QUINZIÈME VOLUME
Le rétablissement de Mantineia fut probablement achevé pendant l’automne et l’hiver de 371-370 avant J.-C. Cette réunion de villages en une ville, jointe à la prédominance de sentiments hostiles à Sparte, parait avoir suggéré l’idée d’une union politique plus large parmi tous ceux qui portaient le nom arkadien. Jusqu’alors, une pareille union n’avait jamais existé ; les fractions du nom arkadien n’avaient rien en commun, séparément des autres. Grecs, si ce n’est maintes sympathies légendaires et religieuses, avec une croyance dans le même lignage héroïque et une antiquité indigène[1]. Mais à ce moment l’idée et l’aspiration, épousées avec une ardeur particulière par un Mantineien de marque nommé Lykomedês, se répandirent rapidement dans le pays ; on voulait former un commune Arcadum, ou autorité arkadienne centrale, composée dans certaines proportions de toutes les sections actuellement autonomes, — et investie du pouvoir péremptoire de décider par le vote de la majorité. Toutefois, ce pouvoir central n’était pas destiné à absorber ou à écarter les gouvernements séparés, mais seulement à être exercé pour certains buts définis, en maintenant l’unanimité à l’intérieur, avec une action commune, indépendante, quant aux États étrangers[2]. Ce plan d’une fédération panarkadienne fut ardemment favorisé par les Mantineiens, qui le considéraient comme une protection pour eux-mêmes dans le cas où la puissance spartiate viendrait à renaître ; aussi bien que par les Thêbains et les Argiens, de qui on attendait de l’aide en cas de besoin. Il trouva une grande faveur dans la plus grande partie de l’Arkadia, en particulier dans les petits districts touchant à la Laconie, qui avaient surtout besoin d’union pour se protéger contre les Spartiates, — les Mænaliens, les Parrhasiens, les Eutresiens, les Ægytês, etc.[3] Mais les jalousies dans les cités plus considérables en rendirent quelques-unes opposées à tout projet émanant de Mantineia. Au nombre de ces opposants hostiles étaient Heræa, à l’ouest de l’Arkadia confinant à l’Elis, — Orchomenos[4], limitrophe de Mantineia au nord, — et Tegea, limitrophe au sud. L’empire des Spartiates sur l’Arkadia avait été toujours maintenu principalement par Orchomenos et Tegea. La première était l’endroit où ils déposaient leurs otages pris aux autres villes suspectes ; la seconde était gouvernée par Stasippos et par une oligarchie dévouée à leurs intérêts[5]. Toutefois, une partie considérable de la population de Tegea se composait de partisans ardents du nouveau mouvement arkadien, et désirait rompre ses relations avec Sparte. A la tête de ce parti étaient Proxenos et Kallibios ; tandis que Stasippos et ses amis, appuyés par un sénat formé surtout de leurs partisans, s’opposaient avec véhémence à tout changement du système existant, Proxenos et ses partisans résolurent de faire un appel au peuple assemblé, que conséquemment ils convoquèrent en armes, des assemblées populaires pacifiques, avec une discussion libre, ne faisant vraisemblablement point partie de la constitution de la cité. Stasippos et ses amis parurent en nombre, armés également ; et il s’ensuivit un conflit, dans lequel chaque parti accusa l’autre d’avoir montré de la mauvaise foi et frappé le premier coup[6]. D’abord Stasippos eut l’avantage. Proxenos avec quelques hommes du parti opposé fut tué, tandis que Kallibios avec les autres se maintint prés du mur de la ville, et en possession de la porte, du côté tourne vers Mantineia. Il avait auparavant dépêché à cette ville un exprès, pour demander du secours, tandis qu’il ouvrait un pourparler avec les opposants. Bientôt arriva la force mantineienne, qui fut admise dans l’intérieur des portes ; alors Stasippos, voyant qu’il ne pourrait se maintenir plus longtemps, s’échappa par une autre porte vers Pallantium. Il se réfugia avec quelques amis dans un temple voisin d’Artemis, où il fut poursuivi par ses adversaires, qui enlevèrent le toit et se mirent à les accabler de tuiles. Ces malheureux furent obligés de se rendre. Chargés de chaînes et placés sur un chariot, on les ramena à Tegea, où ils furent jugés devant les Tégéens et les Mantineiens réunis qui les condamnèrent et les mirent à mort. Huit cents Tégéens, du parti défait, s’enfuirent comme exilés à Sparte[7]. Telle fut l’importante révolution qui s’opéra alors à Tegea ; lutte de force des deus côtés et non de discussion, — comme c’était dans la nature des gouvernements oligarchiques grecs, où à peine un changement sérieux quelconque de politique dans l’État pouvait s’effectuer sans violence. Elle décida le succès du mouvement panarkadien, qui dès lors marcha avec un redoublement d’enthousiasme (370 av. J.-C.). Mantineia et Tegea s’unirent cordialement en sa faveur, bien qu’Orchomenos, qui s’y opposait encore énergiquement, soudoyât dans ce dessein, aussi bien que pour sa propre défense, un corps de mercenaires de Corinthe sous Polytropos. Une assemblée complète du nom arkadien fut convoquée à une petite ville appelée Asea, dans le district montagneux à l’ouest de Tegea. Il parait que la réunion fut nombreuse, car on nous parle d’un endroit, Eutæa — dans le district du mont Mænalos[8], et près des frontières de la Laconie —, d’où tous les adultes mâles vinrent à l’assemblée. Ce fut là que l’achèvement de la confédération panarkadienne fut définitivement décidé, bien qu’Orchomenos et Heræa restassent encore à l’écart[9]. Il lie pouvait guère y avoir de coup plus fatal pour Sparte que d’avoir perdu pour elle-même, et de voir passer à ses ennemis, Tegea, le plus puissant des alliés qui lui restaient (370 av. J.-C.)[10]. Pour aider les exilés et venger Stasippos, et en même temps pour arrêter le mouvement arkadien, elle résolut de s’avancer dans le pays, malgré son état actuel de découragement, tandis que Heræa et Lepreon, mais pas d’autres villes, envoyèrent des contingents à son aide. D’autre part, il vint d’Élis et d’Argos des renforts à Mantineia et à Tegea. Déclarant que les Mantineiens avaient violé la paix récente en entrant dans Tegea, Agésilas franchit la frontière pour s’avancer contre eux. La première ville arkadienne où il parvint fut Eutæa[11], où il trouva que tous les mâles adultes s’étaient rendus a, la grande assemblée arkadienne. Bien que la partie plus faible de la population, restée dans la ville, fût complètement en sols pouvoir, il prit un soin scrupuleux de respecter et les personnes et les biens, et même il aida à rebâtir une partie de la muraille en ruine. Il s’arrêta à Eutæa un jour ou deux, jugeant prudent d’attendre la jonction de l’armée mercenaire et des exilés bœôtiens sous Polytropos, alors à Orchomenos. Cependant les Mantineiens commandés par Lykomêdês avaient marché contre cette dernière ville, tandis que Polytropos, sortant des murs pour aller à leur rencontre, avait été défait avec pertes et tué[12]. Cette circonstance força Agésilas à s’avancer avec ses seules forces, par le territoire de Tegea jusqu’au Voisinage de Mantineia. Sa marche en avant laissa libre la route d’Asea à Tegea ; alors les Arkadiens réunis à Asea levèrent l’assemblée, et se rendirent de nuit à Tegea, d’où le lendemain ils se mirent en marche pour Mantineia, le long de la chaîne de montagnes à l’ouest de la plaine tégéatique ; de sorte que toutes les forces arkadiennes se trouvèrent ainsi réunies. Agésilas, de son côté, après avoir ravagé les champs et s’être campé à un peu plus de deux milles des murs de Mantineia, fut agréablement surpris par l’arrivée de ses alliés d’Orchomenos, qui, par une marche de nuit, avaient éludé la vigilance de l’ennemi. D’un côté et de l’autre, les forces furent ainsi concentrées. Agésilas se trouva la première nuit, sans en avoir l’intention, dans le sein d’un enfoncement des montagnes près de Mantineia, et les Mantineiens s’assemblèrent sur les hauteurs alentour afin de l’attaquer d’en haut le lendemain matin. Par une retraite bien ménagée, il se tirs, de cette position incommode, et regagna la plaine, où il resta trois jours prêt à livrer bataille si l’ennemi avançait, afin de ne pas paraître (dit Xénophon) hâter son départ parce qu’il avait peur[13]. Comme l’ennemi se tint dans ses murs, il se dirigea vers Sparte le quatrième jour, et regagna son premier camp dans le territoire tégéen. L’ennemi ne le poursuivit pas, et alors il continua sa marche, bien qu’on fût avancé, dans la soirée, jusqu’à Eutæa. Il désirait (dit Xénophon) emmener ses troupes avant même qu’on pût voir les feux de l’ennemi, afin qu’il ne fût pas dit que son retour était une fuite. Il croyait avoir relevé l’esprit de Sparte de son découragement antérieur, en envahissant l’Arkadia, et en ravageant le pays sans qu’un ennemi se présentât pour le combattre[14]. L’armée fut ensuite ramenée à Sparte et licenciée. C’était actuellement devenu un sujet d’orgueil pour Agésilas (d’après son propre historien qui lui est si favorable) de tenir la campagne pendant deux ou trois jours ; sans témoigner de crainte au sujet des Arkadiens et des Eleiens ! Tant l’orgueil de Sparte s’était fatalement abattu, depuis le jour (il n’y avait pas de cela dix-huit mois) où elle avait envoyé à Kleombrotos l’ordre péremptoire de quitter la Phokis pour marcher droit sur Thèbes ! Néanmoins ce n’était pas par crainte d’Agésilas, mais par une sage discrétion, que les Arkadiens et les Eleiens étaient restés dans les murs de Mantineia. Épaminondas, avec l’armée thêbaine, approchait à leur aide et était attendu de jour en jour, une somme de dix talents ayant été prêtée par les Eleiens pour défrayer la dépense[15]. Il avait été appelé par eux et par d’autres États péloponnésiens plus petits, qui sentaient la nécessité d’un protecteur étranger contre Sparte, — et qui même avant de s’adresser à Thèbes avaient demandé à Athènes la même intervention — probablement à cause de la présidence acceptée par elle et des serments qu’elle avait échangés avec diverses cités inférieures, depuis la bataille de Leuktra —, mais qui avaient éprouvé un refus[16]. Épaminondas s’était toujours préparé pour cette éventualité depuis la bataille de Leuktra. Le premier usagé qu’il avait fait de sa victoire avait été d’établir ou de confirmer l’ascendant de Thèbes, tant sur les cités bœôtiennes récalcitrantes que sur les Phokiens et les Lokriens voisins, etc. Après avoir accompli cette tâche, il a dû être occupé (pendant la première partie de 370 av. J.-C.) à surveiller avec anxiété les mouvements de Jasôn de Pheræ, qui avait annoncé déjà son dessein de marcher avec une armée imposante sur Delphes pour la célébration des jeux Pythiens (vers le 1er août). Bien que ce despote fût l’allié de Thèbes, cependant sa puissance et ses aspirations à l’hégémonie de la Grèce[17] étaient bien connues ; aucun général thêbain, fût-il moins prudent qu’Épaminondas, ne pouvait oser, en face de tels dangers, emmener l’armée thêbaine dans le Péloponnèse, en laissant la Bœôtia découverte. L’assassinat de Jasôn délivra Thèbes de ces appréhensions, et quelques semaines suffirent pour montrer que les successeurs étaient beaucoup moins formidables par la puissance aussi bien que par le talent. Conséquemment, dans l’automne de 370 avant J.