TROISIÈME VOLUME
Le territoire indiqué dans le dernier chapitre, au sud du mont Olympos, et au sud de la ligne qui rattache la ville d’Ambrakia au mont Pindos, était occupé pendant la période historique par le tronc central des Hellènes ou Grecs, d’où sortirent en se ramifiant leurs nombreuses colonies avancées. Les habitants des métropoles et les colons s’appelaient
également Hellênes, et se reconnaissaient mutuellement comme tels : tous se
glorifiaient du nom comme du symbole saillant de la fraternité, tous
désignaient les hommes ou les cités non helléniques par un mot qui renfermait
en lui des idées de répugnance. Notre terme barbare, emprunté de ce dernier
mot, n’exprime pas la même idée ; car les Grecs parlaient ainsi
indistinctement du monde extra-hellénique avec tous ses habitants[1], quels que
pussent être la douceur de leur caractère et le degré de leur civilisation.
Les rois et le peuple de Tous les Hellênes avaient le même sang et la même extraction ; ils descendaient tous du patriarche commun Hellên. En nous occupant des Grecs historiques, il nous faut admettre ce fait comme une donnée : il représente le sentiment soles l’influence duquel ils vivaient et agissaient. Il est placé par Hérodote au premier rang, comme étant le principal de ces quatre liens qui attachaient l’agrégat hellénique : 1. Communauté de sang. 2. Communauté de langue. 3. Domiciles fixes des dieux et sacrifices communs à tous. 4. Ressemblance de mœurs et de dispositions. Ces principes — disent les Athéniens dans leur réponse aux, envoyés spartiates, au moment même de l’invasion des Perses — Athènes ne se déshonorera jamais en les trahissant. Et l’on reconnaissait Zeus Hellênios comme le dieu qui veillait sur la fraternité ainsi constituée et la fortifiait[4]. Hécatée, Hérodote et Thucydide[5] croyaient tous qu’il y avait en une période anté-hellénique, où se parlaient différentes langues, mutuellement inintelligibles, entre le mont Olympos et le cap Malea. Quoi qu’il en soit, pendant les temps historiques, la langue grecque fut universelle d’un bout à l’autre entre ces limites, se ramifiant toutefois eu, une grande variété de dialectes, que des savants firent plus tard entrer en gros dans les quatre classes suivantes : ionien, dôrien, æolien et attique. Mais cette classification présente une apparence de régularité qui, dans le fait, ne semble pas, avoir été réalisée, chaque ville, chaque subdivision plus petite du nom hellénique ayant des particularités de dialecte qui lui étaient propres. Or les lettrés qui formèrent la quadruple division s’occupèrent surtout, sinon exclusivement, des dialectes écrits, ceux qui avaient été ennoblis par les poètes ou autres auteurs ; les simples idiomes parlés furent négligés pour la plupart[6]. Nous savons par le témoignage incontestable d’Hérodote qu’il n’y avait pas qu’un seul dialecte ionien dans la langue du peuple appelé les Grecques Ioniens[7] ; cet historien nous dit qu’il y avait quatre variétés capitales de langage dans les douze villes asiatiques spécialement connues comme ioniennes. Naturellement les variétés auraient été beaucoup plus nombreuses s’il nous avait transmis les impressions que recevait son oreille en Eubœa, dans les Cyclades, à Massalia, à Rhegium et à Olbia, contrées qui toutes étaient regardées comme grecques et ioniennes. Le dialecte ionien des grammairiens était un extrait d’Homère, d’Hécatée, d’Hérodote, d’Hippocrate, etc. ; nous ne pouvons dire de quel langage vivant il se rapprochait le plus, au milieu de ces divergences que l’historien nous a, fait connaître. Sapphô et Alcée à Lesbos, Myrtis et Korinne en Bœôtia, étaient, les grandes sources de renseignements pour le dialecte lesbien et le dialecte bœôtien, variétés de l’æolien, dont il existait une troisième variété négligée par les poètes en Thessalia[8]. Il ne faut prendre que dans un sens vague et approximatif l’analogie, qui existe entre les différentes manifestations du. dialecte dôrien et de l’æolien, aussi bien qu’entre le dôrien en général et l’æolien en général, comparés avec le dialecte attique. Mais tous ces différents dialectes ne sont rien de plus que des dialectes distingués comme modifications d’une seule et même langue, et offrant la preuve de certaines lois et de certains principes qui les régissent tous. Il semble qu’on peut les faire remonter à une certaine langue mère idéale, particulière en elle-même et pouvant se distinguer du latin, bien qu’ayant avec lui des liens de parenté, - et membre indépendant de cette famille de langues qu’on a appelée indo-européennes. L’examen comparatif appliqué au sanscrit, au zend, au grec, au latin, à l’allemand et au lithuanien, aussi bien que l’analyse plus approfondie de la langue grecque elle-même que ces études ont provoquée, ont récemment fait ressortir cette vérité d’une manière beaucoup plus claire que n’auraient pu se l’imaginer les anciens eux-mêmes[9]. Lest inutile d’insister sur l’importance qu’avait cette
uniformité de langage pour maintenir l’union de la race, et pour rendre le génie
de ses membres les plus favorisés utile à la civilisation de tous. Excepté
dans les cas les plus rares, les- divergences de dialecte n’étaient pas
telles qu’elles pussent empêcher un Grec de comprendre un autre Grec et d’être
compris par- lui, fait remarquable quand nous considérons combien de leurs
colons éloignés, n’ayant pas emmené de femmes dans leur émigration, prenaient
des épouses non helléniques. Et la perfection et la popularité de leurs
anciens poèmes épiques étaient dans ce cas d’un prix inestimable pour
favoriser la diffusion d’un type commun de langue, et pour maintenir ainsi le
faisceau des sympathies du monde hellénique[10]. Le dialecte
homérique devint le type suivi par tous les poètes grecs pour l’hexamètre,
comme on peut le voir particulièrement par l’exemple d’Hésiode, qui l’adopte
en général, bien que son père fût né dans l’æolienne Kymê, et que lui-même résidât
à Askra, dans Cette communauté de sentiments religieux, de localités et
de sacrifices, qu’Hérodote nomme comme le troisième lien d’union entre les
Grecs, était un phénomène, non pas mêlé à leur constitution primitive, comme
la race et la langue, mais ayant acquis un développement graduel. Du temps d’Hérodote,
et même un siècle avant, il était dans sa complète maturité ; mais il y avait
eu une période où il n’existait pas d’assemblées religieuses communes à tout
le corps hellénique. Ce qu’on appelle les jeux Olympiques, Pythiens, Néméens
et Isthmiques — les quatre jeux les plus remarquables parmi une foule d’autres
analogues —, étaient en réalité de grandes fêtes religieuses, — car les dieux
donnaient alors à des réunions de plaisir leur sanction spéciale, leur nom,
et leur présence ; alors l’association la plus étroite régnait entre les
sentiments d’un culte commun et la sympathie née d’un amusement commun[11]. Bien que cette
association ne soit plus reconnue maintenant, néanmoins il est essentiel que
nous l’ayons entièrement devant les yeux, si nous voulons comprendre la vie
et les actions des Grecs. Pour Hérodote et ses contemporains, ces grandes
fêtes, fréquentées alors par une multitude d’hommes venus de toutes les
