CINQUIÈME VOLUME
Le courant de colonisation grecque à l’ouest, autant qu’il
est possible de dire que nous le connaissions d’une manière authentique, avec
des noms et des dates, commence à Au huitième siècle avant J.-C., quand ce courant
occidental de colonisation grecque commence à prendre une forme authentique (735 av. J.-C.), la
population de Sicile (autant
que nous permettent de le déterminer les renseignements peu abondants que
nous possédons) consistait en deux races complètement distinctes l’une
de l’autre, — Sikels et Sikanes, — outre les Elymi — race mêlée apparemment
distincte des deux autres, occupant Eryx et Egesta, près de l’extrémité la
plus occidentale de l’île —, et les colonies phéniciennes et leurs
établissements sur les côtes, qui avaient été formés dans des vues
commerciales. Suivant l’opinion et de Thucydide et de Philiste, ces Sikanes,
bien qu’ils se donnassent comme indigènes, étaient cependant d’origine
ibérienne[1] et des immigrants
d’une date plus ancienne que les Sikels, — par qui ils avaient été envahis et
limités à. la plus petite partie occidentale de l’île. On disait que les
Sikels avaient franchi la mer dans l’origine en venant de l’extrémité
sud-ouest de la péninsule de la Calabre, où une portion de la nation habitait
encore du temps de Thucydide. Le territoire connu d’écrivains grecs du
cinquième siècle avant J.-C. par les noms d’Œnotria sur la côte de la
Méditerranée, et d’Italie sur celle des golfes de Tarente et de Squillace,
renfermait tout ce qui se trouve au sud d’une ligne tirée en travers de la
largeur du pas, depuis le golfe de Poseidônia (Pe.stum) et le fleuve Silarus,
sur Il semblerait aussi (autant qu’on peut se former une opinion sur un
point essentiellement obscur) que les Œnotriens étaient alliés sous le
rapport ethnique à la population primitive de Rome et du Latium d’un côté[6], comme ils l’étaient
aux Épirotes de l’autre, et que clés tribus de cette race, comprenant des
Sikels et des Itali, proprement appelés ainsi comme sections, avaient à cette
époque occupé la plus grande partie du territoire s’étendant de la rive
gauche du Tibre vers le sud entre les Apennins et Cet exposé imparfait, représentant les idées de Grecs du cinquième siècle avant J.-C. quant à l’ancienne population de l’Italie méridionale, est justifié par la comparaison la plus complète que l’on puisse faire entre les trois langues grecque, latine et osque, les deux premières à coup sûr, et la troisième probablement, sœurs de la même famille indo-européenne de langues. Tandis que l’analogie de construction et de racines, qui existe entre le grec et le latin, établit complètement cette communauté de famille, — et tandis que la philologie comparée prouve que sur bien des points le latin s’écarte moins d’un type commun et d’une langue mère supposés que le grec, — il existe aussi dans le premier un élément non grec et des classes de mots non grecs, qui paraissent impliquer une rencontre de deux peuples différents ou d’un plus grand nombre ayant des langues distinctes. Le même élément non grec, qu’on retrouve ainsi dans le latin, semble s’offrir développé plus amplement encore dans les restes peu abondants de l’osque[12]. De plus, les colonies grecques en Italie et en Sicile prirent plusieurs mots particuliers de leur association avec les Sikels, mots qui dans la plupart des cas se rapprochent de très près du latin, — de sorte qu’une ressemblance se montre ainsi entre le langage du Latium d’un côté, et celui des Œnotriens et des Sikels (dans l’Italie méridionale et en Sicile) de l’autre, avant l’établissement des Grecs. Ce sont les deux extrémités de la population des Sikels ; entre elles paraissent, dans la contrée intermédiaire, les tribus et la langue osques ou ausoniennes ; et ces dernières semblent avoir été dans une large mesure des tribus conquérantes venues par intrusion des montagnes centrales. Ces analogies de langage viennent à l’appui de la supposition de Thucydide et d’Antiochus, qui pensent que ces Sikels avaient été jadis répandus sur une portion encore plus considérable de l’Italie méridionale, et avaient émigré de là en Sicile par suite d’invasions osques. L’élément d’affinité existant entre les Latins, les Œnotriens et les Sikels, — et jusqu’à un certain degré entre eux tous et les Grecs, mais ne s’étendant pas aux Opiques ou Osques, ni aux Iapygiens, — peut s’appeler pélasgique, faute d’un nom meilleur. Mais de quelque nom qu’on l’appelle, la reconnaissance de son existence rattache et explique bien des circonstances isolées dans l’ancienne histoire de Rome aussi bien que dans celle des Grecs italiens et siciliens. La plus ancienne colonie grecque en Italie ou en Sicile
dont nous connaissions la date précise, est placée vers 735 avant J.-C.,
dix-huit ans après l’ère de Rome selon Varron ; de sorte que les causes
tendant à soumettre et à helléniser la population des Sikels dans la région
méridionale commencent à agir presque en même temps que celles qui tendaient graduellement
à élever et à agrandir la variété modifiée de celle qui existait dans le
Latium. A cette époque, selon le renseignement donné à Thucydide, les Sikels
avaient été établis pendant trois siècles en Sicile. Hellanicus et Philiste,
— qui tous deux reconnaissaient une émigration semblable dans cette île
venant de l’Italie, bien qu’ils donnent des noms différents tant aux
émigrants qu’à ceux qui les chassaient, — assignent à la migration une date antérieure
de trois générations à la guerre de Troie[13]. Antérieurement à
735 avant J.-C., cependant, bien que nous ne sachions pas l’ère précise de
sols commencement, il existait un établissement grec isolé sur Cumæ, située sur la langue de terre de la péninsule qui se termine par le cap Misenum, occupait une colline élevée et plusieurs rochers surplombant la mer[17], et d’un accès difficile du côté de la terre : La fertilité incomparable des plaines phlégræennes dans le voisinage immédiat de la cité, la quantité abondante de poissons fournis par le lac Lucrin[18], et les mines d’or dans l’île voisine de Pithekusæ servaient à la fois à nourrir et à enrichir les colons. Étant rejoints par de nouveaux colons venus de Chalkis, d’Eretria, et même de Samos, ils devinrent assez nombreux pour former des villes distinctes à Dikæarchia et à Neapolis, se répandant ainsi sur une partie considérable de la baie de Naples. Dans le rocher creux, sous les murs mêmes de la ville, était située la caverne de la Sibylle prophétique, — pendant et reproduction de la Sibylle gergithienne, près de Kymê en Æolis. Dans le voisinage immédiat, aussi, étaient les bois sauvages et le sombre lac de l’Avernus, consacrés aux dieux souterrains et offrant un établissement de prêtres, avec des cérémonies évoquant les morts, soit pour donner des prophéties, soit pour éclaircir des doutes et des mystères. C’est là que l’imagination grecque plaçait les Cimmériens et la fable d’Odysseus ; et les Cumæens tiraient des profits des visiteurs qui affluaient en grand nombre à ce saint lieu[19], peut-être presque autant que ceux des habitants de Krissa, du voisinage de Delphes. Quant aux relations de ces Cumæens avec le monde hellénique en général, nous ne savons malheureusement rien. Mais ils semblent avoir eu des rapports intimes avec Rome à l’époque des Rois, et surtout du temps du dernier roi Tarquin[20], formant entre le monde grec et le monde latin le lien intermédiaire par lequel les sentiments des Teukriens et des Gergithiens voisins de l’æolienne Kymê, et les récits légendaires de héros troyens aussi bien que 76 HISTOIRE
DE grecs, — Æneas et Odysseus, — passèrent dans l’imagination des antiquaires de Rome et du Latium[21]. Les écrivains de l’époque d’Auguste ne connurent Cumæ qu’à son déclin, et s’étonnaient de la vaste étendue de ses anciennes murailles, qui restaient encore de leur temps. Mais pendant les deux siècles qui précèdent l’an 500 avant J.-C., ces murailles renfermaient une population nombreuse et florissante, dans la plénitude de la prospérité, — avec un territoire environnant étendu aussi bien que fertile[22], où se rendaient des marchands de blé venant de Rome dans des années de disette, et que n’avaient pas encore attaqué de formidables voisins, — et avec un littoral et des ports propres au commerce maritime. A cette époque, la ville de Capua (si effectivement elle existait) était de bien moindre importance. La principale partie de la riche plaine qui l’entourait était comprise dans les possessions de Cumæ[23], qui n’était probablement pas indigne, dans le sixième siècle avant J.-C. d’être comptée avec Sybaris et Krotôn. Le déclin de Cumæ commence clans la première moitié du
cinquième siècle avant J.-C. (500-450 avant J.-C.), d’abord par suite des progrès de
puissances hostiles dans l’intérieur, — les Toscans et les Samnites, — en
second lieu par suite de violentes dissensions intestines et d’un despotisme
destructif. La ville fut assaillie par une formidable armée d’envahisseurs
venus de l’intérieur, de Toscans renforcés d’alliés ombriens et dauniens ;
événement que Denys rapporte à la 64e Olympiade (524-520 avant J.-C.), bien que nous ne sachions
pas sur quelle autorité chronologique, et bien que ce même temps soit marqué
par Eusèbe comme la date de la fondation de Dikæarchia, née de Cumæ. Les
envahisseurs, malgré une grande -disparité de nombre, furent bravement
repoussés par les Cumæens, surtout grâce à l’héroïque exemple d’un citoyen
connu et distingué alors pour la première fois, — Aristodêmos Malakos. Le
gouvernement de la cité était oligarchique, et à partir de ce jour l’oligarchie
devint jalouse d’Aristodêmos : celui-ci, de son côté, acquit une popularité
et une influence extraordinaires dans le peuple. Vingt ans plus tard, là cité
latine d’Aricia, ancienne alliée de Cumæ, étant attaquée par une armée de
Toscans, implora le secours des Cumæens. L’oligarchie de ces derniers regarda
le moment comme favorable pour se débarrasser d’Aristodêmos, et elle l’expédia
par mer vers Aricia, avec des vaisseaux pourris et un corps insuffisant de
troupes. Mais leur stratagème échoua et causa sa ruine car l’habileté et .l’intrépidité
d’Aristodêmos suffirent pour délivrer Aricia. Il ramena ses troupes
victorieuses et qui lui étaient dévouées personn211ement. Alors,. en partie
par force, en partie par stratagème, il renversa l’oligarchie, mit à mort les
principaux chefs, et se fit despote. Par une énergie jalouse, par un corps de
mercenaires, et en désarmant le peuple, il se maintint dans cette autorité
pendant vingt ans, parcourant sa carrière d’ambition et d’iniquité jusqu’à Le despotisme d’Aristodêmos tombe pendant l’exil de Tarquin chassé de Rome[25] (auquel il donna asile), et pendant le gouvernement de Gelôn à Syracuse. Une période si calamiteuse de dissensions et de désordre fut une des grandes causes du déclin de Cumæ. Presque dans le même temps, la puissance étrusque, tant sur terre que sur mer, paraît être à son maximum ; tandis que l’établissement étrusque à Capua commence également, si nous adoptons l’ère de la ville telle que la donne Caton[26]. Ainsi fut créée aux dépens de Cumæ une cité puissante, qui fut encore plus agrandie dans la suite quand elle fut conquise et occupée par, les Samnites, dont les tribus envahissantes, sous leur propre nom ou sous celui de Lucaniens, s’étendirent pendant le cinquième et le quatrième siècle avant J.-C. jusqu’aux rivages du golfe de Tarente[27]. Cumæ fut aussi exposée à de formidables dangers du côté de la mer : une flotte, soit d’Étrusques seuls, soit d’Étrusques et de Carthaginois coalisés, l’attaqua en 474 avant J.-C., et elle ne fut sauvée que par l’intervention active de Hiéron, despote de Syracuse, dont les forces navales repoussèrent les envahisseurs, en faisant d’eux un grand carnage[28]. Ces incidents servent en partie à indiquer, en partie à expliquer le déclin du plus ancien établissement hellénique en Italie, — déclin dont il ne se releva jamais. Après avoir brièvement esquissé l’histoire de Cumæ, nous passons naturellement à cette série de puissantes colonies qui furent établies en Sicile et en Italie à partir de 735 avant J.-C., — entreprises dans lesquelles Chalkis, Corinthe, Megara, Sparte, les Achæens du Péloponnèse et les Lokriens hors du Péloponnèse furent tous intéressés. Chalkis, la métropole de Cumæ, devint aussi celle de Naxos, la plus ancienne colonie grecque en Sicile, sur la côte orientale de file, entre le détroit de Messine et le mont Ætna. Le grand nombre d’établissements grecs, fondés par
différentes villes, qui paraissent s’être effectués dans un petit intervalle
d’années sur la côte orientale de l’Italie et de la Sicile, — du cap Iapygien
au cap Pachynos, — nous amène à .supposer que la propriété extraordinaire du
pays à recevoir de nouveaux colons n’avait été connue que tout à coup. Les
colonies se suivent de si près, que l’exemple de la première ne peut avoir
été le seul motif déterminant pour celles qui vinrent ensuite. J’aurai
occasion de. signaler, même un siècle plus tard (à propos de l’établissement de Kyrênê), le
cercle étroit de la navigation grecque ; de sorte que l’ignorance antérieure
supposée ne serait pas du tout incroyable, si nous ne rencontrions le fait de
la colonie préexistante de Cumæ. Suivant l’habitude universelle des vaisseaux
grecs, — qui se permettaient rarement de perdre la côte de vue, excepté dans
des cas d’absolue nécessité, — tout homme qui se rendait par mer de Grèce. en
Italie ou en Sicile, commençait par longer les côtes de l’Akarnania et de l’Épire
jusqu’à ce qu’il eût atteint la latitude de Korkyra ; ensuite il touchait d’abord
à cette île, puis au promontoire Iapygien, d’où, il s’avançait le long de la
côte orientale de l’Italie (les golfes de Tarente et de Squillace) jusqu’au promontoire
méridional de la Calabre et au détroit de Sicile ; il faisait alors voile,
toujours en longeant la côte, soit vers Syracuse, soit vers Cumæ, selon sa
destination. Les habitudes nautiques sont tellement différentes aujourd’hui,
que ce fait mérite une mention spéciale. Nous devons de plus nous rappeler qu’en
735 avant J.-C : il n’y avait encore d’établissements grecs ni en Épire ni à
Korkyra ; de l’autre côté du golfe de. Corinthe, le monde était non
hellénique, avec la seule exception de A l’époque où Theoklês aborda, les Sikels étaient en possession de la plus grande partie de l’île, habitant surtout à l’est des monts Heræens[32], — chaîne continue s’étendant du nord-ouest au sud-est, distincte de cette chaîne de montagnes détachées, beaucoup plus hautes, appelées les Nebrodes, qui courent presque parallèles au rivage septentrional. A l’ouest des collines Heræennes étaient situés les Sikanes ; et à l’ouest de ces derniers, Eryx et Egesta, possessions des Elymi. Le long de la partie occidentale de la côte septentrionale étaient aussi placées Motyê, Soloêis et Panormos (aujourd’hui Palerme), ports de mer phéniciens ou carthaginois. Toutefois la formation (ou du moins l’extension) de ces trois ports que nous venons de mentionner en dernier lieu, fut une conséquence des colonies grecques multipliées ; car les Phéniciens, jusqu’à cette époque, n’avaient pas fondé d’établissements territoriaux ou permanents, mais ils s’étaient contentés d’occuper d’une manière temporaire divers caps ou divers îlots circonvoisins, dans le dessein, de commercer avec l’intérieur. L’arrivée de formidables colons grecs, marins comme eux, les engagea à abandonner ces comptoirs avancés et à concentrer leur force dans les trois villes considérables mentionnées plus haut, qui toutes étaient voisines de cette extrémité défilé la plus rapprochée de Carthage. Le côté oriental de la Sicile et la plus grande partie du sud restèrent ouverts aux Grecs, sans aucune opposition, si ce n’est de la part des Sikels et des Sikanes indigènes, qui furent graduellement écartés de tout contact avec le bord de la mer, excepté vers la côte septentrionale de l’île, — et qui en effet étaient si inexpérimentés sur la mer aussi bien que dépourvus de vaisseaux, que, dans lé récit de leur ancienne émigration d’Italie en Sicile, on affirmait qu’ils avaient traversé le détroit resserré sur des radeaux au moment d’un vent favorable[33]. Dans l’année même[34] qui suivit la
fondation de Naxos, Corinthe commença son rôle dans la colonisation de l’île.
