DEUXIÈME VOLUME
Je passe sous silence les autres nombreux contes qui circulaient parmi les anciens, et qui servent à montrer l’ubiquité des héros grecs et des héros troyens aussi bien que celle des Argonautes, — un des traits les plus frappants dans le monde légendaire hellénique[1]. Entre tous, le plus intéressant, isolément, est Odysseus, dont Homère a rendu familières les aventures romanesques dans des lieux et parmi des personnages fabuleux. Les déesses Calypso et Circê, les marins de Phæakia, à demi divins, dont les vaisseaux sont doués de conscience et obéissent sans avoir besoin de timonier ; les Cyclôpes n’ayant qu’un oeil, les gigantesques Læstrygons, et Æolos le maître des vents ; les Sirènes qui séduisent par leur chant, comme les Lotophages fascinent par leur aliment, — tous ces tableaux formaient des parties intégrantes et intéressantes de l’ancienne épopée. Homère laisse Odysseus rétabli dans sa maison et dans sa famille. Mais il n’était nullement possible de souffrir un personnage si marquant dans l’obscurité de la vie domestique ; le poème épique, appelé Telegonia, lui attribuait une série, postérieure d’aventures. Telegonos, fils qu’il avait eu de Circê, venant à Ithakê à la recherche de son père, ravagea file et tua Odysseus sans savoir qui il était. Le fils éprouva un amer repentir de ce parricide involontaire ; à sa prière et grâce à l’intervention de sa mère Circê, Penelopê et Telemachos obtinrent tous deux l’immortalité : Telegonos épousa Penelopê, et Telemachos Circê[2]. Nous voyons par ce poème qu’Odysseus était représenté comme l’auteur mythique de la race des rois Thesprotiens, comme Neoptolemos l’était de celle des rois Molosses. On a déjà mentionné qu’Antenôr et Æneas se distinguaient
des autres Troyens par un refroidissement vis-à-vis de, Priam et par une
sympathie à l’égard des Grecs, sentiments que Sophocle et d’autres expliquent
par une perfide connivence[3], — soupçon auquel
l’Æneas de Virgile fait une allusion indirecte, bien qu’il le repousse
énergiquement[4].
Dans la vieille épopée d’Arktinus, qui vient par sa date après l’Iliade et l’Odyssée,
Æneas abandonne Troie et se retire sur le mont Ida, terrifié qu’il est de la
mort miraculeuse de Laocoôn, avant l’entrée des Grecs dans la villé et la
dernière bataille nocturne : cependant Leschês, dans un autre ales anciens poèmes
épiques, le représentait comme ayant été emmené captif par Neoptolemos[5]. Dans un passage
remarquable de l’Iliade, Poseidôn dépeint la famille de Priam comme ayant
encouru la haine de Zeus, et il prédit qu’Æneas et ses descendants régneront
sur les Troyens : la race de Dardanos, que Zeus chérit plus que tous ses
autres fils, serait ainsi conservée, puisque Æneas lui appartenait. En
conséquence, lorsque Æneas est dans un danger imminent de périr sous les
coups d’Achille, Poseidôn intervient exprès pour le sauver, et même la déesse
Hêrê, l’implacable ennemie des Troyens, approuve cette action[6]. Divers habiles
critiques ont expliqué ces passages en disant qu’ils avaient trait à une
famille d’Æneades philhellênes ou à demi hellênes, connus même du temps des
premiers chantres de l’Iliade comme maîtres de quelque territoire dans Ainsi, un seul récit parmi beaucoup d’autres touchant Æneas,
et cela encore le plus ancien de tous, conservé parmi les indigènes de Antenôr, qui partage avec Æneas la sympathie favorable des
Grecs, alla, nous dit Pindare, avec Menelaos et Hélène de Traie dans le pays
de Kyrênê en Libye[14]. Mais, suivant
le récit qui avait le plus cours, il se mit à la tête d’un corps d’Énètes ou
Vénètes de Paphlagonia, qui étaient venus comme alliés de Troie, et se rendit
par mer dans l’intérieur du golfe Adriatique, où il vainquit les barbares du
voisinage et fonda la ville de Patavium ( Ainsi finit la guerre de Troie, ainsi que ses suites, la dispersion des héros, vainqueurs aussi bien que vaincus. Le récit que nous en avons donné a, chose inévitable, été court et imparfait mais, dans un ouvrage qui a pour but de suivre consécutivement l’histoire réelle des Grecs, on ne pouvait affecter un plus grand espace même au plus magnifique joyau de leur période légendaire. En effet, bien qu’il, ne fût pas difficile de remplir un gros volume des incidents séparés qui ont été introduits dans le cycle troyen, le malheur est qu’ils sont pour la plupart si contradictoires qu’ils excluent toute possibilité de les réunir dans le tissu d’un seul récit cohérent. Nous sommes forcés de choisir dans le nombre, sans avoir généralement un motif sérieux de préférence, et ensuite de marquer les variations dans le reste. Quiconque n’a pas étudié les documents originaux ne peut s’imaginer jusqu’où vont ces différences : elles couvrent presque toutes les parties et tous les fragments du conte[17]. Mais bien qu’on ait pu ainsi avoir omis beaucoup de ce que
le lecteur pouvait s’attendre à trouver dans un exposé de la guerre de Troie,
on s’est appliqué soigneusement à lui conserver son véritable caractère, sans
rien exagérer ni rien atténuer. La guerre troyenne réelle est celle qui était
racontée par Homère et les anciens poètes épiques, et continuée par tous les
auteurs lyriques et tragiques. Quant à ces derniers, bien qu’ils prissent de
grandes libertés avec les incidents particuliers, et qu’ils introduisissent
clans une certaine mesure un nouveau ton moral, cependant ils gardaient dans
leur oeuvre plus ou moins fidèlement les proportions homériques ; et même
