PREMIER VOLUME
Les Bœôtiens en général, pendant toute l’époque historique, quoique bien doués de force corporelle et de courage[1], sont représentés comme dénués d’intelligence, de goût et d’imagination, ce qui avait passé en proverbe. Mais la population légendaire de Thèbes, c’est-à-dire les Kadméens, est riche en antiquités mythiques, divines aussi bien qu’héroïques. Dionysos et Héraclès reconnaissent également T1lêbes comme leur ville natale. De plus, les deux sièges de Thêbes par Adrastos, même abstraction faite de Kadmos, d’ Antiopê, d’Amphiôn et de Zêthos, etc., sont les exploits les plus saillants et les plus caractéristiques, après le siège de Troie, de cette race préexistante de héros qui vivaient dans l’imagination des Hellènes historiques. Ce n’est pas Kadmos, mais les frères Amphiôn et Zêthos, que l’Odyssée nous donne comme les premiers fondateurs de Thèbes et les premiers constructeurs de ses célèbres murs. Ils sont fils de Zeus et d’Antiopê, fille d’Asôpos. Les scholiastes, qui désirent concilier ce conte avec le récit plus répandu de la fondation de Thèbes par Kadmos ; nous disent qu’après la mort d’Amphiôn et de Zêthos, Eurymachos, le belliqueux roi des Phlegyæ, envahit et ruina la ville nouvellement établie, de sorte que Kadmos en arrivant fut obligé de la fonder de nouveau[2]. Mais Apollodore et vraisemblablement les logographes plus anciens avant lui plaçaient Kadmos à la tête de la généalogie, et intercalaient les deux frères à un point plus bas dans la série. D’après eux, Bêlos et Agênôr étaient fils d’Epaphos (fils de l’Argienne Iô) et de Libya. Agênôr alla en Phénicie et là devint roi ; il eut pour enfants : Kadmos, Phoenix, Kilix et une fille, Europê, bien que dans l’Iliade Europê soit appelée fille de Phoenix[3]. Zeus ressentit de l’amour pour Europê, et, prenant la forme d’un taureau, il l’emporta sur son dos, à travers la mer d’Égypte, en Krête, où elle lui donna pour fils Minôs, Rhadamanthe et Sarpêdôn. Deux des trois fils, envoyés par Agênôr à la recherche de leur soeur enlevée par le dieu, rebutés d’un voyage prolongé et sans résultat, renoncèrent à l’idée de retourner dans leur patrie ; Kilix s’établit en Kilikia et Kadmos en Thrace[4]. Thasos, frère ou neveu de Kadmos, qui les avait accompagnés dans le voyage, se fixa dans l’île de Thasos, à laquelle il donna son nom. Hérodote et Euripide représentent tous deux Kadmos comme un émigrant de Phénicie, conduisant une troupe de compagnons à la recherche d’Europê. Le récit d’Apollodore le dépeint comme étant venu dans l’origine de Libye ou d’Égypte en Phénicie ; nous pouvons présumer que telle était l’assertion des logographes plus anciens, Phérécyde et Hellanicus. Conon, qui donne à toute la légende une cou-leur historique et politique, semble avoir trouvé deux récits différents, l’un rattachant Kadmos à l’Égypte, l’autre l’amenant en Phénicie. Il essaye de fondre les deux en un seul, en représentant que les Phéniciens, qui envoyèrent Kadmos, avaient acquis un grand pouvoir en Égypte ; que le siège de leur royaume était Thèbes l’Égyptienne ; que Kadmos fut envoyé sous prétexte, il est vrai, de trouver la soeur qui avait été enlevée, mais en réalité dans un but de conquête ; et que le nom de Thèbes, qu’il donna à son nouvel établissement en Bœôtia, fut emprunté de Thèbes en Égypte, séjour de ses ancêtres[5]. Kadmos vint de Phénicie en Thrace, et de Thrace à Delphes
pour se procurer des renseignements au sujet de sa soeur Europê ; mais le
dieu l’engagea à ne plus s’inquiéter d’elle : il devait suivre une vache qui
lui servirait de guide, et fonder une ville à l’endroit où l’animal se
coucherait. La condition fut remplie sur l’emplacement de Thèbes. La fontaine
voisine, Areia, était gardée par un dragon féroce, rejeton d’Arès, qui
faisait périr toutes les personnes qu’on y envoyait pour puiser de l’eau.
Kadmos tua le dragon, et, à l’instigation d’Athênê, il sema les dents de l’animal
dans le sol[6]
; il en sortit aussitôt les hommes armés appelés Sparti, au milieu desquels
il jeta des pierres, et immédiatement ils se mirent à s’attaquer les luis les
autres jusqu’à ce qu’ils fussent tous tués excepté cinq. Arès, indigné de ce
meurtre, était sur le point de tuer Kadmos ; mais Zeus l’apaisa et condamna
Kadmos à’une servitude expiatoire de huit années ; après ce temps il épousa
Harmonia, fille d’Arès et d’Aphroditê, et il lui fit don du magnifique collier
fabriqué de la main d’Hêphæstos et qui avait été donné par Zeus à Europê[7]. Tous les dieux
vinrent à Des guerriers nés des dents du dragon, les cinq qui survécurent seuls donnèrent naissance à cinq grandes familles ou gentes à Thèbes, les plus anciens et les plus nobles de ses habitants, contemporains de la fondation de la ville. On les appelait Sparti, et leur nom semble avoir fait naître, non seulement la fable des dents semées, mais encore d’autres récits étymologiques[9]. Les filles de Kadmos sont illustres toutes les quatre dans l’histoire fabuleuse. Inô, épouse d’Athamas, fils d’Æolos, a déjà été comprise dans les légendes des Æolides. Semêlê devint la maîtresse de Zeus, et inspira de la jalousie à Hêrê. Abusée par les suggestions perfides de cette déesse, elle sollicita Zeus de la venir voir avec toute la solennité et les terreurs qui l’entouraient quand il approchait d’Hêrê elle-même. Le dieu y consentit contre son gré, et vint monté sur son char au milieu du tonnerre et des éclairs, appareil redoutable sous lequel le corps mortel de Semêlê périt. Zeus en retira l’enfant dont elle était enceinte et le cousit dans sa propre cuisse ; après l’intervalle convenable l’enfant en fut retiré et mis au monde pour devenir le grand dieu Dionysos ou Bacchus. Hermês le porta à Inô et à Athamas pour le mettre sous leur protection. Dans la suite cependant, Zeus l’ayant transformé en chevreau pour le soustraire à la persécution de Hêrê, les nymphes de la montagne Nysa devinrent ses Nourrices[10]. Autonoê, la troisième fille de Kadmos, épousa le héros ou dieu berger Aristæos, et fut mère d’Aktæôn, ardent chasseur et compagnon favori de la déesse Artemis. Cependant il encourut son déplaisir, soit parce qu’il la regarda dans une fontaine pendant qu’elle se baignait et qu’il la vit nue, soit, selon la légende exposée par le poète Stésichore, parce qu’il aima et courtisa Semêlê, ou, selon Euripide, parce qu’il se vanta d’un ton présomptueux de lui être supérieur a la chasse. Elle le métamorphosa en cerf, de sorte que ses chiens se jetèrent sur lui et te dévorèrent. On montra à Pausanias, prés de Platée, sur la route de Megara, le rocher sur lequel Aktæôn avait coutume de dormir quand il était fatigué de la chasse, et la source dont les eaux transparentes avaient trop clairement révélé les formes de la déesse[11]. Agavê, la fille de Kadmos dont il reste à parler, épousa
Echiôn, un des Sparti. De ce mariage naquit Pentheus, qui, lorsque Kadmos
devint vieux, lui succéda comme roi de Thèbes. C’est sous son règne que
Dionysos parut comme dieu, Dionysos qui inventa ou découvrit le vin avec tous