Un corps de colons, sous l’œkiste Archias, aborda dans l’îlot d’Ortygia, plus
au sud sur la côte orientale, chassa les Sikels qui l’occupaient, et posa la
première pierre de Il y avait encore place pour de nouveaux établissements entre Naxos et Syracuse, et Theoklês, l’œkiste de Naxos, se trouva en état d’occuper une partie de cet espace cinq ans seulement après la fondation de Syracuse ; peut-être a-t-il été rejoint par de nouveaux colons. Il attaqua les Sikels[38] et les chassa de l’endroit fertile appelé Leontini, vraisemblablement à peu près à mi-chemin sur la côte orientale, entre le mont Ætna et Syracuse ; et aussi de Katana, — immédiatement adjacente au mont Ætna, qui conserve encore son nom et son importance. Deux nouvelles colonies chalkidiennes furent ainsi fondées, — Theoklês lui-même, devenant œkiste de Leontini, et Euarchos, choisi par les colons katanæens eux-mêmes, de Katana. La cité de Megara ne resta pas en arrière de Corinthe et
de Chalkis pour fournir des émigrants à C’était ainsi que, pendant l’espace de cinq ans, plusieurs corps distincts d’émigrants grecs s’étaient rapidement succédé en Sicile. Pendant les quarante années suivantes, nous n’entendons parler d’aucune nouvelle arrivée ; ce qui est d’autant plus facile à comprendre, qu’il y eut pendant cet intervalle, sur la côte d’Italie, plusieurs fondations considérables, qui probablement enlevèrent les colons grecs disponibles. Enfin, quarante-cinq ans après la fondation de Syracuse, arriva un nouveau corps de colons, en partie de Rhodes sous Antiphèmos, en partie de Krête sous Eutimos. Ils fondèrent la cité de Gela sur la face sud-ouest de l’île, entre le cap Pachynos et Lilybæon (690 av. J.-C.), — encore sur le territoire des Sikels, bien que s’étendant à la fin jusqu’à une partie de celui des Sikanes[41]. La cité reçut le nom du fleuve voisin Gela. Il nous reste à mentionner une autre émigration nouvelle de Grèce en Sicile, bien que nous ne puissions lui assigner une date exacte. La ville de Zanklê (aujourd’hui Messine), sur le détroit qui sépare la Sicile de l’Italie, fut occupée d’abord par certains corsaires ou pirates de Cumæ, — la situation étant éminemment convenable pour leurs opérations. Mais le succès des autres établissements chalkidiens donna à ce nid de pirates un caractère plus grand et plus honorable. Un corps de nouveaux colons les rejoignit, venant de Chalkis et d’autres villes d’Eubœa, la terre fut régulièrement divisée, et deux œkistes réunis furent chargés de donner à la ville les qualités requises pour être membres de la communion hellénique, — Periêrês de Chalkis, et Kratæmenês de Cumæ. Le nom de Zanklê avait été donné par les premiers Sikels qui occupaient la place, nom signifiant dans leur langage une faucille ; mais il fut changé plus tard en Messênê par Anaxilas, despote de Rhegium, qui, lorsqu’il s’empara de la ville, introduisit de nouveaux habitants d’une manière qui sera signalée ci-après[42]. Outre ces émigrations directes venues de Grèce, les colonies helléniques en Sicile devinrent elles-mêmes les fondatrices de sous colonies. C’est ainsi que les Syracusains, soixante-dix ans après leur propre établissement (664 av. J.-C.), fondèrent Akræ, Kasmenæ, vingt ans plus tard (644 av. J.-C.), et Kamarina ; quarante-cinq ans après Kasmenæ (599 av. J.-C.) : Daskôn et Menekôlos furent les œkistes de la dernière, qui devint, avec la suite des temps, une ville indépendante et considérable, tandis qu’Akræ et Kasmenæ semblent être restées sujettes de Syracuse. Kamarina était sur le côté sud-ouest de file, formant la frontière du territoire syracusain vers Gela. Kallipolis fut établie par Naxos, et Eubœa (ville portant ce nom) par Leontini[43]. Jusqu’à ce moment les Grecs avaient colonisé uniquement sur le territoire des Sikels. Mais les trois villes qui restent à mentionner furent toutes fondées sur celui des Sikanes[44], — Agrigentum ou Akragas, — Sélinonte — et Himera. Les deux premières étaient toutes deux sur la côte sud-ouest, — Agrigentum confinant avec Gela d’un côté et avec Sélinonte de l’autre. Himera était située sur la portion occidentale de la côte septentrionale — le seul établissement hellénique, du temps de Thucydide, que présentât cette longue ligne de côtes. Les habitants de l’hyblæenne Megara furent fondateurs de Sélinonte, vers 630 avant J.-C., un siècle après leur propre établissement. L’œkiste Pamillos, suivant l’usage hellénique habituel, fut appelé de leur métropole Megara en Grèce propre, mais on ne nous dit pas combien de’ colons nouveaux vinrent avec lui : le langage de Thucydide nous amène à supposer que la nouvelle ville fut peuplée surtout par les Mégariens Hyblæens eux-mêmes. La ville d’Akragas ou d’Agrigente, appelée d’après le fleuve voisin portant le premier nom, fut fondée par Gela en 582 avant J.-C. Ses œkistes furent Aristonoos et Pystilos, et elle reçut les statuts et le caractère religieux de Gela. Himera, d’autre part, fut fondée par Zanklè, sous trois œkistes, Eukleidês, Simos et Sakôn. La majeure partie de ses habitants était de race chalkidienne, et son caractère légal ainsi que son caractère religieux était chalkidien. Mais une portion des exilés se composait d’exilés syracusains, appelés Mylètidæ, qui avaient été chassés de leur patrie par une sédition, de sorte que le dialecte himéræen était un mélange de dôrien et de chalkidien. Himera était située non loin des villes des Elymi, — Eryx et Egesta. Tels furent les principaux établissements fondés par les
Grecs en Sicile pendant les deux siècles qui suivirent leur premier
établissement en 735 avant J.-C. Le petit nombre de détails que nous venons
de présenter a leur sujet sont dignes de toute confiance — car ils nous
viennent de Thucydide ; mais par malheur ils sont trop peu nombreux pour
satisfaire le moins du mondé notre curiosité. On ne peut douter que ces deux
premiers siècles n’aient été des périodes de prospérité et de progrès
constants chez les Grecs siciliens, périodes que ne troublaient pas ces
distractions et ces calamités qui survinrent dans la suite, et d’où résulta
en effet l’agrandissement considérable de quelques-unes de leurs communautés,
mais aussi la ruine de plusieurs autres. De plus, il semble que les
Carthaginois en. Sicile ne les inquiétèrent pas avant l’époque de Gelôn. Leur
position en effet paraîtra singulièrement avantageuse, si nous considérons la
fertilité extraordinaire du sol dans cette belle île, surtout près de la mer,
— sa propriété à produire du blé, du vin et de l’huile, espèces de culture
auxquelles le laboureur grec :avait été accoutumé dans des circonstances moins
favorables, — les abondantes poissonneries sur la côte, si importantes dans
le régime grec, et qui ont continué sans diminution même jusqu’au temps
actuel, — avec les moutons, le bétail, les peaux, la laine, et le bois venant
de la population indigène de l’intérieur. Ces indigènes semblent avoir eu des
habitudes pastorales grossières, étant dispersés soit dans de petits villages
situés sur des collines, soit dans des cavernes creusées dans le roc, comme
les habitants primitifs des îles Baléares et de la Sardaigne, de sorte que la
Sicile, comme la Nouvelle-Zélande dans notre siècle, voyait alors pour la
première fois une industrie et un labourage organisés[45]. Leurs progrès
durant cet intervalle le plus prospère — entre la fondation de Naxos en 735
av. J.-C. jusqu’au règne de Gelôn à Syracuse en 485 av. J.-C. — ne sont pas à
comparer, bien que considérables, à ceux des colonies anglaises en Amérique ;
mais ils furent néanmoins très grands, et ils paraissent encore plus granas
parce qu’ils étaient concentrés dans un petit nombre de cités et à l’entour d’elles.
Il était rare de voir des individus se répandre et résider séparément : cela
ne s’accordait non plus ni avec la sécurité ni avec les sentiments sociaux d’un
colon grec. La cité à laquelle il appartenait était le point central de son
existence : c’est là qu’il apportait au logis, pour les amasser ou les
vendre, les produits qu’il faisait venir ; c’est là seulement que se passait
sa vie active, politique, domestique, religieuse, récréative, etc. Il y avait
dans tout le territoire de la cité de petites places fortifiées et des
garnisons dispersées[46], servant de
protection temporaire aux cultivateurs en cas d’invasion soudaine ; mais il n’y
avait pas de résidence permanente pour le citoyen libre, si ce n’est la ville
elle-même. C’était, peut-être, même encore lé cas dans un établissement
colonial, où tout commençait et se répandait en partant d’un point central,
plutôt qu’en Attique, où les villages séparés avaient jadis nourri une
population indépendante sous le rapport politique. C’était conséquemment dans
la ville que se concentrait d’une manière palpable le progrès collectif de la
colonie, — propriétés aussi bien que population, -bien-être et luxe privés
non moins que force et grandeur publiques. Ce développement et ce progrès
étaient naturellement soutenus par la culture du territoire, mais les preuves
en étaient plus manifestes dans Il y a un autre point de quelque importance à mentionner au sujet des cités italiennes et siciliennes. La population de la ville elle-même peut avoir été grecque, en grande partie, sinon complètement ; mais la population -du territoire appartenant à la ville, ou celle des villages dépendants qui le couvraient, doit avoir été dans une grande mesure composée de Sikels ou de Sikanes. On en trouve la preuve dans une circonstance commune à tous les- Grecs siciliens et italiens, — la particularité de leur système de poids, de mesures et de monnaies, et de leur langage. La livre et Fonce sont des divisions et des dénominations appartenant entièrement à l’Italie et à la Sicile, et inconnues primitivement aux Grecs, dont l’échelle consistait en obole, drachme, mine et talent. Chez les Grecs aussi le métal employé d’abord et le plus communément pour les monnaies était l’argent, tandis qu’en Italie et en Sicile le cuivre fut le métal dont on fit usage primitivement. Or, chez tous les Grecs italiens et siciliens, il naquit une échelle de poids et de monnaies tout à fait différente de celle des Grecs dans leur propre pays, et qui était formée par la combinaison et l’ajustement de l’un de ces systèmes avec l’autre. C’est une question sous bien des points complexe et difficile à comprendre, mais en définitive le système indigène semble être prédominant, et le système grec subordonné[47]. Une telle conséquence n’aurait pu s’ensuivre, si les colons grecs en Italie et en Sicile s’étaient tenus à part comme communautés, et avaient simplement fait du commerce et des échanges avec des communautés de Sikels. Ceci implique une fusion des deux races dans le même tout, bien que sans doute avec le rapport de supérieurs et de sujets, et non avec celui d’égaux. Les Grecs, en arrivant dans file, chassèrent les indigènes de la ville, peut-être aussi des terres qui l’entouraient immédiatement. Mais quand ils étendirent graduellement leur territoire, ils le firent probablement, non pas en chassant, mais en subjuguant ces tribus de Sikels, dont ils touchaient successivement dans leurs agressions les villes très subdivisées et petites individuellement. A l’époque où Theoklês aborda à la colline près de Naxos, et Archias clans l’îlot d’Ortygia, et où chacun d’eux chassa les Sikels de cet endroit particulier, il y avait des villages ou de petites communautés de Sikels répandus dans tout le pays environnant. Par les empiétements graduels de la colonie, quelques-uns de ces villages pouvaient être dépossédés et chassés hors des plaines voisines de la côte dans les régions plus montagneuses de l’intérieur. Mais un grand nombre d’entre eux sans doute trouvèrent convenable de se soumettre, de céder une portion de leurs terres, et de tenir le reste comme villageois subordonnés d’une communauté municipale hellénique[48]. Nous trouvons même à l’époque de l’invasion athénienne (414 av. J.-C.) des villages existant avec une identité distincte comme Sikels, et cependant sujets et tributaires de Syracuse. De plus, l’influence qu’exerçaient les Grecs, bien que
clans le principe elle frit obtenue par la force, finit aussi en partie par
agir par elle-même ; — c’était l’ascendant d’une civilisation plus élevée sur
une civilisation inférieure. C’était l’action d’habitants concentrés dans des
villes, jouissant de la sécurité entre eux grâce à leurs murailles et à une
mutuelle confiance, et entourés de plus ou de moins d’ornements, publics
aussi bien que privés, — sur des villageois dispersés, sans protection, sans
arts, qui ne pouvaient être insensibles au charme de cette intelligence, de
cette imagination, de cette organisation supérieures ; dont l’empire était si
puissant sur tout le monde contemporain. Pour comprendre l’influence de ces
immigrants supérieurs sur les Sikels indigènes, mais inférieurs, pendant ces
trois premiers siècles (730-430
av. J.-C.) qui suivirent l’arrivée d’Archias et de Theoklês, nous n’avons
qu’à étudier la continuation de la même action pendant les trais siècles
suivants qui précédèrent celui de Cicéron. A l’époque où Athènes entreprit le
siège de Syracuse (415
av. J.-C.) l’intérieur de file était occupé par des communautés de
Sikels et de Sikanes, autonomes et conservant leurs coutumes et leur langage
indigènes[49].
