QUATRIÈME VOLUME
Il est nécessaire que je parle des Phéniciens, des Assyriens et des Égyptiens en tant qu’ils influèrent sur la condition ou occupèrent les pensées des anciens Grecs, sans que j’entreprenne de rechercher entièrement leur histoire antérieure. Comme les Lydiens, ces trois peuples finirent par être tous absorbés dans la vaste masse de l’empire des Perses, tout en conservant cependant leur caractère et leurs particularités sociales, après avoir été dépouillés de leur indépendance politique. Les Perses et les Mèdes, portion de la race Arienne et membres de ce qui a été classifié, eu égard au langage, comme la grande famille indo-européenne, occupaient une partie du vaste espace compris, entre l’Indus à l’est et la ligne du mont Zagros (s’étendant à l’est du Tigre et presque parallèle de ce fleuve) à l’ouest. Les Phéniciens, aussi bien que les Assyriens, appartenaient à la famille Sémitique, Araméenne ou Syro-Arabe, comprenant en outre les Syriens, les Juifs, les Arabes, et en partie les Abyssins. Dans quelle famille convenue de la race humaine doit-on ranger les Égyptiens basanés et aux cheveux frisés, c’est un point qui a été très disputé. Nous ne pouvons les compter comme membres des deux précédentes, et les recherches les plus soigneuses font présumer que leur type physique était quelque Chase de purement africain, approchant en bien des points de celui du nègre[1]. Nous avons déjà fait remarquer que le vaisseau marchand et commerçant phénicien figure dans les poèmes homériques comme un visiteur bien connu, et que les robes aux mille couleurs et les ornements d’or fabriqués à Sidon sont estimés parlai les ornements précieux appartenant aux chefs[2]. Il y a lieu de conclure, en général, que dans ces temps reculés les Phéniciens traversaient habituellement la mer Ægée et même qu’ils formèrent des établissements dans quelques-unes de ses îles pour faire le commerce et exploiter des mines. A Thasos particulièrement, près de la côte de Thrace, on voyait même, à l’époque d’Hérodote, des traces de mines d’or abandonnées, indiquant à la fois un travail persévérant et une durée considérable d’occupation. Mais au moment où s’ouvre l’ère historique, ils semblent avoir été en train de quitter graduellement ces contrées[3]. Leur commerce avait pris une direction différente. Nous ne pouvons donner de détails sur ce changement ; mais nous pouvons aisément comprendre que l’accroissement de la marine grecque, tant de guerre que marchande, rendit incommode pour les Phéniciens de rencontrer des rivaux si entreprenants, — la piraterie (ou guerre privée sur mer) étant alors un procédé habituel, particulièrement à l’égard d’étrangers. Les villes phéniciennes occupaient une bande étroite de la
côte de Il ne semble pas possible de déterminer laquelle des deux
villes était la plus ancienne, de Sidon ou de Tyr. S’il est vrai, comme l’affirmaient
quelques autorités, que Tyr fut fondée dans l’origine par Sidon, la colonie
doit avoir grandi assez rapidement pour surpasser sa métropole en puissance
et en considération ; car elle devint la principale de toutes les villes
phéniciennes[5].
Aradus, la plus importante après elle, fut fondée par des exilés de Sidon, et
toutes les autres par des colons tyriens on sidoniens. Dans ce territoire limité
étaient concentrées la richesse commerciale, l’activité et l’habileté
industrielles à un plus haut degré qu’on ne pouvait les trouver dans aucune
autre partie du monde contemporain. Chaque ville était une communauté
indépendante, ayant son territoire environnant et sa constitution politique
propres et son propre prince héréditaire[6], quoique les
annales de Tyr présentent bien des exemples de princes assassinés par des
hommes qui leur succédaient sur le trône. Tyr paraît avoir joui d’une
certaine autorité prédominante sur toutes ces villes, peut-être d’un certain
contrôle ; auquel on ne se soumettait pas toujours volontairement ; et il se
présente des exemples dans lesquels les villes inférieures, lorsque Tyr était
pressée par un ennemi étranger[7], saisissaient l’occasion
de se révolter, ou du moins se tenaient à l’écart. La même difficulté à diriger
d’une manière satisfaisante les relations entre une ville dominante et ses
confédérés, que manifeste l’histoire grecque, se trouve aussi prévaloir en
Phénicie, et sera remarquée ci-après par rapport à Carthage ; tandis qu’on
observe aussi les mêmes effets de la constitution politique d’une cité
autonome, qui entretient l’énergie individuelle et les aspirations régulières
de ses habitants. Le sentiment prédominant d’isolement jaloux dans une ville
est expliqué d’une manière, frappante par l’exemple de Tripolis, établie
conjointement par Tyr, Sidon et Aradus. Elle consistait en trois villes,
distinctes chacune d’elles à la distance d’un furlong ( Le magnifique temple de ce grand dieu phénicien (Melkarth), que les
Grecs appelaient Hêraklês[10], était situé à Tyr
Les Tyriens affirmaient que sols établissement avait été effectué en même
temps que la première fondation de la cité, 2,300 ans avant l’époque d’Hérodote.