-C., Épaminondas fut libre de tourner son attention sur le Péloponnèse, dans le dessein de soutenir la révolution anti-spartiate qui s’était opérée dans Tegea, et de seconder le mouvement prononcé chez les Arkadiens vers une coalition fédérative. Mais les projets de cet homme distingué allaient encore plus loin ; ils embrassaient des arrangements à longue portée et permanents, destinés à mettre pour toujours Sparte hors d’état de recouvrer sa position dominante dans le monde grec. Tandis que d’une main il organisait l’Arkadia, de l’autre il prenait des mesures pour replacer les Messêniens exilés dans leur ancien territoire. Pour exécuter ce plan, il était nécessaire de déposséder les Spartiates de la région connue jadis comme Messênia indépendante, avec sa propre ligne de rois, mais actuellement, depuis près de trois siècles, formant la meilleure portion de la Laconie, labourée par des Ilotes au profit de propriétaires qui résidaient à Sparte. Tout en transformant ces Ilotes en Messêniens libres, comme leurs ancêtres l’avaient été jadis, Épaminondas se proposait de rappeler tous les membres errants de la même race dispersés dans diverses régions de la Grèce, de manière à appauvrir Sparte par la perte de son territoire, et à établir à la fois sur son flanc un voisin, ennemi mortel. Nous avons déjà mentionné que, pendant la guerre du Péloponnèse, les Messêniens exilés avaient été au nombre des alliés les plus actifs d’Athènes contre Sparte, — à Naupaktos, à Sphakteria, à Pylos, dans l’île de Kephallenia et ailleurs. Chassés à la fin de cette guerre par les Spartiates triomphants[18], non seulement du Péloponnèse, mais encore de Naupaktos et de Kephallenia, ces exilés avaient été dispersés depuis dans diverses colonies helléniques à Rhegium, en Italie, à Messênê en Sicile, à Hespérides en Libye. Depuis 404 avant J.-C. (la fin de la guerre) jusqu’à, 373 avant J.-C., ils étaient restés ainsi sans demeure. Enfin, vers la dernière année — où la flotte confédérée athénienne redevint égale ou supérieure à la flotte lacédæmonienne sur la côte occidentale du Péloponnèse —, ils commencèrent à nourrir l’espoir d’être rétablis à Naupaktos[19]. Il se peut que leur requête ait été présentée et discutée dans l’assemblée dis alliés athéniens, où les Thêbains siégeaient comme membres. Toutefois, rien n’avait été fait dans ce dessein par les Athéniens, — qui ne tardèrent pas à être fatigués de la guerre, et qui finirent par faire la paix avec Sparte, — quand l’importante bataille de Leuktra changea, d’une manière aussi complète que soudaine, la balance du pouvoir en Grèce. Une chance dé protection était actuellement ouverte aux Messêniens du côté de Thêbes, — chance bien plus pleine de promesses qu’ils n’en avaient jamais eu du côté d’Athènes. Épaminondas, qui savait bien quel dommage et quelle humiliation il infligerait à Sparte en les rétablissant dans leur ancien territoire, entra en communication avec eux, et les engagea à venir dans le Péloponnèse de tous les lieux éloignés où ils se trouvaient en émigration[20]. Pendant qu’il se rendait en Arkadia dans la dernière partie de l’automne de 370 avant J.-C., beaucoup d’entre eux l’avaient déjà rejoint, animés par leur ancienne haine contre Sparte, et contribuant à augmenter le même sentiment parmi les Thêbains et les alliés. Avec le plan de rétablir les Messêniens, il s’en forma dans l’esprit d’Épaminondas un autre pour la réunion politique des Arkadiens, tous deus destinés à former les parties d’une organisation forte et se soutenant elle-même contre Sparte sur sa propre frontière. Naturellement il n’aurait rien pu accomplir de pareil, s’il n’y eût eu un puissant mouvement spontané vers une réunion parmi les Arkadiens eux-mêmes. Mais sans cette direction et cette protection, le mouvement eût avorté par la force des jalousies locales dans l’intérieur du pays, fomentées et secondées du dehors par l’aide spartiate. Bien que le vote général pour une coalition fédérative eût été rendu avec enthousiasme, cependant mettre a exécution un pareil vote à la satisfaction de tous, sans se quereller sur des points de détail, aurait demandé un plus grand sentiment de l’intérêt public aussi bien que plus d’intelligence, qu’on n’en pouvait attendre d’Arkadiens. Il était nécessaire d’établir une nouvelle cité, vu que la jalousie’ constante qui existait entre Mantineia et Tegea, embarquées alors pour la première fois dans une seule cause commune, n’aurait jamais permis que l’une ou l’autre fût préférée comme centre de la nouvelle réunion[21]. Non seulement il fallait fixer l’emplacement nécessaire, mais il était encore indispensable de choisir entre des exigences rivales et de rompre d’anciennes habitudes d’une manière qui n’aurait guère pu être imposée par aucune majorité purement arkadienne. L’autorité qui manquait ici fut précisément suppléée par Épaminondas, qui amenait avec lui une armée victorieuse et un nom personnel glorieux, combinés avec de l’impartialité quant à la politique locale de l’Arkadia et avec une hostilité particulière contre Sparte. C’était en vue de fonder ces deux nouvelles cités, aussi bien que de chasser Agésilas, qu’Épaminondas faisait à ce moment avancer l’armée thêbaine en Arkadia, le commandement lui étant volontairement confié par Pélopidas et par les autres bœôtarques (novembre, 370 av. J.-C.). Il arriva peu de temps après le départ d’Agésilas, tandis que les Arkadiens et les Eleiens ravageaient la ville récalcitrante d’Heræa. Comme ils ne tardèrent pas à revenir pour saluer son arrivée, le corps confédéré collectif, — Argiens, Arkadiens et Eleiens, réunis aux Thêbains et à leurs alliés qui les accompagnaient, — monta, dit-on, à quarante mille, ou, selon quelques-uns, même à soixante-dix mille[22]. Non seulement Épaminondas avait amené avec lui un corps choisi d’auxiliaires, Phokiens, Lokriens, Eubœens, Akarnaniens, Hêrakléotes, Maliens et Thessaliens, cavaliers et peltastes, mais les troupes bœôtiennes elles-mêmes étaient si brillantes et si imposantes qu’elles excitaient une admiration universelle. La victoire de Leuktra avait éveillé chez elles une ardeur militaire pleine d’enthousiasme, mise à profit par le génie d’Épaminondas, et faite pour produire une discipline achevée que même Xénophon, si mal disposé, ne peut refuser de reconnaître[23]. Connaissant la force de leurs troupes réunies, à un jour de marche de la Laconie, les Arkadiens, les Argiens et les Eleiens pressèrent Épaminondas d’envahir ce pays, maintenant que pas un allié ne pouvait approcher de la frontière pour le secourir. D’abord il fut peu disposé à les satisfaire. Il n’était pas venu préparé à cette entreprise, connaissant bien, par son propre voyage à Sparte (où fut tenu le congrès de la paix avant la bataille de Leuktra), la nature impraticable du pays intermédiaire, qui pouvait être si facilement défendu, surtout pendant la saison d’hiver, par des troupes comme les Lacédæmoniens, au pouvoir desquels il croyait que se trouvaient tous les défilés. Et son opposition ne fut vaincue que quand les prières de ses alliés furent appuyées par les assurances des Arkadiens de la frontière, qui lui dirent que les défilés n’étaient pas tous gardés, aussi bien que par des invitations que lui firent quelques-uns des Periœki mécontents de la Laconie. Ces Periœki s’engageaient à se mettre en révolte ouverte, s’il voulait seulement se montrer dans le pays. Ils lui disaient qu’il y avait une lenteur générale dans toute la Laconie à obéir aux réquisitions militaires de Sparte, et ils offraient leur vie en expiation si l’on les surprenait à parler faussement. Ces encouragements, aussi bien que l’impatience générale qui animait tous ceux qui l’entouraient de se venger sur Sparte de sa longue carrière d’orgueil et d’abus de pouvoir, déterminèrent enfin Épaminondas à donner l’ordre de l’invasion[24]. Nous ne serons pas surpris qu’il ait hésité à se charger de cette responsabilité, si nous nous rappelons que, outre les difficultés réelles du pays, une invasion par terre en Laconie était un phénomène sans exemple, — que les forces de Sparte étaient connues très imparfaitement, — qu’il n’en avait pas eu la pensée en quittant Thèbes, — que la durée légale du commandement, pour lui et ses collègues, ne le permettait pas, — et que, bien que ses alliés péloponnésiens fussent pleins d’ardeur pour ce projet, le reste de ses troupes et ses compatriotes pouvaient bien le blâmer, si la force inconnue de résistance se trouvait être aussi formidable qu’ils pouvaient le craindre d’après leurs souvenirs du temps passé. L’armée d’invasion fut divisée en quatre parties, pénétrant toutes par différents défilés. Les Eleiens avaient la route la plus occidentale et la plus facile, les Argiens la plus orientale[25], tandis que les Thêbains eux-mêmes et les Arkadiens formaient les deux divisions centrales. Les derniers seuls éprouvèrent une résistance sérieuse. Plus hardis même que les Thêbains, ils rencontrèrent Ischolaos, le Spartiate, à Ion ou Oeon dans le district appelé Skiritis, l’attaquèrent dans le village et triomphèrent de lui par la vivacité de leur assaut, par la supériorité du nombre, et vraisemblablement grâce à quelque faveur ou à quelque collusion[26] de la part des habitants. Après une résistance désespérée, ce vaillant Spartiate périt avec presque toute sa division. A Karyæ, les Thêbains trouvèrent également et surmontèrent quelque résistance ; mais la victoire des Arkadiens sur Ischolaos eut pour effet d’être un encouragement pour tous, de sorte que les quatre divisions arrivèrent à Sellasia[27], et furent réunies de nouveau en sûreté. Non défendue et abandonnée (vraisemblablement) par les Spartiates, Sellasia fut alors brûlée et détruite par les envahisseurs, qui, continuant leur marche le long de la plaine ou vallée menant à l’Eurotas, campèrent dans le bois sacré d’Apollon. Le lendemain, ils arrivèrent à l’Eurotas, au pied du pont qui traversait ce fleuve et conduisait à la cité de Sparte. Épaminondas trouva le pont trop bien gardé pour tenter rte le forcer ; un corps nombreux d’hoplites spartiates étant également visible de l’autre côté dans le terrain sacré d’Athênê Alea. Il descendit donc la rive gauche du fleuve, brûlant et ravageant les maisons sur la route jusqu’à Amyklæ, environ deux ou trois milles au-dessous de. Sparte. Là, il trouva un gué, bien que le lit du fleuve fût plein, vu la saison d’hiver, et il effectua le passage, défaisant, après une lutte acharnée, un corps de Spartiates qui essayait de s’y opposer. Il était dès lors du même côté du fleuve que Sparte, ville dont il s’approcha lentement et avec précaution, ayant soin de maintenir ses troupes thêbaines toujours dans le meilleur ordre de bataille, et les protégeant, quand elles campaient, au moyen d’arbres abattus, tandis que les Arkadiens et les autres alliés péloponnésiens se répandaient alentour pour piller les maisons et les propriétés voisines[28]. Grande était la consternation qui régnait dans la cité, dépourvue de fortifications, cependant jusqu’alors inviolable en fait et inattaquable en idée. Outre leurs forces indigènes, les Spartiates n’avaient pas d’auxiliaires, si ce n’est ces mercenaires d’Orchomenos qui étaient revenus avec Agésilas, et ils n’étaient pas sûrs à l’avance que même ces troupes resteraient avec eux, si l’invasion devenait formidable. Lors du premier rassemblement sur la frontière de l’armée à laquelle rien ne résistait, ils avaient dépêché un de leurs commandants des contingents étrangers (appelés xenagi) pour presser l’arrivée immédiate de ceux des alliés péloponnésiens qui leur restaient fidèles, et aussi des ambassadeurs à Athènes pour demander le secours de cette ville. Des auxiliaires furent obtenus et rapidement mis en marche de Pellênê, de Sikyôn, de Phlionte, de Corinthe, d’Epidauros, de