HISTOIRE DE LA GRÈCE

QUATRIÈME VOLUME

CHAPITRE IX — INDIGÈNES DE L’ASIE-MINEURE AUXQUELS LES GRECS S’ALLIÈRENT.

 

 

Des colonies grecques établies sur la côte de l’Asie Mineure et dans les îles adjacentes, notre attention doit maintenant se tourner vers ces royaumes et ces peuples non helléniques avec lesquels ils finirent par y être en contact.

Les renseignements que nous avons relativement à toutes ces nations sont par malheur très peu abondants. Et notre récit ne gagnera pas à prendre le Catalogue, présenté dans l’Iliade, des alliés de Troie, et à l’expliquer comme si c’était un chapitre de géographie. S’il y avait besoin d’une preuve pour démontrer les résultats stériles d’un pareil procédé, nous la trouverions dans la confusion qui obscurcit une si grande partie de l’ouvrage de Strabon ; ce géographe, en effet, se détourne perpétuellement de la condition réelle et susceptible d’être constatée des contrées qu’il décrit, pour faire des conjectures star l’antiquité homérique, annoncées souvent comme faits incontestables. Là où la géographie homérique est confirmée par d’autres preuves, nous signalons le fait avec plaisir ; là où elle est sans appui, ou difficile a concilier avec d’autres renseignements, nous ne pouvons nous permettre de raisonner sur elle comme étant par elle-même un témoignage réel. Si l’auteur de l’Iliade a réuni un vaste corps des différentes sections de Grecs pour l’attaque de la colline sacrée d’Ilion, il a aussi appelé tous les divers habitants de l’Asie Mineure à coopérer à sa défense. Il a placé des parties des Kilikiens et des Lykiens, dont l’existence historique est sur la côte méridionale, dans le voisinage immédiat de la Troade. Ceux-là seuls s’en plaindront, qui se sont accoutumés à le regarder comme un historien ou un géographe. Si nous nous contentons de le lire seulement comme le premier des poètes, nous ne lui chercherons pas plus querelle pour une erreur géographique qu’à son successeur Arktinus pour amener sur le champ de bataille d’Ilion les Amazones ou les Éthiopiens.

La géographie de l’Asie Mineure est même très imparfaitement connue de nos jours[1], et les faits attestés relativement a ses anciennes divisions et à ses anciennes limites se rapportent presque entièrement aux périodes plus récentes de l’empire des Perses, ou aux temps qui suivirent la conquête macédonienne et même la conquête romaine. Les exposer comme elles étaient du temps de Crésus, roi de Lydia, avant l’arrivée du conquérant Cyrus, c’est une tâche dans laquelle nous trouvons peu de preuves pour nous servir de point d’appui. La grande chaîne de montagnes du Taurus, qui part du promontoire Chélidonien sur la côte méridionale rte la Lykia, et s’étend au nord-est aussi loin que l’Armenia, formait la ligne de frontières la plus connue pendant l’époque romaine. Mais Hérodote ne la mentionne pas une seule fois ; le fleuve Halys est à ses yeux la limite géographique la plus importants. Au nord du Taurus, sur les parties supérieures des fleuves Halys et Sangarios, était située la spacieuse et haute plaine centrale de P Asie Mineure. Au nord, à l’ouest et au sud de cette plaine centrale, la région est surtout montagneuse, à mesure qu’elle approche de toutes les trois mers, le Pont-Euxin, la mer Ægée et la mer de Pamphylia ; — elle l’est le plus sur les bords de cette dernière, où elle ne souffre pas de rivières dé long cours. Les montagnes Kadmos, Messôgis, Tmôlos s’étendent à l’ouest vers la mer 1Egée, laissant toutefois de vastes espaces de plaines et de longues vallées, de sorte que le Mæandros, le Kaïstros et l’Hermos ont chacun un cours d’une longueur considérable. La partie nord-ouest renferme les régions montagneuses de l’Ida, du Têmnos, et l’Olympos mysien, avec un grand mélange de terrains fertiles et productifs. Les contrées les plus élevées près du Pont-Euxin paraissent avoir été les plus boisées, — particulièrement Kytôros le Parthenios, le Sangarios, l’Halys et l’Iris sont tous des cours d’eau considérables coulant au nord vers cette mer. Néanmoins, les plaines parsemées dans ces nombreuses élévations étaient souvent de la plus grande fertilité ; et, en général, la péninsule de l’Asie-Mineure était considérée par les anciens comme très productive en grains, vin, fruits, bétail, et dalla beaucoup de parties, en huile, bien que la froide plaine centrale ne produisît pas l’olivier[2].

Le long des côtes occidentales de cette péninsule, où s’établirent les diverses bandes de Grecs émigrants, on nous parle de Pélasges, de Teukriens, de Mysiens, de Bithyniens, de Phrygiens, de Lydiens ou Mæoniens, de Kariens, de Lélèges. Plus loin à l’est sont les Lykiens, les Pisidiens, les Kilikiens, les Phrygiens, les Kappadokiens, les Paphlagoniens, les Mariandyniens, etc. Généralement parlant, nous pouvons dire que les Phrygiens, les Teukriens et les Mysiens paraissent dans la partie nord-ouest, entré le fleuve Hermas et la Propontis, — les Kariens et les Lélèges au sud du fleuve Macandros. — et les Lydiens dans la région centrale entre les deux. On trouve des Pélasges çà et là, vraisemblablement et dans la vallée de l’Hermos et dans celle du Kaïstros. Môme du temps d’Hérodote, il y avait des établissements Pélasges à Plakia et à Skylakô sur la Propontis, à l’ouest de Kyzikos ; et O. Müller voudrait rapporter les Pélasges tyrrhéniens à Tyrrha, ville de l’intérieur en Lydia ; d’oh il imagine (bien que sans beaucoup de probabilité) que dérive le nom Tyrrhénien.