Ce dieu, le compagnon et le protecteur de leurs établissements coloniaux, et
le premier père des rois phénico-libyens, se trouve particulièrement à
Carthage, à Gadès et à Thasos[11]. Quelques-uns
supposaient que les Phéniciens étaient venus s’établir sur la côte de Bien élue l’industrie, et l’activité infatigables des Phéniciens
leur aient conservé leur importance jusqu’à l’époque de l’empire romain, cependant
on doit chercher beaucoup plus tôt la période de leur essor le plus étendu et
de leur plus grande puissance, — antérieurement à 700 ans avant J.-C. Dans
ces temps reculés, eux et lents colons naviguaient seuls sur Les plus anciennes colonies phéniciennes étaient Utique,
presque sur le point le plus septentrional de la côte d’Afrique et dans le
même golfe (appelé aujourd’hui le golfe de Tunis) que Carthage, — vis-à-vis
du cap Lilybæon en Sicile, — et Gadès ou Gadeira, dans l’île de Tartêssos, c’est-à-dire
sur la côte sud-ouest de l’Espagne. Cette dernière ville, fondée peut-être
près de mille ans avant l’ère chrétienne[14], a conservé plus
longtemps qu’aucune ville d’Europe une prospérité continue et un nom (Cadix) qui n’est
pas réellement changé. Ce qui peut prouver combien la situation d’Utique
était bien adaptée aux besoins des colons phéniciens, c’est ce fait que
Carthage fut plus tard établie dans le même golfe et près du même endroit, et
que les deux villes atteignirent un haut point de prospérité. La distance qui
sépare Gadès de Tyr semble surprenante, et si nous calculons par le temps
plutôt que par l’espace, les Tyriens étaient séparés de leurs colons
tartêssiens par un intervalle plais grand que celui qui sépare aujourd’hui un
Anglais de Bombay ; car l’ancien navigateur longeait toujours les côtes, et
Skylax compte soixante-quinze jours[15] de voyage depuis
la bouche Kanôpique (la
plus occidentale) du Nil jusqu’aux colonnes d’Hêraklès (détroit de Gibraltar)
; calcul auquel il faut ajouter quelques jours de plus pour représenter la
distance complète entre Tyr et Gadès. Mais la hardiesse de ces anciens marins
surmontait toutes les difficultés compatibles avec le principe de ne jamais
perdre la côte de vue. S’avançant le long de la côte septentrionale de Ces anciennes colonies phéniciennes furent fondées ainsi dans
le territoire aujourd’hui connu comme royaume de Tunis et comme portion
orientale de la province française de Constantine. Delà jusqu’aux colonnes d’Hêraklês
(détroit de Gibraltar),
nous n’entendons parler d’aucun autre établissement. Mais la colonie de Gadès,
en dehors du détroit, formait le centre d’un commerce vaste et florissant, et
qui s’étendait d’un côté loin jusqu’au sud, à une distance non moindre que
trente jours de navigation le long de la côte occidentale de l’Afrique[19], et de l’autre
côté jusqu’à Mais ce commerce, bien que vraisemblablement important, ne
constituait qu’une faible partie des sources, de richesses ouvertes aux
Phéniciens de Gadès. Les Turdetani et les Turduli, qui occupaient la portion
sud-ouest de l’Espagne, entre le neuve Anas (Guadiana) et Les colons phéniciens sur la côte d’Espagne devinrent
.graduellement de plus en plus nombreux et paraissent avoir été répartis dans
des municipes séparés ou mêlés à la population indigène, entre l’embouchure
de l’Anas (Guadiana)
et la ville de Malaka (Malaga)
sur La plus ancienne colonie fondée en Sicile fut celle de Naxos, établie par les Chalcidiens en 735 avant J.-C. Syracuse suivit l’année d’après, et pendant le siècle qui vint ensuite plus d’une cité grecque florissante prit racine dans l’île. Ces Grecs trouvèrent les Phéniciens déjà en possession d’une foule d’îlots et de promontoires avancés autour de l’île, qui leur servaient dans leur commerce avec les Sikels ou Sicaniens occupant l’intérieur. Les nouveaux venus enlevèrent tellement à ce commerce établi sa sûreté et ses facilités, que les Phéniciens, abandonnant leurs nombreux petits établissements autour de l’île, se concentrèrent dans trois villes considérables, à l’angle sud-ouest près de Lilybæon[25], — Motyê, Soloeis et Panormos, — et dans l’île de Malte, où ils furent le moins éloignés d’Utique et de Carthage. Les Tyriens, à cette époque, étaient vivement pressés par les Assyriens sous Salmanasar, et le pouvoir de Carthage n’avait pas encore atteint son apogée, autrement il est probable que cette retraite des Phéniciens de Sicile devant les Grecs ne se serait pas effectuée sans lutte. Mais les Phéniciens des premiers temps, supérieurs aux Grecs en activité commerciale, et peu disposés à combattre, si ce n’est dans le cas d’une force très supérieure, avec des aventuriers belliqueux déterminés à s’établir d’une manière permanente, prirent le sage parti de circonscrire leur sphère d’opérations. I1 paraît qu’il se fit un changement semblable dans Kypros, l’autre île où les Grecs et les Phéniciens en. vinrent à être dans un étroit contact. Si nous pouvons ajouter foi aux annales tyriennes que consulta l’historien. Ménandre, Kypros était sujette des Tyriens, même du temps de Salomon[26]. Nous ne savons pas les dates de l’établissement de Paphos, de Salamis, de Kition et des autres cités grecques qui y furent fondées, — mais l’on ne peut douter qu’elles ne fussent postérieures à cette période, et qu’une portion considérable du sol et du commerce de Kypros n’ait passé ainsi des Phéniciens aux Grecs, qui, de leur côté, embrassèrent partiellement et répandirent les rites, parfois cruels, parfois voluptueux, que renfermait la religion phénicienne[27]. En Kilikia aussi, particulièrement à Tarsos, l’intrusion de colons grecs semble avoir graduellement hellénisé une ville phénicienne et assyrienne dans l’origine, contribuant, avec les autres colonies grecques (Phasêlis, Aspendos et Sidê) sur la côte méridionale de l’Asie Mineure, à diminuer la sphère des aventures pour les Phéniciens dans cette direction[28]. C’est ainsi que les Phéniciens eurent à souffrir de l’expansion