Trœzen, d’Hermionê et d’Halieis[29]. Mais la ligne ordinaire de marche pour entrer en Laconie était actuellement impraticable pour eux, toute la frontière étant barrée par les Argiens et les Arkadiens. Conséquemment ils furent obligés de se diriger d’abord vers la péninsule Argolique, et de là de passer par mer — en s’embarquant probablement à Halieis, sur la côte sud-ouest de la péninsule, pour aller à Prasiæ, sur la côte orientale de la Laconie —, d’où ils se rendirent à Sparte en franchissant les montagnes laconiennes. Comme ils n’étaient que pauvrement pourvus de navires, ils furent forcés de passer par détachements séparés, et de tirer la priorité au sort[30]. Le hasard fit que le contingent phliasien ne traversa que le dernier, tandis que le xenagos, impatient da retourner à Sparte, le laissa, derrière, y conduisit le reste, et n’arriva que juste avant que les confédérés débouchassent de Sellasia. Les Phliasiens, en parvenant à Prasiæ, ne trouvèrent ni leurs camarades ni le xenagos, mais furent obligés de louer un guide jusqu’à Sparte. Par bonheur, ils y arrivèrent à la fois en sûreté et à temps, en éludant la vigilance de l’ennemi, qui était alors à Amyklæ. Ces renforts ne venaient pas moins à propos pour Sparte qu’ils n’étaient honorables pour la fidélité des alliés. Car le sentiment d’inimitié qui régnait habituellement en Laconie, entre les citoyens spartiates d’un côté, et les Periœki et les Ilotes de l’autre, produisit à cette heure de danger ses fruits naturels de désertion, d’alarme et de faiblesse. Non seulement les Periœki et les Ilotes nourrissaient un mécontentement constant, mais même parmi les citoyens spartiates, une fraction privilégiée (appelée Pairs) en était venue à monopoliser les honneurs politiques, tandis que les autres hommes plus pauvres, — cependant ambitieux et actifs, et connus sous le nom ordinaire d’Inférieurs, — étaient soumis à une exclusion dégradante et remplis d’une hostilité mortelle. Le récit (donné ailleurs) de la conspiration de Kinadôn aura révélé le manque effrayant de sécurité au milieu duquel vivait le citoyen spartiate, entouré par tant de compagnons mal disposés : Periœki et Ilotes en Laconie, citoyens inférieurs à Sparte. A la vérité, lors de l’apparition de l’envahisseur ennemi, il s’éleva un certain sentiment d’intérêt commun, vu que même les gens mal disposés pouvaient croire avec raison qu’une soldatesque livrée au pillage, si elle n’était repoussée à la pointe de l’épée, ne ferait que rendre leur condition pire au lieu de l’améliorer. Aussi, quand les éphores proclamèrent publiquement que tout Ilote qui voudrait prendre une armure pesante et servir dans les rangs comme hoplite serait affranchi, — n’y eut-il pas moins de six mille Ilotes qui donnèrent leurs noms pour servir. Mais un corps aussi nombreux, quand on le vit armé, devint lui-même un objet de méfiance pour les Spartiates ; de sorte que l’arrivée de leurs nouveaux alliés, venant de Prasiæ, fut bien accueillie comme une sécurité, non moins contre les Ilotes armés de l’intérieur de la cité que contre les Thêbains au dehors[31]. Toutefois une inimitié ouverte ne manquait pas d’exister. Un nombre considérable et de Periœki et d’Ilotes prirent réellement les armes en faveur des Thêbains ; d’autres restèrent inactifs, méprisant les appels pressants des éphores, appels auxquels on ne pouvait à ce moment faire répondre de force[32]. Au milieu de ces sentiments de désaffection si répandus, la défense de Sparte elle-même contre l’agresseur était une tâche qui demandait toute l’énergie d’Agésilas. Après avoir essayé vainement d’empêcher les Thêbains de franchir l’Eurotas, il fut forcé d’abandonner Amyklæ et de se rejeter sur la cité de Sparte, vers laquelle ils s’avancèrent immédiatement. Plus d’une conspiration fut sur le point d’éclater, si sa vigilance n’avait prévenu ces projets. Deux cents jeunes soldats d’une fidélité douteuse se rendaient sans ordre pour occuper un poste fortifié (consacré a Artemis) qui se nommait l’Issorion. Ceux qui l’entouraient se disposaient à lés attaquer ; mais Agésilas, réprimant leur zèle, alla seul vers la troupe, leur parla dans un langage qui ne trahissait aucun soupçon, en les avertissant toutefois qu’ils n’avaient pas compris ses ordres ; on avait besoin de leurs services, non à l’Issorion, mais dans une autre partie de la cité. Ils obéirent à son commandement, et allèrent à l’endroit indiqué ; alors il fit occuper immédiatement l’Issorion par des troupes sur lesquelles il pouvait compter. La nuit suivante, il fit saisir et mettre à mort quinze des meneurs des deux cents. On étouffa une autre conspiration qui, dit-on, était sur le point d’éclater, en arrêtant les conspirateurs dans la maison où ils étaient assemblés et en les mettant à mort sans jugement ; première occasion (fait observer Plutarque) dans laquelle un Spartiate fut mis a mort sans être jugé[33], — renseignement que j’hésite a croire sans savoir de qui il l’a emprunté ; mais qui, s’il est vrai, prouve que les rois et les éphores spartiates n’appliquaient pas aux citoyens spartiates la même mesure qu’aux Periœki et aux Ilotes. Par ces actes sévères, la désaffection fut contenue ; tandis que les postes fortifiés furent occupés d’une manière efficace, et que les abords plus larges furent barricadés par des monceaux de pierres et de terre[34]. Bien que dépourvue de murs, Sparte était extrêmement défendable par position. Épaminondas s’y rendit lentement en venant d’Amyklæ, les Arkadiens et les autres troupes de son armée se répandant pour brûler et piller le voisinage. Le troisième ou le quatrième jour, sa cavalerie occupa l’Hippodromes (probablement espace de terrain plat près du fleuve, au pied de l’emplacement montueux de la ville), où la cavalerie spartiate, bien inférieure et en nombre et en qualité, remporta sur elle un avantage, grâce à trois cents hoplites d’élite qu’Agésilas avait placés tout près en embuscade, dans une enceinte consacrée aux Dioscures. Bien que cette action fût probablement de peu de conséquence, cependant Épaminondas n’osa pas tenter un assaut sur la cité. Content d’avoir défié les Spartiates et montré qu’il était maître du terrain même jusqu’à leurs propres portes, ils éloigna dans la direction du sud, en descendant les rives de l’Eurotas, Pour les Spartiates, dans leur abattement présent, ce fut un sujet de consolation et même d’orgueil[35], qu’il n’eût pas osé les attaquer dans leur dernier boulevard. La douleur de leurs sentiments, — chagrin, ressentiment, dignité blessée, — était intolérable. Beaucoup désiraient sortir et combattre, à tout hasard ; mais Agésilas leur résista avec la ; même, fermeté que Periklês avait montrée à Athènes, quand les Péloponnésiens envahirent pour la première fois l’Attique au commencement de la guerre du Péloponnèse. En particulier les femmes spartiates, qui jamais auparavant n’avaient vu d’ennemi, manifestèrent, dit-on, des émotions si furieuses et si affligeantes qu’elles augmentèrent beaucoup la difficulté de la défense[36]. On nous dit même qu’Antalkidas, l’un des éphores à cette époque, pour mettre ses enfants en sûreté, leur fit quitter Sparte et les envoya dans file de Kythêra. Épaminondas savait combien la résistance des Spartiates serait désespérée, si leur cité était attaquée ; tandis que pour lui, au milieu d’une contrée hostile et impraticable, un échec serait une ruine complète[37]. En quittant Sparte, Épaminondas poussa sa marche jusqu’à Helos et à Gythion, sur la côte de la mer, brûlant et ravageant le pays, et essayant pendant trois jours de s’emparer de Gythion, qui contenait l’arsenal et les vaisseaux lacédæmoniens. Un grand nombre d’entre les Periœki laconiens le rejoignirent et prirent du service dans son armée ; néanmoins sa tentative sur Gythion ne réussit pas ; alors il fit volte-face et revint sur ses pas jusqu’à la frontière arkadienne. Il était d’autant plus nécessaire pour lui de songer à quitter la Laconie, que ses alliés péloponnésiens, les Arkadiens et autres, s’en allaient furtivement chez eux de jour en jour avec le riche butin qu’ils avaient acquis, tandis que ses provisions commençaient aussi à marquer[38]. Épaminondas avait accompli ainsi beaucoup plus qu’il n’avait projeté quand il quitta Thèbes, car l’effet de l’expédition sur l’opinion grecque fut immense. La réputation de son armée, aussi bien que la sienne, fut prodigieusement exaltée ; et même le récit de Xénophon, hostile aussi bien qu’obscur, rend un témoignage involontaire à l’excellence de son commandement et à la bonne discipline de ses troupes. Il sut maintenir ses Thêbains dans le rang et leur faire tenir tête à l’ennemi, même tandis que leurs alliés arkadiens se dispersaient alentour pour piller. De plus, l’insulte et l’humiliation faites à Sparte étaient encore plus grandes que celles que lui avait infligées la bataille de Leuktra, qui avait montré, il est vrai, qu’elle n’était plus invincible en rase campagne, mais qui l’avait laissée encore avec la supposition admise d’un territoire inviolable et d’une cité inabordable. La résistance des Spartiates, en effet (excepté en ce qui concerne leur cité), avait été bien moindre que ses amis ou ses ennemis ne s’y étaient attendus ; la croyance en leur pouvoir fut ainsi proportionnellement diminuée. I1 restait actuellement à Épaminondas de compléter leur humiliation en exécutant les deux entreprises qui avaient formé le but spécial de son expédition : le rétablissement de Messênê et la réunion des Arkadiens. La récente invasion de la Laconie, victorieuse aussi bien que lucrative, avait inspiré aux Arkadiens plus de confiance et une plus grande antipathie contre Sparte, et une nouvelle disposition à écouter Épaminondas. Quand cet homme éminent proclama la nécessité d’établir une forte barrière contre Sparte du côté de l’Arkadia, et qu’il annonça son intention d’affaiblir encore Sparte en rétablissant les Messêniens exilés, — le sentiment général des petites communautés arkadiennes, qui tendait déjà vers une union, devint assez fort pour triompher de tous les obstacles de détail qu’entraîne l’abandon d’une ancienne demeure et d’habitudes anciennes. Relativement à l’histoire d’Athènes dans les temps reculés, Thucydide[39] nous dit que Thêseus, le héros légendaire, étant devenu puissant, outre sa grande capacité, avait fait cesser ces nombreux gouvernements indépendants qui jadis divisaient l’Attique, et les avait tous réunis à Athènes en un seul gouvernement commun. Telle fut précisément la révolution opérée actuellement par Épaminondas, grâce à la même combinaison d’intelligence et de pouvoir. Un conseil d’Œkistes ou Fondateurs fût nommé pour exécuter la résolution prise par les assemblées arkadiennes à Asea et à Tegea, pour l’établissement d’une cité et d’un centre panarkadiens. Parmi les membres de ce Conseil, deux étaient de Tegea, deux de Mantineia, deux de Kleitor, deux du district de Mænalos, deux de celui des Parrhasiens. Un emplacement convenable étant choisi sur la rivière Helisson (qui traversait la ville et la partageait en deux), à environ vingt milles (= 32 kilomètres) à l’ouest de Tegea, bien propre à fermer les marches de Sparte dans une direction nord-ouest, — les fondements de la nouvelle Grande Cité (Megalopolis) furent posés par les Œkistes, conjointement avec Épaminondas. On persuada à quarante municipes arkadiens[40], de tous les côtés de ce centre, de se joindre à la nouvelle communauté. Dix étaient des Mænalii, huit des Parrhasii, six