Euripide, qui s’écarta le plus loin des sentiments de la vieille légende, ne
rabaissa jamais son sujet au point de le faire ressembler à la vie
contemporaine. Ils conservaient son objet bien défini, à la fois légitime et romanesque,
à savoir recouvrer la fille de Zeus et la soeur des Dioskures, les éléments
qui y étaient mêlés, divins, héroïques et humains, la force colossale et les
exploits de ses principaux acteurs, son immense importance et sa longue
durée, aussi bien que les peines que subirent les vainqueurs, et Tels étaient les événements dont était composée pour la plus grande partie la véritable guerre troyenne de l’ancienne épopée. Bien que crue littéralement, respectueusement aimée, et comptée parmi les phénomènes gigantesques du passé par le public grec, elle est essentiellement aux yeux de la critique moderne une légende, et rien de plus. Si l’on nous demande si ce n’est pas une légende renfermant en partie des éléments historiques. et élevée sur une base de vérité ; s’il ne se peut pas qu’il y ait eu réellement au pied de la colline d’Ilion une guerre purement humaine et politique, sans dieux, sans héros, sans Hélène, sans Amazones, sans Éthiopiens sous la conduite du beau Memnôn le fils d’Eôs , sans le cheval de bois, sans les traits caractéristiques et expressifs de la vieille guerre épique tels que le corps mutilé de Deiphobos dans les Enfers ; si l’on flous demande s’il n’y pas eu réellement quelque guerre historique telle que celle-ci, nous devons répondre que, comme on ne peut pas en nier la possibilité, l’on ne peut pas non plus en affirmer la réalité. Nous ne possédons que l’ancienne épopée elle-même, sans aucune preuve indépendante : si c’eût été, il est vrai, une époque où les événements fussent consignés clans des annales, l’épopée homérique dans son exquise et naïve simplicité n’aurait probablement jamais vu le jour. Aussi quiconque se permet de disséquer Homère, Arktinus et Leschês, et d’enlever certaines portions comme faits positifs, en laissant de côté le reste comme fiction, doit agir ainsi eu ayant toute confiance dans sa propre puissance de divination historique, sans avoir aucun moyen ni de prouver ni de vérifier ses conclusions. Parmi une foule de tentatives, anciennes aussi bien que modernes, faites pour reconnaître des objets réels dans ces ténèbres historiques, celle (le Dion Chrysostome hérite attention à cause de sa rare hardiesse. Dans son discours adressé aux habitants d’Ilion, dont le but est de démontrer que les Troyens ne méritaient pas de blâme quant à l’origine de la guerre, mais qu’ils furent victorieux à son issue, — il renverse tous les points principaux du récit homérique, et le refait presque tout entier depuis le commencement jusqu’à la fin : Pâris est l’époux légitime d’Hélène, Achille est tué par Hectôr, et les Grecs se retirent sans prendre Troie, déshonorés aussi bien que confondus. Après avoir montré sans difficulté que l’Iliade, si on la considère comme une histoire, est remplie de lacunes, d’incohérences et d’absurdités, il en vient à composer de lui-même un récit plus plausible, qu’il présente comme rempli de faits positifs et authentiques. Toutefois, le point le plus important que son discours nous mette sous les yeux, c’est la croyance littérale et confiante avec laquelle non seulement les habitants d’Ilion, mais encore le public grec en général, regardaient le récit homérique comme étant une histoire réelle[18]. La petite ville d’Ilion[19], habitée par des Grecs éoliens, et qui n’a gagné en importance que grâce au respect légendaire attaché à son nom, était située sur une cime élevée formant un éperon du mont Ida, à un peu plus d’une lieue et un quart de la ville et du promontoire de Sigeion, et à environ douze stades, ou moins de trois quarts de lieue de la mer à son point le plus rapproché. De Sigeion et de la ville voisine d’Achilleion (avec son tombeau et son temple d’Achille) à la ville de Rhœteion sur une colline plus élevée dominant l’Hellespont (avec son tombeau et sa chapelle d’Ajax appelée l’Aianteion[20]), il y avait une distance de soixante stades, ou environ deux lieues et trois quarts en ligne droite par mer : dans l’espace intermédiaire était une baie et une plaine contiguë, renfermant l’embouchure du Skamandros, et s’étendant jusqu’au pied de la hauteur où s’élevait Ilion. Cette plaine était la célèbre plaine de Troie, dans laquelle on croyait qu’avaient eu lieu les grandes batailles homériques : la portion de la baie voisine de Sigeion reçut le nom de Naustathmon des Achæens (c’est-à-dire le lieu où ils tirèrent leurs vaisseaux sur le rivage), et on la regardait comme ayant servi de camp à Agamemnôn et à son immense armée[21]. Mais quelque peu considérable qu’elle pût être, elle était
la seule ville qui portât le vénérable nom immortalisé par Homère. Ainsi que C’étaient là des témoignages que peu de personnes dans ces
temps étaient disposées à révoquer, en doute, quand ils se combinaient avec l’identité
de nom et de localité en général, et il ne semble pas non plus que personne
les ait mis en question jusqu’à l’époque de Dêmêtrius de Skêpsis. Hellanicus
indiquait expressément cette Troie comme étant Hérodote rapporte que Xerxès se rendant en Grèce visita la
ville, monta au Pergamos de Priam, s’informa arec beaucoup d’intérêt des
détails du siège homérique, fit des libations aux héros morts, et offrit à
Athênê d’Ilion son magnifique sacrifice de mille bœufs : il disait,