Un fait important à faire remarquer, relativement aux peuples indigènes de l’Asie Mineure au premier début de cette histoire, c’est qu’ils n’étaient pas ‘réunis en royaumes ou confédérations considérables, ni même en cités vastes ou populeuses, — mais répartis en un grand nombre de petites tribus de peu d’importance, de manière à ne pas présenter de résistance écrasante aux corps successifs de Grecs émigrants, et à ne pas les menacer de dangers formidables. Il n’y a à cet état de choses qu’une exception, c’est la monarchie lydienne de Sardes, dont la force réelle commence avec Gygès et la dynastie des Merinnadæ, vers l’an 700 avant J.-C. Bien que la force croissante de ce royaume ait fiai par anéantir l’indépendance des Grecs en Asie, elle semble n’avoir nullement empêché leur développement, tel qu’il fut quand ils arrivèrent pour la première fois et pendant un long temps après. Il n’y avait non plus ni Kariens ni Mysiens liais sous un roi quelconque, de manière à avoir des facilités pour l’agression ou la conquête.

 :Lutant que nous pouvons le reconnaître par les chétives données qui nous possédons, il paraît que toutes les nations de l’Asie Mineure à l’ouest du fleuve Halys étaient, dans un sens étendu, alliées de race les unes aux autres, aussi bien qu’aux Thraces sur le côté européen du Bosphore et de l’Hellespont. A l’est de l’Halys habitait le peuple des Syro-Arabes ou de race sémitique, — Assyriens, Syriens et Kappadokiens, — aussi bien que Kilikiens, Pamphyliens et Solymi, le long de son cours supérieur et plus loin au sud jusqu’à la mer Pamphylienne. A l’ouest de l’Halys les langues n’étaient pas sémitiques, mais elles appartenaient à une famille totalement différente[3], — parentes, distinctes toutefois les unes des autres, et n’étant pas peut-être mutuellement intelligibles. Les Kariens, les Lydiens et les Mysiens reconnaissaient entre eux un certain degré de fraternité, attesté par des sacrifices religieux communs dans le temple de Zeus Karios à Mylasa[4]. Mais il n’est nullement certain que ces nations comprissent mutuellement la langue l’une de l’autre. Hérodote, qui nous fait connaître ces sacrifices communs, nous apprend en même temps que les Kauniens, à l’extrémité sud-ouest de la péninsule, n’y participaient pas, bien que parlant la même langue que les Kariens. Il ne semble pas, cependant, considérer l’identité ou la différence de langage comme une preuve d’affinité nationale.

Le long de la côte du Pont-Euxin, à partir du Bosphore de Thrace à l’est jusqu’au fleuve Halys, habitaient les Bithyniens ou Thyniens, les Mariandyniens et les Paphlagoniens, — toutes branches reconnues de la Thrace étendue au loin. On parle souvent des Bithyniens spécialement, dans la partie nord-ouest de ce territoire allant du Pont-Euxin jusqu’à la Propontis, comme étant des Thraces asiatiques, — tandis que de l’autre côté diverses tribus parmi les Thraces d’Europe sont dénommées Thyni ou Thyniens[5] ; tant il y avait peu de différence dans la population des deux côtés du Bosphore, également brave, adonnée au pillage et sanguinaire. Les Bithyniens d’Asie sont aussi quelquefois appelés Békrykiens, nom sous lequel ils s’étendent au sud jusqu’au golfe de Kios dans la Propontis[6]. Ici ils sont en contact avec les Mygdoniens, les Mysiens et les Phrygiens. Le long de la côte méridionale de la Propontis, entre les rivières Rhyndakos et Æsêpos, dans un voisinage immédiat avec la puissante colonie grecque de Kyzikos, paraissent les Doliones ; ensuite, des Pélasges à Plakia et à Skylakê ; puis encore, le long de la côte de l’Hellespont, près d’Abydos et de Lampsakos, et occupant une portion de la Troade, nous trouvons mentionnés d’autres Bébrykiens[7]. Dans l’intérieur de la Troade, c’est-à-dire dans la région de l’Ida, sont des Teukriens et des Mysiens. Ces derniers semblent atteindre au sud Pergamos et la région du mont Sipylos, et à l’est la contrée montagneuse appelée l’Olympos Mysien, au sud du lac Askanios, près duquel ils rejoignent les Phrygiens[8].

