QUINZIÈME VOLUME
Ce fut pendant cette période, — tandis qu’Épaminondas était absent avec la flotte et que Pélopidas était engagé dans cette campagne thessalienne d’où il ne revint jamais, que les Thêbains détruisirent Orchomenos. Cette cité, 1a seconde de la fédération bœ8tienne, avait toujours été mal disposée pour Thèbes. L’absence des deux chefs, aussi bien que d’une considérable armée thêbaine alors en Thessalia, semble avoir été regardée par les Chevaliers ou Cavaliers orchoméniens (les premiers et les plus riches des citoyens, au nombre de 300) comme un moment favorable pour une attaque. Quelques exilés thêbains participèrent à ce projet, en vue de renverser le gouvernement existant ; et un jour, désigné pour une revue militaire près de Thèbes, fut fixé pour l’exécution. Un grand nombre de conspirateurs se joignirent à eux, avec une ardeur apparente. Mais avant que le jour arrivât, plusieurs d’entre eux se repentirent et firent connaître le complot aux bœôtarques ; sur cette révélation les Cavaliers orchoméniens furent arrêtés, amenés devant l’assemblée thêbaine, condamnés à mort et exécutés. De plus, on prit la résolution de détruire la ville, de tuer les adultes mâles et de vendre les femmes et les enfants comme esclaves[1]. Ce décret barbare fut exécuté, bien que probablement une certaine fraction trouvât moyen dé s’échapper et formât le noyau de la population qui fut rétablie plus tard. L’ancienne haine thêbaine fut ainsi pleinement assouvie, haine dont l’énergie remontait à ces temps mythiques où Thèbes payait, dit-on, tribut à Orchomenos. Mais l’action d’effacer cette cité vénérable de la liste des unités autonomes de la Hellas, avec l’exécution en masse et la vente comme esclaves de tant de parents libres, excita une vive sympathie parmi tous les voisins aussi bien que de la répugnance contre la cruauté thêbaine[2], sentiment aggravé probablement par le fait, qui a dû sans doute se présenter, — que les Thêbains répartirent le territoire entre leurs propres citoyens. Il semblerait que la ville voisine de Korôneia ait partagé le même sort : du moins on nous parle dans la suite des deux ensemble de manière à nous le faire supposer[3]. Thèbes absorba ainsi en elle-même ces deux villes et ces deux territoires au nord de sa propre cité, aussi bien que Platée et Thespiæ au sud. Nous devons nous rappeler que, pendant la suprématie de Sparte et la période de la lutte et de l’humiliation thêbaines, avant la bataille de Leuktra, Orchomenos avait activement embrassé la cause spartiate. Peu après cette victoire, les Thêbains avaient voulu dans leur premier mouvement de colère détruire la cité, mais ils avaient été retenus par Épaminondas, qui leur recommanda l’indulgence[4]. Tout leur ressentiment à demi étouffé fut ranimé par la conspiration des Chevaliers orchoméniens ; cependant l’acte n’aurait jamais été consommé dans son extrême rigueur, sans l’absence d’Épaminondas, qui à son retour en fut affligé profondément[5]. Il savait bien quelles censures amères Thèbes s’attirerait en punissant la cité entière pour la conspiration des opulents Chevaliers, et d’une manière même plus rigoureuse que Platée et Thespiæ, vu que les habitants de ces deux dernières villes furent chassés de la Bœôtia avec leurs familles, tandis que les adultes mâles orchoméniens furent tués, et les femmes et les enfants vendus comme esclaves. En revenant de son expédition maritime à la fin de 36a avant J.-C., Épaminondas fut réélu l’un des bœôtarques. Il avait probablement l’intention de renouveler sa course l’année suivante (362 av. J.-C.). Mais le chagrin que lui causa l’affaire orchoménienne et la douleur qu’il ressentit de la mort de Pélopidas, — en qui il perdait un ami intime et un collègue politique auquel il pouvait se fier, — ont pu le détourner d’une seconde absence, tandis que les affaires du Péloponnèse aussi se compliquaient au point de rendre de nouveau probable la nécessité d’une nouvelle intervention thêbaine. Depuis la paix conclue en 366 avant J.-C. avec Corinthe, Phlionte, etc., Thèbes n’avait pas envoyé d’armée dans cette péninsule, bien que son harmoste et sa garnison restassent encore à Tegea, et peut-être aussi à Megalopolis et à Messênê. Les Arkadiens, jaloux d’elle aussi bien que désunis entre eux, étaient allés même jusqu’à contracter une alliance avec son ennemie Athènes. Toutefois, le principal conflit à ce moment était entre les Arkadiens et les Eleiens, relativement à la possession de la Triphylia et de la Pisatis. Les Eleiens vers cette époque (365 av. J.-C.) s’allièrent de nouveau avec Sparte[6], renonçant à leur alliance avec Thèbes, tandis que les Achæens, étant entrés dans une coopération vigoureuse avec Sparte[7] depuis 367 avant J.-C. — pour réagir contre les Thêbains, qui, détruisant la politique judicieuse et modérée d’Épaminondas, changèrent violemment les gouvernements achæens —, les Achæens, dis je, s’allièrent avec Elis également, en 365 avant J.-C. ou avant cette année[8]. Et ainsi Sparte, bien qu’elle se fût vu enlever par la pacification de 366 avant J.-C. l’aide de Corinthe, de Phlionte, d’Epidauros, etc., avait acquis en échange l’Elis et l’Achaïa, — confédérées non moins importantes. La Triphylia, territoire touchant à la mer occidentale du Péloponnèse, immédiatement au nord du fleuve Neda, — et la Pisatis (renfermant le cours inférieur de l’Alpheios et la plaine d’Olympia), immédiatement au nord de la Triphylia, — toutes deux entre la Messênia et l’Elis, — avaient été dans les temps anciens conquises et occupées longtemps par les Eleiens, mais toujours comme sujettes mécontentes. Sparte, dans les jours de sa suprématie incontestée, avait trouvé politique de soutenir leur indépendance, et elle avait forcé les Eleiens, après une guerre de deux ou trois ans, à renoncer formellement à toute domination sur elles[9]. Toutefois, la bataille de Leuktra n’eut pas plutôt désarmé Sparte, que les Eleiens réclamèrent leur possession perdue[10], tandis que les sujets de leur côté trouvèrent de nouveaux protecteurs dans les Arkadiens et furent même admis, sous prétexte de communauté de race, dans la confédération panarkadienne[11]. Le rescrit persan apporté par Pélopidas (367-366 av. J.-C.) semble avoir détruit cet arrangement, en reconnaissant les droits souverains des Eleiens[12]. Mais comme les Arkadiens avaient repoussé le rescrit, il restait aux Eleiens à imposer leurs droits souverains par les armes, s’ils le pouvaient Ils trouvèrent Sparte dans le même intérêt qu’eux-mêmes, non seulement également hostile aux Arkadiens, mais encore se plaignant qu’on lui eût enlevé Messênê, comme ils se plaignaient de la perte de la Triphylia. Sparte venait de remporter un léger avantage sur les Arkadiens, en reprenant Sellasia, surtout grâce à l’aide d’un renfort syracusain de douze trirèmes, que Denys le Jeune leur avait envoyé, mais avec l’ordre de revenir promptement[13]. Outre les droits souverains sur la Triphylia et la Pisatis, qui mettaient ainsi Elis en alliance avec Sparte et en conflit avec l’Arkadia, — il y avait encore un territoire situé au nord de l’Alpheios — sur le terrain montueux formant le côté occidental ou éleien du mont Erymanthos, entre l’Elis et la portion nord-ouest de l’Arkadia —, qui comprenait Lasiôn et les municipes des hautes terres appelés Akroreii, et que se disputaient l’Elis et l’Arkadia. A ce moment, il était compris comme partie de l’agrégat panarkadien[14] ; mais les Eleiens, le réclamant comme leur appartenant et y entrant soudainement avec un corps d’exilés arkadiens, saisirent et occupèrent Lasiôn ainsi que les Akroreii voisins (366-365 av. J.-C.). Les Arkadiens ne tardèrent pas à venger cet affront. Un corps de leur milice panarkadienne appelé les Epariti, rassemblé des différentes cités et de divers districts, marcha vers Lasiôn, défit les hoplites éleiens avec une perte considérable tant d’hommes que d’armes et les repoussa hors du district. Les vainqueurs recouvrèrent et Lasiôn et tous les Akroreii, excepté Thraustos ; puis ils se dirigèrent vers le terrain sacré d’Olympia, en prirent formellement possession et établirent une garnison, que protégeait une enceinte palissadée régulière, sur la colline appelée Kroniôn. Après s’être assurés de cette position, ils s’avancèrent même sur la cité d’Elis, qui n’était pas fortifiée (bien, qu’elle eût une acropolis tenable), de sorte qu’ils purent y entrer, sans rencontrer de résistance jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à l’agora. Là ils trouvèrent rassemblés les cavaliers éleiens et les hoplites d’élite, qui les repoussèrent avec quelques pertes. Mais Elis était dans une grande consternation, tandis qu’une opposition démocratique se manifestait à ce moment contre l’oligarchie régnante et s’emparait de l’acropolis dans l’espoir d’admettre les Arkadiens. Toutefois la bravoure des cavaliers et des hoplites triompha de ce mouvement intérieur et força les mécontents, au nombre de 400, d’évacuer la cité. Ainsi chassés, ces derniers s’emparèrent de Pylos et s’y établirent — dans le territoire éleien, à environ neuf milles d’Elis (= 14 kilom. et demi) du côté de la frontière arkadienne[15] —, où ils furent renforcés non seulement par un corps d’Arkadiens, mais encore par un grand nombre de leurs partisans, qui vinrent de la cité les rejoindre. De ce poste fortifié, établi dans le pays comme Dekeleia en Attique, ils continuèrent une guerre fatigante contre les Eleiens de la ville et les réduisirent, après quelque temps, à une grande gêne. Ils conçurent même l’espoir de forcer la ville à se rendre, et ils sollicitèrent une nouvelle invasion des Arkadiens pour achever l’entreprise. Les Eleiens ne furent sauvés que par un renfort de leurs alliés d’Achaïa, qui vinrent en nombre considérable et mirent la ville en sûreté : de sorte que les Arkadiens ne purent rien faire de plus que de dévaster le territoire environnant[16]. Se retirant en cette occasion, les Arkadiens renouvelèrent leur invasion peu de temps après, leur garnison occupant encore Olympia, et les exilés toujours établis à Pylos (365 av. J.