parties de Les jeux Olympiques, plus marquants que les jeux Pythiens aussi bien que considérablement plus anciens, sont remarquables aussi pour un autre motif, en tant, qu’ils fournirent aux calculateurs historiques le plus ancien souvenir de temps continu en remontant dans le passé. Ce fut dans l’année 776 av. J.-C. que les Eleiens inscrivirent le nom de leur compatriote Korœbos comme vainqueur dans la lutte de la course, et qu’ils instituèrent les premiers l’usage d’inscrire de la même manière, au retour de chaque année olympique ou cinquième année, le nom du coureur qui gagnât le prix. Cependant, même longtemps après ce fait, les jeux Olympiques semblent être restés une fête locale ; le prix étant uniformément obtenu, pendant les douze premières Olympiades, par quelque compétiteur soit d’Élis, soit de son voisinage immédiat. Les jeux Néméens et Isthmiques ne devinrent connus ou fréquentés que postérieurement aux jeux Pythiens. Solon[14], dans sa législation, annonçait la forte récompense de 500 drachmes pour tout Athénien qui gagnerait un prix olympique, et la somme moins élevée de 100 drachmes pour un prix isthmique. Il compte le premier pour une distinction et une gloire panhelléniques, ornement même pour la ville dont le vainqueur était membre, et le second comme partiel et limité au voisinage. Nous ne pouvons prendre sur nous de parler des
commencements de ces grandes solennités, si ce n’est d’une manière mythique ;
nous ne les connaissons qu’au moment de leur maturité relative. Mais l’habitude
de sacrifices en commun, sur une petite échelle et entre voisins rapprochés,
fait partie des plus anciennes coutumes de Parfois cette tendance à une fraternité religieuse prenait
une forme appelée amphiktyonie, différant de la fête commune. Un certain
nombre de villes entraient dans une association religieuse exclusive, pour la
célébration de sacrifices offerts périodiquement au dieu d’un temple
particulier, que l’on supposait être la propriété commune sous la protection
commune de tous, bien qu’une seule des villes fût chargée souvent de l’administration
permanente, tandis que les autres Grecs étaient exclus. Il a dû y avoir une
foule d’associations religieuses de cette sorte, qui n’ont jamais obtenu de
place dans l’histoire, parmi les anciens villages grecs ; c’est ce que nous
pouvons inférer de l’étymologie du mot — amphiktyons[17] veut dire
habitants des alentours, ou voisins, considérés sous le point de vue d’associés
religieux —, aussi que bien des indications qui nous ont été conservées
relativement à diverses parties du pays. Ainsi il y avait une amphiktyonie[18] de sept cités
dans l’île sainte de Kalauria, tout près du port de Trœzen. Hermionê,
Epidauros, Ægina, Athènes, Prasiæ, Nauplia et Orchomenos entretenaient
conjointement le temple et le sanctuaire de Poseidôn dans cette île — à
laquelle il semblait que la cité de Trœzên, bien que toute voisine, ne se
rattachait en rien — ; elles s’y réunissaient à des époques déterminées pour
offrir des sacrifices réguliers. Ces sept villes, il est vrai, n’étaient pas
dans un voisinage immédiat, mais on reconnaît le caractère spécial et
exclusif de l’intérêt que leur inspirait le temple, d’après ce fait que,
quand les Argiens prirent Nauplia, ils adoptèrent et remplirent ces
obligations religieuses à la place des premiers habitants : c’est ce que
firent aussi les Lacédœmoniens quand ils se furent emparés de Prasiæ. De
plus, en Triphylia[19], située entre Mais il y eut une de ces nombreuses Amphiktyonies qui,
bien qu’ayant eu les plus humbles débuts, se développa graduellement, prit un
caractère si compréhensif et acquit une prédominance si marquée sur le reste,
qu’elle fut appelée l’Assemblée Amphiktyonique, et que même quelques auteurs
la prirent par erreur pour une sorte de Diète hellénique fédérale. Douze
sous-races, du nombre total de celles qui composaient Voici quels étaient les douze membres qui constituaient ce
conseil : Thessaliens, Bœôtiens, Dôriens, Ioniens, Perrhæbiens, Magnêtes,
Lokriens, Œtæens, Achæens, Phokiens, Dolopes et Maliens[25]. Tous sont
comptés comme races — si nous regardons les Hellênes comme une race, nous
devons appeler ceux-là sous-races —, sans mention de villes[26] : tous sont
égaux sous le rapport du vote, deux votes étant donnés par les députés de
chacun des douze : de plus on nous dit que, pour déterminer les députés à envoyer,
ou pour la manière dont les rotes de chaque race devaient être donnés, les puissantes
villes d’Athènes, de Sparte et de Thêbes n’avaient pas plus d’influence que la
plus humble cité ionienne, dôrienne ou bœôtienne. Ce dernier fait est
distinctement énoncé par Eschine, envoyé lui-même è Delphes par Athènes en
qualité de Pylagore. Et il en était ainsi sans doute en théorie les votes des
races ioniennes ne comptaient pour ni plus ni moins que deux, fussent-ils
donnés par des députés venus d’Athènes, ou des petites villes d’Erythræ et de
Priênê ; et c’est de la même manière que les votes dôriens étaient aussi bons
dans la division, s’ils étaient donnés par des députés de Bœon et de
Kytinion, dans le petit territoire de Il y a encore d’autres preuves qui montrent la haute antiquit6 de cette convocation amphiktyonique. Eschine nous donne un extrait du serment qui avait été toujours exigé des députés sacrés qui y assistaient au nom de leurs races respectives, depuis son premier établissement, et qui continuait encore apparemment à être exigé de son temps. L’antique simplicité de ce serment et des conditions auxquelles les membres s’astreignaient trahit l’époque reculée de son origine, aussi bien que les humbles ressources des villes auxquelles on l’appliquait[27]. Nous ne détruirons aucune ville amphiktyonique ; — nous ne retrancherons à aucune ville amphiktyonique l’eau courante, telles sont les cieux obligations saillantes qu’Eschine spécifie dans cet ancien serment. La seconde nous reporte en arrière à l’état de société le plus simple, et à des villes de la plus petite dimension, dans le temps où les jeunes filles sortaient avec leurs seaux pour puiser de l’eau à la source, comme les filles de Keleos à Éleusis, ou à l’époque où celles d’Athènes allaient puiser à la fontaine Kallirhoê[28]. Nous pouvons même croire que la mention spéciale de ce détail, dans le pacte fait entre les douze races, est empruntée littéralement de conventions encore plus anciennes, existant entre les villages ou les petites villes dans lesquels étaient répartis les membres de chaque race. En tout cas, elle prouve suffisamment la date très ancienne à laquelle on doit rapporter le commencement de la convocation amphiktyonique. Eschine croyait — peut-être était-ce aussi l’opinion générale de son temps — que son commencement coïncida avec la première fondation du temple de Delphes, événement au sujet duquel nous n’avons aucune notion historique ; mais il semble qu’il y a lieu de supposer que son établissement original se rattache aux Thermopylæ et à Dêmêtêr Amphiktyonis, plutôt qu’à Delphes et à Apollon. Le surnom spécial sous lequel Dêmêtêr et son temple aux Thermopylæ étaient connus[29], le temple du héros Amphiktyon qui était à côté, le mot Pylæa, qui entra dans le langage pour désigner l’assemblée semi-annuelle des députés tant aux Thermopylæ qu’à Delphes, ces indications montrent que les Thermopylæ — le point central réel pour