Autant qu’on peut se former une opinion positive quelconque relativement à des nations sur lesquelles nous savons si peu de chose, il semblerait que les Mysiens et les Phrygiens sont une sorte de lien d’union entre les Lydiens et les Kariens, d’un côté, et les Thraces (européens aussi bien qu’asiatiques), de l’autre, — affinité ethnique éloignée régnant dans le tout. — On parle d’anciennes migrations dans les deux directions à travers l’Hellespont et le Bosphore de Thrace. Quelques-uns pensaient que des Phrygiens, des Mysiens et des Thraces avaient émigré d’Europe en Asie ; et l’historien lydien Xanthus rapportait l’arrivée des Phrygiens à une époque postérieure à la guerre de Troie[9]. D’un autre côté, Hérodote parle d’un vaste corps de Teukriens et de Mysiens qui, avant la guerre de Troie, avaient franchi le détroit pour passer d’Asie en Europe, chassé un grand nombre de Thraces européens de leurs demeures, traversé le Strymôn et les rivières de Macedonia, et pénétré au sud jusqu’au fleuve Peneios en Thessalia, — et à l’ouest jusqu’au golfe Ionien. Cette émigration teukro-mysienne (nous dit-il) amena deux conséquences : d’abord l’établissement près du fleuve Strymôn des Pæoniens, qui s’appelaient colons teukriens[10] ; en second lieu, le passage en Asie d’un grand nombre de tribus de Thraces dépossédés, se rendant du voisinage du Strymon dans la région nord-ouest de l’Asie Mineure, qui formèrent le peuple bithynien, ou peuple thrace asiatique. Quelques-uns supposent que les Phrygiens aussi ont occupé, dans l’origine, une terre en Europe sur les frontières de la Macedonia, près du mont Bermion couvert de neige, époque à laquelle ils s’appelaient Briges, — nom appellatif dans la langue lydienne équivalant à hommes libres ou Francs[11] ; tandis que les Mysiens vinrent, dit-on, des parties nord-est de la Thrace européenne, au sud du Danube, connue pendant l’empire romain sous le nom de Mœsia[12]. Mais quant aux Mysiens, il y avait encore un autre récit, suivant lequel ils étaient représentés comme colons émanant des Lydiens, colons renvoyés d’après le système qui consistait à vouer par un voeu solennel un dixième des habitants, choisis par le sort, à chercher des établissements ailleurs, ce qui se présente assez fréquemment dans les récits d’anciennes émigrations, comme la conséquence d’une détresse ou d’une famine. Et à l’appui de cette dernière opinion venait le caractère de la langue mysienne, à demi lydienne et à demi phrygienne, dont l’historien lydien Xanthus et Ménékrate d’Elæa[13] (qui énonçaient cette opinion) doivent avoir été des juges très compétents.

De ces récits de deux courants d’ancienne migration à travers l’Hellespont et le Bosphore, tout ce que nous pouvons conclure avec quelque certitude, c’est un certain degré d’affinité dans la population de la Thrace et de l’Asie Mineure, — particulièrement visible dans le cas des Phrygiens et des Mysiens. Le nom et les légendes du héros phrygien Aidas se rattachent à différentes villes dans toute la région étendue de la Phrygia asiatique, — Kelænae, Pessinous (Pessinonte), Ankyra[14], Gordion ; — aussi bien qu’au voisinage du mont Bermion en Macedonia. L’aventure par laquelle Midas s’empara de Silène, en mêlant du vin à la source où il buvait, était adaptée à cette localité aussi bien qu’à la ville de Thymbrion, presque à l’extrémité orientale de la Phrygia asiatique[15]. Le nom de Mygdonia et le héros éponyme Mygdôn appartiennent autant au territoire européen, près du fleure Axios (dans la suite faisant partie de la Macedonia), qu’à la côte asiatique de la Propontis orientale, entre Kios et le fleuve Rhyndakos[16]. Otreus et Mygdôn sont les chefs des Phrygiens dans l’Iliade ; et la rivière Odrysês, qui traversait le territoire des Mygdoniens asiatiques pour se jeter dans le Rhyndakos, donne un autre exemple d’homonymie avec les Thraces Odrysiens[17] en Europe. Et de même que ces coïncidences de noms et de légendes nous conduisent à l’idée d’analogie et d’affinité entre les Thraces et les Phrygiens, de même nous trouvons Archiloque, le plus ancien poète que nous ayons, qui les mentionne comme contemporains, les réunissant dans la même comparaison[18]. Cet ancien poète ïambique de Paros semble avoir trouvé dans la population des deux côtés de l’Hellespont une similitude de traits et de coutumes.

Déterminer avec exactitude l’étendue et la condition de ces nations asiatiques pendant les premiers jours de l’établissement des Grecs parmi eux, est chose impraticable. Le problème ne pouvait pas être résolu même par les géographes de l’antiquité, avec leurs moyens supérieurs de connaissance. L’ancienne distribution indigène de la population phrygienne nous est inconnue ; car même la division en grande et en petite Phrygia appartient à une période au moins postérieure à la conquête des Perses (comme la plupart des divisions reconnues de l’Asie-Mineure), et elle ne sert qu’à égarer, si on l’applique à la période antérieure à Crésus. Il parait que le nom de Phrygiens, comme celui de Thraces, était une désignation générique, et comprenait des tribus ou communautés séparées, ayant aussi des noms spéciaux qui leur étaient propres. Nous retrouvons des Phrygiens à de vastes distances : sur la rive occidentale du fleuve Halys, — à Kelenæ, dans l’intérieur de l’Asie Mineure, sur le cours supérieur du fleuve Mæandros, — et sur la côte de la Propontis, prés de Chios. Dans ces deux dernières localités, il y a un lac salé appelé Askanios, qui est le nom à la fois du chef des alliés phrygiens de Troie et du pays d’où il est dit dans l’Iliade qu’ils sont venus[19]. Ils occupent ainsi un territoire borné au sud, par les montagnes Pisidiennes, — à l’ouest par les Lydiens (comme l’indique une colonne terminale élevée par Crésus à Kydrara)[20], — à l’est par le fleuve Halys, de l’autre côté duquel étaient des Kappadokiens ou Syriens, — au nord par des Paphlagoniens et des Mariandymens. Mais il semble en outre qu’ils ont dû s’étendre plus loin à l’ouest, de manière à occuper une grande partie de la région du mont Ida et de la Troade. Car Apollodore pensait que et les Doliones et les Bébrykiens étaient compris dans le grand nom Phrygien[21], et même dans l’ancien poème appelé Phorônis (qui ne peut guère être placé plus bas que 600 avant J.-C.), les Daktyles du motet Ida, les grands inventeurs de la métallurgie, sont expressément nommés Phrygiens[22]. L’usage où étaient les poètes tragiques attiques d’appeler Phrygiens les habitants de la Troade n’implique pas nécessairement une translation d’habitants, mais un emploi du nom général, comme mieux connu de l’auditoire auquel ils s’adressaient, de préférence à un nom spécial moins notoire, — précisément comme les habitants de la Bithynia pouvaient être désignés soit comme Bithyniens, soit comme Thraces asiatiques.