-C.). Ils traversèrent alors tout le pays et s’approchèrent même de Kyllênê, le port d’Elis sur la mer occidentale. Entre le port et la ville, les Eleiens osèrent les attaquer, hais ils furent défaits avec de telles pertes, que leur générai Andromachos (qui avait conseillé l’attaque) se perça de son épée, de désespoir. La détresse des Eleiens devint plus grande que jamais. Dans l’espérance de faire retirer les envahisseurs arkadiens, ils envoyèrent à Sparte un ambassadeur pour prier les Lacédæmoniens de vouloir faire une diversion en Arkadia de leur côté. Conséquemment, le prince spartiate Archidamos (fils du roi Agésilas), envahissant la partie sud-ouest de l’Arkadia, occupa une ville sur une colline ou un poste appelé Kromnos — vraisemblablement dans le territoire de Megalopolis, et coupant la communication entre cette cité et Messênê —, poste qu’il fortifia et où il mit une garnison d’environ deux cents Spartiates et Periœki. L’effet que souhaitaient les Eleiens fut produit. L’armée arkadienne (excepté la garnison d’Olympia) étant rappelée chez elle, ils furent libres d’agir, contre Pylos. Les exilés pyliens avaient récemment fait sur Thalamæ une tentative qui avait avorté, et a leur retour ils avaient été surpris et battus par les Eleiens, qui leur avaient tué beaucoup de monde et avaient finalement fait deux cents prisonniers. De ces derniers, tous les exilés éleiens furent immédiatement mis à mort, tous les autres vendus comme esclaves[17]. Cependant l’armée arkadienne principale, qui était revenue d’Elis, fut rejointe par des alliés, — Thêbains[18], Argiens et Messêniens, — et se dirigea immédiatement sur Kromnos. Ils y bloquèrent l’armée lacédæmonienne par une double palissade menée tout à l’entour, et que des forces nombreuses furent chargées d’occuper. En vain Archidamos essaya-t-il de les en faire retirer, en portant ses dévastations dans la Skiritis et dans d’autres parties de l’Arkadia ; car les Skiritæ, jadis dépendants de Sparte et au nombre des éléments constitutifs les plus précieux des armées lacédæmoniennes[19], étaient devenus à ce moment des Arkadiens indépendants. Le blocus fut encore continué sans interruption. Archidamos essaya ensuite de se rendre maître du sommet d’une colline, qui commandait la position arkadienne. Mais en y montant, il rencontra l’ennemi en grandes forces et fut repoussé avec quelques pertes ; lui-même eut la cuisse traversée d’une lance, et ses parents Polyænidas et Chilôn furent tués[20]. Les troupes lacédæmoniennes se retirèrent à quelque distance dans un terrain plus large, où elles furent de nouveau formées en ordre de bataille, fort découragées toutefois tant par l’échec que par la communication des noms des deux guerriers tués, qui étaient au nombre des soldats les plus distingués de Sparte. Les Arkadiens au contraire marchaient à la charge avec beaucoup d’ardeur, quand un vieux Spartiate, s’avançant hors des rangs, s’écria avec force : Quel besoin avons-nous de combattre ? Ne vaut-il pas mieux conclure une trêve et nous séparer ? Les deux armées acceptèrent la proposition avec joie. La trêve fut conclue ; les Lacédæmoniens enlevèrent leurs morts et se retirèrent ; les Arkadiens, de leur côté, allèrent à l’endroit où ils avaient remporté leur avantage, et ils y élevèrent leur trophée[21]. Sous la description pittoresque donnée ici par Xénophon semble être cachée une défaite des Lacédæmoniens, plus sérieuse qu’il ne lui plaît de l’énoncer. Les Arkadiens en vinrent complètement à leurs fins, en continuant le blocus sans interruption. Les Lacédæmoniens firent plus d’une tentative pour délivrer leurs compatriotes. Attaquant, de nuit, soudainement la palissade, ils réussirent à se rendre maîtres de la partie que gardaient les Argiens[22]. Ils y firent une ouverture et invitèrent les assiégés à sortir en toute hâte. Mais ce secours était arrivé à l’improviste, de sorte qu’il n’y eut que le petit nombre de ceux qui étaient tout près qui put en profiter pour s’échapper. Les Arkadiens, se précipitant à l’endroit en nombre considérable, repoussèrent les assaillants et enfermèrent de nouveau les assiégés, qui furent bientôt forcés de se rendre faute de provisions. Plus de cent prisonniers, Spartiates et Periœki réunis, furent partagés entre ceux qui avaient pris le fort, — c’est-à-dire entre les Argiens, les Thêbains, les Arkadiens et les Messêniens, — une part pour chacun[23]. Soixante années auparavant, la capture de deux cent vingt Spartiates et Lacédæmoniens dans Sphakteria, par Kleôn et Demosthenês, avait excité, dans toute la Grèce, la surprise et l’incrédulité les plus grandes, signalées d’une manière expressive par l’impartial Thucydide[24]. Actuellement, il ne parait pas une trace de ces sentiments, même dans Xénophon, l’ami de Lacédæmone 1 Tant la gloire de Sparte avait tristement décliné ! Après avoir ainsi mis fin à l’attaque spartiate, les Arkadiens reprirent leur agression contre l’Elis, conjointement avec un nouveau projet d’une importance considérable (364 av. J.-C.). On était alors dans le printemps qui précédait immédiatement la célébration de la grande fête Olympique qui revenait tous les quatre ans et tombait vers le solstice d’été. La présidence de cette cérémonie sacrée avait été le privilège des Eleiens qui y tenaient particulièrement : ils l’avaient acquis quand ils avaient vaincu les Pisans, — habitants de la région située immédiatement autour d’Olympia, et les premiers administrateurs de la fête dans son état le plus primitif. Les Pisans, toujours à contrecœur sujets d’Elis, n’avaient jamais perdu la conviction que la présidence de la fête leur appartenait de droit, et ils avaient prié Sparte de les rétablir dans ce privilège, trente-cinq ans auparavant, quand Agis, comme vainqueur, imposa des conditions de paix aux Eleiens[25]. Leur requête avait été déclinée alors, sur le motif qu’ils étaient trop pauvres et trop grossiers pour faire convenablement honneur à la cérémonie. Mais en la renouvelant actuellement ils trouvèrent les Arkadiens plus complaisants que ne l’avaient été les Spartiates. La garnison arkadienne, qui avait occupé la plaine sacrée d’Olympia pendant plus d’une année, recevant un renfort considérable, on fit des préparatifs pour que les Pisans célébrassent la fête sous la protection arkadienne[26]. Les États grecs durent recevoir avec surprise, à cette occasion, deux significations distinctes de hérauts publics, leur annonçant le commencement de la hiéromênia, ou saison sacrée, et le jour précis où les cérémonies devaient commencer, vu que sans doute les Eleiens, bien que chassés d’Olympia par force, revendiquèrent encore leurs droits et envoyèrent partout leurs significations comme de coutume. Il était évident que cette mémorable plaine, consacrée comme elle l’était à la confraternité et à l’union helléniques, allait être dans l’occasion présente déshonorée par les disputes et peut-être par l’effusion de sang : car les Arkadiens convoquèrent dans ce lieu, outre leurs propres forces militaires, un corps considérable d’alliés : deux mille hoplites d’Argos et quatre cents cavaliers d’Athènes (364 av. J.-C.). Des forces si imposantes étant considérées suffisantes pour détourner les Eleiens peu belliqueux de toute idée de revendiquer leurs droits par les armes, les Arkadiens et les Pisans commencèrent la fête par sa routine ordinaire de sacrifices et de combats. Après avoir terminé la course des chars, ils entamèrent le pentathlon, ou lutte quintuple, qui commençait par la course et la lutte. La course avait déjà été achevée, et ceux qui y avaient réussi assez pour disputer le prix dans les quatre autres parties s’étaient mis en devoir de lutter dans l’espace compris entre le stade et le grand autel[27], — quand soudain on vit les Eleiens en armes entrer dans le terrain sacré, accompagnés de leurs alliés les Achæens et se diriger vers la rive opposée de la petite rivière de Kladaos, — qui coulait à une faible distance à l’ouest de l’Altis, ou enceinte fermée intérieure de Zeus, et qui se jetait ensuite dans l’Alpheios. Alors les Arkadiens se rangèrent en bataille, pour empêcher les Eleiens d’avancer plus loin[28]. Ces derniers, avec une hardiesse dont personne ne les croyait capables, passèrent le ruisseau à gué, conduits par Stratolas avec sa troupe de trois cents hommes d’élite, et chargèrent vigoureusement d’abord les Arkadiens, ensuite les Argiens, qui furent défaits les uns et les autres et repoussés. Les Éleiens victorieux pénétrèrent de force dans l’Altis, et poussèrent en avant pour arriver au grand autel. Mais à chaque pas de leur marche la résistance devenait plus forte, aidée comme elle l’était par de nombreux bâtiments, — le palais du sénat, le temple de Zeus et divers portiques, — qui dérangeaient leurs rangs et fournissaient d’excellentes positions de défense pour des archers et des akontistæ sur les toits. Là Stratolas fut tué, tandis que ses troupes, repoussées du terrain sacré, furent forcées de repasser le Kladaos. La fête fut reprise alors et continuée dans son ordre habituel. Mais les Arkadiens redoutèrent tellement une nouvelle attaque le lendemain, que non seulement ils occupèrent les toits de tous les bâtiments plus complètement qu’auparavant, mais qu’ils passèrent la nuit à élever une palissade de défense, arrachant clans ce dessein les baraques temporaires qui avaient été dressées avec soin pour loger la foule des visiteurs[29]. Ces précautions rendirent la place inattaquable, de sorte que les Eleiens furent obligés de retourner chez eux le lendemain, non sans avoir excité la sympathie et l’admiration de beaucoup des Grecs, pour la hardiesse inaccoutumée qu’ils avaient déployée. Ils se vengèrent en déclarant que la cent quatrième olympiade n’était pas une olympiade, et en l’enregistrant comme telle dans leur catalogue, quand ils regagnèrent le pouvoir ; ils conservèrent cependant les noms de ceux qui avaient été proclamés vainqueurs, noms qui paraissent dans les listes comme les autres[30]. Tel fut le combat impie qui déshonora le sanctuaire de la fraternité panhellénique, et dans lequel le grand temple, avec son habitant, le majestueux Zeus de Pheidias, assis sur un trône, fut pour la première fois converti en forteresse contre ses présidents habituels, les Eleiens. Ce- fut un combat dans lequel, bien que Thèbes et Sparte, les chefs rivaux de la Grèce, fussent à l’abri du blâme, Athènes était impliquée aussi bien que la plupart des principaux États péloponnésiens. Il avait été provoqué par l’ambition rapace des Arkadiens, et son résultat sembla les confirmer, sous le masque de la présidence exercée par les Pisans, dans la possession permanente d’Olympia. Mais, malgré cette promesse apparente, c’était un événement qui portait en lui les germes d’une réaction violente. Nous ne pouvons douter que la foule des spectateurs grecs présente n’ait été non seulement fâchée de l’interruption des jeux et de la démolition de ses tentes, mais encore profondément blessée de l’outrage fait au terrain sacré, — imminentium templorum religio[31]. La plupart d’entre eux probablement regardaient les Eleiens comme les présidents légitimes ; car ils n’avaient jamais vu personne autre jouissant de ce privilège ; jamais ils n’avaient entendu parler d’un autre État qui en eût été revêtu. Et ils pouvaient difficilement s’empêcher d’éprouver une vive sympathie pour le courage inattendu de ces présidents dépossédés ; ce qui parut si frappant à Xénophon (spectateur peut-être lui-même) qu’il l’attribue à une inspiration spéciale des dieux[32]. S’ils désapprouvaient la conduite des Arkadiens et des Pisans comme étant une intrusion injuste, ils durent désapprouver encore la spoliation des riches temples d’Olympia, par laquelle les intrus se récompensèrent. Les Arkadiens, toujours en quête de pillage et de paye comme soldats mercenaires, se trouvèrent par cette guerre abondamment fournis de l’un et de l’autre ; le pillage, ils purent l’exercer sur les fermes, les provisions et les ouvriers des champs, du voisinage éleien en général, en plus grande quantité que dans toute autre partie du Péloponnèse[33] ; la paye, ils se la procurèrent grâce à l’immense accumulation, tant d’argent que de précieuses offrandes, répartis dans les nombreux temples à Olympia. Les Pisans, actuellement installés comme administrateurs, durent consentir aisément à approprier ces trésors sacrés à la solde de leurs propres défenseurs, que sans doute ils considéraient comme agissant pour le service de Zeus Olympien. Conséquemment, les Epariti, milice de l’Arkadia réunie, furent mieux payés qu’ils ne l’avaient jamais été auparavant, de sorte que le service attirait de nombreux volontaires de la classe plus pauvre[34]. .Au début de la guerre du Péloponnèse, les Corinthiens et les Spartiates avaient parlé de la poursuivre en partie au moyen d’argent emprunté aux trésors de Delphes et d’Olympia[35]. Jusqu’à quel point le projet avait-il jamais été exécuté, c’est ce qu’on ne nous apprend pas. Mais du moins, il n’avait nullement été réalisé de manière à former un précédent pour les sommes considérables que les Pisans et les Arkadiens s’appropriaient en ce moment, appropriation qui en conséquence fit jeter les hauts cris, comme une rapacité et un sacrilège flagrants. Beaucoup des Arkadiens eux-mêmes, les personnes coupables, éprouvèrent ce sentiment avec une