Mais du temps de Verrès et de Cicéron (trois siècles et demi plus tard) l’intérieur
de file, aussi bien que les régions maritimes, avait fini par être hellénisé
: les villes de l’intérieur n’étaient guère moins grecques que celles de Ainsi l’on ne doit pas considérer les Grecs en Sicile comme purement grecs, mais comme modifiés par un mélange de langage, de coutumes et de caractère empruntés des Sikels et des Sikanes. Chaque ville comprenait dans sa population non privilégiée un nombre de Sikels (ou de Sikanes, suivant le cas) à demi hellénisés, qui, bien que dans un état de dépendance, contribuaient à mélanger la race et à influer sur la masse entière. Nous n’avons pas de raison pour supposer que le langage sikel ou œnotrien ait jamais été écrit, comme le latin, l’osque ou l’ombrien[51]. Les inscriptions de Segesta et d’Halesos sont toutes en grec dôrien, qui se substitua à la langue indigène dans ce qui concernait les choses publiques comme langage séparé, mais non sans se modifier lui-même au contact. En suivant la succession toujours renouvelée de violents changements politiques, l’aptitude inférieure à avoir un gouvernement populaire, pacifique et régulier, et la licence voluptueuse plus effrénée que montrent les Grecs siciliens et italiens[52] en tant que comparés à Athènes et aux cités de la Grèce propre, — nous devons nous rappeler que nous n’avons pas affaire à un hellénisme pur, et que l’élément indigène, bien qu’il n’entravât pas l’activité ni les progrès de la richesse, empêchait le colon grec de prendre une part complète à cette organisation améliorée que nous reconnaissons si distinctement dans Athènes à partir de Solôn. Le caractère de leur littérature et de leur poésie montre combien le goût, les habitudes, les idées, la religion et les mythes locaux des Sikels indigènes passèrent dans les esprits des Grecs sikeliotes ou siciliens. La Sicile fut le berceau de cette gaieté rustique et de cette bouffonnerie villageoise qui donnèrent naissance à la comédie primitive, — devenue politique et changée à Athènes, de manière à convenir aux gens du marché, de l’ekklêsia, du dikasterion, alliant, dans les comédies du Syracusain Epicharme, d’abondants détails sur les plaisirs de la table (pour lesquels les anciens Siciliens étaient renommés) à la philosophie de Pythagoras et à des maximes morales, — mais donnée avec toute la simplicité nue de la vie commune, dans une sorte de prose rythmique, sans même subir la gêne d’un mètre fixe, par le Syracusain Sophron dans ses mimes aujourd’hui perdus, et plus tard polie aussi bien qu’idéalisée dans la poésie bucolique de Théocrite[53]. Ce qui est communément appelé la comédie dôrienne était, en grande partie au moins, la comédie sikel, empruntée par des compositeurs dôriens, — la race et le dialecte dôriens prédominant en Sicile d’une manière prononcée. Les moeurs représentées ainsi appartenaient à cette veine grossière de gaieté qui était commune aux Grecs dôriens de la ville et aux Sikels à demi hellénisés des villages circonvoisins. En outre, il semble probable que cette population rustique permit aux despotes des villes gréco-siciliennes de former aisément et à peu de frais ces corps de troupe mercenaires qui soutenaient leur pouvoir[54], et dont la présence rendait la continuité du gouvernement populaire, même en supposant qu’il eût commencé, presque impossible. Ce fut la destinée de la plupart des établissements coloniaux grecs de périr par suite du développement et des agressions de ces puissances de l’intérieur dont ils avaient occupé les côtes ; puissances qui, grâce au voisinage des Grecs, acquirent une organisation militaire et politique, et un pouvoir d’action concentrée, tels qu’elles n’en avaient pas possédé de pareils dans l’origine. Mais, en Sicile, les Sikels n’étaient pas assez nombreux même pour conserver d’une manière permanente leur propre nationalité, et ils finirent par être pénétrés de tous les côtés par l’ascendant et les coutumes helléniques. Nous arriverons néanmoins à une remarquable tentative, faite par un prince sikel indigène, dans la 82e Olympiade (455 av. J.-C.), — l’entreprenant Duketius, — pour réunir un grand nombre de petits villages sikels et en former une seule ville considérable, et élever ainsi ses compatriotes jusqu’au niveau de la politique et de l’organisation grecques. S’il y avait eu un prince sikel quelconque doué de ces idées supérieures à l’époque où les Grecs s’établirent pour la première fois en Sicile, l’histoire subséquente de file aurait probablement été très différente. Mais les projets de Duketius étaient nés du spectacle que lui offraient les villes grecques qui l’entouraient, et ces dernières avaient acquis un pouvoir bien trop grand pour lui permettre de réussir. Toutefois la description de la tentative avortée, que nous trouvons dans Diodore[55], quelque maigre qu’elle soit, forme un point intéressant dans l’histoire de file. La colonisation grecque en Italie commença presque en même temps qu’en Sicile, et fut marquée par les mêmes circonstances générales. Nous plaçant à Rhegium (aujourd’hui Reggio) sur le détroit de Sicile, nous reconnaissons des cités grecques établies par degrés sur divers points de la côte jusqu’à Cumæ sur l’une des deux mers et jusqu’à Tarente (Taranto) sur l’autre. Entre les deux mers s’étend la haute chaîne des Apennins, calcaire dans la partie supérieure de son cours, dans l’Italie moyenne, — granitique et schisteuse dans la partie inférieure, où elle traverse les territoires appelés aujourd’hui la Calabre citérieure et la Calabre ultérieure. Les plaines et les vallées de chaque côté des Apennins calabrais présentent une végétation luxuriante, vantée par tous les observateurs, et surpassant même celle de la Sicile[56] ; et, quelque grandes que soient aujourd’hui les propriétés productives de ce territoire, il y a tout lieu de croire qu’elles doivent avoir été beaucoup plus grandes dans les temps anciens. Car il a été éprouvé par des tremblements de terre répétés, dont chacun a laissé des traces calamiteuses de dévastation. Ceux de 1638 et de 1783 — particulièrement le dernier, dont les effets destructifs furent ruineux sur une échelle effrayante tant pour la vie que pour les biens[57] —, sont d’une date assez récente pour permettre de constater et de mesurer le dommage fait par chacun d’eux, et ce dommage, dans maintes parties de la côte sud-ouest, était grand et irréparable. Aussi, quelque animées que soient les épithètes avec lesquelles le voyageur moderne dépeint la fertilité actuelle de la Calabre, nous sommes autorisés à étendre leur signification quand nous concevons la contrée telle qu’elle était entre 720 et 320 avant J.-C., période de l’occupation et de l’indépendance grecques ; tandis que l’air malsain qui, aujourd’hui, désole les plaines en général, semble alors n’avoir été senti que dans une étendue limitée et dans des localités particulières. Les fondateurs de Tarente, de Sybaris, de Krotôn, de Lokri et de Rhegium s’établirent dans des situations pleines d’espérances incomparables pour le cultivateur industrieux, et dont les habitants antérieurs avaient tiré peu de profit ; bien que, depuis l’assujettissement des cités grecqués, ces possessions, jadis si riches, soient tombées dans la pauvreté et le dépeuplement, surtout pendant les trois derniers siècles, par suite de l’insalubrité, de l’indolence, d’une mauvaise administration et de la crainte des corsaires barbaresques. Les Œnotriens, les Sikels ou Italiens, qui possédaient ces territoires en 720 avant J.-C., semblent avoir été de petites communautés grossières, se procurant la sécurité eu résidant sur des éminences élevées — plus pastorales qu’agricoles, et dont quelques-unes consommaient le produit de leurs champs dans un repas commun, sur un principe analogue aux Syssitia de Sparte ou de Krête. Le roi Italus introduisit, dit-on, cette particularité[58] dans la portion la plus méridionale de la population œnotrienne, et en même temps il lui donna le nom d’Italiens, bien qu’elle fût connue aussi sous le nom de Sikels. Dans tout le centre de la Calabre, entre les deux mers, la chaîne élevée des Apennins assurait une protection dans une certaine mesure tant à leur indépendance qu’à leurs habitudes pastorales. Mais ces hauteurs sont faites pour qu’on en jouisse conjointement avec les plaines situées à leur pied, de manière à alterner l’été et l’hiver le pâturage pour le bétail. C’est de cette manière que la richesse de la contrée est rendue profitable, puisqu’une grande partie de la chaîne est ensevelie sous la neige pendant les mois d’hiver. Une diversité si remarquable de sol et de climat rendait la Calabre une terre de promission pour une colonie grecque. Les plaines et les éminences plus basses étaient aussi fertiles en blé, en vin, en huile et en lin, que les montagnes l’étaient en pâturages d’été et en bois de construction, — et il tombe sur les terrains plus élevés une pluie abondante, qui ne demande que du travail et du soin pour qu’elle arrive à donner aux terrains plus bas leur maximum de fertilité. De plus, une longue ligne de côtes maritimes (bien que peu garnie de ports) et une grande quantité de poissons venaient s’ajouter aux avantages du sol. Tandis que les hommes libres plus pauvres des cités grecques étaient à même d’obtenir dans. le voisinage de petits lots de terre fertile, pour les cultiver de leurs propres mains, et de se procurer la plus grande partie de leur nourriture et de leurs vêtements, — les propriétaires plus riches tiraient un bon profit des portions plus éloignées du territoire au moyen de leur bétail, de leurs moutons et de leurs esclaves. Des villes grecques situées sur cette côte favorisée, les
plus anciennes aussi bien que les plus prospères étaient Sybaris et Krotôn,
toutes deux sur le golfe de Tarente, — toutes deux d’origine achæenne, — et
confinant l’une à l’autre, sous le rapport du territoire. Krotôn était située
non loin, à l’ouest de l’extrémité sud-est du golfe, appelée dans les anciens
temps le cap Lakinien, et rendue célèbre par le temple de Hêrê Lakinienne,
qui fut également vénéré et orné par le Grec établi dans l’île aussi bien que
par le navigateur passager. Une seule et unique colonne du temple, l’humble
reste de la magnificence passée, marque encore l’extrémité de ce promontoire
jadis célèbre. Sybaris semble avoir été fondée dans l’année 720 avant J.-C.,
Krotôn en 710 avant J.-C. ; Iselikeus fut œkiste de la première[59], Myskellos, de La lutte fatale entre ces deux villes, qui se termina par la ruine de Sybaris, fut engagée en 510 avant J.-C., après que cette dernière avait existé pendant 210 ans avec une prospérité croissante. Pt la prospérité étonnante à. laquelle elles parvinrent toutes les deux est une preuve suffisante qui démontre que pendant la plus grande partie de cette période elles étaient restées au moins en paix, si elles n’étaient pas unies par une alliance_ et par une fraternité achæenne commune.. Par malheur, le fait général de leur grandeur, de leurs richesses et de leur puissance considérables est tout ce qu’il nous est permis de savoir. Les murs de Sybaris embrassaient un circuit de cinquante stades, ou près de six milles (= 9 kilom. 1/2 environ), tandis que ceux de Krotôn étaient même plus étendus, comprenant un peu moins de douze milles[62] (= 19 kilom.). Une vaste enceinte entourée de murs était avantageuse pour donner abri aux biens meubles du territoire environnant, qui y étaient transportés à l’arrivée d’un envahisseur. Les deus villes possédaient un empire étendu dans la largeur de la péninsule de la Calabre, d’une mer à l’autre. Mais les possessions territoriales de Sybaris semblent avoir été plus grandes et ses colonies plus spacieuses et plus éloignées, — fait qui peut expliquer le circuit plus petit de la ville. Les Sybarites fondèrent Laos et Skidros, sur Myskellos de Rhypes en Achaïa, qui fonda Krotôn sur l’indication expresse de l’oracle de Delphes, jugea, dit-on, (710 avant J.-C.), l’emplacement de Sybaris préférable, et sollicita de l’oracle la permission d’y établir sa colonie ; mais il reçut l’avis d’obéir strictement aux ordres qui lui avaient été donnés d’abord[66]. On affirme de plus que la fondation de Krotôn fut aidée par Archias, qui passait alors le long de la côte avec ses colons en destination pour Syracuse, et qui est aussi également rattaché à la fondation de Lokres ; mais ni l’une ni l’autre de ces assertions ne semblent admissibles sous le rapport chronologique. La Lokres italienne (appelée Épizéphyrienne, à cause du voisinage du cap Zephyrium) fut fondée dans l’année 683 avant J.