ses bienfaits. Il avait erré en Asie, en Inde et en Thrace, à la tête d’une
troupe en délire de femmes enthousiastes, — communiquant et inculquant
partout les cérémonies bachiques, et excitant dans l’esprit des femmes cette
émotion religieuse passionnée qui les poussait à errer dans les montagnes
solitaires à des époques particulières, à s’y livrer à de violents transports
fanatiques, séparées des hommes, couvertes de peaux de faons et armées de
thyrses. L’intrusion d’un spectateur mâle dans ces solennités était regardée
comme sacrilège. Bien que ces rites eussent été rapidement disséminés et
admis avec faveur dans beaucoup de parties de Thêbes fut la première ville de Polydôros et Labdakos devinrent successivement rois de Thèbes : le dernier à sa mort laissa un fils tout. jeune, Laïos, qui fut dépouillé de son trône par Lykos. Et ici nous approchons de la légende d’Antiopê, de Zêthos et d’Amphiôn, que les fabulistes intercalent à ce point de la généalogie thébaine. Antiopê est ici la fille de Nykteus, frère de Lykos. Elle est déflorée par Zeus, et alors, enceinte, elle s’enfuit chez Epôpeus, roi de Sikyôn : Nykteus, en mourant, supplie son frère de venger cette injure, et en conséquence Lykos envahit Sikyôn, défait et tue Epôpeus, et ramène à Thèbes Antiopê prisonnière. Pendant son retour, dans une caverne près d’Eleutheræ, que Von montra à Pausanias[13], elle met au monde les deux fils jumeaux de Zeus, Amphiôn et Zêthos — qui, exposés pour périr, sont recueillis et nourris par un berger, et passent leur jeunesse au milieu des pâtres, ignorant leur glorieuse origine. Antiopê est transportée à Thèbes, d’où, après avoir subi une longue persécution de la part de Lykos et de sa cruelle épouse Dirkê, elle finit par se sauver, et se réfugie dans la demeure pastorale de ses fils, maintenant devenus hommes. Dirkê la poursuit et la réclame ; mais les fils, reconnaissant leur mère, la protégent et tirent de ses persécuteurs pleine vengeance. Lykos est tué, et Dirkê, attachée aux cornes d’un taureau, est traînée par lui jusqu’à ce qu’elle meure[14]. Amphiôn et Zêthos, ayant banni Laïos, deviennent rois de Thèbes. Le premier, disciple d’Hermès, et possédant un talent consommé sur la lyre, l’applique à fortifier la ville ; les pierres des murs, dociles au rythme de son chant, s’arrangeaient spontanément[15]. Zêthos épouse Aêdôn, qui, dans les ténèbres et par une fatale méprise, tue son fils Itylos : elle est métamorphosée en rossignol, pendant que Zêthos meurt de chagrin[16]. Amphiôn devient l’époux de Niobê, fille de Tantalos, et le père d’une nombreuse famille, dont on a déjà raconté dans ces pages la destruction complète consommée par Apollon et par Artemis. Ici finit la légende de la belle Antiopê et de ses deux fils jumeaux — le rude et inculte, mais énergique Zêthos — et le poli et aimable, mais rêveur Amphiôn. Car c’est ainsi qu’Euripide, dans le drame d’Antiopê, malheureusement perdu, présentait les deux frères, dans une tendre union aussi bien que dans un frappant contraste[17]. Il est évident que toute l’histoire était, dans l’origine, tout à fait séparée de la famille kadméenne, et c’est dans cet état que ses éléments se trouvent encore dans l’Odyssée ; mais les logographes, arec leurs artifices ordinaires de combinaison, lui ont ouvert une place vacante dans la série descendante des mythes thêbains. Et ici ils ont procédé d’une manière qui ne leur est pas habituelle ; car, tandis qu’ils aiment en général à multiplier les entités et à supposer différents personnages historiques du même nom, en vue d’introduire une égalité apparente dans la chronologie, — ils ont ici réuni en une seule personne Amphiôn le fils d’Antiopê et Amphiôn le père de Chlôris, qui semblent clairement distincts l’un de l’autre dans l’Odyssée. Ils ont de plus attribué à la même personne toutes les circonstances de la légende de Niobê, qui semble avoir été composée dans l’origine complètement en dehors des fils d’Antiopê. Amphiôn et Zêthos étant écartés, Laïos devint roi de Thèbes. Avec lui commence la série à jamais célèbre des aventures d’Œdipe et de sa famille. Laïos, averti par l’oracle qu’il serait tué par tout fils qu’il pourrait avoir, fit exposer Œdipe sur le mont Kithærôn aussitôt qu’il fut né. C’est là que les pâtres de Polybe, roi de Corinthe, le trouvèrent par hasard et le portèrent à leur maître, qui l’éleva comme son propre enfant. Cependant, malgré les traitements les plus tendres, Œdipe, quand il eut grandi, se trouva exposé aux sarcasmes au sujet de ses parents inconnus, et alla à Delphes pour demander au dieu le nom de son père réel. Il reçut pour réponse le conseil de rie pas retourner dans son pays ; s’il le faisait, sa destinée était de tuer son père et de devenir l’époux de sa mère. Ne connaissant pas d’autre patrie que Corinthe, il résolut, en conséquence, de s’éloigner de cette ville, et quitta Delphes par le chemin qui conduit en Bœôtia et en Phôkis. Précisément à l’endroit oh les routes menant à ces deux contrées se bifurquaient, il rencontra Laïos monté sur un char que traînaient des mules, quand l’insolence de l’un des serviteurs amena une violente querelle, dans laquelle Œdipe tua Laïos, ne sachant pas qu’il fût son père[18]. A la mort de Laïos, Kreôn, frère de Iokastê, lui succéda comme roi de Thèbes. A cette époque, le pays, sous le coup de la colère des dieux, était désolé par un monstre terrible, qui avait le visage d’une femme, les ailes d’un oiseau, et la queue d’un lion ; on l’appelait le Sphinx[19] ; il était envoyé par le courroux de Hêrê, et occupait la montagne voisine, Phikion. Le Sphinx avait appris des Muses une énigme, qu’il proposait a résoudre aux Thêbains : toutes les fois qu’un des citoyens échouait, il le saisissait et le dévorait. Personne encore n’avait pu deviner l’énigme ; et les maux qui en résultaient étaient si grands, que Kreôn fut obligé d’offrir la couronne et la main de sa soeur Iokastê à quiconque pourrait accomplir la délivrance de la ville. Sur ces entrefaites arriva Œdipe, qui devina l’énigme ; alors le Sphinx se précipita immédiatement de l’acropolis et disparut- En récompense de ce service, Œdipe fut fait roi de Thèbes, et épousa Iokastê, sans savoir qu’elle fût sa mère. Ces circonstances tragiques capitales, à savoir qu’Œdipe dans son ignorance avait tué son père et épousé sa mère, appartiennent à la forme la plus ancienne de la légende telle qu’elle se trouve dans l’Odyssée. Les dieux, (est-il ajouté dans ce poème) firent bientôt connaître les faits aux hommes. Epikastê (c’est ici le nom que porte Iokastê) se pendit dans les angoisses de la douleur : Œdipe resta roi des Kadméens, mais subit de nombreuses et grandes misères, telles qu’en infligent les Erynnies, qui vengent une mère outragée[20]. Un passage de l’Iliade fait supposer qu’il mourut à Thèbes, puisqu’il mentionne les jeux funèbres qui furent célébrés en son honneur. Ses malheurs étaient racontés par Nestôr, dans les anciens vers Cypriens, parmi les histoires d’autrefois[21]. Une malédiction fatale était suspendue au-dessus de sa tête et au-dessus de celles de ses enfants, Eteoklês, Polynikês, Antigonê et Ismênê. Selon ce récit, que les tragiques athéniens avaient répandu universellement, ils étaient enfants de lui et de Iokastê, la découverte de la véritable position dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de lui ayant été longtemps différée. Mais l’ancien poème épique appelé Œdipodia, suivant de plus près les traces d’Homère, le représentait comme ayant épousé, après la mort de Iokastê, une autre femme, Euryganeia, de qui il eut ces quatre enfants ; et le peintre Onathas adopta cette histoire de préférence à celle de Sophocle[22]. Les disputes qui s’élevèrent entre Eteoklês et Polynikês
