ONZIÈME VOLUME
L’oligarchie des Quatre Cents à Athènes — installée dans le palais du sénat, vers février ou mars 411 av. J.-C., et déposée vers juillet de la même année —, après quatre ou cinq mois de danger et de discorde qui faillirent mettre la république au pouvoir de ses ennemis, avait été terminée à ce moment par le rétablissement de sa démocratie ; avec toutes les circonstances accessoires qui ont été amplement détaillées. Je retourne maintenant aux opérations militaires et navales sur la côte asiatique, contemporaines en partie des dissensions politiques à Athènes, décrites plus haut. Il a déjà été dit que la flotte péloponnésienne de quatre-vingt-quatorze trirèmes[1], après n’être pas resté moins de quatre-vingts jours inactive à Rhodes, était retenue à Milêtos vers la fin de, Mars, avec l’intention de procéder à la délivrance de Chios, qu’une partie de l’armement athénien sous Strombichidês avait assiégée pendant quelque temps, et qui était à ce moment dans la plus grande détresse. Toutefois le gros de la flotte athénienne à -Samos empêcha Astyochos d’effectuer ce projet, vu qu’i1 ne jugea pas prudent d’engager une bataillé générale. Il fut influencé par les présents, aussi bien que par les tromperies de Tissaphernês, qui ne cherchait qu à affaiblir les deux parties, en prolongeant la guerre, et qui déclarait alors être sur le point de faire venir la flotte phénicienne à son aide. Astyochos avait dans sa flotte les vaisseaux qui avaient été amenés pour coopérer avec Pharnabazos à l’Hellespont, et qui, étaient ainsi également incapables d’arriver à leur destination. Pour, obvier à cette difficulté, on envoya le Spartiate Derkyllidas avec un corps de troupes par terre, vers l’Hellespont, pour y rejoindre Pharnabazos, et agir contre Abydos et les dépendances d’Athènes du voisinage. Abydos, rattachée à Milêtos par des liens coloniaux, donna l’exemple en se révoltant contre Athènes et en passant à Derkyllidas et à Pharnabazos ; exemple suivi, deux jours après, par la ville voisine de Lampsakos. Il ne paraît pas qu’il y eût à ce moment de forces athéniennes dans l’Hellespont ; et la nouvelle du danger qui menaçait l’empire de ce nouveau côté, apportée à Chios, alarma Strombichidês, le commandant de l’armement qui assiégeait cette ville. Les habitants de Chios, que poussaient au désespoir les progrès de la famine aussi bien que le manque de secours de la part d’Astyochos, et qui avaient récemment porté leur flotte à 36 trirèmes contre les 32 athéniennes, grâce à l’arrivée de 12 vaisseaux sous Leôn (obtenus de Milêtos pendant l’absence d’Astyochos à Rhodes), avaient fait une sortie et livré un combat naval acharné aux Athéniens, avec quelque avantage[2]. Néanmoins Strombichidês se crut forcé de mener immédiatement vingt-quatre trirèmes et un corps d’hoplites au secours de l’Hellespont. Par là, les gens de Chios devinrent assez maîtres de la mer, pour s’approvisionner de nouveau, bien que l’armement athénien et le poste fortifié restassent encore dans l’île. Astyochos put aussi rappeler à Milêtos Leôn avec les douze trirèmes, et fortifier ainsi sa flotte principale[3]. Il parait que c’était le moment, où le parti oligarchique tant dans la ville que dans le camp à Samos, dressait son plan de conspiration qui a déjà été raconté et où les généraux athéniens était divisés d’opinion, — Charminos se rangeant dans ce parti, Leôn et Diomedôn lui étant contraires. Informé de la dissension qui régnait dans le camp, Astyochos jugea le moment favorable pour faire voile avec toute sa flotte jusqu’au port de Samos, et pour offrir la bataille ; mais les Athéniens n’étaient pas en état de quitter le port. Il retourna donc à Milêtos, où il resta de nouveau inactif, dans l’attente (réelle ou prétendue) de l’arrivée des vaisseaux phéniciens. Mais le mécontentement de ses troupes, en particulier du contingent syracusain, devint bientôt irrésistible. Non seulement elles murmurèrent de l’inaction de l’armement pendant ce moment précieux de désunion dans le camp athénien, mais encore elles découvrirent la, politique insidieuse de Tissaphernês qui ruinait insensiblement leur force sans résultat ; politique qu’ils ressentaient encore °plus vivement à cause de son irrégularité à leur fournir une paye et des provisions, ce qui leur causait une sérieuse détresse. Pour apaiser leurs cris, Astyochos fut forcé de convoquer une assemblée générale, qui se prononça en faveur d’une bataille immédiate. Conséquemment, il partit de Milêtos avec toute sa flotte de cent douze trirèmes, pour se rendre au promontoire de Mykale, immédiatement en face de Samos, — en ordonnant aux hoplites milésiens de traverser le promontoire parterre et d’aller vers le même point. La flotte athénienne, qui ne comptait à ce moment que quatre-vingt-deux voiles, dans l’absence de Strombichidês, était amarrée prés de Glaukê, sur le continent de Mykale ; mais comme elle vint à connaître la décision publique de combattre, que venaient de prendre les Péloponnésiens, elle se retira à Samos, n’étant pas disposée à engager la lutte avec un nombre si inférieur[4]. Il paraît que ce fut pendant ce dernier intervalle d’inaction de la part d’Astyochos, que le parti Oligarchique de Samos fit sa tentative et échoua ; tentative suivie d’une réaction qui amena, peu de temps après, la grande manifestation démocratique, et le serment collectif solennel de l’armement athénien, — et de plus la nomination de nouveaux généraux., dévoués et unanimes. L’armement, était alors animé d’un grand enthousiasme, et désirait en venir aux mains avec l’ennemi ; et on avait rappelé immédiatement Strombichidês, pour que la flotte fût réunie contre le principal ennemi à Milêtos. Cet officier avait recouvré Lampsakos ; mais il avait échoué dans sa tentative sur Abydos[5]. Après avoir établi un poste fortifié central à Sestos, il rejoignit alors à Samos la flotte qui, par son arrivée, atteignit le chiffre de cent huit voiles. Il arriva la nuit, au moment où la flotte péloponnésienne se préparait à renouveler son attaque, en partant de Mykale le lendemain matin. Cette flotte se composait de cent douze vaisseaux, et était conséquemment encore supérieure en nombre aux Athéniens. Mais, ayant appris à ce moment et l’arrivée de Strombichidês, et la nouvelle ardeur aussi bien que l’unanimité des Athéniens, les commandants péloponnésiens n’osèrent pas persister dari leur résolution de combattre. Ils retournèrent à Milêtos ; les Athéniens se portèrent à l’entrée du port de cette ville, et ils eurent la satisfaction d’offrir la bataille à un ennemi peu disposé à l’accepter[6]. Cet aveu d’infériorité était bien fait pour aigrir encore plus les mécontentements de la flotte péloponnésienne à Milêtos. Tissaphernês était devenu de plus en plus parcimonieux dans la fourniture de la paye et des provisions ; tandis que le rappel d’ Alkibiadês à Samos, qui s’effectua précisément à cette époque, combiné avec l’intimité non interrompue qui régnait en apparence entre lui et le satrape, la confirma dans la pensée que ce dernier la trompait et l’affamait avec intention, dans l’intérêt d’Athènes. En même temps, il arriva d’instantes sollicitations de Pharnabazos, qui sollicitait la coopération de la flotte de l’Hellespont, avec des promesses libérales de paye et d’entretien. Klearchos, qui avait été envoyé avec la dernière escadre de Sparte, dans le dessein exprès d’aller au secours de Pharnabazos, réclama l’autorisation d’exécuter les ordres qu’il avait reçus ; tandis qu’Astyochos aussi, qui avait renoncé à l’idée de toute action combinée, crut avantageux actuellement de diviser la flotte qu’il ne savait comment nourrir. En conséquence, il envoya Klearchos avec quarante trirèmes, de Milêtos à l’Hellespont, et il lui donna toutefois pour instructions d’esquiver les Athéniens à Samos, en se dirigeant d’abord vers l’ouest dans la mer Ægée. Assailli par de violentes tempêtes, il fut, forcé avec la plus grande partie de son escadre de chercher abri à Dêlos, et même il souffrit assez d’avaries pour retourner à Milêtos, d’où il se rendit lui-même par terre a l’Hellespont. Cependant, dix de ses trirèmes, sous le Mégarien Helixos, résistèrent à la tempête et poursuivirent leur voyage jusqu’à l’Hellespont, qui, à ce moment, n’était pas gardé, vu que Strombichidês semble avoir ramené toute son escadre. Helixos passa sans obstacle à Byzantion, ville dôrienne et colonie mégarienne, d’où il lui était déjà venu des invitations secrètes, et qu’il engagea maintenant à se révolter contre Athènes. Cette fâcheuse nouvelle fit reconnaître aux généraux athéniens, dont la marche détournée de Klearchos avait trompé la vigilance, la nécessité de garder l’Hellespont, où ils envoyèrent un détachement ; et tentèrent même en vain de reprendre Byzantion ; Soixante autres trirèmes se rendirent ensuite de Milêtos, à l’Hellespont et à Abydos, permettant ainsi aux Péloponnésiens de surveiller ce détroit aussi bien que le Bosphore et Byzantion[7], et même de ravager la Chersonèse de Thrace. Cependant les mécontentements de la flotte, à Milêtos, éclatèrent en une mutinerie ouverte contre Astyochos et Tissaphernês. Non payés et seulement à moitié nourris, les marins se réunirent en groupes pour parler de leurs griefs ; ils dénonçaient Astyochos comme les ayant livrés dans son intérêt au satrape ; qui ruinait l’armement d’une manière perfide d’après les inspirations d’Alkibiadês. Même quelques-uns des officiers, dont on avait jusque-là acheté le silence, commencèrent à tenir le même langage ; ils s’apercevaient que le mal était en train de devenir irréparable, et que les hommes étaient actuellement sur le point de déserter. Surtout l’incorruptible Hermokratês de. Syracuse ; et Dorieus le commandant thurien, épousèrent avec ardeur les réclamations de leurs marins qui, étant pour la plupart citoyens (en plus grande proportion que les équipages des vaisseaux péloponnésiens), allèrent en corps trouver Astyochos, pour se plaindre bruyamment et demander l’arriéré de leur paye. Mais le général péloponnésien les reçut avec hauteur et même avec menace, et leva son bâton pour frapper le commandant Dorieus qui défendait leur cause. Le ressentiment des marins fut tel qu’ils s’élancèrent pour accabler Astyochos de traits : toutefois il se réfugia sur un autel voisin, de sorte qu’il ne lui fut fait réellement aucun mal[8]. Et le mécontentement ne se borna pas aux marins de la flotte. Les Milésiens aussi, fâchés et inquiets du fort que Tissaphernês avait construit dans leur ville, guettèrent une occasion de l’attaquer par surprise, et en chassèrent la garnison. Bien que l’armement en général, plein à ce moment d’antipathie contre le satrape, s’associât par la sympathie à cet acte, cependant le commissaire spartiate Lichas le blâma sévèrement ; il donna à entendre aux Milésiens qu’eux, aussi bien que les autres Grecs, dans le territoire du roi, étaient obligés de servir Tissaphernês dans toutes les limites raisonnables, — et même de gagner ses bonnes grâces par une extrême obéissance, jusqu’à ce que la guerre fût heureusement terminée. Il parait que dans d’autres questions aussi, Lichas avait fortifié l’autorité du satrape sur eux au lieu de la mitiger, de sorte que les Milésiens en conçurent contre lui une haine violente[9], et quand bientôt après il mourut de maladie, ils refusèrent la permission de l’ensevelir dans le lieu (probablement quelque endroit d’honneur) que ses compatriotes survivants avaient déterminé. Bien que Lichas, en agissant ainsi, ne fit qu’exécuter les stipulations de son traité avec la Perse, cependant il est certain que les Milésiens, au lieu d’acquérir l’autonomie suivant les promesses générales de Sparte, en furent à ce moment plus loin que jamais, et ; que la souveraine Athènes les avait mieux protégés que Sparte contre la Perse. Toutefois, à ce moment, l’armement avait perdu presque : toute subordination, quand Mindaros arriva de Sparte en qualité d’amiral pour remplacer Astyochos, qui fut rappelé et partit. Hermokratês et quelques députés milésiens profitèrent de cette occasion pour aller à Sparte se plaindre de Tissaphernês ; tandis que ce dernier, de son côté, y envoya un ambassadeur nommé Gaulitês (Karien familier également avec les deux langues, la grecque et la karienne) pour le défendre contre les accusations souvent répétées d’Hermokratês, qui lui reprochait d’avoir déloyalement retenu la paye, d’accord avec Alkibiadês et les Athéniens, — et en même temps pour dénoncer les Milésiens de en côté, comme ayant injustement démoli son fort[10]. En même temps, il jugea nécessaire de mettre en avant –un nouveau prétexte, en vue de donner plus de force aux négociations de son, ambassadeur à Sparte, de calmer l’impatience de l’armement, et de se concilier le nouvel amiral Mindaros. Il annonça que la flotte phénicienne était sur le point d’arriver à Aspendos en Pamphylia, et qu’il s’y rendait pour la rencontrer, dans le dessein de l’amener sur le théâtre de la guerre afin qu’elle coopérât avec les Péloponnésiens. Il invita Lichas à l’accompagner, et s’engagea à laisser à Milêtos Tamos, comme son lieutenant, pendant son absence, avec ordre de fournir la paye et les vivres à la flotte[11]. Mindaros, nouveau commandant, sans aucune expérience de la fausseté de Tissaphernês, fut trompé par, ses assurances plausibles, et même captivé par la perspective prochaine d’un si puissant renfort. Il dépêcha un officier nommé Philippos avec deux trirèmes pour doubler le cap Triopien jusqu’à Aspendos, tandis que le satrape y allait par terre. Il y eut de nouveau un délai d’une assez grande longueur, pendant que Tissaphernês était absent et à Aspendos, pour ce dessein ostensible. Il s’écoula quelque temps avant que Mindaros fût désabusé ; car Philippos trouva la flotte phénicienne à Aspendos, et en conséquence conçut d’abord l’espoir qu’elle allait réellement eu avant. Mais le satrape ne tarda pas à montrer que son objet actuellement, comme jusqu’alors, n’était rien de plus