des Eutresii ; trois grandes sections du nom arkadien, chacun étant un agrégat de villages. Quatre petits municipes, qui occupaient une partie de la surface destinée au nouveau territoire, étant toutefois opposés au projet, furent forcés de s’y réunir ; mais dans l’un d’eux, Trapézonte, l’aversion fût si forte, que la plu-. part des habitants préférèrent émigrer et allèrent rejoindre les Trapézontains du Pont-Euxin (Trébizonde) qui les reçurent avec bonté. Quelques-uns des principaux Trapézontains furent mêmes victimes du caractère violent de la majorité arkadienne. Les murs de la nouvelle cité renfermaient une surface de cinquante stades de circonférence (9 kilomètres), tandis qu’on réunit autour d’elle un vaste territoire rural s’étendant au nord à vingt-quatre milles (= 38 kilomètres 600 mètres) de la cité, et à l’est confinant à Tegea, à Mantineia, à Orchomenos et à Kaphyæ, — à l’ouest à Messênê[41], à Phigalia et à Heræa. L’autre nouvelle cité — Messênê — fut fondée sous les auspices communs des Thêbains et de leurs alliés, Argiens et autres ; Epitelês étant choisi spécialement par les Argiens dans ce dessein[42]. Les exilés messêniens, bien que remplis d’impatience et de joie à la pensée de regagner leur nom et leur nationalité, s’opposèrent à l’idée de placer leur nouvelle cité soit à Œchalia, soit à Andania, qui avaient été les théâtres de leurs malheurs dans les anciennes guerres avec Sparte. De plus, l’emplacement du mont Ithômê fut signalé, dit-on, par le héros Kaukôn, dans un rêve, au général argien Epitelês. Les circonstances locales de cette montagne (sur laquelle les Messêniens révoltés avaient prolongé leur dernière et vaillante résistance coutre Sparte, entre la guerre des Perses et celle du Péloponnèse) étaient telles, que les indications (les rêves, des prophètes et des signes religieux coïncidèrent pleinement avec le choix réfléchi d’un juge tel qu’Épaminondas. Plus tard, cette colline, Ithômê (portant alors la ville et la citadelle de Messênê), et l’Acrocorinthos, furent désignés par Demêtrios de Pharos comme les deux cornes du Péloponnèse ; quiconque tenait ces deux cornes, était maître du taureau[43]. Ithômê était à près de 750 mètres au-dessus du niveau de la mer, et elle avait sur son sommet une abondante source d’eau, appelée Klepsydra. C’est sur ce sommet que fut bâtie la citadelle ou acropolis de la nouvelle ville de Messênê ; tandis que la ville elle-même était située plus bas sur la pente, bien que rattachée à son acropolis par un mur continu. D’abord, des sacrifices solennels furent offerts par Épaminondas, qui fut reconnu comme Œkiste ou Fondateur[44], à Dionysos et à Apollon Ismenios — par les Argiens, à l’argienne Hêrê et à Zeus Ithomatês et aux Dioskuri. Ensuite, on adressa des prières aux anciens héros et aux anciennes héroïnes de la nation messênienne, en particulier à l’invincible guerrier Aristomenês, en leur demandant de revenir actuellement et de reprendre leur résidence comme habitants dans Messênê affranchie. Après cela, on marqua le terrain et on commença la construction, au son des flûtes argiennes et bœôtiennes, jouant les chants de Pronomos et de Sakadas. On appela de toute la Grèce les meilleurs maçons et les plus habiles architectes, pour disposer les rues avec régularité aussi bien que pour assurer une distribution et une construction convenables des édifices sacrés[45]. Quant aux fortifications, aussi, Épaminondas y veilla attentivement. Leur excellence et leur solidité étaient telles qu’elles étaient un sujet d’admiration même longtemps après pour le voyageur Pausanias[46]. De leur cité nouvellement établie sur le mont Ithômê, les Messêniens jouissaient d’un territoire qui s’étendait à quinze milles (24 kilomètres) au sud jusqu’au golfe messênien, à travers une plaine, alors comme aujourd’hui, la plus riche et la plus fertile du Péloponnèse ; tandis qu’à l’est, leur territoire confinait à celui de l’Arkadia et a l’établissement contemporain de Megalopolis. Tout l’espace -nouvellement approprié consistait en terres enlevées à la domination spartiate. Combien en fut-il enlevé dans la direction sud-est d’Ithômê (le long de la côte nord-est du golfe messênien), c’est ce que nous ne pouvons pas dire exactement. Mais il paraîtrait que les Periœki de Thuria, situés dans ce voisinage, furent transformés en une communauté indépendante et protégés par le voisinage de Messênê[47]. Ce qui est plus important d. signaler cependant, c’est que Sparte perdit alors tout le district étendu à l’ouest et au sud-ouest d’Ithômê, — toute l’extrémité sud-ouest du Péloponnèse, depuis le fleuve Neda au sud jusqu’au cap Akritas. Au commencement de la guerre du Péloponnèse, le Spartiate Brasidas avait été en garnison près de Methônê[48] (non loin du cap Akritas) ; Pylos, où l’Athénien Demosthenês éleva son fort hostile, près duquel fut effectuée l’importante capture à Sphakteria, — avait été un port maritime appartenant à Sparte, à environ quarante-six milles (= 74 kilomètres) de la cité[49]. Aulôn, un peu plus au nord, près de la Neda, avait été, à l’époque de la conspiration de Kinadôn, un municipe de Periœki spartiates, d’une fidélité très douteuse[50]. Or, tout ce vaste espace, à partir de l’extrémité nord-est du golfe messênien vers l’ouest, la meilleure moitié du territoire spartiate, fut séparé de Sparte pour devenir la propriété de Periœki et d’Ilotes, transformés en citoyens, qui non seulement n’envoyaient plus à Sparte ni rente ni tribut, comme auparavant, mais qui lui étaient mortellement hostiles à cause de la nature même de leur état de propriétaires des terres. Ce fut l’année suivante que l’armée arkadienne tailla en pièces la garnison lacédæmonienne à Asinê[51], et tua le polémarque spartiate Geranor ; et probablement vers le même temps les autres garnisons lacédæmoniennes dans la péninsule sud-ouest ont dû être chassées. Ainsi délivrés, les Periœki du pays accueillirent la nouvelle Messênê comme garantie de leur indépendance. Épaminondas, outre qu’il confirma l’indépendance de Methônê et d’Asinê, rétablit quelques autres villes[52], qui sous la domination lacédæmonienne avaient probablement été tenues sans fortifications et avaient dépéri. Dans le printemps de 425 avant J.-C., quand Demosthenês débarqua à Pylos, Thucydide considère comme une importante acquisition pour Athènes, et comme une sérieuse injure faite à Sparte, d’avoir logé une petite garnison de Messêniens dans ce poste insignifiant, en ce qu’ils sont toujours occupés à ravager le territoire spartiate et à pousser les Ilotes à la désertion[53], — d’autant plus que leur dialecte ne pouvait être distingué de celui des Spartiates eux-mêmes. Combien a dû être prodigieuse l’impression produite dans toute la Grèce, quand Épaminondas, en établissant les exilés messêniens et autres dans la cité frontière et dans la forte position d’Ithômê, priva Sparte en peu de temps de tout le vaste espace entre cette montagne et la mer occidentale, en affranchissant les Periœki et les Ilotes qu’il contenait ! Nous devons nous rappeler que le nom de Messênê avait été, dès les anciens temps, appliqué en général à cette région, et qu’il ne fut jamais donné à aucune ville avant l’époque d’Épaminondas. Lors donc que les Spartiates se plaignaient de l’affranchissement de Messênê — de la perte de Messênê — ils comprenaient dans le mot, non seulement la cité sur le mont Ithômê, mais tout ce territoire en outre ; bien qu’il ne fût pas tout compris dans le domaine de la nouvelle cité. Ils se plaignirent avec plus d’indignation encore, qu’avec les purs Messêniens, ramenés actuellement d’exil, — on eût établi sur leur frontière une tourbe de leurs propres Periœki et Ilotes émancipés[54]. Dans ce nombre furent compris, non seulement ceux de ces deux classes qui, avant auparavant séjourné comme esclaves dans tout le territoire à l’ouest d’Ithômê, y restaient actuellement dans un état de liberté, — mais encore sans doute une quantité d’autres qui désertèrent d’autres parties de la Laconie. En effet, comme nous savons que ces désertions n’avaient pas été peu considérables, même quand il n’y avait pas d’abri meilleur que les postes éloignés de Pylos et de Kythêra, — de même nous pouvons être sûrs qu’elles devinrent beaucoup plus nombreuses, quand la cité voisine de Messênê fut fondée et offrit une protection suffisante, et quand il y eut une chance d’obtenir, à l’ouest du golfe Messênien, des terres libres avec une nouvelle demeure. De plus, ceux des Periœki et des Ilotes qui. s’étaient réellement joints à l’armée envahissante d’Épaminondas en Laconie furent forcés, par simple manque de sécurité, de quitter le pays quand il se retira, et de recevoir de nouvelles résidences dans le territoire nouvellement affranchi. Tous ces hommes passèrent immédiatement d’un état de servitude particulièrement dure à la dignité d’Hellènes libres et égaux[55], — envoyant de nouveau une légation messênienne solennelle ou Théôrie a la fête olympique, après un intervalle de plus de trois siècles[56], — surpassant leurs premiers maîtres par la grandeur de leurs offrandes que fournissait le même sol, — et se vengeant de leurs mauvais traitements antérieurs par des mots de défi et d’insulte, au lieu de cette déférence et de cette admiration universelles qu’un Spartiate avait jusqu’alors été accoutumé à, considérer comme lui étant dues. L’affranchissement et la réorganisation de toute la Laconie occidentale, la rénovation du nom messênien, la fondation des deux nouvelles cités (Messênê et Megalopolis) dans un voisinage et une sympathie immédiats, — tout en achevant de dégrader Sparte, constituèrent à tous égards les phénomènes politiques les plus intéressants dont la Grèce eût été témoin pendant beaucoup d’années. A la profonde mortification de l’historien, — il ne peut raconter rien de plus que les faits nus, avec les conséquences que les faits eux-mêmes autorisent à tirer. Xénophon, sous les yeux duquel ils ont dû tous se passer, omet à dessein de les mentionner[57] ; Pausanias, à, qui nous devons la plus grande partie de ce que nous savons, est poussé par son imagination religieuse à rapporter maints signes et avertissements divins, mais peu de faits réels. Les détails nous sont complètement refusés. Nous ne savons ni quelle longueur de temps fut employée à la construction de ces deus cités, ni qui subvint à la dépense ; bien que l’une et l’autre aient dû être considérables. Ruant aux mille nouveaux arrangements qui accompagnent la transformation de maints petits municipes, et le commencement de deux grandes cités, nous sommes hors d’état d’an rendre aucun compte. Cependant il n’y a pas de moment où les phénomènes sociaux soient ou aussi intéressants ou aussi instructifs. En décrivant des sociétés déjà établies et anciennes, nous trouvons la force de la routine traditionnelle presque toute-puissante dans son influence tant sur les actions des hommes que sur leurs sentiments. Le bien et le mal sont conservés dans un ensemble concret, puisque le poids inerte du passé étouffe toute intelligence créatrice, et laisse peu de place même pour des aspirations au perfectionnement. Mais les quarante petites communautés qui se réunirent pour former Megalopolis, et les Messêniens et autres colons qui se rassemblèrent pour la première fois sur la colline d’Ithômê, étaient dans un état où de nouvelles exigences de toute sorte demandaient une satisfaction immédiate. Il n’y avait rien qui fournit de précédent, et il ne restait pas d’autre