tous les douze membres — étaient le lieu primitif de réunion, et que la demi-année delphienne n’était que secondaire et ajoutée. Toutefois, sur ce sujet, nous ne pouvons aller au delà d’une conjecture. Le héros Amphiktyon, qui avait un temple aux Thermopylæ, passait dans là généalogie mythique pour être le frère d’Hellên. Et l’oie peut affirmer avec vérité que l’habitude de former des sociétés amphiktyoniques, et de fréquenter réciproquement des fêtes religieuses fut le grand moyen de créer et d’entretenir le sentiment primitif de fraternité chez les enfants d’Hellên, dans ces temps anciens où la grossièreté, le manque de sécurité et la disposition à combattre contribuaient tant à les isoler. Un certain nombre d’habitudes et de sentiments salutaires, tels que ceux que renferme le serment amphiktyonique, par rapport a l’abstention de toute injure aussi bien qu’à une protection mutuelle[30], pénétrèrent insensiblement dans les esprits les obligations ainsi mises en avant acquirent une efficacité -réelle et propre, et le sentiment religieux qui y resta toujours attaché finit dans la suite par n’être plus qu’une des nombreuses influences complexes auxquelles obéissait postérieurement le Grec historique. Athènes et Sparte aux jours de -leur puissance ; et les cités inférieures en relation avec elles, jouèrent chacune leur propre jeu politique, dans lequel on trouvera que les considérations religieuses n’ont qu’une part subordonnée. La fonction spéciale du conseil amphiktyonique, autant que nous la connaissons, consistait à veiller sur la sûreté, les intérêts et les trésors du temple de Delphes. Si quelqu’un pille les biens du dieu, ou a connaissance d’un tel sacrilège, ou forme un dessein perfide contre ce que renferme le temple, nous le punirons du pied, et de la main, et de la voix, et par tous les moyens en notre pouvoir. Tel était l’ancien serment amphiktyonique, avec une imprécation énergique qui y était attachée[31]. Et il y a quelques exemples dans lesquels le conseil[32] se fait de ses fonctions une idée assez large pour recevoir et juger des plaintes portées contre des cités entières, au sujet d’offenses faites contre le sentiment religieux et patriotique des Grecs en général. Mais, dans le plus grand nombre des circonstances, leur intervention se rapporte directement au temple de Delphes. .Le cas le plus ancien qui nous soit présenté par les
auteurs est C’est ainsi que nous avons à considérer le conseil comme
un élément dans les affaires grecques, une institution ancienne, l’un des
nombreux exemples de l’habitude primitive de fraternisation religieuse, mais
plus étendue et plus compréhensive que le reste ; d’abord purement
religieuse, puis religieuse et politique à la fois ; enfin plus politique que
religieuse ; très importante dans l’enfance de Les douze races amphiktyoniques constitutives restèrent
sans changement jusqu’à La fondation du temple de Delphes lui-même s’étend bien au
delà de toute connaissance historique ; c’est une des institutions remontant
aux aborigènes de La disposition signalée ici est une de ces analogies
intellectuelles dominant dans toute la nation hellénique, et qu’indique
Hérodote. Et l’on verra que, dans une foule d’occasions, l’habitude commune à
tous les Grecs d’écouter avec respect l’oracle de Delphes servit à maintenir
la conformité des sentiments parmi des hommes qui n’étaient pas accoutumés à
obéir à la même autorité politique. C’est surtout dans les nombreuses
colonies, fondées par une foule mélangée venue de lointaines parties de Voici les éléments d’union, - et avant tout le territoire
commun décrit dans le dernier chapitre, - qui servent de point de départ aux
Hellênes historiques : communauté de sang, de langage, de point de vue
religieux, de légendes, de sacrifices, de fêtes[43], et aussi, dans
de certaines limites, de mœurs et de caractère. L’analogie de mœurs et de caractère
entre les grossiers habitants de l’Arkadienne Kynætha[44] et d’Athènes, la
ville civilisée, était, il est vrai, accompagnée de différences considérables
: cependant, si nous comparons les deux villes avec des villes étrangères du
même temps, nous trouvons certains traits caractéristiques négatifs, de
beaucoup d’importance, qui leur sont communs à toutes deux. Dans aucune ville
de En effet, nous devons rappeler que, sous le rapport de la souveraineté politique, une désunion complète était un de leurs principes les plus chers. C’était dans les murs de la propre ville du Grec qu’il fallait chercher la seule source d’autorité suprême pour laquelle il éprouvât du respect et de l’attachement. Une autorité résidant dans une autre gille pouvait agir sur ses craintes, lui procurer une sécurité plus grande et de plus grands avantages, comme nous aurons l’occasion dans la suite de le faire voir par rapport à Athènes et à ses alliés soumis à elle ; elle pouvait même être exercée avec douceur et ne pas inspirer une aversion spéciale ; mais encore le principe en répugnait-il au sentiment enraciné dans son esprit, et on le voit toujours tendre vers la souveraineté distincte de sa propre Boulê ou de sa propre Ekklêsia. C’est là une disposition commune tant aux oligarchies qu’aux démocraties, et qui agissait même dans les différentes villes appartenant à la même subdivision du nom hellénique, Achæens, Phokiens, Bœôtiens, etc. Les douze cités achæennes sont des alliés en parfaite harmonie, elles possèdent une fête périodique qui participe au caractère d’un congrès, mais ce sont des communautés politiques égales et indépendantes. Les villes bœôtiennes, sous la présidence de Thêbes, réputée leur métropole, reconnaissent certaines obligations communes, et obéissent, pour divers objets particuliers, à des officiers choisis nommés Bœôtarques ; mais nous verrons, dans ce cas comme dans d’autres, les tendances centrifuges qui se manifestent constamment, et auxquelles résistent surtout les intérêts et le pouvoir de Thèbes. La grande et heureuse révolution qui fondit les diverses communautés politiques indépendantes de l’Attique dans l’unité unique d’Athènes, eut lieu avant le temps de l’histoire authentique : elle se rattache au nom du héros Thêseus, mais nous lie savons comment elle s’effectua ; tandis que ses dimensions et, son étendue relativement considérables ‘en font une exception signalée aux tendances helléniques en général. Désunion politique, autorité souveraine dans l’intérieur
des murs de la cité, c’était là une maxime établie dans l’esprit grec. Le
rapport entre deus cités était un rapport international, non un rapport
existant entre membres d’un agrégat politique commun. A quelques milles des
murs de sa propre ville, un Athénien se trouvait sur le territoire d’une
autre cité, où il n’était rien de plus qu’une personne n’appartenant pas au
pays, où il ne pouvait acquérir ni maison ni terre, ni contracter un mariage
légal avec une femme indigène, ni solliciter la protection de la loi quand il
était lésé, si ce n’est par la médiation d’un citoyen bien disposé pour lui.
A l’occasion, une cité, comme faveur spéciale, accordait à un individu qui n’était
pas homme libre le droit de se marier et d’acquérir un bien-fonds, et
quelquefois (bien que
très rarement) ce droit s’échangeait en général entre deux cités
séparées[48].