que retard et tromperie. Les vaisseaux phéniciens étaient au nombre de 147 ; flotte plus que suffisante pour terminer la guerre maritime, si on l’eût employée avec ardeur. Mais Tissaphernês affecta de croire que c’étaient des forces peu considérables, indignes de la majesté du grand roi, qui avait commandé qu’une flotte de trois cents voiles fût préparée pour le service[12]. Il resta quelque temps à attendre, à ce qu’il prétendait, qu’il y eût plus de vaisseaux en route, sans tenir compte d’aucune des remontrances des officiers lacédæmoniens. .Bientôt arriva l’exilé Alkibiadês, avec treize trirèmes athéniennes, se présentant comme étant dans les meilleurs termes avec le satrape. Il se servit aussi de l’approche de la flotte phénicienne pour tromper ses compatriotes à Samos, en promettant d’aller trouver Tissaphernês à Aspendos, de manière à le déterminer, s’il était possible, à employer la flotte pour aider Athènes, — mais tout au moins, à ne pris l’employer pour aider Sparte. La dernière alternative de la promesse était assez sûre, puisqu’il savait bien que Tissaphernês n’avait pas l’intention d’appliquer la flotte à aucun dessein réellement efficace. Mais il pouvait par là se faire honneur auprès de ses compatriotes pour avoir servi à priver l’ennemi d’un renfort si formidable. En partie, la confiance qui régnait en ; apparence entre Tissaphernês et Alkibiadês, — en partie les défaites imprudentes du premier, fondées, sur l’incroyable prétexte que le nombre des vaisseaux était insuffisant, — finirent par convaincre Philippos que la conduite actuelle n’était qu’une nouvelle manifestation de fraude. Après un long et fâcheux intervalle, il informa Mindaros, — non sans dés injures pleines d’indignation de la part du satrape, — qu’il n’y avait rien à espérer de la flotte à Aspendos. Cependant, à vrai dire, la conduite de Tissaphernês, en faisant venir les Phéniciens à cet endroit, et en retenant encore l’ordre d’aller plus loin et d’en venir à un engagement, était aux yeux de tous mystérieuse et inexplicable. Quelques-uns s’imaginaient qu’il agissait ainsi en vite de tirer des présents plus considérables des Phéniciens eux-mêmes, — à titre de récompense pour les avoir renvoyés chez eux sans combattre, comme il parait qu’ils le furent réellement. Mais Thucydide suppose qu’il n’avait pas d’autre motif que celui qui avait déterminé sa conduite pendant la dernière année, — c’était de prolonger la guerre et d’appauvrir à la fois Athènes et Sparte, en avançant une nouvelle déception, qui durerait pendant quelques semaines, et fournirait autant de retard[13]. L’historien a sans doute raison : mais sans son assurance, il eût été difficile de croire que le besoin de soutenir un prétexte frauduleux, pendant un temps si court, eût été regardé comme un motif suffisant pour faire venir cette grande flotte de Phénicie a Aspendos, et ensuite pour la renvoyer sans l’avoir employée. Après avoir fini par perdre l’espoir qu’il mettait dans les vaisseaux phéniciens, Mindaros résolut de rompre toute relation avec le perfide Tissaphernês, — d’autant plus que Tamos, lieutenant de ce dernier, bien que laissé ostensiblement pour payer et nourrir la flotte, accomplissait ce devoir avec plus d’irrégularité que jamais. Il se décida donc à conduire la flotte à l’Hellespont afin de coopérer avec Pharnabazos, qui continuait encore ses promesses et ses invitations. La flotte péloponnésienne[14] — forte de soixante-treize trirèmes, déduction faite de treize qui avaient été envoyées sous Dorieus pour étouffer quelques troubles à Rhodes —, après avoir été soigneusement préparée à l’avance, fut mise en mouvement par un ordre soudain, de sorte qu’aucun avis antérieur ne put parvenir aux Athéniens à Samos. Après avoir été retenu quelques jours à Ikaros par le mauvais temps, Mindaros atteignit Chios en sûreté. Mais il y fut poursuivi par Thrasyllos, qui passa, avec cinquante-cinq trirèmes, au nord de Chios, et se trouva ainsi entre l’amiral lacédæmonien et l’Hellespont. Croyant que Mindaros resterait quelque temps à Chios, Thrasyllos plaça des vigies tant sur les hautes terres de Lesbos que sur le continent vis-à-vis de Chios, afin d’être à même d’avoir une connaissance instantanée de tout mouvement que ferait la flotte de l’ennemi[15]. Pendant ce temps-là il employa les forces athéniennes à réduire la ville lesbienne d’Eresos, qui avait été dernièrement déterminée à se révolter par un corps de trois cents assaillants venus de Kymê sous le Thêbain Anaxandros, — c’étaient en partie des exilés méthymnæens avec quelques amis politiques, en partie des mercenaires étrangers, — qui réussirent à entraîner Eresos après avoir échoué dans une attaque dirigée sur Mêthymna. Thrasyllos trouva devant Eresos une petite escadre athénienne de cinq trirèmes sous Thrasyboulos, qui avait été dépêchée de Samos pour essayer de prévenir la révolte, mais qui était arrivée trop tard. Il fut rejoint en outre par deux trirèmes de l’Hellespont, et par d’autres de Mêthymna, de sorte que sa flotte entière atteignit le chiffre de soixante-sept trirèmes, avec lesquelles il se mit en devoir d’assiéger Eresos ; comptant sur ses vigies pour l’avertir à temps dans le cas où la flotte ennemie se dirigerait vers le nord. La route que, dans la pensée de Thrasyllos, devait suivre la flotte péloponnésienne, était d’aller de Chios vers le nord par le détroit qui sépare la partie nord-est de cette île du mont Mimas, sur le continent asiatique : après quoi elle voguerait probablement au delà d’Eresos, sur le côté,occidental de Lesbos, comme étant la route la plus courte vers l’Hellespont, — bien qu’elle pût aussi faire le tour sur le côté oriental, entre Lesbos et le continent ; par une route un peu plus longue. Les vigies athéniennes étaient placées de manière à voir la flotte péloponnésienne si elle passait par ce détroit ou si elle s’approchait de l’île de Lesbos. Mais Mindaros ne fit ni l’un ni l’autre ; échappant ainsi à leur surveillance et arrivant à l’Hellespont à l’insu des Athéniens. Après avoir employé deux jours à approvisionner ses vaisseaux, et reçu en outre, des gens de Chios, trois tesserakostæ (monnaie de Chios d’une valeur inconnue) pour chacun de ses marins, il partit de cette île le troisième jour, mais il se dirigea vers le sud et fit le tour de l’île en toute hâte sur son côté occidental ou côté de la mer. Après avoir atteint et passé la latitude septentrionale de Chios, il alla vers l’est, ayant Lesbos à quelque distance à gauche, directement vers le continent, qu’il toucha à un port appelé Karterii, dans le territoire Phokæen. Là il s’arrêta pour donner à son équipage le repas du matin ; ensuite il traversa l’arc du golfe de Kymê jusqu’aux petits îlots appelés Arginusæ (tout près du continent asiatique, en face de Mitylênê), où il s’arrêta de nouveau pour souper. Continuant son voyage en avant pendant la plus grande partie de la nuit, il fut à Harmatonte (sur le continent, directement au nord et en face de Mêthymna) pour le repas du lendemain matin ; puis avançant encore à la hâte après une courte halte, il doubla le cap Lekton, -vogua le long de la Troade et au delà de Ténédos, et atteignit l’entrée de l’Hellespont avant minuit ; là il répartit ses vaisseaux à Sigeion, à Rhœteion, et dans d’autres lieux voisins[16]. Par cette course bien imaginée et par ce voyage rapide, la flotte péloponnésienne évita complètement les vigies de Thrasyllos, et parvint à l’entrée de l’Hellespont, avant que cet amiral fût seulement informé de son départ : de Chios. Toutefois, quand elle arriva à Harmatonte, en face et presque en vue de la station athénienne à Mêthymna, sa marche ne put plus rester un secret. A mesure qu’elle avançait davantage le long de la Troade, l’importante nouvelle circulait partout, et était promulguée par des fanaux et des signaux, en grand nombre sur les montagnes, par des amis aussi bien que par des ennemis. Ces signaux étaient parfaitement visibles et parfaitement intelligibles pour les deux escadres hostiles qui étaient de garde à ce moment de chaque côté de l’Hellespont : dix-huit trirèmes athéniennes à Sestos en Europe, — seize trirèmes péloponnésiennes à Abydos en Asie. Pour les premières, t’eût été leur ruine complète si elles avaient été prises par ce puissant ennemi dans l’étroit canal de l’Hellespont. Elles quittèrent Sestos au milieu de la nuit, passèrent en face d’Abydos et suivirent une marche méridionale près et le long du rivage de la Chersonèse, dans la direction d’Elæonte, à l’extrémité méridionale de la péninsule, de manière à avoir la chance de s’enfuir en pleine mer et de rejoindre Thrasyllos. Mais il ne leur eût pas été possible de dépasser même la station des ennemis à Abydos, si les vaisseaux de garde péloponnésiens n’avaient reçu de Mindaros les ordres les plus sévères, transmis avant qu’il partît de Chios, ou peut-être même avant qu’il quittât Milêtos, et dont la teneur était que s’il essayait de partir, ils guettassent spécialement et avec vigilance sa venue, et qu’ils se réservassent pour lui prêter le secours dont il pourrait avoir besoin dans le cas où il serait attaqué par Thrasyllos. Quand les signaux annoncèrent pour la première fois l’arrivée de Mindaros, les vaisseaux de garde péloponnésiens à Abydos ne pouvaient savoir dans quelle position il était, ni si le gros de la flotte athénienne ne le suivait pas de près. En conséquence, ils agirent en vertu des ordres antérieurs, se tenant en réserve dans leur station à Abydos, jusqu’à ce que le jour arrivât, et qu’ils fussent mieux informés. Ainsi ils ne s’occupèrent pas de l’escadre athénienne de l’Hellespont quand elle s’enfuit de Sestos pour gagner Elæonte[17]. En arrivant vers le jour près de la pointe méridionale de la Chersonèse, ces Athéniens furent aperçus par la flotte de Mindaros qui était arrivée la nuit précédente aux stations opposées de Sigeion et de Rhœteion. Ce dernier leur donna immédiatement la chasse ; mais les Athéniens, à ce moment en pleine mer, parvinrent, pour la plupart, à s’enfuir à Imbros, — non toutefois sans avoir perdu quatre trirèmes, dont l’une fut même prise avec tout son équipage à bord, près du temple de Protesilaos à Elæonte ; les équipages des trois autres purent gagner le rivage. Mindaros fut alors rejoint par l’escadre d’Abydos, et leurs forces combinées (au nombre de quatre-vingt-six trirèmes) furent occupées pendant un jour à essayer de prendre Elæonte d’assaut. Échouant dans cette entreprise, la flotte se retira à Abydos. Avant qu’elle pût y parvenir tout entière, Thrasyllos, avec sa flotte, arriva en hâte d’Eresos, fort désappointé d’avoir vu ses vigies esquivées et tous ses calculs déjoués. Deux trirèmes péloponnésiennes, qui avaient été plus aventureuses que les autres en poursuivant les Athéniens, tombèrent entre ses mains. Il attendit à Elæonte que l’escadre athénienne fugitive revînt d’Imbros, et ensuite il se mit à préparer ses trirèmes, au nombre de soixante-seize, pour une action générale. Après cinq jours de préparatifs, il mena sa flotte au combat ; il vogua au nord vers Sestos en remontant l’Hellespont, les vaisseaux à la file, le long de la côte de la Chersonèse, c’est-à-dire sur le côté européen. L’escadre de gauche, ou la plus avancée sous Thrasyllos, alla même au delà du cap appelé Kynossêma, ou Tombeau-du-Chien, illustré par la légende et la chapelle de la reine de Troie Hekabê (Hécube) ; elle était ainsi presque en face d’Abydos, tandis que l’escadre de droite, sous Thrasyboulos, n’était pas loin de l’entrée méridionale du détroit, presque vis-à-vis de Dardanos. Mindaros, de son côté, amena pour combattre quatre-vingt-six trirèmes (dix de plus que Thrasyllos en tout), s’étendant d’Abydos à Dardanos sur le rivage asiatique ; les Syracusains sous Hermokratês étant à la droite, opposés à Thrasyllos, tandis que Mindaros avec les vaisseaux péloponnésiens étaient à la gauche, opposés à Thrasyboulos Lés epibatæ ou hoplites de marine à bord des vaisseaux de Mindaros étaient, dit-on, supérieurs aux Athéniens ; mais les derniers l’emportaient par l’habileté de leurs pilotes et par les manoeuvres nautiques ; néanmoins la description de la bataille nous dit combien la manœuvre athénienne avait décliné depuis les glorieux exploits de Phormiôn au commencement de la, guerre du Péloponnèse ; et cet éminent homme de mer n’aurait pas non plus choisi pour théâtre d’une bataille navale les eaux resserrées de l’Hellespont. Mindaros prit l’offensive, il s’avança pour attaquer près du rivage européen, et essaya de déborder ses adversaires des deux cotés, aussi bien que de les pousser contre la terre. Thrasyllos à une aile, et Thrasyboulos à l’autre, par des mouvements rapides, s’étendirent de manière à déjouer la tentative qu’il faisait de les déborder ; mais en agissant ainsi, ils dégarnirent et affaiblirent le centre, auquel le cap avancé de Kynossêma enlevait même la vue de l’aile gauche. Laissé ainsi sans appui, le centre fut attaqué vigoureusement et rudement traité par la division centrale de Mindaros. Ses vaisseaux furent poussés à la côte, et les assaillants débarquèrent même pour poursuivre leur victoire, contre les hommes sur le rivage. Nuis ce succès partiel jeta le désordre dans- la division centrale elle-même des Péloponnésiens, tandis Une Thrasyboulos et Thrasyllos continuaient une lutte d’abord égale, et bientôt victorieuse, contre les vaisseaux de la droite et de la gauche ale l’ennemi. Après avoir repoussé ces deux divisions, ils chassèrent aisément les vaisseaux du centre en désordre, de sorte que toute la flotte péloponnésienne fut mise en fuite, et trouva asile d’abord dans le fleuve Meidios, ensuite à Abydos. Le peu de largeur de l’Hellespont interdit soit une poursuite prolongée, soit de nombreuses prises. Néanmoins huit vaisseaux de Chios, cinq de Corinthe, deux d’Ambrakia et autant de bœôtiens, et un de chacune des villes de Sparte, de Syracuse, de Pellênê et de Leukas, — tombèrent entre les mains des amiraux athéniens, qui toutefois, de leur côté, perdirent quinze vaisseaux. Ils élevèrent un trophée sur le cap de Kynossêma, près de la tombe ou chapelle d’Hekabê ; sans négliger les devoirs habituels d’enterrer leurs morts, et de rendre à l’ennemi les siens par suite de la demande ordinaire d’une trêve[18]. Une victoire si incomplète et si indécise aurait été peu prisée par les Athéniens, dans les temps qui précédèrent l’expédition de Sicile. Mais depuis ce désastre écrasant, suivi de tant d’autres malheurs, et pour dernier coup, de la défaite de Thymocharis avec la révolte de l’Eubœa, leur courage avait si tristement baissé, que la trirème qui apporta la nouvelle de la bataille de Kynossêma, vraisemblablement vers la fin d’août 411 avant J.