pour le trône de leur père donnèrent lieu non seulement à une série d’incidents
tragiques de famille, mais encore è, l’un des plus grands événements quasi
historiques de De ce poème jadis si prisé nous ne possédons par malheur
qu’un petit nombre de chétifs fragments. L’Iliade parle brièvement des
principaux points de la légende, mais la connaissance des détails nous vient
particulièrement des tragiques athéniens, qui transformaient à leur gré les
récits de leurs prédécesseurs, et dont la popularité éclipsait constamment et
faisait oublier l’ancienne version. Antimaque de Kolophôn, contemporain d’Euripide,
dans sa longue épopée, ne prit vraisemblablement pas moins de libertés avec l’ancien
récit. Il y avait pour les logographes, qui donnaient une
histoire continue de ce siège de Thèbes, au moins trois poèmes épiques
préexistants : SIÈGES DE THÊBESLa légende, qui va raconter une discorde fraternelle de la nature la plus implacable, comprenant dans ses résultats non seulement les relations immédiates des frères furieux, mais en même temps beaucoup de compagnons d’élite de la race héroïque, à son point de départ dans la malédiction paternelle d’Œdipe, qui est suspendue au-dessus de toute la sombre suite et qui la détermine. Œdipe, quoique roi de Thèbes et père de quatre enfants qu’il
avait eus d’Euryganeia, selon l’Œdipodia, est devenu la victime vouée aux Erynnies,
par suite de la mort que sa mère s’était donnée elle-même, et dont il avait
été la cause inconsciente, aussi bien que pour son parricide involontaire.
Bien qu’il se fût depuis longtemps interdit l’usage de tous les ornements et
de tout le luxe que son père avait hérités de ses augustes ancêtres,
cependant, quand l’âge l’eut mis sous la dépendance de ses deux fils,
Polynikês un jour enfreignit cette défense et plaça devant lui la table d’argent
et la magnifique coupe de Kadmos, dont Laïos avait toujours l’habitude de se
servir. Le rieur roi n’eut pas plus tôt vu ces précieux accessoires de la vie
royale de son père, que son esprit fut envahi par une affreuse frénésie, et
il prononça de terribles malédictions contre ses fils, leur prédisant qu’il y
aurait entre eux une lutte acharnée et éternelle. La déesse Erinnys entendit
ses paroles et les grava dans sa mémoire ; et il répéta encore la malédiction
clans une autre occasion, quand ses fils, qui avaient toujours eu l’habitude
de lui envoyer l’épaule des victimes sacrifiées sur l’autel, lui firent servir
la hanche à la place[26]. Il ressentit ce
procédé comme une insulte, et demanda aux dieux que ses fils pussent périr de
la main l’un de l’autre. Chez les auteurs tragiques aussi bien que dans l’ancienne
épopée, on voit la malédiction paternelle jaillissant immédiatement de l’égarement
d’Œdipe lui-même, mais amenée de loin par le parricide et l’inceste dont il a
souillé sa race, dominer sur tout le cours des événements, l’Erinnys qui
exécute cette malédiction étant l’agent irrésistible, bien que caché. Non
seulement Eschyle conserve la fatale influence de la malédiction paternelle,
mais même il indique brièvement les causes qui en sont données dans Après la mort d’Œdipe et la célébration de ses jeux funèbres, auxquels assistait, entre autres, Argeia, fille d’Adrastos, plus tard l’épouse de Polynikês[28], ses deux fils aussitôt se querellèrent au sujet de la succession. Les circonstances sont différemment rapportées ; mais il parait que, d’après le récit primitif, le tort et l’injustice étaient du côté de Polynikês, qui cependant fut obligé de quitter Thèbes et de chercher un asile chez Adrastos, roi d’Argos. Là il rencontra Tydeus, qui s’était enfui d’Ætôlia à la même époque : il faisait nuit quand ils arrivèrent, et une dispute eut lien entre les deux exilés ; mais Adrastos sortit et les sépara. Un oracle lui avait enjoint de donner ses deux filles en mariage à un lion et à un sanglier, et il pensa que le moment était alors venu, puisque l’un des combattants portait sur son bouclier un lion, et l’autre un sanglier. En conséquence, il accorda la main de Deipylê à Tydeus, et celle d’Argeia à Polynikês ; de plus il résolut de rétablir par un secours armé ses deux gendres dans leurs patries respectives[29]. Quand il proposa l’expédition aux chefs argiens qui l’entouraient, il trouva la plupart d’entre eux disposés à être ses auxiliaires ; mais Amphiaraos — naguère son adversaire acharné, bien que maintenant réconcilié avec lui et époux de sa soeur Eriphylê — lui fit une énergique résistance[30], déclarant l’entreprise injuste et contraire à la volonté des dieux. De plus, comme il était de race prophétique et descendait de Melampe, il prédit la mort certaine et de lui-même et des principaux chefs, s’ils se mêlaient comme complices il, la violence insensée de Tydeus ou à la criminelle ambition de Polynikês. Amphiaraos, déjà distingué et dans la chasse du sanglier de Kalydôn et clans les jeux funèbres de Relias, fut, dans la guerre contre Thèbes, le plus remarquable de tous les héros, et absolument indispensable à son succès. Mais le refus qu’il faisait de s’y engager était invincible, et il ne fut possible d’en triompher que par l’influence de son épouse Eriphylê. Polynikês avait apporté avec lui de Thèbes la robe et le collier magnifiques donnés par les dieux à Harmonia à l’occasion de son mariage avec Kadmos ; il les offrit comme présent à Eriphylê, à condition qu’elle influerait sur la détermination d’Amphiaraos. La sordide épouse, séduite par ce don incomparable, découvrit le lieu où se cachait son époux, et l’engagea dans la fatale expédition[31]. Amphiaraos, arraché de sa retraite malgré sa résistance, et prévoyant l’issue désastreuse de, l’expédition et pour lui et pour ses associés, au moment de monter sur son char, adressa ses dernières injonctions à ses fils Alkmæôn et Amphilochos, leur commanda de venger sa mort prochaine en tuant Eriphylê à l’âme rénale, et en entreprenant une seconde expédition contre Thèbes. Les auteurs dramatiques athéniens décrivent cette
expédition comme ayant été conduite par sept chefs, un pour chacune des sept