-C. par des colons venus de chez les Lokriens, — soit des Lokriens Ozoles clans le golfe de Krissa, soit de ceux d’Oponte sur le détroit eubœen. Ce point était contesté même dans l’antiquité, et peut-être les uns et les autres y ont-ils contribué : Euanthos fut l’œkiste de la ville[67]. Les premières années de Lokres Épizéphyrienne furent, dit-on, des années de sédition et de discorde. Et le caractère vil que nous trouvons attribué aux colons primitifs, aussi bien que leur conduite perfide avec les indigènes, est d’autant plus à signaler que les Lokriens, à l’époque et d’Aristote et de Polybe, ajoutaient une foi entière à ces assertions relatives à leurs propres ancêtres. Les premiers émigrants qui vinrent à Lokres étaient, selon Aristote, un corps d’esclaves fugitifs, de voleurs d’hommes et d’adultères, qui n’avaient de connexion légitime avec une racine hellénique honorable que par un certain nombre de femmes lokriennes de bonne naissance qui les accompagnaient. Ces femmes appartenaient à ces familles d’élite appelées les Cent Maisons, qui constituaient ce qu’on peut appeler la noblesse des Lokriens dans la Grèce propre, et leurs descendants continuèrent à jouir d’un certain rang et d’une certaine prééminence dans la colonie, même du temps de Polybe. L’émigration fut occasionnée, dit-on, par des relations immorales entre ces femmes lokriennes nobles et leurs esclaves, — peut-être par des mariages avec des femmes de rang inférieur là où il n’y avait pas eu de connubium reconnu[68] ; fait rapporté, par ceux de qui l’apprit Aristote, à la longue durée de la première guerre messênienne, — les guerriers lokriens étant pour la plupart restés clans le territoire messênien comme auxiliaires des Spartiates pendant les vingt années de cette guerre[69], ne se permettant que de rares et courtes visites à leurs foyers. C’est une histoire qui ressemble à celle que nous trouvons dans l’explication de la colonie de Tarente. Elle nous arrive trop imparfaitement pour permettre une critique ou une vérification ; mais le caractère peu aimable des premiers émigrants est un renseignement qui mérite créance, et il est très peu vraisemblable qu’il ait été inventé. Leurs premiers actes en s’établissant en Italie montrent une perfidie qui est d’accord avec le caractère qu’on leur attribue. Ils trouvèrent le territoire dans cette portion méridionale de la péninsule de Calabre possédé par des Sikels indigènes, qui, alarmés à la vue de leur force et redoutant de tenter les hasards d’une résistance, consentirent à les admettre à un partage et à une résidence commune. Le pacte fut conclu et juré par les deux parties dans les termes suivants : Il y aura amitié entre nous, et nous jouirons du pays en commun, aussi longtemps que nous serons sur cette terre et que nous aurons des têtes sur nos épaules. Au moment où on recevait le serment, les Lokriens avaient mis de la terre dans leurs souliers et avaient des têtes (gousses) d’ail sur leurs épaules ; de sorte que, quand ils se furent débarrassés de ces accessoires, ce serment fut considéré comme n’étant plus obligatoire. Profitant de la première occasion favorable, ils attaquèrent les Sikels par surprise et les chassèrent du territoire, dont ils acquirent ainsi la possession exclusive[70]. Leur premier établissement fut formé sur lit terre la plus avancée elle-même, le cap Zephyrium (aujourd’hui Bruzzano). Mais après trois ou quatre ans la situation de la ville fut portée sur une éminence dans la plaine voisine, et on dit que les Syracusains les y aidèrent[71]. En décrivant les colons grecs en Sicile, j’ai déjà dit qu’il faut les considérer comme Grecs ayant revu des Sikels indigènes une infusion considérable de sang, d’habitudes et de moeurs. Le cas est le même chez les Grecs italistes ou italiens, et par rapport à ces Lokriens Épizéphyriens particulièrement, nous le trouvons mentionné expressément par Polybe. Composée comme l’était leur bande d’hommes ignobles et vils, non liés ensemble. par les forts liens de tribu ou par des coutumes traditionnelles, ils étaient d’autant plus disposés à adopter de nouveaux usages, aussi bien religieux que civils[72], empruntés des Sikels. L’historien en signale un en particulier — la dignité religieuse appelée le Phialêphoros ou porte-encensoir, dont jouissait chez les Sikels indigènes un jeune homme de naissance noble, accomplissant dans leurs sacrifices les devoirs qui en dépendaient ; mais les Lokriens, tout en s’identifiant avec la cérémonie religieuse, et en adoptant à la fois et le nom et la dignité, changèrent le sexe et conférèrent la charge ‘à une de ces femmes de Sang noble qui étaient l’ornement de leur colonie. Même jusqu’à l’époque de Polybe, quelque jeune fille descendant de l’une de ces Cent Maisons d’élite continuait encore à porter le titre et à accomplir les devoirs de Phialêphoros dans les cérémonies. Ces renseignements nous apprennent quelle portion considérable de Sikels doit avoir fini par être incorporée comme dépendante dans la colonie des Lokriens Épizéphyriens, et combien le mélange de leurs habitudes avec celles des colons grecs fut fortement marqué ; tandis que le fait de faire remonter parmi eux toute grandeur de. race à un petit nombre de femmes émigrantes de noble naissance est une particularité appartenant exclusivement à leur cité. Qu’un corps de colons formé d’éléments donnant si peu d’espérances
soit tombé dans une licence et un désordre extrêmes, c’est ce qui n’est en
aucune sorte surprenant ; mais ces méfaits paraissent être devenus dans les
premières années de la colonie intolérables au point d’imposer à chacun la
nécessité de quelque remède. Telle fut l’origine d’un phénomène nouveau dans
la marche d’une société grecque, — la première promulgation de lois écrites.
Les Lokriens Épizéphyriens, s’étant adressés à l’oracle de Delphes pour
obtenir quelque conseil qui les soulageait dans leur détresse, reçurent l’ordre
de faire des lois par eux-mêmes[73] ; et ils
reçurent les lois d’un berger nommé Zaleukos, qui déclarait les avoir
apprises de Nous pouvons être suffisamment assurés que ces premières de toutes les lois grecques écrites étaient simples et peu nombreuses[74] : elles semblent avoir ordonné l’application de la lex talionis, comme punition pour des injures personnelles. Par ce caractère général de ses lois, Zaleukos fut le pendant de Drakôn. Mais on connaissait relativement à lui si peu de chose de certain, on avançait tant de fausses assertions, que Timée l’historien alla jusqu’à mettre en question son existence réelle[75], — contre l’autorité non seulement d’Ephore, niais encore d’Aristote et de Théophraste. Cependant les lois doivent être restées pendant longtemps sans changement formel ; car telle était l’aversion, nous dit-on, des Lokriens pour toute loi nouvelle, que l’homme qui se hasardait à en proposer une paraissait en public avec une corde autour du cou, qui était immédiatement serrée s’il ne réussissait pas à convaincre l’assemblée de la nécessité de sa proposition[76]. Quant au gouvernement de Locres Épizéphyrienne, nous savons seulement que dans des temps plus récents-il comprenait un grand conseil de mille membres, et un principal magistrat exécutif appelé Kosmopolis ; on dit aussi qu’il était administré avec soin et rigueur. La date de la ville de Rhegium (Reggio), séparée du territoire de Lokres Épizéphyrienne par le fleuve Halex, doit avoir été non seulement plus ancienne que Lokres, mais même que Sybaris, — si ce que dit Antiochos est exact, à savoir, que les colons furent rejoints par ces Messêniens, qui, avant la première guerre messênienne, désiraient faire réparation aux Spartiates de l’outrage qu’avaient subi les jeunes filles spartiates dans le temple d’Artemis Limnatis, mais qui furent accablés par leurs compatriotes et forcés de s’exiler. Cependant Pausanias donne une version différente de. cette émigration de Messêniens à Rhegium, admettant toutefois encore le fait de cette émigration à la fin de la première guerre messênienne, ce qui placerait la fondation de la cité plus tôt que 720 avant J.-C. — Bien que Rhegium fût une colonie chalkidienne, cependant une portion de ses habitants semble avoir été indubitablement d’origine messênienne, et de ce nombre était Anaxilas, despote de la ville entre 500 et 470 avant J.-C., qui faisait remonter sa lignée, à travers deux siècles, jusqu’à un émigrant messénien nommé Alkidamidas[77]. La célébrité et le pouvoir d’Anaxilas, précisément au moment où l’ancienne histoire des villes grecques commençait à être exposée en prose et d’une manière quelque peu systématique, firent que l’élément messênien dans la population de Rhegium fut mis plus en relief. Mais la ville était essentiellement chalkidienne, rattachée par une parenté coloniale aux établissements chalkidiens de Sicile, Zanklê, Naxos, Katana et Leontini. Les émigrants primitifs partirent de Chalkis, comme étant un dixième des citoyens consacrés à Apollon par un voeu à la suite d’une famine ; et les ordres du (lieu aussi bien que l’invitation des Zanklæens guidèrent leur course vers Rhegium. La ville fut florissante, et acquit un nombre considérable de villages dépendants alentour[78], habités sans cloute par des cultivateurs de la population indigène. Mais elle semble avoir été souvent en lutte avec les Lokriens limitrophes, et elle subit, conjointement avec les Tarentins, une sérieuse défaite, qui sera racontée ci-après. Entre Lokres et le cap Lakinien étaient situées la colonie achæenne de Kaulônia et celle de Skyllêtium, la dernière vraisemblablement comprise dans le domaine de Krotôn, bien qu’elle prétendit avoir été fondée dans l’origine par Menestheus, le chef des Athéniens au siége de Troie ; Petilia, également, forteresse située sur une colline au nord-ouest du cap Lakinien, aussi bien que Makalla, toutes les deux comprises dans le territoire de Krotôn, avait été fondée, affirmait-on, par Philoktêtês. Le long de toute cette côte du golfe de Tarente il y avait divers établissements attribués aux héros de la guerre de Troie[79], — Epeios, Philoktêtês, Nestôr, — ou bien à leurs troupes lors de leur retour. Probablement ceux qui occupaient ces établissements avaient été des bandes d’aventuriers grecs, petites, mélangées, non avouées[80], qui se donnaient l’origine la plus honorable qu’ils pouvaient imaginer, et qui finirent par être absorbées plus tard dans les établissements coloniaux plus considérables qui suivirent ; ces derniers adoptant et s’appropriant le culte héroïque de Philoktêtês on d’autres guerriers de Troie, qu’avaient commencé les premiers émigrants. Pendant les temps florissants de Sybaris et de Krotôn, il
semble que ces deux grandes cités se partageaient toute la longueur de la
côte du golfe de Tarente, depuis l’endroit appelé aujourd’hui Rocca Imperiale
jusqu’au sud du cap Lakinien. Entre le point où se terminait la domination de
Sybaris, sur le, côté tarentin et la ville de Tarente elle-même, il y avait
deux colonies grecques considérables, — Siris, appelée dans A environ vingt-cinq milles (= 40kilom.) à l’est de Siris sur la côte
du golfe Tarentin était située la ville grecque de Metapontium, qui, selon l’affirmation
de quelques-uns, devait son origine à des compagnons pyliens de Nestôr, —
selon d’autres, aux guerriers phokiens d’Epeios, à leur retour de Troie. Les
preuves de la première assertion se montraient dans le culte des héros Nêlides,
— les preuves de la seconde dans la conservation des outils, réputés
identiques, à l’aide desquels Epeios avait construit le cheval troyen[86]. La ville de
Metapontium fut établie sur le territoire des Chôniens ou Œnotriens ; mais la
première colonie fut, dit-on, détruite par une attaque des Samnites[87], dont nous
ignorons l’époque. Elle avait été fondée par quelques colons achæens — sous
la conduite de l’œkiste Daulios, despote de Plus loin, à l’est de Metapontium, encore à la distance de vingt-cinq milles (= 40 kilom.) environ, était située la grande cité de Taras ou Tarente, colonie de Sparte fondée après la première guerre messênienne, vraisemblablement vers 707 avant J.-C. L’œkiste Phalanthos, qui était, dit-on, un Hêraklide, fut placé à la tête d’un corps d’émigrants spartiates — composé principalement de quelques citoyens appelés Epeunaktæ et des jeunes gens appelés Partheniæ qui avaient à cause de leur origine été notés d’infamie par leurs compatriotes, et étaient sur le point de se révolter. Ce fut à la suite de la guerre messênienne qu’eut lieu, dit-on, cette émigration, d’une manière analogue à celle que nous avons rapportée relativement aux Lokriens Epizéphyriens. Les Lacédæmoniens, avant d’entrer en Messênia pour continuer la guerre, s’étaient engagés par un voeu à ne pas revenir avant d’avoir achevé la conquête ; voeu auquel il semble que quelques-uns refusèrent de s’associer, se tenant complètement en dehors de l’expédition. Quand les soldats revinrent après bien des années d’absence passées à la guerre, ils trouvèrent une nombreuse progéniture qu’avaient mise au monde leurs épouses et leurs filles, par suite de leurs relations avec ceux (Epeunaktæ) qui étaient restés dans leur patrie. Les Epeunaktæ pour punition furent rabaissés au rang d’ilotes et réduits en servitude ; les enfants nés ainsi, appelés Partheniæ[89], furent aussi privés de tous les droits de citoyen, et tenus en déshonneur. Mais ceux qui étaient punis étaient assez nombreux pour se rendre formidables, et ils ourdirent entre eux un complot qui devait éclater à la grande fête religieuse des Hyakinthia, dans le temple d’Apollon Amyklæen. Phalanthos était le chef secret des conspirateurs, qui convinrent d’attaquer les autorités au moment où il mettrait son casque. Le chef, cependant, qui n’avait jamais eu la pensée que le projet fût exécuté, le trahit à l’avance, stipulant la vie de tous ceux qui y étaient impliqués. Au commencement de la fête, lorsque la multitude était déjà assemblée, on ordonna à un héraut de proclamer à haute voix que ce jour-là Phalanthos ne mettrait pas son casque — proclamation qui révéla aussitôt aux conspirateurs qu’ils étaient trahis. Quelques-uns d’entre eux cherchèrent leur salut dans la fuite, d’autres prirent la posture de suppliants ; mais ils furent seulement retenus en prison, avec l’assurance de la vie sauve, tandis que Phalanthos était envoyé à l’oracle de Delphes pour le consulter au sujet d’une émigration. Il demanda, dit-on, s’il pouvait être autorisé à s’approprier la fertile plaine de Sikyôn ; mais la Pythie l’en dissuada expressément, et lui enjoignit de conduire ses émigrants à Satyrium et à Tarente, où il serait un malheur pour les Iapygiens. Phalanthos obéit, et conduisit les conspirateurs découverts comme émigrants au golfe de Tarente[90], où il arriva peu d’années après la fondation de Sybaris et de Krotôn par les Achæens. Selon Éphore, il trouva ces premiers émigrants en guerre avec les indigènes, les secourut dans la lutte, et reçut en retour leur aide pour effectuer son propre établissement. Mais ceci ne peut guère avoir été compatible avec le récit d’Antiochus, qui représentait les Achæens de Sybaris comme conservant même dans leurs colonies la haine contre le nom dôrien qu’ils avaient contractée dans le Péloponnèse[91]. Antiochus disait que Phalanthos et ses colons avaient été reçus d’une manière amicale par les habitants indigènes et autorisés à établir tranquillement leur nouvelle ville. Si le fait fut réellement ainsi, il prouve que les
habitants indigènes du sol doivent avoir eu des habitudes purement d’intérieur,
ne se servant de la mer ni pour le commerce ni pour la pêche : autrement, ils
auraient difficilement abandonné une situation telle que celle de Tarente, —
qui, tout en étant favorable et productive même eu égard à la terre
adjacente, était, par rapport aux avantages maritimes, incomparable clans l’Italie
grecque[92].