-C., fut accueillie avec les plus grands transports de joie et de triomphe. Ils commencèrent à croire que leur déclin avait atteint son point le plus bas, et que la chance s’était mise à tourner en leur faveur, en présentant quelques espérances de succès définitif dans la guerre. Bientôt il arriva une autre preuve d’heureuse fortune qui fortifia cette opinion. Mindaros fut obligé de se renforcer à l’Hellespont en envoyant Hippokratês et Epiklês qu’il chargea d’amener la flotte de cinquante trirèmes qui opérait alors en Eubœa[19]. C’était déjà pour Athènes un grand soulagement, grâce auquel son voisinage perdait un ennemi importun. Mais il prit des proportions plus grandes encore par suite des malheurs subséquents de la flotte qui, en doublant le cap du mont Athos pour se rendre en Asie, fut assaillie par une terrible tempête et presque détruite, et qui perdit un grand nombre de ses marins, de sorte qu’il u’y eut que des restes sous Hippokratês qui survécurent et rejoignirent Mindaros[20]. Mais bien qu’Athènes fût ainsi délivrée de toute crainte d’agression du côté de l’Eubœa, les conséquences de ce départ de la flotte furent telles qu’elles montrèrent combien l’île elle-même s’était soustraite d’une manière irréparable a sa suprématie. Les habitants de Chalkis et des autres villes, laissées a ce moment sans défense étrangère contre elle, s’occupèrent conjointement avec les Bœôtiens, dont l’intérêt dans ce cas était même plus grand que le leur, à enlever à l’Eubœa son caractère insulaire, en construisant un môle ou pont qui traversait l’Euripos, la partie la plus resserrée du détroit Eubœen, où Chalkis était séparée de la Bœôtia. On jeta de chaque côté un môle, gardé à chaque extrémité par une tour, et ne laissant qu’une ouverture au milieu, assez large pour qu’il y passât un seul vaisseau et couverte par un pont de bois. Ce fut en vain que l’Athénien Theramenês, avec trente trirèmes, se présenta pour s’opposer aux progrès de l’entreprise. Les Eubœens et les Bœôtiens la poursuivirent avec tant de monde et avec tant d’ardeurs qu’elle fut bientôt achevée. L’Eubœa, tout récemment l’île la plus importante attachée à Athènes, fait désormais partie du continent, complètement indépendante d’elle, quand même il plairait a la fortune de rétablir sa puissance maritime[21]. La bataille de Kynossêma n’amena pas de conséquences très importantes, si ce n’est qu’elle encouragea les Athéniens. Précisément même après l’action, la ville de Kyzikos (Cyzique) se révolta contre eux, et quatre jours après, la flotte athénienne, réparée à la hâte à Sestos, fit voile vers cette place pour la reprendre. Elle n’était pas fortifiée : de sorte qu’ils réussirent avec peu de difficultés, et ils y mirent une garnison ; en outre, quand ils s’y rendaient, ils obtinrent un avantage de plus en prenant, à la hauteur de la côte méridionale de la Propontis, ces huit trirèmes péloponnésiennes qui avaient accompli, quelque temps auparavant, la révolte de Byzantion. Mais d’autre part, aussitôt que la flotte athénienne eut quitté Sestos, Mindaros alla de la station d’Abydos à Elæonte, et recouvra toutes les trirèmes prises sur lui à Kynossêma, que les Athéniens y avaient déposées, excepté quelques-unes qui étaient tellement endommagées que les habitants d’Elæonte y mirent le feu[22]. Mais ce qui commença à ce moment à constituer un élément de la guerre beaucoup plus important, ce furent la différence de caractère entre Tissaphernês et Pharnabazos, et le transport de la flotte péloponnésienne de la satrapie du premier à celle du second. Tissaphernês, en ne fournissant ni secours ni paye aux Péloponnésiens, avait par ses promesses et ses présents perfides, affaibli toute leur conduite pendant la dernière année, dans le dessein arrêté ale ruiner les deus parties belligérantes. Pharnabazos était un homme brave et sérieux qui s’appliqua à les aider énergiquement, au moyen d’hommes aussi bien que d’argent, et qui fit tous ses efforts pour abattre la puissance athénienne ; comme nous le verrons faire les mêmes efforts, dix-huit mois plus tard, pour la rétablir en partie. Dès ce moment, l’aide des Perses devient une réalité dans la guerre grecque ; et en général, — d’abord par les mains de Pharnabazos, ensuite par celles de Cyrus le jeune, — la réalité déterminante, Csar, comme nous le verrons, tandis que les Péloponnésiens sont pour la plupart bien payés sur le trésor persan, --les Athéniens, privés de toute ressource semblable, sont forcés de compter sur des contributions qu’ils peuvent lever ça et là, sans droit établi ni accepté, et d’interrompre pour cela la carrière de succès même la plus remplie de promesses., Vingt-six ans plus tard, à une époque où Sparte avait perdu ses alliés persans, le Lacédæmonien Teleutias essayait d’apaiser la mutinerie de ses marins non payés, en leur disant combien il était plus noble d’arracher une paye a l’ennemi au moyen de leurs épées, que de l’obtenir en s’abaissant devant l’étranger[23] ; et probablement-les généraux athéniens, pendant ces années antérieures de lutte, essayèrent de semblables appels à la générosité de leurs soldats. Mais il n’en est pas, moins certain que le payeur non veau et permanent introduit s. ce moment, donna de terribles avantages a la cause spartiate. La bonne paye et la coopération sincère que les Péloponnésiens recevaient alors de Pharnabazos, ne firent que les indigner davantage contre la perfidie antérieure de Tissaphernês. Sous l’influence de ce sentiment,-ils s’empressèrent de prêter leur aide aux habitants d’Antandros pour chasser son général Arsakês avec la garnison persane. Arsakês, poussé par une rancune inexpliquée, avait récemment commis un assassinat perfide contre les Déliens établis à Adramyttion : il avait invité leurs principaux citoyens à prendre part comme alliés a une expédition, et les avait fait tous entourer, accabler de traits et massacrer pendant le repas du matin. Un tel acte était plus que suffisant pour exciter la haine et l’alarme parmi les Antandriens voisins, qui appelèrent d’Abydos, par la chaîne de montagnes de l’Ida, un corps d’hoplites péloponnésiens, dont l’aide délivra Antandros des Perses[24]. A Milêtos aussi bien qu’à Knidos, Tissaphernês avait déjà subi la même humiliation[25] : Lichas ne vivait plus pour appuyer ses prétentions ; et l’on ne nous dit pas non plus qu’il ait obtenu de résultat à la suite des plaintes de son ambassadeur Gaulitês à Sparte. Dans ces circonstances, il commença à craindre de s’être chargé d’un poids d’inimitié qui pouvait devenir sérieusement funeste, et il ne fut pas sans être jaloux de la popularité et du succès possible de Pharnabazos. La fraude relative à la flotte phénicienne, maintenant que Mindaros avait ouvertement rompu avec lui et quitté Milêtos, n’était plus utile à aucun dessein. En conséquence il la renvoya dans ses foyers, prétendant avoir appris que les villes phéniciennes étaient en danger par suite d’attaques soudaines de l’Arabie et de l’Égypte[26], tandis qu’il quitta lui-même Aspendos pour visiter de nouveau l’Iônia, aussi bien que pour s’avancer vers l’Hellespont, dans le dessein de renouveler des relations personnelles avec les Péloponnésiens mécontents. Il désirait, tout en essayant encore d’excuser sa perfidie au sujet de la flotte phénicienne, protester en même temps contre leur conduite récente à Antandros, ou du moins obtenir quelque garantie contre la répétition d’une pareille hostilité. Toutefois, la visite qu’il fit à l’Iônia semble avoir occupé quelque temps, et il essaya de se concilier les Grecs ioniens par un splendide sacrifice offert à Artemis, à Ephesos[27]. Après avoir quitté Aspendos (autant que nous pouvons le reconnaître) vers le commencement d’août (411 av. J.-C.), il n’arriva pas à l’Hellespont avant le mois de novembre[28]. Aussitôt que la flotte phénicienne eut disparu, Alkibiadês retourna avec ses treize trirèmes de Phasêlis à Samos. Lui, aussi, comme Tissaphernês, fit servir cet acte à sa propre fourberie. Il se fit honneur auprès de ses compatriotes d’avoir attaché plus fortement que jamais la bonne volonté du satrape è la cause d’Athènes, et de l’avoir décidé à abandonner son intention d’amener la flotte phénicienne[29]. A ce moment, Dorieus était à Rhodes avec treize trirèmes, après avoir été dépêché par Mindaros (avant son départ de Milêtos) afin d’arrêter le développement d’un parti favorable aux Athéniens dans l’île. Il se peut que la présence de ces forces ait menacé les intérêts d’Athènes à Kôs et à Halikarnassos ; car nous voyons à ce moment Alkibiadês se rendre de Samos à ces villes avec neuf trirèmes nouvelles ajoutées à ses treize. Après avoir élevé des fortifications à la ville de Kôs, il y établit une garnison athénienne avec un officier athénien. Il leva sur Halikarnassos des contributions considérables ; sur quel prétexte, ou était-ce par simple besoin d’argent, c’est ce que nous ignorons. Ce fut vers le milieu de septembre qu’il retourna à Samos[30]. A l’Hellespont, Mindaros avait été renforcé après la bataille de Kynossêma par l’escadre d’Eubœa, du moins par la partie de cette escadre qui avait échappé à la tempête à la hauteur du mont Athos (411 av. J.-C.). Le départ de la flotte péloponnésienne d’Eubœa permit aux Athéniens d’envoyer également un peu plus de vaisseaux à leur flotte à Sestos. Rangées ainsi sur les côtes opposées du détroit, les deux flottes en vinrent à un second engagement, dans lequel les Péloponnésiens, sous Agesandridas, eurent l’avantage, toutefois avec peu de fruit. Ce fut vers le mois d’octobre vraisemblablement que Dorieus, avec ses quatorze trirèmes, vint de Rhodes pour rejoindre Mindaros à l’Hellespont. Il avait espéré probablement remonter le détroit jusqu’à Abydos pendant la nuit, mais il fut surpris par le jour à quelque distance de l’entrée, près de Rhœteion ; et les vedettes athéniennes signalèrent à l’instant son approche. On dépêcha vingt trirèmes athéniennes pour l’attaquer ; alors Doriens s’enfuit et chercha son salut en tirant des vaisseaux sur le rivage, dans la baie enfoncée prés de Dardanos. L’escadre athénienne l’y attaqua, mais elle fut repoussée et forcée de retourner à Madytos. Mindaros fut lui même spectateur de cette scène, à distance, étant occupe à sacrifier à Athênê sur la colline vénérée d’Ilion. Il alla en hâte immédiatement à Abydos, où il arma sa flotte entière de quatre-vingt-quatre trirèmes ; Pharnabazos lui prêtait son concours sur le rivage avec son armée de terre. Après avoir délivré les vaisseaux de Dorieus, son premier soin fut de résister à la flotte athénienne entière, qui vint bientôt l’attaquer sous Thrasyboulos et Thrasyllos. Il s’engagea entre les deux flottes un combat naval acharné qui dura presque toute la journée avec une issue douteuse ; à la fin, vers le soir, on vit approcher vingt nouvelles trirèmes. Elles se trouvèrent être l’escadre d’Alkibiadês qui venait de Samos ; il avait probablement appris que l’escadre de Doriens avait rejoint le gros de la flotte péloponnésienne, et il était venu avec son renfort pour faire contrepoids[31]. Aussitôt que son signal ou pavillon de pourpre fut reconnu, la flotte athénienne se sentit animée d’un redoublement d’ardeur. Les nouveaux, venus l’aidèrent à pousser l’action si vigoureusement, que la flotte péloponnésienne fut repoussée jusqu’à Abydos et jetée à la côte. Les Athéniens y poursuivirent leur succès et s’efforcèrent de l’enlever tout entière en la remarquant. Mais l’armée de terre persane la protégea, et l’on vit Pharnabazos lui-même le premier au combat ; il s’avança même dans l’eau en personne aussi loin que son cheval avait pied. Le gros de la flotte péloponnésienne fut sauvé ainsi. Cependant lés Athéniens se retirèrent avec une victoire importante — ils emmenaient trente trirèmes comme prises et avaient reconquis celles qu’ils avaient eux-mêmes perdues dans les deux engagements précédents[32]. Mindaros tint sa flotte défaite dans l’inaction à Abydos pendant l’hiver (411-410 av. J.