célèbres portes de Thèbes. Mais Les Kadméens, secourus par leurs alliés les Phôkiens et les Phlegyæ, sortirent de Thèbes pour résister aux envahisseurs, et engagèrent prés de la colline Ismênienne une bataille, dans laquelle ils furent défaits et forcés de se retirer dans leurs murs. Le prophète Tirésias leur annonça que si Menœkeus, fils de Kreôn, consentait à s’offrir comme victime à Arès, la victoire serait assurée à Thèbes. Le généreux jeune homme, dès qu’il apprit qu’il achèterait de sa vie le salut de sa patrie, alla se tuer lui-même devant les portes. Les héros, avec Adrastos, firent alors une vigoureuse attaque contre la ville, chacun des sept choisissant une des portes pour l’assaillir. La lutte fut longue et énergiquement soutenue ; mais le dévouement de Menœkeus avait assuré aux Thébains la protection des dieux. Parthenopæos fut tué d’une pierre par Periklymenos ; et quand le furieux Kapaneus, ayant planté une échelle de siège, eut escaladé les murailles, il fut frappé d’un coup de tonnerre par Zeus, et précipité mort sur le sol. Cet événement remplit les Argiens de terreur, et Adrastos rappela ses troupes de l’assaut. Alors les Thébains firent une sortie pour les poursuivre, quand Eteoklès, arrêtant la bataille, proposa de décider le débat par un combat singulier avec son frère. Le défi, accepté avec empressement par Polynikês, fut approuvé par Adrastos : alors eut lieu entre les deux frères un combat singulier, dans lequel tous deux irrités jusqu’à la fureur finirent par se tuer mutuellement. Cette fin pareille laissa encore indécis le résultat de la lutte générale, et le gros des deux armées recommença la bataille. Dans l’engagement sanglant qui suivit, les fils d’Astakos du côté des Thébains déployèrent la valeur la plus remarquable et la plus heureuse. L’un d’eux[35], Melanippos, blessa Tydeus mortellement, tandis que deux autres, Leadês et Amphidikos, tuaient Eteoklês et Hippomedôn. Amphiaraos vengea Tydeus en tuant Melanippos ; mais, ne pouvant arrêter la déroute de l’armée, il s’enfuit avec le reste, poursuivi de près par Periklymenos. Celui-ci était sur le point de le percer de sa lance, quand la bonté de Zeus le sauva de ce malheur, en ouvrant miraculeusement la terre sous lui, de sorte qu’Amphiaraos, avec son char et ses chevaux, fut reçu intact dans son sein[36]. Le lieu exact où arriva ce mémorable incident fut indiqué par un monument funèbre, et les Thébains le montraient encore à l’époque de Pausanias, — sa sainteté étant attestée par ce fait, qu’aucun animal ne voulait toucher à l’herbe qui croissait clans l’enceinte sacrée. Amphiaraos, auquel Zeus donna l’immortalité, était adoré comme un dieu à Argos, à Thèbes, et à Orôpos, — et pendant bien des siècles il donnait des réponses aux questions que les pieux postulants adressaient à son oracle[37]. Adrastos, privé ainsi du prophète et du guerrier qu’il regardait comme l’œil de son armée, et ayant vu les autres chefs tués dans ce désastreux combat, fut forcé de s’enfuir seul, et dut son salut d la légèreté incomparable de son cheval Areiôn, rejeton de Poseidôn. Il atteignit Argos à son retour, n’ayant avec lui que son vêtement de malheur et son coursier à la noire crinière[38]. Kreôn, père du jeune et héroïque Menœkeus, succédant au gouvernement de Thèbes après la mort des deux frères ennemis et l’échec d’Adrastos, fit enterrer Eteoklês avec des honneurs remarquables, mais rejeta ignominieusement le corps de Polynikês comme traître à son pays, défendant sous peine de mort dé l’enfermer dans le tombeau. Il refusa également à Adrastos la permission d’enterrer les corps de ses compagnons tombés en combattant. Cette conduite, si blessante pour le sentiment grec, donna naissance à deux autres récits, l’un d’eux du moins réunissant le plus touchant pathétique à l’intérêt le plus élevé. Antigonê, soeur de Polynikês, entendit avec indignation l’édit révoltant qui condamnait le corps de son frère aux chiens et aux vautours et le privait de ces rites considérés comme essentiels au repos des morts. Insensible au conseil d’une soeur affectionnée, mais timide, qui la dissuadait, et ne pouvant se procurer aucune aide, elle se décida à braver le hasard et à enterrer le corps de ses propres mains. Elle fut prise sur le fait ; et Kreôn, bien que prévenu des conséquences par Tirésias, ordonna qu’elle fût ensevelie vivante, pour avoir de propos délibéré bravé l’édit solennel de la cité. Son fils Hæmôn, avec qui elle était fiancée, intercéda en vain pour sa vie. Poussé par un accès de désespoir, il se tua dans le tombeau où Antigonê avait été enfermée vivante ; et sa mère Eurydikê, épouse de Kreôn, inconsolable de la perte de son fils, se donna elle-même la mort. Et c’est ainsi que la nouvelle lumière qui semblait se lever sur le dernier rejeton restant de la famille maudite d’Œdipe, s’éteint au milieu des ténèbres et des horreurs, — qui couvraient aussi de leur ombre la maison et la dynastie de Kreôn[39]. L’autre récit diffère plus de la légende primitive, et semble avoir eu son origine dans l’orgueil patriotique des Athéniens. Adrastos, ne pouvant obtenir des Thêbains la permission d’enterrer les chefs morts, se présenta sous le costume de suppliant, accompagné de leurs mères inconsolables, à Thêseus, à Eleusis. Il priait avec instance le guerrier athénien d’arracher aux Thêbains pervers ce triste et dernier privilège que ne songeait jamais à refuser aucun Grec honnête ou pieux, et de se poser ainsi comme le champion de la moralité publique grecque dans l’un de ses points les plus essentiels, non moins que des droits des dieux souterrains. Comme les Thêbains persistaient obstinément dans leur refus, Thêseus entreprit une expédition contre leur ville, les vainquit dans le combat, et les contraignit par la force des armes à autoriser la sépulture de leurs ennemis morts. Cette intervention chevaleresque, célébrée clans un des drames d’Euripide qui ont été conservés, fut l’objet d’un glorieux souvenir pour Ies Athéniens durant toute l’époque historique. Leurs orateurs insistaient sur cet événement avec des termes animés d’éloge, et il paraît avoir été accepté comme un fait réel du passé, avec une conviction non moins implicite que la bataille de Marathôn[40]. Mais les Thébains, bien qu’également persuadés de la vérité du récit principal, différaient de la version qu’en donnaient les Athéniens, en soutenant qu’ils avaient livré les corps volontairement et de leur propre consentement pour être enterrés. On montrait, prés d’Éleusis, le tombeau des chefs même du temps de Pausanias[41]. La défaite des sept chefs devant Thèbes fut amplement vengée par leurs fils, conduits encore par Adrastos : Ægialeus, fils d’Adrastos ; Thersandros, fils de Polynikês ; Alkmæôn et Amphilochos, fils d’Amphiaraos ; Diomêdês, fils de Tydeus ; Sthenelos, fils de Kapaneus ; Promachos, fils de Parthenopæos, et Euryalos, fils de Mekistheus, se réunirent pour cette expédition. Bien que tous ces jeunes guerriers, appelés les Épigones, y prissent part, la place principale et saillante semble avoir été occupée par Alkmæôn, fils d’Amphiaraos. Ils trouvèrent assistance à Corinthe et à Megara, aussi bien qu’à Messênê et en Arcadia, tandis que Zeus manifestait ses dispositions favorables par des signes non équivoques[42]. A la rivière Glisas, les Thêbains en armes rencontrèrent les Épigones, et il s’engagea une bataille dans laquelle les premiers furent complètement