’est pas tout. Votre propre sécurité à l’intérieur l’exige de vous également ; car si Philippe conquiert Olynthos, il n’y aura rien qui l’empêchera d’envahir l’Attique. Les fonds des Phôkiens sont épuisés,et les Thêbains sont vos ennemis.

Tout cela est superflu, me direz-vous. Nous avons déjà résolu unanimement de secourir Olynthos, et nous la secourrons. Nous te demandons seulement de nous dire comment. Ma réponse vous surprendra peut-être. Nommez immédiatement des nomothetæ[33]. Ne leur soumettez pas de propositions pour de nouvelles lois, car vous avez déjà assez de lois, — mais seulement rappelez celles des lois actuelles qui sont préjudiciables à la conjoncture présente ;je veux dire celles qui concernent le fonds théôriqueje dis franchement ma pensée, et quelques-unes qui se rapportent aux citoyens en service militaire. En vertu des premières, l’argent qui devrait aller aux soldats en service, vous le donnez par la distribution théôrique à ceux qui ; restent au logis. En vertu des secondes, vous laissez sans les punir ceux qui esquivent le service, et vous découragez ceux qui désirent faire leur devoir. Quand vous aurez abrogé ces lois funestes, et fait qu’on pourra sans danger proclamer des vérités salutaires, alors comptez que quelqu’un se présentera avec une motion formelle telle que vous savez que l’exigent les circonstances. Niais jusqu’à ce que vous l’ayez fait, ne vous attendez pas à ce qu’aucun citoyen fasse des propositions indispensables en votre faveur, avec la certitude que vous avez le pouvoir de le ruiner. Non, vous n’en trouverez pas ; d’autant plus qu’il s’exposerait à une punition injuste pour lui-même sans aucun avantage pour la cité, tandis que sa punition rendrait la pensée de parler sur ce sujet dans l’avenir encore plus formidable qu’elle ne l’est même maintenant. De plus, les mêmes hommes qui ont proposé ces lois devraient aussi prendre sur eux d’en proposer l’abrogation ; car il n’est pas juste que ces hommes continuent à jouir d’une popularité qui cause du .mal à toute la cité, tandis que l’impopularité d’une réforme avantageuse à nous tous s’attache à celui qui vous donne les meilleurs conseils. Mais tant que vous maintiendrez cette prohibition, vous ne pourrez ni tolérer que l’un de vous soit assez puissant pour violer une loi impunément,ni vous attendre à ce que quelqu’un soit assez insensé pour se jeter tête baissée, dans, un mal évident.

Je regrette que l’espace me force à me borner à ce bref et maigre résumé de l’une des plus magnifiques harangues qui aient jamais été prononcées, — la troisième Olynthienne de Démosthène. L’avantage partiel remporté sur Philippe étant prodigieusement exagéré, les Athéniens semblaient croire qu’ils avaient fait assez, et ils revenaient sur leur résolution d’assister Olynthos énergiquement. Comme dans tant d’autres occasions, de même dans celle-là, — Démosthène entreprit de combattre un sentiment dominant qu’il croyait sans fondement et hors de saison. Avec quel courage, quelle sagesse et quelle adresse, — si supérieurs aux sarcasmes insultants de Phokiôn, — n’exécute-t-il pas ce devoir qu’Il s’est imposé, tout en en connaissant l’impopularité !

Un mouvement quelconque fut-il fait par les Athéniens, par suite de la troisième Olynthienne de Démosthène, c’est ce que nous ne pouvons déterminer. Nous n’avons pas de raison pour croire l’affirmative, tandis que nous sommes certain que la mesure spéciale qu’il recommandait, — l’envoi d’un armement composé de citoyens servant,personnellement, — ne fut pas suivie, d’effet à ce moment (av. la fin de 350 av. J.-C.). Au commencement de 349 avant J.-C. ou avant, les relations étrangères d’Athènes commencèrent à être troublées par un autre embarras qui survint, — la révolte de l’Eubœa.

Après l’heureuse expédition de 358 avant J.-C., par laquelle les Athéniens avaient chassé les Thêbains de l’Eubœa, cette île resta pendant quelques années avec Athènes dans des relations que rien ne troubla. Chalkis, Eretria et Oreus, ses trois cités principales, envoyaient chacune un membre à l’assemblée des alliés tenant session à Athènes, et payaient leur quote-part annuelle (vraisemblablement cinq talents chacune) au fonds confédéré[34]. Pendant le troisième quart de 352 avant J.-C., Menestratos le despote, ou le principal citoyen d’Eretria, est cité comme un ami d’Athènes particulièrement dévoué à cette cité[35]. Mais cet état de choses- changea peu après que Philippe eut conquis la Thessalia et se fut rendu maître du golfe Pagasæen (en 353 et dans la première moitié de 352 av. J.-C.). Sa puissance fut établie alors immédiatement en face d’Oreus et de la côte septentrionale de l’Eubœa, île avec laquelle ses moyens de communication devinrent faciles et fréquents. Avant la date de la première Philippique de Démosthène (vraisemblablement vers l’été de 351 av. J.-C.). Philippe avait entamé des correspondances en Eubœa, et y avait expédié diverses lettres dont l’orateur lit quelques-unes à l’assemblée athénienne dans le cours de cette harangue. Les termes réels des lettres ne sont pas donnés ; mais, d’après la critique de l’orateur lui-même, nous reconnaissons qu’elles étaient extrêmement blessantes pour les sentiments athéniens, en excitant les Eubœens probablement à se séparer d’Athènes et en offrant l’appui macédonien dans ce dessein[36]. La guerre que Philippe fit sur mer amena aussi ses croiseurs jusqu’à Geræstos en Eubœa, où ils prirent plusieurs bâtiments de blé athéniens[37], et insultèrent même la côte opposée de l’Attique à Marathôn, au point de diminuer la réputation d’Athènes parmi ses alliés. En conséquence, dans chacune des cités Eubœennes, il se forma bientôt des partis tendant à acquérir la domination au moyen de l’appui de Philippe, tandis qu’ils purent aussi se procurer des détachements de mercenaires par le détroit occidental eubœen, pris dans le nombre considérable de ceux qui servaient alors en Phokis.

Vers le commencement de 349 avant J.-C., — pendant que la guerre de Philippe contre les Olynthiens et les Chalkidiens, — guerre dont les détails nous sont inconnus, — durait encore, plus ou moins soutenue par les mercenaires envoyés d’Athènes, — des hostilités, probablement suscitées par les intrigues de Philippe, éclatèrent à Eretria en Eubœa. Un Erétrien nommée Plutarque (nous ne savons pas ce qu’était devenu Menestratos), avec un certain nombre de soldats à sa disposition, mais qui avait pour adversaires des ennemis encore plus puissants, prétendit représenter les intérêts athéniens dans sa cité, et envoya demander du secours à Athènes. Démosthène, soupçonnant cet homme d’être un traître, dissuada ses concitoyens d’accéder à la demande[38]. Mais Plutarque avait des amis influents à Athènes, vraisemblablement dans le parti d’Euboulos, dont l’un, Meidias, violent ennemi personnel de Démosthène, tout en appuyant la demande de secours, essaya même d’accuser Démosthène d’avoir personnellement fomenté ces troubles en Eubœa contre Plutarque, le prétendu ami d’Athènes[39]. L’assemblée athénienne se décida à expédier une armée sous Phokiôn, qui, en conséquence, passa dans l’île avec un corps d’hoplites, un peu avant le temps de la fête Anthesteria (février)[40]. Les dépenses de l’équipement des trirèmes pour ce transport furent en partie défrayées par des contributions volontaires de riches Athéniens, dont plusieurs, Nikêratos, Euktêmon, Euthydêmos, fournirent chacun l’équipement d’un navire[41]. On envoya aussi une certaine partie des cavaliers de la cité ; cependant l’armée entière n’était pas très considérable, vu qu’on supposait que les partisans qu’on devait y trouver suppléeraient à son insuffisance.

Toutefois cette espérance fut trompée. Après une réception amicale en apparence et un certain séjour à Eretria, ou près de cette ville, Phokiôn se vit trahi. Kallias ; chef ambitieux de Chalkis, réunit autant de forces eubœennes qu’il put, se déclara ouvertement contre Athènes et demanda du secours aux Macédoniens (probablement aux commandants de Philippe dans le golfe Pagasæen voisin) ; tandis que son frère Taurosthenês soudoya un détachement de mercenaires tirés de Phokis[42]. Les forcés anti-athéniennes devinrent ainsi trop formidables pour que Phokiôn pût bien leur tenir tête, tandis que l’appui qu’il trouva dans l’île fut moindre qu’il ne s’y était attendu. Franchissant l’éminence appelée Kotylæon, il prit position près de la ville et de l’hippodrome de Tamynæ, sur un terrain élevé, bordé par un ravin, Plutarque se disant encore son ami, et partageant son camp, lui et ses mercenaires. Phokiôn avait une forte position ; cependant le nombre supérieur des ennemis qui assiégeaient les Athéniens leur causa une grande alarme[43]. Grand nombre de soldats traînards et insouciants désertèrent, perte que Phokiôn affecta de mépriser, — bien qu’en même temps il envoyât à Athènes faire connaître ses difficultés et demander instamment du renfort. Cependant il se tint sur la défensive dans son camp, tandis que les ennemis s’avancèrent pour l’attaquer. Ne tenait pas compte de son ordre, et agissant avec une trahison calculée qui fut regardée à Athènes comme sans exemple, — Plutarque sortit du camp pour aller à leur rencontre ; mais il s’enfuit bientôt, entraînant dans sa fuite la cavalerie athénienne, qui s’était aussi avancée un peu en désordre. Phokiôn avec son infanterie se trouva alors dans le plus grand danger. L’ennemi, attaquant avec vigueur, se mit à arracher la palissade et fut sur le point de forcer son camp. Mais ses mesures étaient si bien prises, et ses hoplites se comportèrent avec tant d’intrépidité et de fermeté dans cette circonstance critique, qu’il repoussa les assaillants en leur faisant essuyer des pertes, et remporta une victoire complète. Thallos et Kineas se distinguèrent à ses côtés ; Kleophanês se fit aussi remarquer en ralliant les cavaliers rompus ; tandis qu’1Eschine l’orateur, qui servait parmi les hoplites, fut complimenté pour sa bravoure, et envoyé à Athènes porter la première nouvelle de la victoire[44]. Phokiôn poursuivit son succès, chassa Plutarque d’Eretria et s’empara d’une forteresse appelée Zaretra, près de la partie la moins large de l’île. Il relâcha tous ses prisonniers grecs, dans la crainte que les Athéniens, irrités de la récente trahison, ne prissent la résolution de les traiter avec une extrême rigueur[45]. Kallias semble avoir quitté l’île et trouvé asile auprès de Philippe[46].