probablement ce qu’il croyait lui-même, qu’il attaquait Alexandre fit aux habitants d’Ilion beaucoup de promesses
libérales, qu’il aurait probablement réalisées, s’il n’avait pas été prévenu
par une mort prématurée. L’un de ses successeurs, Antigone[31] fonda la ville d’Alexandreia
dans Cependant, dans cette condition délabrée, elle fut encore
reconnue au point de vue mythique et par Antiochus et par le consul romain
Livius, qui y vint pour sacrifier à Athênê Ilienne. Les Romains, fiers de
descendre d’Æneas et de Troie, traitèrent Ilion avec une magnificence
signalée ; non seulement ils lui accordèrent l’immunité de tribut, mais
encore ils ajoutèrent à son domaine les territoires voisins de Gergis, de Rhœteion
et de Sigeion, et ils firent des habitants les maîtres de toute la côte[33] depuis La dignité et la puissance de Troie étant ainsi prodigieusement accrues, nous ne pouvons douter que les habitants ne se soient donné une importance exagérée comme parents reconnus de Rome, la dominatrice du monde. Un coup fut alors porté à la légitimité mythique d’Ilion, en partie par les jalousies, nous pouvons naturellement le supposer, que conçurent de là leurs voisins de Skêpsis et d’Alexandreia Trôas, — en partie par la tendance prononcée le l’époque à la critique et à l’explication des vieux poètes (époque dans laquelle Cratès à Pergame et Aristarque d’Alexandrie se partageaient la palme de la célébrité littéraire). Dêmêtrius de Skêpsis, un des critiques d’Homère les plus laborieux, avait composé trente livres de commentaires sur le Catalogue de l’Iliade : Hestiæa, femme auteur d’Alexandreia Trôas, avait écrit sur le même sujet : tous les deux, connaissant bien la localité, remarquèrent que les immenses batailles décrites clans l’Iliade ne pouvaient se resserrer dans l’espace étroit qui est entre Ilion et le Naustathmon des Grecs ; d’autant plus que cet espace, trop petit même comme il était alors, avait été considérablement agrandi depuis la date de l’Iliade par des dépôts faits à l’embouchure du fleuve Skamandros[34]. Ils ne, trouvèrent pas de difficulté à indiquer des incohérences et des impossibilités topographiques au sujet des incidents de l’Iliade, qu’ils déclaraient repousser en vertu de Cette étonnante théorie que l’Ilion homérique n’avait pas occupé l’emplacement de la ville ainsi appelée. Il y avait un village, nommé le village des Troyens, situé à un peu plus d’une lieue et demie dans la direction du mont Ida, et plus éloigné de la mer c’est là, affirmaient-ils, qu’était placée la sainte Troie. On ne fournissait aucune preuve positive à l’appui de
cette conclusion, car Strabon déclare expressément qu’il ne restait pas de
vestiges de l’ancienne ville au village des Iliens[35]. Mais la
supposition fondamentale était appuyée par une seconde supposition
accessoire, servant à expliquer comment tous ces vestiges avaient disparu.
Néanmoins Strabon adopte l’hypothèse dénuée de preuves qu’avance Dêmêtrius
comme si elle était un fait démontré authentique, en établissant une
distinction formelle entre l’ancienne ville d’Ilion et la nouvelle, et même
en critiquant Hellanicus pour avoir conservé la foi locale reçue. Mais je ne
puis trouver qu’aucun autre auteur des temps anciens, excepté Strabon, ait
suivi Dêmêtrius et Hestiæa sous ce rapport. Chacun continua encore à parler d’Ilion
comme de la véritable Troie homérique et à la considérer comme telle : les
cruelles plaisanteries du rebelle romain. Fimbria, quand il saccagea la ville
et massacra les habitants, — le dédommagement accordé par Sylla et la faveur
déclarée de Jules César et d’Auguste, — tout prouve cette reconnaissance
continue d’identité[36]. Arrien, bien
que natif de Nicomédie, occupant un commandement élevé dans l’Asie Mineure,
et remarquable pour l’exactitude (le ses observations topographiques, décrit
la visite d’Alexandre à Ilion, sans soupçonner nullement que la ville avec
toutes ses reliques ne soit qu’une imposture : Aristide, Dion Chrysostome,
Pausanias, Appien et Plutarque tenaient le même langage[37]. Mais des
écrivains modernes semblent pour la plus grande partie avoir emprunté la
supposition de Strabon aussi implicitement qu’il la prit de Dêmêtrius. Ils
donnent à Ilion l’irrévérencieuse dénomination de nouvelle Ilion, — tandis que le voyageur clans Strabon a transformé ici en fait géographique réel une hypothèse
purement gratuite, dans le dessein de sauver la justesse de la topographie
homérique ; bien que, selon toute probabilité, l’emplacement de l’ancienne
Troie prétendue se fut trouvé exposé à des difficultés non moins sérieuses
que celles auxquelles on voulait obvier en l’introduisant[39]. Il peut être
vrai que Dêmêtrius et lui fussent justifiés dans leur argumentation négative,
en démontrant qu’il n’était pas possible que les batailles décrites dans l’Iliade
eussent eu lieu si la cité de Priam avait été placée sur la colline habitée
par les Iliens. Mais la foi légendaire existait auparavant, et elle persévéra
dans la suite sans affaiblissement, nonobstant de telles impossibilités
topographiques. Hellanicus, Hérodote, Mindaros, les guides de Xerxès et
Alexandre n’en avaient pas été choqués : le cas le plus frappant est celui de
ce dernier prince, parce qu’il avait reçu comme disciple d’ Aristote la
meilleure éducation qu’on eût de son temps ; c’était un admirateur passionné
et un lecteur constant de l’Iliade ;- de plus, il était familier avec les
mouvements des armées, et vivait à erre époque où les cartes, qui