Si — comme le langage d’Hérodote et d’Éphore[23] semblerait, l’impliquer — nous supposons que les Phrygiens étaient à une distance considérable de la côte et habitaient seulement à l’intérieur, nous aurons de la peine à nous expliquer comment ou en quel lieu les anciens colons grecs finirent par être tant influencés par eux ; tandis que la supposition que les tribus occupant la Troade et la région de l’Ida étaient phrygiennes éclaircit ce point. Et il est incontestable que et les Phrygiens et les Lydiens, non seulement modifièrent les manifestations religieuses des Grecs asiatiques, et par eux celles du monde grec en général, — mais encore aidèrent d’une manière importante à la première création de l’échelle musicale grecque. C’est ce que prouvent les dénominations de la gamme.

Trois modes musicaux primitifs furent employés par les poètes grecs, à l’époque, la plus reculée sur laquelle des auteurs plus récents ont pu trouver quelques renseignements ; — le lydien, qui était le plus aigu, — le dorien, qui était le plus grave, — et le phrygien, intermédiaire entré les deux ; la note la plus élevée du lydien étant plus faute d’un ton, celle du dorien d’un ton plus basse que la noté la plus élevée (le la gamme phrygienne[24]. Telles étaient les trois gammes ou modes, renfermant chacune un tétracorde, sur lesquelles travaillèrent les plus anciens maîtres grecs : beaucoup d’autres gammes, tant plus élevées que plus basses, furent ajoutées dans la suite. Il paraît ainsi que la plus ancienne musique grecque fut, dans une large mesure, empruntée de la Phrygia et de la Lydia. En songeant qu’au huitième et au septième siècle avant l’ère chrétienne, la musique et lit poésie unies (souvent aussi avec la danse et le geste rythmique) étaient la seule manifestation intellectuelle connue chez les Grecs, et de plus que, dans la pensée de tous les écrivains de l’antiquité, chaque mode musical avait ses influences particulières propres à émouvoir, modifiait puissamment les dispositions des auditeurs, et se rattachait intimement au culte national, — nous verrons que cette transmission des modes musicaux suppose beaucoup et de communications et d’échanges entre les Grecs asiatiques et la population indigène du continent. — Or, le fait de communication entre les Grecs ioniens et les Grecs æoliens, et leurs voisins orientaux, les Lydiens, est aisé u comprendre en général, bien’ que nous n ayons pas de détails quant à la manière dont elle s’effectua. liais nous ne voyons pas distinctement dans quels lieux les Grecs se trouvèrent si souvent en contact avec les Phrygiens, si ce n’est dans la région de l’Ida, dans la Troade et sur la côte méridionale de la Propontis. C’est à cette région qu’appartenaient ces anciens musiciens phrygiens (sous les noms héroïques d’Olympos, de Hyagnis, de Marsyas) auxquels les Grecs faisaient des emprunts[25]. Et nous pouvons faire remarquer que l’analogie entre les Thraces et les Phrygiens semble en partie être vraie, par rapport et à la musique et à la religion ; puisque le vieux mythe dans l’Iliade, où le barde thrace Thamyris, luttant témérairement pour le chant avec les Muses, est vaincu, frappé de cécité et dépouillé de son talent, semble être le prototype de l’histoire tout à fait semblable relative à la lutte d’Apollon avec le phrygien Marsyas[26], — la cithare contre la flûte ; tandis que le Phrygien Midas est de plus caractérisé comme le disciple religieux du Thrace Orpheus.

Dans le chapitre relatif à la légende de Troie[27], j’ai déjà fait mention de l’ancienne fusion des Grecs æoliens avec la population indigène de la Troade. C’est sans doute de là que passa aux compositeurs grecs la musique phrygienne avec la flûte pour instrument, — employée dans les rites orgiastiques et le culte de la Grande Mère sur le mont Ida, sur l’Olympos mysien, et dans d’autres régions montagneuses du pays, et même dans la cité grecque de Lampsakos[28]. Son introduction coïncide avec les plus anciens faits relatifs à la musique grecque, et doit avoir été effectuée pendant le premier siècle des Olympiades constatées. Dans les poèmes homériques il n’y est fait aucune allusion ; mais elle peut vraisemblablement avoir contribué à stimuler ce développement de composition lyrique et élégiaque qui arriva à sa maturité chez les Æoliens et les Ioniens post-homériques, jusqu’à remplacer graduellement l’ancienne épopée. On trouvera un autre exemple de la fusion des Phrygiens avec les Grecs dans les cérémonies religieuses de Kyzikos, de Kios et de Prusa, sur la côte occidentale et sur la coite sud-est de la Propontis. Dans la première de ces trois villes, le culte de la Grande Mère des Dieux était célébré avec beaucoup de solennité sur la colline de Dindymon, portant le même nom que cette colline de l’intérieur, près de Pessinous, d’où Cybêlê tirait son principal surnom de Dindymênê[29], L’analogie entre les pratiques religieuses krêtoises et phrygiennes a été souvent signalée, et l’on confond assez fréquemment le mont Ida en Krête et la montagne du même nom dans la Troade ; tandis que les Teukriens de Gergis dans la Troade, — qui n’étaient pas encore hellénisés, même à l’époque de l’invasion des Perses, et qui, selon l’assertion du poète élégiaque Kallinus, étaient des immigrants venus de Krête, — s’ils n’étaient pas réellement Phrygiens, différaient si peu de ce peuple que les poètes leur en donnaient le nom.