Mais les obligations entre deux cités, ou entre un citoyen d’une ville et un
citoyen d’une autre ville, sont tous objets d’une convention spéciale,
reconnus par l’autorité souveraine dans chacune. Nous avons peine à
comprendre avec nos idées modernes comment une complète séparation politique
existât ainsi avec tant de confraternité sous d’autres rapports ; et le
langage moderne n’est pas bien fourni de termes pour rendre les phénomènes
politiques grecs. Nous pouvons dire qu’un citoyen athénien, quand il arrivait
comme visiteur à Corinthe, n’appartenait
pas au pays (alien),
mais nous ne pouvons guère dire qu’il fût un étranger (foreigner) ; et,
bien que les relations entre Corinthe et Athènes fussent internationales
en principe, cependant ce mot évidemment conviendrait mal à la foule des
petites autonomies de Comme, d’une part, un Grec ne consentira pas à chercher
une autorité souveraine au delà des limites de sa propre cité, de même, d’autre
part ; il faut qu’il ait une cité pour y fixer ses regards : des villages
dispersés ne satisferont pas dans son esprit les exigences de sécurité, de
dignité et d’ordre nécessaires à la société. Bien que la fusion de villes
plus petites en une cité plus grande répugne à ses sentiments, celle de
villages en une ville lui parait un progrès manifeste dans l’échelle de la
civilisation Tel est, du moins, le sentiment qui domine en Grèce durant toute
la période historique ; car il y eut toujours une certaine portion de l’agrégat
hellénique,composée des plus grossiers et des moins avancés parmi les
Hellènes, qui habitèrent des villages non fortifiés,et que le citoyen d’Athènes,
de Corinthe ou de Thèbes regardait comme des inférieurs. Ce séjour dans des
villages fut le caractère des Épirotes en général[49] et prévalut d’un
bout à l’autre de Les Lokriens Ozoles, les Ætoliens et les Akarnaniens
gardèrent leur résidence dans les villages séparés jusqu’à une époque encore
plus avancée, conservant en même temps leur grossièreté primitive et leur amour
désordonné de combattre[52]. Leurs villages
n’étaient pas fortifiés, et n’étaient défendus que par un accès relativement
difficile ; en cas de besoin, ils fuyaient pour assurer leur vie avec leurs troupeaux
dans les bois et les montagnes. Au milieu de ces circonstances si
défavorables, il n’y avait point place pour cette expansion des sentiments
sociaux et politiques auxquels donnèrent naissance une résidence protégée par
des murailles et un accroissement de population ; il n’y avait ni acropolis
ni agora consacrées, ni temples ni portiques ornés, présentant la série
continue des offrandes de générations successives[53], ni théâtre pour
la musique ou la récitation, ni gymnase pour des exercices d’athlètes, aucun
de ces arrangements fixes que demandent les affaires publiques pour être
faites avec régularité et décorum, choses que le citoyen grec, avec son
profond amour de la localité, regardait comme essentielles à une existence
pleine de dignité. Le village n’était rien de plus qu’une fraction et un
subordonné, appartenant comme membre au corps organisé appelé En parcourant Aussi loin que s’étendent nos connaissances, il n’y eut ni
villes ni villages appelés pélasgiques, dans C’est là le seul fait, au milieu de tant de conjectures relatives aux Pélasges, que l’on puisse dire que nous connaissions sur le témoignage d’un témoin compétent et contemporain : le petit nombre de municipes, dispersés et peu considérables, mais constituant tout ce qu’Hérodote, de son temps, connaissait comme Pélasgique, parlaient une langue barbare. Et sur ce point on doit le regarder comme un excellent juge. Si donc (conclut l’historien) tous les anciens Pélasges parlaient la même langue que ceux de Krêstôn et de Plakia, ils doivent avoir changé leur idiome au moment où ils passèrent dans l’agrégat hellénique, ou devinrent Hellênes. Or Hérodote croit que cet agrégat s’est insensiblement agrandi jusqu’à ce qu’il ait atteint ses vastes dimensions actuelles, en s’incorporant non seulement les Pélasges, mais plusieurs autres nations jadis barbares[61], les Hellênes n’ayant été dans l’origine qu’un peuple peu considérable. Parmi ces autres nations jadis barbares qu’Hérodote suppose être devenues helléniques, nous pouvons probablement compter les Lélèges ; et relativement à eux aussi bien qu’aux Pélasges, nous avons un témoignage contemporain prouvant l’existence de Lélèges barbares à une époque postérieure. Philippe, l’historien des Kariens, attestait l’existence actuelle et croyait à l’existence passée de Lélèges dans son pays comme serfs ou cultivateurs dépendant des Kariens, analogues aux Ilotes en Laconie, ou aux Penestæ en Thessalia[62]. Nous pouvons être bien sûrs qu’ils n’étaient pas Hellênes, qu’ils ne parlaient pas la langue hellénique, s’ils étaient dans de pareils rapports vis-à-vis des Kariens. Nous pouvons donc à bon droit considérer les Lélèges comme ayant été compris dans ces nombreuses nations parlant une langue barbare, qui, comme le croyait Hérodote, avaient changé d’idiome et étaient devenues Hellênes. Car, après les Pélasges et Pelasgos, les Lélèges et Lélex sont les figures les plus saillantes dans les généalogies légendaires ; et ils couvrent ensemble la portion la plus considérable du sol hellénique. Comme je me renferme dans les preuves historiques, et que
je crois que la tentative de transformer la légende en histoire ne peut pas
donner de résultats certains, j’accepte avec confiance l’assertion d’Hérodote
quant à l’idiome barbare parlé par les Pélasges de son temps, et je pense de
la même manière au sujet des Lélèges historiques, mais sans me permettre de
déterminer quelque chose relativement aux Pélasges et aux Lélèges
légendaires, les habitants anté-helléniques supposés de Si je ne me permets pas de déterminer les éléments
intérieurs dont était formé antérieurement l’agrégat hellénique, je déclare
également que j’ignore quels en étaient les éléments constitutifs extérieurs.
Kadmos, Danaos, Kekrops, les éponymes des Kadmeiens, des Danaens et de Aristote affirme que le plus ancien district appelé Hellas se trouvait près de Dôdônê et du fleuve Achelôos, indication qui aurait été inintelligible (puisque le fleuve ne coule point prés de Dôdônê), si elle n’avait été déterminée par cette remarque que, dans les premiers temps, le fleuve avait souvent changé son cours. Il dit en outre que le déluge de Deukaliôn eut lieu principalement dans ce district, qui dans ces anciens jours était habité par les Selli et par le peuple appelé alors Græci, mais maintenant Hellènes[64]. Les Selli (appelés par Pindare Helli) sont mentionnés dans l’Iliade comme ministres de Zeus Dôdônæen, hommes qui dormaient sur la terre et ne se lavaient jamais les pieds, et Hésiode, dans un de ses poèmes perdus (les Eoiai), parle du sol fertile et des riches pâturages de la terre appelée Hellopia, où Dôdônê était située[65]. Sur quelle autorité Aristote avance-t-il ce fait, c’est ce que nous ignorons ; mais le sentiment général des Grecs était différent ; ils rattachaient Deukaliôn, Hellên et les Hellênes, originairement et spécialement au territoire appelé Achaïa Phthiôtis, entre le mont Othrys et l’Œta. Nous ne pouvons ni confirmer ni nier son assertion au sujet du nom du peuple habitant le voisinage de Dôdônê, appelé selon lui Græci avant d’avoir été nommé Hellênes. Il n’y a pas d’exemple constaté qu’un auteur antérieur à ce traité d’Aristote ait mentionné un peuple appelé Græci ; car les allusions avant trait à Alkman et à Sophocle ne prouvent rien pour ce point[66]. Nous ne pouvons pas non plus expliquer comment il se fit que les Hellênes ne furent connus aux Romains que sous le nom de Græci ou de Graii. Mais le nom sous lequel un peuple est connu aux étrangers souvent diffère totalement de celui qu’il porte dans son pays, et nous ne sommes pas moins embarrassés pour dire comment les Romains en vinrent à connaître les Rasenas d’Étruria sous le nom de Toscans ou d’Étrusques. |
[1] V. la protestation d’Ératosthène contre la durée de la classification distinguant entre Grec et barbare, après que ce dernier mot en était venu à impliquer grossièreté (ap. Strabon, II, p. 66 ; Eratosthène, Fragm. Seidel, p. 85).