défaits. Laodamas, fils d’Eteoklês, tua Ægialeus, fils d’Adrastos ; mais lui et son armée furent mis en déroute et poussés dans leurs murs par la valeur et l’énergie d’Alkmæôn. Les Kadméens vaincus consultèrent le prophète Tirésias, qui leur apprit que les dieux s’étaient déclarés pour leurs ennemis, et qu’il n’y avait plus aucun espoir de résister avec succès. Sur cet avis, ils envoyèrent un héraut aux assaillants pour offrir de rendre la ville, tandis qu’eux-mêmes emmenaient leurs épouses et leurs enfants, et fuyaient sous le commandement de Laodamas chez les Illyriens[43], alors les Épigones entrèrent dans Thèbes, et placèrent sur le trône Thersandros, fils de Polynikês. Adrastos, qui, dans la première expédition, avait été le seul survivant parmi tant de guerriers, ses compagnons, qui avaient succombé, se trouva alors le seul en dehors du triomphe général et de la joie universelle des vainqueurs ; il avait perdu son fils Ægialeus, et la violente douleur que lui causa cet événement abrégea prématurément ses jours. Sa douce voix et son éloquence persuasive étaient proverbiales dans l’ancienne épopée[44]. Il était adoré comme héros et à Argos et à Sikyôn, mais avec une solennité particulière dans cette dernière ville, où son herôon s’élevait sur l’agora publique, et où ses exploits ainsi que ses malheurs étaient célébrés périodiquement dans des tragédies lyriques. Melanippos, fils d’Astakos, le vaillant défenseur de Thèbes, qui avait tué et Tydeus et Mekistheus, était adoré avec non moins de solennité par les Thêbains[45]. L’inimitié qui séparait ces deux héros rendait impossible pour tous deux un culte offert exactement au même endroit. En conséquence, il arriva pendant la période historique, peu de temps après la législation de Solôn à Athènes, que Kleisthenês, tyran de Sikyôn, désirant bannir le héros Adrastos et abolir les solennités religieuses célébrées en son honneur par les Sikyoniens, s’adressa d’abord à l’oracle de Delphes pour obtenir la permission d’effectuer ce bannissement directement et de force. La permission lui étant refusée, il avertit ensuite Thèbes indirectement qu’il était jaloux d’introduire dans Sikyôn leur héros Melanippos. Les Thébains y consentirent avec empressement, et il assigna au héros nouveau une place consacrée dans la portion la plus forte et la plus dominante du prytaneion sikyonien. Il fit cela (dit l’historien) sachant qu’Adrastos partirait sur-le-champ de sa propre volonté, parce que Melanippos était la personne qu’il haïssait le plus, pour avoir tué et son gendre et son frère. De plus, sur l’ordre de Kleisthenês, les fêtes et les sacrifices qui avaient été offerts à Adrastos furent appliqués au héros nouvellement installé, Melanippos, et les tragédies lyriques transportées du culte d’Adrastos à celui de Dionysos. Mais sa dynastie ne se prolongea pas longtemps après sa mort, et alors les Sikyoniens rétablirent leurs anciennes solennités[46]. Près de la porte Prœtide de Thèbes on voyait les tombeaux de deux combattants qui, pendant leur vie, avaient été séparés par une haine mutuelle plus forte même que celle d’Adrastos et de Melanippos, — les deux frères Eteoklês et Polynikês. Même comme héros et comme objets d’un culte, ils continuaient encore à manifester leur inimitié impérissable. Ceux qui leur offraient des sacrifices remarquaient que la flamme et la fumée s’élevant des deux autels contigus évitaient de se mêler, et prenaient des directions complètement opposées. Les exégètes thêbains affirmèrent le fait à Pausanias ; et bien qu’il n’en eût pas été témoin lui-même, comme il avait vu de ses propres yeux un miracle à peu près semblable à Pioniæ en Mysia, il n’eut pas de peine à ajouter foi à leur assertion[47]. Amphiaraos, quand il fut forcé de prendre part à la première attaque de Thèbes, contre ses prévisions et les avertissements des dieux, avait ordonné à ses fils Alkmæôn et Amphilochos non seulement de venger sa mort sur les Thêbains, mais encore de punir la trahison de leur mère Eriphylê, meurtrière de son époux[48]. Pour obéir à cet ordre, après avoir obtenu la sanction de l’oracle de Delphes, Alkmæôn tua sa mère[49] ; mais la redoutable Erinnys, vengeresse du parricide, lui infligea un long et terrible châtiment, le privant de sa raison, et le chassant de place en place sans qu’il pût trouver ni repos ni paix d’esprit. Il, implora protection et guérison auprès du dieu de Delphes, qui lui enjoignit de dédier dans le temple, comme offrande, le précieux collier de Kadmos, ce don irrésistible qui avait dans l’origine corrompu Eriphylê[50]. Il donna de plus à entendre à la malheureuse victime que, bien que toute la terre fût souillée par son crime, et fût devenue inhabitable pour lui, il y avait cependant un coin de terre qui n’était pas sous l’œil du soleil au moment où le parricide s’accomplissait, et où par conséquent Alkmœôn pourrait trouver un tranquille refuge. La promesse se réalisa à l’embouchure du fleuve Achelôos, dont le courant fangeux déposait perpétuellement de nouvelle terre et augmentait sans cesse le nombre des îles. C’est sur l’une d’elles, près d’Œniadæ, qu’Alkmœôn s’établit d’une manière permanente et en paix ; il devint le premier héros de l’Akarnania, à laquelle son fils Akarnan donna son nom[51]. Le collier fut trouvé parmi les trésors de Delphes (en même temps que ce qui avait été donné par Aphroditê à Hélène) par les pillards de Phôkis qui dépouillèrent le temple du temps de Philippe de Macédoine, Les femmes de Phôkis se querellèrent au sujet de ces précieux ornements. On nous dit que le collier d’Eriphylê tomba en partage à une femme d’un caractère sombre et méchant, qui finit par donner la mort à son mari ; celui d’Hélène échut à une femme belle mais légère, qui abandonna son époux auquel elle préféra un jeune Épirote[52]. Il y avait plusieurs autres légendes touchant Alkmœôn l’insensé, soit appropriées, soit inventées par les tragiques athéniens. Il alla chez Phêgeus, roi de Psôphis en Arcadia, dont il épousa la fille Arsinoé, lui donnant comme présent nuptial le collier d’Eriphylê. Toutefois, ne pouvant y rester, par suite des persécutions incessantes de l’Erinnys vengeresse de sa mère, il chercha asile dans la demeure du roi Achelôos, dont il épousa la fille Kallirhoê, et dans le pays duquel il obtint le repos[53]. Mais Kallirhoê ne voulut pas se contenter sans la possession du collier d’Eriphylê, et Alkmæôn revint le chercher à Psôphis, où Phêgeus et ses fils le tuèrent. Il avait laissé deux fils jumeaux, tout enfants, avec Kallirhoê, qui demanda à Zeus dans une fervente prière qu’ils pussent obtenir par un effet surnaturel une virilité immédiate, à l’effet de venger le meurtre de leur père. Sa prière fut exaucée, et ses fils Amphoteros et Akarnan, étant instantanément parvenus à la virilité, se rendirent en Arcadia, tuèrent les meurtriers de leur père, et enlevèrent le collier d’Eriphylê, qu’ils portèrent à Delphes[54]. Euripide s’écarta encore bien davantage de l’ancienne épopée,
en faisant d’Alkmæôn l’époux de Mantô, fille de Tirésias, et le père d’Amphilochos.