Hérodote célèbre les Phrygiens pour l’abondance et de leurs troupeaux et de leurs produits agricoles[30]. L’excellente laine pour laquelle Milêtos fut toujours renommée venait en partie de la vallée supérieure du fleuve Mæandros, qu’ils habitaient. Il les oppose sous ce rapport aux Lydiens, chez lesquels les attributs et les qualités de personnes habitant des villes sont particulièrement exposés à nos yeux : beaucoup d’or et d’argent, commerce de détail, jeux indigènes, impudicité des jeunes femmes, combinés toutefois avec de l’économie et de l’industrie[31]. Le fromage et les provisions salées de Phrygia, — les onguents lydiens[32], les tapis et les souliers de couleur, — acquirent de la réputation. Les Phrygiens et les Lydiens sont également mentionnés par des auteurs grecs postérieurs à l’établissement de l’empire des Perses comme un peuple timide, soumis, industrieux et utile comme esclaves, — attribut qui n’est pas assigné aux Mysiens[33], représentés habituellement comme de braves et hardis montagnards, difficiles à tenir assujettis` : il n’est pas même vrai non plus relativement aux Lydiens, dans les temps plus anciens antérieurs au renversement complet de Crésus par Cyrus ; car ils étaient estimés alors pour leur valeur à la guerre. Le caractère différent de ces deux peuples asiatiques n’était pas non plus encore effacé même dans le second siècle de l’ère chrétienne ; car les mêmes Mysiens, qui du temps d’Hérodote et de Xénophon donnaient tant de peine aux satrapes perses, sont représentés par le rhéteur Aristide comme s’emparant de son bien à Laneion près d’Hadriani et le pillant, — tandis qu’au contraire il mentionne les Phrygiens comme venant habituellement de l’intérieur vers les pays des côtes pour se livrer au travail de la cueillette de l’olive[34]. Pendant l’époque de l’autonomie et de la suprématie de la Grèce, au cinquième siècle avant J.-C., l’idée d’un Phrygien ou d’un Lydien était associée dans l’esprit grec à des idées de mépris et de servitude[35], auxquelles incontestablement ces Asiatiques finirent par se faire, puisque, sous l’empire romain, ils avaient l’habitude de vendre leurs propres enfants comme esclaves[36], — coutume certainement fort rare chez les Grecs, même lorsque, eux aussi, ils avaient fini par être confondus dans la masse des sujets de Rome impériale. Mais nous pouvons à lion droit supposer que cette association de mépris au nom d’un Phrygien ou d’un Lydien ne régnait pas pendant l’ancienne période de l’établissement des Grecs en Asie, ou même du temps d’Alkman, de Mimnerme ou de Sappho, jusqu’à l’an 600 av. J.-C. Nous en trouvons pour la première fois une preuve dans un fragment d’Hippônax. Elle commença avec la soumission de l’Asie Mineure en général, d’abord sous Crésus[37] et ensuite sous Cyrus, et avec le sentiment d’orgueil comparatif qui se développa dans la suite dans l’esprit des Grecs européens. Les tribus phrygiennes indigènes le long de la Propontis, avec lesquelles les colons grecs furent en contact, — les Bébrykiens, les Doliones, les Mygdoniens, etc., — semblent avoir été adonnées à l’agriculture, à l’élevage du bétail et des chevaux ; cependant plus ardentes et plus belliqueuses que les Phrygiens de l’intérieur, autant du moins qu’on peut le reconnaître par leurs légendes, Le brutal mais gigantesque Amykos, fils de Poseidôn, chef des Bébrykiens, avec lequel Pollux lutte au pugilat, — et son frère Mygdôn, auquel est opposé Hêraklês, — sont des échantillons d’un peuple que les poètes grecs considéraient comme féroce et non soumis[38] ; tandis que la célébrité des chevaux d’Erichthonios, de Laomedôn et d’Asios d’Arisbê, dans l’Iliade, montre que l’élevage des chevaux était un attribut distinctif de la région de l’Ida, non moins dans l’esprit d’Homère que dans celui de Virgile[39].

Selon la légende de la ville phrygienne de Gordion sur la rivière Sangarios, le premier roi phrygien Gordios était dans l’origine un pauvre laboureur : un jour qu’il labourait son champ, un aigle se percha et resta sur le joug de son attelage. Étonné de ce prodige, il consulta les augures Telmisséens pour en savoir le sens, quand une jeune fille de race prophétique lui apprit que le royaume était destiné à sa famille. Il l’épousa, et le fruit de cette union fut Midas. Une sédition ayant éclaté dans la suite chez les Phrygiens, un oracle leur ordonna, comme seul moyen de tranquillité, de se choisir pour roi l’homme qu’ils verraient d’abord approcher dans un chariot. Il se trouva que Gordios et Midas venaient alors à la ville dans leur voiture, et la couronne leur fut décernée. Leur chariot, consacré dans. la citadelle de Gordion à Zeus Basileus, devint célèbre par le nœud indissoluble qui attachait le joug, et par la manière dont il fut tranché dans la suite par l’épée d’Alexandre le Grand. L’empire de l’Asie était assuré à celui qui pourrait, dénouer le noeud, et Alexandre fut le premier dont le glaive remplit à la fois la condition et réalisa la prophétie[40].