La nouvelle de la victoire de Tamynæ apportée par Æschine (avant la fête Dionysiaque) délivra les Athéniens, d’une grande anxiété (349 av. J.-C.). A la première dépêche de Phokiôn, le sénat avait résolu d’envoyer en Eubœa un autre armement, comprenant la moitié de la cavalerie qui restait, un renfort d’hoplites et une nouvelle, escadre de trirèmes. Mais la victoire leur permit de se dispenser[47] d’expédier un renfort immédiat et de célébrer gaiement la fête Dionysiaque. Cette année la fête eut plus de notoriété que d’ordinaire. Démosthène, qui y servait en qualité de chorège pour sa tribu la Pandionis, fut brutalement insulté, dans le théâtre et au milieu de la pompe complète de la cérémonie, par son ennemi le riche Meidias, qui, outre d’autres outrages, le frappa plusieurs fors à la tête avec son poing. L’insulte fut d’autant plus sensible que Meidias à ce moment occupait le poste élevé d’hipparque, ou l’un des commandants de la cavalerie. C’était l’usagé à Athènes de convoquer immédiatement après la fête Dionysiaque une assemblée publique, destinée spécialement à recevoir des notifications et à entendre des plaintes sur les choses qui s’étaient passées à la fête elle-même. A cette assemblée spéciale, Démosthène porta une plainte — contre Meidias pour l’inexcusable outrage qui lui avait été fait, et il trouva une sympathie chaleureuse auprès du peuple, qui rendit un vote unanime de censure. Cette procédure (appelée probolê) n’entraînait avec elle aucune punition, mais elle servait comme une sorte de præjudicium, ou jugement anticipé sur requête régulière ; elle permettait à Démosthène de citer le public comme témoin pour le fait principal de l’insulte, et elle l’encouragea à poursuivre Meidias devant les tribunaux réguliers, ce qu’il fit quelques mois pins tard ; mais il fut amené à accepter de Meidias une amende de trente mines que ce dernier s’imposa volontairement avant que la sentence définitive fût prononcée par les dikastes[48].

D’après les dépêches de Phokiôn, la trahison de Plutarque d’Eretria était devenue manifeste, de sorte que Démosthène vit augmenter son crédit a, cause des remarques qu’il avait faites antérieurement sur ce qu’il y avait d’impolitique à accorder l’armement ; tandis que les amis de Plutarque, — Hegesilaos et autres du parti d’Euboulos, — encoururent le déplaisir du peuple ; et quelques-uns, -, ce qu’il paraît, furent jugés plus tard[49]. Mais ses ennemis lui reprochèrent d’avoir été absent de la bataille de Tamynæ ; et un citoyen nommé Euktêmon, à l’instigation de Meidias, menaça de porter contre lui une accusation pour avoir abandonné son poste. Démosthène était-il allé réellement en Eubœa comme hoplite dans l’armée de Phokiôn, et avait-il obtenu la permission de s’absenter afin de revenir pour les Dionysia, — ou n’y était-il pas allé du tout, — c’est ce que nous lie pouvons dire. Dans l’un ou dans l’autre cas, ses devoirs comme chorège pour cette année fournissaient une excuse décisive ; de sorte qu’Euktêmon, bien qu’il suspendît formellement devant les statues des Héros Eponymes une proclamation publique de son accusation projetée, ne jugea pas à propos de faire même la première démarche pour la porter réellement devant le tribunal, et il encourut la honte légale pour avoir ainsi manqué à son engagement[50]. Néanmoins l’épithète infamante et imméritée de déserteur fut toujours dans la suite jointe au nom de Démosthène par Æschine et par ses autres ennemis, et Meidias même appliqua le même blâme à la plupart de ceux qui firent partie de cette assemblée[51] dans laquelle la probolê, ou vote de censure avait été rendue contre lui. Toutefois, peu de temps après la fête Dionysiaque, on jugea nécessaire d’envoyer en Eubœa de nouvelles troupes, cavaliers et hoplites, probablement pour relever soit quelques-unes de celles qui y servaient déjà, soit toutes. Démosthène en cette occasion mit spin armure et servit comme hoplite dans l’île. Meidias alla aussi à Argura en Eubœa, en qualité de commandant de la cavalerie ; toutefois, quand les cavaliers furent appelés pour rejoindre l’armée athénienne, il ne la rejoignit pas avec eux, mais il demeura comme triérarque d’une trirème dont il avait lui-même payé l’équipement[52]. Combien de temps l’armée resta-t-elle en Eubœa, nous l’ignorons. Il parait que Démosthène était revenu à Athènes au moment où l’on choisissait le sénat annuel dans le dernier mois de l’année attique (Skirrophorion = juin) ; probablement il avait été relevé à cette époque. Il fut nommé (par le sort) parmi : les Cinq Cents sénateurs pour l’année attique suivante (commençant au solstice d’été de 349 av. J.-C. = Olymp. 107, 4)[53], son ancien ennemi Meidias attaquant en vain ses titres, quand il subit la dokimasia ou examen préliminaire qui précédait l’entrée en charge.

Nous ne pouvons reconnaître ce que l’armée athénienne fit encore en Eubœa. Phokiôn fut rappelé, — nous rie savons pas quand, — et remplacé par un général nommé Molossos, qui, dit-on, conduisit la guerre très malheureusement, et fut même fait prisonnier par l’ennemi[54]. Les partis hostiles dans l’île, aidés par Philippe, ne furent : pas soumis, et ce ne fut pas avant l’été de 313 qu’ils demandèrent la paix. Même alors, à ce qu’il parait, il n’en fut pas conclu, de sorte que les Eubœens restèrent en termes d’inimitié avec Athènes jusqu’à la paix faite avec Philippe, en 346 avant J.-C.

Mais tandis que les Athéniens avaient ainsi à faire pour conserver l’Eubœa, ils jugèrent nécessaire de prendre des mesures plus efficaces pour secourir Olynthos, et ils eurent ainsi sur les bras en même temps le fardeau de deux guerres. Nous savons qu’ils eurent à fournir des forces tant pour l’Eubœa que pour Olynthos à la fois[55], et que l’occasion qui demandait ces efforts simultanés était de la dernière urgence. La requête et les communications des Olynthiens se firent si fortement sentir qu’elles amenèrent les Athéniens à faire ce que Démosthène avait en vain demandé avec instance dans ses trois Olynthiennes l’été et l’automne précédents, — c’est-à-dire à y envoyer une armée d’Athéniens indigènes dans la première moitié de 349 avant J.-C. Les cavaliers qui étaient allés d’Athènes en Eubœa sous Meidias, pour- servir sous Phokiôn, passèrent par mer en totalité ou en partie, d’Eubœa à Olynthos, pendant cette demi année[56]. Meidias ne traversa pas avec eux, mais il revint à Athènes comme triérarque dans sa trirème. -Or les cavaliers athéniens étaient non seulement des citoyens, mais des citoyens riches et de conséquence ; de plus, leur transport par mer était incommode et dispendieux. L’envoi de ces troupes implique un effort énergique et un sentiment d’urgence de la part d’Athènes. Nous pouvons en conclure de plus qu’un corps plus nombreux d’hoplites fut expédié en même temps avec les cavaliers ; car des cavaliers en aucune circonstance n’étaient guère envoyés seuls au delà de la mer ; en outre Olynthos avait surtout besoin d’hoplites auxiliaires, vu que ses forces indigènes consistaient surtout en cavaliers et en peltastes[57].

La preuve tirée du discours contre Neæra étant ainsi corroborée par la preuve encore meilleure  du discours contre Meidias, nous sommes assurés de ce fait important, que la première moitié de l’année 349 avant J.-C. fut une époque où Athènes fut poussée à faire de grands efforts publics, — même des armements de citoyens indigènes, — pour appuyer Olynthos aussi bien que pour conserver l’Eubœa. Dans le fait, qu’accomplirent les Athéniens, ou que contribuèrent-ils à accomplir, par ces expéditions envoyées à Olynthos, — ou combien de temps y restèrent-ils, -flous n’avons sur ces points aucune information. Mais nous pouvons raisonnablement présumer, — bien que Philippe pendant cette année 349 avant J.-C. conquit probablement un certain nombre des trente-deux villes chalkidiques, — que les forces alliées, olynthiennes, chalkidiques et athéniennes, luttèrent contre lui avec un effet assez considérable, et reculèrent sa conquête de la Chalkidikê jusqu’à l’année suivante. Après une campagne d’été dans cette péninsule, les citoyens athéniens durent probablement rentrer à Athènes. Nous apprenons que les Olynthiens firent prisonnier un Macédonien de haut rang nommé Derdas, avec d’autres Macédoniens attachés à sa personne[58].

Cependant, un effort militaire si extraordinaire, fait par les Athéniens dans la première moitié de 349 avant J.-C., — pour recouvrer l’Eubœa et protéger Olynthos en même temps, — les mit naturellement dans un état d’embarras financier. On peut en trouver une preuve dans ce fait, que pendant quelque temps il n’y eut pas assez d’argent pour payer les dikasteria, qui conséquemment siégèrent peu ; de sorte qu’il y eut peu de causes jugées pendant quelque temps. — Combien dura ce temps, nous l’ignorons[59].

Pour faire face en partie aux besoins pécuniaires du moment, le sénateur Apollodôros fit un courageux effort. Il proposa dans le sénat un décret portant que l’on soumettrait au vote de l’assemblée publique la question de savoir si le surplus du revenu, outre l’établissement de paix ordinaire et permanent de la cité, serait payé au fonds théôrique pour les diverses fêtes religieuses, — ou consacré à la solde, à l’équipement et au transport de soldats pour la guerre actuelle. Le sénat approuva la motion d’Apollodôros, et adopta une résolution préliminaire (probouleuma), l’autorisant à la soumettre à l’assemblée publique. Ainsi autorisé, Apollodôros fit la motion dans l’assemblée, où elle réussit complètement. L’assemblée (sans une seule voix opposante, nous dit-on) rendit un décret qui enjoignait que ce surplus du revenu serait, à cause de la pression actuelle de la guerre, consacré à la paye et aux autres besoins les soldats. Toutefois, nonobstant cette unanimité, un citoyen nommé Stephanos attaqua et le décret et son auteur pour cause d’illégalité, en vertu de la Graphê Paranomôn. Apollodôros fut cité devant le dikasterion, et là reconnu coupable, principalement (suivant son ami et parent l’adversaire de Neæra) au moyen de témoins subornés et de fausses allégations étrangères à la partie essentielle de l’accusation. Quand le verdict de culpabilité eut été prononcé, Stephanos comme accusateur fixa la mesure de la punition à l’amende considérable de quinze talents, refusant d’écouter aucune supplication des amis d’Apollodôros, quand ils le prièrent de désigner une somme moins élevée. Toutefois les dikastes, plus indulgents que Stephanos, se contentèrent d’adopter l’amende qu’Apollodôros s’imposa lui-même, un talent, — qu’il paya réellement[60].