force particulière. De plus, quelques-uns des chefs employés avaient fait d’importantes acquisitions privées pour eux-mêmes, de manière à provoquer du ressentiment et de la jalousie parmi leurs rivaux. La communauté panarkadienne, formée récemment et mal cimentée, n’était guère en état de résister à l’effet d’une cause de dissension quelconque, forte et spéciale. Elle était composée de cités qui avaient jadis été accoutumées à agir séparément et même à être en hostilité entre elles, en particulier Mantineia et Tegea. Ces deux cités reprirent alors leur ancienne rivalité[36]. Les Mantineiens, jaloux et de Tegea et de Megalopolis, commencèrent à travailler sous main contre l’unité arkadienne et l’alliance thêbaine, — en vue d’un renouvellement de relations avec Sparte, bien que cinq années seulement auparavant ils eussent dû à Thèbes le rétablissement de leur cité, que la puissance spartiate avait transformée en villages. L’appropriation des fonds sacrés, qui blessait les sentiments sincères de la majorité, leur fournit un motif commode pour commencer l’opposition. Dans l’assemblée mantineienne, il fut pris une résolution à l’effet de renoncer à toute participation aux trésors olympiques, tandis qu’en même temps on leva parmi les citoyens une somme suffisante pour fournir une solde à tous les membres des Epariti qui venaient de leur cité. Cette somme fut offerte aux officiers qui comte mandaient. Cependant ceux-ci non seulement refusèrent de la recevoir, mais même ils appelèrent les auteurs de la mesure pour être jugés devant l’assemblée panarkadienne, — les Dix Mille, à Megalopolis, — les accusant de briser l’intégrité de l’Arkadia[37]. Les chefs mantineiens, sommés ainsi, ayant refusé de comparaître, les Dix Mille les condamnèrent par défaut, — et on envoya à Mantineia un détachement des Epariti pour s’assurer de leurs personnes. Mais les portes lurent trouvées fermées, et l’ordre fut mis au défi. On manifesta en Arkadia tant de sympathie à l’égard des Mantineiens que beaucoup d’autres villes imitèrent leur protestation. Lien plus, la majorité même des Dix Mille, émue des appels répétés qui leur étaient faits au nom des dieux offensés, fut amenée graduellement à l’adopter aussi, en renonçant publiquement à toute participation ultérieure aux trésors olympiens et en l’interdisant. On avait obtenu un point juste et remporté un avantage important en renonçant à une appropriation mauvaise et scandaleuse. Le parti qui l’avait remporté chercha immédiatement à le pousser plus loin (363-362 av. J.-C.). Commençant comme avocats de la justice et de Zeus Olympien, les Mantineiens ne tardèrent pas à se proclamer plus clairement champions de l’oligarchie, amis de Sparte et opposés à Thèbes. Comme on n’obtenait plus de fonds d’Olympia, on manqua bientôt des ressources nécessaires pour payer les Epariti, ou milice publique. Conséquemment, ceux d’entre les membres de ce corps qui étaient trop pauvres polir continuer à servir sans paye abandonnèrent graduellement le service, tandis que, d’autre part, les citoyens plus riches et plus puissants, par suite d’un accord concerté à l’avance entre eux, s’enrôlèrent en nombre considérable afin d’enlever la force nationale aux mains du parti opposé et de la faire passer dans les leurs[38]. Les chefs de ce parti contraire virent clairement que ce mouvement oligarchique non seulement les amènerait à rendre un compte sévère pour l’appropriation du trésor sacré, mais encore jetterait de nouveau l’Arkadia dans une alliance avec Sparte. En conséquence, ils envoyèrent donner avis aux Thêbains du changement de politique qui menaçait, les invitant à le prévenir par une expédition immédiate en Arkadia. Instruits de cette démarche[39], les chefs opposés la déférèrent à l’assemblée panarkadienne, dans laquelle ils obtinrent une résolution portant que des ambassadeurs seraient dépêchés à Thêbes pour demander qu’aucune armée thêbaine n’entrât en Arkadia sans être appelée formellement, — et pour annuler l’invitation précédente comme n’étant pas autorisée. En même temps, l’assemblée se décida à conclure la paix avec Ies Eleiens et a leur rendre la localité d’Olympia avec tous, leurs anciens droits. Les Eleiens y consentirent avec plaisir, et en conséquence la paix fut conclue[40]. Les affaires que nous venons de raconter occupèrent environ un an et neuf ou dix mois, depuis le solstice d’été de 364 avant J.-C. (l’époque de la bataille à Olympia) jusqu’à avril 362 avant J.-C. environ. La paix fut généralement populaire dans toute l’Arkadia, vraisemblablement même dans les cités attachées à Thèbes, bien qu’on l’eût conclue sans consulter les Thêbains. Même à Tegea, le centre de l’influence thêbaine, on fut satisfait de l’abandon de l’agression et de la spoliation coupables d’Olympia, dans lesquelles les Thêbains n’avaient pas été mêlés.,Aussi quand on en vint à jurer également a Tegea la paix, qui avait été probablement jurée auparavant dans les autres cités arkadiennes, — non seulement les autorités de la cité, mais encore l’harmoste thêbain, qui occupait la ville avec une garnison de trois cents Thêbains, fut-il présent et prit-il part à la cérémonie. Après qu’elle eut été terminée, la plupart des Mantineiens retournèrent chez eux, leur cité étant à la fois hostile à Tegea et peu éloignée. Plais beaucoup d’autres Arkadiens passèrent la soirée dans la ville, célébrant la paix par des libations, des pæans et des festins. Tout à coup on ferma les portes par ordre, et les principaux membres du parti oligarchique furent arrêtés, pendant qu’ils siégeaient au festin, par la garnison bœôtienne et par les Epariti arkadiens du parti contraire. Les chefs arrêtés étaient en si grand nombre qu’ils remplissaient la prison et le palais du gouvernement, bien qu’il y eût peu de Mantineiens parmi eux, puisque la plupart de ces derniers étaient retournés dans leur patrie. Parmi les autres, la consternation fut extrême. Quelques-uns se firent descendre des murs, d’autres s’échappèrent subrepticement par les portes. Grande fut l’indignation excitée à Mantineia le lendemain matin, quand la nouvelle de cette arrestation violente y fut portée. Les autorités, — tout en l’annonçant aux autres cités arkadiennes et en invitant en même temps à prendre les armes, — dépêchèrent des hérauts à Tegea pour réclamer tous lés prisonniers mantineiens qui y étaient détenus. Erg même temps, elles protestèrent énergiquement contre l’arrestation ou l’exécution d’un Arkadien quelconque, sans un jugement préalable devant la communauté panarkadienne, et elles s’engagèrent au nom de Mantineia à répondre de la comparution de tout. Arkadien contre lequel des accusations pourraient être portées[41]. En recevant cette requête, l’harmoste thêbain relâcha sur-le-champ tous ses prisonniers. Il convoqua ensuite une assemblée, — à laquelle vraisemblablement il n’assista ; que peu de personnes, à cause de sentiments de méfiance[42] ; — là il expliqua qu’il avait été trompé et qu’il avait ordonné l’arrestation sur un faux rapport lui annonçant qu’une armée lacédæmonienne était sur les frontières, prête à s’emparer de la cité de concert avec des correspondants perfides à l’intérieur. On rendit un vote qui acceptait l’explication, bien que (suivant Xénophon) personne n’y crût. Cependant des ambassadeurs furent immédiatement envoyés à Thèbes, probablement par les Mantineiens et les autres Arkadiens, chargés de se plaindre hautement de sa conduite et de demander qu’il fût puni de mort. En passant en revue les circonstances, il semble qu’il y a lieu de croire que l’officier thébain donna une explication véritable des motifs qui l’avaient fait agir. Le fait de l’élargissement des prisonniers à la première requête s’accorde mieux avec cette supposition qu’avec toute autre. Xénophon, il est vrai, dit que son but principal était de se rendre maître des Mantineiens, et que, quand il vit qu’il n’y avait qu’un petit nombre de ces derniers parmi les personnes arrêtées, il fut indifférent à la détention des autres. Mais si tel avait été son dessein, il se serait difficilement mis à l’accomplir d’une manière aussi aveugle et aussi maladroite. Il l’aurait exécuté, pendant que les Mantineiens étaient encore dans la ville, au lieu d’attendre après leur départ. Il n’aurait pas commis une action aussi blessante qu’injuste sans s’assurer qu’il la faisait à un moment on il pouvait encore atteindre le but qui l’y décidait. D’autre part, rien ne peut être plus naturel que de supposer que les plus violents parmi les Epariti arkadiens crussent à l’existence d’un complot formé pour livrer Tegea aux Lacédœmoniens, et qu’ils persuadassent le Thêbain de l’imminence d’un danger de cette nature. Causer une révolution dans Tegea devait être un grand point gagné pour le parti oligarchique et devait être rendu comparativement praticable par la réunion d’un corps mélangé d’Arkadiens dans la ville. Dans le fait, il n’est pas impossible que l’idée d’un complot pareil ait été réellement conçue ; mais il est du moins extrêmement probable que des adversaires crurent sincèrement à la probabilité d’un tel événement[43]. L’explication du gouverneur thêbain, affirmant que son ordre d’arrestation où avait détourné réellement, ou lui avait paru indispensable pour détourner, une trahison perfide projetée, — arriva à Thèbes en même temps que les plaintes contre lui. Non seulement elle fut reçue comme parfaitement satisfaisante, mais Épaminondas répondit même de son chef à ceux qui se plaignaient par des contre-plaintes : — L’arrestation (dit-il) était un acte plus justifiable que l’élargissement des personnes arrêtées. Vous autres, Arkadiens, avez déjà commis une trahison contre nous. Ce fut dans votre intérêt et à votre requête que nous portâmes la guerre dans le Péloponnèse, — et actuellement vous concluez la paix sans nous consulter ! Soyez sûrs que nous irons bientôt en armes en Arkadia et que nous ferons la guerre pour soutenir nos partisans dans le pays[44]. Telle fut la réponse péremptoire que l’ambassadeur arkadien rapporta de Thèbes, en annonçant à ses compatriotes qu’ils devaient se préparer à la guerre sur-le-champ. En conséquence, ils concertèrent des mesures de résistance avec les Éleiens et les Achæens. Ils envoyèrent inviter les Lacédæmoniens à entrer en Arkadia et à les aider à repousser un ennemi qui viendrait dans le dessein de subjuguer le Péloponnèse, — toutefois avec cette clause conditionnelle, quant au commandement, que chaque État commanderait quand la guerre serait sur son territoire ; et ils envoyèrent en outre solliciter l’aide d’Athènes. Telles furent les mesures prises par les Mantineiens et leurs partisans, formant actuellement la majorité clans l’agrégat panarkadien, majorité qui (pour employer le langage de Xénophon) était réellement inquiète pour le Péloponnèse[45]. Pourquoi (disaient-ils) ces Thêbains viennent-ils dans notre pays quand nous ne les prions pas de venir ? Pour quel autre dessein est-ce, sinon pour nous faire du mal ? pour nous engager à nous en faire les uns aux autres, afin que les deux parties aient besoin d’eux ? pour affaiblir le Péloponnèse autant que possible, afin qu’ils puissent le tenir plus aisément sous leur joug ?[46] Bien que tel soit le langage que Xénophon répète avec une sympathie qui prouve évidemment sa tendance philolaconienne, — cependant, si nous suivons l’es faits comme lui-même les raconte, nous les verrons beaucoup plus en harmonie avec les reproches qu’il met dans la bouche d’Épaminondas. Celui-ci était entré pour la première fois dans le Péloponnèse (en 369 av. J.