Nous ne pouvons faire aucun usage dans des vues historiques de ces noms et de ces contes phrygiens légendaires. Nous ne savons rien d’aucun roi phrygien pendant les temps historiques ; mais Hérodote nous parie d’uni certain Midas, fila de Gordios, roi de Phrygia, et premier souverain étranger qui elle jamais envoyé des offrandes au temple de Delphes avant Gygès de Lydia. Ce Midas dédia au dieu de Delphes le trône sur lequel il avait l’habitude de s’asseoir pour rendre la justice. Des chronologistes ont rapporté l’incident à un roi phrygien Midas placé par Eusèbe dans la dixième Olympiade, — supposition que nous n’avons pas le moyen de vérifier[41]. Il a pu exister réellement un Midas, roi de Gordion ; mais qu’il y ait eu jamais une grande monarchie phrygienne unie, nous n’avons pas la moindre raison qui -nous le fasse supposer. Le nom de Gordios fils de Midas paraît encore dans la légende de Crésus et de Solôn, racontée par Hérodote, comme faisant partie de la généalogie de l’infortune prince Adrastos : ici aussi il semble représenter un être légendaire plutôt qu’une personne réelle[42].

Je parlerai des Lydiens dans le chapitre suivant.

 

 

 



[1] Pour la géographie générale de l’Asie Mineure, v. Albert Forbiger, Handbuch der Alt. Geogr., part. II, sect. 61, et un instructif petit traité, Fünf Inschriften und fünf Staedte in Klein Asien, par Franz et Kiepert, Berlin, 1840, avec une carte de Phrygia annexée. Ce dernier traité est particulièrement précieux en ce qu’il nous montre combien il reste encore à établir ; c’est assez souvent l’usage pour les, compilateurs de manuels géographiques de faire parade de connaissances complètes, et de déguiser l’imperfection de lents données, Ils n’ont pas non plus toujours présente la nécessité de distinguer entre les noms et les divisions des territoires aux différentes époques.

[2] Cicéron, Pro Lege Maniliâ, c. 6 ; Strabon, XII, p. 572 ; Hérodote, V, 32. V. l’exposé instructif de la propagation et de la culture de l’olivier, dans Ritter, Erdkunde, West-Asien, b. III, Abtheilung III ; Abschn. I, sect. 50, p. 522-537.

[3] Hérodote, I, 72 ; Heeren, Ideen ueber den Verkehr der Alten Welt, part. I, Abth. sect., p. 142-145. On peut faire remarquer, cependant, que les Arméniens, à l’est de l’Halis, sont considérés par Hérodote comme des colons venus de Phrygia (VII, 73) ; Étienne de Byzance dit la même chose, v. Άρμενία, ajoutant aussi καί τή φωνή πολλά φρυγίζουσι. Les recherches plus soigneuses de linguistes modernes, après beaucoup d’assertions dénuées de fondement avancées par ceux qui les précédaient,ont démontré que la langue arménienne appartient dans sa structure à la famille indo-germanique, et est essentiellement distincte de la famille sémitique ; V. Ritter, Erdkunde, West-Asien, b. III, Abth. III ; Abschn. I, 5, 36, p. 577, 582. Hérodote fait rarement attention à la langue parlée, il ne le fait pas non plus dans cette occasion, quand il parle du fleuve Halys comme d’une limite.

[4] Hérodote, I, 170, 171.

[5] Strabon, VII, p. 295-303 ; XII, p. 542, 564, 565, 572 ; Hérodote, I, 28 ; VII, 74, 75 ; Xénophon, Helléniques, 1, 3, 2 ; Anabase, VII, 2, 129-32. Manuert, Geographie der Gr. und Roemer, b. VIII, c. 2, p. 403.

[6] Denys Periegêt., 805 ; Apollodore, 1, 9, 20. Théocrite place les Béhrykiens sur la côte du Pont-Euxin. Idylle XXII, 29 ; Syncelle, p. 340, Bonn. Le récit dans Appien, Bell. Mithrid., init., est un singulier spécimen d’imagination grecque ou du désir de rattacher les antiquités d’une nation à la guerre de Troie. Les Grecs qu’il suivait attribuaient l’origine des Bithyniens aux Thraces compagnons de Rhêsos, qui s’enfuirent de Troie après que ce dernier eût été tué par Diomêdês ; Dolonkos, éponyme des Thraces de la Chersonèse, est appelé frère de Bithynos (Steph. Byz., ΔόλογκοςΒιθυνία).

Le nom Μυριαν-δυνοί, comme Βιθυνοί, peut probablement être une extension ou un composé du nom primitif Θυνοί ; peut-être aussi Βέβρυκες est-il dans le même rapport avec Βριγές ou Φρυγές. Hellanicus écrivait Θύμβριον, Δύμβριον (Steph. Byz., ad v.).

Kios est mysienne dans Hérodote, V, 121 : suivant Skylax, la côte depuis le golfe d’Astakos jusqu’à celle de Kios est Mysia (c. 93).