[2] Caton, Fragm., éd. Lion, p.46, ap. Pline, H. N., XXII, 1. Extrait remarquable d’une lettre de Caton adressée à son fils, et faisant entendre sa forte antipathie à l’égard des Grecs ; il proscrit totalement leur médecine, et n’admet qu’un faible goût pour leur littérature : Quod bonum sit eorum literas inspicere, non perdiscere... Jurarunt inter se, barbaros necare omnes medicina, sed hoc ipsum mercede faciunt, ut fides iis sit et facile disperdant. Nos quoque dictitant barbaros et spurios, nosque magis quam alios, opicos appellatione fœdant.
[3] Homère, Iliade, II, 867. Homère n’emploie pas le mot βάρβαροι, ni aucun mot signifiant soit un Hellêne en général, soit un non-Hellène en général (Thucydide, I, 3). Cf. Strabon, VIII, p. 370 ; et XIV, p. 662.
Ovide reproduit le sens primitif du mot βάρβαρος quand il parle de lui-même comme d’un exilé à Tomi (Triste, V, 10-37) : Barbarus hic ego sum, quia non intelligor ulli. — Les Égyptiens avaient dans leur langue un mot formant l’équivalent exact de βάρβαρος dans ce sens (Hérodote, II, 158).
[4] Hérodote, VIII, 144.
Cf. Dikæarque, Fragm. p. 147, éd. Fuhr. ; Thucydide, III, 59 ; et la précaution au sujet des xοινά ίερά dans le traité conclu entre Sparte et Athènes (Thucydide, V, 18 ; Strabon, IX, p. 419.). — C’était une partie de la proclamation faite solennellement par les Eumolpidæ, ayant la célébration des mystères d’Éleusis, à d’éloigner tous les hommes non Hellênes (Isocrate, Orat. IV, Panégyrique, p. 74).
[5] Hécatée, Fragm. 356, éd. Klausen ; Cf. Strabon, VII, p. 321 ; Hérodote, I, 57 ; Thucydide, I, 3.
[6] Antiqui grammatici eas tantum dialectos spectabant, quibus scriptores usi essent ; ceteras, quæ non vigebant nisi in ore populi, non notabant. (Ahrens, De Dialecta Æolicâ, p. 2.) C’est ce qui a eu lieu, dans une large mesure, même dans les recherches linguistiques des temps modernes, bien que l’imprimerie donne maintenant une si grande facilité pour enregistrer les dialectes populaires.
[7] Hérodote, I, 142.
[8] Relativement aux trois variétés du dialecte æolien, différant considérablement entre elles, v. l’excellent ouvrage d’Ahrens, De Dial. Æol., sect. 2, 33, 50.
[9] L’ouvrage d’Albert Giese, Ueber den Æolischen Dialekt (resté malheureusement inachevé, à cause de la mort prématurée de l’auteur), présente un ingénieux spécimen d’une telle analyse.
[10] V. les intéressantes remarques de Dion Chrysostome sur l’attachement que les habitants d’Olbia (ou Borysthène) avaient pour les poèmes homériques ; la plupart d’entre eux, dit-il, pouvaient répéter l’Iliade par coeur, quoique leur dialecte fût dans un triste état de ruine (Dion Chrysostome, Orat. XXXVI, p. 78, Reisk.).
[11] Platon, Leg., II, 1, p. 653 ; Cratyle, p. 406 ; et Denys d’Halicarnasse, Ars Rhetor., c. 1-2, p. 226.
Apollon, les muses et Dionysos sont ξυνεορτασταί xαί ξυγχορευταί (Homère, Hymne à Apollon, 146). Tite-Live donne la même idée des jeux sacrés par rapport aux Romains et aux Volsques (II, 36-37). Il est curieux de comparer ces termes avec l’éloignement qu’exprime Tertullien (De Spectaculis, p. 369.)
[12] Iliade, XXIII, 630-679. Les jeux célébrés par Akastos en l’honneur de Pelias étaient renommés dans l’ancienne épopée (Pausanias, V, 17, 4 ; Apollodore, I, 9, 28).
[13]
Strabon, IX, p. 421 ; Pausanias, X, 7, 3. Les premiers jeux Pythiens célébrés
par les Amphiktyons après
Cf. Schol. ad Pindare, Pyth. Argument. ; Pausanias, X, 37, 45 ; Krause, Die Pythien, Nemeen und Isthmien, sect.
3, 4, 5. — L’hymne homérique à Apollon est composé à une époque antérieure à
[14] Plutarque, Solôn, 23. L’Agôn Isthmique était dans une certaine mesure une fête qui avait une ancienne origine athénienne ; car parmi les nombreuses légendes relatives à sa première institution, l’une des plus connues le représentait connue ayant été fondé par Thêseus après sa victoire sur Sinis à l’Isthme (V. Schol. ad Pindare, Isthm. Argum. ; Pausanias, II, 1, 4), ou sur Skeirôn (Plutarque, Thêseus, c. 25). Plutarque dit qu’ils furent établis pour la première fois par Thêseus connue jeux funèbres en l’honneur de Skeirôn, et Pline fait le même récit (H. N., VII, 57). Selon Hellanicus, les Théôres athéniens aux jeux Isthmiques avaient une place privilégiée (Plutarque, l. c.)
Il y avait donc mie bonne raison pour que Solôn désignât les vainqueurs aux jeux Isthmiques comme devant être spécialement récompensés, sans mentionner les vainqueurs aux jeux Pythiens et Néméens, ces derniers jeux n’ayant pas acquis alors une importance hellénique. Diogène Laërte (I, 55) dit que Solôn établit des récompenses, non seulement aux jeux Olympiques et Isthmiques, mais encore άνάλογο έπί τών άλλων, ce que Krause (Pythien, Nemeen und Isthmien, sect. 31 p. 13) suppose être la vérité, selon moi, avec très peu de probabilité. La piquante invective lancée contre Themistoklês par Timokreôn, qui l’accuse entre autres choses de ne fournir que de la viande froide aux jeux Isthmiques. Plutarque, Thémistocle, c. 21), semble impliquer que les visiteurs athéniens, dont les Théôres étaient chargés de prendre soin à ces jeux, étaient nombreux.
[15] Dans beaucoup d’États grecs (tels qu’Ægina, Mantineia, Trœzên, Thasos, etc.), ces Théôres formaient un collége permanent, et semblent avoir été investis de fonctions étendues relatives aux cérémonies religieuses : à Athènes ils étaient choisis pour l’occasion spéciale (V. Thucydide, V, 47 ; Aristote, Politique, V, 8, 3. O. Müller, Æginetica, p. 135 ; Démosthène, de Fals. Leg., p. 380).
[16] Relativement à la trêve sacrée, olympique, isthmique, etc., annoncée formellement par deus hérauts couronnés de fleurs et envoyés par la ville qui administrait les jeun, trêve à propos de laquelle on jouait beaucoup de tours, v. Thucydide, V, 49 ; Xénophon, Helléniques, IV, 7, 1-7 ; Plutarque, Lycurgue, 23 ; Pindare, Isthm., II, 35. — Thucydide, VIII, 9-10, est aussi particulièrement instructif quant à l’usage et au sentiment.