-C.) à la requête et des Arkadiens et des Eleiens, dans le dessein de les protéger contre Sparte. Il avait été le premier à donner de la- force et de la dignité aux Arkadiens, en les organisant en un agrégat politique et en formant une forte frontière pour eux contre Sparte dans Messênê et Megalopolis. Une fois organisés ainsi, les Arkadiens s’étaient montrés à la fois jaloux de Thèbes et incapables d’agir sagement par eux-mêmes. Ils avaient amené la ruine des mesures clémentes et politiques adoptées par Épaminondas à l’égard des cités achæennes ; qu’ils avaient ainsi jetées de nouveau dans les bras de Sparte. Ils avaient de leur propre mouvement commencé la guerre contre l’Elis et s’étaient opposés au coupable empiétement commis à Olympia. D’autre part les Thêbains n’étaient pas entrés dans le Péloponnèse depuis 367 avant J.-C., -.intervalle actuellement de près de cinq ans. Ils avaient essayé de persuader les Arkadiens d’accepter le rescrit persan et de renoncer à l’idée d’une alliance avec Athènes ; mais, bien que repoussés, ils n’avaient fait aucune tentative pour obtenir l’un ou l’autre de ces points par la force. Épaminondas était bien en droit de se plaindre actuellement d’eux pour avoir fait la paix avec l’Elis et l’Achaïa, les amis et les alliées de Sparte, sans consulter Thêbes en rien. Il croyait probablement qu’il 9 avait eu un complot réel formé pour livrer Tegea aux Lacédæmoniens, comme fruit de cette paix déloyale ; et il voyait clairement que le maintien de la ligne frontière contre Sparte, — Tegea, Megalopolis et Messênê, — ne pourrait plus être assuré sans une nouvelle invasion thêbaine. Telle me paraît être l’appréciation raisonnable de la situation du Péloponnèse, en juin 362 avant J.-C., — immédiatement avant la dernière invasion d’Épaminondas. Nous ne pouvons avoir confiance dans le jugement défavorable de Xénophon par rapport soit à ce grand homme, soit aux Thêbains. Il ne subsistera pas, même si on le compare avec les faits racontés par lui-même ; probablement il subsisterait moins encore, si nous avions les faits rapportés par un témoin impartial. J’ai déjà raconté tout ce qu’on peut établir de ce que firent les Thêbains, depuis que Pélopidas revint de Perse avec le rescrit persan (dans l’hiver de 367-366 av. J.-C.) jusqu’à la fin de 363 avant J.-C. En 366-365 avant J.-C., ils avaient éprouvé de grandes pertes et subi beaucoup d’humiliation, rattachées à la détention de Pélopidas, qu’ils avaient arraché avec difficulté du cachot de Pheræ. En 364-363 avant J.-C., Pélopidas avait été investi d’un nouveau commandement en Thessalia, et bien qu’il fût tué, les armes thêbaines avaient été éminemment heureuses, et elles avaient acquis sur le pays un empire plus complet que celui qu’elles avaient jamais possédé auparavant, tandis qu’Épaminondas, après avoir conseillé à ses compatriotes de viser à la suprématie navale, avait employé l’été de 363 avant J.-C. comme amiral d’une puissante flotte thêbaine sur la côte d’Asie. Quand il revint à Thèbes, à la fin de 363 avant J.-C., il trouva son ami Pélopidas tué, tandis que les relations de Thèbes, tant dans le Péloponnèse qu’en Thessalia, devenaient suffisamment compliquées pour absorber toute son attention sur terre, sans comporter de nouvelles aspirations à un empire maritime. Il avait sans doute observé, à mesure qu’il s’opéra, le changement graduel de politique en Arkadia (dans l’hiver et le printemps de 363-362 av. J.-C.), à l’aide duquel le parti mantineien et oligarchique, profitant de la réaction de sentiment contre les actes commis à Olympia, s’était constitué la majorité dans l’assemblée et la milice panarkadiennes, de manière à conclure la paix avec Elis et à offrir la perspective d’une alliance probable avec Sparte, Elis et l’Achaïa. Cette tendance politique était sans doute présentée à Épaminondas par le parti tegéen en Arkadia, opposé au parti mantineien, et qui la lui communiquait avec des exagérations de parti dépassant même la réalité. Le danger, réel ou présumé, de Tegea, avec l’arrestation qui y avait été opérée, le convainquit qu’une puissante intervention thêbaine ne pouvait plus être différée. Comme bœôtarque, il obtint le consentement de ses compatriotes, à l’effet de réunir une armée thêbaine, de convoquer les contingents alliés et de conduire cette expédition combinée dans le Péloponnèse. L’armée avec laquelle il commença sa marche était nombreuse et importante (362 av. J.-C.). Elle comprenait tous les Bœôtiens et tous les Eubœens, avec un nombre considérable de Thessaliens — quelques-uns même envoyés par Alexandre de Pheræ, qui était devenu alors un allié dépendant de Thèbes —, les Lokriens, les Maliens, les 1Enianes et probablement divers autres alliés de la Grèce septentrionale, bien que les Phokiens refusassent de se joindre à lui, alléguant que leur accord avec Thêbes était fait en vue d’une alliance purement défensive[47]. Après avoir passé la ligne du mont Oneion, — qui n’était plus défendue comme elle l’avait été lors de sa première entrée, — il arriva à Nemea, où il fut probablement rejoint par le contingent sikyonien[48], et où il s’arrêta, espérant intercepter le contingent athénien dans sa marche pour rejoindre ses ennemis. Il avait probablement eu des informations qui l’engagèrent à l’attendre[49] ; mais ces informations se trouvèrent fausses. Les Athéniens ne parurent pas, et on comprit qu’ils se préparaient à se rendre par mer à la côte orientale de la Laconie. Après une halte inutile, il se dirigea sur Tegea, où ses alliés péloponnésiens le rejoignirent bientôt tous ; les Arkadiens de Tegea, de Pallantion, d’Asea et de Megalopolis, les Messêniens — tous ceux-ci formant la ligne de frontière contre la Laconie — et les Argiens. La halte à Nemea, vu qu’Épaminondas manqua son- but direct, fut préjudiciable à un autre égard, en ce qu’elle permit au corps principal de ses ennemis péloponnésiens de se concentrer à Mantineia, jonction qui aurait été probablement prévenue s’il fût entré en Arkadia sans délai. Une puissante armée péloponnésienne y était réunie, composée dés Mantineiens avec la majeure partie des autres Arkadiens, — des Éleiens et des Achæens. On avait envoyé une invitation aux Spartiates, et le vieil Agésilas, alors dans sa quatre-vingtième année, était en pleine marche avec les forces lacédæmoniennes pour se rendre à Mantineia. En outre, le contingent athénien était immédiatement attendu, précieux surtout par sa cavalerie, vu que les Péloponnésiens n’étaient pas forts en cette sorte d’arme, — quelques-uns dans le fait n’en ayant pas. Épaminondas établit son camp et sa place d’armes clans les murs de Tegea, précaution que Xénophon loue en ce qu’elle donnait à ses troupes plus de sécurité et de bien-être et laissait à l’ennemi moins de facilité pour observer ses mouvements[50]. Il s’avança ensuite vers Mantineia pour provoquer l’ennemi à un engagement avant que les Spartiates et les Athéniens eussent rejoint ; mais ils se tenaient soigneusement sur leurs gardes, tout près de Mantineia, trop fortement postés pour être forcés[51]. Quand il revint à son camp de Tegea, on lui apprit qu’Agésilas avec l’armée spartiate, après avoir quitté Sparte pour se rendre à Mantineia, avait déjà fait quelque progrès et était arrivé à Pellênê. Alors il résolut d’essayer de surprendre Sparte par une marche de nuit en partant soudainement de Tegea, qui était sur la route directe de Sparte à Mantineia, tandis qu’Agésilas, en allant de Sparte vers cette dernière ville, avait à suivre une route plus détournée vers l’ouest. Se mettant en mouvement peu après le repas du soir, Épaminondas conduisit l’armée thêbaine en toute hâte vers Sparte, et il s’était approché de cette ville, semblable à un nid de jeunes oiseaux sans protecteurs, à un moment où aucune résistance n’aurait pu être faite. Ni Agésilas, ni aucun autre ne s’attendait à un coup si hardi et si bien calculé, dont le succès aurait changé la face de la Grèce. Rien ne sauva Sparte que l’intervention providentielle des dieux[52], manifestée par ce hasard qu’un coureur krêtois alla en toute hâte vers Agésilas, avec la nouvelle que les Thêbains, partis de Tegea, étaient en pleine marche vers le sud, et qu’il arriva pour arrêter à temps ses progrès ultérieurs vers Mantineia. Agésilas retourna sur-le-champ à Sparte avec les troupes qui l’entouraient, et la ville fut mise ainsi en un état suffisant de défense avant l’arrivée des Thêbains. Toutefois, bien que suffisantes pour la circonstance, ses troupes n’étaient pas nombreuses, car la cavalerie spartiate et les forces mercenaires étaient encore absentes ; elles avaient été envoyées en avant à Mantineia. On expédia au gros de l’armée qui se trouvait près de cette ville l’ordre de venir immédiatement et à la hâte au secours de Sparte[53]. La marche d’Épaminondas n’avait été entreprise que sur la probabilité, qui fut tout près d’être réalisée, de trouver Sparte sans défense (362 av. J.-C.). Il n’était pas en état d’attaquer la ville, si elle était passablement occupée, — encore moins de perdre du temps devant elle ; car il savait que l’ennemi partant de Mantineia le suivrait immédiatement en Laconie, où il ne voulait pas engager une action générale. Il avait trouvé qu’il était impossible de prendre Sparte, cette cité non fortifiée, inattaquable toutefois, même lors de sa première invasion de 370-369 avant J.-C., alors qu’il avait la plus grande partie du Péloponnèse en coopération active avec lui, et que les Lacédæmoniens n’avaient pas d’armée en campagne. Conséquemment, bien qu’il traversât l’Eurotas et entrât réellement dans la cité de Sparte[54] (qui n’avait pas de murs pour l’arrêter), cependant, dès qu’il aperçut les toits garnis de soldats et d’autres préparatifs de résistance, il s’avança avec beaucoup de précaution, salis s’aventurer clans les rues et au milieu des maisons occupées. Il essaya seulement de se rendre maître de divers points du terrain élevé qui commandait la cité, d’où il pouvait, être possible d’attaquer les défenseurs avec avantage. Mais même là, bien qu’inférieurs en nombre, ils l’empêchèrent de produire quelque effet. Et Archidamos, fils d’Agésilas, faisant une sortie inattendue au delà de la ligne de défense avec une petite compagnie de cent hoplites, gravit un terrain difficile devant lui, et chargea les Thêbains même sur la colline avec une telle vaillance qu’il les repoussa réellement avec quelques pertes, et les poursuivit pendant un certain espace jusqu’à ce qu’il fût lui-même repoussé et forcé de se retirer[55]. De même, la bravoure du Spartiate Isidas, fils de ce Phœbidas qui s’était emparé de la Kadmeia thêbaine, fit un honneur signalé à Sparte dans ce jour de son déclin comparatif. Remarquable par sa beauté et sa taille, ce jeune homme s’élança en avant nu et saris bouclier, le corps frotté d’huile comme dans la palestre. Une lance à la main droite et une épée à la gauche, il se précipita au milieu des ennemis, portant la mort et la destruction ; malgré cela, on le laissa revenir sans blessure, si grand fut l’effroi qu’inspirèrent son singulier aspect et sa hardiesse désespérée. Les éphores lui accordèrent ensuite une couronne d’honneur, mais en même temps ils le condamnèrent à une amende pour s’être exposé sans armure défensive[56]. Bien que les Spartiates déployassent en cette circonstance une valeur honorable, cependant ces succès, insignifiants en eux-mêmes, grandissent en importance seulement par la partialité de Xénophon. Le fait principal était qu’Agésilas avait été averti accidentellement de manière à pouvoir revenir à Sparte et la mettre en état de défense avant l’arrivée des Thêbains. Aussitôt qu’Épaminondas en fut certain, il vit que son projet n’était plus praticable et il ne fit rien de plus que d’examiner la ville dans soli pourtour, pour, voir s’il pourrait découvrir quelque point vulnérable sans se jeter