Il ne peut guère y avoir de preuve plus forte et de l’urgence et de la pauvreté à ce moment, que ce fait, que le sénat et le peuple rendirent tous deux ce décret d’Apollodôros. Quant au fait ; il n’y a pas lieu d’en douter. Mais l’assertion additionnelle, — qu’il n’y eut pas un seul opposant -et que tout le monde, tant sur le moment que plus tard, déclara toujours que la motion était excellente[61] ; cette assertion, dis-je, est probablement une exagération. Car il est impossible de croire que le parti puissant qui habituellement résistait à l’application du fonds théorique à des desseins de guerre ait été complètement silencieux ou ait con-,couru réellement a la mesure en cette occasion, Lien qu’il puisse avoir été battu au scrutin. La motion d’Apollodoros était telle qu’elle ne pouvait être faite sans que la loi fût manifestement violée, et elle exposait son auteur à ces conséquences pénales qui tombèrent réellement sur lui ensuite. Or, que même une majorité, tant dans le sénat que dans l’assemblée, ait passé par-dessus cette illégalité, cela prouve d’une manière suffisamment remarquable combien la crise pesait fortement sur leurs esprits.

L’expédition de citoyens athéniens, envoyée à Olynthos avant le solstice d’été de 349 avant J.-C., dut probablement revenir après une campagne de deux ou de trois mois, et après avoir rendu quelque service contre l’armée macédonienne. Les opérations guerrières de Philippe contre les Chalkidiens et les Olynthiens ne se relâchèrent nullement (349-348 av. J.-C.). Il serra de près les Chalkidiens de plus en plus pendant tous les dix-huit mois suivants — depuis le solstice d’été de 349 av. J.-C. jusqu’au commencement du printemps de 347 av. J.-C. —. Pendant l’année olympique 107, 4, si la citation de Philochore[62] mérite confiance, les Athéniens dépêchèrent à leur secours trois expéditions, l’une à la requête des Olynthiens, qui envoyèrent des ambassadeurs pour demander leur aide, — consistant en deux mille peltastes sous Charês, en trente vaisseaux que montaient en partie des marins athéniens. Une seconde y alla sous Charidêmos, sur les instantes prières des malheureux Chalkidiens ; elle se composait de dix-huit trirèmes, de quatre mille peltastes et de cent cinquante cavaliers. Charidêmos, conjointement avec les Olynthiens, s’avança sur la Bottiæa et sur la péninsule de Pallênê, en dévastant le pays ; obtint-il quelque succès important, c’est ce que nous ignorons. Relativement à Charês et à Charidêmos, les anecdotes qui nous arrivent attestent plutôt l’insolence, les extorsions et les plaisirs amoureux que les exploits militaires[63]. Il est évident que lei l’un ni l’autre n’accomplirent rien d’efficace contre Philippe, dont les armes et la corruption firent de terribles progrès dans la Chalkidikê. La force manqua si sérieusement aux Olynthiens qu’ils transmirent à Athènes un dernier et très pressant appel ; ils prièrent les Athéniens de ne pas les abandonner à la ruine, mais de leur envoyer une armée de citoyens outre les mercenaires qui y étaient déjà. Les Athéniens accédèrent à leur requête, et y dépêchèrent dix-sept trirèmes, deux mille hoplites et trois cents cavaliers, le tout sous le commandement de Charês.

Il est impossible de rien établir dans les phases successives de cette guerre importante ; mais nous distinguons que pendant cette dernière partie de la guerre Olynthienne, les efforts que firent les Athéniens furent considérables (348 av. J.-C.). Démosthène (dans un discours prononcé six ans plus tard) affirme que les Athéniens avaient envoyé au secours d’Olynthos quatre mille citoyens, dix mille mercenaires et cinquante trirèmes[64]. Il représente les cités chalkidiques comme ayant été livrées successivement à Philippe par des citoyens gagnés et traîtres. Que la conquête fût effectuée en grande partie grâce à la corruption, c’est ce dont nous ne pouvons douter ; mais le langage de l’orateur ne fournit pas de renseignement précis. Mekyberna et Torônê furent, dit-on, au nombre des villes livrées sans résistance[65]. Après que Philippe eut pris les trente-deux cités chalkidiques, il marcha contre Olynthos elle-même et contre les villes thraces voisines ses confédérées, Methônê et Apollonia. En forçant le passage du fleuve Sardon, il rencontra une résistance telle que ses troupes furent d’abord repoussées, et il fut lui-même obligé de se sauver en traversant le fleuve à la nage. Il fut de plus blessé à l’œil par un archer olynthien nommé Aster, et il perdit complètement la vue de cet œil, nonobstant l’habileté de son chirurgien grec Kritoboulos[66]. En arrivant à huit kilomètres d’Olynthos, il envoya aux habitants une sommation péremptoire, leur donnant à entendre ou qu’ils devaient évacuer la cité, ou que lui devait quitter la Macédoine[67]. Repoussant cette notification, ils se déterminèrent à défendre leur ville jusqu’à la dernière extrémité. Une portion considérable du dernier armement de citoyens athéniens était encore dans la ville pour concourir à sa défense[68] ; de sorte que les Olynthiens purent compter qu’Athènes ferait tous ses efforts pour garantir ses propres citoyens de la captivité. Mais leurs espérances furent désappointées. Combien de temps dura le siège, — ou Athènes eut-elle le temps d’envoyer un autre renfort, — c’est ce que nous ne pouvons dire. Les Olynthiens repoussèrent, dit-on, plusieurs assauts de Philippe en lui faisant éprouver des pertes ; mais selon Démosthène, les membres du parti favorable à ce prince, qui avait à sa tête Euthykratês et Lasthenês vendus au Macédonien, firent prononcer le bannissement de leur principal adversaire Apollonidês, paralysèrent toutes les mesures prises pour une défense énergique, et livrèrent la cité par trahison. Deux défaites furent essuyées près de ses murs, et l’un des généraux de ce parti, qui avait cinq cents cavaliers sous son commandement, les livra de propos délibéré aux mains de l’envahisseur[69]. Olynthos, avec tous ses habitants et toutes ses richesses, finit par tomber au pouvoir de Philippe. Il devint ainsi complètement maître de la péninsule Chalkidique, — vers la fin de l’hiver de 348-347 avant J.-C.

Lamentable fut la ruine qui tomba sur cette péninsule florissante (348 av. J.-C.). Les personnes des Olynthiens, — hommes, femmes et enfants, — furent vendues comme esclaves. Les richesses de la cité fournirent à Philippe le moyen de récompenser ses soldats des fatigues de la guerre ; la cité elle-même, dit-on, fut détruite, ainsi qu’Apollonia, Methônê, Stageira, etc., en tout trente-deux cités chalkidiques. Démosthène, parlant, environ cinq ans plus tard, dit qu’elles furent si complètement et si cruellement ruinées que l’on pouvait à peine reconnaître leurs emplacements[70]. En faisant toute la part de l’exagération, nous pouvons bien croire qu’elles furent démantelées et privées de tout propriétaire citoyen ; que les édifices et les marques visibles de la vie municipale hellénique furent détruits ou abandonnés à la ruine ; que les autres maisons, aussi bien que les villages alentour, furent occupées par des cultivateurs dépendants ou par des esclaves, — travaillant actuellement au profit de nouveaux propriétaires macédoniens, qui n’habitaient pas le pays en grande partie, et probablement aussi de concessionnaires grecs favorisés[71]. Bien que divers Grecs reçussent ainsi leur récompense pour, les services rendus à Philippe, cependant Démosthène affirme qu’Euthykratês et Lasthenês, les traîtres qui avaient vendu Olynthos, ne furent pas du nombre, ou du moins que peu de temps après ils furent renvoyés avec déshonneur et mépris[72].

Dans cette guerre Olynthienne, qui fut ruineuse pour les Grecs chalkidiques, terrifiante pour tous les antres Grecs, et qui doubla la puissance de Philippe, — Athènes aussi a dû dépenser des sommes considérables. Nous trouvons avancé d’une manière vague, que dans sa guerre entière contre Philippe, depuis le moment où il avait pris Amphipolis en 353-357 avant J.-C. ; jusqu’à la paix de 346 avant J.-C. ou peu après, elle n’avait pas dépensé moins de quinze cents talents[73]. Il ne faut pas insister beaucoup sur ces calculs ; mais nous pouvons bien croire que sa dépense fut très sérieuse. Malgré toute sa répugnance, elle fut obligée de faire quelque chose ; ce qu’elle fit fut à la fois trop peu de chose, trop intermittent, et fait trop tard pour produire un résultat satisfaisant ; mais néanmoins le total des frais, dans une série d’années, fut considérable. Dans la dernière partie de la guerre Olynthienne, autant que nous pouvons en juger, elle semble réellement avoir fait des efforts, bien qu’elle eût fait peu de chose au commencement. Nous pouvons présumer que la dépense a dû être défrayée, en partie du moins, par une taxe foncière directe ; car la condamnation d’Apollodôros mit fin à la proposition de prendre sur le fonds théôrique[74]. Il se peut aussi qu’on ait trouvé le moyen d’économiser sur les autres dépenses de l’État.

Bien que l’application du fonds théôrique à d’autres desseins continuât d’être ainsi interdite à toute motion formelle, cependant Démosthène et autres y jetaient de temps en temps un regard au moyen de suggestion et d’insinuation. Et toutes les fois qu’on avait besoin d’argent pour la guerre, la question de savoir si on le prendrait à cette source ou à une taxe foncière directe reparaissait indirectement. Toutefois, l’appropriation du fonds théôrique resta sans changement jusqu’à la veille même de la bataille de Chæroneia. Précisément avant ce Dies Iræ où Philippe était occupé à fortifier Elateia, le fonds fut rendu applicable à des buts guerriers ; les vues de Démosthène furent réalisées douze ans après qu’il avait commencé à en conseiller l’application.