D’après Ainsi finit la légende des deux siégea de Thèbes : le plus grand événement de l’ancienne épopée, è, l’exception du siège de Troie ; la plus grande expédition guerrière, entre Grecs et Grecs, pendant l’époque de ceux qui sont appelés les Héros. FIN DU PREMIER VOLUME |
[1]
L’éponyme Bœôtos est fils de Poseidôn et d’Arnê (Euphorion ap. Eustath. ad Iliade, II, 507). C’était d’Arnê en
Thessalia que les Bœôtiens étaient venus, disait-on, quand ils envahirent et
occupèrent
La poétesse de Tanagra, Korinna (rivale de Pindare, dont par malheur les compositions en dialecte bœôtien sont perdues) semble avoir insisté sur cette généalogie bœôtienne primitive : elle attribuait les portes ogygiennes de Thêbes à Ogygos, fils de Bœôtos (Schol. Apollon. Rhod., III, 1178), et les Fragm. de Korinna dans l’édition de Schneidewin, Fragm. 2, p. 432.
[2] Homère, Odyssée, XI, 262, et Eustath., ad. loc. Cf. Schol. ad Iliade, XIII, 301.
[3] Iliade, XIV, 321. Iô est la xεροέσσα προμάτωρ des Thêbains. Euripide, Phœnissæ, 247-676.
[4] Apollodore, II, 1, 3 ; III, 1, 8. Dans les poèmes hésiodiques (ap. Schol. Apoll. Rhod., II, 178), Phoenix était reconnu comme fils d’Agênôr (Phérécyde, Fragm. 40. Didot). Cf. Servius ad Virgile, Énéide, I, 338. Phérécyde mentionnait expressément Kilix (Apollodore, ibid.). Outre l’Εύρώπεια de Stésichore (V. Stésichore, Fragm. XV, p. 73, éd. Kleine), il y avait plusieurs autres anciens poèmes sur les aventures d’Europê, un particulièrement d’Eumêle (Schol. ad Iliade, VI, 138) qui, cependant, ne peut être le même que les τά έπη τά είς Εύρώπην dont parle Pausanias (IV, 5, 4). V. Wüllner, de Cyclo Epico, p. 57 (Munster, 1825).
[5] Conon, Narrat., 37. Ce qu’il y a peut-être de plus remarquable, c’est le ton de confiance illimitée en lui-même avec lequel Conon termine ce tissu de suppositions dénuées de preuves.
[6] Stésichore (Fragm. 16 ; Kleine) ap. Schol. Euripide, Phœnissæ, 680. On montrait encore du temps de Pausanias l’endroit où la génisse s’était couchée (LX, 12, 1). — Lysimaque, auteur aujourd’hui perdu, qui écrivit des Thebaïca, mentionnait Europê comme était venue avec Kadmos à Thèbes, et racontait l’histoire d’une manière toute différente sous beaucoup d’autres rapports (Schol. Apoll. Rhod., III, 1179).
[7] Apollodore, III, 4, 1-3. Phérécyde donnait cette relation du collier, qui semble impliquer que Kadmos devait avoir trouvé sa sœur Europê. Le récit présenté ici est d’Hellanicus ; celui de
Phérécyde en différait à quelques égards. Cf. Hellanicus, Fragm. 8 et 9, et Phérécyde, Fragm. 41. La ressemblance de cette histoire avec celle de Jasôn et d’Æêtês (v. plus haut, c. 13) frappera tout le monde. Il est curieux de remarquer comment le vieux logographe Phérécyde expliquait cette analogie dans son récit ; il disait qu’Athênê avait donné la moitié des dents du dragon à Kadmos, et l’autre moitié à Æêtês (V. Schol. Pindare, Isthm., VI, 13).
[8] Hésiode, Théogonie, 976. Leukothea, la déesse de la mer, fille de Kadmos, est mentionnée dans l’Odyssée, V, 334 ; Diodore, IV, 2.
[9] Euripide, Phœnissæ, 680, avec les Scholies ; Phérécyde, Fragm. 44 ; Androtion, ap. Schol. Pindare, Isthm., VI, 13. Dionysius ( ?) appelait les Sparti une έθνος Βοιωτίας (Schol. Phœnissæ, l. c.).
Même à l’époque de Plutarque il existait encore des personnes qui faisaient remonter leur généalogie jusqu’aux Sparti de Thèbes (Plutarque, Ser. Num. Vindict., p. 563).
[10] Apollodore, III, 4, 2-9 ; Diodore, IV, 2.
[11] V. Apollodore, III, 4, 3 ; Stésichore, Fragm. 17, Kleine ; Pausanias, IX, 2, 3 ; Euripide, Bacch., 337 ; Diodore, IV, 81. Le vieux logographe Acusilas copiait Stésichore.
Au sujet de cette histoire bien connue, il n’est pas nécessaire de multiplier les citations. Cependant je mentionnerai brièvement les remarques qu’ont faites sur elle Diodore et Pausanias, comme un exemple de la manière dont les Grecs lettrés d’une époque plus récent, agissaient avec leurs vieilles légendes nationales.
Tous deux ils paraissent implicitement croire le fuit, qu’Aktæôn fut dévoré par ses propres chiens, mais ils diffèrent essentiellement dans l’explication qu’ils en donnent.