commencèrent avec Anaximandre, disciple de Thalès, étaient au moins connues
de tous ceux qui recherchaient l’instruction. Or, si, malgré de tels
avantages, Alexandre croyait pleinement à l’identité d’Ilion, sans se douter
(le ces nombreuses et évidentes difficultés topographiques, à plus forte
raison Homère lui-même, ou les auditeurs d’Homère, n’étaient-ils pas en état
d’y faire attention, cinq siècles auparavant, à une époque de grossièreté et
d’ignorance relatives, où les annales en prose aussi bien que les cartes
géographiques étaient totalement inconnues[40]. Le poète
inspiré pouvait décrire, et ses auditeurs écoutaient ordinairement le récit
avec délices, comment Hectôr, poursuivi par Achille, courut trois fois autour
de la cité de Troie, tandis que les Troyens tremblants se serraient tous
clans la ville, pas un n’osant sortir même au moment du danger extrême qui
menaçait leur prince bien-aimé, et tandis que les Grecs regardaient, retenant malgré eux leurs lances
levées sur un signe d’Achille, afin qu’Hector ne périt pas d’une autre main
que de la sienne ; et absorbés par ce récit émouvant, les auditeurs n’étaient
pas non plus disposés à mesurer les distances ou à calculer les possibilités
topographiques en rapport avec l’emplacement de Il y a tout lieu de présumer que Pour passer de ce monde légendaire, réunion de courants
distincts et hétérogènes, qui ne confluent pas volontairement, et qu’on ne
peut contraindre à se mêler, à une donnée plus claire fournie par Hérodote,
il nous apprend que dans l’année 500 av. J.-C. toute la région de la côte
depuis Dardanos au sud jusqu’au promontoire de Lekton (comprenant la ville d’Ilion), et
depuis Lekton à l’est jusqu’à Adramytte, était devenue æolienne, ou était
occupée par des Grecs Æoliens, ainsi que les villes de l’intérieur Skêpsis[53] et Kebrêna. De
sorte que si nous tirons une ligne au nord d’Adramytte à Kyzikos sur L’auteur de l’Iliade concevait l’ensemble de cette région comme étant occupée par une population nullement grecque — Troyens, Dardaniens, Lykiens, Lélèges, Pélasges et Kilikiens. Il reconnaît un temple et un culte d’Athênê à Ilion, bien que la déesse montre une hostilité amère à l’égard des Troyens ; et Arktinus indiquait le Palladium comme la principale protection de la gille. Mais peut-être le trait le plus remarquable d’identité entre l’Æolis homérique et l’Æolis historique, est le culte solennel et répandu de l’Apollon Sminthien. Chrysê, Killa et Tenedos, et plus d’une ville appelée Smynthion, conservent le surnom et invoquent la protection de ce dieu dans les temps postérieurs, exactement comme Homère nous décrit expressément qu’elles le font[56]. Quand il est dit que les Grecs post-homériques rendirent
graduellement cette région entière hellénique, il ne faut pas comprendre que
toute la population antérieure se fût retirée ou fût détruite. Les Grecs s’établirent
dans les villes principales et considérables, qui leur permettaient et de se
protéger mutuellement et de satisfaire leurs goûts prédominants. En partie
par la force, — mais beaucoup aussi par cette activité supérieure, et ce
pouvoir d’assimiler à leurs propres manières de penser les manières de penser
étrangères, qualités qui les distinguèrent dès le commencement, ils donnèrent
à tous les traits publics et à la direction de la ville un air hellénique, y
répartirent partout leurs dieux, leurs héros et leurs légendes, et firent de
leur langage l’intermédiaire de l’administration publique, des chants religieux
et des prières aux dieux, et en général s’en servirent pour les
communications où un certain nombre de personnes étaient intéressées. Mais il
y. a ici deux remarques à faire : la première, c’est qu’en agissant ainsi ils
ne pouvaient éviter d’emprunter plus ou moins de ce qui appartenait aux
différentes parties avec lesquelles ils fraternisaient, de sorte que le
résultat ne fut pas un pur hellénisme ; en second lieu, ceci même n’eut lieu
que dans les villes, sans s’étendre complètement au domaine territorial
environnant, ou à ces territoires plus petits qui, étaient vis-à-vis de la
ville dans un rapport de dépendance. Les Grecs Æoliens et Ioniens
empruntèrent des Asiatiques, qu’ils avaient rendus Helléniques, des
instruments de musique et de nouvelles lois de rythme et de mélodie, qu’ils
savaient comment mettre à profit : en outre, ils adoptèrent plus ou moins de
ces rites religieux violents et portant à la folie, manifestés parfois par
des souffrances et des mutilations qu’on s’infligeait soi-même, rites
indigènes en Asie Mineure dans le culte de A quelle époque Ilion et Dardanos devinrent-elles Æoliennes,
c’est un point sur lequel nous n’avons aucun renseignement. Nous trouvons les
Mitylénæens en possession de Sigeion à l’époque du poète Alcée, vers l’an 600
av. J.-C. ; et les Athéniens, pendant le règne de Pisistrate, la leur ayant
enlevée, et essayant de conserver leur possession, justifient leur conduite
en disant qu’ils y avaient autant de droit que les Mitylénæens, car ces derniers
ne pouvaient pas plus y prétendre qu’aucun des autres Grecs qui avaient aidé
Menelaos à venger l’enlèvement d’Hélène[59]. C’est là un
incident très remarquable, en ce qu’il atteste la célébrité de la légende de
Troie, et l’importance d’un titre mythique dans les disputes internationales
; -cependant il semble impliquer que l’établissement des Mitylénæens dans ce
lieu doit avoir été récent. La contrée placée près de la jonction de l’Hellespont
et de |
[1] Strabon, I, p. 48.