-C.), et il envoya demander des renforts dans le Péloponnèse aussi bien que chez ses alliés ; en même temps, il s’engagea conjointement avec Pharnabazos dans des opérations par terre contre divers alliés d’Athènes sur le continent. Les amiraux athéniens, de leur côté, au lieu de tenir leur flotte réunie pour poursuivre la victoire, furent forcés d’en disperser une grande partie en escadres volantes destinées à recueillir de l’argent ; ils ne conservèrent que quarante voiles à Sestos, tandis que Thrasyllos en personne se rendit à Athènes annoncer la victoire et demander des renforts. Conformément à cette requête, trente trirèmes furent envoyées sous Theramenês, qui essaya d’abord sans succès d’empêcher la construction du pont entre la Bœôtia et l’Eubœa, et ensuite alla dans les îles afin d’y recueillir de l’argent. Il fit un butin considérable en opérant des descentes sur le territoire ennemi, et il extorqua aussi de l’argent de diverses personnes, qui songeaient à se révolter ou que l’on supposait disposées à le faire, parmi les dépendances d’Athènes. A Paros, où l’oligarchie établie par Peisandros lors de la conspiration des Quatre Cents existait encore, Theramenês déposa et condamna à l’amende les hommes qui l’avaient exercée, — et il établit une démocratie à sa place. De là il passa en Macedonia pour prêter assistance à Archélaos, roi de ce pays, et il reçut probablement de lui une paye temporaire ; il l’aida pendant quelque temps au siège de Pydna, bloquant la ville par mer pendant que les Macédoniens l’assiégeaient par terre. Le blocus ayant duré tout l’hiver, Theramenês fut invité, avant la prise de la ville, à rejoindre le gros de la flotte athénienne en Thrace ; cependant Archélaos prit Pydna peu de temps après, et transporta la ville avec ses habitants du bord de la mer à une distance de deux milles (= 3 kilom.) à l’intérieur[33]. Nous retrouvons dans tous ces actes la preuve de ce terrible manque d’argent, qui poussait actuellement les Athéniens à l’injustice, aux extorsions et à une conduite à l’égard de leurs alliés telles qu’on n’en avait jamais vu d’exemple dans les premières années de la guerre. C’est à cette époque que nous trouvons mentionnée une nouvelle commotion intestine à Korkyra, moins souillée toutefois d’énormités sauvages que celles que nous avons racontées dans la septième année de la guerre. Il parait que le parti oligarchique de l’île, qui avait été pour le moment presque détruit à cette époque, avait depuis -regagné de la force, et qu’il fut encouragé par les malheurs d’Athènes à dresser des plans en vue de livrer l’île aux Lacédæmoniens. Les chefs démocratiques, informés de cette conspiration, envoyèrent chercher à Naupaktos l’amiral athénien Konôn. Il amena un détachement de six cents Messêniens, avec le secours desquels ils saisirent, sur la place du marché, les conspirateurs oligarchiques, dont ils mirent quelques-uns à mort et bannirent plus de mille. La grandeur de leurs alarmes est attestée par ce fait, qu’ils affranchirent les esclaves et conférèrent le droit de cité aux étrangers : Les exilés, s’étant retirés sur le continent opposé, revinrent bientôt après et furent admis dans la place du marché, grâce à la connivence d’un parti à l’intérieur, Il s’engagea dans l’enceinte des murs un combat sérieux, que finirent par terminer un compromis et le rétablissement des exilés[34]. Nous rie savons rien au sujet des détails de ce compromis, mais il semble avoir été rédigé sagement et fidèlement observé, car nous n’entendons parler de Korkyra que trente-cinq ans environ après cette période, et l’île nous est alors présentée comme étant au point le plus élevé de culture et de prospérité[35]. Sans cloute l’affranchissement des esclaves et l’admission de tant de nouveaux étrangers au droit de cité contribuèrent à ce résultat. Cependant Tissaphernês, après avoir achevé de prendre ses mesures en Iônia, arriva à l’Hellespont peu après la bataille d’Abydos, — vraisemblablement vers novembre 411 avant J.-C. Il désirait conserver quelque crédit auprès des Péloponnésiens, et pour cela une occasion ne tarda pas à se présenter. Alkibiadês, qui. commandait alors la flotte athénienne à Sestos, vint le visiter dans tout l’orgueil de la victoire, en lui apportant les présents accoutumés ; mais le satrape se saisit de sa personne et l’envoya comme prisonnier à Sardes, affirmant qu’il avait l’ordre exprès du Grand Roi de faire la, guerre aux Athéniens[36]. Ce fut la fin de toutes les illusions d’Alkibiadês, relativement à un prétendu pouvoir d’influencer les conseils persans. Cependant ces illusions avaient déjà servi son dessein en lui procurant dans le camp athénien une position nouvelle, que son énergie militaire le mit à même de soutenir et de justifier. Vers le milieu de cet hiver (410 av. J.-C.) la supériorité de la flotte de Mindaros à Abydos, sur la flotte athénienne à Sestos, était devenue si grande — en partie, à ce qu’il semblerait, par suite de renforts obtenus par la première, en partie à cause de la dispersion de la seconde en escadres volantes nécessitée par le manque de paye —, que les Athéniens n’osèrent plus conserver leur position à l’Hellespont. Ils firent voile autour de la pointe méridionale de la Chersonèse et se postèrent à Kardia, sur le côté occidental de l’isthme de cette péninsule. Là, au commencement du printemps, ils furent rejoints par Alkibiadês, qui avait trouvé moyen de s’échapper (avec Mantitheus, autre prisonnier athénien) de Sardes, d’où il était allé d’abord à Klazomenæ et ensuite à Lesbos, où il réunit une petite escadre de cinq trirèmes. Les escadres dispersées de la flotte athénienne étant à ce moment appelées toutes à se concentrer ; Theramenês vint à Kardia de Macedonia, et Thrasyboulos de Thasos, ce qui rendit la flotte athénienne supérieure en nombre à celle de Mindaros. On apporta la nouvelle que ce dernier était allé avec sa flotte de l’Hellespont à Kyzikos, et qu’il était alors occupé au siège de cette ville, conjointement avec Pharnabazos et l’armée de terre persane. Ses vigoureuses attaques avaient, en effet, déjà emporté la place, quand les amiraux athéniens résolurent de l’y attaquer, et s’arrangèrent pour le faire par surprise. Après avoir passé d’abord de Kardia à Elæonte, au sud de là Chersonèse, ils remontèrent de nuit l’Hellespont jusqu’à Prokonnesos, de sorte que leur passage ne fut pas remarqué par les vaisseaux de garde péloponnésiens à Abydos[37]. S’arrêtant à Prokonnesos pendant une nuit ; et saisissant tous les bateaux de l’ale, afin que ses mouvements fussent tenus secrets, Alkibiadês avertit ses marins assemblés qu’ils devaient se préparer à combattre à la fois sûr mer, sur terre et sur des murailles. Nous n’avons pas d’argent (dit-il), tandis que nos ennemis en ont reçu en abondance du Grand Roi. Ni zèle chez les hommes, ni combinaison chez les commandants lie firent défaut. On débarqua un corps d’hoplites sur le continent, dans le territoire de Kyzikos, en vue d’opérer une diversion ; ensuite la flotte fût partagée en trois divisions sous Alkibiadês, Theramenês et Thrasyboulos. Le premier, s’avançant près de Kyzikos avec sa seule division, défia la flotte de Mindaros, et parvint à l’attirer par une prétendue fuite à une certaine distance du port ; tandis que les autres divisions athéniennes, à la faveur d’un temps brumeux et pluvieux, s’avancèrent à l’improviste, lui coupèrent la retraite, et le forcèrent à échouer ses vaisseaux sur le continent voisin. Après un combat où l’on montra beaucoup de vaillance et d’acharnement, en partie à bord des vaisseaux, en partie sur le rivage, à un moment s’annonçant mal pour les Athéniens, malgré leur supériorité en nombre, mais assez peu, intelligible dans ses détails, et différemment compris par nos deux autorités, — la flotte péloponnésienne sur mer et les forces de Pharnabazos sur terre furent complètement défaites, Mindaros lui-même fut tué ; et la flotte entière fut prise, jusqu’à la dernière trirème, excepté celles de Syracuse, qui furent brûlées par leurs propres équipages ; tandis que la ville de Kyzikos elle-même se rendit aux Athéniens, et fut soumise à une contribution considérable, étant exemptée de tout autre mal. Le butin que firent les vainqueurs fut abondant et d’une grande valeur. Le nombre des trirèmes prises ou détruites ainsi est différemment donné : l’estimation la plus basse le porte à 60, la plus élevée à 80[38]. Cette action capitale, habilement conçue et bravement exécutée par Alkibiadês et ses deux collègues (vers avril 410 av. J.-C.), changea sensiblement la position relative des parties belligérantes. Les Péloponnésiens n’avaient pas à ce moment de flotte de quelque importance en Asie, bien qu’ils conservassent probablement encore une petite escadre à la station de Milêtos ; tandis que la flotte athénienne était plus puissante et plus menaçante que jamais. L’effroi de l’armée défaite est fortement dépeint dans la dépêche laconique envoyée par Hippokratês (secrétaire du dernier amiral Mindaros) aux Éphores à Sparte. — Tout honneur et tout avantage nous ont abandonnés : Mindaros est tué : les hommes meurent de faim : nous ne savons que faire[39]. Sans doute les Éphores apprirent le même récit déplorable de la bouche de plus d’un témoin : car cette dépêche particulière ne leur parvint jamais ; elle avait été interceptée et portée à Athènes. Si décourageante était l’idée qu’ils avaient de l’avenir, qu’il vint à Athènes, une ambassade lacédæmonienne conduite par Endios pour proposer la paix ; ou plutôt peut-être Endios — ancien ami et hôte d’Alkibiadês, qui était déjà venu auparavant à Athènes, en qualité de député — fut-il autorisé à y venir à ce moment de nouveau pur sonder les dispositions de la ville, sorte de mission non officielle qui permettait qu’on la désavouât facilement s’il n’en résultait rien. Car il est remarquable que Xénophon ne fasse pas mention de cette ambassade ; et bien que son silence, ne suffise pas pour nous autoriser à révoquer en doute la réalité de l’événement, — qui est avancé par Diodore, peut-être sur l’autorité de Théopompe, et qui n’est nullement improbable en lui-même, — néanmoins il m’amène à douter que — les Éphores eux-mêmes aient consenti à faire ou à sanctionner la proposition. Il faut se rappeler que Sparte, sans parler de ses obligations à l’égard de ses confédérés en général, était engagée en ce moment par une convention spéciale, à l’égard de la Perse, à ne pas conclure de paix séparée avec Athènes. Suivant Diodore, Endios, ayant été admis à parler dans l’assemblée athénienne, invita les Athéniens à faire la paix avec Sparte, aux conditions suivantes les deux : parties resteraient précisément dans l’état où elles étaient ; on retirerait les garnisons des deux côtés ; on échangerait les prisonniers, un Lacédæmonien contre un Athénien. Endios insista dans son discours sur le tort mutuel que se faisaient les deux peuples en prolongeant la guerre maïs il soutint qu’Athènes était celle des deux villes qui souffrait le plus, et qui avait le plus grand intérêt à accélérer la paix. Elle n’avait pas d’argent, tandis que. Sparte avait le Grand Roi comme trésorier : elle se voyait privée des produits de l’Attique par la garnison de Dekeleia, tandis que le Péloponnèse était paisible : toute son influence et tout son pouvoir dépendaient de sa supériorité sur la mer, dont Sparte pouvait se passer, tout en conservant sa prééminence[40]. Si nous pouvons en croire Diodore, tous les citoyens les plus intelligents d’Athènes conseillèrent d’accepter cette proposition. Il n’y eut d’opposition que parmi les démagogues, les perturbateurs, ceux qui avaient coutume d’attiser le feu de la guerre afin d’en tirer du profit pour eux-mêmes. En particulier, le démagogue Kleophôn, qui jouissait à ce moment d’une grande influence, insista sur l’éclat de la récente victoire, et sur les nouvelles chances de succès qui s’ouvraient alors devant les Athéniens ; si bien que l’assemblée finit par rejeter la proposition d’Endios[41]. Il fut facile à ceux qui écrivirent après la bataille d’Ægospotamos et la prise d’Athènes, d’être sages après coup, et de répéter les dénonciations habituelles contre un peuple insensé qu’égarait un démagogue corrompu. Mais si, abstraction faite de la connaissance que nous avons de l’issue finale de la guerre, nous examinons la teneur de cette proposition (même en admettant qu’elle ait été formelle et autorisée) aussi bien que le moment auquel elle fut faite, — nous hésiterons avant de prononcer que Kleophôn fût fou, encore bien moins corrompu, pour en avoir recommandé le rejet. Quant à l’accusation d’intérêt corrompu dans la continuation de la guerre, j’ai déjà fait à propos de Kleôn quelques remarques, tendant à montrer qu’on ne peut pas à juste titre attribuer un tel intérêt aux démagogues de ce caractère[42]. C’étaient des hommes essentiellement peu belliqueux, et ils avaient tout autant de chance personnellement de perdre que de gagner à un état de guerre. Cela est particulièrement vrai, relativement à Kleophôn pendant les dernières années de la guerre, — vu que la position financière d’Athènes était à ce moment si malheureuse que tous les moyens dont elle pouvait disposer avaient été épuisés pour se procurer des vaisseaux et des hommes, et qu’il ne restait que peu ou point de surplus pour le péculat politique. Les amiraux, qui payaient les marins en levant des contributions au dehors, pouvaient bien s’enrichir, si telle était leur disposition ; mais les politiques à l’intérieur avaient beaucoup moins de chances de faire de tels gains qu’ils n’en auraient eu en temps de paix. En outre, même si Kleophôn, devait jamais profiter tant de la continuation de la guerre, cependant en admettant qu’Athènes finit par y être écrasée, il était certain à l’avance d’être privé non seulement de tous ses gains et de sa position, mais aussi de la vie. En voilà assez quant à l’accusation d’intérêt corrompu dirigée contre lui. Quant à la question de savoir si son avis : était judicieux, il n’est pas aussi facile d’en décider. A considérer le temps où la proposition fut faite, nous devons nous rappeler que la flotte péloponnésienne, en Asie venait d’être anéantie, et que la lettre laconique elle-même d’Hippokratês aux Éphores, qui divulguait d’une manière si énergique la détresse de ses troupes, était en ce moment sous les yeux de l’assemblée athénienne. D’autre part, les dépêches des généraux athéniens, annonçant leur victoire, avaient excité à Athènes un sentiment de triomphe universel, manifesté par des actions de grâce publiques[43]. Nous ne pouvons douter qu’Alkibiadês et ses collègues ne promissent une vaste carrière de succès prochains, peut-être le rétablissement de la plus grande partie de l’empire maritime perdu. Dans cette disposition du peuple athénien, et de ses généraux, justifiée comme elle l’était à un haut degré parla réalité, quelle est la proposition qui vient d’Endios ? Ce qu’il propose n’est, en réalité, nullement une concession. Laisser les deux parties dans leur position actuelle, — retirer les garnisons, — rendre les prisonniers. Il n’y avait qu’un côté par lequel. Athènes aurait gagné en acceptant ces propositions. Elle aurait retiré sa garnison de Pylos, — elle aurait été