des colonies grecques. Et si les Ioniens de l’Asie Mineure, quand ils furent
conquis pour la première fois par Harpagos et les Perses, avaient suivi le conseil
de Bias de Priène, d’émigrer en corps et de fonder une grande colonie
pan-ionienne dans l’île de Sardô (Sardaigne), ces premiers marchands auraient éprouvé le même
empêchement[29]
reporté encore plus à l’ouest, — peut-être, en effet, toute l’histoire postérieure
de Cartilage eût-elle été sensiblement modifiée. — Mais l’Ibêria et la région
d’or de Tartêssos restèrent comparativement pela visitées et encore moins
colonisées par les Grecs ; elles ne finirent même par leur être connues que
plus d’un siècle après que leurs premiers établissements eurent été formés en
Sicile. Quelque facile que le voyage de Corinthe à Cadix puisse nous paraître
aujourd’hui, pour un Grec du septième ou du sixième siècle avant J.-C., c’était
une entreprise formidable. Il était dans la nécessité d’abord de longer les
dites de l’Akarnania et de l’Epeiros, ensuite de traverser la mer pour se
rendre d’abord à l’île de Korkyra, puis au golfe de Tarantos (Tarente). Doublant
ensuite le cap le plus septentrional de l’Italie, il suivait les sinuosités
de la côte de .Dans ces conjonctures, l’Egypte venait seulement d’être ouverte au commerce grec, — Psammétichus ayant été le premier roi qui se fût en partie relâché de la jalousie qui empêchait les navires d’entrer dans le Nil, exclusion imposée par tous ses prédécesseurs. Le stimulant d’un trafic si avantageux enhardit quelques marchands ioniens à faire le voyage direct de Krête à l’embouchure de ce fleuve. Ce fut dans l’accomplissement de l’un de ces voyages, rattaché à la fondation de Kyrênê (qui sera racontée dans un autre chapitre), que nous apprenons la mémorable aventure du marchand samien Kôlæos. Tandis qu’il allait en Egypte, il avait été jeté hors de sa route par des vents contraires et avait trouvé asile sur un îlot inhabité appelé Platea, à la hauteur de la côte de Libye, — lieu où les émigrants destinés pour Kyrênê s’établirent d’abord, peu de temps après. De là" il partit de nouveau pour se rendre en Egypte, mais encore sans succès ; des vents d’est violents et continus le repoussèrent continuellement vers l’ouest, jusqu’à ce qu’enfin il franchit les colonnes d’Hêraklês, et que, sous la direction providentielle des dieux[31], il se trouvât, visiteur inattendu, chez les Phéniciens et les Ibériens de Tartêssos. Quelle cargaison transportait-il en Egypte, c’est ce qu’on ne nous dit pas. Mais il vendit sur ce marché encore neuf aux prix les plus exorbitants. Lui et son équipage (dit Hérodote)[32] réalisèrent un profit plus considérable qu’aucun Grec connu n’avait jamais eu la chance de le faire, excepté Sostratos l’Æginète, avec lequel personne autre ‘ne peut entrer en concurrence. On peut juger de la grandeur de leurs profits d’après l’offrande votive qu’ils élevèrent à leur retour dans l’enceinte sacrée de Hêrê, à Samos, en reconnaissance de la protection que cette déesse leur avait accordée pendant leur voyage. C’était un immense vase de bronze, orné de têtes de griffons en saillie, et supporté par trois figures de bronze agenouillées de taille colossale : il coûtait six talents et représentait le dixième de leurs gains. Le total de soixante talents[33] (environ 16.000 liv. = 400.000 fr. en compte rond), correspondant à ce dixième, était une somme que peu même des personnes riches d’Athènes, au moment de sa plus grande richesse, pouvaient se vanter de posséder, C’est à l’heureux hasard de cet énorme vase et à l’inscription qu’il portait sans doute, et qu’Hérodote vit dans le Hêræon à Samos, ainsi qu’à l’impression que fit sur son imagination un enrichissement si merveilleux, que nous sommes redevables de connaître l’époque précise à laquelle le secret du commerce phénicien à Tartêssos en vint, pour la première fois, à être connu des Grecs. Le voyage de Kôlæos leur ouvrit dans ce temps un nouveau monde, qui n’était guère moins important (si l’on tient compte de leur somme antérieure de connaissances) que la découverte de l’Amérique pour les Européens de la seconde moitié du quinzième siècle, Mais Kôlæos ne fit guère plus que de leur faire connaître l’existence de cette région éloignée et lucrative : on ne peut dire qu’il en ait montré le chemin. Nous ne trouvons pas non plus, — malgré la fondation de Kyrênê et de Barka, qui rendit les Grecs beaucoup plus familiers avec la côte de Libye qu’ils ne l’avaient été auparavant, — que la route par laquelle il avait été entraîné contre sa propre volonté ait jamais été suivie de propos délibéré par des marchands grecs. Probablement les Carthaginois, complètement sans scrupules
dans leur conduite à l’égard de rivaux de commerce[34], avaient aggravé
ces difficultés maritimes naturelles par de faux renseignements et des
procédés hostiles. Toutefois le simple récit de tels gains était bien fait
pour agir comme stimulant sur d’autres navigateurs entreprenants. Les
Phokæens, dans le cours du demi-siècle suivant, poussant leurs voyages d’exploration,
tant le long des côtes de l’Adriatique que le long des côtes de la mer
Tyrrhénienne, et fondant Massalia (Marseille) dans l’année 600 avant J.-C., parvinrent
enfin aux colonnes d’Hêraklês et à Tartêssos le long de la dite orientale d’Espagne.