[17] Pindare, Isthm., III, 26 (IV, 14) ; Idem, VI, 40.
[18] Strabon, VIII, p. 374.
[19] Strabon, VIII, p. 343 ; Pausanias, V, 6, 1.
[20]
A Iôlkos, sur la côte septentrionale du golfe de Pagasæ, et sur les limites des
Magnêtes, des Thessaliens et des Achæens de
[21] Hérodote, I ; Denys d’Halicarnasse, IV, 25.
[22] Strabon, IX, p. 412 ; Homère, Hymne Apoll., 232.
[23] Strabon, IX, p. 411.
[24] Thucydide, III, 104 ; V, 55. Pausanias, VII, 7, 1 ; 24, 3. Polybe, V, 8 ; II, 54. Homère, Hymne Apoll., 146.
D’après ce qui semble avoir été la tradition ancienne et sacrée, tout le mois Kaineios était un temps de pais parmi les Dôriens, bien que ce fût souvent négligé en pratique à l’époque de la guerre du Péloponnèse (Thucydide, V, 54). Mais on peut douter qu’il y eût une fête des Karneia commune à tous les Dôriens : les Karneia à Sparte semble avoir été une fête lacédæmonienne.
[25] La liste des membres constitutifs du conseil amphiktyonique est présentée différemment par Eschine, par Harpocration et par Pausanias. Tittmann (Ueber den Amphiktyonischen Bund, sect. 3, 4, 5) analyse et compare leurs diverses assertions, et en tire le catalogue donné dans le texte.
[26] Eschine, De Falsa Legat., p. 280, c. 36.
[27] Eschine, Fals. Legat., p. 279, c. 35.
[28] Homère, Iliade, VI, 457. Homère, Hymne à Dêmêtêr, 100, 107, 170. Hérodote, VI, 137. Thucydide, II, 15.
[29] Hérodote, VII, 200 ; Tite-Live, XXXI, 32.
[30] La fête des Amarynthiâ, en Eubœa, célébrée dans le temple d’Artemis d’Amarynthos, était fréquentée par les villes ioniennes de Chalkis et d’Eretria aussi bien que par la cité dryopique de Karistos. Dans un combat devant avoir lieu entre Chalkis et Eretria, pour régler le débat au sujet de la possession de la plaine de Lelanton ; il fut stipulé qu’aucune des deux parties ne se servirait d’armes de trait ; cette convention fut inscrite et enregistrée dans le temple d’Artemis (Strabon, X, p. 448 ; Tite-Live, XXXV, 38).
[31] Eschine, De Fals. Legat., c. 35, p. 279 ; cf. Adv. Ctesiph., c. 36, p. 406.
[32] V. l’accusation qu’Eschine dit avoir été portée par les Lokriens d’Amphissa contre Athènes devant le conseil amphiktyonique (Adv. Ctesiph., c. 38, p. 409). Démosthène contredit son rival sur le fait que l’accusation ait été articulée, en disant que les Amphisséens n’avaient pas fait la notification, habituelle et exigée, de leur intention d’accuser ; réponse qui fait supposer que l’accusation pouvait être portée (Démosthène, de Coronâ, c. 43, p. 277).
Les Amphiktyons offrent une récompense pour la tête d’Ephialtês, qui avait trahi les Grecs aux Thermopylæ ; ils élèvent aussi des colonnes. à la mémoire des Grecs qui ont succombé dans ce mémorable défilé, le lieu de leur assemblée semi-annuelle (Hérodote, VII, 213-228).
[33] Eschine, Adv. Ctesiph., l. c. Plutarque, Solôn, c. 11, qui s’en réfère à Aristote — Pausanias, X, 37, 4 ; Schol. ad Pindare, Nem., IX, 2. Strabon, IX, p. 420. Ces décisions amphiktyoniques cependant se rencontrent rarement dans l’histoire, et très ordinairement on ne leur épargne pas le blâme.
[34] Hérodote, II, 190 ; V, 62.
[35] Thucydide, I, 112 ; IV, 118 ; V, 18. Les Phokiens dans la guerre Sacrée (354 ans av. J.-C.) prétendaient avoir un droit ancien et établi par prescription à l’administration du temple de Delphes, sous l’obligation vis-à-vis du corps général des Grecs de rendre compte de l’emploi convenable de ses biens, mettant ainsi complètement de côté les Amphiktyons (Diodore, XVI, 27).
[36]
Eschine, De Fals., Legat., p. 280, c.
36. On peut voir dans Diodore (XVI, 23-28 sqq.) les intrigues de parti qui
poussaient le conseil au sujet de
[37] Cicéron, De Invent., II, 23. La description de Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom., IV, 25) dépasse encore plus la réalité.
Au sujet des fêtes communes et des amphictyonies du monde hellénique en général, v. Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, vol. 1, sect. 22, 24, 25 ; et C.-F. Hermann, Lerbuch der Griech. Staatsalterthümer, sect. 11-13.
[38] Plutarque, Sympos, VII, 5, 1.
[39] Dans cette phase reculée de la fête pythienne, on dit qu’elle a été célébrée tous les huit ans, marquant ce que nous appellerions une octaetêris, et que les anciens Grecs nommaient fuie ennaêteris (Censorinus, De Die Natali, c. 18). Cette période est d’une grande importance relativement au principe du calendrier grec ; car 99 mois lunaires coïncident, à très peu de chose près, avec 8 années solaires. Censorinus attribue la découverte de cette coïncidence à Kleostratos de Ténédos, dont on ne connaît pas directement l’époque ; il doit être antérieur h peton, qui découvrit le cycle de dix-neuf années solaires, ruais non pas de beaucoup, h ce que j’imagine. Malgré l’autorité d’Ideler, il ne me semble pas prouvé, et je ne puis non plus croire que cette période de huit années avec sa coïncidence solaire et lunaire fût connue des Grecs dans les temps les plus reculés de leur antiquité mythique, ni avant l’an 600 avant J.-C. V. Ideler, Handbuch der Chronologie, vol. I, p. 366 ; vol. II, p. 607. Aucune preuve ne démontre l’antiquité de l’usage qu’avaient les Eleiens de célébrer les jeux Olympiques alternativement après la quarante-neuvième et le cinquantième mois lunaire, bien qu’il soit attesté polir une époque postérieure par le Scholiaste de Pindare. Le fait du retour, d’anciennes fêtés tous les huit ans ne fait pas connaître les propriétés de la période de l’octaetêris ou de l’ennaêteris : il ne me parait pas non plus que les détails de la δαφνηφορία bœôtienne, décrits dans Proclus ap. Photium, sect. 239, soient très anciens. Sur l’ancienne octaetêris mythique, v. O. Müller, Orchomenos, p. 218 sqq., et Krause, Die Pythien, Nemeen und Isthmien, sect. 4, p. 22.