La question relative à la dépense théôrique est rarement présentée par les auteurs modernes de la manière réelle dont elle affectait l’esprit athénien. Elle a été considérée parfois comme une sorte d’aumône donnée aux pauvres, et parfois comme une dépense faite par lés Athéniens pour leurs plaisirs. Ni l’une ni l’autre de ces deux appréciations ne donnent une idée complète ni exacte du cas ; chacune ne présentant qu’une partie de la vérité.

Sans doute, la démocratie athénienne s’inquiétait beaucoup des plaisirs des citoyens. Elle leur fournissait la somme de plaisirs raffinés et plaisant a l’imagination la plus considérable qu’ait jamais goûtés aucune communauté connue dans l’histoire ; plaisirs essentiellement sociaux et faits pour la multitude, attachant les citoyens les uns- aux antres, riches et pauvres, par le fort lien de la communauté de jouissance.

Hais le plaisir, bien qu’il fût un accessoire habituel, n’était pas l’idée première ni le but prédominant de la dépense théôrique. Cette dépense était essentiellement religieuse dans son caractère, faite seulement pour diverses fêtes, et consacrée exclusivement à l’honneur des dieux. L’ancienne religion, non seulement à Athènes, mais dans toute la Grèce et le monde contemporain, — était très différente de la religion moderne à cet égard, — elle comprenait en elle-même et dans ses manifestations presque tout le cercle des plaisirs sociaux[75]. Or le fonds théôrique était essentiellement le fonds d’église à Athènes ; celui sur lequel pesaient toutes les dépenses faites par l’État dans les fêtes et le culte des dieux. La diobélie, ou distribution de deux oboles à chaque citoyen présent, faisait partie de cette dépense ; elle était donnée afin de s’assurer que chaque citoyen aurait la facilité d’assister à la fête et de rendre hommage au dieu ; elle ne l’était jamais à quiconque était hors de l’Attique, parce que naturellement il ne pouvait y assister[76] ; mais elle l’était également à tous les citoyens qui se trouvaient dans le pays, riches ou pauvres[77]. Elle était essentielle à cette participation universelle qui formait un trait saillant de la fête, tant par rapport au dieu que par rapport à la cité[78] ; mais elle n’était qu’une portion des déboursés totaux couverts par le fonds théôrique. Il était établi par une loi que le surplus du revenu ordinaire serait tout entier payé à ce fonds religieux commun, après que toutes les dépenses de l’état de paix auraient été défrayées. Il n’y avait pas d’appropriation qui touchât plus complètement au sentiment commun, qui servît plus à l’unité de la cité comme lien d’union, ou qui causât plus de satisfaction à chaque citoyen individuellement.

Nous ne connaissons pas le montant du fonds théôrique, ni celui des distributions qui s’y rattachaient. Par conséquent nous ne pouvons pas dire quelle proportion il formait de toutes les dépenses de paix, inconnues elles-mêmes également. Mais nous ne pouvons douter qu’il ne fût considérable. Ménager l’argent dans les manifestations faites en l’honneur des dieux était regardé comme le contraire de la vertu par les Grecs en général ; et les Athéniens, en particulier, dont les yeux contemplaient chaque jour les gloires de leur acropolis, devaient recevoir une leçon différente ; de plus, on croyait que par un appareil religieux magnifique on se conciliait la protection et la faveur des dieux[79]. Toutefois, nous pouvons affirmer sur les présomptions les plus fortes, que cette dépense religieuse n’absorbait aucun des fonds nécessaires pour les autres branches de l’état de paix. Les exigences de la marine, du service militaire, de l’administration, ne furent pas sacrifiées en vue d’augmenter le surplus théôrique. Euboulos se distinguait parla manière excellente dont il entretenait les bassins et les arsenaux, et par son soin à remplacer les trirèmes délabrées par de nouvelles. Et après que tous les besoins d’un état de paix bien monté étaient satisfaits, aucun Athénien n’éprouvait de scrupule à s’approprier- ce qui restait, en cédant : aux impulsions combinées de la piété, du plaisir et d’une association fraternelle.

Il est vrai que les Athéniens auraient pu mettre annuellement en réserve ce surplus dans l’acropolis, polir former un fonds de guerre accumulé. Une pareille précaution avait été prise un demi-siècle avant, lorsque Athènes était dans toute son énergie et possédait le pouvoir souverain, — quand elle avait un revenu plus considérable, avec de nombreux alliés payant tribut, — et quand Periklês présidait ses conseils. Il eût mieux valu qu’elle eût fait quelque chose du même genre dans le temps qui suivit la guerre du Péloponnèse. Peut-être si des hommes tels que Periklês, ou même tels que Démosthène, avaient joui d’un ascendant marqué, eût-elle été conseillée de continuer une pareille précaution et déterminée à le faire. Mais avant que nous puissions mesurer le degré d’imprévoyance dont on peut ici accuser Athènes avec justice, nous devrions savoir quelle était la somme dépensée ainsi dans les fêtes. Quelle quantité d’argent aurait pu être accumulée pour l’éventualité de la guerre, même si toutes les fêtes et toutes les distributions eussent été supprimées ? Jusqu’à quel point eût-il été possible, dans tout autre cas que dans celui d’une nécessité actuelle évidente, de faire des économies dans la dépense des fêtes, — nommée avec raison par Démade le ciment du système politique[80], — sans affaiblir dans le cœur de chaque individu ce sentiment de communauté religieuse sociale et patriotique, qui faisait des Athéniens une Cité, et non une simple multiplication d’unités ? Ce sont des points sur lesquels nous aurions besoin d’information, avant de pouvoir graduer avec équité la critique que nous adressons à Athènes pour n’avoir pas converti son fonds théôrique en un capital accumulé en vue de faire face à l’éventualité de la guerre. Nous devrions aussi demander, comme objet d’une comparaison impartiale, combien de gouvernements, anciens et modernes, ont jamais jugé nécessaire d’amasser pendant la paix un fonds d’argent propre à la guerre.

L’état de paix athénien entretenait plus de vaisseaux de guerre, des bassins plus considérables, et des arsenaux mieux approvisionnés que toute cité de Grèce, outre qu’il dépensait annuellement quarante talents pour les cavaliers de l’État, et sans doute quelque chose de plus (bien que nous ignorions combien) pour les autres genres de forces militaires. Toutes ces dépenses, qu’on ne l’oublie pas, et la dépense théôrique en outre, étaient défrayées sans taxation directe, moyen financier qui était réservé pour les frais extraordinaires inhérents à un état de guerre, et regardé comme suffisant pour y faire face, sans fonds de guerre accumulé. Quand la guerre contre Philippe devint sérieuse, les classes propriétaires à Athènes, celles qui étaient comprises dans le rôle d’imposition, furent invitées à défrayer la dépense par une taxation directe, dont elles avaient été complètement exemptes en temps de paix. Elles essayèrent d’esquiver ce fardeau en demandant que le fonds des fêtes fût approprié à la place[81] ; menaçant ainsi ce qu’il y avait de plus cher pour les sentiments de la majorité des citoyens. La position qu’elles prenaient était la même en principe que si les propriétaires de France ou de Belgique prétendaient s’exempter d’une contribution directe pour les frais d’une guerre, en commençant par prendre tout ou partie de la somme annuelle votée sur le budget pour l’entretien de la religion[82]. Nous pouvons juger de la force du sentiment que dut faire naître dans le public athénien en général la proposition d’appauvrir les dépenses des fêtés pour éviter une taxe foncière. Sans doute, après que la classe propriétaire eut supporté un certain fardeau de taxation directe, ses plaintes devinrent légitimes. Les frais des fêtes ne purent être maintenus sans diminution, sous la pression cruelle et continue de la guerre. Comme ressource seconde et subsidiaire, il dut devenir essentiel d’appliquer le fonds, en totalité ou en partie, à l’allégement des charges de la guerre. Mais même si tout le fonds eût été appliqué ainsi, il n’aurait pu être assez considérable pour dispenser dé la nécessité d’une taxe foncière en outre.

Nous voyons ce conflit d’intérêts, entré une taxation directe d’un côté et le fonds des fêtes de, l’autre, comme moyen de payer la guerre, — traverser les discours de Démosthène ; il est marqué surtout dans la quatrième Philippique[83]. Par malheur le conflit servit d’excuse aux deux partis pour se jeter mutuellement le blâme et pour priver la guerre de ressources, aussi bien que pour traduire en acte la répugnance partagée également par les riches et par les pauvres, pour un service militaire personnel au dehors. Démosthène ne se range ni d’un côté ni de l’autre, — il essaye de se poser en médiateur entre les deux, — et il demande à tous deux également un sacrifice patriotique. Ayant devant lui un ennemi actif et vivant, avec les libertés de la Grèce aussi bien que d’Athènes en jeu, il demande avec instance toute espèce de sacrifice immédiatement : service personnel, contributions directes, renonciation aux fêtes. Quelquefois c’est une demande qui est plus saillante, quelquefois l’autre ; celle qui revient le plus souvent, c’est son appel au service personnel. Effectivement, dans de pareilles nécessités militaires, la dépense théôrique devint funeste, non seulement parce qu’elle absorbait l’argent public, mais encore parce qu’elle enchaînait les citoyens à leur demeure et les détournait d’un service actif au dehors. Le grand charme et la force de sentiment qui se rattachaient à la fête, liée essentiellement comme elle l’était à la présence en Attique, agirent comme un poison ; à un moment auquel un tiers ou un quart des citoyens aurait dû remplir les pénibles devoirs du soldat sur les côtes de la Macédoine ou de la Thrace, contre un ennemi qui ne s’endormait jamais. Malheureusement pour les Athéniens, toute l’éloquence patriotique de Démosthène ne put les convaincre qu’ils ne pouvaient conserver pendant une pareille guerre les fêtes qui entretenaient leur piété et embellissaient leur existence à Athènes en temps de paix, et qu’ils devaient y renoncer momentanément, s’ils voulaient sauver là liberté et la sécurité de leur cité. Le même manque d’énergie qui les faisait reculer devant la peine d’un service personnel, les rendait également peu disposés à faire un aussi grand sacrifice que celui de leurs fêtes ; et dans le fait il ne leur aurait guère servi de ménager tous les frais de ces fêtes si leur négligence comme soldats eût continué. Une seule chose aurait pu les sauver : c’eût été de satisfaire simultanément aux trais demandes que Démosthène fit avec tant d’insistance en 350 avant J.-C. ; ils finirent par y satisfaire en 339-338 avant J.-C., mais il était trop tard.