Diodore accepte et soutient la miraculeuse intervention de la déesse irritée dans le but de punir Aktæôn, qui, selon un récit, s’était vanté dosa supériorité sur Artemis à la chasse, — selon un autre récit, avait osé demander la déesse en mariage, enhardi parle grand nombre de pieds d’animaux tués à la chasse qu’il avait suspendus comme offrandes dans son temple. Il n’est pas improbable, fait observer Diodore, que la déesse ait été irritée pour ces deux raisons. Car, soit qu’Aktæôn abusât de ces présents de chasse au point d’en faire un moyen pour satisfaire ses propres désirs qui l’entraînaient vers une divinité inabordable au point de vue du mariage, soit qu’il eût la présomption de s’appeler plus habile chasseur que celle avec laquelle les dieux eux-mêmes ne voulaient pas lutter sur ce terrain ; dans l’un ou l’autre cas, la colère de la déesse contre lui était juste et légitime. C’est donc bien justement qu’il fut transformé en un animal semblable à ceux qu’il avait chassés, et qu’il fut mis en pièces par les mêmes chiens qui les avaient tués. (Diodore, IV, 80.)
Pausanias, homme d’une piété exemplaire, et généralement moins enclin au scepticisme que Diodore, regarde l’occasion comme peu convenable pour un miracle ou une intervention spéciale. Après avoir parlé des deux causes attribuées au déplaisir d’Artemis (ce sont les deux premières mentionnées dans mon texte, et distinctes des deux que signale Diodore), il en vient à dire : Mais je crois que les chiens d’Aktæôn devinrent fous, sans que la déesse s’en soit mêlée : dans cet état de folie, ils auraient indistinctement mis en pièces tous ceux qu’ils auraient rencontrés (Pausanias, IX, 2, 3). Il conserve la vérité de la catastrophe finale, mais il lui enlève son caractère surnaturel, en excluant l’intervention spéciale d’Artemis.
[12] Apollodore, III, 51 3-4 ; Théocrite, Idyll., XXVI. Euripide, Bacch., passim. Telle est l’intrigue tragique de ce mémorable drame. Une preuve frappante dit profond respect qu’avait le peuple d’Athènes pour la sainteté des cérémonies bachiques, c’est qu’il avait pu supporter le spectacle d’Agavê sur la scène avec la tête de son fils égorgé, et les expressions de triomphante sympathie pour son action prononcées par le choeur (1168), Ce drame, écrit vers la fin de la vie d’Euripide et représenté après sa mort par son Cils (Schol. Aristophane, Ran., 67), contient des passages qui inculquent fortement la nécessité d’une déférence implicite pour l’autorité des ancêtres en matière religieuse, et qui mettent dans un contraste favorable la foi simple et absolue du vulgaire avec les tendances qu’avaient les esprits supérieurs à s’écarter de la religion dominante et à, en faire l’objet de leurs recherches. V. 196 ; cf. v. 389 et 422.
Ces reproches insanientis sapientiæ certainement ne s’accordent pas avec l’intrigue du drame elle-même, puisque Pentheus y parait comme un conservateur, résistant à l’introduction de nouveaux rites religieux. Rapprochés de l’humble et vive piété qui règne dans tout le drame, ils confirment la supposition de Tyrwhitt, selon laquelle Euripide aurait été jaloux, de repousser les imputations, qu’on lui adressait si souvent, de fréquenter les philosophes et de partager diverses opinions hérétiques.
Pacuvius dans son Pentheus semble avoir exactement copié Euripide ; v. Servius ad Virgile, Énéide, IV, 469.
Le vieux Thespis avait composé une tragédie sur le sujet de Pentheus : Suidas, Θέσπις ; ainsi qu’Eschyle. Cf. ses Euménides, 25. — Selon Apollodore (III, 5, 5), Labdakos aussi périt de la même manière que Pentheus, et à cause de la même impiété.
[13] Pausanias, I, 38, 9.
[14] Pour les aventures d’Antiopê et de ses fils, v. Apollodore, III, 5 ; Pausanias, II, 6, 2 ; IX, 5, 2.
Le récit relatif à Epôpeus donné dans les anciens vers cypriens semble avoir été tout à fait différent de celui-ci, autant que nous en pouvons juger d’après la courte mention qui se trouve dans l’argument de Proclus ; il se rapproche davantage de l’histoire donnée dans la septième fable d’Hygin, et suivie par Properce (III, 15) ; la huitième fable d’Hygin renferme le conte d’Antiopê tel qu’il est présenté par Euripide et par Ennius. L’histoire de Pausanias diffère de celle de ces deux auteurs.
Le Scholiaste ad Apollon. Rhod., I, 735, dit qu’il y avait deux personnes nommées Antiopê : l’une, fille d’Asôpos, l’autre, fille de Nykteus. Pausanias se contente de n’en supposer qu’une seule, réellement fille de Nykteus ; mais il y avait une φήμη la disant fille d’Asôpos (II, 6, 2). Asius faisait Antiopê fille d’Asôpos et mère de Zêthos et d’Amphiôn (qu’elle avait eus de Zeus et d’Epôpeus : une telle réunion de paternité divine et humaine se rencontre souvent dans les légendes grecques) (ap. Pausanias, l. c.).
Les versions contradictoires du récit sont rassemblées, bien que non très complètement, dans l’Essai de Sterk, De Labdacidarum Historiâ, p. 38-43 (Leyden, 1829).
[15] Cette histoire au sujet de la lyre d’Amphiôn n’est pas mentionnée dans Homère, mais elle était racontée dans les anciens έπη ές Εύρώπην que Pausanias avait lus : les bêtes sauvages aussi bien que les pierres étaient dociles à ses accents (Pausanias, LX, 5, 4). Phérécyde la rapportait aussi (Phérécyde, Fragm. 102, Didot). La tablette d’inscription (Άναγραφή), à Sikyôn, reconnaissait Amphiôn comme le premier qui eût composé de la musique pour la poésie et la harpe (Plutarque, de Musicâ, c. 3, p. 1132).
[16]
Le conte de l’épouse et du fils de Zêthos est aussi vieux que l’Odyssée (XIX,
525). Pausanias ajoute ce fait que Zêthos mourut de douleur (IX, 5, 5 ;
Phérécyde, Fragm. 102, Didot).
Pausanias cependant, aussi bien qu’Apollodore, nous dit que Zêthos épousa
Thêbê, de qui la ville de Thèbes tira sin nom. Pour concilier les prétentions
rivales de Zêthos et d’Amphiôn avec celles de Kadmos, comme fondateurs de
Thèbes, Pausanias suppose que celui-ci fut le premier qui s’établit sur la
colline de
[17]
V. Valckenaer, Diatribê in Eurip. Reliq.,
cap. 7, p. 58 ; Welcker, Griechisch.
Tragoed., II, p. 811. Il y a une ressemblance frappante entre l’Antiopê
d’Euripide et
Platon dans son Gorgias, a conservé un petit nombre de fragments et une idée générale passablement claire des caractères de Zêthos et d’Amphiôn (Gorgias, 90-92) ; V. aussi Horace, Epitr. I, 18, 42.
Livius et Pacuvius avaient composé tous deus des tragédies sur le plan de celle d’Euripide ; celle du premier était vraisemblablement une traduction.