C’était le seul endroit du golfe qui possédait un port parfaitement sûr et
convenable. Un spacieux bras de mer y est formé, abrité par un isthme et une
péninsule avancée de manière à ne laisser qu’une contrée étroite. Ce bras de
mer, connu encore comme il mare Piccolo bien que ses bords et la langue
de terre adjacente paraissent avoir subi beaucoup de changements, fournit
clans le temps actuel une quantité constante, inépuisable et variée. de
poissons, spécialement de coquillages, qui donne et de la nourriture et de l’occupation
à une proportion considérable des habitants de Ses voisins immédiats étaient les Iapygiens, qui, avec diverses
subdivisions de nom et de dialecte, semblent avoir occupé la plus grande
partie au sud-est de l’Italie, comprenant : la péninsule nommée d’après eut (parfois cependant aussi
appelée On nous dit que, pendant la vie de Phalanthos, les colons Tarentins gagnèrent sur les Messapiens et les Peukétiens des victoires qu’ils célébrèrent dans la suite par des offrandes votives à Delphes, — et qu’ils firent même des acquisitions aux dépens des habitants de Brundusium[98], — assertion difficile à croire, si nous songeons à la distance de cette dernière ville, et à cette circonstance, qu’Hérodote même à son époque ne la désigne que comme un port. On dit que Phalanthos aussi, forcé de s’exiler, trouva un accueil hospitalier à Brundusium et y mourut. Toutefois nous n’avons pas de détails sur l’histoire de Tarente pendant les deux cent trente premières années de son existence. Nous avons lieu de croire qu’elle participa à la prospérité générale des Grecs italiens pendant ces deux siècles, bien que restant inférieure et à Sybaris et à Krotôn. Vers l’an 510 avant J.-C., ces deux dernières républiques se firent la guerre et Sybaris fut presque détruite ; tandis que, dans le demi-siècle suivant, les Krotoniates essuyèrent la terrible défaite de Sagra de la part des Lokriens, et les Tarentins éprouvèrent une défaite également ruineuse de la part des Messapiens Iapygiens. Toutefois les Tarentins paraissent s’être relevés de ces revers plus complètement que les Krotoniates ; car ceux-là sont au premier rang parmi les Italiotes ou Grecs Italiens, et résistent mieux aux progrès des Lucaniens et des Bruttiens de l’intérieur. Telles étaient les principales cités des Grecs italiens depuis
Tarente sur Mais cette dépendance, bien qu’accomplie dans le principe
par la force, ne fut cependant pas maintenue exclusivement par le même moyen.
Ce fut dans une grande mesure le résultat d’une marche organisée d’existence,
et d’une culture plus productive mise à leur portée, — de nouveaux besoins à
la fois créés et satisfaits, — de temples, de fêtes, de navires, de murs, de
chariots, etc., qui imposaient à l’imagination des laboureurs et des bergers
grossiers. Contre la force seule les indigènes auraient pu trouver un abri
dans les forêts et les ravins inexpugnables des Apennins de la Calabre, et
dans cette vaste région montagneuse de la Sila, située immédiatement derrière
les plaines de Sybaris, où même l’armée française avec son excellente
organisation, en 1807, trouva tant de difficultés à atteindre les villageois
bandits[99].
Ce ne fut pas par les armes seules, mais par les armes et les arts combinés,
— influence mêlée, semblable à celle qui mit Rome impériale en état de
réduire la fierté des Germains et des Bretons farouches, — que les Sybarites
et les Krotoniates acquirent et conservèrent leur ascendant sur les indigènes
de l’intérieur. Le berger des bords du Sybaris ou du Krathis non seulement
trouvait une nouvelle valeur échangeable pour son bétail et d’autres
produits, se familiarisant avec une meilleure manière de vivre et de se
vêtir, et avec une culture améliorée de l’olivier et de la vigne, — mais il pouvait
encore déployer sa vaillance, s’il était fort et brave, dans les jeux publics
à la fête de Hêrê Lakinienne, ou même aux jeux Olympiques dans le Péloponnèse[100]. C’est ainsi
que nous devons expliquer la domination étendue, la grande population, les
richesses, et le luxe des Sybarites et des Krotoniates, population dont le
chiffre tel qu’il est donné incidemment par les auteurs ne mérite pas
croyance, mais qui, comme nous pouvons bien le croire, a été considérable.
Les Œnotriens indigènes, bien qu’incapables de se coaliser pour résister à la
force grecque, étaient en même temps moins largement séparés des Grecs, sous
le rapport de la race et du langage, que les Osques de Vers l’an 650 avant J.-C., époque de l’avènement de Pisistrate à Athènes, fin de ce que l’on peut appeler proprement la première période de l’histoire grecque, Sybaris et Krotôn étaient au maximum de leur pouvoir, que chacune d’elles conserva un demi-siècle après, jusqu’à la fatale dissension qui éclata entre elles. On nous dit que les Sybarites, dans cette lutte finale, marchèrent contre Krotôn avec une armée de trois cent mille hommes. Quelque fabuleux sans doute que soit ce nombre, nous ne pouvons douter que, pour une irruption de cette sorte dans un territoire adjacent, le corps considérable de leurs sujets indigènes à demi hellénisés n’ait été réuni en une armée prodigieuse. Le peu de renseignements qui nous sont parvenus relativement à eut ne parlent guère, par malheur, que de leur luxe, de leur fantasque indulgence pour eux-mêmes, et de leur indolence extravagante, qualités qui ont rendu leur nom proverbial dans les temps modernes aussi bien que clans les temps anciens. Il circulait des anecdotes expliquant ces qualités, et servant à plus d’une fin dans l’antiquité. Le philosophe les racontait pour décréditer et dénoncer le caractère qu’il donnait comme exemple ; tandis que, dans les joyeuses compagnies, les contés sybaritiques, n ou colites relatifs aux faits et dires d’anciens Sybarites, formaient une classe séparée et spéciale d’excellentes histoires bonnes à raconter simplement pour l’amusement[102], — en vue de quoi des romanciers ingénieux les multiplièrent indéfiniment. Il est probable que les philosophes pythagoriciens — qui appartenaient dans l’origine à Krotôn, mais qui se maintinrent d’une manière permanente comme secte philosophique en Italie et en Sicile, avec une forte teinte de mysticisme et d’ascétisme fastueux — en exhortant à la tempérance et en dénonçant des habitudes de luxe, pouvaient choisir de préférence des exemples de Sybaris, l’ancienne ennemie des Krotoniates, pour donner une pointe à leur morale, et que la réputation exagérée de la cité commença ainsi à devenir le sujet d’entretien commun d’une extrémité à l’autre du monde grec. Car on ne pouvait réellement connaître que peu de choses avec détail au sujet de Sybaris, puisque son humiliation date du premier commencement de l’histoire contemporaine grecque. Hécatée de Milêtos l’a peut-être visitée au moment où elle était dans toute sa splendeur ; mais Hérodote lui-même ne la connut que par des récits anciens ; et les principales anecdotes qui la concernent sont empruntées d’auteurs beaucoup plus récents que lui, qui se conforment au tonde pensée si commun clans l’antiquité, en attribuant la ruine des Sybarites à leur corruption et à leur luxe insolents[103]. Toutefois, en faisant la part de l’exagération dans tous
ces récits, il n’y a pas lieu de douter que Sybaris, en 560 avant J.-C., ne
fût une des cités les plus riches, les plus populeuses et les plus puissantes
du nom hellénique, et qu’elle ne présentât aussi à la fois une abondance
confortable dans la masse des citoyens, provenant de la grande facilité à se
procurer de nouveaux lots de terre fertile, et des plaisirs excessifs auxquels
se livraient les riches, — à un degré faisant contraste avec la Hellas
propre, qui, ainsi que le disait Hérodote, avait la Pauvreté pour sœur de
lait[104].
Nous avons déjà parlé de la fertilité extraordinaire du territoire voisin, —
qui, comme l’alléguait Varron de son temps, où la culture doit avoir été fort
inférieure à ce qu’elle avait été sous l’ancienne Sybaris, produisait une récolte
ordinaire au centuple[105], et que vantent
des voyageurs modernes même dans sa culture actuelle encore plus négligée. Le
Krathis, — la rivière encore la plus considérable de cette région, — à une
époque où il y avait une population industrieuse pour régler la marche de ses
eaux, mettait les champs étendus de Sybaris en état de fournir une nourriture
abondante à une population peut-être plus considérable que celle que toute
autre cité grecque pouvait mettre en parallèle. Mais bien que la nature fût
ainsi libérale, le travail, une bonne administration et un gouvernement bien
ordonnés étaient nécessaires pour tirer parti de cette libéralité : là où ces
conditions ne sont pas remplies, l’expérience plus récente à l’égard du même
territoire prouve que ces qualités inépuisables peuvent exister en vain. Ce
luxe, que des moralistes grecs dénonçaient dans les principaux Sybarites
entre 560 et 510 avant J.-C., était le résultat d’acquisitions poussées avec
vigueur et activité, et conservées par une force centrale régulière, pendant
un siècle et demi que la colonie avait existé. Bien que les colons trœzéniens
qui formaient une portion des émigrants primitifs eussent été chassés quand
les Achæens devinrent plus nombreux, cependant on nous dit qu’en général
Sybaris admettait libéralement de nouveaux immigrants au droit de cité[106], et que ce fut
lit une des causes de son remarquable progrès. Parmi ces nouveaux venus nous
pouvons supposer qu’un grand nombre arrivait pour former des colonies sur Sous ce rapport, aussi bien que sous plusieurs autres, le monde hellénique présente, en 560 avant J.-C., un aspect bien différent de celui qu’il prit un siècle plus tard, et sous lequel il est le mieux connu des lecteurs modernes. Dans la première période, les Grecs ioniens et italiques sont les grands ornements du nom hellénique, faisant un commerce mutuel plus lucratif que les uns ou les autres d’entre eux n’en entretenaient avec la Grèce propre : ils reconnaissaient tous deux cette dernière comme leur mère patrie, tout en n’admettant rien qui ressemblât à un empire établi. La puissance militaire de Sparte est en effet, à cette époque, grande et prépondérante dans le Péloponnèse ; mais elle n’a pas de marine, elle ne fait précisément qu’essayer sa force, non sans résistance, dans des interventions d’outre-mer. Après un siècle écoulé, ces circonstances changent considérablement. L’indépendance des Grecs asiatiques est détruite, et le pouvoir des Grecs italiques a grandement décliné ; tandis que Sparte et Athènes non seulement deviennent les États helléniques saillants et dominants, mais encore se constituent centres d’action, pour les cités moindres, à un degré inconnu jusque-là. Ce fut pendant qu’ils étaient au maximum de leur
prospérité, vraisemblablement au sixième siècle avant J.-C., que les Grecs
italiques ou acquirent pour leur territoire, ou lui donnèrent l’appellation
de Magna Græcia (Grande
Grèce), qu’il méritait bien à cette époque ; car non seulement Sybaris
et Krotôn étaient alors les plus grandes cités grecques situées prés l’une de
l’autre, mais on peut considérer toute la péninsule de la Calabre comme
attachée aux cités grecques placées sur Quant à Krotôn, à cette période reculée de sa puissance et de sa prospérité, nous en savons même moins qu’au sujet de Sybaris. Elle était distinguée tant par le nombre de ses concitoyens qui recevaient des prix aux jeux Olympiques que pour la supériorité de ses chirurgiens ou médecins. Et ce qui peut paraître plus surprenant, si nous considérons l’extrême insalubrité actuelle du lieu sur lequel elle s’élevait, c’est que dans l’antiquité il jouissait d’une salubrité proverbiale[112], ce qui n’était pas autant le cas pour Sybaris plus fertile. Relativement à toutes ces cités des Grecs italiques, on peut appliquer la même remarque qui a été faite auparavant par rapport aux Grecs de Sicile, — à savoir, que le mélange de la population indigène affecta sensiblement et leur caractère et leurs habitudes. Nous n’avons pas de renseignements sur leur gouvernement pendant cette antique période de prospérité, si ce n’est que nous trouvons mentionné à Krotôn (comme à Lokres Epizéphyrienne) un sénat de mille membres, n’excluant pas cependant à l’occasion l’ekklêsia, ou assemblée, générale[113]. Probablement l’accroissement constant de leur domination à l’intérieur et la facilité de fournir de la nourriture à une population nouvelle contribuèrent beaucoup à faire fonctionner d’une manière satisfaisante leur système politique, quel qu’il ait pu être. Nous raconterons dans un chapitre suivant la tentative faite par Pythagoras et par ses disciples pour se constituer en faction dominante aussi bien qu’en secte philosophique. Les actes se rattachant à cette tentative prouveront qu’il y avait une analogie et une sympathie considérables entre les diverses cités de la Grèce italienne, de manière à les rendre sujettes à l’action des mêmes causes. Mais bien que les fêtes de Hêrê Lakinienne, administrées par les Krotoniates, formassent depuis une époque reculée un peint commun de réunion religieuse pour tous[114], — cependant les tentatives faites pour instituer des assemblées périodiques de députés, dans le dessein exprès d’entretenir une harmonie politique, ne commencèrent qu’après la destruction de Sybaris, et elles ne réussirent jamais non plus que partiellement. Il nous reste encore à mentionner une autre cité, la
colonie la plus éloignée fondée par des Grecs dans les régions occidentales ;
et nous ne pouvons faire plus que de la mentionner, puisque nous n’avons pas
de faits pour établir son histoire. Massalia, Nous savons peu de chose de l’histoire de Marseille, et il ne parait pas qu’elle ait été rattachée au mouvement général du monde grec. Voici ce que nous apprenons en général au sujet des Massaliotes. Ils administraient leurs affaires avec prudence aussi bien qu’avec unanimité, et montraient dans leurs habitudes privées une modestie exemplaire ; bien qu’ils entretinssent leur alliance avec les peuples de l’intérieur, ils veillaient scrupuleusement à mettre leur cité en garde contre une surprise, ne permettant pas à des étrangers armés d’entrer ; ils introduisirent la culture des vignes et des oliviers, et étendirent graduellement l’alphabet, le langage et la civilisation des Grecs parmi les Gaulois du voisinage ; non seulement ils possédèrent et fortifièrent maintes positions le long de la côte du golfe de Lyon, mais encore ils fondèrent cinq colonies le long de la côte orientale de l’Espagne ; leur gouvernement était oligarchique, il consistait en un sénat perpétuel de six cents personnes, admettant cependant par occasion de nouveaux membres du dehors, et un conseil restreint de quinze membres ; Apollon de Delphes et Artemis d’Ephesos étaient leurs principales divinités, établies comme protectrices de leurs postes avancés, et transmises à leurs colonies[117]. Bien qu’il soit ordinaire de représenter une marche réfléchie et une suprématie constante du petit nombre qui gouverne, avec une obéissance résignée de la part de la foule, comme étant le trait caractéristique des Etats dôriens, et l’instabilité non moins que le trouble comme étant la tendance dominante dans les États ioniens, — cependant il n’y a pas de communauté grecque à laquelle les premiers attributs soient plus formellement assignés qu’à l’ionique Massalia. Le commerce des Massaliotes semble avoir été étendu, et leur marine de guerre assez puissante pour la défendre contre les agressions de Carthage, leur principale ennemie dans la Méditerranée occidentale. |
[1] Thucydide, VI, 2 ; Philisti Fragm. 3, éd. Goeller, ap. Diodore, V. 6. Timée adoptait l’opinion opposée (Diodore, l. c.), et Éphore aussi, si nous pouvons en juger par un passage peu distinct de Strabon (VI, p. 270). Denys d’Halicarnasse suit Thucydide (A. R., I, 22).