ressource que de soumettre tous les problèmes la discussion de ceux dont le caractère et le jugement étaient le plus estimés. Que ces problèmes fussent bien ou mal résolus, il a dû y avoir alors une tentative vraie et sérieuse faite pour donner une solution aussi bonne que le permettaient les lumières du temps et du lieu, avec une certaine latitude pour des idées en conflit. On a dû faire des arrangements pour la répartition des maisons et des terres entre les citoyens, par achat ou par don, ou par les deux ensemble ; pour la constitution politique et judiciaire ; pour les cérémonies religieuses et récréatives, pour la défense militaire, pour les marchés, pour la sécurité et la transmission des biens, etc. On a dû pourvoir alors u tous ces besoins sociaux d’une communauté naissante et ê beaucoup d’autres, et il eût été extrêmement intéressant de savoir comment. Par malheur, le moyen nous est refusé. Nous ne pouvons consigner guère plus que le simple fait que ces deux plus jeunes membres de la confrérie hellénique de cités naquirent en même temps, et sous les auspices du même génie qui présida à leur naissance, Épaminondas ; destinés à se soutenir l’un l’autre par une sympathie de voisinage et en repoussant tout danger commun dont les menaceraient les attaques de Sparte ; dessein qui, même deux siècles plus tard, restait gravé dans l’esprit d’un patriote mégalopolitain tel que Polybe[58]. Megalopolis fut destinée à être non seulement une grande ville par elle-même, mais encore le centre de-la nouvelle confédération, qui paraît avoir compris toute l’Arkadia, excepté Orchomenos et Heræa. On décréta qu’une assemblée ou congrès, de tous les membres séparés du nom arkadien, et u laquelle probablement tout citoyen arkadien des communautés constitutives avait le droit d’assister, y serait convoquée périodiquement. Cette assemblée fut appelée les Dix Mille, ou le Grand Nombre. On créa aussi un corps de troupes arkadiennes, nommé les Epariti, destiné à soutenir la fédération, et recevant une paye en temps de service. On leva des contributions sur chaque cité pour son entretien, et on nomma un général panarkadien (probablement aussi d’autres officiers). Les Dix Mille, au nom de toute l’Arkadia, recevaient les ambassadeurs étrangers, — décidaient de la guerre, de la paix ou des alliances, — et jugeaient tous les officiers ou autres Arkadiens amenés devant eux sur des accusations de mauvaise conduite publique[59]. Les grands orateurs athéniens, Kallistratos, Démosthène, Æschine, plaidèrent devant cette assemblée dans diverses occasions[60]. Quelles étaient ses époques de réunion, c’est ce que nous ne pouvons dire. Elle contribua sérieusement, pendant un certain temps, à entretenir une communauté panarkadienne d’action et de sentiment qui n’avait jamais existé auparavant[61] ; et à prévenir ou à adoucir ces dissensions qui avaient toujours une tendance à éclater dans les cités arkadiennes séparées. Toutefois l’enthousiasme patriotique, qui avait produit d’abord Megalopolis, s’affaiblit graduellement. Jamais la cité n’atteignit la prééminence ou la puissance qu’espéraient ses fondateurs, et qui avait fait qu’on avait fondé la ville sur une échelle trop grande pour la population qui l’habitait actuellement[62]. Non seulement on rendit alors indépendante de Sparte la portion de la Laconie à l’ouest du golfe Messênien, mais encore une grande partie du territoire situé au nord de Sparte, entre cette cité et l’Arkadia. Ainsi les Skiritæ — hardis montagnards de race arkadienne, qui jusque-là dépendaient de Sparte et fournissaient à ses armées un contingent important[63] —, avec leur territoire formant la frontière septentrionale de la Laconie du côté de l’Arkadia, cessèrent dès ce moment de dépendre de Sparte et lui devinrent hostiles[64]. Le cas est le même pour une place beaucoup plus rapprochée de Sparte, — Sellasia ; bien que cette dernière ait été reprise par les Lacédæmoniens quatre ou cinq ans plus tard[65]. Épaminondas resta en Arkadia et en Laconie environ quatre mois au delà de la durée légale de son commandement[66]. Les souffrances éprouvées dans le cœur d’un hiver rigoureux furent grandement adoucies pour ses soldats par les Arkadiens, qui, pleins d’une amitié dévouée, insistèrent auprès d’eux pour un excès d’hospitalité incompatible avec leurs devoirs militaires et qu’il ne put permettre[67]. Il resta assez longtemps pour arranger tous les débats et toutes les difficultés préliminaires, et pour mettre en voie de sérieuse exécution l’établissement de Messênê et de Megalopolis. Pour l’achèvement d’une œuvre aussi compréhensive, qui changeait la face et le caractère du Péloponnèse, il fallait naturellement beaucoup de temps. En conséquence, une division thêbaine sous Pammenês fut laissée pour repousser tout empêchement du côté de Sparte[68] ; tandis que Tegea aussi, à partir de ce temps, pendant quelques années, fut occupée comme poste par un harmoste et une garnison de Thèbes[69]. Cependant les Athéniens étaient profondément affectés de ces actes d’Épaminondas dans le Péloponnèse. L’accumulation de forces contre Sparte était si puissante que, sous un chef tel que lui, elle semblait suffisante pour l’écraser ; et, bien que les Athéniens fussent actuellement neutres dans le débat, une telle perspective ne leur était pas agréable[70], en ce qu’elle impliquait l’agrandissement de Thèbes jusqu’à un point incompatible avec leur sécurité. Ce fut au milieu des succès d’Épaminondas que des ambassadeurs vinrent de Sparte, de Corinthe et de Phlionte, à Athènes, pour solliciter son aide. Le message était non seulement humiliant pour les Lacédæmoniens, qui n’avaient jamais auparavant envoyé de requête semblable à aucune cité grecque, — mais encore difficile à traiter par rapport à Athènes. L’histoire montrait de nombreux actes de jalousie et d’hostilité, peu de bon sentiment ou d’intérêt amical de la part des Lacédæmoniens à son égard. Le peu qu’on put trouver, l’ambassadeur l’exposa avec habileté, en remontant jusqu’au moment où les Pisistratides d’Athènes furent détrônés par l’aide spartiate, en rappelant la glorieuse expulsion de Xerxès chassé de Grèce par les efforts communs des deux cités, — et les auxiliaires envoyés en Laconie par Athènes en 465 avant J.-C., pour assister les Spartiates contre les Messêniens révoltés sur le mont Ithômê. Dans ces temps (rappela-t-il à l’assemblée athénienne), Thèbes avait trahi la cause hellénique en se joignant à Xerxès, et avait été un objet de haine commune pour les deux, États. De plus, les forces maritimes de la Grèce avaient été rangées sous Athènes dans la confédération de Dêlos, avec la pleine sanction et à la recommandation de Sparte ; tandis que l’hégémonie de cette dernière sur terre avait également été acceptée par les Athéniens. Il invita l’assemblée, au nom de ces anciennes gloires, à concourir avec Sparte, en oubliant toutes les déplorables hostilités qui étaient intervenues depuis, et à lui fournir un généreux : appui contré l’ancien ennemi commun. Les Thêbains pouvaient même actuellement être décimés (suivant le vœu qui, dit-on, avait été fait après l’échec de Xerxès), malgré leur menaçant ascendant actuel, — si Athènes et Sparte pouvaient être amenées à une coopération cordiale ; et ils pouvaient être traités comme Thêbes elle-même avait désiré traiter Athènes après la guerre du Péloponnèse, quand Sparte refusa de concourir en prononçant la sentence d’une ruine définitive[71]. Cet appel de Sparte fut vivement secondé par les ambassadeurs de Corinthe et de Phlionte. L’orateur corinthien prétendit qu’Épaminondas et son armée en traversant le territoire de Corinthe et en lui causant du dommage dans leur passage pour gagner le Péloponnèse, avaient commis une violation manifeste de la paix générale, jurée en 371 avant J.-C., d’abord à Sparte et ensuite à Athènes, paix qui garantissait une autonomie universelle pour toute cité grecque. L’ambassadeur de Phlionte, tout en complimentant Athènes sur la belle position qu’elle occupait actuellement, en ce qu’elle avait dans ses mains le sort de Sparte, — insista sur la couronne d’honneur qu’elle gagnerait en Grèce, si en ce moment elle intervenait généreusement pour sauver son ancienne rivale, en oubliant d’anciennes injures et en ne se rappelant que les anciens bienfaits. De plus, si elle adoptait cette politique, elle agirait conformément à ses véritables intérêts ; puisque, si Sparte venait à être écrasée, les Thêbains deviendraient les chefs incontestés de la Grèce, et plus formidables encore pour Athènes[72]. Ce ne fut pas une des moindres marques de l’abattement de Sparte, que d’être forcée d’envoyer à Athènes une pareille ambassade, et de solliciter une amnistie pour tant de fâcheuses réalités dans le passé. En effet, le contraste est frappant, si nous mettons son langage actuel en regard de celui qu’elle avait tenu relativement à Athènes avant et pendant la guerre du Péloponnèse. D’abord, ses ambassadeurs furent reçus avec une faveur douteuse ; le sentiment de l’assemblée athénienne étant apparemment plutôt contre eux que pour eux. Ce langage de la part des Spartiates (murmuraient les citoyens assemblés) est assez intelligible dans leur détresse présente ; mais tant qu’ils furent dans une bonne condition, nous n’avons reçu d’eux que de mauvais traitements[73]. Et la plainte des Spartiates, alléguant que l’invasion de la Laconie était contraire à la paix jurée qui garantissait une autonomie universelle, ne fut pas admise sans opposition. Quelques-uns dirent que les Lacédæmoniens s’étaient attiré l’invasion en intervenant antérieurement dans Tegea et en Arkadia, et que l’intervention des Mantineiens à Tegea avait été justifiable, vu que Stasippos et le parti favorable à Lacédæmone dans cette cité avaient été les premiers à commencer une injuste violence. D’autre part, l’appel fait par les ambassadeurs au congrès des alliés péloponnésiens, tenu en 404 avant J.