 

APPENDICE

SUR L’ORDRE DES OLYNTHIENNES DE DÉMOSTHÈNE

Relativement au véritable ordre chronologique de ces trois harangues, des opinions différentes ont été transmises dès l’antiquité, et elles continuent encore parmi les critiques modernes.

Denys d’Halicarnasse cite les trois discours parles mots du début, mais il les place dans nu ordre chronologique différent de celui dans lequel ils sont imprimés. Il donne le second comme étant le premier de la série ; le troisième, comme le second, et le premier comme le troisième.

Il est sous-entendu que je parle toujours de ces discours et que je les indique dans l’ordre dans lequel ils sont imprimés, bien que, autant que j’en puis juger, cet ordre ne soit pas le véritable.

Ordre imprimé

I. II. III.

Ordre de Denys

II. III. I.

Le plus grand nombre des critiques modernes défendent l’ordre imprimé ; et les principaux arguments à l’appui de cette thèse ont été habilement présentés dans une dissertation publiée par Petrenz en 1833. Dindorf, dans son édition de Démosthène, place cette dissertation en tête de ses notes sur les Olynthiennes, affirmant qu’elle est concluante et qu’elle tranche la difficulté. Boehnecke aussi (Forschungen, p. 151) considère la question comme ne prêtant plus au doute.

D’autre part, Flathe (Geschichte Makedoniens, p. 183-187) s’exprime avec une égale confiance en faveur de l’ordre donné par Denys. Une autorité beaucoup plus haute, le docteur Thirlwall, est de la même opinion, bien qu’avec moins de confiance et avec une plus juste appréciation de l’insuffisance de nos moyens pour vider la question. Voir l’appendice III annexé au cinquième volume de son Histoire de la Grèce, p. 512.

Bien que je n’arrive pas à la même conclusion que le docteur Thirlwall, je suis d’accord avec lui sur ce point, à savoir qu’une confiance illimitée, dans une conclusion quelconque quant à l’ordre de ces harangues, n’est ni convenable ni autorisée par la somme de preuves. Nous n’avons à notre disposition que le témoignage intrinsèque des discours, pris conjointement avec l’histoire contemporaine, dont nous savons peu de chose ou rien par des informations détaillées.

Du mieux qu’il m’est possible de juger, je ne puis adopter complètement ni l’ordre imprimé ni celui de Denys, bien que je m’accorde en partie avec l’un et avec l’autre. Je suis d’accord avec Denys et avec le docteur Thirlwall pour placer la seconde Olynthienne la première des trois. Je suis d’accord avec l’ordre imprimé pour placer la troisième en dernier. Je remarque, dans l’appendice du docteur Thirlwall, que cet arrangement a été défendu dans une Dissertation de Stueve. Je n’ai pas vu cette Dissertation, et j’avais tiré ma conclusion — même avant que je susse qu’elle avait jamais été défendue ailleurs, — seulement d’après une étude attentive des discours.

Ordre imprimé

I. II. III.

Ordre de Denys

II. III. I.

Ordre de Stueve (que je crois le plus probable)

II. I. III.

Examinons d’abord la place convenable de la seconde Olynthienne (j’entends celle qui est la seconde dans l’ordre imprimé).

Le trait caractéristique le plus remarquable de ce discours, c’est qu’il y est dit à peine quelque chose au sujet d’Olynthos. C’est de fait une Philippique plutôt qu’une Olynthienne. Ce trait caractéristique est non seulement admis, mais fortement présenté par Petrenz, p. 11 : Quid ! quod ipsorum Olynthiorum hac quidem in causâ tantum uno loco facta mentio est — ut uno illo versiculo sublato, vix ex ipsâ oratione, quâ in causâ esset habita, sertis rationibus vinci posset. Comment devons-nous expliquer l’absence de toute allusion à Olynthos ? Suivant Petrenz, c’est parce que l’orateur a déjà, dans sa première harangue, dit tout ce qui pouvait être nécessaire par rapport aux besoins d’Olynthos, et à la nécessité de soutenir cette cité même dans l’intérêt du salut d’Athènes ; il pouvait doue croire actuellement que son premier discours restait gravé dans l’esprit de ses compatriotes, et que tout ce qu’il, avait à faire, c’était de combattre la crainte extraordinaire qu’inspirait Philippe, et qui les empêchait d’exécuter une résolution déjà prise d’assister les Olynthiens.

Je ne puis acquiescer à cette hypothèse. Elle peut paraître naturelle à un lecteur de Démosthène, qui passe du premier discours imprimé au second sans intervalle de temps qui lui fasse oublier ce qu’il vient de lire. Mais elle ne conviendra guère au cas d’un orateur réel dans Athènes affairée. Démosthène, dans la flottante assemblée athénienne, — pas plus que ne le serait un orateur dans le parlement anglais ou dans le congrès américain plus fixe, — ne pouvait être assez téméraire pour croire qu’un discours prononcé quelque temps auparavant était resté gravé dans l’esprit de ses auditeurs. Si Démosthène s’était adressé antérieurement aux Athéniens avec nue conviction de la détresse d’Olynthos et des motifs qui engageaient Athènes à l’assister, aussi forte qu’on la trouve dans le premier discours ; — si son discours, quelque, bien accueilli qu’il fût, ne fut pas suivi d’effet, de sorte qu’après un certain temps il eût à leur parler de nouveau dans le même dessein,- je ne puis croire qu’il n’ait fait allusion à Olynthos qu’une seule fois en passant et qu’il se soit étendu uniquement suries chances et les conditions générales de la guerre entre Athènes et Philippe. Quelque bien faite que puisse être la seconde Olynthienne ad concitandos exacerbandosque civium animos (pour employer les mots de Petrenz), elle n’est pas faite particulièrement pour procurer de l’aide à Olynthos. Si l’orateur n’avait pas réussi it procurer cette aide par un discours tel que la première Olynthienne, il ne devait jamais avoir recours à un discours tel que la seconde Olynthienne pour réparer cet échec ; il devait répéter de nouveau, et d’une manière plus frappante qu’auparavant, le danger d’Olynthos et celui d’Athènes elle-même si elle laissait tomber cette cité. Telle devait être la manière d’arriver à son but, et en même temps de combattre la crainte de Philippe dans l’esprit des Athéniens.

Suivant ma manière de voir le sujet, l’omission (ou la simple indication faite en passant) d’Olynthos démontre clairement que les besoins de cette ville, et l’urgence de l’assister, n’étaient pas le but principal de Démosthène dans la seconde Olynthienne. Son but principal est d’encourager et de stimuler ses compatriotes dans leur guerre générale contre Philippe ; il fait entrer dans son discours, par reconnaissance, la nouvelle alliée Olynthos, qu’ils viennent d’acquérir, — mais il la fait entrer seulement comme un auxiliaire précieux — έν προσθήκης μέρει — pour coopérer avec Athènes contre Philippe aussi bien que pour recevoir de l’aide d’Athènes, — sans la présenter comme ayant particulièrement besoin de secours, ni comme étant de nature, si on la laisse périr, à compromettre l’existence d’Athènes.

Or un discours de ce caractère est ce que je ne puis expliquer d’une manière satisfaisante, en tant qu’il vient après l’esprit totalement différent de la première Olynthienne ; mais il est naturel et explicable, si l’on supposé qu’il la précède. Olynthos n’aborde pas Athènes d’abord in formâ pauperis, comme si elle était en danger et comme si elle demandait du secours contre un ennemi écrasant. Elle se présente comme égale, proposant de coopérer contre un ennemi commun, et offrant une alliance que les Athéniens avaient jusque-là cherchée en vain. Elle demandera naturellement du secours, — mais elle pourra donner une coopération de valeur égale. Démosthène conseille de l’assister ; — cela vient naturellement, quand son alliance est acceptée ; — mais il insiste avec plus de force sur l’importance de ce qu’elle donnera aux Athéniens, sous forme de coopération contre Philippe. Bien plus, il est remarquable que la proximité territoriale d’Olynthos par rapport à Philippe soit présentée non comme un péril pour elle que les Athéniens doivent l’aider à détourner, mais comme une faveur divine qui leur permet de mieux attaquer Philippe conjointement avec elle. De plus, Olynthos est représentée, non pas comme redoutant quelque danger des armes de Philippe, mais comme ayant récemment découvert combien il est dangereux d’être dans son alliance. Remercions les dieux (dit Démosthène au début de la seconde Olynthienne)τό τούς πολεμήσοντας Φιλίππω γεγενήσθαι καί χώραν όμορον καί δύναμιν τινα κεκτημένους, καί τό μέγιστον άπάντων, τήν ύπέρ τοΰ πολέμον γνώμην τοιαύτην έχοντας, ώστε τάς πρός έκεΐνον διαλλαγάς, πρώτον μέν άπίστους, εϊτα τής έαυτών πατρίδος νομίζειν άνάστασιν εϊναι, δαιμονία τινε καί θεία παντάπασιν έοικεν εύεργεσία (p. 18).

La teneur générale de la seconde Olynthienne est en harmonie avec ce début. Démosthène s’attend à une vigoureuse guerre offensive faite à Philippe par Athènes et Olynthos conjointement, et il aborde tout au long les chances générales d’une pareille guerre, en signalant les points vulnérables et les points odieux de Philippe, et en s’efforçant (comme Petrenz le fait remarquer avec justesse) d’exciter et d’exaspérer les esprits des citoyens.

Telle est la première et brillante promesse de l’alliance olynthienne avec Athènes. Mais celle-ci, comme d’ordinaire, ne fait pas d’efforts ; elle laisse les Olynthiens et les Chalkidiens lutter seuls contre Philippe. Il se trouve bientôt qu’il remporte des avantages sur eux ; il arrive de Thrace de mauvaises nouvelles, et probablement des envoyés chargés de les annoncer en se plaignant. C’est alors que Démosthène prononce sa première Olynthienne, bien plus pressante de ton relativement à Olynthos. L’argument principal est maintenant : — Protégez les Olynthiens ; sauvez leurs cités confédérées ; songez à ce qui arrivera si elles sont ruinées ; dans ce cas, il n’y a rien qui puisse empêcher Philippe de marcher sur l’Attique. Les idées de Démosthène ont passé de l’offensive à la défensive.