[2]
[3] Denys d’Halicarnasse, I, 46-43 ; Sophocle, ap. Strabon, p. 608 ; Tite-Live, I, 1 ; Xénophon, Venat., I, 15.
[4] Énéide, II, 433.
[5] Argument de l’Ίλίου Πέρσις, Fragm. 7, de Leschês, dans la collection de Düntzer, p. 19-21. — Hellanicus semble avoir adopté cette retraite d’Æneas sur les endroits les plus inaccessibles du mont Ida, mais l’avoir conciliée avec les récits de ses voyages, en disant qu’il ne resta sur l’Ida que peu de temps, et qu’alors il quitta le pays entièrement, en vertu d’une convention faite avec les Grecs (Denys Hal., I, 47-48). Parmi l’infinie variété des histoires touchant ce héros, il y en avait une qui disait qu’après avoir effectué son établissement en Italie, il était retourné à Troie et avait repris le sceptre, le léguant à sa mort à Askanios (Denys Hal., I, 53) : c’était un plan compréhensif, fait apparemment pour concilier toutes les légendes.
[6] Iliade, XX, 300. Au v. 339, Poseidôn dit à Æneas qu’il n’a rien à craindre d’aucun Grec, si ce n’est d’Achille.
[7] V. O. Müller, sur les causes du mythe d’Æneas et de son voyage en Italie, dans le Classical Journal, vol. XXVI, p. 308 ; Klausen, Æneas und die Penaten, vol. I, p. 43-52. — Dêmêtrius Skêps. ap. Strabon, XIII, p. 607 ; Nicolaus ap. Steph. Byz., v. Άσxανία. Dêmêtrius conjecturait que Skêpsis avait été la résidence royale d’Æneas : il y avait auprès un village appelé Æneia (Strabon, XIII, p. 603).
[8] Steph. Byz., v. Άρίσβη, Γεντϊνος. Askanios est roi de l’Ida après le départ des Grecs (Conon, Narr., 41 ; Mela, I, 18). Ascanius portus entre Phokæa et Kymê.
[9] Strabon, VIII, p. 595 ; Lycoph. 1208, et Schol. ; Athenagoras, Legat., I. Inscription dans les Clarke’s Travels, vol. II, p. 86. Lucien, Deor. Concil., c. 12, I, 111, p. 534, Hemst.
[10] Ménécrate ap. Denys Hal. I, 48.
[11] Denys d’Halicarnasse, A. R., I, 48-54 ; Heyne, Excurs., I, ad Énéide, III : de Æneæ erroribus, et Excurs., I, ad Énéide, V ; Conon, Narr., 46 ; Tite-Live, XL, 4 ; Stephan. Byz., Αϊνεια. Les habitants d’Æneia, dans le golfe Thermaïque, l’adoraient avec une grande solennité comme leur fondateur héroïque (Pausanias, III, 22, 4 ; VIII, 12, 4). On montrait le tombeau d’Anchisês sur les confins d’Orchomenos et de Mantineia en Arcadia (cf. Steph. Byz, v. Κάφυαι), au pied de la montagne appelée Anchisia, près d’un temple d’Aphroditê ; sur les différences touchant la mort d’Anchisês (Heyne, Excurs., 17, ad Énéide, III) : Ségeste en Sicile, fondée par Æneas (Cicéron, Verrines, IV, 33).
[12] Denys d’Halicarnasse, I, 55.
[13] Denys. Hal., I, 54. Entre autres lieux, Bérécynthe en Phrygiæ montrait son tombeau (Festus, v. Romam, p.224, éd. Müller) ; article curieux, qui contient un assemblage des assertions les plus contradictoires touchant à la fois Æneas et Latinus.
[14] Pindare, Pyth., V, et la citation empruntée des Νόστοι de Lysimaque, dans les Scholies ; donnée encore plus complètement dans les Scholies ad Lycophron. 875. Il y avait à Kiyrênê un λόφος Άντηνορίδων.
[15] Tite-Live, I, I. Servius, ad Énéide, I, 242. Strabon, I, 48 ; V, 212. Ovide, Fastes, IV, 75.
[16] Strabon, III, p. 157.
[17] Ces différences sont bien exposées dans l’utile Dissertation de Fuchs, de Varietate Fabularum Troicarum (Cologne, 1830). — On peut se faire quelque idée du nombre des assertions romanesques mises en avant au sujet d’Hélène et d’Achille, particulièrement par le 4e, le 5e et le 6e chapitre de Ptolémée Hêphæstion (ap. Westermann, Scriptt. Mythograph., p. 188, etc.)