[40] V. l’argument en faveur de la divination mis par Cicéron dans la bouche de son frère Quintus, De Divin., liv. I, Chrysippe et les plus habiles philosophes stoïciens exposent une théorie plausible démontrant à priori la probabilité d’avertissements prophétiques tirés de l’existence et des attributs des dieux : si vous niez absolument qu’il se présente de tels avertissements, si essentiels au bonheur de l’homme, vous devez nier ou l’existence, ou la prescience, ou la bonté des dieux (c. 38). Ensuite la véracité de l’oracle de Delphes a été démontrée par d’innombrables exemples, dont Chrysippe a fait une abondante collection ; et par quelle autre supposition pourrait s’expliquer l’immense crédit de l’oracle (c. 19) ? Collegit innumerabilia oracula Chrysippus, et nullum sine locuplete teste et auctore ; quæ, quia nota tibi sunt, relinquo. Defendo unum hoc : nunquam illud oraculum Delphis tam celebre clarumque fuisset, neque tantis donis refertum omnium populorum et regam, nisi omnis ætas oraculoram illorum veritatem esset experta... Maneat id, quod negari non potest, nisi omnem historiam perverterimus, multis sæculis verax fuisse id oraculum. Cicéron reconnaît qu’il inspirait moins de confiance de son temps, et il essaie d’expliquer ce déclin du pouvoir prophétique ; cf. Plutarque, de Defect. Oracul.
[41] Xénophon, Anabase, VII, 8, 20 ; Helléniques, III, 2, 22. — Cf. Iliade, VII, 450.
[42] Callimaque, Hymn. Apoll., 55, avec une note de Spanheim ; Cicéron, de Divinat, I, 1.
[43] V. ce point éclairci d’une manière frappante par Platon, République, V, p. 470-471 (c. 16), et Isocrate, Panégyrique, p. 102.
[44] Relativement à l’Arkadienne Kynætha, v. les remarquables observations de Polybe, IV, 17-23.
[45] V. vol. I, ch. 6 de cette histoire.
[46] Pour les exemples et les preuves de ces usages, v. Hérodote, II, 162 ; l’amputation du nez et des oreilles de Patarbêmis par ordre d’Apriès, roi d’Égypte, (Xénophon, Anabase, I, 9-13). Il y avait un nombre considérable d’hommes privés des mains, des pieds ou de la vue, dans la satrapie de Cyrus le Jeune, qui avait infligé toutes ces punitions sévères pour prévenir le crime. — Il ne permettait pas à des criminels (dit Xénophon) de se moquer de lui. L’έxτομή fut continuée à Sardes (Hérodote, III, 49) — 500 παϊδες έxτόμιαι formaient une portion du tribut annuel payé par les Babyloniens à la cour de Suse (Hérodote, III, 92). Les Thraces vendaient dés enfants pour l’exportation (Hérodote, V, 6) ; il y a quelques traces de cet usage à Athènes avant la législation de Solon (Plutarque, Solon, 23), usage probablement né de la cruelle disposition de la loi réglant les rapports entre le débiteur et le créancier. Pour le sacrifice d’enfants offert à Kronos par les Carthaginois, dans les temps critiques (selon les paroles d’Ennius : Pœni soliti suos sacrificare puellos) ; V. Diodore, XX, 14 ; XIII, 86. Porphyre, de Abstinent., II, 56 ; la coutume est expliquée avec détails dans l’ouvrage de Movers, Die Religion der Phoenizier, p. 293-304.
Arrien blâme Alexandre d’avoir fait couper le nez et les oreilles au satrape Bêssus, en disant que c’était un acte complètement barbare (i. e. non Hellénique), Exp. Al., IV 7,-6). Sur le σεβασμός θεοπρεπής περί τόν βασιλέα en Asie, v. Strabon, XI, p. 526.
[47] Thucydide, I, 6 ; Hérodote, I, 10.
[48] Aristote, Politique, III, 6, 12. Il n’est pas nécessaire de rappeler les nombreuses inscriptions qui confèrent à quelque individu qui n’est pas homme libre le droit de έπιγαμία et de έγxτησις.
[49] Skylax, Périple, c. 28-33 ; Thucydide, II, 80. V. Dion Chrysostome, Or., XLVIII, p. 225, vol. II, éd. Reisk.
[50] Strabon, VIII, p. 337, 342, 386. Pausanias, VIII, 45, 1 ; Plutarque, Quæst. Græc., c. 17-37.
[51] Pausanias, VIII, 27, 2-5 ; Diodore, XV, 72 ; cf. Aristote, Politique, II, 1, 5.
On voit dans Xénophon, Helléniques, V, 2, 6-8, la description de la διοίxισις de
Mantineia ; c’est un exemple patent de sa tendance philo-laconienne. Nous
voyons par le cas des Phokiens, après
[52] Thucydide, I, 5 ; III, 94. Xénophon, Helléniques, IV, 6, 5.
[53] Pausanias, X, 4, 1 ; ses remarques sur la πόλις phokienne de Panopeus indiquent ce qu’il comprenait dans l’idée d’une πόλις.
Les μιxρά
πολίσματα des Pélasges dans
la péninsule du mont Athos (Thucydide, IV, 109) semblent avoir tenu le milieu
entre des villages et des cités ; quand les Phokiens, après
[54] Aristote, Politique, I, 1, 8. Cf. aussi III, 6, 14 ; et Platon, Leg., VIII, p. 848.
[55] Thucydide, I, 10.
[56] Xénophon, Helléniques, III, 2, 31.
[57] Larcher, Chronologie d’Hérodote, ch. 8, p. 215, 274 ; Raoul Rochette, Histoire des Colonies grecques, liv. I, ch. 5 ; Niebuhr, Roemische Geschichte, vol. I, p. 26-64, 2e éd. (la section intitulée Die Œnotrer und Pelasger) ; O. Müller, Die Etrusker, vol. I (Einleitung, ch. 2, p. 75-100) ; Dr Thirlwall, History of Greece, vol. I, xh. 2, p. 36-64. On peut trouver les opinions contraires de Kruse et de Mannert dans Kruse, Hellas, vol. I, p. 398-425 ; Mannert, Geographie der Griechen und Roemer, part. VIII, introd. p. 4, sqq.
Niebuhr réunit toutes les traces mythiques et généalogiques, vagues et équivoques au plus haut degré pour la plupart, de l’existence des Pélasges dans diverses localités ; puis, résumant leur effet total, il affirme (non pas comme une hypothèse, mais avec une pleine conviction historique, p. 54) qu’il y eut un temps où les Pélasges, peut-être le peuple le plus étendu dans toute l’Europe, étaient répandus depuis le Pô et l’Arno jusqu’au Rhyndakus (près de Kyzikos), avec une seule interruption en Thrace. Ce qui est peut-être le plus remarquable de tout, c’est le contraste entre son sentiment de dégoût, de désespoir et d’aversion pour le sujet, quand il commence les recherches (le nom de Pélasges, dit-il, est odieux à l’historien, qui hait la fausse philologie d’où naissent les prétextes de connaissance au sujet de ce peuple éteint, p. 28), et la confiance et la satisfaction complètes avec lesquelles il les termine.
[58] Hérodote, II, 23.
[59] Il semble qu’il y a toute raison pour croire que Krêstôn est la leçon véritable dans Hérodote, et non Krotôn, comme la présente Denys d’Halicarnasse (Ant. Rom., I, 26), malgré l’autorité de Niebuhr, qui soutient la dernière.
[60] Thucydide, IV, 109. Cf. les nouveaux Fragments de Strabon, liv. VII, édités d’après le MS. du Vatican par Kramer, et depuis par Tafel (Tübingen, 1844), sect. 34, p. 26.
[61] Hérodote, I, 57.
[62] Athenæ, VI, p. 271.