-C., après la reddition d’Athènes, — congrès où le député thêbain avait proposé qu’Athènes fût totalement détruite, tandis que les Spartiates avaient protesté énergiquement contre une sentence aussi cruelle, — cet appel, dis je, fit une impression puissante sur l’assemblée, et contribua plus que toute autre chose à la décider en faveur de la proposition[74]. Sparte, est aujourd’hui, comme Athènes était alors, à deux doigts de sa perte, par la volonté du même ennemi ; Athènes fut alors sauvée par Sparte, et abandonnera-t-elle aujourd’hui sa libératrice sans la payer de retour ? Telle fut la conclusion franche et simple qui parla aux sentiments des Athéniens assemblés, et les disposa à écouter avec plus de faveur non seulement les envoyés de Corinthe et ceux de Phlionte, mais encore leurs propres orateurs, qui parlèrent dans le même sens. Dans le fait, sauver Sparte était prudent aussi bien que généreux. Un contrepoids serait ainsi maintenu contre l’agrandissement excessif de Thèbes, qui à ce moment causait sans doute aux Athéniens une alarme et une jalousie sérieuses. Et ainsi, après le premier emportement de colère contre Sparte, suggéré naturellement par l’histoire du passé, le côté philo-spartiate de la situation devint graduellement de plus en plus prédominant dans l’assemblée. Kallistratos[75] l’orateur parla éloquemment pour appuyer les Lacédæmoniens, tandis qu’on écouta mal les orateurs opposés ; qui plaidèrent en faveur de Thèbes, que personne ne désirait agrandir davantage. On rendit avec enthousiasme un vote décisif, à l’effet d’assister les Spartiates avec toutes les forces d’Athènes sous le commandement d’Iphikratês, résidant en ce moment à Athènes comme simple particulier[76], depuis la paix de l’année précédente, qui l’avait fait rappeler de Korkyra. Aussitôt qu’il fut annoncé que les sacrifices offerts en vue de cette entreprise étaient favorables, Iphikratês fit proclamer que les soldats désignés pour servir eussent à s’équiper et à se rassembler en armes dans le bois d’Akadêmos (en dehors des portes), pour y prendre leur repas du soir, et se mettre en marche le lendemain matin à l’aurore. L’ardeur générale fut telle, que plus d’un citoyen sortit des portes même avant Iphikratês, et le chiffre total des forces qui le suivirent fut, dit-on, de douze mille hommes, — non pas nommés en vertu d’une conscription par le général, mais volontaires. Il se rendit d’abord à Corinthe, où il s’arrêta quelques jours, au grand mécontentement de ses soldats, qui étaient impatients d’accomplir leur projet de sauver Sparte. Mais Iphikratês savait qu’au delà de Corinthe et de Phlionte il n’y avait qu’un terrain hostile, et qu’il avait affaire à des ennemis formidables. Après avoir établi sa position à Corinthe et obtenu des informations concernant l’ennemi, il entra en Arkadia et y fit la guerre sans aucun résultat important. Épaminondas et son armée avaient quitté la Laconie, tandis qu’un grand nombre des Arkadiens et des Eleiens étaient retournés chez eux avec le butin acquis ; de sorte que Sparte était pour le moment hors de danger. Engagé en partie par la récente manifestation d’Athènes[77], le général thêbain lui-même commença bientôt sa marche pour se rendre en Bœôtia, marche dans laquelle il devait nécessairement franchir la ligne du mont Oneion entre Corinthe et Kenchreæ. Cette ligne se composait d’un terrain difficile, et offrait de bons moyens de résistance au passage d’une armée ; néanmoins Iphikratês, bien qu’il en occupât les deux extrémités, ne tenta pas directement de barrer le passage aux Thêbains. Il se contenta d’envoyer de Corinthe toute sa cavalerie, tant athénienne que corinthienne, pour les harceler dans leur marche. Mais Épaminondas la repoussa en lui faisant éprouver quelques pertes, et la poursuivit jusqu’aux portes de Corinthe. Excité par ce spectacle, le gros de l’armée athénienne qui se trouvait dans la ville demanda à sortir et à engager une bataille générale. Toutefois, l’ardeur des soldats fut réprimée par Iphikratês, qui, refusant de sortir, laissa les Thébains continuer leur retraite sans les inquiéter[78]. De retour à Thèbes, Épaminondas, avec Pélopidas et les autres bœôtarques, résigna le commandement. Ils l’avaient déjà gardé quatre mois au delà de l’expiration légale du terme de leur fonction. Bien que la loi constitutionnelle de Thêbes déclarât passible de mort tout général qui gardait ses fonctions plus longtemps que la période fixée par la loi, cependant Épaminondas, engagé dans ses grands projets d’humilier Sparte et de fonder les deux, cités hostiles sur sa frontière, avait pris sur lui de braver cette illégalité, en persuadant tous ses collègues de faire comme lui. En résignant le commandement, ils avaient tous à subir ce jugement de responsabilité qui attendait chaque magistrat sortant de charge, comme chose naturelle ; — mais qui, dans le cas actuel, était exigé sur un motif spécial, puisqu’ils avaient tous commis un acte notoirement : punissable, aussi bien que dangereux précédent. Épaminondas se chargea de la tâche de défendre ses collègues aussi bien que lui-même. Que lui, aussi bien que Pélopidas, eût des ennemis politiques disposés à. profiter de tout bon prétexte pour l’accuser, — c’est ce qui est indubitable. Mais nous pouvons bien douter que, dans la présente occasion, un de ces ennemis se soit réellement mis en avant pour proposer que la peine légalement encourue fut infligée ; non seulement parce que cette proposition, en face d’une armée victorieuse, qui revenait glorieuse de ses exploits et fière de ses chefs, était pleine de dangers pour l’auteur lui-même, — mais encore pour une autre raison, — c’est qu’Épaminondas eût été difficilement assez imprudent pour attendre que le cas fût posé par ses ennemis. Sachant que l’illégalité commise était flagrante et d’un exemple dangereux, — ayant aussi à défendre la réputation de ses collègues aussi bien que la sienne, il prévint l’accusation en se présentant lui-même pour expliquer et justifier sa conduite. Il exposa les glorieux résultats de l’expédition qui venait de finir ; l’invasion et la dévastation de la Laconie, qu’aucun ennemi n’avait encore visitée ; — la réclusion forcée des Spartiates dans leurs murs ; — la délivrance de toute la Laconie occidentale, et l’établissement de Messênê comme cité ; — l’établissement d’une nouvelle cité arkadienne fortifiée, formant, avec Tegea sur un flanc et Messênê sur l’autre, une ligne de défense sur la frontière spartiate, de manière à assurer l’abaissement permanent de la grande ennemie de Thèbes : — l’émancipation actuellement consommée de la Grèce en général, soustraite à l’ascendant spartiate. Cette justification, — soit présentée en réponse à un accusateur réel, soit (ce qui est plus probable) offerte spontanément par Épaminondas lui-même, — fut non seulement satisfaisante, mais triomphante. Lui et les autres généraux furent acquittés par acclamation, sans même qu’on en vînt à la formalité de recueillir les votes[79]. Et il paraît qu’Épaminondas, et Pélopidas furent immédiatement renommés parmi les bœôtarques de l’année[80]. |
[1] Il semble toutefois douteux qu’il n’y eût pas quelques monnaies arkadiennes communes frappées, même avant la bataille de Leuktra.
Il en existe de pareilles ; mais K. O. Müller, aussi bien que Bœckh (Metrologisch. Untersuchungen, p. 92), les rapporte à une date plus récente postérieure à la fondation de Megalopolis.
D’autre part, Ernst Curtius (Beytræge zur Aeltern Münzkunde, p. 85-90, Berlin, 1851) prétend qu’il y a une grande différence dans le style et l’exécution de ces monnaies, et que plusieurs, selon toute probabilité, appartiennent à une date antérieure à la bataille de Leuktra. Il suppose que ces monnaies plus anciennes furent frappées, pour des desseins religieux, en connexité avec le sanctuaire et le temple arkadien de Zeus Lykæos, et que probablement le métal en provenait d’un sanctuaire commun dans le temple de ce dieu ; peut-être aussi en connexité avec le temple d’Artemis Hymnia (Pausanias, VIII, 5, 11) entre Mantineia et Orchomenos.
[2] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 6. Cf. Diodore, XV, 59-62.
[3] Voir Pausanias, VIII, 27, 2, 3.
[4] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 11.
[5] Pour les relations de ces cités arkadiennes avec Sparte, et les unes avec les autres, voir Thucydide, IV, 134 ; V, 61, 64, 77.
[6] Xénophon dans son récit représente Stasippos et ses amis comme ayant tout à fait le droit de leur côté, et comme s’étant conduits non seulement avec justice, mais avec clémence. Mais nous apprenons par un aveu indirect, dans un autre endroit, qu’il y avait aussi une autre histoire, totalement différente, qui représentait Stasippos comme ayant commencé une injuste violence. Cf. Helléniques, VI, 5, 7, 8, avec VI, 5, 36.
La partialité manifeste de Xénophon, dans ces derniers livres, diminue beaucoup la valeur de son opinion sur ce sujet.
[7] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 8, 9, 10.
[8] Pausanias, VIII, 27, 3.
[9] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 11, 12.
[10] Xénophon, Helléniques, VII, 2, 2.
Voir l’anxiété prodigieuse manifestée par les Lacédæmoniens relativement à la sûreté de rattachement de Tegea (Thucydide, V, 64).
[11] Je ne puis m’empêcher de croire qu’Eutæa est marquée sur les cartes de Kiepert à un point trop éloigné de la frontière de la Laconie, et qu’elle est placée, par rapport à Asea, de telle sorte qu’Agésilas a dû passer tout près â’Asea afin de s’y rendre ; ce qu’il est difficile de supposer, si l’on songe que la convocation arcadienne était assemblée à Asea. Xénophon appelle Eutæa πόλιν όμορον, par rapport à la Laconie (Helléniques, VI, 51 12) ; ce qui s’accorde difficilement avec la position marquée par Kiepert.
Le district appelé Mænalia a dû s’étendre beaucoup plus au sud que Kiepert ne l’indique sur sa carte. Il comprenait Oresteion, qui était sur la route directe de Sparte à Tegea (Thucydide, V, 64 ; Hérodote, IX, 11). Kiepert a placé Oresteion dans sa carte conformément à ce qui semble le sens de Pausanias, VIII, 44, 3. Mais il paraît plutôt que l’endroit mentionné par Pausanias doit avoir été Orestaeion, et qu’Oresteion doit avoir été un endroit différent, bien que Pausanias les considère comme n’en faisant qu’un. V. l’Appendice géographique annexé aux Doriens de K. O. Müller, vol. II, p. 442, édit. allem.
[12] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 13, 14 ; Diodore, XV, 62.
[13] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 20.
V. les Travels in the Morea de Leake, vol. III, c. XXIV, p. 74, 75. Il semble difficile d’identifier le lien exact désigné par les mots τόν όπισθεν κόλπον τής Μαντινικής.
[14] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 21. Cf. Plutarque, Agésilas, c. 30.
[15] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 19.
[16] Diodore, XV, 62. Cf. Démosthène, Orat. pro Megalopolit., p. 205-207, s. 13-23.
[17] Diodore, XV, 60.
[18] Diodore, XIV, 34.
[19] Pausanias, IV, 26, 3.
[20] Diodore, XV, 66 ; Pausanias, IV, 26, 3, 4.
[21] Pour expliquer les petites choses par les grandes, — lors de la première formation de la constitution fédérale des États-Unis d’Amérique, les prétentions rivales de New-York et de Philadelphie furent une des principales raisons qui motivèrent la création de la nouvelle cité fédérale de Washington.
[22] Plutarque, Agésilas, c. 31 ; et Comparaison d’Agésilas et de Pompée, c. 4 ; Diodore, XV, 62. Cf. Xénophon, Agésilas, II, 24.
[23] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 23.
[24] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 24, 25.
[25] Diodore, XV, 61. Voir les Travels in the Mores, du colonel Leake, vol. III, ch. 23, p. 29.
[26] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 26. Quand nous lisons que les Arkadiens montèrent sur les toits des maisons pour attaquer Ischolaos, ce fait semble impliquer qu’ils furent admis dans les maisons par les villageois.
[27] Relativement à l’emplacement de Sellasia, le colonel Leake pense, en avançant divers motifs à l’appui de la supposition, que Sellasia était sur la route de Sparte, dans la direction du nord-est, vers la Thyreatis ; et que Karyæ était sur la route de Sparte, dans la direction du nord, vers. Tegea. Les investigateurs français de la Morée, aussi bien que le professent Ross et Kiepert, soutiennent une opinion différente, et placent Sellasia sur la route de Sparte au nord vers Tegea (Leake, Peloponnesiaca, p. 342-352 ; Ross, Reisen im Peloponnes., p. 187 ; Berlin, 1841).
Sur un pareil point, l’autorité du colonel Leake est très grande ; cependant l’opinion opposée relativement à l’emplacement de Sellasia me paraît préférable.
[28] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 30 ; Diodore, XV, 65.
[29] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 29 ; VII, 2, 2.
[30] Xénophon, Helléniques, VII, 2, 2.
[31] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 28, 29.
[32] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 25 ; VI, 5, 32 ; VII, 2, 2.