Ces hommes étaient les marins les plus aventureux[35] que C’est par cette série d’actes que les Grecs suivirent
graduellement les lignes du commerce phénicien dans Mais bien que ces circonstances eussent empêché que l’Artemis
éphésienne, la divine protectrice de l’émigration phokæenne, ne devînt
consacrée à Tartêssos avec l’Hêraklês tyrien, une impulsion non moins puissante
fut donnée à l’imagination de philosophes tels que Thalês et de poètes tels
que Stésichore, qui vécurent dans l’intervalle séparant le voyage surnaturel
de Kôlæos emporté sur les ailes du vent, de l’exploration persévérante, bien
calculée, qui émana de Phokæa. Tandis que d’un côté l’Hêraklês tyrien avec
son temple vénéré à Gadès fournissait une nouvelle localité et de nouveaux
détails pour des mythes relatifs à l’Hêraklês grec, — d’un autre côté, des
Grecs intelligents apprirent pour la première fois que les eaux qui
entouraient leurs îles et le Péloponnèse formaient une partie d’une mer
circonscrite par des limites assignables. La navigation continue des Phokæens
autour des côtes, d’abord de l’Adriatique, puis du golfe de Lyon jusqu’aux
colonnes d’Hêraklês et à Tartêssos, mit pour la première fois ce fait
important en lumière. Pour les auditeurs d’Archiloque, de Simonide d’Amorgos
et de Kallinus, vivant avant le voyage de Kôlœos ou à la même époque, il n’y
avait pas de limite maritime connue, soit au nord de Korkyra, soit à l’ouest
de Fous avons déjà dit que les Phéniciens, comme explorateurs des côtes, furent plus entreprenants même que les Phokæens. Mais leur jaloux esprit commercial les poussa à cacher leur route, — à donner des renseignements faux à dessein[40] relativement aux dangers et aux difficultés, — et même à noyer tout rival de commerce, quand ils pouvaient le faire sans danger[41]. Nous ne devons pas cependant passer sous silence un exploit remarquable des Phéniciens, contemporain de la période de l’exploration phokæenne. Ce fut à peu près vers 600 avant J.-C. qu’ils firent par mer le tour de l’Afrique ; partis de la mer Rouge, par ordre du roi égyptien Néchao, fils de Psammétichus, ils doublèrent le cap de Bonne-Espérance, se rendirent à Gadès, et de là revinrent au Nil. Il paraît que Néchao, désireux d’établir une communication
par eau entre la mer Rouge et La réalité de cette circumnavigation fut confirmée à Hérodote par des renseignements qu’il reçut de divers Carthaginois[43], et lui-même y croit pleinement. Il semble qu’il y ait de bonnes raisons pour partager sa croyance, bien que plusieurs habiles critiques rejettent le conte comme incroyable. Les Phéniciens étaient experts et audacieux dans la navigation le long des côtes, et en faisant le tour de l’Afrique, ils n’eurent jamais occasion de perdre la terre de vue. Nous pouvons présumer que leurs vaisseaux, étaient abondamment approvisionnés, de sorte qu’ils pouvaient choisir leur temps et s’arrêter quand il faisait mauvais ; nous pouvons aussi regarder comme certain que la récompense dépendant du succès était considérable. En effet, pour tous les autres marins qui existaient alors, l’entreprise eût été trop difficile ; mais il n’en était pas de même pour eux, et ce fut, pour ce motif que Néchao les choisit. A ces raisons, qui montrent que l’histoire ne présente pas d’incrédibilité intrinsèque (ce qui en effet est à peine allégué même par Mannert et autres qui n’y croient pas), nous pouvons en ajouter une autre, qui va jusqu’à prouver qu’elle est positivement vraie. Ils disaient que dans le cours de leur voyage, en allant vers l’ouest, ils avaient le soleil à leur droite (c’est-à-dire au nord) ; et ce phénomène, observable suivant la saison même quand ils étaient entre les tropiques, ne pouvait manquer de s’imposer à leur attention comme constant, après qu’ils eurent atteint la zone tempérée méridionale. Mais Hérodote déclare sans hésiter que cette partie, de l’histoire est incroyable, et elle pouvait paraître telle à presque tout homme Grec[44], Phénicien ou Égyptien, non seulement de l’époque de Néchao, mais du temps même d’Hérodote, qui l’entendait raconter, puisque personne n’avait une expérience réelle des phénomènes que présente la latitude méridionale, ni une théorie suffisamment exacte de la relation qui existe entre le soleil et la terre, pour comprendre la direction changeante des ombres ; et peu de personnes auraient consenti à renoncer aux idées reçues relativement aux mouvements solaires, par pure confiance dans la véracité de ces narrateurs phéniciens. Or, il est extrêmement improbable que, dans de telles circonstances, ces derniers aient inventé le conte ; et s’ils n’en étaient pas les inventeurs, ils doivent avoir éprouvé le phénomène pendant la partie méridionale de leur passage. Quelques critiques ne croient pas à cette circumnavigation, en supposant que si un exploit aussi remarquable avait réellement été accompli une fois, il avait dû être renouvelé, et une application pratique en avait dû être faite. Mais bien que ce soupçon soit assez naturel pour ceux qui se rappellent quelle grande révolution s’opéra lorsque le passage au sud de l’Afrique fut découvert de nouveau dans le quinzième siècle — cependant on trouvera que le raisonnement n’est pas applicable au sixième siècle avant l’ère chrétienne. La curiosité scientifique pure, à cette époque, comptait