dans une attaque hasardeuse. Désappointé dans ce premier projet, il s’appliqua, avec un esprit de ressources également prompt et des mouvements aussi rapides, à l’exécution du second. Il savait que l’armée ennemie de Mantineia serait immédiatement mise en marche pour Sparte, afin qu’elle éloignât tout danger de cette cité. Or, la route directe de Mantineia à Sparte (course presque droite vers le sud pendant tout le chemin) passant par Tegea, était ouverte à Épaminondas, mais non aux ennemis qui étaient forcés de prendre une autre voie plus détournée, probablement par Asea et par Pallantion, de sorte qu’il était réellement plus près qu’eus de Mantineia. Il se décida à retourner sur-le-champ à Tegea, pendant qu’ils se dirigeaient vers Sparte et avant qu’ils pussent être instruits de son changement de dessein. En conséquence il partit, sans un moment de repos à peine, et il revint à Tegea, où il devint absolument indispensable de donner du repos à ses hoplites après de si grandes fatigues. Mais il envoya sans aucun délai sa cavalerie en avant pour surprendre Mantineia, qui était à ce moment (il le savait bien) sans préparatifs et sans défense ; ses forces militaires étant absentes et en marche pour Sparte, et le reste de sa population, libre aussi bien qu’esclave, étant en grande partie occupée dans les champs à rentrer la moisson. Il fallait l’ascendant extraordinaire d’Épaminondas, — joint à sa véhémence à exposer l’importance du but, aussi bien que la probabilité du pillage, — pour déterminer les cavaliers fatigués à se soumettre à cette peine nouvelle, tandis que leurs camarades se refaisaient et se reposaient à Tegea[57]. Tout, près de Mantineia, se trouva dans l’état qu’Épaminondas prévoyait. Cependant la ville fut sauvée et son plan bien combiné détruit par une circonstance inattendue que les Mantineiens attribuèrent sans doute à la providence des dieux, — comme Xénophon considère l’avertissement préalable donné à Agésilas. La cavalerie athénienne était arrivée il n’y avait pas une heure et venait de mettre pied à terre dans les murs de Mantineia. Après être partie d’Eleusis (probablement après s’être assurée qu’Épaminondas n’occupait plus Nemea), elle prit son repas du soir et se reposa à l’isthme de Corinthe, où elle semble avoir éprouvé quelques pertes ou quelque accident[58]. Les cavaliers passèrent ensuite par Kleonæ pour se rendre à Mantineia, où ils arrivèrent sans avoir encore mangé de ce jour, ni eux ni leurs chevaux. Ce dut précisément après qu’ils furent parvenus à Mantineia, et quand ils n’avaient encore rien pris, que la cavalerie thêbaine et thessalienne parut soudainement, s’étant avancée même jusqu’au temple de Poseidôn, à moins d’un mille des portes[59]. Les Mantineiens furent frappés de terreur à cet événement. Leurs citoyens militaires étaient absents, en marche pour Sparte, tandis que les autres étaient dispersés dans les champs. Ainsi dénués de secours, ils implorèrent l’aide de la cavalerie athénienne nouvellement arrivée, qui, bien que fatiguée et affamée, s’avança immédiatement, et dans le fait elle était dans la nécessité de le faire puisque son propre saut en dépendait. Les assaillants étaient d’excellents cavaliers, Thêbains et Thessaliens, et plus nombreux que les Athéniens. Cependant la bravoure avec laquelle ces derniers combattirent, dans une action corps à corps et sanglante, fut telle qu’en somme ils eurent l’avantage, forcèrent les agresseurs à se retirer et eurent la satisfaction de sauver Mantineia avec tous ses citoyens et ses biens. Xénophon exalte[60] (et sans doute avec beaucoup de raison) la généreuse énergie que montrèrent les Athéniens, en avançant malgré leur faim et leur fatigue. Mais nous devons nous rappeler que la cavalerie thêbaine avait éprouvé une faim et une fatigue encore plus grandes, — qu’Épaminondas ne l’aurait jamais envoyée dans cet état s’il se fût attendu à quelque résistance sérieuse, et qu’elle se dispersa probablement jusqu’à un certain point, dans le dessein de piller et de saisir de quoi se nourrir dans les champs qu’elle traversait, de sorte qu’elle se trouva en désordre quand les Athéniens se jetèrent sur elle. Le commandant de cavalerie athénien Kephysodôros[61] et Gryllos (fils de l’historien Xénophon), qui servait alors avec son frère Diodoros dans la cavalerie athénienne, furent tous deux tués dans la bataille. Un mémorable tableau, à Athènes, du peintre contemporain Euphranôr rappelait et la bataille et la bravoure personnelle de Gryllos, à la mémoire duquel les Mantineiens rendirent aussi des honneurs distingués. Voilà, deux mouvements successifs d’Épaminondas, tous deux bien conçus, qui cependant échouèrent tous deux par accident sans qu’il eût rien omis personnellement. Il avait ses forces concentrées à Tegea, tandis que les ennemis de leur côté, revenus de Sparte, formaient un camp commun dans le voisinage de Mantineia. Ils comprenaient des Lacédæmoniens, des Eleiens, des Arkadiens, des Achæens et des Athéniens, au nombre en tout de vingt mille fantassins et de deux mille chevaux, si nous pouvons nous fier à l’assertion de Diodore[62] qui porte aussi les troupes d’Épaminondas à trente mille fantassins et à trois mille chevaux. On ne peut attribuer que peu de valeur à l’une ou à l’autre de ces estimations, et on ne sait pas d’une manière certaine laquelle des deux armées était la plus nombreuse. Plais Épaminondas nit qu’il ne lui restait actuellement aucune chance de frapper un coup, si ce n’est par une bataille rangée, et il ne désespérait pas du tout du résultat[63]. Il avait amené ses alliés septentrionaux pour un temps limité, temps qu’ils n’étaient probablement pas disposés à prolonger, vu que la saison de la moisson approchait à ce moment. De plus, son fonds de provisions était à peine suffisant[64], la nouvelle moisson n’étant pas encore faite, tandis que la récolte de l’année précédente était probablement presque épuisée. Il prit donc la résolution d’attaquer l’ennemi sur-le-champ. Mais je ne puis adopter la manière de voir de Xénophon, qui pense que cette résolution fut imposée à Épaminondas, contre sa propre volonté, par une position désespérée, qui le mettait dans l’impossibilité de se retirer sans combattre, — par le désappointement qu’il éprouva en trouvant si peu d’alliés de son côté, et un si grand nombre réuni contre lui, — et par la nécessité d’effacer la honte des deux insuccès récents (â Sparte et à Mantineia) ou de périr en l’essayant[65]. C’est une appréciation de la position d’Épaminondas qui ne s’accorde pas avec les faits racontés par Xénophon lui-même. Ce n’avait pu être une surprise pour le général thêbain que le temps fût arrivé d’ordonner une bataille. Avec quelle autre pensée était-il venu dans le Péloponnèse ? Ou clans quel autre dessein avait-il pu amener une armée si nombreuse ? En admettant qu’il comptait sur plus d’appui dans le Péloponnèse qu’il n’en trouva réellement, nous ne pouvons croire qu’il ait espéré que sa seule présence, sans combat, suffirait pour abattre des ennemis courageux aussi bien que puissants. Xénophon exagère l’importance des récentes défaites (comme il les appelle) essuyées devant Sparte et Mantineia. C’étaient des échecs ou des désappointements plutôt que des défaites. En arrivant à Tegea, Épaminondas avait jugé praticable (ce qu’il n’avait pu savoir à l’avance) de tenter un coup de main, d’abord contre Sparte, ensuite contre Mantineia. C’étaient des occasions favorables et accidentelles que son génie discerna et qu’il mit à profit. Leur succès, qui manqua réellement de si peu de chose, eût été un avantage prodigieux obtenu[66] ; mais leur insuccès accidentel ne le laissa pas dans un état pire qu’il n’avait été auparavant. Il lui restait donc, maintenant qu’il avait l’ennemi devant lui en rase campagne, et qu’il n’avait plus d’occasion de le frapper à l’improviste par des coups de côté, à le combattre ouvertement ; ce que lui et tous ceux qui l’entouraient ont dû considérer, dés le premier moment de leur entrée dans le Péloponnèse, comme le seul moyen probable de décider le débat. L’armée d’Épaminondas, loin d’éprouver ce sentiment d’espoir désappointé et de nécessité rigoureuse que Xénophon attribue à son commandant, était impatiente de combattre sous ses ordres, et une joie pleine d’enthousiasme s’empara d’elle quand il finit par déclarer son intention. Il l’avait tenue dans les murs de Tegea, non seulement lui donnant ainsi de meilleurs quartiers et un repos plus complet, mais encore cachant ses opérations à l’ennemi qui, de son côté, était campé sur la frontière du territoire mantineien. Joyeux de la perspective de sortir pour livrer bataille, les cavaliers et les hoplites d’Épaminondas se mettaient tous dans leur plus belle tenue. Les cavaliers blanchissaient leurs casques, — les hoplites fourbissaient leurs boucliers et affilaient leurs épées et leurs lances. Même les villageois arkadiens, rustiques et à moitié armés, qui n’avaient que des massues au lieu d’épée ou de lance, étaient impatients de partager les dangers des Thêbains et gravaient sur leurs boucliers (qui n’étaient probablement pas autre chose que de misérables carrés de bois) le signe symbolique[67]. L’ardeur et la confiance les plus grandes animaient tous les alliés, à mesure qu’ils quittaient les portes de Tegea et qu’ils se disposaient dans l’ordre de marelle commandé par Épaminondas. La haute plaine mantineio-tégéatique, élevée de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer (connue aujourd’hui comme plaine de Tripolitza), — est la plus grande de ce groupe de vallées au centre du Péloponnèse, dont chacune est si hermétiquement fermée par les montagnes qui se coupent, que les eaux n’ont d’autre issue que les montagnes elles-mêmes[68]. Elle s’étend en longueur du nord au sud et est bordée par la chaîne du mont Mænalos à l’ouest, et par celle de l’Artémision et du Parthenion à l’est. Elle a une largeur d’environ huit milles (= 12 kilom. 870 mèt.) dans sa partie la plus large, et d’un mille (1 kilom. 600 mèt.) dans la plus étroite. 1lantineia est située près de son extrémité méridionale ; la distance directe entre ces deus cités, dans une ligne qui ne dévie pas beaucoup du nord au sud, étant d’environ dix milles anglais (= 16 kilom.). La ligne frontière entre leurs deux domaines était formée par une partie de la vallée particulièrement étroites où un contrefort peu élevé s’avançant hors de la chaîne du Mænalos d’un côté, et un autre de l’Artémision du côté opposé, resserrent l’espace et forment une sorte de défilé défendable à près de quatre milles (6 kilom. 1/2 au sud de Mantineia[69] ; et éloigné ainsi de Tegea de six railles (= 9 kilom. 