I1 est évident, par le dernier de ces trois passages, que le nombre des Periœki et des Ilotes qui se révoltèrent réellement fut très considérable, et le contraste entre le second et le troisième passage prouve les sentiments différents avec lesquels les deux semblent avoir été composés par Xénophon.
Dans le second, il raconte l’invasion d’Épaminondas, avec le désir d’adoucir la grandeur de la honte et du malheur des Spartiates autant qu’il le peut. Conséquemment, il ne nous dit que ceci : Il y eut, parmi les Periœki, quelques-uns qui prirent même du service actif dans l’attaque de Gythion, et qui combattirent avec les Thêbains.
Mais dans le troisième passage (VII, 21 3 : cf. sa biographie appelée Agésilas, II, 24), Xénophon vante la fidélité des Phliasiens à l’égard de Sparte, dans la position critique de cette dernière. Aussi convient-il à son argumentation de grossir ces circonstances critiques, afin de rehausser le mérite des Phliasiens, et conséquemment il nous dit : — Beaucoup d’entre les Periœki, tous les Ilotes et tous les alliés, excepté un très petit nombre, s’étaient révoltés contre Sparte.
Je crois que ces deux assertions s’éloignent de la réalité, bien que dans des sens différents. J’ai adopté dans le texte quelque chose qui est entre les deux.
[33] Plutarque, Agésilas, c. 32 ; Polyen, II, 1, 14 ; Ælien, V. H., XIX, 27.
[34] Æncas, Poliorceticus, c. 2, p. 16.
[35] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 32.
Ce passage n’est pas très clair, et les commentateurs ne sont unanimes ni quant aux mots, ni quant au sens. Quelques-uns omettent μή, expliquent έδόκει comme si c’était έδόκει τοϊς Θηβαίοις et traduisent θαρραλεώτερον par excessivement hardi.
Je suis d’accord avec Schneider pour m’éloigner de ce changement et de cette explication. J’ai donné dans le texte ce que je crois être le sens.
[36] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 28 ; Aristote, Politique, II, 6, 8 ; Plutarque, comparaison d’Agésilas et de Pompée, c. 4.
[37] Aristote (dans sa Politique, IV, 10, 5), discutant l’opinion de ces philosophes politiques qui soutenaient qu’une cité ne devrait pas avoir de murs, mais être défendue seulement par la bravoure de ses habitants, — donne diverses raisons contre cette opinion, et ajoute que ce sont des penseurs à l’ancienne mode ; que les cités qui firent une parade si fastueuse de courage personnel ont été convaincues de tort par les résultats réels.
Les commentateurs disent (V. la note de M. Barthélemy-Saint-Hilaire) qu’Aristote a en vue Sparte au moment de cette invasion thêbaine. Je ne vois pas quelle autre chose il peut vouloir dire ; cependant en même temps, si telle est sa pensée, la remarque est difficile à admettre. Épaminondas vint tout près de Sparte, mais il n’osa pas l’emporter d’assaut. Si la cité avait eu des murailles comme celles de Babylone, elles n’auraient pu lui procurer une plus grande protection. Pour moi, je crois que le fait prouve plutôt (contrairement à l’assertion d’Aristote) que Sparte était si forte par sa position, combinée avec le caractère militaire de ses citoyens, qu’elle pouvait se dispenser de murs.
Polyen (II, 2, 5) a une anecdote, je, ne sais de qui il l’emprunta, qui rapporte qu’Épaminondas aurait pu prendre Sparte, mais qu’il s’abstint à dessein de le faire, sur le motif que les Arkadiens et autres n’auraient plus alors eu besoin de Thèbes. Ni le fait allégué, ni la raison ne me paraissent dignes d’aucun crédit. Ælien (V. H., IV, 8) a la même histoire, mais une raison différente est donnée.
[38] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 50 ; Diodore, XV, 67.
[39] Thucydide, II, 15.
[40] Diodore, XV, 72.
[41] Pausanias, VIII, 27 ; VIII, 35, 5 ; Diodore, XV, 68.
Voir M. Fynes Clinton, Fasti Hellenici, Appendice, p. 418, où les faits relatifs à Megalopolis sont réunis et discutés.
Il est une chose remarquable : Xénophon (Helléniques, V, 2, 7) fait observer que la prise de Mantineia par Agésipolis démontra aux Mantineiens la folie d’avoir une rivière qui traversait leur ville ; toutefois, dans le choix de l’emplacement de Megalopolis, ce même trait fut reproduit à dessein ; et dans ce choix, les Mantineiens furent parties intéressées.
[42] Pausanias, IV, 26, 6.
[43] Strabon, VIII, p. 261 ; Polybe, VII, 11.
[44] Pausanias, IX, 14, 2 : cf. l’inscription sur la statue d’Épaminondas (IX, 15, 4).
[45] Pausanias, IV, 27, 3.
[46] Pausanias, IV, 31, 5.
[47] Pausanias, IV, 31, 2.
[48] Thucydide, II, 25.
[49] Thucydide, IV, 3.
[50] Xénophon, Helléniques, III, 3, 8.
[51] Xénophon, Helléniques, VII, I, 25.
[52] Pausanias, IV, 27, 4.
Pausanias, suivant la ligne de côtes depuis l’embouchure du Pamisos dans le golfe Messênien, autour du cap Akritas, jusqu’à l’embouchure de la Neda, dans la mer occidentale, — énumère les cilles et places suivantes : — Kôronê, Kolônides, Asinê, le cap Akritas, la port Phœnikos, Methônê ou Mothônê, Pylos, Aalôn (Pausanias, IV, 34, 35, 36). L’exposé donné par Skylax (Periplus, c. 46, 47) de la côte de ces régions me paraît confus et inintelligible. Il compte Asinê et Mothônê comme cités de Laconie ; niais il semble s’être représenté ces cités comme étant dans la projection méridionale centrale du Péloponnèse (qui a le cap Tænaros à son extrémité), et ne pas s’être représenté du tout la projection sud-ouest, qui est terminée par le cati Akritas. II reconnaît Messênê, mais il poursuit le Paraplus de la côte messênienne depuis l’embouchure de la Neda jusqu’à la côte du golfe messênien au sud d’Ithômê, sans interruption. Alors, après cela, il mentionne Asinê, Mothônê, Achilleios Limôn et Psamathos, avec le cap Tænaros entre elles. De plus, il introduit en Messênia deus cités différentes, -l’une appelée Messênê, l’autre nommée Ithômê ; tandis qu’il n’y avait qu’une Messênê située sur le mont Ithômê.
Je ne puis partager l’opinion de Niebuhr, qui, se fondant surtout sur cet exposé de Skylax, croit que l’extrémité sud-ouest du Péloponnèse resta une portion de la Laconie, appartenant à Sparte, longtemps après l’établissement de la cité de Messênê. V. la Dissertation de Niebuhr sur l’époque de Skylax de Karyanda, — dans ses Kleine Schriften, p. 118.
[53] Thucydide, IV, 3, 42.
[54] Le discours d’Isocrate (VI), appelé Archidamus, montre avec force le sentiment spartiate de l’époque, relativement à cet enlèvement de territoire et à cette émancipation de serfs, effectués dans le dessein de rétablir Messênê, s. 30, 101 ; cf. aussi sections 8 et 102.
[55] Isocrate, Orat. VI (Archidamus), s. 111.
Ce discours, composé seulement cinq ou six ans après la bataille de Leuktra, est excessivement précieux comme témoignage du sentiment spartiate dans ces cruelles humiliations.
[56] La liberté des Messêniens avait été abattue par la première guerre messênienne, après laquelle ils devinrent sujets de Sparte. La seconde guerre messênienne fut amenée par leur révolte.
Conséquemment, aucune légation messênienne libre n’avait pu visiter Olympia depuis la fin de la première guerre, qui est placée par Pausanias (IV, 13, 4 ; en 723 avant J.-C., bien qu’il ne faille pas se fier à cette date. Pausanias (IV, 27, 3) donne 287 ans entre la fin de la seconde guerre messênienne et la fondation de Messênê par Épaminondas. Voir la note de Siebelis sur ce passage. On ne peut établir de dates exactes pour ces anciennes guerres.
[57] La partialité pour Sparte, visible même dès le début de l’histoire de Xénophon, devient de plus en plus exagérée d’un bout à l’antre des deus derniers livres où il raconte ses malheurs ; elle est en outre augmentée par son dépit contre les Thêbains et Épaminondas comme ses vainqueurs. Mais il n’y a guère d’exemple de ce sentiment, aussi manifeste ou aussi déshonorant, que le cas qui est actuellement sous nos yeux. En décrivant l’expédition d’Épaminondas dans le Péloponnèse pendant l’hiver de 370-369 avant J.-C., il omet totalement la fondation et de Messênê et de Megalopolis, bien que dans la suite de son histoire il fasse allusion (brièvement) tant à l’une qu’à l’autre, comme faits accomplis. Il représente les Thêbains comme étant ténus en Arkadia avec leur magnifique armée, uniquement pour repousser Agésilas et les Spartiates, et comme désirant retourner en Bœôtia, aussitôt qu’il fut certain que ces derniers avaient déjà regagné Sparte (VI, 51 23). Il ne mentionne pas non plus une fois le nom d’Épaminondas, comme général des Thêbains dans l’expédition, pas plus qu’il ne le mentionne à Leuktra.
A considérer le caractère important et frappant de ces faits, et la grandeur du général thêbain qui les accomplit, — un pareil silence de la part d’un historien, qui déclare raconter les événements du temps, est un abandon inexcusable de son devoir de dire toute la vérité. Il est évident que la fondation de Messênê et de Megalopolis blessaient au vif le sentiment philo-spartiate de Xénophon. Elles étaient, pour ainsi dire, des preuves permanentes de la dégradation de Sparte, même après que les armées ennemies s’étaient retirées de la Laconie. Il préfère les ignorer complètement. Cependant il trouve de la place pour raconter, avec une prolixité disproportionnée, les deux demandes de secours faites à Athènes par les Spartiates, et l’accueil favorable qu’elles obtinrent, — ainsi que les exploits des Phliasiens dans leur attachement dévoué à Sparte.
[58] Voir un passage frappant dans Polybe, IV, 32. Cf. aussi Pausanias, Ÿ 39, 3 ; et VIII, 27, 2.
[59] Xénophon, Helléniques, VII, 1, 38 ; VII, 4, 2, 33, 3I ; VII, 3, 1.
[60] Démosthène, Fals. Legat., p. 344, s. 11 ; p. 403, s. 220 ; Æschine, Fals. Legat., p. 296, c. 49 ; Cornélius Nepos, Épaminondas, c. 6.
[61] Xénophon, Helléniques, VII, 1, 38 ; VII, 4, 33 ; Diodore, XV, 59 ; Aristote, — Άρκάδων πολιτεία, — ap. Harpocration, v. Μόφιοι, p. 106, éd. Neumann.
[62] Polybe, II, 55.
[63] Thucydide, V, 66.
[64] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 21.
[65] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 12 ; Diodore, XV, 64.
[66] Le nombre exact de quatre-vingt-cinq jours, donné par Diodore (XV, 67), semble prouver qu’il avait copié littéralement Éphore ou un autre auteur plus ancien.
Plutarque, dans un endroit (Agésilas, c. 32), mentionne trois mois entiers, ce qui diffère peu de quatre-vingt-cinq jours. Il s’exprime comme si Épaminondas avait consacré tout son temps à ravager la Laconie. Toutefois encore, dans les Apophth. Reg., p. 19.4 B. (Cf. Ælien, V. H., VIII, 42) et dans la Vie de Pélopidas (c. 25), Plutarque dit qu’Épaminondas et ses collègues gardèrent le commandement quatre mois entiers au delà du temps légal, étant engagés dans leurs opérations en Laconie et en Messênia. Cela me semble l’interprétation la plus probable dit cas ; car les opérations paraissent trop considérables pour avoir été accomplies dans trois ou quatre mois.