pour rien. Le motif de Néchao, en ordonnant cette entreprise, était le même
que celui qui l’avait engagé à creuser son canal, — afin de pouvoir établir
la meilleure communication entre Or, nous apprenons par là que l’entreprise, même aux veux de ceux qui croyaient aux récits des capitaines de Néchao, passait pour être à la fois désespérée et inutile ; mais sans doute beaucoup de gens la regardaient comme un pur mensonge phénicien[46] (pour employer une express Sion proverbiale des temps anciens). La circumnavigation de Outre la carrière maritime de Tyr et de Sidon, le commerce qu’ils faisaient par terre dans l’intérieur de l’Afrique était d’une grande valeur et d’une grande importance. Ils étaient les marchands spéculateurs qui dirigeaient la marche des caravanes chargées des produits assyriens et égyptiens à travers les déserts qui les séparaient de l’intérieur de l’Asie[48], — opération qui, à considérer les pillards Arabes, qu’ils étaient obligés de se concilier et même d’employer comme porteurs, ne présentait guère moins de difficultés que le plus long voyage fait le long des côtes. Ils semblent avoir été les seuls dans l’antiquité qui aient voulu braver et qui aient pu surmonter les périls d’un lointain trafic parterre[49] ; et leurs descendants à Carthage et à Utique ne furent pas moins actifs pour mener des caravanes jusque dans l’intérieur de l’Afrique. |
[1] V. la discussion dans le Dr Prichard, Matural History of Man, sect. 17, p. 152.
Μελαγχρόες καί ούλότριχες (Hérodote, II, 104 ; et Ammien Marcellin, XXII, 16, subfasculi, atrati, etc.) sont des attributs certains des anciens Égyptiens, reposant sur la preuve d’un témoin oculaire.
Par leur teint et par beaucoup de leurs particularités physiques (fait observer le docteur Prichard, p. 138), les Égyptiens étaient une race africaine. Vans les parties orientales et même dans les parties centrales de l’Afrique, nous retrouverons l’existence de diverses tribus qui, par des caractères physiques, ressemblent presque aux Égyptiens ; et il rie serait pas difficile de remarquer chez beaucoup de nations de ce continent une déviation graduelle du type physique de l’Égyptien jusqu’au caractère fortement marqué du nègre, et cela sans aucune solution de continuité ni interruption bien décidée. La langue égyptienne aussi, dans les grands principes dominants de la construction grammaticale, a beaucoup plus d’analogie avec les idiomes de l’Afrique qu’avec ceux qui règnent chez les peuples d’autres contrées.
[2] Homère, Iliade, VI, 290 ; XXIII, 740 ; Odyssée, XV, 116
Tyr n’est nommée ni dans l’Iliade ni dans l’Odyssée, bien qu’un passage dans Probus (ad Virgil. Georg., II, 115) semble prouver qu’elle était mentionnée dans un des poèmes épiques qui passaient sous le nom d’Homère ; Tyrum Sarram appellatam esse, Homeras docet ; quem etiam Ennius sequitur cum dicit, Pœnos Sarrâ oriundos.
Le catalogue hésiodi que semble avoir signalé et Byblos et Sidon. V. Hesiodi Fragm., 30, éd. Marktscheffel, et Etymol. magnum, v. Βύβλος.
[3] Le nom d’Adramyttion ou Atramyttion (très semblable au nom africo-phénicien Adrumétum) est, dit-on, d’origine phénicienne (Olshausen, De Origine Alphabeti, p. 7, dans Kieler Philologische Studien, 1841). Il y avait près de Pergamos des mines importantes exploitées dans la suite pour le compte de Crésus, et ces mines peuvent avoir engagé des colons phéniciens à s’établir dans ces régions (Aristotel. Mirab. Auscult., c. 52).
Les inscriptions africaines, dans les Monumenta Phœnic. de Gesenius, reconnaissent Makar comme un surnom de Baal, et Movers croit que le héros Makar, qui figure d’une manière saillante dans la mythologie de Lesbos, de Chios, de Samos, de Kôs, de Rhodes, etc., peut être reporté à ce dieu phénicien et à d’anciennes colonies phéniciennes dans ces îles (Movers, Die Religion der Phœniker, p. 420).
[4] Strabon, XVI, p. 754-758 ; Skylax, Périple, c. 104 ; Justin, XVIII, 3 ; Arrien, Exp. Al., II, 16-19 ; Xénophon, Anabase, I, 4, 6.
Par malheur, le texte de Skylax cet extrêmement altéré
ici, et l’exposé de Strabon est embarrassé sur bien des points, parce qu’il
n’avait pas voyagé en personne dans
Relativement aux rapports qui existaient dans l’origine
entre Palæ-Tyrus et Tyr, il y a quelque difficulté à concilier tous les
renseignements que nous possédons, quelques faibles qu’ils soient. Le nom
Palæ-Tyrus (on l’a supposé comme chose toute naturelle ; cf. Justin, XI, 10)
indique cette ville comme étant la fondation primitive d’oie les Tyriens
passèrent dans l’île : il y avait aussi sur la terre ferme un endroit nommé
Palæ-Byblos (Pline, H. N., V, 20 ;
Ptolémée, V, 15), que l’on considérait également comme le siège original d’où
sortait la ville appelée proprement Byblos. Cependant le récit d’Hérodote
représente clairement
On peut douter que nous connaissions le sens exact du mot que les Grecs appelaient Παλαι-Τύρος. Il est évident que les Tyriens eux-mêmes ne lui donnaient pas ce nom ; peut-être le nom phénicien que portait cette ville adjacente sur le continent a-t-il été quelque chose de ressemblant à Palæ-Tyrus sous le rapport du son, sans coïncider par le sens.