600 mét.) environ. C’était dans cette position, couvrant tout le territoire mantineien, qu’était concentrée l’armée opposée à Épaminondas ; le gros de l’armée lacédæmonienne aussi bien que le reste étant à ce moment revenu de Sparte[70]. Épaminondas, après être sorti de Tegea par la porte septentrionale, disposa son armée en colonnes de manière à pouvoir avancer aisément vers l’ennemi, lui-même avec les colonnes thêbaines formant l’avant-garde. Son ordre étant complété, il commença par marcher clans une direction qui le menait droit à l’ennemi. Mais bientôt il changea sa course et tourna à gauche vers la chaîne du Mænalos, qui forme la limite occidentale de la plaine, et à laquelle il arriva à ; quelque endroit voisin de la moderne Tripolitza. De là il poursuivit sa marche vers le nord, en longeant le flanc de la montagne du côté qui se trouve vis-à-vis de Tegea ou lui fait face[71], jusqu’à ce qu’enfin il approchât de la position de l’ennemi, sur son flanc droit. Là il s’arrêta, et fit faire à ses colonnes front à droite, formant ainsi une ligne, ou phalange, de profondeur modérée, qui faisait face à l’ennemi. Pendant la marche, chaque lochos, ou compagnie, avait marché en une seule file avec le lochagos ou capitaine (habituellement le soldat le plus fort et le meilleur du lochos) à la tête, bien que nous ne sachions pas combien de ces lochagi marchaient de front, ni quelle était la largeur de la colonne. Quand la phalange, ou rang faisant face à l’ennemi, fut formée, chaque lochagos fut naturellement en ligne avec sa compagnie et à sa gauche, tandis que les Thêbains et Épaminondas lui-même étaient à la gauche de toute la ligne. Dans cette position, Épaminondas donna l’ordre de déposer les armes[72]. Les ennemis, qui l’avaient observé continuellement depuis qu’il avait quitté Tegea et formé son ordre de marche, avaient supposé d’abord qu’il s’avançait droit sur le front de leur position et ils s’attendaient ainsi à une bataille prochaine. Niais quand il tourna à gauche dans la direction des montagnes, de sorte que pendant quelque temps il ne se rapprocha pas sensiblement de leur position, ils commencèrent à croire qu’il n’avait pas l’intention de combattre ce jour-là. Cette opinion, une fois née, dura encore, bien que même, en avançant le long des extrémités de la montagne, il arrivât graduellement tout prés de leur flanc droit, Ils furent encore confirmés dans la même supposition ; quand ils virent sa phalange déposer les armes, ce .qu’ils expliquèrent comme indiquant qu’il était sur le point de camper à l’endroit où il était. Probablement Épaminondas peut avoir simulé quelques autres préliminaires de campement, vu que sa marche à partir de Tegea semble avoir été arrangée dans le dessein en partie de donner cette fausse idée à ses ennemis, en partie d’arriver sur leur flanc droit au lieu d’arriver sur leur front. Il réussit complètement dans son dessein. Les soldats du côté lacédæmonien, croyant qu’il n’y aurait pas de bataille avant le lendemain, laissèrent le désordre se mettre dans leurs rangs et se dispersèrent, dans la plaine. Beaucoup de cavaliers ôtèrent même leurs cuirassés et débridèrent leurs chevaux. Et ce qui n’avait guère moins d’importance, — cette disposition d’esprit créée dans le soldat, qui le préparait pour le moment de l’action et que des commandants prévoyants ne négligeaient jamais, s’il était possible, d’enflammer à ce moment par une harangue spéciale, — on la laissa s’affaiblir et disparaître[73]. Toute l’armée fut tellement persuadée qu’Épaminondas avait l’intention de camper, qu’elle lui permit, non seulement sans y mettre obstacle, mais même sans concevoir de soupçon, de faire tous ses mouvements et de prendre toutes ses dispositions préparatoires pour une attaque immédiate. Une pareille imprévoyance nous surprend, quand nous nous rappelons que le plus habile commandant et les meilleures troupes de la Grèce étaient si près de la droite de leur position. On doit l’expliquer en partie, probablement, par ce fait que le commandement spartiate touchait actuellement à sa fin et qu’il n’y avait pas de chef suprême auquel tout le corps des alliés lacédæmoniens témoignât de la déférence. Si l’un des deux rois de Sparte était présent, — point qui ne peut être reconnu distinctement, -il ne commandait qu’aux troupes lacédæmoniennes. Dans l’armée alliée entière, les Mantineiens occupaient l’extrême droite — comme dans une occasion précédente, parce que la bataille se livrait dans leur territoire[74] et que les Lacédæmoniens avaient perdu leur privilège jadis reconnu — avec les autres Arkadiens. Au centre droit et au centre étaient les Lacédæmoniens, les Éleiens et les Achæens ; à l’extrême gauche, les Athéniens[75]. Il y avait de la cavalerie sur les deux ailes, athénienne, à la gauche, — éleienne à la droite, étendue sans avoir plus de profondeur qu’à l’ordinaire et sans mélange d’infanterie légère avec les cavaliers[76]. Dans la phalange d’Épaminondas, lui-même avec les Thêbains et, les Bœôtiens était à gauche, les Argiens à droite, les Arkadiens, les Messêniens, les Eubœens, les Sikyoniens et autres alliés au centre[77]. Son dessein était de répéter le même plan général d’attaque qui avait si complètement réussi à Leuktra, de conduire la charge lui-même avec les Bœôtiens à la gauche contre la droite ou centre droit de l’ennemi, de culbuter celui-ci avec des forces irrésistibles, tant d’infanterie que de cavalerie, tandis qu’il retiendrait en arrière sa droite et son centre, composés de troupes moins sûres, jusqu’à ce que la bataille eût été décidée ainsi totalement ou en partie. En conséquence, sur son ordre, les hoplites bœôtiens, qui occupaient la gauche de sa ligne en lochi, ou compagnies, avec le lochagos, ou capitaine, à l’extrémité gauche de chacun, passèrent à la droite et se formèrent en colonne faisant face à l’ennemi, en avant du reste de sa, ligne. Les lochagi thêbains se trouvèrent ainsi placés immédiatement en face de l’ennemi, comme les têtes d’une colonne d’une profondeur extraordinaire, tous les hoplites de chaque lochos, et peut-être de plus d’un lochos, étant rangés en file derrière eux[78]. Quelle fut la profondeur réelle, ou quel était le nombre exact du lochos, c’est ce que notes ne savons pas. A Leuktra, Épaminondas avait attaqué avec cinquante boucliers de profondeur ; à Mantineia, la profondeur de sa colonne ne fut probablement pas moindre. Lui-même, avec les guerriers thêbains d’élite, était à la tête de cette colonne, et il comptait se faire jour dans la phalange des ennemis à quelque point qu’il chargeât, puisque leurs files n’avaient guère plus de huit hommes en profondeur et étaient très insuffisantes pour résister à un choc si écrasant. Sa colonne devait pénétrer dans la phalange de l’ennemi, comme la proue d’une trirème poussée dans un combat naval contre le milieu de son antagoniste. Ce ne fut apparemment que les hoplites bœôtiens que l’on forma ainsi en colonnes projetées en avant, tandis qu’on laissa encore les autres alliés dans leur phalange ordinaire ou lignes[79]. Épaminondas comptait que, quand il se serait fait jour une fois dans la phalange de l’ennemi, à un seul point, le reste ou prendrait la fuite, ou serait si découragé, que ses alliés arrivant en phalange pourraient facilement en venir à bout. Vis-à-vis de la cavalerie placée à l’aile droite de l’ennemi, et qui était rangée seulement avec la profondeur ordinaire d’une phalange d’hoplites (quatre, six, ou peut-être huit de profondeur)[80] et sans infanterie légère mêlée dans les rangs, — le général thébain plaça à sa gauche son excellente cavalerie thêbaine et thessalienne, mais en colonne forte et profonde, de manière à lui assurer également une puissance supérieure d’attaque. Il mêla de plus dans ses rangs quelques agiles fantassins, akontistæ et frondeurs, dont la Thessalia et le golfe Maliaque lui avaient fourni un grand nombre[81]. Il restait une autre précaution à prendre. Sa colonne profonde thêbaine et bœôtienne, en avançant pour charger, était exposée sur son côté droit, que ne protégeait pas le bouclier, à l’attaque des Athéniens, en particulier de la cavalerie athénienne, sur la gauche de l’ennemi. Pour la mettre en garde contre un pareil mouvement, il posta, sur un terrain qui s’élevait prés de sa droite, un corps spécial de réserve, tant d’infanterie que de cavalerie, destiné à prendre les Athéniens en queue s’ils le tentaient. Toutes ces nouvelles dispositions pour l’attaque, faites sur place, ont dû occuper du temps et causer beaucoup de mouvement apparent. Constituer sur sa gauche pour l’attaque tant la colonne d’infanterie que la colonne de cavalerie, — et poster le corps de réserve sur le terrain élevé à sa droite contre les Athéniens, — c’étaient dés opérations que, les ennemis de leur position voisine ne pouvaient ne pas voir. Cependant ou ils ne remarquèrent pas ou ils ne comprirent pas ce qui se faisait[82]. Et ce ne fut que quand Épaminondas, vouant que tout était achevé, donna réellement le commandement de relevez vos armes, qu’ils eurent quelque soupçon du danger qui les menaçait. Aussitôt qu’ils le virent en pleine marche s’avancer rapidement vers eux, la surprise et un mouvement tumultueux se ; répandirent dans leur division. Les hoplites dispersés coururent à leurs places ; les officiers firent tous leurs efforts pour établir un ordre régulier ; les cavaliers se hâtèrent de brider leurs chevaux et de reprendre leurs cuirasses[83]. Et bien que l’espace qui séparait les deux armées fût assez large pour permettre de remédier en partie à ce mal, — cependant des soldats pris ainsi à l’improviste, pressés et troublés, n’étaient pas en état de soutenir le terrible choc d’hoplites thébains d’élite en colonne profonde. Les grandes forces d’attaque, tant de cavalerie que d’infanterie, qu’Épaminondas organisa à sa gauche, furent triomphantes dans les deux parties. Sa cavalerie, puissamment aidée par les akontistæ et les troupes légères de Thessalia qui y étaient mêlées, rompit et mit en déroute la cavalerie qu’elle avait devant elle, et ensuite, s’abstenant de toute poursuite, elle se rabattit sur la colonne d’infanterie. Épaminondas, de son côté, avec sa colonne thêbaine en vint à un combat corps à corps avec la ligne d’infanterie mantineienne et lacédæmonienne, qu’après une lutte désespérée soutenue à l’aide du bouclier, de la lance et de l’épée, il accabla par une force et un poids supérieurs. Il se fit jour, à ce point, à travers la ligne d’infanterie de l’ennemi, en forçant les Lacédæmoniens qu’il avait devant lui, après une résistance brave et meurtrière, à tourner le dos et à s’enfuir. Le reste des troupes de la ligne ennemie, voyant la meilleure portion de leur armée défaite et en fuite, lâchèrent pied et s’enfuirent également. Le centre et la droite d’Épaminondas, dont le front était moins avancé, entrèrent à peine en lutte avec l’ennemi avant que sa charge eût produit son effet ; aussi trouvèrent-ils les troupes qu’ils attaquaient déjà hésitantes et découragées. Les fantassins achæens, éleiens et autres de ce côté plièrent après une courte résistance, surtout, à ce qu’il paraîtrait, par l’effet de la contagion et de l’alarme, quand ils virent les Lacédæmoniens en déroute. Toutefois les Athéniens, et en particulier la cavalerie, à l’aile gauche de leur armée, semblent avoir été engagés dans une rencontre sérieuse avec la cavalerie qui leur était opposée. Diodore affirme[84] qu’ils étaient défaits, après avoir vaillamment combattu, jusqu’à ce que la cavalerie éleienne de la droite vînt à leur secours. Ici, comme sur beaucoup d’autres points, il est difficile de concilier son récit avec Xénophon, qui donne clairement à entendre que le poids de l’action tomba sur la gauche thêbaine, et sur la droite et le centre lacédæmoniens, — et dont le récit nous ferait plutôt croire que la cavalerie éleienne, battue a sa droite, a pu être secourue par la cavalerie athénienne de la gauche, renversant ainsi l’assertion de Diodore. Toutefois, par rapport à cette importante bataille, nous ne pouvons rien saisir avec confiance au delà du trait déterminant capital et du résultat définitif[85]. Les calculs d’Épaminondas furent complètement réalisés. La charge irrésistible, tant d’infanterie que de cavalerie, qu’il exécuta avec son aile gauche, non seulement défit les troupes qu’il avait immédiatement devant lui, mais fit que toute l’armée ennemie prit la fuite. Ce fut dans ces circonstances victorieuses, et au moment où, à la tête de la colonne thêbaine, d’infanterie, il serrait l’ennemi qui se retirait, qu’il reçut une blessure mortelle d’un coup de lance dans la poitrine. Il était, par habitude et par caractère, toujours le premier a braver le danger, et, dans cette journée, probablement il s’exposa tout