[7] Charon de Lampsakos, Fragm. 7, éd. Didot. Strabon, XIII, p. 586 ; Conon, Narr., 12 ; Denys d’Halicarnasse, I, 54.

[8] Hécatée, Fragm. 204, éd. Didot ; Apollodore, I, 9, 18 ; Strabon, XII, p. 564-575.

[9] Xanthus, Fragm. 5, éd. Didot.

[10] Hérodote, VII, 20-75.

[11] Strabon, VII, p. 29.5 ; XII, p. 550 ; Hérodote, VII, 73 ; Hesychius, v. Βρίγα.

[12] Strabon, VII, p, 295 ; XII, p. 542, 564-571, où il cite le géographe Artemidôros ; dans le passage de l’Iliade (XIII, 5), les Μυσοί άγχέμαχοι semblent être conçus pas le poète comme habitant la Thrace européenne ; mais Apollodore ne semble pas avoir expliqué ainsi le passage. Niebuhr (Kleine Schriften, p. 370) s’exprime avec plus de confiance que les preuves ne le permettent.

[13] Strabon, XII, p. 572 ; Hérodote, VII, 74.

[14] Diodore, III, 59 ; Arrien, II, 3, 1 ; Quinte-Curce, III, 1, 12 ; Athénée, X, p. 415. Nous pouvons aussi mentionner la ville de Κοτυάειον, près de Μιδάειον en Phrygia, comme se rattachant au nom de la déesse thrace Kotys (Strabon, X, p. 470 ; XII, p. 576).

[15] Hérodote, VIII, 138 ; Théopompe, Fragm. 74, 75, 76. Didot (il introduisit un long dialogue entre Midas et Silène) ; — Denys d’Halicarnasse, Vet. Script. Censur., p. 70 ; Theon, Progymn., c. 2) ; Strabon, XIV, p. 680 ; Xénophon, Anabase, I, 2, 13.

[16] Strabon, XII, p. 575, 576 ; Steph. Byz., Μυγδονιοι ; Thucydide, II, 99. Il est difficile de concevoir le territoire Mygdonia et les Myadoniens, dans la lointaine région de la Mésopotamia, à l’est de la rivière Chaboras (Plutarque, Lucullus, 32 ; Polybe, V, 51 ; Xénophon, Anabase, IV, 3, 4), puisqu’il est surprenant de trouver une branche de ces Asiatiques plus occidentaux au milieu de la population syro-arabe. Strabon (XV, p. 747) suppose avec raison qu’elle date seulement des temps de la conquête de l’Asie parles Macédoniens, ce qui à la vérité serait réfuté par la mention du nom dans Xénophon ; mais cette leçon du texte de Xénophon est rejetée par les meilleurs éditeurs modernes, vu que plusieurs Mss. ont Μαρδόνιοι au lieu de Μυγδόνιοι. V. Forbiger, Handbuch der Alten Geographie, part. II, sect. 98, p. 628.

[17] Iliade, III, 188 ; Strabon, XII, p. 551. La ville d’Otrœa, dont Otreus semble être l’éponyme, était située en Phrygia, sur les frontières mêmes de la Bithynia (Strabon, XII, p. 566).

[18] Archiloque, Fragm. 28 ; Schneidewin, 26 Gaisf.

Le passage est trop altéré pour autoriser une conclusion quelconque, excepté l’étroit rapprochement que fait le poète entre Thraces et Phrygiens. La phrase αύλώ βρΰτον βρύζειν doit probablement être expliquée par l’Anabasis de Xénophon (IV, 5, 27), où il décrit les soldats grecs à demi morts de faim se rafraîchissant dans les villages arméniens. Ils y trouvaient de grands bols pleins de vin d’orge ou bière, avec les grains d’orge flottant dans le liquide. Ils y buvaient au moyen de longs chalumeaux ou pailles sans nœuds qu’ils trouvaient mis là dans ce but exprès.

[19] Iliade, II, 873 ; XIII, 792 ; Arrien, I, 29 ; Hérodote, VII, 30. La frontière des Phrygiens au sud du côté des Pisidiens, et à l’ouest aussi bien qu’au nord-ouest du côté des Lydiens et des Mysiens, n’a,jamais pu être tracée distinctement (Strabon, XII, p. 564, 576,628) ; la région volcanique appelée Katakekanmenê est rapportée du temps de Xénophon à la Mysia (Anabase, I, 2, 10) ; cf. les remarques de Kiepert dans le traité cité plus haut, Fünf Inschriften und fünf Staedte, p. 27.

[20] Hérodote, I, 72 ; VII, 30.

[21] Strabon, XIV, p. 678 ; cf. VIII, p. 586.

La légende fait de Doliôn le filsde Silène, qui se rattache ainsi beaucoup au Phrygien Midas (Alexand. Ætôlus, ap. Strabon, XIV, p. 681).

[22] Phorônis, Fragm. 5, éd. Düntzer, p. 57.

[23] Éphore, ap. Strabon, XIV, p. 678 ; Hérodote, V, 49.

[24] V. la savante et importante dissertation de Bœckh, De Metris Pindari, III, 8, p. 235-239.

[25] Plutarque, De Musicâ, c. 5, 7, p. 1132 ; Aristoxène, ap. Athenæ, XIV, p. 624 ; Alkman, Fragm. 104, éd. Bergk.