délivrée de celle de Dekeleia : un tel échange aurait été un avantage considérable pour elle. A cela nous devons ajouter le soulagement produit par la simple cessation de la guerre, — soulagement sans doute réel et important. Or, la question est de savoir si un homme d’État comme Periklês aurait conseillé à ses compatriotes de se contenter d’une concession dans cette mesure, immédiatement après la grande victoire de Kyzikos, et les deux »victoires moins importantes qui la précédaient ? J’incline à croire qu’il ne l’aurait pas fait. Il y aurait plutôt vu un artifice diplomatique calculé pour paralyser Athènes pendant l’intervalle où ses ennemis étaient sans défense, et pour leur donner le temps de construire une nouvelle flotte[44]. Sparte ne pouvait s’engager ni pour la Perse ni pour ses confédérés péloponnésiens : dans le fait l’expérience passée avait montré qu’elle ne pouvait le faire avec effet. Aussi, en acceptant les propositions, Athènes n’aurait-elle pas été réellement soulagée du fardeau entier de la guerre : elle aurait seulement affaibli l’ardeur et lié les mains de ses troupes, à un moment où elles se sentaient en plein cours de succès. L’armement, à coup sûr, — et les généraux, Alkibiadês, Theramenês et Thrasyboulos, — auraient considéré comme un déshonneur l’acceptation de ces conditions à un tel moment. Elle les aurait frustrés de conquêtes auxquelles ils aspiraient ardemment, et à cette époque non sans raison ; conquêtes tendant à rendre à Athènes nette supériorité qui lui avait été si récemment enlevée. Et elle aurait causé cette mortification, non seulement sans la dédommager de quelque autre manière, mais encore avec une grande probabilité qu’elle imposerait à tous les citoyens la nécessité de redoubler d’efforts dans un avenir peu éloigné, lorsque serait arrivé le moment favorable pour ses ennemis. Si donc, passant de l’accusation vague que ce fut le démagogue Kleophôn qui se plaça entre Athènes et la conclusion de la paix, nous examinons quelles étaient les conditions particulières de paix qu’il engageait ses compatriotes à rejeter, nous trouverons qu’il avait à l’appui de son conseil des raisons très fortes, pour ne pas dire prépondérantes. Fit-il usage de cette proposition, inadmissible en elle-même, pour essayer d’appeler la conclusion de la paix à des conditions plus convenables et plus solides, c’est ce dont on peut bien clouter. Probablement de tels efforts n’auraient pas roussi, même s’ils eussent été faits : cependant un homme d’État tel que Periklês en aurait fait l’essai, dans la conviction qu’Athènes poursuivait la guerre avec un désavantage qui devait la ruiner a la longue. Un simple orateur d’opposition tel que Kleophôn, même quand il se faisait une idée probablement juste de la proposition qu’il avait à examiner, ne voyait pas aussi loin dans l’avenir. Cependant la flotte athénienne régnait seule dans la Propontis et dans ses deux détroits adjacents, le Bosphore et l’Hellespont (mai, juin, etc., 410 av. J.-C.), bien que Pharnabazos, dans son ardeur et sa générosité, non seulement fournit de la nourriture et des vêtements aux malheureux marins de sa flotte vaincue, mais encore encourageât la construction de nouveaux vaisseaux, à la place de ceux qui avaient été pris. Tandis qu’il armait les marins, qu’il leur donnait leur paye pour deux mois, et qu’il les répartissait comme gardes le long de la côte de la satrapie, il accordait en même temps une fourniture illimitée de bois de construction pour les vaisseaux provenant des abondantes forêts du mont Ida, et il aidait les officiers à mettre de nouvelles trirèmes sur les chantiers à Antandros, ville près de laquelle (à un endroit appelé Aspaneus) on exportait particulièrement le bois idæen[45]. Après avoir pris ces dispositions, il s’occupa de secourir Chalkêdon, que les Athéniens avaient déjà commence à attaquer. Leur première opération après la victoire avait été de faire voile pour Perinthos et Selymbria, qui toutes deux s’étaient révoltées auparavant contre Athènes : la première de ces villes, intimidée par les événements récents, les reçut et se rattacha à Athènes ; la seconde repoussa une telle demande, mais se racheta d’une attaque pour le moment par le payement d’une amende pécuniaire. Alkibiadês les conduisit ensuite à Chalkêdon, en face de Byzantion, sur le bord asiatique le plus méridional du Bosphore. Être maîtresse de ces deux détroits, le Bosphore et l’Hellespont, était un point de la première importance pour Athènes ; d’abord, parce que dans ce cas elle pourrait assurer l’arrivée des navires de blé pour sa consommation ; ensuite, parce qu’il était en son pouvoir d’imposer une dîme ou droit sur tous les bâtiments de commerce qui y passaient, assez semblable aux droits imposés par les Danois au Sund même jusqu’au temps actuel. Pour les raisons contraires, naturellement, l’importance de la position était également grande pour les ennemis d’Athènes. Jusqu’au printemps de la précédente année, Athènes avait été la maîtresse incontestée des deux détroits. Mais la révolte à Abydos dans l’Hellespont (vers avril 411 av. J.-C.) et celle de Byzantion avec Chalkêdon dans le Bosphore (vers juin 411 av. J.-C.) l’avaient privée de cette prééminence ; et les provisions qu’elle avait obtenues pendant ces quelques derniers mois n’avaient pu passer dans ces intervalles que quand ses flottes qui y stationnaient avaient la prépondérance, de manière à leur fournir une escorte. En conséquence, il est extrêmement probable que ses provisions de blé venant du Pont-Euxin pendant l’automne de 411 avant J.-C. avaient été relativement restreintes. Bien que Chalkêdon elle-même, assistée par Pharnabazos, tint encore contre Athènes, Alkibiadês prit alors possession de Chrysopolis, sors port non fortifié sur la côte orientale du Bosphore, vis-à-vis de Byzantion. Il fortifia cette place, y établit une escadre avec une garnison permanente, et l’érigea en port régulier destiné à lever un péage sur tous les vaisseaux venant du Pont-Euxin[46]. Les Athéniens semblent avoir habituellement levé ce péage à Byzantion, jusqu’à la révolte de cette ville, le comptant au nombre de leurs sources constantes de revenu : il fut rétabli à ce moment sous les auspices d’Alkibiadês. En tant qu’il était levé sur des navires qui apportaient leurs produits pour- être vendus et consommés à Athènes, il finit naturellement par être payé sous forme d’augmentation de prix, — par les citoyens et les metœki athéniens. On laissa à Chrysopolis trente trirèmes sous Theramenês pour assurer cette perception, escorter les navires marchands amis, et à d’autres égards pour molester l’ennemi. Le reste de la flotte alla en partie à l’Hellespont, en partie : en Thrace, où la diminution de la force maritime des Lacédæmoniens se manifesta déjà par rapport à l’attachement des villes. A Thasos en particulier[47], les citoyens, sous la conduite d’Ekphantos, chassèrent l’harmoste lacédæmonien Eteonikos avec sa garnison, et admirent Thralyboulos avec une armée athénienne. On se rappellera que c’était une des villes dans lesquelles Peisandros et les Quatre Cents conspirateurs (au commencement de 411 av. J.-C.) avaient renversé la démocratie et établi un gouvernement oligarchique, sous prétexte que les villes alliées seraient fidèles à Athènes dès qu’elle serait délivrée de ses institutions, démocratiques. Tous les calculs de ces oligarques avaient été désappointés, comme Phrynichos l’avait prédit dès le principe. Les Thasiens, aussitôt que leur parti oligarchique eut été mis en possession du gouvernement, rappelèrent leurs exilés mal disposés[48], sous les auspices desquels la garnison et l’harmoste laconiens avaient été introduits depuis. Eteonikos, chassé alors, accusa l’amiral lacédæmonien Pasippidas d’avoir concouru lui-même à son expulsion, gagné par des présents de Tissaphernês ; accusation qui semble improbable, mais à laquelle crurent les Lacédæmoniens, qui en conséquence bannirent Pasippidas, et envoyèrent Kratesippidas pour le remplacer. Le nouvel amiral trouva à Chios une petite flotte que Pasippidas avait déjà commencé à réunir chez les alliés, pour suppléer aux pertes récentes[49]. Le ton à Athènes, depuis les dernières victoires navales, était devenu plus confiant et plus énergique. Agis, avec sa garnison à Dekeleia, bien que les Athéniens ne pussent l’empêcher de ravager l’Attique, en approchant un jour des murs de la ville, fut cependant repoussé avec ardeur et succès par Thrasyllos. Mais ce qui mortifia le plus le roi lacédæmonien, ce fut de voir de son poste élevé de Dekeleia l’affluence abondante dans le Peiræeus de bâtiments de blé venant du Pont-Euxin, renouvelée de nouveau dans l’automne de 410 avant J.-C., depuis l’occupation du Bosphore et de l’Hellespont par Alkibiadês. Pour recevoir ces navires en sûreté, on fortifia Thorikos peu après. Agis s’écria qu’il était inutile de priver les Athéniens des produits de l’Attique tant qu’on leur permettait de recevoir une quantité de blé importé. En conséquence il prépara, conjointement avec les Mégariens, une petite escadre de quinze trirèmes, avec laquelle il dépêcha Klearchos à Byzantion et à Chalkêdon. Ce Spartiate était un hôte public des Byzantins, et il avait déjà été signalé pour commander des auxiliaires destinés à cette ville. Il semble avoir commencé son voyage pendant l’hiver suivant (410-409 av. J.-C.), et être parvenu à Byzantion en sûreté, bien que trois vaisseaux de son escadre eussent été détruits par les neuf trirèmes athéniennes qui gardaient l’Hellespont[50]. Le printemps suivant, on dépêcha Thrasyllos d’Athènes à la tête de forces nouvelles et considérables pour air en Iônia. Il commandait 50 trirèmes, 1.000 hoplites réguliers, 100 cavaliers et 5.000 marins, avec les moyens d’armer ces derniers comme peltastes ; il avait aussi des transports pour ses troupes outre les trirèmes[51]. Après avoir fait reposer son armement trois jours à Samos, il opéra une descente à Pygela, et réussit ensuite a se rendre maître de Kolophôn avec son port Notion. Puis il menaça Ephesos ; mais cette place était défendue par une armée puissante que Tissaphernês avait convoquée, en proclamant qu’on allât an secours de la déesse Artemis, aussi bien que par vingt-cinq nouvelles trirèmes de Syracuse et deux de Sélinonte, récemment arrivées[52]. Ces ennemis infligèrent à, Thrasyllos, près d’Ephesos, une sérieuse défaite dans laquelle il perdit trois cents hommes, et fut forcé de faire voile vers Notion. En route vers ce lieu, pendant qu’il faisait une courte halte à Mêthymna au nord de Lesbos, Thrasyllos vit les vingt-cinq trirèmes Syracusaines en marche pour se rendre d’Ephesos à Abydos. Il les attaqua immédiatement, en prit quatre avec les équipages entiers, et donna la chasse aux autres jusqu’à leur station à. Ephesos. On envoya tous ceux qui furent pris à Athènes, où on leur donna comme prison les carrières de pierres de Peiræeus, sans doute en représaille du traitement que l’on avait fait subir aux prisonniers athéniens à Syracuse ; cependant l’hiver suivant ils parvinrent par se frayer un chemin pour sortir et s’enfuirent à Dekeleia. Parmi ces prisonniers se trouvait Alkibiadês l’Athénien (cousin et compagnon d’exil du général athénien du même nom), que Thrasyllos fit mettre en liberté, tandis que les autres étaient envoyés à Athènes[53]. Après le retard causé par cette poursuite, il ramena sole armement à l’Hellespont et rejoignit Alkibiadês à Sestos (409 av. J.-C.). Leurs forces combinées furent menées, vraisemblablement vers le commencement de l’automne, à Lampsakos sur le côté asiatique du détroit ; ils fortifièrent cette place et en firent leur quartier général pendant l’automne et l’hiver, se nourrissant au moyen d’excursions de rapine faites dans toute la satrapie voisine de Pharnabazos. Toutefois, il est curieux d’apprendre que, quand Alkibiadês se mit en devoir de réunir toute l’armée (les hoplites, suivant la coutume athénienne, prenant rang selon leurs tribus), ses propres soldats, qui n’avaient jamais été battus, refusèrent de fraterniser avec ceux de Thrasyllos, qui avaient été récemment vaincus à Ephesos. Et cet éloignement ne disparut pas avant une expédition commune contre Abydos ; Pharnabazos, qui se présentait avec une armée considérable consistant surtout en cavalerie, pour secourir cette ville, fut attaqué et défait dans une bataillé à laquelle prirent part tous lés Athéniens présents. L’honneur des hoplites de. Thrasyllos fut regardé alors comme rétabli, de sorte qu’il leur fut permis sans nouvelle difficulté de se mêler dans les rangs[54]. Toutefois, même l’armée entière ne put accomplir la conquête d’Abydos, que les Péloponnésiens et Pharnabazos conservèrent encore comme station sur l’Hellespont. Cependant Athènes s’était tellement dégarnie de forces, par le considérable armement envoyé naguère avec Thrasyllos, que ses ennemis dans son voisinage furent encouragés à entreprendre des opérations actives (409 av. J.-C.). Les Spartiates dépêchèrent une expédition, tant de trirèmes que de forces de terre, pour attaquer Pylos, qui était toujours restée comme poste athénien et comme refuge pour les Ilotes révoltés depuis qu’elle avait été fortifiée pour la première fois par Demosthenês en 425 avant J.