particulièrement, comme moyen d’encourager ceux qui l’entouraient et d’assurer le succès de sa propre charge, qui devait avoir tant d’importance ; en outre, un général grec combattait à pied clans les rangs et portait les mêmes armes (lance, bouclier, etc.) qu’un simple soldat. Diodore nous dit que l’infanterie lacédæmonienne faisait une résistance prolongée, quand Épaminondas se mit à la tête des Thébains pour un effort nouveau et désespéré, qu’il fit quelques pas en avant, lança sa javeline et tua le commandant lacédæmonien ; qu’après avoir tué plusieurs guerriers, et intimidé les autres, il les força à plier ; que les Lacédæmoniens, le voyant en avant de ses compagnons, se tournèrent sur lui et l’accablèrent de traits ; il en évita quelques-uns, il en écarta d’autres avec son bouclier, tandis que d’autres, qui avaient réellement pénétré dans son corps et l’avaient blessé, il les arracha et s’en servit pour repousser l’ennemi. Enfin une lance le frappa à la poitrine et lui fit une blessure mortelle[86]. Je ne puis omettre complètement de mentionner ces détails, qui passaient jadis pour une partie de l’histoire grecque, bien qu’ils semblent le produit d’une imagination fraîche de la lecture de l’Iliade plutôt qu’un récit d’un combat réel de Thêbains et de Lacédæmoniens, remarquables les uns et les autres pour le combat corps à corps, avec la longue lance et le bouclier pesant. La blessure mortelle d’Épaminondas, d’un coup de lance dans la poitrine, est la seule partie du cas que nous connaissions réellement. Le manche de la lance se brisa, et la pointe resta fixée dans sa poitrine. Il tomba immédiatement, et, comme l’ennemi était à ce moment en retraite, il tomba dans les bras de ses propres compagnons. Il n’y eut pas de dispute pour la possession de son corps, comme il y en avait eu pour Kleombrotos à Leuktra. La nouvelle de sa blessure mortelle se répandit dans son armée avec la rapidité de la flamme, et l’effet qu’elle produisit fut l’un des phénomènes les plus extraordinaires de toute l’histoire militaire grecque. Je le donne avec les termes de l’historien contemporain. Ce fut ainsi (dit Xénophon) qu’Épaminondas arrangea son ordre d’attaque, et il ne fut pas trompé dans son attente. Car après avoir été victorieux à l’endroit où il chargea lui-même, il força toute l’armée ennemie à prendre la fuite. Mais aussitôt qu’il tomba, ceux qui restaient n’eurent plus aucun moyen d’user légitimement de la victoire. Bien que la phalange de l’infanterie ennemie fût en pleine fuite, les hoplites thébains ne tuèrent pas un seul homme de plus et ne firent point un pas en avant au delà du terrain réel de la lutte. Bien que la cavalerie de l’ennemi fût aussi en pleine fuite, cependant les cavaliers thêbains ne continuèrent pas leur poursuite et ils ne tuèrent plus ni hoplites ni cavaliers, mais ils se retirèrent du milieu des ennemis en retraite avec la timidité d’hommes vaincus. Les troupes légères et les peltastes, qui avaient été mêlés à la cavalerie thêbaine et l’avaient aidée dans sa victoire, se répandirent vers la gauche de l’ennemi avec la sécurité de vainqueurs ; mais là — n’étant pas soutenus par leurs propres cavaliers —, ils furent pour la plupart taillés en pièces par les Athéniens[87]. |
[1] Diodore, XV, 79.
[2] Voir le sentiment exprimé par Démosthène, cont. Leptin., p. 849, s. 121, discours prononcé en 355 av. J.-C., huit ans après la destruction d’Orchomenos.
[3] Démosthène, De Pace, p. 62, s. 21 ; Philippic., II, p. 69, s. 15 ; Fals. Legat., p. 375, s. 122 ; p. 387, s. 162 ; p. 445, s. 373.
[4] Diodore, XV, 57.
[5] Pausanias, IX, 15, 2.
Diodore place dans la même année tous les trois faits : — 1° L’expédition maritime d’Épaminondas. 2° L’expédition de Pélopidas en Thessalia, sa mort, et les victoires thébaines suivantes sur Alexandre de Pheræ. 3° La conspiration des Chevaliers orchoméniens et la destruction d’Orchomenos.
L’année dans laquelle il les place est l’archontat de Timokratês, — du solstice d’été de 364 à celui de 363 avant J.-C.
Que la destruction d’Orchomenos ait été effectuée pendant l’absence d’Épaminondas et qu’il en ait été grandement affligé à son retour, — c’est ce qui est avancé distinctement par Pausanias, qui cependant (à mon avis) s’est trompé en ce qu’il rapporte l’absence d’Épaminondas à cette occasion antérieure où il était allé en Thessalia pour tirer Pélopidas du cachot d’Alexandre, 366 avant J.-C.
Cette date n’est pas aussi probable que la date assignée par Diodore ; et les conceptions chronologiques de Pausanias ne me semblent pas exactes.
[6] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 19.
[7] Xénophon, Helléniques, VII, 1, 43.
[8] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 17.
[9] Xénophon, Helléniques, III, 3, 30, 31.
[10] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 2.
[11] Xénophon, Helléniques, VII, 2, 26.
[12] Xénophon, Helléniques, VII, 1, 33.
[13] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 12.
[14] Il avait été enlevé à Élis par Agis, à la paix de 399 avant J.-C., après sa guerre victorieuse (Xénophon, Helléniques, III, 2, 31).
[15] Pausanias, VI, 22, 3.
[16] Xénophon, Helléniques, VII, 4,13-18 ; Diodore, XV, 77.
[17] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 26.
[18] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 27.
Les Thébains mentionnés ici doivent avoir été des soldats en garnison à Tegea, à Megalopolis ou à Messênê. Il n’était pas venu dans le Péloponnèse de nouvelles troupes thêbaines.
[19] Thucydide, V, 68 ; Xénophon, Rep. Laced., XII, 3 ; XIII, 6.
[20] Justin (VI, 6) fait allusion à la prise de Kromnos par les Lacédæmoniens et à la blessure reçue par Archidamos.
[21] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 20-25.
[22] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 27. La conjecture de Palmerius, — τοΰ κατά τούς Άργείους, — semble ici juste et nécessaire.
[23] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 27.
[24] Thucydide, IV, 40.
[25] Xénophon, Helléniques, III, 2, 31.
[26] Xénophon, Helléniques, VII, 2, 29. Cf. Pausanias, VI, 22, 2.
[27] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 29.
Diodore représente l’événement (XV, 78) d’une manière erronée. Selon lui, les Eleiens étaient occupés à célébrer la fête quand les Pisans et les Arkadiens s’avancèrent pour les attaquer. Les Éleiens furent réellement les agresseurs.
[28] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 29.
Le τέμενος doit ici être distingué de l’Altis, comme signifiant la largeur entière du terrain consacré à Olympia, dont l’Altis formait une partie intérieure plus petite fermée par lin mur. Les Eleiens entrèrent dans le τέμενος avant de traverser le Kladaos, qui coulait à travers le τέμενος, mais le long de l’Altis. La tombe d’Œnomaos, qui sans doute était comprise dans le τέμενος, était placée sur la rive droite du Kladaos (Pausanias VI, 21, 3), tandis que l’Altis était sur la rive gauche de la rivière.
Le colonel Leake (dans ses Peloponnesiaca, p. 6, 107), a donné une exposition abondante et instructive du terrain d’Olympia, aussi bien que des indications laissées par Pausanias à ce sujet. Par malheur, on ne peut établir que peu de chose avec certitude, si ce n’est la position du grand temple de Zeus dans l’Altis. Ni les positions assignées aux divers bâtiments, au Stade ou à l’Hippodrome, parle colonel Leake, — ni celles indiquées par Kiepert dans le plan compris dans ses cartes, — ni celles que propose Ernst Curtius, dans le plan annexé à sa récente dissertation appelée Olympia (Berlin, 1852), — ne reposent sur des preuves suffisantes. Il se peut que des fouilles futures révèlent plus tard beaucoup de ce qui est inconnu actuellement.
Toutefois je ne puis être d’accord avec le colonel Leake, qui suppose que Pisa fut à une époque une cité, abandonnée ensuite.
[29] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 32.
[30] Diodore, XV, 78 ; Pausanias, VI, 8, 2.
[31] Tacite, Histoires, I, 40. Il décrit le meurtre de Galba dans le forum romain, par les soldats d’Othon : Aussitôt le soldat romain, du même zèle que si c'était Vologèse ou Pacorus qu'il allât renverser du trône des Arsacides, et non son empereur, un homme sans armes, un vieillard, qu'il voulût massacrer, disperse la multitude, foule aux pieds le sénat, et terrible, le fer en main, courant de toute la vitesse des chevaux, se précipite dans le Forum.
[32] Xénophon, Helléniques, 4, 32.
[33] Xénophon, Helléniques, III, 2, 26 ; Polybe, IV, 73.
[34] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 33, 34.
[35] Thucydide, I, 121. — Periklês, dans son discours à Athènes, fait allusion à ce dessein tacitement admis des Spartiates et de leur confédération (Thucydide, I, 143).
[36] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 33, 34 ; Diodore, YV, 82 ; Pausanias, VIII, 8, 6.
[37] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 33.
[38] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 34.
[39] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 34.
La phrase employée ici par Xénophon, pour décrire le parti oligarchique, marque son sentiment philo-laconien.
[40] Xénophon, Helléniques, l. c.
[41] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 37, 38.
[42] Xénophon, Helléniques, VII, 39.
[43] Ce que dit Diodore (IV, 83), bien que très vague et très peu précis, nous donne à entendre que les deux partis rivaux à Tegea en vinrent à un conflit d’armes réel, à l’occasion de la paix.
[44] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 40.
[45] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 1.
[46] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 2, 3.
[47] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 5 ; Diodore, XV, 85.
[48] Diodore, XV, 85.
[49] L’explication que donne Xénophon de cette halte à Nemea, — comme si Épaminondas y était déterminé par une haine particulière d’Athènes (Helléniques, VII, 5, 6), — semble à la fois bizarre et inspirée par la mauvaise humeur.
[50] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 8.
[51] Plutarque, De Gloriâ Athen., p. 346 B.
[52] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 10.
Diodore coïncide dans le fait principal (XV, 82, 83), bien qu’avec beaucoup d’inexactitudes de détail. Il donne une idée très imparfaite de ce danger immense que courut Sparte, et qui est complètement attesté par Xénophon, même contre sa propre partialité.
Kallisthenês affirmait que la nouvelle critique avait été portée à Agésilas par un Thespien nommé Euthynos (Plutarque, Agésilas, c. 34).
[53] Xénophon, (Helléniques, VII, 5, 10, 11) décrit ces faits d’une manière qui diffère sur plusieurs points de Polybe (IX, 8), et de Diodore (XV, 83). L’autorité de Xénophon me parait meilleure en elle-même, tandis que son récit est également plus probable. Il avance distinctement qu’Agésilas apprit la nouvelle de la marche thêbaine pendant qu’il était encore à Pellênê (sur la route qui menait à Mantineia, ville où une portion considérable des troupes spartiates s’était déjà rendue), — qu’il revint aussitôt sur ses pas, et qu’il parvint à Sparte avant Épaminondas, avec une division peu nombreuse, suffisante toutefois pour mettre la ville en état de défense. Tandis que Polybe affirme qu’Agésilas apprit la nouvelle quand il était à Mantineia, — qu’il alla de là à Sparte avec tente l’armée, mais qu’Épaminondas atteignit Sparte avant lui, qu’il avait déjà attaqué la ville et pénétré dans la place du marché, quand Agésilas arriva et le repoussa. Diodore rapporte qu’Agésilas ne quitta jamais Sparte, mais que l’autre roi Agis, qui avait été envoyé avec l’armée à Mantineia, devinant les plans d’Épaminondas, fit prévenir Agésilas par d’agiles coureurs krêtois et le mit sur ses gardes.