En conséquence, je ne puis m’empêcher de croire que toutes les preuves intrinsèques des Olynthiennes indiquent la seconde comme antérieure sous le rapport du temps et à la première et à la troisième. Stueve (que cite le docteur Thirlwall) signale une autre raison qui tend à la même conclusion. Il n’est rien dit dans la seconde Olynthienne qui ait trait au fonds théorique ; tonals que dans la première, ce sujet est distinctement indiqué, — et dans la troisième, l’orateur y revient avec force et à plusieurs reprises, bien qu’avec assez d’artifice pour sauver l’illégalité. Cela est difficile à expliquer, si l’an admet que la seconde est postérieure à la première ; mais la difficulté cesse si nous supposons que la seconde est la première des trois, et qu’elle est prononcée dom le dessein que j’ai signalé.

D’autre part, cette manière de traiter le fonds théorique dans le troisième discours, en tant que comparé avec le premier, est une forte raison pour croire (comme Petrenz le soutient avec justesse) que le troisième est postérieur au premier, — et non pas antérieur, comme Denys le place.

Quant à la troisième Olynthienne, son but et son objet me paraissent être exactement présentés dans l’argument anis en tâte par Libanius. Elle fut prononcée après qu’Athènes avait envoyé quelques secours — Olynthos, tandis que la première et la seconde le furent avant que rien eût encore été fait. Je crois qu’il y a de bonnes raisons pour suivre Libanius (comme le font Petrenz et autres) dans son assertion, que le troisième discours reconnaît qu’Athènes a fait quelque chose, ce que les deux premières ne font pas, bien que le docteur Thirlwall (p. 509) s’accorde avec Jacobs pour douter de cette distinction. Les succès des mercenaires, annoncés à Athènes (p. 38), doivent certainement avoir été des succès de mercenaires commissionnés par elle, et les espérances triomphantes signalées par Démosthène comme régnant eu ce moment sont très naturellement expliquées en supposant l’arrivée de cette nouvelle. Démosthène ne dit que ce qu’il ne peut s’empêcher de dire au sujet du succès actuellement remporté, parce qu’il ne le croit pas d’une importance sérieuse. Il désire mettre sous les yeux du peuple, comme correctif à la confiance intempestive régnante, qu’il reste encore à faire avec le danger réel.

Sien qu’Athènes eût fait quelque chose, elle avait fait peu — elle n’avait pas envoyé de citoyens — ni fourni de solde. C’est ce que Démosthène la presse de faire sans retard, et il insiste sur le fonds théorique comme étant un moyen d’avoir de l’argent en même temps que sur le service personnel. La docteur Thirlwall, il est vrai, soutient que la première Olynthienne est plus pressante que la troisième, en exposant la crise ; d’où il conclut qu’elle est postérieure sous le rapport du temps. Son raisonnement est en partie fonds sur une phrase vers le commencement de la première Olynthienne, où le salut d’Athènes elle-même est mentionné comme compromis : — Τών πραγμάτων ύμΐν αύτοίς άντιληπτέον έστίν, εϊπερ ύπέρ σωτηρίας αύτων φροντίζετε : sur quoi je puis faire remarquer que la leçon σύτών n’est pas universellement admise. Dindorf, dans son édition, lit σύτών, le rapportant à πράγματων ; et il dit dans sa note que σύτών est la leçon de la Vulgate, changée pour la première fois par Reiske en σύτών sur l’autorité du Codex Bavaricus. Mais même si nous accordons que la première Olynthienne dépeint la crise comme plus dangereuse et plus urgente que la troisième, nous ne pouvons en conclure que la première soit postérieure à la troisième. La troisième fut prononcée immédiatement après la nouvelle reçue d’un succès obtenu près d’Olynthos : les affaires olynthiennes prospéraient en réalité pour le moment et jusqu’à un certain point, — bien que la somme de prospérité fût fort exagérée par le public. Démosthène s’applique à combattre cette exagération ; il passe aussi légèrement que possible sur la bonne nouvelle récente, mais il ne pont éviter d’en dire quelque chose et de rejeter le danger d’Olynthos un peu en arrière jusqu’à une éventualité plus éloignée. En même temps il le signale de la manière la plus forte, tant dans la section 2 que dans les sections 9 et 10.

En conséquence, tout en comprenant la faillibilité de toutes les opinions fondées sur des preuves aussi imparfaites, je crois que le véritable ordre chronologique des Olynthiennes est celui que propose Stueve, II, I, III. Je suis d’accord avec Denys pour mettre la seconde en premier, et avec l’ordre ordinaire polir mettre la troisième la dernière.

 

 

 



[1] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 656, p. 129.

Nous savons par Denys que ce discours fut prononcé entre le solstice d’été de 352 avant J.-C. et celui de 351 avant J.-C. J’ai déjà fait remarquer que, selon moi, il a dû l’être avant le mois Mæmakterion (novembre), 352 avant J.-C.

[2] Démosthène, Philippiques, I, p. 44, s. 20.

[3] Démosthène, Olynthiennes, I, p. II, s.7. Cf. Olynthiennes, III, p. 30, s. 9, et p. 32, s. 18.

[4] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 13, s. 13.

[5] Démosthène, Olynthiennes, III, p. 30, s. 8.

[6] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 13, s. 13.

Quelle longueur de temps indique l’adverbe εύθύς, c’est ce qui doit naturellement être matière à conjecture. Si l’expression s’était trouvée dans le discours De Coronâ, prononcé vingt ans plus tard, nous aurions pu l’expliquer d’une manière très peu rigoureuse. Mais elle se trouve ici dans un discours prononcé probablement dans la dernière moitié de 350 avant J.-C., — certainement pas plus tard que la première moitié de 348 avant J.-C. En conséquence, il n’est guère raisonnable d’accorder à l’intervalle désigné ici par εύθύς (celui entre le rétablissement de Philippe et son attaque sérieuse dirigée sur les Olynthiens) un temps plus long que six mois. Nous supposerions alors que cette attaque commença vers le dernier quart de l’Olympiade 107, 2, ou dans la première moitié de 350 avant J.-C. C’est la manière de voir de Boehnecke, et je la crois très probable (Forschungen, p. 211).

[7] Justin, VIII, 3 ; Orose, III, 12. Justin affirme que ce fait fut la cause de l’attaque dirigée par Philippe sur Olynthos, — ce que je ne crois pas. Mais je ne vois pas de raison pour douter du fait lui-même, — ou pour douter que Philippe l’ait saisi comme prétexte. Il trouva les demi-frères dans Olynthos quand la cité fut prise et les mit tous les deux à mort.

[8] Thucydide, I, 58.

[9] Démosthène, Fals. Leg., p. 425, 426 ; Xénophon, Hellenica, V, 2, 17.

[10] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 15.

[11] Voir tome XVI, ch. 2 de cette Histoire.

[12] Démosthène, Fals. Leg, p. 439. Æschine lui-même rencontra une personne nommée Atrestidas suivie par une de ces tristes troupes. Nous pouvons être sûrs que ce fut seulement un cas parmi beaucoup d’autres.

[13] Pline, Histoires naturelles, II, 27 : On a encore observé des incendies couleur de sang, se dirigeant vers la terre. Rien de plus terrible que ce phénomène aux yeux des mortels épouvantés ; on en vit un semblable l'an III de la cent septième olympiade, lorsque le roi Philippe ébranlait la Grèce. Pour moi, je crois que ces météores se manifestent, comme le reste, à des époques réglées, et qu'ils sont indépendants des causes variées, fruit d'une imagination subtile, auxquelles la plupart les attribuent. Ils furent, sans doute, le présage de grandes catastrophes; mais, je pense, que ces catastrophes ne surviennent pas à cause des météores ; les météores apparurent parce qu'elles étaient prochaines. Ce qui cache la loi de leur reproduction, c'est qu'ils sont rares ; cela empêche qu'ils ne soient connus comme le sont les levers des planètes ci-dessus indiqués, les éclipses, et beaucoup d'autres phénomènes.

La précision de cette indication chronologique la rend précieuse. L’Olympiade 107, 3, — correspond à l’année qui s’écoula entre le solstice d’été de 350 et celui de 349 avant J.-C.

Taylor, qui cite ce passage dans ses Prolegomena ad Demosthenem (ap. Reiske, Orat. Gr. vol. VIII, p. 756), prend la liberté, sans l’autorité d’aucun manuscrit, de changer tertio en quarto, ce que Boehnecke déclare à bon droit être déraisonnable (Forschungen, p. 212). Le passage, tel qu’il existe, est un témoignage servant non seulement à constater le caractère terrible de l’époque, mais encore à prouver, entre autres preuves, que l’attaque de Philippe dirigée sur les Olynthiens et les Chalkidiens commença en 350-349 avant J.-C., — non dans l’année olympique suivante, ni dans le temps qui suivit le solstice d’été de 349 avant J.-C.

Boehnecke (Forschungen, p. 201-221) est entré dans un examen des dates et des événements de cette guerre Olynthienne, et il les a arrangés d’une manière différente de tous les critiques précédents. Son examen est plein de finesse et instructif ; il renferme toutefois quelques raisonnements de peu de force ou de convenance. Je le suis en général en plaçant le commencement de la guerre Olynthienne et les Olynthiennes de Démosthène avant l’Olympiade 107, 4. C’est la meilleure opinion que je puisse me former sur des faits non attestés et incertains d’une manière déplorable.

[14] Démosthène, Philippiques, III, p. 113. Que Philippe non seulement ait attaqué, mais même qu’il ait réduit les trente-deux cités Chalkidiques, avant de s’avancer directement et finalement pour attaquer Olynthos, — c’est ce qui est affirmé dans le fragment de Kallisthenês, ap. Stobæum, Eclog., tit. VII, p. 92.

Kallisthenês, dont l’histoire est perdue, était natif d’Olynthos, né peu d’années avant la prise de cette cité.

[15] On trouvera quelques remarques sur l’ordre des Olynthiennes dans un Appendice annexé au présent chapitre.

Il faut qu’il soit compris que je parle toujours des Olynthiennes comme première, seconde et troisième, suivant l’ordre ordinaire des éditions, bien que je ne puisse adopter cet ordre comme exact.

[16] Denys d’Halicarnasse, ad Ammæum, p. 736.

Il rattache les trois Olynthiennes de Démosthène aux trois armements athéniens envoyés à Olynthos dans l’année qui suivit le solstice d’été de 349 avant J.-C., armements pour lesquels il venait de citer Philochore.

[17] Cela est évident d’après les railleries de Meidias : voir le discours de Démosthène Cont. Meidiam, p. 575, 576 (prononcé l’année suivante, — 349-348 avant J.-C.).