[18] Dion Chrysostome, Or., XI, p. 310-322.
[19] Hérodote, V, 122. Pausanias, V, 8, 3 ; VIII, 12, 4. Αίολεύς έx πόλεως Τρώαδος, titre proclamé aux jeux Olympiques : comme Αίολεύς άπό Μουρίνας, de Myrina dans la région la plus méridionale de l’Æolis, tel que nous le trouvons dans la liste des vainqueurs dans les Charitêsia, à Orchomenos en Bœôtia (Corp. Inscript., Bœckh, n° 1583).
[20] V. Pausanias, I, 35, 3, pour les légendes ayant cours à Ilion, touchant l’énorme grandeur des ossements d’Ajax dans son tombeau. Les habitants affirmaient qu’après le naufrage d’Odysseus les armes d’Achille, qu’il emportait avec lui, furent jetées par la mer près du tombeau d’Ajax. Pline fixe la distance à trente stades : des, voyageurs modernes disent un peu plus que Pline, mais beaucoup moins que Strabon.
[21] Strabon, XIII, p. 596-598. Strabon distingue le Άχαιών Ναύσταθμον, qui était près de Sigeion, de l’Άχαιών λιμήν, qui était plus rapprochés du milieu de la baie existant entre Sigeion et Rhœteion ; mais nous inférons de ses paroles que cette distinction n’était pas universellement reconnue. Alexandre aborda à l’Άχαιών λιμήν (Arrien, I, 11).
[22] Strabon, XIII, p. 593.
[23] Hérodote, V, 95 (son récit de la guerre qui eut lieu entre les Athéniens et les Mityléniens au sujet de Sigeion et d’Achilleion) ; Strabon, XIII, p. 593.
[24] Outre Athênê, les Inscriptions attestent l’existence d’un Ζεύς Πολιεύς à Ilion (Corp. Inscrip., Bœckh, n° 3599).
[25] Strabon, XIII, p. 600. — La situation d’Ilion (ou comme elle est communément appelée, mais par erreur, Nouvelle Ilion) paraît être très bien déterminée à environ trois quarts de lieue de la mer (Rennel, On the Topography of Troy, p. 41-71 ; Dr Clarke’s Travels, vol. II, p. 102).
[26] Xerxès, passant par Adramyttion et laissant à sa gauche la chaîne de l’Ida, Hérodote, VII, 43. — Au sujet d’Alexandre : Arrien, I, 11. — Les habitants d’Ilion montraient aussi la lyre qui avait appartenu à Pâris (Plutarque, Alexandre, C. 15). — Chandler, dans son History of Ilium, eh. 22, p. 89, semble croire que la ville appelée le Pergamos de Priam est différente de l’Ilion historique. Mais la mention d’Athênê d’Ilion les fait reconnaître comme étant les mêmes.
[27] Strabon, XIII, p. 502. Hellanicus avait écrit un ouvrage appelé Τρωίxά.
[28] Xénophon, Helléniques, I, 1, 10, Scylax place Ilion à vingt cinq stades, ou environ une lieue et un quart de la mer (c. 94). Mais je ne comprends pas comment il peut appeler Skêpsis et Kebrên πόλεις έπί θαλάσση.
[29] V. Xénophon, Helléniques, III, 1, 16 ; et la description de la prise d’Ilion en même temps que de Skêpsis et de Kebrên, parle chef des mercenaires, Charidêmos, dans Démosthène, Cont. Aristocrat., c. 38, p. 671 : cf. Æneas, Poliorcetic., c. 21, et Polyæn, III, 14.
[30]
Dicéarque composa un ouvrage séparé sur ce sacrifice d’Alexandre (Athenæ, XIII,
p. 603 ; Dicéarque, Fragm., p. 114,
éd. Fuhr). — Théophraste, en mentionnant des arbres vieux et vénérables, parle
des φηγοί (Quercus æsculus)
existant sur la tombe d’Ilos à Ilion, sans témoigner aucun doute sur l’authenticité
de la ville (de Plant. IV, 14) ; et son contemporain,le harpiste Stratonikos,
donne à entendre qu’il partage le même sentiment, dans la plaisanterie qu’il
fait sur la visite d’un mauvais sophiste à Ilion pendant la fête des Ilieia
(Athenæ, VIII, p. 351). On peut dire la même chose an sujet de l’auteur de la
dixième épître attribuée à l’orateur Eschine (p. 737), dans laquelle il décrit
la visite qu’il fit par curiosité à Ilion, aussi bien qu’an sujet d’Apollonius
de Tyane, ou de l’écrivain qui raconta sa vie et sa course dans
[31] Strabon, XIII, 603-607.
[32] Tite-Live, XXXV, 43 ; XXXVII, 9. Polybe, V, 78-111 (passages qui prouvent qu’Ilion était fortifiée et défendable vers 218 av. J.-C.). Strabon, XIII, p. 591.
Voilà une assertion très claire et très précise, attestée par un témoin oculaire. Mais elle est entièrement en désaccord avec celle qu’avance Strabon dans le chapitre précédent, une douzaine de lignes avant, dans I’état actuel du texte. En effet, il nous y apprend que Lysimaque, après la mort d’Alexandre, fit grande attention à Ilion, l’entoura d’un mur de quarante stades de circonférence, érigea lin temple, et réunit à cette cité les anciennes villes qui l’entouraient et qui étaient dans un état de décadence. Tite-Live nous apprend que la réunion de Gergis et de Rhœteion à Ilion fut effectuée, non pas Lysimaque, mais par les Romains (Tite-Live, XXXVIII, 37) ; de sorte que la première assertion de Strabon non seulement ne s’accorde pas avec la seconde, mais encore est contredite par une autorité indépendante.