L’opinion de Philiste est d’une grande importance sur ce point, puisqu’il connaissait, on pouvait avoir connu personnellement des mercenaires ibériens au service de Dionysios (Denys) l’Ancien.
[2] Pherecyd. Fragm. 85, éd. Didot ; Hellanic. Fr. 53, éd. Didot ; Denys Hal., A. R., I, 11, 13, 22 ; Skymnus de Chios, v. 362 ; Pausanias, VIII, 3, 5.
[3] Stephan. Byz., v. Χϊοι.
[4] Aristote, Politique, VII, 9, 3.
Antiochus, Fr. 3,4, 6, 7, éd. Didot ; Strabon, VI, p. 254 ; Hesychius, v. Χώνην ; Denys Hal., A. R., I, 12.
[5] Tite-Live, VIII, 24.
[6] Au sujet du premier séjour des Sikels ou Siculi dans le Latium et la Campania, v. Denys Hal., A. R., I, 1-21 ; il est curieux que les Siculi et les Sicani, qu’ils soient les mîmes ou qu’ils diffèrent, cette première population antéhellénique de la Sicile, soient aussi comptés comme étant la population antéromaine de Rome : V. Virgile, Énéide, VIII, 328, et Servius ad Énéide, XI, 317.
L’ancienne émigration prétendue d’Évandre d’Arkadia
dans le Latium fait un pendant à l’émigration d’Œnotros d’Arkadia dans l’Italie
méridionale, telle que
[7] Hérodote (I, 24-167) comprend Elea (ou Velia) dans l’Œnotria, — et Tarente dans l’Italie ; tandis qu’Antiochus considère Tarente connue étant en Iapygya, et la frontière méridionale du territoire tarentin comme la frontière septentrionale de l’Italie : Denys d’Halicarnasse (A. R., II, 1) semble copier Antiochus quand il prolonge les Œnotriens le long de toute l’extrémité sud-ouest de l’Italie, en deçà de la ligne tirée de Tarente à Poseidônia ou Pæstum. De là la dénomination de Οίνωτρίδες νήσο : donnée aux deux îles situées vis-à-vis d’Elea (Strabon, VI, p. 253). Skymnus de Chios (v. 247) reconnaît les mêmes limites.
Douze cités œnotriennes sont citées de nom (dans Étienne de Byzance) d’après l’Εύρώπη d’Hécatée (Fragm. 30-39, éd. Didot) : Skylax, dans son Périple, ne nomme pas d’Œnotriens ; il énumère des Campaniens, des Samnites et des Lucaniens (cap. 9-13). L’intime connexion qui rattachait Milêtos à Sybaris permettait à Hécatée de s’éclairer au sujet de la contrée œnotrienne intérieure.
L’Œnotria et l’Italia réunies (dans la conception d’Antiochos et d’Hérodote) comprenaient tout ce qui fut connu un siècle après, comme Lucania et Bruttium : V. Mannert, Geographie der Griech. und Roemer, part. IX, L 9, c. 1, p. 86. Tite-Live, parlant à propos de 317 avant J.-C., où la nation lucanienne, aussi bien que les Brutiens, était en pleine vigueur, représente seulement la côte maritime de la mer inférieure comme grecque — cum omni orâ Græcorum inferi maris a Thuriis Neapolim et Cumas (IX, 19). Verrius Flaccus considérait les Sikels comme Græci (Festus, v. Major Gracia, avec une note de Müller).
[8]
Sophocle, Triptolem., Fr. 527, éd. Dindorf. Il place le lac
Avernus, qui était tout près de
[9] Aristote, Politique, VII, 9, 3. Festus : Ansoniam appellavit Auson, Ulyssis et Calypsûs filius, eam primam partem Italiæ in quâ sunt urbes Beneventum et Cales ; deinde paulatim tota quoque Italia quæ Apennino finitur, dicta est Ausonia, etc. L’Ausonia primitive coïnciderait ainsi presque avec le territoire appelé Samnium, après la conquête de ce pays par les émigrants sabins : v. Tite-Live, VIII, 16 ; Strabon, V, p. 250 : Virgile, Énéide, VII, 727, avec Servius. Skymnus de Chios (c. 227) a puisé à la même source que Festus. Au sujet de l’extension d’Ausoniens le long de diverses parties de la côte d’Italie plus méridionale, même jusqu’à Rhegium aussi bien que jusqu’aux îles Lipari, V. Diodore ; V, 7, 8 ; Caton, Orig. Fr., lib. III, ap. Probum, ad Virgile, Bucoliques V, 2. La prêtresse pythienne, en dirigeant vers Rhegium les émigrants de Chalkis, leur dit : Ένθα πόλιν οϊκιζε, διδοϊ δέ σοι Αύσονα χώραν (Diodore, Fragm. XIII, p. 11, ap. Script. Vatic., éd. Maii). Temesa est ausonienne dans Strabon, VI, p. 255.
[10] Thucydide, VI, 3 ; Aristote, ap. Denys Hal., A. R., I, 72.
Même du temps de Caton l’Ancien, les Grecs comprenaient les Romains sous la désignation générale, et chez eux méprisante, d’Opici (Caton, ap. Pline, H. N., XII, 1 : V. Antiochus, ap. Strabon, V, p. 242).
[11] Thucydide, VI, 2. (V. un fragment du géographe Menippos de Pergamos, dans les Geogr. Minor, d’Hudson, I, p, 76). Antiochus disait que les Sikels furent chassés d’Italie en Sicile par les Opiques et les Œnotriens ; mais les Sikels eux-mêmes, selon lui, étaient aussi Œnotriens (Denys Hal., I, 12-22). Il est remarquable qu’Antiochus (qui écrivait à une époque où le nom de Rome n’avait pas encore commencé à exercer sur les esprits dés hommes cette fascination que la puissance romaine produisit plus tard), en exposant l’ancienneté mythique des Sikels et des Œnotriens, représente l’éponyme Sikelos comme un exilé de Rome, qui tint dans le sud de l’Italie vers le roi Morgês, successeur d’Italos. (Antiochus, ap. Denys Hal., I, 73 ; cf. c. 12).
Philiste considérait Sikelos comme fils l’Italos ; lui et Hellanicus croyaient à d’anciennes émigrations d’Italie en Sicile, mais ils décrivaient les émigrants d’une manière différente (Philiste, Fragm. 2, éd. Didot).
[12] V. les savantes observations sur les anciennes langues de l’Italie et de la Sicile, que Müller a mises en tête de son ouvrage sur les Étrusques (Einleitung, I, 12). Je transcris le sommaire suivant de ses idées relatives aux premiers dialectes et aux premières races de l’Italie : Les notions que nous obtenons ainsi relativement aux anciens langages de l’Italie sont ainsi qu’il suit : le sikel, langue sœur du grec ou pélasgique, auquel il est étroitement allié ; le latin, composé du sikel et du dialecte plus rude des hommes appelés Aborigines ; l’osque, parent du latin dans les deux éléments ; le langage parlé par les émigrants sabins dans leurs divers territoires conquis, l’osque ; le sabin propre, langage distinct et particulier, cependant rattaché étroitement à l’élément non grec qui se trouve dans le latin et l’osque, aussi bien qu’au langage des Ausoniens et des Aborigines les plus anciens.
[N. B. Cette dernière affirmation relative nu langage sabin primitif est établie très imparfaitement ; il semble également probable que les Sabelliens peuvent n’avoir pas plus différé des Osques que les Dôriens des Ioniens ; V. Niebnhr, Roem. Gesch., t. I, p. 69.]
Cette comparaison de langages nous présente une certaine idée,
que j’exposerai ici brièvement, de la plus ancienne histoire des races
italiennes. A une époque antérieure à toute annale, un seul peuple, parent des
Grecs, s’étendant depuis le sud de la Toscane jusqu’au détroit de Messine, n’occupe
dans la partie supérieure de son territoire que la vallée du Tibre ; — plus bas
il occupe les districts montagneux également, et an sud, il s’étend en travers
d’une mer à l’autre ; il s’appelle Sikels, Œnotriens ou Peucétiens. D’autres
tribus de montagnes, puissantes bien que ne s’étendant pas au loin, vivent dans
l’Abruzze septentrionale et dans son voisinage : à l’est les Sabins, au sud d’eux
les Marses de même race, plus à l’ouest les Aborigines, et parmi eux
probablement les anciens Ausoniens ou Osques. Environ mille ans avant l’ère
chrétienne, il commence à se faire parmi ces tribus (d’où sont parties presque
toutes les émigrations des peuples dans l’ancienne Italie) un mouvement par
lequel les Aborigines plus au nord, les Sikels plus au sud, sont précipités sur
les Sikels des plaines au-dessous. Bien des milliers d’hommes de la grande
nation des Sikels se retirèrent vers leurs frères les Œnotriens, et par degrés
allèrent en franchissant le détroit jusqu’à l’île de Sicile. D’autres parmi eux
restent stationnaires dans leurs résidences, et forment, en s’unissant Avec les
Aborigines, la nation latine, — en s’unissant avec les Ausoniens, la nation
osque : cette dernière s’étend sur ce qui fut appelé dans
Cf. Niebuhr, Roemisch. Gesch., vol. I, p. 80, 2e éd., et le premier chapitre de Varronianus de M. Donaldson.
[13] Thucydide, VI, 2 ; Philiste, Fragm. 2, éd. Didot.
[14]
Strabon, V, p. 243 ; Velleius Paterculus, I, 5 ; Eusèbe, p.
Les mythes de Cumæ s’étendaient jusqu’à une époque précédant la colonie de Chalkis. V. les histoires d’Aristæus et de Dædalus ap. Sallust., Fragm. Incert., p. 204, éd. Delphin. ; et Servius ad Virgile, Énéide, VI, 17. On supposait que les fabuleux Thespiadæ, ou premiers colons grecs en Sardaigne, avaient dans des temps reculés quitté cette Ile pour se retirer à Cumæ (Diodore, V, 15).
[15] Éphore, Fragm. 52, éd. Didot.
[16] Strabon, V, p. 243 ; Velleius Paterculus, I, 5.
[17] V. la situation de Cumæ telle qu’elle est décrite par Agathias (à l’occasion du siège de la ville par Narsês, en 552 ap. J.-C.), Histor., I, 8-10 ; également par Strabon, V, p. 244.
[18]
Diodore, IV, 21 ; V, 71 ; Polybe, III, 91 ; H.
N., III, 5 ; Tite-Live, VIII,
[19] Strabon, V, p. 213.
[20] Denys d’Halicarnasse, IV, 61, 62 ; VI, 21 ; Tite-Live, II, 34.
[21] V., relativement à la transmission d’idées et de fables de l’æolienne Kymê à Cumæ en Campania, le 1er chapitre du 2e volume de cette histoire.
Le père d’Hésiode était natif de l’æolienne Kymê : nous trouvons dans la Théogonie hésiodique (ad fin.) une mention de Latinus comme fils d’Odysseus et de Cire : Servius cite la même chose d’après l’Άσπιδοποτία d’Hésiode (Servius ad Virgile, Énéide, XII, 162 ; cf. Caton, Fragm., p. 33, éd. Lion). La grande famille des Mamilii à Tusculum tirait aussi son origine d’Odysseus et de Circê (Tite-Live, I, 49).
On montrait à Circeii du temps de Théophraste la tombe d’Elpênôr, le compagnon qu’Ulysse avait perdu (Hist. Plant., V, 8, 3) et Skylax (c. 10).
Hésiode mentionne le promontoire de Pelôros, le détroit de Messine, et l’îlot d’Ortygia à Syracuse (Diodore, IV, 85 ; Strabon, I, p. 23).
[22] Tite-Live, II, 9.
[23] Niebuhr, Roemisch. Geschich., vol. I, p. 16, 2e éd.
[24] L’histoire d’Aristodêmos Malakos est donnée avec quelque longueur par Denys d’Halicarnasse (VIII, 3-10).
[25] Tite-Live, II, 21.
[26] Velleius Paterculus, I, 5.
[27] Cf. Strabon ; V, p. 264. Cumanos Osea mutavit vicinia, dit Velleius, l. c.
[28] Diodore, XI, 51 ; Pindare, Pyth., I, 71.
[29] Thucydide, VI, 3 ; Strabon, VI, p. 267.
[30] Le mélange de colons naxiens peut être admis, aussi bien sur la présomption fournie par le nom, que d’après l’assertion d’Hellanicus, ap. Stephan. Byz., v. Χάλκις.
Éphore réunit en une l’émigration chalkidienne et l’émigration mégarienne que Thucydide représente comme distinctes (Éphore ap. Strabon, VI, p.267).
[31] Thucydide, VI, 3 ; Diodore, XIV, 59-88.
[32] Mannert place la limite des Sikels et des Sikanes à ces montagnes : Otto Siefert (Alzragas und sei Geniet, Hamburg, 1845, p, 53) la place aux Gemelli Colles, un peu plus à l’ouest, — resserrant ainsi le domaine des Sikanes : cf. Diodore, IV, 82-83.
[33] Thucydide, VI, 2.