Aristoxène semble avoir considérer le Phrygien Olympos comme le grand génie inventif qui donne l’élan à la musique grecque (Plutarque, ibid., p. 1135-1141) ; sa musique était employée presque entièrement pour des hymnes adressés aux dieux, pour le culte religieux, pour les Mêtrôa ou cérémonies en l’honneur de la Grande Mère (p. 1140). Cf. Clément d’Alexandrie, Stromates, I, p. 306.

Μαρσύας a peut-être son étymologie dans la langue karienne ou lydienne. Σούας était en karien équivalant à τάφος. Steph. Byz., v. Σουαγέλα) ; Μά était un des divers noms de Rhea (Steph. Byz., v. Μάσταυρα). Un Grec Æolien aurait écrit ce mot Μάρσούας.

Marsyas est représenté par Telestês l’auteur de dithyrambes comme un satyre, fils d’une nymphe, Telestês, ap. Athenæ, XIV, p. 617.

[26] Xénophon, Anabase, I, 2, 8 ; Homère, Iliade, II, 59.5 ; Strabon, XII, p. 578 ; ce dernier rattache Olympos à Kelenæ, aussi bien que Marsyas. Justin, XI, 7 : Mida, qui ab Orpheo sacrorum solemnibus, institutus, Phrygiam religionibus implevit.

Les monnaies de Midaeion, de Kadi et de Prynmêssos, dans la partie plus septentrionale de la Phrygia, portent l’empreinte du héros phrygien Midas (Eckhel, Doctrina nummorum, vol. III, p. 143-168).

[27] V. vol. II, c. I.

[28] Le fragment d’Hippônax, mentionnant un eunuque de Lampsakos, riche et bien nourri, nous révèle les habitudes, et probablement un culte, asiatiques, dans cette ville (Fragment 26, éd. Bergk).

[29] Strabon, XII, p. 56I-575 ; Hérodote, IV, 76.

[30] Hérodote, V, 49.

[31] Hérodote, I, 93, 94.

[32] Τάριχος Φρύγιον (Eupolis, Marik., Fr. 23, p. 506, Meineke) — Τυρός, Athenæ, XII, 516 — ίσχάδες, Alexis ap. Athenæ. III, 75 : quelques Phrygiens cependant n’avaient jamais vu de figuier (Cicéron, pro Flacco, c. 17).

Tapis de Sardes (Athenæ, V, 197) Φοινικίδες Σαρδιανικαί (Plato, Comicus ap. Athenæ, II, 48) ; Άεί φιλόμυρον τάν τό Σάρδεων γένος (Alexis ap. Athenæ, XV, p. 69 1, et encore ibid., p. 690) ; Πόδας δέ Ποίκιλος μάσθλης έκάλυπτε Αύδιον καλόν έργον (Sappho, Fragm. 54, éd. Schneidewin ; Schol. Aristophane, Pac., 1174).

[33] Xénophon, Anabase, 1, 6, 7 ; III, 2, 23 ; Memorab., III, 5, 26 ; Eschyle, Pers., 40.

[34] Aristide, Orat. XXVI, p. 346. Le λόφος Άτυος était tout près de ce Laneion, ce qui montre l’identité des noms religieux dans toute la Lydia et la Mysia (Or. XXV, p. 318). Au sujet des Phrygiens, Aristide, Orat. 46, p. 308.

Le lecteur est peu récompensé de la prolixité déclamatoire d’Aristide, si ce n’est par ces preuves précieuses de coutumes existantes qui se rencontrent par occasion.

[35] Hermippus, ap. Athenæ, I, p. 27. Άνδράποδ̕ έκ Φρυγίας, etc., le mot attribué à Socrate dans Elien, V. H., X. 14 ; Euripide, Alceste, 691 ; Xénophon, Agésilas, I, 21 ; Strabon, VII, p. 304 ; Polybe, IV, 38. Les Thraces vendaient leurs enfants comme esclaves (Hérodote, V, 6), comme les Circassiens le font actuellement (Clarlce’s Travels, vol. I, p. 378).

Δειλότερος λάγω Φρυγός était un proverbe grec (Strabon, I, p. 36 : cf. Cicéron, pro Flacco, c. 27).

[36] Philostrate, Vit. Apollonius, VIII, 7, 12, p q46. Les marchands d’esclaves semblent avoir visité la Thessalia, et avoir acheté des esclaves à Pagasæ. C’étaient, soit des Penestæ vendus par leurs maîtres hors du pays, soit peut-être des hommes non Grecs obtenus des habitants des frontières et amenés dans l’intérieur (Aristophane, Plutus, 521 ; Hermippus, ap. Athenæ, I, p. 27.

[37] Les esclaves phrygiens semblent avoir été nombreux à Milêtos du temps d’Hippônax, Fragm. 36, éd. Bergk.

[38] Théocrite, Idylle XXII, 47-133 ; Apollon. Rhod., I, 937-954 ; II, 5-140 ; Valerius Flaccus, IV, 100 ; Apollodore, II, 5, 9.

[39] Iliade, II, 138 ; XII, 97 ; XX, 219 ; Virgile, Géorgiques, III, 270 : Illas ducit amor (equas) trans Gargara, transque Ascanium, etc.

Klausen (Æneas und die Penaten, vol. I, p. 52-56, 102-107) a réuni avec une brande érudition toutes les indications légendaires relatives à ces régions.

[40] Arrien, II, 3 ; Justin, XI, 7. Suivant un autre récit, Midas était fils de la Grande Mère elle-même (Plutarque, César, 9 ; Hygin, fab. 191).

[41] Hérodote, I, 11, avec une note de Wesseling.

[42] Hérodote, I, 34.