[63] Hérodote, I, 57. Quelle langue parlaient alors les Pélasges, c’est un article sur lequel je ne puis rien affirmer. S’il est permis de fonder des conjectures sur quelques restes de ces Pélasges, qui existent encore aujourd’hui à Crestone au-dessus des Tyrrhéniens, et qui jadis, voisins des Doriens d’aujourd’hui, habitaient la terre appelée maintenant Thessaliotide ; si à ces Pélasges on ajoute ceux qui ont fondé Placie et Scylacé sur l’Hellespont, et qui ont demeuré autrefois avec les Athéniens, et les habitants d’autres villes pélasgiques dont le nom s’est changé ; il résulte de ces conjectures, si l’on peut s’en autoriser, que les Pélasges parlaient une langue barbare. Or, si tel était l’idiome de toute la nation, il s’ensuit que les Athéniens, Pélasges d’origine, oublièrent leur langue en devenant Hellènes, et qu’ils apprirent celle de ce dernier peuple ; car le langage des Crestoniates et des Placiens, qui est le même, n’a rien de commun avec celui d’aucuns de leurs voisins : preuve évidente que ces deux peuplades de Pélasges conservent encore de nos jours l’idiome qu’elles portèrent dans ces pays en venant s’y établir.
Dans le chapitre suivant, Hérodote appelle encore la nation des Pélasges βάρβαρον. — Relativement à cette langue qu’Hérodote entendit à Krêstôn et à Plakia, le Dr Thirlwall fait observer (ch. 2, p. 60) : Hérodote nous donne cette langue comme barbare, et c’est sur ce fait qu’il fonde sa conclusion générale quant à l’ancien idiome pélasgique. Mais il n’est pas entré dans des détails qui auraient pu servir à préciser de quelle manière et à quel degré cet idiome différait de la langue grecque. Toutefois les termes dont il se sert auraient paru impliquer que cet idiome était essentiellement étranger, s’il n’avait pas employé des expressions aussi fortes dans un autre passage, où il est impossible d’attribuer à ses mots une signification semblable. Quand il énumère les dialectes dominant chez les Grecs ioniens, il fait observer que les cités ioniennes en Lydia ne s’accordent pas du tout pour leur idiome avec celles de la Karia ; et il applique à ces dialectes précisément le même terme, dont il s’était servi auparavant en parlant des restes de la langue pélasgique. Ce passage nous donne un moyen de mesurer la force du mot barbare dans le premier. On ne peut sans danger en induire qu’une seule chose, lest que la langue pélasgique qu’Hérodote entendit dans l’Hellespont, et ailleurs, lui partit un jargon étrange ; comme le dialecte d’Ephesos l’était pour un Milésien, et comme celui de Bologne l’est pour un Florentin. Ce fait laisse complètement incertaines et sa nature réelle et sa relation vis-à-vis de la langue grecque ; et nous sommes d’autant moins autorisés à le prendre pour base, que l’histoire des établissements pélasgiques est extrêmement obscure, et que les traditions qu’Hérodote rapporte sur ce sujet n’ont nullement une valeur égale aux renseignements qu’il donne d’après son observation personnelle (Thirlwall, Hist. of Greece, ch. 2, p. 60, 2e éd.). — Dans le renseignement fourni par Hérodote (auquel le Dr Thirlwall s’en réfère) au sujet de l’idiome parlé dans les cités grecques de l’Iônia, l’historien avait dit (I, 142) : Ces Ioniens n’ont pas le même dialecte ; leurs mots ont quatre sortes de terminaisons. Milet est la première de leurs villes du côté du midi, et ensuite Myonte et Priène : elles sont en Carie, et leur langage est le même. Éphèse, Colophon, Lébédos, Téos, Clazomènes, Phocée, sont en Lydie. Elles parlent entre elles une même langue, mais qui ne s’accorde en aucune manière avec celle des villes que je viens de nommer. Il y a encore trois autres villes ioniennes, dont deux sont dans les îles de Samos et de Chios ; et la troisième, qu’on appelle Érythres, est en terre ferme. Le langage de ceux de Chios et d’Érythres est le même ; mais les Samiens ont eux seuls une langue particulière. Tels sont les quatre idiomes qui caractérisent l’ionien. — Les mots χαραxτήρ γλώσσης (mode distinctif de langage) sont communs à ces deux passages, mais on doit mesurer leur signification dans l’un et dans Vautre par rapport au sujet dont parle l’auteur aussi bien qu’aux mots qui les accompagnent, surtout au mot βάρβαρος dans le premier passage. Je ne puis croire non plus (avec le Dr Thirlwall) qu’il faille déterminer le sens de βάρβαρος eu égard aux deux autres mots : à mon agis, c’est le contraire qui est exact. βάρβαρος est un terme défini et non équivoque, mais χαραxτήρ γλώσσης varie selon la comparaison que nous nous trouvons faire dans le moulent, et son sens est déterminé ici par sa réunion avec βάρβαρος. — Quand Hérodote parlait des douze cités ioniennes en Asie, il pouvait proprement signaler les différences de langage parmi elles comme autant de χαραxτήρ γλώσσης différents ; les limites des différences étaient fixées par la connaissance qu’avaient ses auditeurs des personnes dont il parlait, Ies Ioniens étant tous notoirement Hellènes. Ainsi un auteur décrivant l’Italie pourrait dire que les Bolonais, les Romains, les Napolitains, les Génois, etc., ont différents χαραxτήρ γλώσσης, étant compris que la différence est telle qu’elle pourrait subsister parmi des personnes toutes italiennes. — Mais il y a aussi un χαραxτήρ γλώσσης du grec en général (abstraction faite de ses différents dialectes et de ses diversités) en tant que comparé au persan, au phénicien ou au latin, et de l’italien en général comparé à Lallemand ou à l’anglais. C’est cette comparaison que fait Hérodote quand il décrit le langage parlé par le peuple de Krêstôn et de Plakia, et qu’il marque par le mot βάρβαρον opposé à Έλληνιxός : c’est eu égard à cette comparaison qu’il faut expliquer ce χαραxτήρ γλώσσης dans le cinquante-septième chapitre. Le mot βάρβαρος est l’antithèse usuelle et reconnue de Έλλην ou Έλληνιxός. — Ce qui n’est pas le moins remarquable dans le renseignement d’Hérodote, c’est que l’idiome parlé à Krêstôn et à Plakia était le même, bien que les villes fussent si éloignées l’une de l’autre. Cette identité seule montre qu’il entendait parler d’une langue indépendante et non d’un jargon étrange. Je regarde donc comme certain qu’Hérodote déclare que les Pélasges de son temps parlent une langue indépendante différente du grec ; mais quant à la question de savoir si elle en différait dans une mesure plus ou moins grande (e. g. dans la mesure du latin ou du phénicien), nous n’avons aucun moyen de la résoudre.
[64] Aristote, Meteorol., I, 14.
[65] Homère, Iliade, XVI, 235 ; Hésiode, Fragm. 149, éd. Marktscheffel ; Sophocle, Trachin., 1174 ; Strabon, VII, p. 328.
[66] Stephan. Byz., v. Γραιxός.
Le mot Γραΐxες, dans Alkman, signifiant les mères des Hellênes, peut bien n’être qu’une variété dialectique de γράες, analogue xλάξ et à όρνιξ, pour xλείς, όρνις, etc. (Ahrens, de Dialecto Dorieâ, sect. II, p. 91 ; et sect. 31, p. 242), peut être décliné comme γυναϊxες. — Le terme employé par Sophocle, si nous pouvons en croire Photius, n’était pas Γραιxός, mais, ̔Ραιxός (Photius, p. 480, 15 ; Dindorf, Fragm. Soph., 933 ; cf. 455). Eustathe (p. 890) semble indécis entre les deux.