[34] M. Fynes Clinton discute l’ère de Syracuse, Fasti Hellenici, ad 734 avant J.-C., et le même ouvrage, vol. II, App. XI, 264.
[35] V. le colonel Leake, Notes on the Topography of Syracuse, p. 41.
[36] Athenæ, IV, 167 ; Strabon, IX, p. 380.
[37] Diodore, Fragm. Lit. VIII, p. 24 ; Plutarque, Narrat. Amator., p. 772 ; Schol. Apollon. Rhod. IV, 1212.
[38] Polyen (V, 5, 1) décrit le stratagème de Theoklês à cette occasion.
[39] Polyen détaille un stratagème perfide au moyen duquel avait été accomplie, dit-on, cette expulsion (V, 5, 2).
[40] Thucydide, VI, 3.
[41] Thucydide, VI, 4 ; Diodore, Excerpt. Vatican., éd. Maii, Fragm. XIII, p. 13 ; Pausanias, VIII, 46, 2.
[42] Thucydide, VI, 4.
[43] Strabon, VI, p. 272.
[44] Stephan. Byz., Σικανία, ή περίχωρος Άκραγαντινών. Hérodote, VII, 170 ; Diodore, IV, 78.
Vessa, le plus considérable des municipes ou villages sikaniens, avec son prince Teutos, fut, dit-on, conquis par Phalaris, despote d’Agrigente, grâce à un mélange de ruse et de force (Polyen, V, 1, 4).
[45] Il reste encore de nombreuses traces de ces cavernes des Sikels ou des Sikanes : V. Otto Siefert, Akragas und sein Gebiet, p. 39, 45, 49, 55, et l’ouvrage du capitaine N. H. Smyth, Sicily and its Islands, London, 1824, p. 190.
Ces cryptes (fait observer le dernier) paraissent avoir été le plus ancien effort lait par un peuple primitif et pastoral pour former une ville, et soit en général salis régularité quant à la forme et à la grandeur : dans les temps postérieurs, peut-être servaient-elles de retraite au moment du danger, et de lieu de sûreté, en cas d’alarme extraordinaire, pour les femmes, les enfants et les objets précieux. Sous ce point de vue, je fus particulièrement frappé de la ressemblance que présentaient ces habitations grossières avec les cavernes que j’avais vues à Owhyheo, pour des usages semblables. Les villages troglodytes de l’Afrique septentrionale, dont j’ai vu plusieurs, sont aussi exactement les mêmes.
Les cavernes des rochers en Sicile sont remarquables.
Les murailles méridionales d’Agrigente sont formées d’une ligne continue de
rochers qui supportaient
Au sujet des anciennes résidences dans des cavernes en Sardaigne et dans les Iles Baléares, consulter Diodore, V, 15-17.
[46] Thucydide, VI, 45.
[47] Relativement au système des poids et des monnaies, qui prévalait chez les Grecs italiens et siciliens, V. Aristote, Fragm. Περί Πολιτειών, éd. Neumann, p. 102 ; Pollux, IV, 174, I%, 80-87 ; et surtout Bœckh, Métrologie, c. 18, p. 292, et l’analyse et l’examen de cet ouvrage dans le Classical Museum, n° 1 ; aussi O. Müller, Die Etrusker, vol. I, p. 309.
Les Grecs siciliens comptaient par talents, consistant chacun en 120 litræ ou libræ : l’obole æginæenne était l’équivalent de la litra, ayant été la valeur en arpent d’un poids de cuivre, à l’époque où se fit l’évaluation. Les dénominations communes de monnaie et de poids (à l’exception du talent, dont le sens fut changé tandis que le mot fut conservé) semblent avoir été empruntées toutes par les Grecs italiens et siciliens de l’échelle des Sikels et des Italiens, non de celle des Grecs (V. Fragments d’Épicharme et de Sophron, ap. Ahrens, De Dialecto Doricâ, Appendix, p. 435, 471, 472, et Athenæ XI, p. 479).
[48] Thucydide, VI, 88.
[49] Thucydide, VI, 62-87 ; VII, 13.
[50] Cicéron, in Verrem, Act. II, lib. IV, c. 26-51 ; Diodore, V, 6.
Comparez la manière dont Cicéron parle d’Agyrium, de Centuripi et d’Enna avec la description de ces endroits en tant qu’habités par des Sikels autonomes, 396 avant J.-C., dans les guerres de Denys l’Ancien (Diodore, XIV, 55, 58, 78). Sikanes et Sikels étaient à cette époque complètement distingués des Grecs, dans le centre de l’île.
O. Müller dit que Syracuse, 70 ans après sa fondation, colonisa Akræ, et aussi Enna, située dans le centre de l’île (Hist. of Dorians, I, 6, 7). Enna est mentionnée par Etienne de Byzance comme une fondation syracusaine, mais sans indication de la date de sa fondation, qui doit avoir été effectuée bien plus tard que Müller ne l’affirme ici. Serra di Falco (Antichititâ di Sicilia, Introd., t. I, p. 9) donne Enna comme ayant été fondée postérieurement à Akræ, mais avant Kasmenæ ; date pour laquelle je ne trouve aucune autorité. Talaria (V. Stoph. Byz., ad voc.) est aussi mentionnée comme une autre cité syracusaine, dont la fondation nous est inconnue quant à sa date et à ses détails.
[51] Ahrens, De Dialecto Doricâ, sect. I, p. 3.
[52] Platon, Epist. VII, p. 326 ; Plaute, Rudens, Act. I, sc. 1, 56 ; Act. II, sc. VI, 58.
[53] Timokreon, Fragm. 5, ap. Ahrens, De Dialecto Doricâ, p. 478.
Bernhardy, Grundriss der Geschichte der Griech. Litteratur, vol. II, c. 120, sect. 2-5 ; Grysar, De Doriensium Comœdia. Cologne, 1828, c. 1, p. 41, 55, 57, 210 ; Bœckh, De Græc Tragœd. Princip., p. 52 ; Aristote, ap. Athenæ, XI, 505. Le κότταβος semble avoir été une mode indigène des Sikels, empruntée par les Grecs (Athénée, XV, p.666-668).
Le βουκολισσμός sicilien était une mode usitée parmi les bergers siciliens avant Epicharme, qui en signalait l’inventeur supposé, Diomus, le βούκολος Σικελιώτης (Athenæ,XIV, p. 619). Les mœurs et le langage rustique représentés dans la comédie sicilienne sont opposés aux moeurs et au langage de la ville dans la comédie attique, par Plaute, Persæ, Act. III, sc. I, 31 :
Librorum eccillum habeo plenum soracum.
Dabuntur dotis tibi inde sexcenti logi,
Atque Attici omnes, nullum siculum acceperis.
Comparez le commencement du prologue des Menæchmi de Plaute.
Le μΰθος comique commença à Syracuse avec Epicharme et Phormis (Aristote, Politique, V, 5).
[54] Zenobius, Proverb., V, 84.
[55] Diodore, XI, 90, 91 ; XII, 9.
[56] V. Dolomieu, Dissertation on the Earthquakes of Calabria Ultra in 1783, dans Pinkerton, Collection of Voyages and Travels, vol. V, p. 280.
Il est impossible (fait-il observer) de se faire une idée complète de la fertilité de la Calabre ultérieure, particulièrement de cette partie appelée la Plaine (au S.-O. des Apennins au-dessous du golfe de Sainte-Euphemia). Les champs, qui portent des oliviers de plus grande taille que partout ailleurs, produisent encore du grain. Des vignes chargent de leurs branches les arbres sur lesquels elles croissent, sans cependant diminuer leur récolte. Tout y vient, et la nature semble prévenir les désirs du laboureur. Il n’y a jamais assez de mains pour recueillir toutes les olives, qui finissent par tomber et pourrir au pied des arbres qui les portaient, dans les mois de février et de mars. Des étrangers, principalement des Siciliens, y viennent en foule pour les récolter, et en partager le produit avec le cultivateur. L’huile est leur principal article d’exportation ; partout leurs vins sont bons et précieux. Cf. p. 278-282.
[57]
M. Keppel Craven fait observer (Tour
through the Southern provinces of Naples, c. 13, p. 251) : On peut dire que le
tremblement de terre de
[58] Aristote, Politique, VII, 9, 3.
[59] Strabon, VI, p. 263. Kramer dans sa nouvelle édition de Strabon, à l’exemple de Koray, doute de l’exactitude du nom Ίσελικεύς, qui, certainement, s’éloigne de l’analogie habituelle des noms grecs. Cependant, en admettant qu’il soit incorrect, il n’y a pas moyen de le rectifier : Kramer imprime : οίκιστής δέ αύτής ό Ίσ.... Έλικεύς : faisant ainsi de Έλικεύς l’ethnicon de la ville achæenne Helikê.
Il y avait aussi des légendes rattachant la fondation de Krotôn à Hêraklês, qui, affirmait-on, avait reçu un abri hospitalier du héros éponyme Krotôn. Hêraklês était οίκεΐος à Krotôn : V. Ovide, Métamorphoses, XV, 1-60 ; Jamblique, Vita Pythagoras, c. 8, p. 30, c. 9, p. 37, éd. Kuster.
[60] Hérodote, I, 145.
[61] Aristote, Politique, V, 2, 10.
[62] Strabon, VI, p. 262 ; Tite-Live, XXIV, 3.
[63] Strabon, VI, p. 263 ; V, p. 251 ; Skymnus de Chios, v. 244 ; Hérodote, VI, 21.
[64] Stephan. Byz., v. Τέρινα-Λαμητΐνοι, Skymnus de Chios, 305.
[65] Thucydide, V, 5 ; Strabon, VI, p. 256 ; Skymnus de Chios, 307. Steph. Byz. appelle Mataurum πόλις Σικελίας.
[66] Hérodote, VIII, 47. Κροτωνιήται, γένος είσίν Άχαιοί : la date de la fondation est fournie par Denys d’Halicarnasse (A. R., II, 59).
Les ordres donnés à Myskellos par l’oracle se trouvent au long dans les Fragments de Diodore, publiés par Maii (Script. Vet. Fragm., 10, p. 8) ; cf. Zénob. Proverb. Centur., III, 42.
Bien que Myskellos soit présenté ainsi comme l’œkiste de Krotôn, cependant nous trouvons une monnaie krotoniate avec l’inscription Ήρακλής Οίκίστας (Eckhel, Doctrin. Numm. Vet., vol. I, p. 172) ; le culte d’Hêraklês à Krotôn sous ce titre est analogue à celui d’Απολλών Οίκίστης καί Δωματίτης à Ægina (Pythænêtus ap. Schol. Pindare, Nem., V, 81). Il y avait diverses légendes relatives à Hêraklês, à l’éponyme Krotôn et à Lakinios. Héraclide de Pont, Fragm. 30, éd. Koeller ; Diodore, IV, 24 ; Ovide, Métamorphoses, XV, 1-53.
[67] Strabon, VI, p. 259. Euantheia, Hyantheia ou Œantheia était une des villes des Lokriens Ozoles sur le côté septentrional du golfe de Krissa, d’où partirent peut-être les émigrants emportant avec eux le nom et le patronage de son œkiste éponyme (Plutarque, Quæst. Græc., c. 15 ; Skylax, p. 14).
[68] Polybe, XII, 5, 8, 9 ; Denys le Périégète, v. 365.
[69] Ce fait peut rattacher la fondation de la colonie de Lokres à Sparte ; mais l’assertion de Pausanias, qui dit (III, 3, 1) que les Spartiates, sous le règne du roi Polydoros, fondèrent et Lokres et Krotôn, semble appartenir à une conception historique différente.
[70] Polybe, XII, 5-12.
[71] Strabon, VI, p. 259. Nous trouvons que dans les récits qu’on fait de la fondation de Korkyra, de Krotôn et de Lokres, il est fait allusion aux colons syracusains, soit comme contemporains, en guise de compagnons, soit comme auxiliaires : peut-être les récits viennent-ils tous de l’historien syracusain Antiochus, qui exagérait l’intervention de ses propres ancêtres.
[72] Nil patrium, nisi nomen, habet romanus alumnus, fait observer Properce (IV, 37) relativement aux Romains : répété avec une amertume plus grande encore dans la lettre de Mithridatês à Arsacês dans Salluste (p. 191, éd. Delph.). La remarque est bien applicable à Lokres.
[73] Aristote, ap. Schol. Pindare, Olymp., X, 17.
[74] Proverb. Zenob. Centur., IV, 20. Ζαλεύκου νόμος, έπί τών άποτόμων.
[75] Strabon, VI, p. 259 ; Skymnus de Chios, V, 313 ; Cicéron, De Leg., II, 6, et Epist. ad Atticum, VI, 1.
Heyne, Opuscula, vol. II ; Epimetrum II, p. 60-68 ; Goeller ad Timæi Fragm., p. 220-259. Bentley (on the Epistles of Phalaris, c. 12, p. 274) semble défendre, sans raison suffisante, le doute de Timée au sujet de l’existence de Zaleukos. Mais le renseignement d’Ephore, qui avance que Zaleukos avait formé ses lois de coutumes krêtoises, laconiennes et aréopagitiques, si on le compare au renseignement simple et bien plus croyable d’Aristote cité plus haut, prouve combien les affirmations relatives an législateur lokrien étaient peu précises (ap. Strabon, VI, p. 260). D’autres renseignements le concernant aussi, auxquels Aristote fait allusion (Politique, II, 9, 3), étaient distinctement contraires à la chronologie.
Charondas, le législateur des villes chalkidiennes en Italie et en Sicile, autant que nous en pouvons juger au milieu de témoignages très confus, semble appartenir à une époque plus récente que Zaleukos ; je parlerai de lui ci-après.
[76] Démosthène, cont. Timokrat., p. 744 ; Polybe, XII, 10.
[77] Strabon, VI, p. 257 ; Pausanias, IV, 23, 2.
[78] Strabon, IV, p. 258.
[79] Strabon, VI, p. 263 ; Aristote, Mirab. Ausc., c. 106 ; Athénée, XII, p. 523.
C’est à ces prétendus compagnons rhodiens de Tlepolêmos devant Troie que se rapporte l’allusion faite dans Strabon à des occupants rhodiens près de Sybaris (XIV, p. 655).
[80] V. Mannert, Geographie, part IX, b. 9, ch. 11, p. 234.
[81] Archiloque, Fragm. 17, éd. Schneidewin.
[82] Hérodote, VI, 127 ; Strabon, VI, p. 263. Le nom Polieion semble devoir être lu Πλεΐον dans Aristote, Mirab. Auscult., 106.