-C. La place fat vigoureusement attaquée tant par mer que parterre, et elle ne tarda pas à être vivement pressée. Sensibles à sa détresse, les Athéniens envoyèrent à son secours trente trirèmes sous Anytos, qui revint cependant sans même parvenir à la place, un temps orageux ou des vents défavorables l’ayant empêché de doubler le cap Malea. Bientôt après Pylos fut obligée de se rendre, la garnison la quittant en vertu d’une capitulation[55]. Mais Anytos, à son retour, encourut au plus haut degré le mécontentement de ses compatriotes, et fut jugé pour avoir trahi ; ou pour n’avoir pas fait tout son possible afin- de remplir la mission qui lui avait été confiée. On dit qu’il n’échappa a une condamnation qu’en gagnant le Dikasterion, et qu’il fut le premier Athénien qui ait jamais obtenu un verdict par corruption[56]. Aurait-il pu réellement parvenir à Pylos, et les obstacles qui l’arrêtèrent étaient-ils de nature à être Vaincus, par un officier énergique ? c’est ce que nous, n’avons pas le moyen de déterminer ; encore moins pouvons-nous établir s’il échappa réellement en gagnant les juges. Toutefois, l’histoire semble prouver que le publie athénien en général le jugea digne d’être condamné, et qu’il fut surpris par son acquittement, au point de l’expliquer en supposant, à tort où à raison, l’emploi de moyens qui n’avaient jamais été essayés auparavant. Ce fut vers le même temps aussi que les Mégariens recouvrèrent par surprise leur port de Nisæa, qui avait été occupé par une garnison athénienne depuis 424 avant J.-C. Les Athéniens firent un effort pour la reprendre, mais ils échouèrent, bien qu’ils défissent les Mégariens dans un engagement[57]. Thrasyllos, pendant l’été de 409 avant J.-C., et même les forces combinées de Thrasyllos et d’Alkibiadês pendant l’automne de la même année, semblent avoir fait moins qu’on ne l’aurait attendu d’une armée aussi considérable : en effet ce doit être à quelque époque de cette année que le Lacédæmonien Klearchos, avec ses quinze vaisseaux mégariens, remonta l’Hellespont jusqu’à Byzantion, ne le trouvant gardé que par neuf trirèmes athéniennes[58]. Mais les opérations de 408 avant J.-C. furent plus importantes. L’armée entière, sous Alkibiadês et les autres commandants, fut réunie pour le siège de Chalkêdon et de Byzantion. Les Chalkédoniens, ayant connaissance de ce projet, mirent leurs biens meubles en sûreté en les confiant à leurs voisins les Thraces Bithyniens ; preuve remarquable des bons sentiments et de la confiance qui existaient entre les deux peuples, faisant un fort contraste avec l’hostilité perpétuelle qui, de l’autre côté du Bosphore, séparait Byzantion et les tribus thraces adjacentes[59]. Mais la précaution fut déjouée par Alkibiadês, qui entra dans le territoire des Bithyniens et les força par des menaces à livrer les effets qui leur avaient été confiés. Il se mit ensuite en devoir de bloquer Chalkêdon au moyen d’un mur de bois mené en travers du Bosphore jusqu’à la Propontis ; bien que la continuité de ce mur fût interrompue par un fleuve et vraisemblablement par quelque terrain raboteux sur le bord immédiat du fleuve. Le mur de blocus était déjà achevé quand Pharnabazos parut avec une armée pour secourir la place, et s’avança jusqu’au Héraklion (ou temple d’Hêraklês), qui appartenait aux Chalkédoniens. Profitant de son approche, Hippokratês, l’harmoste lacédæmonien de la ville, exécuta une vigoureuse sortie ; mais les Athéniens repoussèrent tous lés efforts que fit Pharnabazos pour s’ouvrir un passage à travers les lignes et pour le rejoindre, — de sorte qu’après une lutte acharnée les troupes de sortie furent repoussées dans la ville, et Hippokratês lui-même fut tué[60]. Le blocus de la ville fut alors rendu si sûr, qu’Alkibiadês s’éloigna avec une partie de l’armée afin de lever de l’argent et de réunir des forces pour le siège de Byzantion qui devait suivre. Pendant son absence, Theramenês et Thrasyboulos traitèrent avec Pharnabazos pour la capitulation de Chalkêdon. Il fut convenu que la ville redeviendrait une dépendance tributaire d’Athènes, payant le même tribut qu’avant la révolte, et que les arrérages pendant la période subséquente seraient acquittés. De plus, Pharnabazos lui-même s’engagea à payer aux Athéniens vingt talents, au nom de la ville, et aussi a escorter quelques députés athéniens jusqu’à Suse, les mettant a même de soumettre, au Grand Roi des propositions d’arrangement. Les Athéniens s’engagèrent à s’abstenir de toute hostilité contre la satrapie de Pharnabazos jusqu’au retour de ces députés[61]. A cet effet, on échangea mutuellement des serments après qu’Alkibiadês fut revenu de son expédition. Car Pharnabazos refusa positivement de signer la ratification avec les autres généraux, jusqu’au moment où Alkibiadês serait là pour ratifier aussi en personne ; preuve et de la grande importance individuelle de ce dernier et de la facilité notoire avec laquelle il trouvait des excuses pour esquiver une convention. En conséquence, Pharnabazos envoya à Chrysopolis deux ambassadeurs pour recevoir les serments d’Alkibiadês, tandis que deux parents d’Alkibiadês vinrent à Chalkêdon comme témoins de ceux de Pharnabazos. Outre le serment commun prononcé avec ses collègues, Alkibiadês prit un engagement spécial d’amitié et d’hospitalité personnelles avec le satrape, et en reçut de lui un semblable. Alkibiadês avait occupé le temps de son absence à prendre Selymbria, où il obtint une somme d’argent, et à rassembler un corps considérable de Thraces, avec lequel il marcha par terre vers Byzantion (408 av. J.-C.). Cette place fut alors assiégée, immédiatement après la capitulation de Chalkêdon, par les forces réunies des Athéniens. On l’entoura d’un mur de circonvallation, et l’on fit diverses attaques au moyen de traits et de machines de siège. Toutefois la garnison lacédæmonienne, sous l’harmoste Klearchos, aidée de quelques Mégariens sous Helixos et de Bœôtiens sous Kœratadas, fut parfaitement en état de les repousser. Mais il ne fut pas si facile~ d’en agir avec les ravages de la famine. Après que le blocus eut duré quelque temps, les provisions commencèrent à manquer ; de sorte que Klearchos, rigoureux et dur même dans les circonstances ordinaires, devint inexorable et oppressif par suite de son inquiétude exclusive pour la nourriture de ses soldats ; et même il enferma le fonds de provisions pendant que la population de la ville mourait de faim autour de lui. Voyant que son seul espoir était dans un secours extérieur, il sortit de la ville pour solliciter .l’aide de Pharnabazos et pour réunir, s’il était possible, une flotte pour quelques opérations agressives qui pussent détourner, l’attention des assiégeants. Il laissa la défense à Kœratadas et à Helixos, bien convaincu que les Byzantins étaient trop compromis par leur révolte contre Athènes pour oser abandonner Sparte, quelles que fiassent leurs souffrances. Mais, les conditions favorables récemment accordées à Chalkêdon, et la famine cruelle et croissante, engagèrent Kydôn et un parti byzantin a ouvrir les portes pendant la nuit et à admettre Alkibiadês avec les Athéniens dans la vaste place intérieure appelée le Thrakion. Helixos et Kœratadas, informés de cette attaque seulement lorsque l’ennemi tenait réellement la ville de tous les côtés, tentèrent en vain do résister et furent obligés de se rendre à discrétion. On les envoya prisonniers à Athènes, où Kœratadas parvint à s’échapper pendant la confusion du débarquement au Peiræeus. On accorda des conditions favorables à la ville, qui fut replacée dans sa position d’alliée dépendante d’Athènes ; et probablement eut à payer ses arrérages de tribut de la même manière que Chalkêdon[62]. Là marche d’un siège dans l’antiquité était si lente, que la réduction de Chalkêdon et de Byzantion occupa presque toute l’année ; cette dernière place se rendit vers le commencement de l’hiver[63] (408 av. J.-C.) Toutefois c’étaient des acquisitions d’une importance capitale pour Athènes ; elles la rendaient de nouveau maîtresse incontestée du Bosphore, et lui assuraient deux précieux alliés tributaires. Outre cette amélioration dans sa position, l’arrangement qu’on venait de conclure avec Pharnabazos était aussi une démarche de grande valeur, et de promesses plus grandes encore. Il était évident que le satrape s’était fatigué de supporter tout le poids de la guerre au profit ries Péloponnésiens, et qu’il était tout disposé à aider les Athéniens à entrer en arrangements avec le Grand Roi. Le seul fait qu’il avait retiré a Sparte son appui sincère, même s’il n’en devait résulter aucune autre chose, était d’une importance immense pour Athènes ; et tel fut en effet le résultat qu’on obtint. Ses députés, cinq Athéniens et deux Argiens (tous, probablement, appelés d’Athènes, ce qui explique quelque retard) reçurent l’ordre après le siège de Chalkêdon de rejoindre Pharnabazos à Kyzikos. Quelques ambassadeurs lacédæmoniens, et même le Syracusain Hermokratês, qui avait été condamné et banni par ses concitoyens, profitèrent de. la même escorte, et tous se mirent en route pour Suse. Leur marche fut arrêtée, pendant les rigueurs extrêmes de l’hiver, à Gordion en Phrygia ; et c’est en poursuivant leur voyage dans l’intérieur au commencement du printemps, qu’ils rencontrèrent le jeune prince Cyrus, fils du roi Darius, qui venait en personne pour gouverner un poste important de l’Asie Mineure. Quelques députés lacédæmoniens (Bœotios et autres) voyageaient avec lui, après avoir rempli leur mission à la cour de Perse[64]. |
[1] Thucydide, VIII, 44, 45.
[2] Thucydide, VIII, 61, 62. Ούκ έλασσον έχοντες signifie un certain succès, mais non très décisif.
[3] Thucydide, VIII, 63.
[4] Thucydide, VIII, 78, 79.
[5] Thucydide, VIII, 62.
[6] Thucydide, VIII, 79.
[7] Thucydide, VIII, 80-99.
[8] Thucydide, VIII, 83, 84.
[9] Thucydide, VIII, 84.
[10] Thucydide, VIII, 85.
[11] Thucydide, VIII, 87.
[12] Thucydide, VIII, 87. Ce total plus grand que, comme le prétendait Tissaphernês, le Grand Roi se proposait d’envoyer, est spécifié par Diodore à trois cents voiles. Thucydide n’assigne aucun nombre précis (Diodore, XIII, 38, 42, 46).
Dans une occasion subséquente aussi, on nous parle de la flotte phénicienne comme étant destinée à être portée à trois cents voiles (Xénophon, Helléniques, III, 4. 1). Il semble que c’était une sorte de nombre constant pour une flotte digne du monarque persan.
[13] Thucydide, VIII, 87, 88, 89.
[14] Diodore, XIII, 38.
[15] Thucydide, VIII, 100. J’explique τή άντιπέρας ήπείρω comme signifiant le continent vis-à-vis de Chios, et non vis-à-vis de Lesbos. Les mots peuvent admettre l’un ou l’autre sens, puisque Χίω et αύτοΰ paraissent si immédiatement auparavant ; et la situation pour les vigies était beaucoup plus convenable, vis-à-vis de la partie septentrionale de Chios.
[16] Thucydide, VIII, 101. La dernière partie de ce voyage est assez claire ; la première l’est moins. Je la décris dans le texte différemment de tous les meilleurs et les plus récents éditeurs de Thucydide, dont je diffère avec d’autant moins de répugnance qu’ils prennent tous ici la liberté la plus grande avec le texte, en insérant la négation ού d’une manière purement conjecturale, sans l’autorité d’un seul manuscrit. Niebuhr a établi comme une sorte de règle de critique que cela ne devait jamais se faire ; cependant nous trouvons ici Kruger qui la recommande, et Haack, Goeller, le docteur Arnold, Poppo et M. Didot qui l’adoptent tous comme faisant partie du texte de Thucydide, sans même imiter la prudence de Bekker dans sa petite édition, qui avertit le lecteur de mettre le mot entre crochets. Bien plus, le docteur Arnold va jusqu’à dire dans une note : Cette correction est si certaine et si nécessaire, que ce qui montre seulement l’inattention des premiers éditeurs, c’est qu’elle n’ait pas été faite depuis longtemps.
Voir les mots de Thucydide, sans cette correction et tels qu’ils étaient généralement avant l’édition de Haack (même dans celle de Bekker de 1831).
Haack et les autres éminents critiques que nous venons de mentionner soutiennent tous que ces mots, dans cet état, sont absurdes et contradictoires, et qu’il est indispensable d’insérer ού devant πελάγιος ; de sorte que la phrase, dans leurs éditions, est ainsi : Άνάγεσθαι έκ τής Χίου ού πελάγιος. Ils se figurent tous la flotte de Mindaros comme partant de la ville de Chios pour aller au nord, et sortant par le détroit septentrional. Si l’on admet cela, ils disent, d’une manière assez plausible, que les mots de l’ancien texte renferment une contradiction, parce que Mindaros allait dans la direction d’Eresos, et ne s’en éloignait pas, bien que même alors la propriété de leur correction soit contestable. Mais le mot πελάγιος, quand on l’applique à des vaisseaux partant de Chios, — bien qu’il puisse signifier qu’ils tournent l’extrémité nord-est de l’île et qu’ils vont ensuite à l’ouest autour de Lesbos, — veut encore naturellement, et plus naturellement, les représenter comme partant par lamer extérieure on voguant sur le côté de la mer (autour de la côte méridionale et occidentale) de l’île. Si l’on accepte ce sens, les anciens mots s’expliquent parfaitement bien. Άνάγεσθαι έκ τής Χίου πελάγιος est la phrase naturelle et propre pour décrire le circuit de Mindaros autour de la côte méridionale et occidentale de Chios. C’était aussi la seule voie par laquelle il aurait pu éviter les vigies et les vaisseaux de Thrasyllos ; et c’est dans le même dessein d’éviter des vaisseaux athéniens que nous voyons (VIII, 80) l’escadre de Klearchos, dans une autre occasion, faire un long circuit en prenant le large. Si l’on suppose (ce que doivent faire ceux qui lisent ού πελάγιαι) que Mindaros remonta d’abord le détroit septentrional entre Chios et le continent, et qu’ensuite il dirigea sa course à l’est vers Phokæa. C’eût été la marche que Thrasyllos comptait qu’il ferait ; et il n’est guère possible d’expliquer comment il ne fût pas aperçu à la fois par les vigies athéniennes, aussi bien que par la garnison athénienne, à son poste de Delphinion, dans Chios elle-même. Tandis qu’en prenant la route détournée autour de la côte méridionale et occidentale, il ne vint jamais en vue ni des unes ni de l’autre, et il put, quand il arriva à la latitude nord de l’île, tourner à droite et prendre une course directe à l’est avec Lesbos à sa gauche, mais à une distance suffisante de la terre pour être hors de la vue de toutes les vigies. Άνάγεσθαι έκ τής Χίου πελάγιος (Xénophon, Helléniques, II, 1, 17) veut dire aller en pleine mer, à une grande distance de la côte d’Asie. Ce passage n’indique pas d’une manière décisive si les vaisseaux tournaient l’extrémité sud-est ou nord-est de l’île.