La force de Tyr consistait dans sa situation insulaire ; car le continent adjacent, où se trouvait Palæ-Tyrus, était une plaine fertile, décrite ainsi par William de Tyr pendant le temps des croisades : Erat prædicta civitas non solum munitissima, sed etiam fertilitate præcipuâ et amœnitate quasi singularis ; nam licet in medio mari sita est, et in modum insulæ tota fluctibus cincta ; habet tamen pro foribus latifundium per omnia commendabile ; et planitiem sibi continuam divitis glebæ et opimi soli, multas civibus ministrans commoditates. Quæ licet modica videatur respectu aliarum regionum, exiguitatem suam multâ redimit ubertate, et infinita jugera multiplici fœcunditate compensat. Nec tamen tantis aretatur angustiis. Protenditur enim in Austrum versus Ptolemaidem usque ad eum locum, qui hodie vulgo dicitur districtum Scandarionis, milliaribus quatuor aut quinque : e regione in Septentrionem versus Sareptam et Sidonem iterum porrigitur totidem milliaribus. In latitudinem vero ubi minimum ad duo, ubi plurimum ad tria, habens milliaria (Apud Hengstenberg, ut sup., 5), Cf. Maundrell, Journey from Aleppo to Jerusalem, p. 50, éd. 1749 ; et Volney, Travels in Egypt and Syria, vol. II, p. 210-226.
[5] Justin (XVIII, 3) dit que Sidon était la métropole de Tyr ; mais la série d’événements qu’il raconte est confuse et inintelligible. Strabon aussi, dans un endroit, appelle Sidon la μητρόπολις τών Φοινίκων (I, p. 40) ; dans un autre endroit il avance comme un point disputé entre les deux cités, de savoir laquelle était la μητρόπολις τών Φοινίκων (XVI, p. 756).
Quinte-Curce affirme que Tyr et Sidon furent toutes les deux fondées par Agênôr (IV, 4, 15).
[6] V. les citations intéressantes que fait Josèphe des ouvrages de Dius et de Menander, qui avaient accès aux άναγραφαί ou chroniques tyriennes (Josèphe, cont. Apion, I, c. 17, 18, 21 ; Antiq. J., IX, 14, 2).
[7] Josèphe, Antiq. Jud., IX, 14, 2.
[8] Diodore, XVI, 41 ; Skylax, c. 104.
[9] Strabon, XVI, p. 756.
[10] Une inscription maltaise identifie le Tyrien Melkarth avec Ήρακλής (Gesenius, Monument Phœnic., tab. VI.)
[11] Hérodote, II, 44 ; Salluste, Bell. Jug., c. 18 ; Pausanias, X. 12, 2 ; Arrien, Exp. Al., II, 16 ; Justin, 44, 5 ; Appien, VI, 2.
[12]
Hérodote, I, 2 ; Éphore, Fragm. 40,
éd. Marx ; Strabon, XVI, p. 766-784, avec une note de Grosskurd sur le premier
passage ; Justin, XVIII, 3. Dans la discussion animée qui s’éleva entre les
critiques homériques et les grands géographes de l’antiquité, pour déterminer
où alla réellement Menelaos pendant ses courses de huit années (Odyssée, IV, 85), une idée mise en avant
était qu’il avait visité ces Sidoniens dans le golfe Persique ou dans la mer
Érythrée (Strabon, I, p. 42). Les diverses opinions que cite Strabon,
comprenant celles d’Eratosthène et de Kratês, aussi bien que ses propres
explications, sont très curieuses. Kratês supposait que Menelaos avait franchi
le détroit de Gibraltar et fait le tour de
Quant à l’idée de Kratês, à savoir que Menelaos avait navigué auteur de l’Afrique, il est à remarquer que tous les géographes de ce temps se formaient une idée très insuffisante de l’étendue de ce continent, croyant qu’il ne s’étendait pas même au sud jusqu’à l’équateur.
Strabon lui-même n’adopte ni l’une ni l’autre de ces trois opinions, mais il explique les mots homériques qui décrivent les courses errantes de Menelaos comme s’appliquant seulement aux côtes d’Egypte, de Libye, de Phénicie, etc. Il avance plusieurs raisons, plus curieuses que convaincantes, pour prouver que Menelaos peut aisément avoir employé’ huit années dans ces visites, tantôt d’ami, tantôt de pirate.
[13] V. Ritter, Erdkunde von Asien, West-Asien, b. III. Abtheil, III. Abschn. I, sect. 29, p. 50.
[14] Strabon parle des plus anciennes colonies des Phéniciens en Afrique et en Ibêria comme μικόν τών Τροϊκών ΰστερον (I, p. 48).
On affirme qu’Utique est de 287 ans plus ancienne que Carthage (Aristote, Mirab. Auscult., c. 134) ; cf. Velleius Paterculus, I, 2.
Archaleus, fils de Phœnix, était représenté comme le fondateur de Gadès dans l’histoire phénicienne de Claudius Julius, aujourd’hui perdue (Etymolog. Magn., v. Γαδεϊρα). Archaleus est un changement du nom Hercules, suivant Movers.