Je fais remarquer, non sans regret, que Démosthène lui-même n’a pas honte de mettre les mêmes railleries dans la bouche d’un client parlant devant le dikasterion — contre Lakritos : — Cet homme très habile, qui a payé dix mines à Isocrate pour un cours de rhétorique, et qui se croit en état de vous monter la tête à son gré, etc. (Démosthène, adv. Lakritos, p. 938).

[18] Un orateur de la génération suivante (Dinarque, cont. Démosthène, p. 102, s. 99) censure Démosthène comme un pur parleur d’opposition, en contraste avec l’excellente administration des finances et de la marine sous Euboulos. L’administration d’Euboulos a dû laisser un souvenir honorable pour être citée ainsi plus tard.

Voir Théopompe, ap. Harpocration, v. Εύβουλος ; Plutarque, Reip. Gerend. Præcept., p. 1312. Cf. aussi Démosthène, Fals. Legat. p. 435, et Æschine, adv. Ktesiphôn, p. 57, c. 11.

[19] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 9. — Cela se rencontre dans le discours immédiatement subséquent de Démosthène, donnant à entendre ce que Philippe et ses partisans avaient déjà tiré comme conclusion de la négligence passée des Athéniens à envoler du secours à Olynthos. Naturellement une pareille conclusion ne pouvait être tirée qu’après que quelque temps avait été accordé pour l’attente et le désappointement, ce qui est une des nombreuses raisons de croire que la première Olynthienne est postérieure pour le temps à la seconde.

[20] Démosthène, Olynthiennes, I, p.12, 13.

[21] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 9.

[22] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 14.

[23] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 9, 10.

[24] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 11.

[25] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 12, 13,16.

[26] Démosthène, Olynthiennes, I, p. 15.

[27] A mon sens, il est nécessaire de séparer entièrement les opérations auxquelles il est fait allusion dans les Olynthiennes de Démosthène, des trois expéditions envoyées à Olynthos, que Philochore mentionne pendant l’année suivante, — 349-348 avant J.-C., l’archontat de Kallimachos. Je ne vois pas de raison pour combattre l’assertion de Philochore, qui dit qu’il y eut trois expéditions pendant cette année, telles qu’il les décrit. Mais il doit s’être trompé (ou Denys doit l’avoir mal copié) en présentant ces trois expéditions comme toute la guerre Olynthienne, et la première des trois comme étant le commencement de la guerre. La guerre Olynthienne commença en 350 avant J.-C. ; et les trois Olynthiennes de Démosthène se rapportent, selon moi, aux premiers mois de la guerre. Mais elle dura jusqu’au commencement du printemps de 347 avant de sorte que les armements que mentionne Philochore peuvent avoir été expédiés pendant la dernière moitié de la guerre. Je ne puis m’empêcher de croire que Denys, content de trois expéditions pour Olynthos qui pouvaient se rattacher comme résultats aux trois discours de Démosthène, s’est trop hâté de copier les trois de Philochore, et assigné la date de 349-348 ayant J.-C. aux trois discours, simplement parce qu’il trouvait cette date donnée, par Philochore aux trois

La révolte en Eubœa, l’expédition de Phokiôn avec la bataille de Tamynæ et la prolongation de la guerre dans cette île commencèrent vers janvier ou février de 341 avant J.-C., et continuèrent pendant toute cette année et la suivante. M. Clinton place même ces événements un an plus tôt, idée que je ne partage pas, mais qui, si on l’adopte, rejetterait encore d’une année en arrière le commencement de la guerre Olynthienne. Il est certain qu’il y eut une expédition athénienne au moins envoyée à Olynthos avant la guerre Eubœenne, (Démosthène, cont. Meidiam, p. 566-578), expédition si considérable qu’on obtint des citoyens riches des dons volontaires pour subvenir à la dépense. C’est là, une bonne preuve (meilleure que Philochore, si en effet c’est incompatible avec ce qu’il dit réellement), que les Athéniens non seulement contractèrent l’alliance d’Olynthos, mais assistèrent en réalité Olynthos pendant l’année 350 avant. J.-C. Or les Olynthiennes de Démosthène présentent à mon esprit nue évidence frappante qu’elles appartiennent aux premiers mois de la guerre Olynthienne. Je crois donc raisonnable de supposer que l’expédition de mercenaires étrangers pour Olynthos qui fut envoyée, comme l’implique la troisième Olynthienne, est la même que celle pour laquelle on demanda les έπιδόσεις mentionnées dans le Discours contre Meidias. V. Boehnecke, Forschungen, p. 202 ; et K. F. Hermann, De Anno natali Demosthenis, p. 9.

[28] Théopompe, ap. Athenæ, XII, p. 532. Cette victoire semblerait appartenir plus naturellement (comme le fait remarquer le docteur Thirlwall) aux opérations de Charês et d’Onomarchos contre Philippe en Thessalia, en 353-352 avant J.-C. Mais ce point ne peut être déterminé.

[29] Démosthène, Olynthiennes, III, p.29. C’était le mois Mæmakterion ou novembre 352 ayant J.-C. Si l’on calcule à partir de cette date, τρίτον έτος signifie l’avant-dernière année, c’est-à-dire l’année attique, Olymp. 107, 3, ou l’année entre le solstice d’été de 350 et celui de 349 avant J.-C. Denys d’Halicarnasse dit (p. 727) : — Καλλιμάχου τοΰ τρίτου μετά Θέσσαλον άρξαντος, — bien qu’il n’y eût qu’un seul archonte entre Thessalos et Kallimachos. Lorsque Démosthène dit τρίτον ή τέταρτον έτος, — il est clair que tous deux ne peuvent être exacts : nous devons choisir l’un ou l’autre, et τρίτον έτος nous amène à l’année 350-349 avant J.-C.

Pour prouver que le discours fut prononcé probablement pendant la première moitié de cette année, c’est-à-dire avant février 319 avant J.-C., on peut signaler un autre point d’évidence.

A l’époque où fut prononcée la troisième Olynthienne, aucune expédition de citoyens athéniens n’avait encore été expédiée au secours d’Olynthos, mais nous verrons bientôt que des citoyens athéniens y furent envoyés pendant la première moitié de 349 avant J.-C.

En effet, il serait singulier, si les Olynthiennes avaient été prononcées après l’expédition d’Eubœa, que Démosthène ne fît allusion dans aucune d’elles à cette expédition, affaire de tant d’importance et d’intérêt, qui tint Athènes dans une agitation  sérieuse pendant une grande partie de l’année, et fut sauvée d’une guerre prolongée dans cette lie voisine, Dans la troisième Olynthienne, Démosthène fait allusion à une prise d’armes contre Corinthe et Megara (p. 34). Serait-il vraisemblable qu’il laissât sans les mentionner les opérations beaucoup plus importantes en Eubœa ? Ne dirait-il rien de la crise grave dans laquelle fut proposé le décret d’Apollodôros ? Cette difficulté disparaît quand nous reconnaissons les Olynthiennes comme antérieures à la guerre Eubœenne.

[30] Thucydide, II, 65. Cf. l’argument de la troisième Olynthienne par Libanius.

[31] Démosthène, Olynthiennes, III, p. 287, c. 29.

[32] Démosthène, Olynthiennes, III, p. 30.

[33] Démosthène, Olynthiennes, III, p. 31, 32.

[34] Æschine, adv. Ktesiphôn, p. 67, 68.

[35] Démosthène, cont. Aristokratês, p. 661.

[36] Démosthène, Philippiques, I, p. 51.

[37] Démosthène, Philippiques, I, p. 49.

[38] Démosthène, De Pace, p. 58.

[39] Démosthène, cont. Meidiam, p. 550.

[40] Démosthène, cont. Meidiam, p. 558 ; cont. Bœotum De Nomine, p. 999. La mention des χόες dans le dernier passage, étant le second jour de la fête appelée Anthesteria, identifie le mois.

[41] Démosthène, cont. Meidiam, p. 566, 567.

[42] Æschine, cont. Ktesiphôn, p. 399. Il n’y a pas lieu de conclure de ce passage (avec Boehnecke, p. 20, et autres) que les Phokiens eux-mêmes aidèrent Philippe à organiser des partis eubœens contre Athènes. Les Phokiens étaient alors alliés de cette cité, et il ne serait pas vraisemblable qu’ils eussent concouru à une démarche à la fois nuisible et blessante pour elle, sans aucun avantage pour eux-mêmes. Mais quelques-uns des mercenaires qui servaient en Phokis pouvaient facilement être tentés de changer de service et de passer en Eubœa, par la promesse d’une belle gratification.

[43] Démosthène, cont. Meidiam, p. 567.

[44] Æschine, Fals. Leg., p. 300, c. 53 ; Cont. Ktesiphôn, p. 399, e. 32 ; Plutarque, Phokiôn, c. 13. Plutarque (le biographe) n’a pas une idée claire des luttes soutenues dans l’île d’Eubœa. Il passe, sans un signe de transition, de cette guerre dans l’île (en 349-348 av. J.-C.) à la guerre subséquente en 341 avant J.-C.

Rien dans le fait ne peut être plus obscur et plus difficile à débrouiller que la suite des affaires eubœennes.

Il est à propos de faire remarquer qu’Æschine jette le blâme de la trahison, qui fit tomber l’armée athénienne dans un piége et la mit en danger, sur Kallias de Chalkis, tandis que Démosthène le jette sur Plutarque d’Eretria. Probablement Plutarque et Kallias méritent tous deus la flétrissure. Mais Démosthène est en cette occasion plus digne de foi qu’Æschine, puisque la harangue contre Meidias, dans laquelle se rencontre cette assertion, fut prononcée seulement quelques mois après la bataille de Tamynæ, tandis que l’allégation d’Æschine est contenue dans sa harangue contre Ktesiphôn, qui ne fut prononcée que bien des années plus tard.

[45] Plutarque, Phokiôn, c. 13.

[46] Æschine, en effet, dit que Kallias, après avoir reçu son pardon d’Athènes en cette occasion, alla à Philippe plus tard, gratuitement, et par pure hostilité et ingratitude pour cette ville. Mais, à mes yeux, c’est probablement une exagération. L’orateur pousse une forte pointe contre Kallias, qui, plus tard, devint lié avec Démosthène, et rendit à Athènes des services considérables en Eubœa.

Il est fait allusion à la trahison de Kallias et de Taurosthenês par Dinarque dans sa harangue contre Démosthène, s. 45.