On nous dit ici que les marins de Mindaros reçurent des gens de Chios, par tête, trois tessarakostræ de Chios. Or c’est une petite monnaie du pays, qui n’est mentionnée nulle part ailleurs ; et il est surprenant de trouver cette dénomination d’argent si petite et si locale spécifiée ici par Thucydide, comparée avec la manière différente dont Xénophon décrit les payements de Chios aux marins péloponnésiens (Helléniques, I, 6, 12 ; II, 1, 5). Mais le voyage de Mindaros autour du suri et de l’ouest de l’île explique la circonstance. Il doit avoir débarqué deux fois dans l’île pendant cette circumnavigation (peut-être en partant le soir) pour dîner et souper ; et cette monnaie de Chios (qui probablement n’avait pas cours hors de l’île), servit à chaque homme pour acheter des provisions aux lieux de débarquement de Chios. Il ne convenait pas à Mindaros de prendre à bord : de ses vaisseaux plus de provisions en nature à l’île de Chios, parée qu’il avait déjà avec lui un fonds de provisions pour deux jours, — partie subséquente de son voyage le long de la côte d’Asie, jusqu’à Sigeion, pendant laquelle il ne pouvait donner de temps pour s’arrêter et en acheter, et ci, dans le fait le territoire n’était pas ami.
C’est assez si je puis montrer que l’ancien texte de Thucydide s’explique très bien, sans la violente intrusion de ce ού conjectural. Mais je puis prouver davantage : car cette négation rend réellement, même la construction de la phrase, au moins gauche, sinon inadmissible. Assurément, άπαίρουσιν ού πελάγιαι, άλλά, — devrait être suivi d’un adjectif ou d’un participe corrélatif appartenant au même verbe άπαίρουσιν : cependant, si nous prenons έχοντες comme ce participe corrélatif, comment devons-nous expliquer έπλεον ? Afin d’exprimer le sens que présente Haack, nous devrions certainement avoir des mots différents. Même le changement, de temps du présent au passé, quand nous suivons la construction de Haack, est gauche ; tandis que si nous comprenons les mots dans le sens que je propose, le changement de temps est parfaitement admissible, puisque les deux verbes ne se rapportent pas au même mouvement ni à la même partie du voyage, la flotte part de Chios par le côté de l’île tourné vers la mer ; mais, quand elle tint à avoir Lesbos à sa gauche, elle vogua droit vers le continent.
J’espère qu’il n’est pas trop tard pour établir ma γραφήν ξενίας, ou protestation contre le droit non justifié de cité dans le texte de Thucydide que les éditeurs modernes ont accordé à ce mot ού au chapitre 101. L’ancien texte devrait certainement être rétabli ; ou si ces éditeurs ne veulent pas changer leur manière de voir, ils devraient au moins mettre le mot entre crochets. Dans l’édition de Thucydide, publiée à Leipzig, 1815, par C.-A. Koth, je remarque que le texte est encore correctement imprimé, sans la négation.
[17] Thucydide, VIII, 102.
Ici encore nous avons un texte difficile, qui a beaucoup embarrassé les commentateurs, et que je me permets de traduire (comme il est dans mon texte) autrement qu’eux tous. Les mots — προειρημένης φυλακής τώ φιλίω έπίπλω, όπως αύτών άνακώς έξουσιν, ήν έκπλέωσι — signifient, suivant le Scholiaste : — Quoiqu’une surveillance lui eût été enjointe (i. e. à l’escadre de garde péloponnésienne à Abydos) par la flotte amie (de Mindaros) qui approchait, afin qu’elle guettât rigoureusement les Athéniens à Sestos, dans le cas où ces derniers feraient voile pour s’éloigner.
Le docteur Arnold, Goeller, Poppo et M. Didot acceptent tous cette interprétation, bien que tous conviennent qu’elle est très dure et très confuse. Le premier dit : — Ceci encore est d’une manière très étrange destiné à signifier, — προειρημένοΰ αύτοϊς ύπό τών έπιπλεόντων φιλών φυλάσσειν τούς πολεμίους.
Expliquer τώ φιλίω έπίπλω comme équivalent de ύπό τών έπίπλεόντων φίλων a certainement quelque chose de si dur, que nous devons être heureux de l’esquiver. Et l’interprétation du Scholiaste comprend une autre liberté que je ne puis m’empêcher de considérer comme contestable. Il ajoute, dans sa paraphrase, le mot καίτοι — quoique — de sa propre imagination. Il n’y a aucune indication de quoique, soit expresse, soit impliquée, dans le texte de Thucydide ; et il me parait hasardeux d’admettre dari le sens lino particule aussi décisive sans aucune autorité. Le génitif absolu, quand il est ajouté à l’affirmation principale contenue dans le verbe, indique habituellement quelque chose qui se rattache naturellement à elle en manière de cause, d’accompagnement, d’explication ou de modification, — et non pas quelque chose qui lui soit opposé et qui ait besoin d’être précédé d’un quoique ; car dans ce, dernier cas le mot quoique est exprimé ; on ne le laisse pas sous-entendre. Après que Thucydide nous a dit que les Athéniens, à Sestos, esquivèrent leurs ennemis postés en face, à Abydos, — quand il envient ensuite à ajouter quelque chose sous forme de génitif absolu, nous nous attendons a ce que ce soit un nouveau fait qui explique pourquoi et comment ils s’échappèrent ; mais si le nouveau fait qu’il nous dit, loin d’expliquer la fuite, la rend plus extraordinaire (par exemple, que les Péloponnésiens avaient reçu l’ordre sévère de les surveiller), il préparerait assurément le lecteur pour ce nouveau fait par une particule expresse telle que quoique ou nonobstant.
Les Athéniens s’échappèrent, quoique les Péloponnésiens eussent reçu les ordres les plus sévères de les surveiller et de les bloquer. Comme on ne peut trouver dans les mots grecs rien qui soit équivalent à la particule adversative quoique, ou qui l’implique, j’en conclue, comme chose très probable, qu’on ne doit pas la chercher dans le sens.
Différant des commentateurs, je pense que ces mots προειρημένης φυλακής τώ φιλίω έπίπλω, όπως αύτών άνακώς έξουσιν, ήν έκπλέωσι donnent la raison du fait qui a été annoncé immédiatement avant, et qui était réellement extraordinaire ; à savoir que l’escadre athénienne pût passer par Abydos, et s’enfuir de Sestos à Elæonte. Cette raison était que l’escadre péloponnésienne de garde avait reçu auparavant de Mindaros l’ordre spécial de concentrer son attention et sa vigilance sur son escadre qui approchait ; de là il résulta qu’elle laissa les Athéniens à Sestos sans faire attention à eux.
Les mots τώ φιλίω έπίπλω équivalent à τώ τών φίλων έπίπλω, et le pronom αύτών, qui suit immédiatement, se rapporte à φίλων (la flotte de Mindaros qui approchait), et non aux Athéniens à Sestos, comme l’expliquent le Scholiaste et les commentateurs. Cette méprise au sujet du rapport d'αύτών me semble les avoir tous induits en erreur.
Il est certain que τώ φιλίω έπίπλω doit être expliqué comme équivalant à τώ τών φίλων έπίπλω : mais il ne l’est pas à ύπό τών έπιπλέοντων φίλων, — et il n’est pas non plus possible d’expliquer les mots comme le Scholiaste les comprenait : — des ordres avaient été donnés antérieurement par l’approche (ou l’arrivée) de leurs ovnis ; — par là nous changerions ό έπίπλους en une personnalité agissait et donnant des ordres. L’approche de leurs amis est un événement, — dont on peut dire proprement qu’il a produit un effet, — mais dont on ne peut pas dire qu’il a donné antérieurement des ordres. Il me semble que τώ φιλίω έπίπλω est le datif gouverné par φυλακής, — une surveillance pour l’arrivée des Péloponnésiens ayant été ordonnée (à ces vaisseaux de garde à Abydos), — ils avaient reçu l’ordre de veiller sur la marche de leurs amis qui approchaient. La préposition sur exprime ici exactement le sens du datif grec, — c’est-à-dire, l’objet, le but, ou les personnes dont l’intérêt est enjeu.
Les mots qui suivent immédiatement sont un développement des conséquences qui doivent résulter de φυλακής τώ φιλίω έπίπλω. Ils veilleront sur l’approche de la flotte principale, afin de pouvoir consacrer à sa sûreté une attention spéciale et extrême, en cas qu’elle parte. Pour la phrase άνακώς έχειν, cf. Hérodote, I, 24 ; VIII, 109 ; Plutarque, Thêseus, c. 33 ; — les notes d’Arnold et de Goeller sur ce passage ; et Kühner, Gr. Gr. sect. 533. Les mots άνακώς έχειν expriment la vigilance inquiète et spéciale que l’escadre péloponnésienne à Abydos avait l’ordre d’exercer sur l’arrivée de Mindaros et de sa flotte, qui était une question de doute et de danger ; mais ils ne seraient pas proprement applicables au devoir de cette escadre par rapport à l’escadre athénienne opposée à Sestos, qui était à peine supérieure en forces, et qui était en outre une ennemie avouée, en vue de son propre port.
Enfin, les mots ήν έκπλέωσι se rapportent à Mindaros et à sa flotte sut, le point de partir de Chios, qui en sont le sujet, — et non aux Athéniens à Sestos.
La phrase entière serait ainsi, si nous écartons les particularités de Thucydide, et que nous exprimions le sens en grec ordinaire. — Καί τάς μέν έν Άβύδω έκκαίδεκα ναΰς (Άθηναϊοι) έλαθον . προείρητο γάρ (έκείναις ταϊς ναϋσιν) φυλάσσειν τόν έπίπλουν τών φίλων, όπως αύτών (τών φιλων) άνακώς έξουσιν, ήν έκπλέωσι. Le verbe φυλάσσειν ici (et naturellement le substantif abstrait φυλακή qui le représente) signifie veiller sur ou attendre : comme Thucydide, II, 3 et VIII, 41.
Si nous expliquons les mots de cette manière, ils paraîtront en parfaite harmonie avec le plan général et le dessein de Mindaros. Cet amiral est déterminé à mener la flotte à l’Hellespont, mais à éviter un engagement avec Thrasyllos en le faisant. Le projet est difficile à accomplir, et ne peut s’exécuter que par un grand secret dans la manière d’agir, aussi bien qu’en prenant une route inaccoutumée. A l’avance il envoie de Chios (peut-être même de Milêtos, avant de quitter cette ville), l’ordre à l’escadre péloponnésienne de garder l’Hellespont à Abydos. Il songe au cas possible où Thrasyllos peut découvrir son plan, l’intercepter au passage, et peut-être le bloquer ou le forcer de combattre dans quelque rade ou baie sur la côte vis-à-vis de Lesbos, ou sur la Troade (ce qui serait effectivement arrivé, s’il avait été vu par un seul bateau pêcheur ennemi en faisant le tour de l’île de Chios). Or, l’ordre envoyé en avant enjoint à l’escadre péloponnésienne à Abydos ce quelle a à faire dans cette éventualité ; puisque sans cet ordre le capitaine de cette escadre n’aurait su que faire, en admettant que Mindaros fût intercepté par Thrasyllos, — il n’aurait su s’il devait rester de garde à l’Hellespont, ce qui était son devoir spécial, ou laisser. L’Hellespont non gardé, tenir son attention concentrée sur Mindaros, et avancer pour le secourir. Que votre première pensée soit d’assurer l’arrivée sans danger de la flotte principale à l’Hellespont, et de sortir pour lui prêter assistance, si elle est attaquée dans sa route ; fût-il même nécessaire, dans ce dessein, de laisser pour un temps l’Hellespont non gardé. Mindaros ne pouvait dire à l’avance le moment exact où il partirait de Chios, — et il n’était, pas à vrai dire absolument certain qu’il partirait si l’ennemi le surveillait ; il envoya donc son ordre, conditionnel, parce qu’il pouvait se faire qu’il pareil. Mais il fut assez heureux, grâce au plan bien imaginé de son voyage, pour gagner l’Hellespont sans rencontrer un ennemi. Toutefois, l’escadre péloponnésienne à Abydos, après avoir reçu son ordre spécial, — quand elle apprit par les fanaux qu’il approchait, ne songea qu’à se réserver pour lui prêter assistance s’il en avait besoin, et ne s’occupa pas des Athéniens qui étaient en face d’elle. Comme il faisait nuit, probablement la meilleure chose qu’elle pût faire, fat d’attendre le jour à Abydos, jusqu’à ce qu’elle pût apprendre des détails sur sa position, et, comment ou dans quel lieu elle pourrait le secourir.
Nous voyons ainsi à la fois le dessein général de Mindaros, et de quelle manière l’ordre qu’il avait transmis à l’escadre péloponnésienne à Abydos, fit indirectement que l’escadre athénienne s’enfuit depuis Sestos sans être arrêtée.
[18] Thucydide, VIII, 105,106 ; Diodore, XIII, 39, 40.