[15] Skylax, Périple, c. 110. Carteia, ut quidam putant, aliquando Tartessus ; et quam transvecti et Afriecâ Phœnices habitant, atque onde nos sumus, Tingeutera (Mela, II, 6, 75). L’expression transvecti ex Africa s’applique autant aux Phéniciens qu’aux Carthaginois : uterque Pœnus (Horace, Odes, II, 11) veut dire les Carthaginois et les Phéniciens de Gadès.
[16] Strabon, XVII, p. 836.
[17]
Le cap Soloeis, considéré par Hérodote comme le promontoire le plus occidental
de
Probablement tous les promontoires remarquables dans ces mers reçurent leurs noms des Phéniciens. Mannert (Geog. der Gr. und Roem., X, 2. p. 495), et Forbiger (Alte Geogr., sect. 111, p. 867) identifie le cap Soloeis avec ce qui est appelé aujourd’hui le cap Cantin ; Heeren le considère comme étant le même que le cap Blanc ; Bougainville, que le cap Boyador.
[18] Salluste, Bell. Jug., c. 78. On l’appelait Leptis magna, pour la distinguer d’une autre Leptis, plus à l’ouest et plus près de Carthage, nommé Leptis parva ; mais cette dernière semble avoir été généralement connue sous le nom de Leptis (Forbiger, Alte Geograph., sect. 109, p. 841). Dans Leptis magna, la proportion des colons phéniciens était si peu considérable que la langue phénicienne s’était perdue, et qu’on y parlait la langue des indigènes, que Salluste appelle Numides ; mais ces peuples avaient adopté les institutions et la civilisation sidoniennes (Salluste, ibid.).
[19] Strabon, XVII, p. 825, 826. Il trouva avancé par quelques auteurs qu’il y avait eu jadis trois cents établissements de commerce le long de cette côte, s’étendant jusqu’à trente jours de navigation au sud de Tingis (Tanger) ; mais qu’ils avaient été ruinés surtout par les tribus de l’intérieur, — les Pharusiens et les Nigritæ. Il soupçonne le renseignement d’exagération, suais il ne paraît y avoir rien d’incroyable. Nous concluons des paroles de Strabon qu’Eratosthène produisit ce renseignement comme étant vrai à ses yeux. Le texte de Strabon, p. 825, tel que nous le lisons, confond Tingis avec Lixus, autre colonie phénicienne à environ deux jours de marche au sud le long de la côte, et selon quelques récits plus ancienne même que Gadès. V. les intéressants et importants voyages du Dr Barth, celui qui a décrit le dernier cette contrée aujourd’hui si peu attrayante. — Wanderungen durch die Küstenlaender des Mittelmeers, c. I, p. 23-49. J’avais dans ma première édition suivi Strabon en confondant Tingis avec Lixus, erreur signalée par le Dr Barth et par Grosskurd.
[20] Cf. Skylax, c. 3, et le Périple d’Hannon, ap. Hudson, Geogr, Græc. Min., vol. I, p. 1-6. J’ai déjà fait remarquer que le τάριχος (provisions salées) de Gadeira se vendait continuellement dans les marchés d’Athènes, à partir de la guerre du Péloponnèse. — Eupolis, Fragm. 23 ; Μαρικάς, p. 506, éd. Meineke, Comic. Græc.
Cf. les citations des autres écrivains comiques, Antiphane et Nikostrate ap. Athenæ, III, p. 128. Les marchands phéniciens achetaient en échange de la poterie attique pour leur commerce avec l’Afrique.
[21] Sur la nature productive des mines d’Espagne, Polybe (XXXIV, 9, 8) ap. Strabon, III, p. 1-17 ; Aristote, Mirab. Ausc., c. 135.
[22] Strabon, III, p. 156, 158, 161 ; Polybe, III, 10, 3-10.
[23] Polybe, I, 10 ; II, 1.
[24] Strabon, III, p. 141-150.
[25] Thucydide, VI, 3 ; Diodore, V, 12.
[26] V. ce qu’en dit Josèphe, Antiq. Jud. VIII, 5,3, et Josèphe, cont. Apion, I, 18. On trouve une allusion dans Virgile, Énéide, I, 612, dans la bouche Didon.
[27] Relativement au culte à Salamis (de Kypros) et de Paphos, v. Lactance, I, 21 ; Strabon, XIV, p. 683.
[28] Tarsos est mentionnée par Dion Chrysostome comme une colonie de la ville phénicienne Arados (Orat. Tarsens., II, p. 20, éd. Reisk), et selon Hérodote, Kilix est frère de Phœnix et fils d’Agênôr (VII, 92).
On trouve des monnaies phéniciennes de la cité de Tarsos qui datent de la fin de l’empire des Perses environ. V. Movers, Die Phoenizier, I, p. 13.
[29] Hérodote, I, 170.
[30] Hérodote, IV, 151.
[31] Hérodote, IV, 152.
[32] Hérodote, IV, 152.
On trouve dans Anakreon des allusions à la prodigieuse richesse de Tartêssos, Fragm. 8, éd. Bergk ; Stephan. Byz., Ταρτησσός. Eustathe ad Denys le Périégète, 332 ; Himerius, ap. Photium, cod. 243, p. 599.
[33] Ces talents ne peuvent pas avoir été des talents attiques ; car le talent attique résulta pour la première fois de l’altération que Solôn fit subir à l’étalon de la monnaie athénienne et qui ne fut effectuée qu’une génération après le voyage de Kôlæos. Ils ont dû être des talents ou euboïques ou æginæens ; probablement les premiers, si l’on considère que le cas se rapporte à l’île de Samos. Soixante talents euboïques équivaudraient à. peu près à la somme indiquée dans le texte. Sur la proportion des diverses échelles monétaires grecques, V. vol. III, c. 4, et vol. IV, c. 5.