Wesseling fait remarquer avec justesse que la mention d’Agis doit être une erreur ; que le second roi dé sparte à cette époque se nommait Kleomenês.
Polyen (II, 3, 10) dit exactement «Agésilas arriva à Sparte avant Épaminondas ; mais il ajoute beaucoup d’autres détails qui sont trop incertains pour être copiés.
[54] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 11.
[55] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 12, 13.
Justin (VI, 7) exagère beaucoup la grandeur et la violence de la lutte. Il dit par erreur qu’Agésilas n’arriva à Sparte qu’après Épaminondas.
[56] Plutarque, Agésilas, c. 34.
[57] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 14.
[58] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 15, 16.
Les mots — δυστυχήματος γεγενημένου έν Κορίνθω τοϊς ίππεΰσιν — font allusion à quelque chose que nous n’avons aucun moyen de reconnaître. Il est possible que les Corinthiens, qui étaient en paix avec Thèbes et avaient été maltraités par Athènes (VII, 4, 6, 10), aient vu avec déplaisir, et même qu’ils aient inquiété les cavaliers athéniens, pendant que ceux-ci se reposaient sur leur territoire.
[59] Polybe, IX, 8.
[60] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 15, 16, 17.
Plutarque (De Gloriâ Athen., p. 346 D-E) raconte le fait général de cette bataille et de la délivrance de Mantineia, toutefois avec plusieurs inexactitudes que nous réfutons au moyen de Xénophon.
Diodore (XV, 84) mentionne la délivrance de Mantineia par l’arrivée inattendue des Mantineiens ; mais il les présente comme étant six mille soldats, c’est-à-dire hoplites, sous Hegelochos ; et il ne dit rien du combat de cavalerie. Hegelochos est nommé par Éphore, ap. Diogène Laërte, II, 54, — cf. Xénophon, De Vectigal (III, 7) comme général de l’armée entière envoyée par Athènes en cette occasion, consistant en infanterie aussi bien qu’en cavalerie. Leur infanterie a dû arriver un peu plus tard.
Polybe aussi (IX, 8), bien que concourant en général avec Xénophon, diffère en plusieurs détails. Je suis le récit de Xénophon.
[61] Harpocration, v. Κηφισόδωρος, Éphore, ap. Diogène Laërte, II, 53 ; Pausanias, I, 3, 4 ; VIII, 9, 8 ; VIII, 11, 5.
Il y a confusion, sur plusieurs points, entre le combat de cavalerie près de Mantineia, et la grande bataille ou bataille générale, qui ne tarda pas à se livrer et dans laquelle Épaminondas fut tué. On dit quelquefois que Gryllos périt dans la bataille de Mantineia et que même il tua Épaminondas de sa propre main. Il semblerait que le tableau d’Euphranôr représentait Gryllos, au moment où il tuait le commandant thébain, et que la tradition postérieure d’Athènes aussi bien que de Thèbes, donnait par erreur à ce commandant thêbain le nom d’Épaminondas.
Voir cette confusion discutée et éclaircie dans un bon article sur la bataille de Mantineia, par Arnold Schaefer, p. 58, 59, dans le Rheinischer Museum für Philologie (1846, Fünfter Jubrgang, Erstes Heft).
[62] Diodore, XV, 84.
[63] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 8.
[64] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 19.
[65] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 18.
[66] Polybe, IX, 8, 2.
[67] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 20.
Il semble qu’il y a une sorte de moquerie dans ces derniers mots, à l’adresse tant des Arkadiens que des Thêbains. Les Arkadiens armés de massues sont appelés όπλϊται et sont représentés comme se donnant pour valoir les Thêbains.
Sievers (Geschichte, page 312) et le Dr Thirlwall (Hist. Gr., c. 40, p. 200) suivent Eckhel, qui fait dire à ce passage que les hoplites arkadiens gravaient sur leurs boucliers la figure d’une massue, ce qui est le signe symbolique des Thêbains. Je ne puis croire que cette interprétation soit la meilleure, — du moins jusqu’à ce qu’il soit prouvé que le signe symbolique thêbain sur le bouclier était une massue. Xénophon ne dédaigne pas dans d’autres occasions de parler avec moquerie des hoplites thêbains. — V. VII, 5, 12. La mention de λόγχας καί μαχαίρας, immédiatement après, appuie l’opinion que ρόπαλα έχουτες, immédiatement avant, signifie hommes armés de massues, sens naturel des mots.
On dit que les cavaliers blanchissaient leurs casques (ou armures de tête). D’où je conclus que ces armets n’étaient pas frits de métal, mais de bois ou d’osier. Cf. Xénophon, Helléniques, II, 4, 25.
[68] Voir Travels in the Morea du colonel Leake, vol. III, ch. 24, p. 45.
[69] A trois milles de Mantineia (Leake, ibid., p 51-94) une épine basse de rochers, qui, s’avançant dans la plaine d’une partie avancée du Mænalium, formait une division naturelle entre les districts de Tegea et de Mantineia.
Cf. le même ouvrage, vol. I, ch. 3, p. 100, 112, 114, et le récent et important ouvrage de Ernst Curtius, Peloponnesos (Gotha, 1851, p. 232-247. Gell dit qu’un mur a jadis été mené en travers de la plaine a cette frontière (Itinerary of the Morea, p. 111-I43).
[70] V. les indications de la localité de la bataille dans Pausanias, VIII, 11, 4, 5 ; et colonel Leake comme il est cité plus haut.
[71] Xénophon, Helléniques, VII. 5, 21.
Le colonel Leake calcule que Tripolitza est à environ trois milles et demi (- 5 kilom. 600 mèt.) de l’emplacement de Tegea ; M. Dodwell donne une distance d’environ quatre milles (= 6 kilom. 400 mèt.), et l’Itinerary of the Morea de Gell à peu près la même.
Le colonel Leake compte environ huit milles (-12 kilom. 800 mèt.) de Tripolitza à Mantineia. Selon Gell, il y a deux heures et trois minutes ; selon Dodwell, deux heures et cinq minutes de marche, — ou sept milles (= 11 kilom. 1/4).
Colonel Leake, Travels in Morea, vol. 1, p. 88-100 ; Gell’s Itinerary, p. 141 ; Dodwell’s Travels, vol. II, p. 418-422.
Il semblerait qu’Épaminondas, dans cette seconde moitié de sa marche, a dû suivre de près la route de Mantineia à Pallantion. Pallantion était situé à O.-S.-O. de Tegea.
[72] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 22.
[73] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 22.
[74] Thucydide, V, 67 ; Pausanias, VIII, 9, 5 ; VIII, 10, 4.
[75] Diodore, XV, 85. Nous apprenons également par Xénophon que les Athéniens étaient sur la gauche (Helléniques, VII, 5, 24), bien qu’il ne décrive pas complètement l’arrangement des alliés ni d’un côté ni de l’autre.
[76] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 23.
[77] Ici encore, nous savons par Xénophon que les Thêbains étaient à gauche ; mais Diodore seul nous apprend l’arrangement général des autres contingents (XV, 85).
La Tactique d’Arrien nous fait également connaître (XI, 2) qu’Épaminondas forma ses colonnes d’attaque, à Leuktra, de Thêbains, — à Mantineia, de tous les Bœôtiens.
Au sujet de l’usage des Thêbains, tant à la bataille de Leuktra qu’après cette bataille, d’attaquer avec la gauche, voir Plutarque, Quæst. Roman., p. 282 D.
[78] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 22.
[79] Je suis d’accord avec Folard (Traité de la Colonne, p. 55-61, mis en tête de la traduction de Polybe), qui considère έμβολον comme une colonne, — plutôt que comme un coin se terminant en pointe vers la tête. Et je n’adopte pas l’explication de Schneider, qui dit : — Epaminondas phalangem contrahit sensim et colligit in frontem, ut cunei seu rostri navalis formam efficeret. Copiæ igitur ex utroque latere explicate transeunt in frontem ; hoc est, παράγειν εϊς μετώπον. — Il me parait que les troupes auxquelles Épaminondas fit faire une conversion pour les placer par devant et pour former la colonne avancée se composaient seulement de la division de gauche ou division thêbaine, les meilleures troupes de l’armée. De plus, tout le récit de Xénophon implique qu’Épaminondas attaqua avec sa gauche la droite, ou centre droit de l’ennemi. Il craignait que les Athéniens ne le prissent en flanc en partant de leur propre gauche.
[80] Cf. un cas semblable clans les Helléniques, de Xénophon, III, 4, 13, où la cavalerie grecque, dans l’armée asiatique d’Agésilas, fut rangée, dit-on, ώσπερ φάλαγξ έπί τεσσάρων, etc.
[81] Ces πέζοι άμιπποι, — fantassins armés à la légère mêlés dans les rangs de la cavalerie, — sont comptés comme un article important de l’établissement militaire du despote syracusain Gelôn (Hérodote, VII, 158).
[82] Il se peut qu’Épaminondas se soit arrangé pour cacher en partie ce qu’il faisait au moyen de mouvements de cavalerie exécutés sur le front de sa ligne. Polyen fait allusion à quelque chose de ce genre (II, 3, 14).
[83] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 22.
[84] Diodore, XV, 85.
L’orateur Æschine combattit parmi les hoplites athéniens en cette occasion (Æschine, Fals. Leg., p. 300, c. 53).
[85] La remarque que fait Polybe sur cette bataille mérite d’être signalée. Il dit que la description qu’en donnait Éphore était extrêmement inexacte et absurde, et qu’elle accusait une grande ignorance tant du terrain sur lequel elle avait été livrée que des mouvements possibles des armées. Il dit qui Éphore avait aussi montré la même incapacité en décrivant la bataille de Leuktra, cas clans lequel cependant son récit égarait moins, parce que cette bataille était simple et facilement intelligible, ne comprenant que les mouvements d’une seule aile de chaque armée. Mais quant à la bataille de Mantineia (dit-il), la description erronée d’Éphore était d’un effet bien plus déplorable, parce que cette bataille présentait beaucoup de complications et de science de commandement qu’Éphore ne comprenait pas du tout, comme pouvait le reconnaître quiconque mesurait le terrain et étudiait les mouvements rapportés dans ce récit (Polybe, VII, 25).
Polybe ajoute que Théopompe et Timée méritaient aussi peu de confiance qu’Éphore pour la description de batailles de terre. Cette remarque s’applique-t-elle spécialement à la bataille de Mantineia, c’est ce que je ne puis reconnaître. Toutefois, il fait honneur à Éphore pour plus de jugement et d’exactitude dans la description de batailles navales.
Par malheur, Polybe ne nous a pas donné sa propre description de cette bataille de Mantineia. Il en dit seulement assez pour nous faire comprendre combien la connaissance que nous avons des détails est imparfaite. Il y a trop lieu de craindre que le récit que nous lisons actuellement dans Diodore n’ait été emprunté dans une proportion considérable à cette même narration d’Éphore si déprisée ici.
[86] Diodore, XV, 87. Cornélius Nepos (Épaminondas, c. 9) semble copier la même autorité que Diodore, bien qu’il soit plus économe de détails. Il ne semble pas avoir lu Xénophon,
Je recommande de nouveau au lecteur une excellente note du docteur Arnold sur Thucydide, IV, 11, où il fait remarquer des exagérations et des embellissements semblables de Diodore dans la description de la conduite de Brasidas à Pylos.
[87] Xénophon, Helléniques, VII, 5, 25.