Le récit général que Diodore fait de cette bataille est, même dans ses traits les plus essentiels, inconciliable avec Thucydide. Il est inutile d’essayer de fondre les deux récits. Je n’ai guère pu emprunter de Diodore antre chose que ce qu’il avance de la supériorité des pilotes athéniens, et des epibatæ péloponnésiens. Il dit que vingt-cinq nouveaux vaisseaux arrivèrent pour se joindre aux Athéniens au milieu de la bataille, et déterminèrent la victoire en leur faveur. Cette circonstance est évidemment prise du conflit subséquent qui se livra quelques mois après.
Toutefois, nous lui devons la mention de la chapelle ou tombe d’Hekabê, sur le promontoire de Kynossêma.
[19] Thucydide, VIII, 107 ; Diodore, XIII, 41.
[20] Diodore, XIII, 41. Il est probable que cette flotte était en grande partie bœôtienne ; et douze marins qui échappèrent au naufrage rappelèrent leur délivrance par une inscription dans le temple d’Athênê à Korôneia ; inscription que lut et copia Éphore. Par une confiance exagérée et trop littérale dans ses termes, Diodore est conduit à affirmer que ces douze hommes furent les seules personnes sauvées, et que tout le reste périt. Mais nous savons parfaitement qu’Hippokratês lui-même survécut, et qu’il était vivant à la bataille subséquente de Kyzikos (Xénophon, Helléniques, I, 1, 23).
Relativement au danger de naviguer autour du promontoire de l’Athos, je renvoie le lecteur à un autre chapitre de cet ouvrage, où est décrit le canal maritime creusé à travers l’isthme par ordre de Xerxês, avec une citation instructive des Voyages du colonel Leake, V. tome VI, ch. 7 de cette Histoire.
[21] Diodore, XIII, 47. Il place cet événement une année plus tard ; mais je suis d’accord avec Sievers, qui croit qu’il suivit de près le départ de la flotte qui protégeait l’île (Sievers, Comment. in Xénophon, Helléniques, p. 9 ; not. p. 66).
V. les Travels in Northern Greece du colonel Leake, pour une description de l’Euripos et du terrain adjacent, avec un plan, vol. II, ch. 14, p. 259-265.
Je ne puis établir d’après le colonel Leake quelle est la largeur exacte du canal. Strabon parle de son temps d’un pont qui atteignait soixante mètres (X, p. 400). Mais il a dû y avoir des changements considérables faits par les habitants de Chalkis à l’époque d’Alexandre le Grand (Strabon, X, p. 447). Le pont décrit ici par Diodore, couvrant un espace ouvert assez large pour un seul vaisseau, n’a guère pu avoir plus de six mètres de largeur, car il n’était pas du tout destiné à rendre le passage aisé. Les anciens vaisseaux pouvaient tous abaisser leurs mats. Je ne puis m’empêcher de croire que le colonel Leake (p. 259) a dû lire dans Diodore (XIII, 47) — ού au lieu de ό.
[22] Thucydide, VIII, 107.
[23] Xénophon, Helléniques, V, 1, 17. Cf. une explication semblable, dans des circonstances plus nobles, du Spartiate Kallikratidas, Xénophon, Helléniques, I, 6, 7 ; Plutarque, Lysandre, c. 6.
[24] Thucydide, VIII, 108 ; Diodore, XIII, 42.
[25] Thucydide, VIII, 109.
[26] Diodore, XIII, 46. C’est l’assertion de Diodore, et elle semble assez probable, bien qu’il fasse une étrange confusion dans les affaires persanes de cette année, en omettant le nom de Tissaphernês, et en mêlant les actes de Tissaphernês avec le nom de Pharnabazos.
[27] Thucydide, VIII, 109. C’est à ce point que nous devons nous séparer de l’historien Thucydide, dont l’ouvrage non seulement se termine sans atteindre d’époque ni de limite définie, mais même s’interrompt (tel que nous le possédons) au milieu d’une phrase.
Toute l’étendue de cette perte irréparable ne peut guère être comprise que par ceux qui ont été appelés à étudier son ouvrage avec l’attention profonde et minutieuse nécessaire à un historien de la Grèce. Passer de Thucydide aux Hellenica de Xénophon, c’est descendre d’une manière vraiment triste ; et cependant, si nous considérons l’histoire grecque comme un ensemble, nous avons tout lieu de nous réjouir que même un ouvrage aussi inférieur que le second nous soit parvenu. Les vues et les conceptions historiques de Thucydide, telles qu’il les expose dans sa préface, sont élevées et philosophiques à un degré tout à fait étonnant, quand nous songeons qu’il n’avait pas sous les yeux de modèles préexistants d’où il pût les tirer. Et les huit livres de son ouvrage (malgré l’état incomplet du dernier) ne sont pas indignes de ces vastes promesses, soit dans l’esprit, soit dans l’exécution. Même le caractère particulier, condensé et dur de son style, bien que parfois il nous cache sa pensée complète, a pour effet général d’ajouter beaucoup de force à ses idées et de les imprimer beaucoup plus profondément dans l’esprit de tout lecteur attentif.
Dans le courant de mes deux derniers volumes, j’ai eu souvent l’occasion de mentionner les critiques que renferme l’édition de Thucydide, due au docteur Arnold ; le plus généralement sur des points où je suis en désaccord avec lui. Je l’ai fait, en partie, parce que je crois que l’édition du docteur Arnold est la plus employée par les lecteurs anglais de Thucydide, — en partie à cause de la haute estime que j’ai pour l’esprit libéral, l’érudition et le jugement qui règnent dans ces critiques en général d’un bout à l’autre du livre. Le docteur Arnold mérite en particulier ce grand éloge, qu’on -ne doit pas souvent accorder môme à des commentateurs savants et exacts, c’est de concevoir et d’apprécier l’antiquité comme un tout vivant, et non pas seulement comme un agrégat de mots et d’abstractions. Ses critiques sont continuellement adoptées par Goeller dans la seconde édition de son Thucydide, et dans une large mesure par Poppo également. Comme je désire sincèrement que son édition puisse conserver longtemps sa prééminence parmi les lecteurs anglais de Thucydide, j’ai pensé qu’il était de mon devoir d’indiquer bien des points sur lesquels ses remarques avancent ou impliquent des idées sur l’histoire grecque différentes des miennes.
[28] Xénophon, Helléniques, I, 1, 9.
[29] Thucydide, VIII, 108. Diodore (XIII, 38) parle de cette influence d’Alkibiadês sur le satrape comme si elle était réelle. Plutarque (Alkibiadês, c.26) tient un langage plus réservé.
[30] Thucydide, VIII, 108. Haack et Sievers (V. Sievers, Comment. ad Xénophon, Helléniques, p. 103) expliquent ce mot comme indiquant le milieu d’août, ce que je crois trop tôt dans l’année.
[31] Diodore (VIII, 46) et Plutarque (Alkibiadês, c. 27) disent qu’il vint à l’Hellespont par hasard, ce qui est assurément très improbable.
[32] Xénophon, Helléniques, I, 1, 6, 7.
[33] Diodore, XIII, 17, 49.
[34] Diodore, XIII, 18. Sievers (Comment. ad Xenophon, Helléniques, p. 12, et p. 65, note 58) conteste la réalité de ces tumultes de Korkyra, mentionnés ici par Diodore, mais non signalés dans les Hellenika de Xénophon, et contredits, selon lui, par la conclusion négative qu’on peut tirer de Thucydide, IV, 48. Mais il me parait que F.-W. Ullrich (Beitraege zur Erklaerung des Thukydides, p. 95-99) a bien expliqué cette phrase de Thucydide comme signifiant, dans l’endroit cité ici, les dix premières années de la guerre du Péloponnèse, entre la surprise de Platée et la paix de Nikias.
Je ne vois pas de raison pour révoquer en doute la vérité de ces troubles de Korkyra auxquels Diodore fait allusion ici.
[35] Xénophon, Helléniques, VI, 2, 25.
[36] Xénophon, Helléniques, I, 1, 9 ; Plutarque, Alkibiadês, c. 27.
[37] Diodore, XIII, 49. Diodore signale spécialement ce fait, qui doit évidemment être exact. Sans cela, il n’eût pas été possible de surprendre Mindaros.
[38] Xénophon, Helléniques, I, 1, 14-20. Diodore, XIII, 50, 51.
Les nombreuses différences qui existent entre Diodore et Xénophon, dans les événements de ces dernières années, sont réunies par Sievers, Comment. In Xénophon, Helléniques, note 62, p. 65, 66 sqq.
[39] Xénophon, Helléniques, I, 1, 23. Plutarque, Alkibiadês, c. 28.
[40] Diodore, XIII, 52.
[41] Diodore, XIII, 53.
[42] V. tome IX, ch. 4.
[43] Diodore, XIII, 52.
[44] Philochore (ap. Schol. ad Euripide, Oreste, 371) parait avoir dit que les athéniens rejetèrent la proposition comme étant faite peu sincèrement. Cf. aussi Schol. ad Euripide, Oreste, 722 — Philochori Fragment, 117-118, éd Didot.
[45] Xénophon, Hellénique, I, 1, 24-26 ; Strabon, XIII, p. 606.
[46] Voir Démosthène, De Coronâ, c. 71 ; et Xénophon, Helléniques, I, 1, 22 ; IV, 8, 27 et V, 1, 28 ; et Diodore, XIII, 64.
L’expression implique que cette dîme était quelque chose de connu et d’établi antérieurement.
Polybe (IV, 44) fait honneur à Alkibiadês pour avoir été le premier à suggérer à Athènes cette méthode de gain. Mais il est prouvé qu’elle était pratiquée longtemps auparavant, — même avant l’empire athénien, pendant les temps de la prépondérance persane (V. Hérodote, VI, 5).
V. un passage frappant, qui explique l’importance pour Athènes de la possession de Byzantion, dans Lysias, Orat. XXVIII, cont. Ergokl., sect. 6.
[47] Xénophon, Helléniques, I, 1, 32 ; Démosthène, cont. Leptin., s. 48, c. 14, p. 471.
[48] Thucydide, VIII, 61.
[49] Xénophon, Helléniques, I, 1, 32.
[50] Xénophon, Helléniques, I, 1, 35-36.
Il dit que les vaisseaux de Klearchos, étant attaqués par les Athéniens dans l’Hellespont, s’enfuirent d’abord à Sestos, et ensuite à Byzantion. Mais Sestos était la station athénienne. Le nom doit sûrement être mis par inadvertance pour Abydos, la station péloponnésienne.
[51] Xénophon, Helléniques, I, 1, 34 ; I, 2, 1. Diodore (VIII, 64) confond Thrasyboulos avec Thrasyllos.
[52] Xénophon, Helléniques, II, 2, 5-11. Xénophon distingue ces vingt-cinq trirèmes syracusaines en τών προτέρων εικοσι νεών, — et ensuite ai αί έτεραι πέντε, αί νεωστί ήκουσαι. Mais il me semble que les vingt trirèmes, aussi bien que les cinq, ont dû venir en Asie depuis la bataille de Kyzikos, — bien qu’il se puisse que les cinq soient arrivées un peu plus tard. Tous les vaisseaux syracusains de la flotte de Mindaros furent détruits, et, il paraît impossible d’imaginer que cet amiral puisse avoir laissé vingt vaisseaux syracusains à Ephesos ou à Milêtos, outre ceux qu’il prit avec lui pour aller à l’Hellespont.
[53] Xénophon, Helléniques, I, 2, 8-15.
[54] Xénophon, Helléniques, I, 2, 13-17 ; Plutarque, Alkibiadês, c. 29.
[55] Diodore, VIII, 64. La manière dédaigneuse dont Xénophon (Helléniques, I, 2, 19) ; écarte cette prise de Pylos, comme étant une simple retraite de quelques Ilotes fugitifs de Malea, — aussi bien que l’emploi qu’il fait du nom Koryphasion, et non de Pylos, — prouve combien il écrivait d’après les renseignements qu’il recevait des Lacédæmoniens.
[56] Diodore, XIII, 64 ; Plutarque, Coriolan, c. 14.
Aristote, Άθηναίων πολιτείς, ap. Harpocration. V. Δεκάζων, — et dans la collection des Fragm. d’Aristote, n° 72, éd.- Didot (Fragment. Historic. Græc., vol. II, p. 127).
[57] Diodore, XIII, 65.
[58] Xénophon, Helléniques, I, 1, 36.
[59] Polybe, IV, 44-45.
[60] Xénophon, Helléniques, I, 3, 5-7 ; Diodore, XIII, 66.
[61] Xénophon, Helléniques, I, 3, 9.
Ce passage confirme les doutes que j’avançais dans un précédent chapitre sur la question de savoir si ces Athéniens réalisèrent jamais ou purent jamais réaliser leur projet de changer le tribut (imposé sur les alliés dépendants), en un droit de cinq pour cent, ad valorem, sur les importations et les exportations, projet, qui est mentionné par Thucydide (VII, 28) comme ayant été arrêté du moins, sinon exécuté,pendant l’été de 413 avant J.-C : Dans le marché fait ici avec les Chalkêdoniens, il semble impliqué que le payement du tribut était le dernier arrangement qui subsistât entre Athènes et Chalkêdon, à l’époque de la révolte de cette dernière.
Ensuite, j’approuve la remarque faite par Schneider dans sa note sur le passage Άθηναίους δέ μή πολεμεϊν Χαλκηδονίοις. Il signale la teneur du traité tel qu’il est dans Plutarque (Alkibiadês, c. 31), ce qui est certainement bien mieux approprié aux circonstances. Au lieu de Χαλκηδονίοις il propose de lire Φαρναβάζω. En tout cas, c’est là le sens.
[62] Xénophon, Helléniques, I, 3, 15-22 ; Diodore, XIII, 67 ; Plutarque, Alkibiadês, c. 31.
Le récit donné par Xénophon de la reddition de Byzantion, que j’ai suivi dans le texte, est parfaitement clair et probable. Il ne s’accorda pas avec le stratagème compliqué décrit dans Diodore et dans Plutarque, aussi bien que dans Frontin, III, II, 3, et, auquel il est fait aussi allusion dans Polyen, I, 48, 2.
[63] Xénophon, Helléniques, I, 4, 1.
[64] Xénophon, Helléniques, I, 4, 2-3.