[47] Démosthène, cont. Meidiam, p. 567.

[48] Æschine, cont. Ktesiphôn, p. 61 ; Plutarque, Démosthène, c. 12. Westermann et beaucoup d’autres critique (De Litibus quas Demosthenes oravit ipse, p. 25-28) soutiennent que le discours contre Meidias n’a pu jamais avoir été prononcé par Démosthène devant le dikasterion ; puisque, s’il l’avait été, il n’aurait pu ensuite entrer en arrangement. Mais il est certainement possible qu’il ait pu prononcer ce discours et obtenir un jugement en sa faveur, et ensuite, — quand le second vote des dikastes était sur le point d’être rendu, pour l’estimation de la peine, — qu’il ait accepté l’offre que fit le défendeur de payer une amende modérée (cf. Démosthène, cont. Neæram, p. 1348) dans la crainte de trop exaspérer les puissants amis qui entouraient Meidias. L’action de Démosthène contre Meidias fut assurément un άγών τιμητός. Au sujet de προβολή, voir Meier und Schoemann, Der Attische Prozess, p. 211.

[49] Démosthène, De Pace, p. 58 ; De Fals. Leg., p. 434, — avec la Scholie.

[50] Démosthène, cont. Meidiam, p. 548.

Æschine dit que Nikodêmos intenta une accusation à Démosthène pour avoir abandonné sa place dans les rangs, mais qu’il fut gagné par Démosthène et empêché de la porter devant le dikasterion (Æschine, Fals. Leg., p. 292).

[51] Démosthène, cont. Meidiam, p. 577.

[52] Démosthène, cont. Meid., p. 558-567.

[53] Démosthène, cont. Meid., p. 551.

[54] Plutarque, Phokiôn, c. 14 ; Pausanias, I, 36, 3.

[55] Démosthène, Cont. Neæram, p. 1346.

Ce discours fut prononcé devant le dikasterion par une personne nommée Theomnestos, pour soutenir une accusation contre Neæra, peut-être six on huit ans après 349 avant J.-C. Que Démosthène fût l’auteur de ce discours ou non, son importance comme témoignage n’en sera pas considérablement changée.

[56] Démosthène, cont. Meidiam, p. 578.

Le passage des cavaliers athéniens à Olynthos, qui s’effectua après la bataille de Tamynæ, est un événement distinct des contributions volontaires à Athènes pour une expédition olynthienne (Démosthène, cont. Meidiam, p. 566), contributions qui précédèrent la bataille de Tamynæ et l’expédition en Eubœa, dont cette bataille fit partie.

Ces cavaliers allèrent d’Eubœa à Olynthos avant que Meidias revint à Athènes. Mais nous savons qu’il y revint avant le commencement de la nouvelle année attique ou olympique (Olymp. 107, 4, 349-348 av. J.-C.), c’est-à-dire, parlant approximativement avant le 1er juillet 349 av. J.-C. Cor il était présent à Athènes et accusa Démosthène dans la dokimasia sénatoriale, ou examen préliminaire, que subissaient torts les sénateurs avant de siéger au commencement de la nouvelle année  (Démosthène, cont. Meid., p. 551).

Il semble donc clair que l’expédition athénienne, — certainement cavaliers et probablement hoplites aussi, — alla à Olynthos avant le 1er juillet 319 avant J.-C. J’ai fait allusion à cette expédition de citoyens athéniens a Olynthos dans une note précédente, — comme se rattachant à la date de la troisième Olynthienne de Démosthène.

[57] Xénophon, Hellenica, V, 2, 41 ; V, 3,3-6.

[58] Théopompe, Fragm. 155, ap. Athenæ. X, p. 436 ; Ælien, V. H., II, 41.

[59] Voir Démosthène, adv. Bœotum De Nomine, p. 999. Ce discours fut prononcé peu après la bataille de Tamynæ, p. 999.

[60] Démosthène, Cont. Neær., p.1346, 1347.

[61] Démosthène, Cont. Neær., p. 1346.

[62] Philochore, ap. Denys d’Halicarnasse, ad Ammæum, p. 734, 735. Philochore nous dit que les Athéniens contractèrent alors l’alliance avec Olynthos, ce qui certainement n’est pas exact. L’alliance avait été contractée l’année précédente.

[63] Théopompe, Fragm. 183-238 ; Athénée, XII, p. 532.

[64] Démosthène, Fals. Leg., p. 426.

[65] Diodore, XVI, 52.

[66] Kallisthenês, ap. Stobæum, t. VII, p. 92 ; Plutarque, Parall., c. 8 ; Démosthène, Philippiques, III, p. 117. Kritoboulos ne put sauver la vue de l’œil, mais il empêcha, dit-on, que Philippe ne fût défiguré d’une manière visible. Magna et Critobulo fama est, extracta Philippi regis oculo sagitta, et citra deformitatem oris curata, orbitate luminis.  (Pline, H. N., VII, 37).

[67] Démosthène, Philippiques, III, p. 113.

[68] Æschine, Fals. Leg., p. 30.

[69] Démosthène, Philippiques, III, p. 125-128 ; Fals. Leg., p. 426 ; Diodore, XVI, 53.

[70] Démosthène, Philippiques, III, p. 117 ; Justin, VIII, 3.

[71] Démosthène, (Fals. Leg., p. 386) dit que Philokratês et Æschine reçurent de Philippe non seulement des présents de bois de construction et de blé, mais encore le don de fermes productives et importantes dans le territoire olynthien. Il appelle quelques témoins olynthiens pour prouver son assertion, mais leur témoignage n’est pas donné tout au long.

[72] Démosthène, De Chersones., p. 99. L’existence de ces traîtres olynthiens, à la solde de Philippe, prouve qu’il n’a pu avoir besoin du philosophe stageirite Aristote pour lui indiquer quels étaient les citoyens olynthiens les plus riches, au moment où les prisonniers furent mis à part pour être vendus comme esclaves. L’Athénien Demœharc’s, environ quarante ans plus tard, dans son virulent discours contre les philosophés, alléguait qu’Aristote avait rendu à Philippe ce honteux service (Aristoklês, ap. Eusebium, Præp. Ev., p. 792). Wesseling (ad Diodor., XVI, 52) réfute cette accusation en disant qu’Aristote était à cette époque auprès d’Hermeias à Atarneus ; réfutation assez peu concluante, que je suis heureux de pouvoir renforcer.

[73] Æschine, Fals. Leg., p. 37, e. 24. Démosthène (Olynthienne, III, p. 36) mentionne la même somme d’argent publie comme ayant été gaspillée εϊς ούδέν δέον, — même dans la première partie de la guerre Olynthienne et avant la guerre Eubœenne. Comme preuves de la somme actuelle, ces assertions sont sans valeur.

[74] Ulpien, dans son Commentaire sur la première Olynthienne, nous dit qu’après l’amende imposée à Apollodôros, Euboulos proposa et fit porter une loi déclarant que toute motion faite à l’avenir à l’effet de prendre sur le fonds théôrique serait punie de mort.

L’autorité d’Ulpien n’est pas suffisante pour accréditer cette assertion. L’amende dont le dikasterion frappa Apollodôros était modérée ; nous pouvons donc raisonnablement douter que le sentiment populaire fût avec l’orateur quand il proposait de punir de mort la même offense dans l’avenir.

[75] Parmi les nombreux passages qui expliquent cette association dans l’esprit grec entre l’idée d’une fête religieuse et celle de jouissance, — nous pouvons prendre les expressions d’Hérodote au sujet de la grande fête à Sparte appelée Hyakinthia. Dans l’été de 479 avant J.-C., les Spartiates tardaient à envoyer leurs forces militaires pour la défense de l’Attique, — étant occupés à cette fête (Hérodote, IX, 7). Bientôt les envoyés athéniens viennent à Sparte se plaindre de ce retard dans le langage suivant : — Ύμεΐς μέν, ώ Λακεδαιμόνιοι, αύτοΰ τήδε μένοντες, Ύακίνθιά τε άγετε καί παίζετε, καταπροδόντες τούς συμμάχους.

Ici les expressions satisfaire les exigences du dieu — et — s’amuser — sont employées pour décrire la même fête, et presque comme équivalentes.

[76] Harpocration, v. Θεωρικά.

[77] Voir Démosthène, adv. Leocharem, p. 1091, 1092 ; Philippiques, IV, p. 141. Cf. aussi Schoemann, Antiq. Jur. Att., s. 69.

[78] Voir les ordres des anciens oracles cités par Démosthène, cont. Meidiam, p. 531.

[79] Voir la vanterie d’Isocrate, Orat. IV (Panegyr.) s. 40 ; Platon, Alkibiadês, II, p. 148. Xénophon (Vectigal., VI, 1), en proposant quelques plans pour l’amélioration du revenu athénien, présente comme un des avantages que les fêtes religieuses seront célébrées alors avec une magnificence plus grande qu’elles ne le sont actuellement.

[80] Plutarque, Quæstion. Platonic., p. 1011.

[81] Suivant l’auteur du discours contre Neæra, la loi pourvoyait réellement à ce qu’en temps de guerre le surplus du revenu fût consacré à des desseins guerriers (p. 1346). Mais il me semble que ce doit être une assertion erronée, faite dans l’intérêt de la cause. Si la loi eût été ainsi, Apollodoros n’aurait, commis aucune illégalité dans sa motion ; de plus, toute l’escrime et toutes les manœuvres de Démosthène dans sa première et dans sa troisième Olynthienne n’auraient pas eu de raison d’être.

[82] Le cas présenté ici, bien qu’analogue en principe, prouve contre les propriétaires athéniens, en degré ; car, même en temps de paix, une moitié du revenu en France est fournie par une contribution directe. Voltaire fait observer avec beaucoup de justesse : L’argent que le public employait à ces spectacles était un argent sacré. C’est pourquoi Démosthène emploie tant de circonspection et tant de détours pour engager tee Athéniens à employer cet argent à la guerre contre Philippe : c’est comme si on entreprenait en Italie de soudoyer des troupes avec le trésor de Notre-Dame de Lorette. (Voltaire, Des divers changements arrivés à l’Art tragique, Œuvres, tome 65, p. 73, éd. 1832, Paris.).

[83] Démosthène, Philippiques, IV, p. 141-143 ; De Republicâ ordinandâ, p. 187. Il est possible de douter que ces deux discours aient raté réellement prononcés sous leur forme actuelle. Mais j’y fais allusion avec confiance comme à des compositions démosthéniques faites de fragments et de pensées de Démosthène.