[34] Strabon, XVII, p. 802 ; Aristote, Mirab. Ausc., c. 84-132.
[35] Hérodote, I, 163. — les termes sont remarquables.
[36] Hérodote, I, 164, 165, donne un exemple de la jalousie des habitants de Chios au sujet des îles appelées Œnussæ.
[37] Éphore, Fragm. 52, éd. Marx ; Strabon, VI, p. 267.
[38] Hérodote, I, 165.
[39] Ή καθ̕ ήμάς θάλασσα (Strabon) ; τής δε θαλάττης (Hérodote, IV, 41).
[40] Le géographe Ptolémée, avec un véritable zèle scientifique, se plaint amèrement de la réserve et des fraudes communes aux anciens commerçants, relativement aux contrées qu’ils visitaient (Ptolémée, Géographie, I, 11).
[41] Strabon, III, p. 175, 176 ; XVII, p. 802.
[42] Hérodote, IV, 42.
[43]
Ces Carthaginois, auxquels Hérodote fait ici allusion, lui dirent que l’on
pouvait faire par mer le tour de
Le témoignage des Carthaginois a d’autant plus de valeur, qu’il atteste la persuasion où ils étaient de la vérité du renseignement donné parles Phéniciens.
Quelques critiques ont expliqué les mots dans lesquels Hérodote fait allusion aux Carthaginois comme étant ceux qui’ l’avaient renseigné, en supposant que ce qu’ils lui dirent était l’histoire de la tentative inutile faite par Sataspês. Mais ce n’est pas là évidemment la pensée de l’historien ; il présente l’opinion des Carthaginois comme servant à confirmer l’assertion des Phéniciens qu’avait employés Néchao.
[44] Diodore (III, 40) parle avec exactitude de la direction des ombres au sud du tropique du Cancer (cf. Pline, H. N., VI, 29), — marque entre autres de l’extension des observations géographiques et astronomiques pendant les quatre siècles qui s’écoulèrent entre lui et Hérodote.
[45]
Skylax, après avoir suivi la ligne de c8tes de
Cf. aussi v. 115-130 du même poème, où l’auteur fait une citation empruntée d’un voyage d’Himilcon, qui avait été quatre mois dans l’océan en dehors des colonnes d’Hercule.
Le calme plat, la vase et les bas-fonds de l’océan intérieur sont mentionnés par Aristote, Meteorolog., II, 1, 14, et semblent avoir été ni, sujet favori de déclamation chez les rhéteurs du siècle d’Auguste. V. Sénèque, Suasoriar., I, 1.
Même les compagnons et les contemporains de Colomb,
quand la navigation avait fait comparativement de tels progrès, conservaient
encore beaucoup de ces craintes relativement aux dangers et aux difficultés de
l’océan inconnu : Le tableau exagéré (fait observer A. von Humboldt, Examen critique de l’Histoire de
Colomb fut le premier homme qui traversa la mer de
Sargasso, ou partie de l’Océan Atlantique au sud des Açores, où il est couvert
d’une masse immense d’herbes marines dans un espace six ou sept fois aussi
considérable que
J.-M. Gessner (Dissertat.
de Navigationibus extra Columnas Herculis, sect. 6 et 7) renferme une bonne
justification du récit fait par Hérodote. Le major Rennel adopte aussi la même
idée et démontre par de nombreux arguments combien la circumnavigation était
plus facile en venant de l’est que de l’ouest (Geograph. System of Herodotus, p. 680) ; et Ukert, Geograph. der Griechen und Roemer, vol.
I, p. 61 ; Mannert, Geograph. der
Griechen und Roemer, vol. I, p. 19-26. Gosselin (Recherches sur
Agatharchidès, dans le second siècle avant J.-C., déclare que la côte orientale de l’Afrique, au sud de la mer Rouge, n’a pas encore été explorée ; il regarde comme un fait certain, cependant, que la mer au sud-ouest fait suite à l’océan occidental (De Rubro Mari, Geogr. Minores, éd. Huds., vol. I, p. 11).
[46]
Strabon, III, p. 170. Sataspês (le Perse mentionné plus haut, qui avait tenté
sans succès de faire le tour de
Il est à propos de faire remarquer que Strabon ne peut avoir lu le récit dans Hérodote avec beaucoup d’attention, puisqu’il cite Darius comme étant ce roi qui envoya les Phéniciens autour de l’Afrique, et non Néchao ; il ne fait pas non plus attention au remarquable renseignement que donnent ces navigateurs relativement à la position du soleil. Il y avait sans doute maints récits apocryphes circulant à son époque au sujet de tentatives, heureuses et malheureuses, en vue de faire le tour de l’Afrique, comme nous pouvons le voir par le conte d’Eudoxe (Strabon, II, 98 ; Cornelius Nepos, ap. Pline, Hist. nat., II, 67, qui donne l’histoire tout différemment ; et Pomponius Mela, III, 9).
[47] Arrien, Exp. Al., VII, 1, 2.
[48] Hérodote, I, 1.
[49] V. dans Heeren (Ueber den Verkehr der Alten Welt, I, 2. Abschn. 4, p. 96) l’important Chapitre sur le commerce de terre des Phéniciens.
Le vingt-septième chapitre du prophète Ezéchiel présente un tableau frappant du commerce général de Tyr.