Je ne puis que penser que cette contradiction naît d’une confusion de texte dans le premier passage de Strabon, et que, dans ce passage, Strabon ne voulait réellement parler que des améliorations apportées par Lysimaque à Alexandreia Trôas ; qu’il ne songea jamais à attribuer à Lysimaque aucune amélioration faite à Ilion ; mais, au contraire, à trouver dans l’attention remarquable apportée par Lysimaque à Alexandreia Trôas la raison pour laquelle il avait négligé de remplir les promesses faites à Ilion par Alexandre. Voici la marche des allégations de Strabon : — 1. Ilion n’est rien de plus qu’une xώμη lors du débarquement d’Alexandre ; 2. Alexandre promet de grands accroissements, mais ne revient jamais de Perse pour les accomplir ; 3. Lysimaque est absorbé par Alexandreia Trôas, à laquelle il réunit plusieurs des anciennes villes contiguës, et qui fleurit entre ses mains ; 4. Pour cela Ilion resta une xώμη quand les Romains entrèrent en Asie, comme elle l’avait été quand y entra Alexandre.
On pourrait faire ce changement dans le texte de Strabon, par la simple transposition des mots dans leur état actuel, et par l’omission de ότε xαί, ήδη έπεμελήθη, sans introduire un seul mot nouveau, ou conjectural. Si cette leçon est adoptée, les mots par lesquels commence ce qui est dans l’édition de Tzschuche, la sect. 27, et qui suivent immédiatement le dernier mot πόλεων, se liront d’une manière tout à fait convenable et cohérente, tandis qu’ils présentent une contradiction avec la leçon actuelle du passage, et que le passage entier est complètement confus.
[33] Tite-Live, XXXVIII, 39 ; Strabon, VIII, p. 600.
[34] Strabon, XIII, 599. — Les mots ποΰ έστιν sont introduits d’une manière conjecturale par Grosskurd, l’excellent traducteur allemand de Strabon, mais ils me semblent nécessaires pour rendre le sens complet. — Hestiæa est citée plus d’une fois dans les Scholies homériques (Schol. Venet. ad. Iliade, III, 64 ; Eustathe, ad Iliade, II, 538).
[35] Strabon, XIII, p. 599.
[36]
Appien, Mithridate, c. 53 ; Strabon,
XIII, p. 594 ; Plutarque, Sertorius,
c.1 ; Velleius Paterculus, II, 23. — Les inscriptions attestent des jeux
Panathénaïques célébrés à Ilion en l’honneur d’Athênê par les Troyens, conjointement
avec diverses autres villes voisines (V. Corp.
Inscr., Bœckh, n°
[37] Arrien, I, 11 ; Appien, ut sup., et Aristide, Or., 43, Rhodiaca, p. 820 (Dindorf. p. 369). Le curieux discours XI de Dion Chrysostome, dans lequel il écrit sa nouvelle version de la guerre de Troie, est adressé aux habitants d’Ilion.
[38]
La controverse touchant Troie et la guerre troyenne, qui a maintenant un
demi-siècle de date, et qui eut lieu entre Bryant et ses divers adversaires,
Morritt, Gilbert Wakefield, le British Critic, etc., semble actuellement
presque oubliée, et je ne puis croire que les pamphlets venant de l’un ou do l’autre
cité seraient considérés comme faisant preuve de beaucoup de talent, si on les
publiait aujourd’hui. La discussion s’était élevée pour la première fois à la
suite de la publication du mémoire de Le Chevalier sur la plaine de Troie, dans
lequel l’auteur déclarait avoir découvert la véritable place de l’ancienne
Ilion (
[39]
Par exemple, en adoptant sa propre manière d’argumenter (pour ne pas mentionner
ces batailles dans lesquelles la poursuite et la fuite vont de la ville aux
vaisseaux et réciproquement), on aurait pu lui opposer qu’en supposant
[40]
Le major Rennel tire une conclusion différente de la visite d’Alexandre, dont
il se sert pour réfuter l’hypothèse de Le Chevalier, qui avait placé
[41] Strabon, VIII, p. 599.
[42] Mannert (Geographie der Griechen und Roemer, th.6, heft. 3, 6, 8, cap. 8) est confus dans sa description de Troie ancienne et de Troie nouvelle ; il expose qu’Alexandre illustra un nouveau lieu en disant qu’il avait été l’Ilion homérique, ce qui n’est pas le fait exact Alexandre adhéra à la croyance locale reçue. A vrai dire aussi loin que nos preuves s’étendent, il n’y a que Dêmêtrius. Hestia a et Strabon qui s’en soient jamais éloignés.
[43] Il ne peut guère y avoir un exemple plus singulier de cette même confusion que quand on trouve des critiques militaires minutieuses par l’Empereur Napoléon, sur la description de la prise de Troie dans le second livre de l’Enéide. Il montre que de grosses fautes y sont commises, si on la considère au point de vue d’un général (V. un article intéressant de M. G. C. Lewis, dans le Classical Museum, vol. I, p. 205, Napoleon on the capture of Troy). — Après avoir cite cette critique due à la plus haute autorité dans l’art de la guerre, nous pouvons trouver un pendant convenable dans les ouvrages de publicistes distingués. L’attaque des Ciconiens par Odysseus (décrite dans Homère, Odyssée, IX, 3q-61) est citée et par Grotius (De Jure Bell. et Pac., III, 3, 10) et par Vattel (Droit des gens, III, 202) comme un cas qui touche à une loi internationale. On considère Odysseus comme ayant manqué aux règles de la loi internationale en les attaquant comme alliés des Troyens, sans déclaration formelle de guerre.