[67] Voir un remarquable passage dans Plutarque : — An seni sit gerenda Respublica (c. 8, p. 788 A.).
[68] Pausanias, VIII, 27, 2. On dit que Pammenês fut un ami ardent d’Épaminondas, mais d’une position politique plus ancienne ; et que ce fut à lui qu’Épaminondas dut en partie son élévation (Plutarque, Reip. Geren. Præcep., p. 805 F.).
Pausanias place la fondation de Megalopolis dans la même année olympique que la bataille de Leuktra, et peu de mois après cette bataille, pendant l’archontat de Phrasikleidês à Athènes, c’est-à-dire entre le solstice d’été de 371 et celui de 370 avant J.-C. (Pausanias, VIII, 27, 6). Il place la fondation de Messênê dans l’année olympique suivante, sous l’archontat de Dyskinêtos à Athènes, c’est-à-dire entre le solstice d’été de 370 et celui de 369 avant J.-C. (IV, 27, 5).
On comprenait probablement que la fondation de Megalopolis datait de la détermination prise par les Arkadiens assemblés, peu après la révolution opérée à Tegea, de fonder une cité panarkadienne et une ligne fédérative. Cette détermination fut probablement prise avant le solstice d’été de 370 avant J.-C., et la date de Pausanias serait exacte ainsi.
La fondation de Messênê était datée sans doute de l’expédition d’Épaminondas, — entre novembre et mars 370-369 avant J.-C., qui se fit pendant l’archontat de Dyskinêtos à Athènes, comme l’affirme Pausanias.
Quelle longueur de temps fut nécessaire pour achever l’érection et l’établissement d’une cité ou de l’autre, c’est ce qu’on ne nous apprend pas.
Diodore place la fondation de Megalopolis en 368 avant J.-C. (XV, 72).
[69] Xénophon, Helléniques, VII, 4, 36.
[70] Isocrate (Archidamus), Or. VI, s.129.
[71] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 34-35.
[72] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 38-48.
[73] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 35.
[74] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 35.
[75] Démosthène, Cont. Neær., p. 1353. Le poète Xenoxleidês parla pour combattre le vote en faveur de Sparte (ibid.)
[76] Xénophon, Helléniques, VI, 5, 49 ; Denys d’Halicarnasse, Judic. de Lysià., p. 479.
[77] C’est dans cette mesure que nous devons croire ce que dit Cornélius Nepos (Iphicrate, c. 2).
[78] Le récit donné ici dans le texte coïncide, quant aux faits avec Xénophon, aussi bien qu’avec Plutarque, et aussi (à ce que je crois) avec Pausanias (Xénophon, Helléniques, VI, 5, 51 ; Plutarque, Pélopidas, c. 24 ; Pausanias, IX, 14, 3.
Mais, bien que j’accepte les faits de Xénophon, je ne puis accepter ses suppositions quant au dessein d’Iphikratês, ni ses critiques au sujet de sa conduite. D’autres critiques modernes ne me semblent pas avoir distingué suffisamment les faits de Xénophon de ses suppositions.
Iphikratês (dit Xénophon), tout en essayant de garder la ligne du mont Oneien, afin que les Thêbains ne pussent arriver en Bœôtia, laissa l’excellente route adjacente à Kenchreæ sans la garder. Ensuite, — désirant savoir lui-même si les Thêbains avaient déjà passé le mont Oneien, il envoya en éclaireurs toute la cavalerie athénienne et toute la corinthienne. Or (fait observer Xénophon), un petit nombre d’éclaireurs peuvent voir et rapporter aussi bien qu’un grand nombre, tandis qu’un grand nombre a plus de difficulté pour revenir en sûreté. Cette folle conduite d’Iphikratês, en envoyant un corps aussi considérable, fut cause que plusieurs cavaliers périrent dans la retraite, ce qui ne serait pas arrivé s’il n’avait envoyé que quelques hommes.
La critique que Xénophon fait ici ne me parait pas fondée. Il est évident, d’après Ies faits qu’il expose lui-même, qu’Iphikratês n’eut jamais l’intention de barrer le passage des Thêbains, et qu’il envoya son corps entier de cavalerie, non simplement comme éclaireurs, mais pour harceler l’ennemi sur un terrain qu’il croyait propre à ce dessein. Qu’un commandant aussi habile qu’Iphikratês se fût rendu coupable de la lourde bévue que Xénophon lui reproche ici, c’est extrêmement improbable ; il me semble plus probable que Xénophon a mal compris son dessein réel. Pourquoi, en effet, Iphikratês aurait-il désiré exposer toute l’armée athénienne dans un conflit meurtrier en vue d’empêcher la marche des Thêbains vers leur patrie ? Sa mission était de sauver Sparte ; mais Sparte n’était plus en danger à ce moment, et il était plus avantageux pour Athènes que les Thébains retournassent en Bœôtia, que de les voir rester dans le Péloponnèse. Qu’il se soit contenté de harceler les Thébains, au lieu de leur barrer directement le passage, c’est la politique à laquelle nous devions nous attendre de sa part.
Il y a dans cette retraite une autre circonstance qui a donné lieu à une discussion parmi les commentateurs, et sur laquelle je m’éloigne de leurs vues. Elle se rattache à l’assertion de Pausanias.
Dans cette assertion il y a quelques inexactitudes, par exemple quand Pausanias appelle Iphikratês fils de Timotheos, et quand il parle de Lechæon, quand il aurait dû nommer Kenchreæ. Car Épaminondas n’aurait pu passer par Corinthe du côté de Lechæon, puisque les Longs Murs, qui allaient de l’une à l’autre, l’auraient empêché ; de plus, le terrain raboteux se trouvait entre Corinthe et Kenchreæ, non entre Corinthe et Lechæon.
Mais les mots qui causent le plus d’embarras sont ceux qui suivent : Épaminondas repoussa les assaillants, et après être venu jusqu’à la cité elle-même des athéniens, quand Iphikratês défendit aux Athéniens de sortir et de combattre, il (Épaminondas) se remit en marche pour Thèbes.
Que devons-nous comprendre par la cité des athéniens ? Le sens naturel des mots est certainement Athènes ; et c’est ainsi que le comprennent la plupart des commentateurs. Mais quand la bataille fut livrée entre Corinthe et Kenchreæ, pouvons-nous raisonnablement croire qu’Épaminondas poursuivit les fugitifs jusqu’à Athènes, — par la cité de Megara, qui était sur la route, et qui semble alors (Diodore, XV, 68) avoir été alliée avec Athènes ? La station d’Iphikratês était Corinthe, d’où il était sorti, — et où sa cavalerie, une fois repoussée, dut revenir, comme étant l’asile le plus rapproché.
Le docteur Thirlwall (Hist. Greece, vol. V, ch. 39, p. 141) croit que Pausanias veut dire qu’Iphikratês se retira à Corinthe avec sa cavalerie défaite, — qu’alors Épaminondas marcha droit sur Athènes, — et qu’Iphikratês le suivit. Il est possible (dit-il) que la seule erreur dans cette assertion soit qu’il représente la présence d’Iphikratês, au lieu de son absence, comme étant la cause qui empêcha les Athéniens de combattre. Suivant Xénophon, Iphikratês doit avoir été derrière Épaminondas.
Je ne puis croire que nous obtenions cela des mots de Xénophon. Ni lui, ni Plutarque n’appuient l’idée qu’Épaminondas marcha vers les murs d’Athènes, supposition qui n’est tirée que des mots de Pausanias. Xénophon et Plutarque donnent à entendre seulement qu’Iphikratês interposa quelque opposition, et une opposition assez peu efficace, près de Corinthe, à la marche de retraite d’Épaminondas, du Péloponnèse en Bœôtia.
Qu’Épaminondas se soit dirigé sur Athènes, dans les circonstances du cas, quand il retournait en Bœôtia, c’est ce qui me parait improbable en soi, et que rend encore plus improbable le silence de Xénophon. Et il n’est pas indispensable d’expliquer ainsi même Pausanias, qui peut assurément avoir voulu dire par les mots — πρός αύτό Άθηναίων τό άστυ — non Athènes, mais la cité alors occupée par les Athéniens engagés, — c’est-à-dire Corinthe. La Cité des Athéniens, par rapports cette bataille, était Corinthe ; c’était la cité d’où les troupes d’Iphikratês venaient de sortir, et dans laquelle, étant défaites, elles se retiraient naturellement pour se mettre à l’abri, poursuivies par Épaminondas jusqu’aux portes. L’assertion de Pausanias, — qui dit qu’Iphikratês ne voulut pas laisser les Athéniens de la ville (Corinthe) sortir pour combattre, — suit alors naturellement. Épaminondas, voyant qu’ils ne sortiraient pas, fit retirer ses troupes, et reprit sa marche pour Thêbes.
Le stratagème d’Iphikratês signalé par Polyen (III, 9, 29) ne peut guère être le même incident que celui que mentionne ici Pausanias. Il prétend être une surprise nocturne méditée par les Thêbains contre Athènes, ce qui certainement doit avoir été tout à fait différent (si c’est en soi une réalité) de cette marche d’Épaminondas. Et le stratagème attribué par Polyen à Iphikratês est d’un caractère étrange et fort improbable.
[79] Plutarque, Pélopidas, c. 25 ; Plutarque, Apophth., p. 191 B ; Pausanias, II, 14, 4 ; Cornélius Nepos, Épaminondas, c. 7, 8 ; Ælien, V. H., XIII, 42.
Pausanias dit le fait d’une manière simple et claire ; les autres, et en particulier Cornélius Nepos et Mien, bien que d’accord pour le fait principal, l’entourent de couleurs exagérées et fausses. Ils représentent Épaminondas comme en danger d’être mis à mort par des concitoyens ingrats et méchants ; Cornélius Nepos lui prête un discours justificatif d’une insolence extrême (Cf. Arist., Or. XLVI, Περί τοΰ παραφθέγματος, — p. 385 Jebb. ; p. 520 Dindorf.), qui, sil avait été fait réellement, aurait contribué plus que toute autre chose à lui aliéner le public, — et qui en outre est tout à fait étranger au caractère d’Épaminondas. Afin de pousser l’exagération encore plus loin, Plutarque (De Vitioso Pudore, p. 540 E) décrit Pélopidas comme tremblant et priant pour sa vie.
Épaminondas avait commis une grave illégalité, qui ne pouvait être passée sous silence dans son jugement de responsabilité. Mais il avait une bonne justification, Il était nécessaire qu’il en fît usage ; quand il le fit, elle passa triomphalement. Que pouvait-on demander de plus ? Les faits, bien présentés, ne serviront pas comme exemple de la prétendue ingratitude du peuple à l’égard des grands hommes.
[80] Diodore (XV, 81) dit que Pélopidas fut bœôtarque sans interruption, renommé annuellement, depuis la révolution de Thêbes jusqu’à sa mort. Plutarque aussi (Pélopidas, c. 34) affirme que, quand Pélopidas mourut, il était dans sa treizième année d’emploi, ce que l’on peut regarder comme la même assertion en d’autres termes. Il ne paraît pas qu’Épaminondas ait été choisi de nouveau.
Sievers nie la nouvelle nomination de Pélopidas aussi bien que d’Épaminondas. Mais je ne vois pas sur quels motifs ; car, selon moi, Épaminondas parait encore en qualité de chef dans le Péloponnèse pendant la même année (369 avant J.-C.). Sievers soutient qu’Épaminondas commanda sans être bœôtarque, mais sans produire de raison à l’appui (Sievers, Geschichte Griech. bis zur Schlacht von Mantineia, p. 277).