Niebuhr assigne cet établissement kolophonien de Siris au règne de Gygès en Lydia ; je n’en connais d’autre preuve que le renseignement qui nous apprend que Gygès prit τών Κολοφωνίων τό άστυ (Hérodote I, 14) ; mais cela ; ne prouve pas que les habitants émigrassent alors, car Kolophôn fut dans la suite une cité très florissante et très prospère.
Justin (XX, 2) rapporte un cas de massacre sacrilège commis près de la statue d’Athênê à Siris, qui semble être totalement différent du récit relatif aux Kolophoniens.
[83] Hérodote, VIII, 62.
[84] Strabon, VI, p. 264.
[85] Strabon, VI, p. 264.
[86] Strabon, l. c. ; Justin, XX, 2 ; Velleius Paterculus, I, 1 ; Aristote, Mirab. Auscult., c. 108. Ce récit relatif à la présence et aux outils d’Epeios peut être dû aux colons phokiens de Krissa.
[87] Les mots de Strabon ήφανίσθη δ̕ ύπό Σαυνιτών (VI, p. 264) ne peuvent guère se rattacher au récit venant immédiatement après, récit qu’il donne d’après Antiochus, art sujet de la renaissance de la ville due à de nouveaux colons achæens, appelés par les Achæens de Sybaris. Car la dernière place fut réduite à l’impuissance en 510 avant J.-C. ; des appels de la part des Achæens de Sybaris doivent par conséquent être antérieurs à cette date. Si l’on doit admettre Daulios, despote de Krissa, comme l’œkiste de Metapontium, sa fondation doit être placée dans la première moitié du sixième siècle avant J.-C. ; mais il est très difficile d’admettre l’extension des conquêtes Samnites jusqu’au golfe de Tarente à une époque aussi reculée que celle-ci. J’explique donc les mots d’Antiochus comme se rapportant à l’établissement primitif de Metapontium parles Grecs, et non à la renaissance de la ville après sa destruction par les Samnites.
[88] Strabon, l. c., Stephan. Byz. (v. Μεταπόντιον) identifie Metapontium et Siris d’une manière embarrassante. Tite-Live (XXV, 15) reconnaît Metapontium comme ville achæenne ; cf. Heyne, Opuscula, vol. II, Prolus. XII, p. 207.
[89] Partheniæ, i. e., enfants de vierges : la description donnée par Varron, des virgines illyriennes, explique cette phrase : Quas virgines ibi appellant, nonnunquam annorum XV, quibus mos eorum non denegavit, ante nuptias ut succumberent quibus viellent, et incomitatis ut vagari liceret, et liberos habere. Varron, De Re Rustica, II, 10, 9.
[90] Pour cette histoire relative à la fondation de Tarente, V. Strabon, VI, p. 278-280 (qui donne les versions et d’Antiochus et d’Éphore) ; Justin, III, 4 ; Diodore, XV, 66 ; Excerpta Vatican., lib. VII-X, éd. Maii, Fr. 12 ; Servius ad Virgile, Énéide, III, 55I.
Il y a plusieurs points de différence entre Antiochos, Éphore et Servius ; le récit donné dans le texte suit le premier.
Le renseignement d’Hesychius (v. Παρθενεΐαι) semble en général un peu plus intelligible que celui que donne Strabon ; Justin traduit Partheniæ, Spurii.
Les héros éponymes locaux Taras et Satyrus (de Satyrium) étaient célébrés et adorés chez les Tarentins. V. Cicéron, Verrines, IV, 60, 13 ; Servius ad Virgile, Géorgiques, II, 197 ; Zumpt. ap. Orelli, Onomasticon Tullian., II, p. 570.
[91] Cf. Strabon, VI, p. 264 et p. 280.
[92] Strabon, VI, p. 278 ; Polybe, X, 1.
[93] Juvénal, Satires, XI, 297. Atque coronatum et petulans madidumque Tarentum. Cf. Platon, Leg., I, p. 637 ; et Horace, Satire II, 4, 34. Aristote, Politique, IV, 4, 1. Οί άλιεϊς έν Τάραντι καί Βυζαντίω, Tarentina ostrea, Varron, Fragm., p. 301, éd. Bipont.
Pour expliquer cette remarque d’Aristote sur les pêcheurs de Tarente comme étant la classe prédominante dans la démocratie, je transcris un passage de l’ouvrage de M. Keppel Craven, Tour in the Southern provinces of Naples, c. 10, p. 182 : Swinburne donne une liste de quatre-vingt-treize sortes différentes de coquillages que l’on trouve dans le golfe de Tarente ; mais plus spécialement dans il mare Piccolo. Dans les anciens temps, le murex et le pourpre étaient au premier rang pour la valeur ; à notre époque dégénérée, la moule et l’huître semblent avoir usurpé une prééminence aussi reconnue, mais moins élevée ; mais il y a d’autres familles nombreuses tenues en estime proportionnée pour leur saveur exquise, et aussi vivement recherchées pendant leurs saisons respectives. L’amour pour les coquillages de toute sorte, qui semble particulier aux indigènes de ces contrées, est tel qu’il parait exagéré à un étranger, accoutumé à n’en considérer qu’un petit nombre comme mangeables. Ce goût existe à Tarente, s’il est possible, plus fort encore que dans toute autre partie du royaume, et explique le revenu relativement considérable que le gouvernement retire de cette branche particulière de commerce. Il marc Piccolo est divisé en plusieurs portions, louées à différentes sociétés, qui ainsi ont seules le privilège de la pêche : presque tous les hommes des basses classes sont employées par ces corporations, selon que chaque saison par son retour leur procure de l’occupation, de sorte que la nature elle-même semble avoir fourni le commerce exclusif le plus propre aux habitants de Tarente. Les deux mers abondent en variétés de testacés, mais le golfe intérieur (il mare Piccolo) est jugé le plus favorable à leur croissance et à leur saveur. Le lit de sable est littéralement noirci par les moules qui le couvrent ; les bateaux qui glissent sur sa surface en sont chargés ; elles font disparaître sous une couche épaisse les rochers qui bordent le rivage, et paraissent également abondantes sur le bord, empilées en tas. M. Craven continue à expliquer davantage la merveilleuse abondance de cette pêche ; mais ce que nous avons transcrit, tout en jetant du jour sur la remarque d’Aristote mentionnée plus haut, servira en même temps à faire comprendre la prospérité et l’abondance matérielle de l’ancienne Tarente.
Pour mu exposé très soigné de l’état de la culture,
particulièrement de l’olive auprès de
[94] Skylax ne cite pas du tout le nom d’Italie : il donne le nom de Leukania à toute la côte, depuis Rhegium jusqu’à Poseidônia sur la Méditerranée, et depuis le même point jusqu’à la limite entre Thurii et Hêrakleia sur le golfe de Tarente (c. 12, 13). A partir de ce point, il étend l’Iapygia jusqu’au mont Drion ou Garganos, de sorte qu’il comprend en Iapygia non seulement Metapontium, mais encore Hêrakleia.
Antiochus tire la ligne entre l’Italie et l’Iapygia à l’extrémité du territoire napolitain, comprenant Metapontium en Italie, et Tarente en Iapygia (Antiochus, Fragm. 6, éd Didot ; ap. Strabon, VI, p. 254).
Cependant Hérodote parle non seulement de Dletapontium, mais encore de Tarente, comme étant en Italie (I, 24 ; III, 136 ; IV, 15).
[95] Hérodote, VII, 170 ; Pline, H. N., III, 16 ; Athénée, XII, p. 523 ; Servius ad Virgile, Énéide, VIII, 9.
[96] Hérodote, IV, 99.
[97] Servius ad Virgile, Énéide, VII, 691. Polybe distingue les Iapygiens des Messapiens (II, 24).
[98] Pausanias, I, 10, 3 ; X, 13, 5 ; Strabon, VI, p. 282 ; Justin, III, 4.
[99] V. une description des opérations militaires des Français dans ces régions presque inaccessibles, que renferme une excellente publication due à un officier général français au service de ce pays pendant trois ans, Calabria during a military residence of three years, London, 1832, Letter XX, p. 201.
Tout le tableau de la Calabre compris dans ce volume est aussi intéressant qu’instructif ; il n’y avait jamais eu probablement d’opérations militaires de faites dans les montagnes de la Sila.
[100] V. Théocrite, Idylle, IV, 6-35, qui explique le point exposé ici.
[101] Suidas, v. ̔Ρίνθων ; Stephan. Byz., v. Τάρας ; cf. Bernhardy, Grundrissder Roemischen Litteratur, Abschnitt, II, pt. 2, p. 185, 186, au sujet de l’analogie de ces φλύακες, de Rhinthôn avec les mimes italiques indigènes.
Le dialecte des autres cités de la Grèce italique est très peu connu ; l’ancienne inscription de Betilia est dôrienne ; V. Ahrens, De Dialecto Doricâ, sect. 49, p. 418.
[102] Aristophane, Vesp., 1260 : Αίσωπικόν γελοϊον, ή Συβαριτικόν. Ce que veut dire Συβαριτικόν γελοϊον est mal expliqué par le Scholiaste, mais l’est parfaitement bien par Aristophane dans des vers suivants de la même pièce (1427-1436), ou Philokleon raconte deux bonnes histoires relatives à un Sybarite, et à une femme de Sybaris ; — Άνήρ Συβαρίτης έξέπεσεν έξ άρματος, etc. — Έν Συβάρει γυνή ποτε Κατέαξ̕ έχίνον, etc.
Ces Συβάρια έπιφθέματα sont aussi anciens qu’Épicharme, dont l’esprit était très imbu de la philosophie pythagoricienne. V. Etymolog. Magn., Συβαρίζειν. Elien s’amusait aussi des ίοτόριαι Συβαριτικαί (V. H., XIV, 20) ; cf. Hesychius, Συβαριτικοί λόγοι, et Suidas, Συβαριτικαϊς.
[103] C’est ainsi qu’Hérodote (VI, 127) nous apprend qu’il l’époque où Kleisthenês de Sikyôn appela de toute la Grèce des prétendants de rang convenable pour se disputer la main de sa fille, Smindyridês de Sybaris fût du nombre : c’était l’homme le plus délicat et le plus voluptueux qu’on eût jamais connue (Hérodote, VI, 127), et Sybaris à cette époque (580-560 av. J.-C.) était à l’apogée de sa prospérité. Il y avait de plus grands détails dans Chamæleon, Timée et autres écrivains postérieurs à Aristote. Smindyridês, disait-on, avait emmené avec lui pour le mariage mille serviteurs, pêcheurs, oiseleurs et cuisiniers (Athenæ, VI, 271 ; ZII, 541). Les détails du luxe sybaritique, que donne Athénée, sont surtout empruntés d’auteurs de cette époque postérieure i1 Aristote. — Hêraklide de Pont, Phylarque, Cléarque, Timée (Athenæ, XII, 519-522). Le mieux attesté de tous les exemples de la richesse sybaritique, c’est le magnifique vêtement orné de dessins, de quinze coudées de longueur, qu’Alkimenês le Sybarite dédia comme offrande votive au temple de Hêrê Lakinienne. Denys de Syracuse pilla ce temple, s’empara du vêtement et le vendit, assure-t-on, aux Carthaginois, pour 120 talents ; Polémon le Périégète semble l’avoir vu à Carthage (Aristote, Mirab. Ausc., 96 ; Athenæ, XII, 541). Le prix est-il exactement rapporté, c’est ce que nous ne sommes pas en état de déterminer.
[104] Hérodote, VII, 102.
[105]
Varron, De Re Rustica, I,
Théophraste insiste sur l’excellence de la terre
voisine de Mylæ, dans le territoire de
V. dans le livre de M. Keppel Craven, Tour in the Southern Provinces of Naples
(c. 11, 12, p. 212-218), la description de la riche et fertile plaine du
Krathis (au milieu de laquelle s’élevait l’ancienne Sybaris), d’une étendue d’environ
seize milles (= 25 kilom. 1/2), de Cassano à Corigliano, et d’environ douze
milles (=19 kilom. 300 mèt.) de la première ville à
Hécatée (c. 39, éd. Klausen) appelle Cosa, Κόσσα,
πόλις Οίνωτρών
έν μεσογαία. On
considère Cosa, vraisemblablement sur de bonnes raisons, comme identique à
[106] Diodore, XII, 9.
[107] Athénée, XII, p. 519.
[108] Hérodote, VI, 21. Relativement à la grande abondance de bois pour la construction des vaisseaux que produisait le territoire des Italiotes (Grecs italiques), v. Thucydide, VI, 90 ; VII, 25.
La poix des forêts de pins dans la Sila était également abondante et célèbre (Strabon, VI, p. 261).
[109] Hérodote, III, 138.
[110] Athénée, XII, p. 519.
[111] Festus, v. Bilingues Brutates.
[112] Strabon, VI, p. 262.
[113] Jamblique, Vie de Pythagoras, c. 9, p. 33 ; c. 35, p. 210.
[114] Athénée, XII, 541.
[115] Cette date repose sur Timée (que cite Skymnus de Chios, 210), et sur Solin ; il ne semble pas qu’il y ait lieu d’en douter, bien que Thucydide (1-13) et Isocrate (Archidamus, p. 316) paraissent croire que Massalia fut fondée par les Phokæens environ soixante ans plus tard, lorsque l’Iônia fut conquise par Harpagos (V. Bruckner, Historia Reip. Massiliensium, sect. 2, p. 9), et Raoul Rochette, Histoire des colonies grecques, vol. III, p. 405-413, qui cependant place l’arrivée des Phokæens dans ces régions et à Tartêssos beaucoup trop tôt.
[116] Aristote, Μασσαλιώτων πολιτεία, ap. Athenœum, VIII, p. 576 ; Justin, 43, 3. Plutarque (Solon, c. 2) semble suivre le même récit que Justin.
[117] Strabon, IV, p. 179-182 ; Justin, 43, 4-5 Cicéron, Pro Flacco, 26. Il paraît plutôt, d’après Aristote (Politique, V, 5, 2 ; VI, 4-5), que le sénat était dans l’origine un corps complètement fermé, ce qui occasionna dit mécontentement de la part des hommes riches qui n’y étaient pas compris ; on l’apaisa en y admettant, à l’occasion, des hommes choisis parmi ces derniers.
Quelques auteurs semblent avoir accusé les Massaliotes d’habitudes voluptueuses et efféminées (V. Athénée, XII, p. 523).