[44]
Hérodote, V, 21-122 ; Thucydide, I, 131. L’Ίλιάς
γή est une partie de
[45] Hérodote, VII, 43.
[46] Hérodote, V, 122. — Pour l’émigration des Teukriens et des Mysiens en Europe, v. Hérodote, VII, 20 ; les Pæoniens, sur le Strymôn, s’appelaient leurs descendants.
[47] Hérodote, II, 118 ; V, 13.
[48] Strabon, VIII, p. 604 ; Apollodore, III, 12, 4. — Kophalôn de Gergis appelait Teukros un Krêtois (Stephan. Byz., v. Άρίσβη).
[49] Clearchus ap. Athenæ. VI, p. 256 ; Strabon, XIII, p. 589-616.
[50] Homère, Hymn. in Vener., 116.
[51] Iliade, II, 863. Asios, frère d’Hekabê, vit en Phrygia, sur les bords du Sangarios (Iliade, XVI, 717).
[52] V. Hellanicus, Fragm. 129, 130, d. Didot ; et Kephalôn Gergithius ap. Steph. Byz. v. Άρισβή.
[53] Skêpsis reçut quelques colons de l’Ionienne Milêtos (Anaxim. ap. Strabon, XIV, p. 6351 ; mais les monnaies de la ville prouvent que son dialecte était æolien. V. Hausen, Æneas und die Penaten, t. I, note 180. — Arisbê aussi, près d’Abydos, semble avoir été colonisée par Mitylênê (Eustathe ad Iliade, XII, 97). — Des voyageurs modernes mentionnent la fertilité extraordinaire et la féconde terre végétale de la plaine qui entoure Ilion (V. Franklin, Remarks and observations on the Plain of Troy, London, 1800, p. 44) ; aussi est-elle facile à travailler : Une paire de buffles ou de bœufs suffisait pour tirer la charrue, tandis qu’auprès de Constantinople il en faut douze ou quatorze.
[54] Éphore ap. Harpocration, v. Κεόρήνα.
[55] Xénophon, Helléniques, I, 1, 10 ; III, 1, 10-15. — Un des grands motifs de Dion pour mettre de côté le récit homérique de la guerre de Troie, c’est qu’il veut décharger Athênê de l’accusation d’après laquelle elle aurait injustement détruit sa propre cité d’Ilion (Orat., XI, p. 310).
[56] Strabon, V, p. 473 ; VIII, p. 604-605. Polémon, Fragm. 31, p. 63, éd. Preller. — Polémon était natif d’Ilion, et il avait écrit une periegesis de la ville (vers 200 av. J.-C., donc antérieurement à Dêmêtrius de Skêpsis) ; il peut avoir été témoin des améliorations opérées dans son état par les Romains, Il mentionnait la même pierre sur laquelle Palamdês avait appris aux Grecs à jouer aux dés. — Apollon Sminthien parait gravé sur les monnaies d’Alexandreia Trôas ; et le temple du dieu fut mémorable même jusqu’à l’époque de l’empereur Julien (Ammien Marcellin, XXII, 8). Cf. Ménandre (le rhéteur) περί Έπιδειxτιxών, IV, 14 ; ap. Walz, Collect. Rhetor., t. IX, p. 304 ; et περί Σμινθιαxών, IV, 17. — Σμίνθος, dans le dialecte krêtois ainsi que dans le dialecte æolien, signifiait mulot ; la contrée semble ‘avoir été fort dévastée par ces petits animaux. — Polémon n’aurait pas pu admettre la théorie de Dêmêtrius, à savoir qu’ilion n’était pas la, véritable Troie : sa Periegesis, décrivant lis localités et les restes d’Ilion, supposait la légitimité de la ville comme une chose toute naturelle.
[57] Virgile, Énéide, VI, 42.
[58] Pausanias, X, 12, 8 ; Lactance, I, 6, 12. Steph. Byz. v. Μέρμησσος. Schol. Plat., Phædr., p. 315, Bekker. — La date de cette Sibylle Gergithienne, ou des prophéties passant sous son nom, est fixée par Héraclide de Pont, et il ne semble pas qu’il y ait de raison pour la contester. — Klausen (Æneas und die Penaten, livre, II, p. 205) a traité amplement et à fond la circulation et la valeur légendaire de ces prophéties sibyllines.
V. le savant ouvrage Oracula Sibylline de C. Alexandre. (Note du traducteur.)
[59] Hérodote, V, 54. Dans Eschyle (Eumenid., 102) la déesse Athênê réclame le pays voisin du Skamandros, comme ayant été donné en présent au fils de Thêseus par le vote général des chefs grecs. — A l’époque de Pisistrate, ce semble, Athènes n’était pas assez hardie ou assez puissante pour avancer une prétention si considérable.
[60] Charôn de Lampsakos, ap. Scholiastem Apollonii Rhodensis, II, 2 ; Bernhardy ad Dionys., Periêgêt., 805, p. 747.
[61] Telle est du moins l’assertion de Strabon (XII, p. 550) ; bien qu’il ne semble pas facile de concilier une telle étendue de l’empire lydien à cette époque avec la conduite des rois lydiens qui régnaient dans la suite.