[18] Le lieu appelé σχιστή όδός (la route qui se partage), où eut lieu cet événement, était mémorable aux yeux de tous les Grecs lettrés, et est mentionné spécialement par le voyageur Pausanias, qui y vit encore (XI 5, 2) les tombes de Laïos et de son serviteur. C’est de plus en soi un endroit très remarqué, où la vallée qui court du nord au sud, de Daulis à Ambrysos et Antikyra, est rencontrée à mi-chemin du côté de l’ouest à angle droit, mais non traversée, par le ravin, qui monte de la plaine de Krissa, passe au-dessous de Delphes, atteint son point le plus élevé à Arakhova au-dessus de Delphes, et alors descend vois Pest. Les voyageurs allant de Delphes dans la direction de l’est devaient toujours avoir été arrêtés à cet endroit par les précipices de l’Helikôn, et devaient avoir tourné à droite ou à gauche. Si c’était à droite, ils descendaient vers le golfe, ou ils pouvaient s’avancer jusqu’en Bœôtia par les défilés du sud, comme le fit Kleombrotos avant la bataille de Leuktra ; si c’était à gauche, ils tournaient à l’angle sud-est du Parnassos et se dirigeaient par Daulis vers la vallée de Chæroneia et d’Elateia. Cf. la description dans K. O. Müller, Orchomenos, c. 1, p. 37.
[19]
Apollodore, III, 5, 8. Un auteur nommé Lykus, dans son ouvrage intitulé
Thêbaïca, attribuait ce châtiment à la colère de Dionysos (Schol. Hésiode, Théogonie, 326). Le Sphinx (ou Phix du
mont Bϙtien Phikion) est aussi ancien que
[20] Odyssée, XI, 270, Odysseus, décrivant ce qu’il a vu dans les Enfers, dit : Mais bientôt les dieux révélèrent ces choses parmi les hommes. Lui, dans l’aimable Thèbes, régnait sur les Cadméens, mais frappé de maux cruels par la volonté des dieux. Quant à la reine, elle descendit chez le puissant Hadès aux portes solidement closes, car elle avait, en proie à la douleur, attaché un lacet au plafond élevé de son palais. A son fils elle laissa en héritage les tourments sans nombre que déchaînent les Érinyes d’une mère.
[21] Iliade, XXIII, 680, avec le Scholiaste qui cite Hésiode. Proclus, Argum. ad Cypria, ap. Düntzer. Fragm. Epic. Græc., p. 10.
[22]
Pausanias, IX, 5, 5. Cf. le récit de Pisandre dans Schol. ad Euripide, Phœnissæ, 1773, où la cécité d’Œdipe
semble avoir été interpolée involontairement, empruntée des tragiques. Dans le
vieux récit de
Phérécyde (ap. Schol. Euripide, Phœnissæ, 52) nous dit qu’Œdipe eut de Iokastê trois enfants, qui furent tous tués par Erginos et les Minyæ (ceci doit avoir trait à des incidents contenus dans les anciens poèmes, et que nous ne pouvons maintenant retrouver ; puis d’Euryganeia les quatre enfants célèbres ; enfin, qu’il épousa une troisième femme, Astymedusa). Apollodore suit le récit des tragiques, mais il fait allusion à la version différente touchant Euryganeia, (III, 5, 8).
Hellanicus (ap. Schol. Euripide, Phœnissæ, 50) mentionnait la cécité qu’Œdipe s’était infligée lui-même ; mais il semble douteux que le récit de Phérécyde renfermât cette circonstance.
[23] Pausanias, IX, 9, 3. Le nom dans le texte de Pausanias est Καλαϊνος, personnage inconnu : la plupart des critiques reconnaissent qu’il est à propos de substituer Καλλϊνος, et Leutsch et Welcker ont donné des raisons très suffisantes pour agir ainsi.
La Άμφιάρεω έξελασία ές Θήβας, dont il est parlé dans la vie d’Homère faussement attribuée à Hérodote, semble être une description d’un passage spécial de cette Thêbaïs.
[24] Hésiode, ap. Schol. Iliade, XXIII, 680, passage qui ne me semble pas autant en désaccord avec les incidents énoncés dans d’autres poètes que se l’imagine Lentsch.
[25] Άργος άειδε, θεά, πολυδίψιον, ένθεν άναxτες (V. Leuts., ibid., c. 4, p. 29).
[26]
Fragm. de
[27]
Eschyle et Sophocle insistaient très souvent et très expressément sur les
malédictions d’Œdipe (Sept. ad Theb.,
70-586, 655-697, etc. ; Œdip. Colon.,
Le Scholiaste ad Soph. (Œd. Col., 1378,) traite de triviale et de plaisante la cause alléguée par l’ancienne Thêbaïs pour la malédiction qu’exhale Œdipe.
Les Ægides à Sparte, qui faisaient remonter leur origine à Kadmos, souffrant de maladies terribles qui causaient la mort de leurs enfants, reçurent d’un oracle le conseil d’apaiser les Erynnies de Laïos et d’Œdipe en élevant un temple, et les maladies cessèrent bientôt (Hérodote, IV).
[28] Hésiode, ap. Schol. Iliade, XXIII, 680.
[29] Apollodore, III, 5, 9 ; Hygin, f. 69 ; Æschy., Sept. ad Theb., 573. Hygin dit que Polynikês vint revêtu de la peau d’un lion, et Tydeus de celle d’un sanglier ; peut-être d’après Antimaque, qui disait que Tydeus avait été élevé par des porchers (Antimaque, Fragm. 27, éd. Düntzer ; ap. Schol. Iliade, IV, 400). Très probablement, cependant, l’ancienne Thêbaïs comparait Tydeus et Polynikês à un lion et à un sanglier, à cause de leur courage et de leur caractère farouche ; comparaison tout à fait dans le caractère homérique. Mnaseas donnait les mots de l’oracle (ap. Schol. Euripide, Phœnissæ, 411).
[30] V. Pindare, Nem., II, 30 avec l’instructive Scholie.
[31] Apollodore, III, 6, 2. La trahison de l’odieuse Eriphylê est mentionnée dans l’Odyssée, XI, 327 : Odysseus la voit aux enfers dans la foule des épouses et des filles des héros.
[32]
Pausanias, II, 20, 4 ; IX, 9, 1. Son témoignage sur ce point, comme il avait lu
et admiré
[33] Iliade, IV, 376.
[34] Il y a des différences par rapport aux noms des sept ; Eschyle (Sept. ad Theb., 461) omet Adrastos comme un des sept, et comprend Eteoklês à sa place ; d’autres négligent Tydeus et Polynikês, et introduisent Eteoklês et Mekisteus (Apollodore, III, 6, 3). Antimaque, dans sa poétique Thébaïs, appelait Parthenopæos Argien, non Arcadien (Schol. ad Æschyl., Sept. ad Theb., 532).
[35] L’histoire racontait qu’on porta la tête de Melanippos à Tydeus près d’expirer de sa blessure et qu’il la rongeait avec ses dents, histoire dont Sophocle parle incidemment (ap. Herodian, in Rhetor. Græc., t. VIII, p.601, Walz).
Le poète lyrique Bacchylide (ap. Schol. Aristophane, Aves, 1535) semble avoir traité l’histoire même avant Sophocle.
Nous trouvons la même allégation comprise dans des charges dirigées contre des hommes d’une réalité historique : l’invective de Montanus contre Aquilins Regulus, au commencement du règne de Vespasien, affirmait dataro interfectori Pisonis pecuniam a Regulo appetitumque morsu Pisonis caput. (Tacite, Hist., IV, 42).
[36] Apollodore, III. 6, 8. Pindare, Olymp., VI, 11 ; Nem., IX, 13-27. Pausanias, IX, 8, 2 ; 18, 2-4.
Euripide, dans les Phœnissæ
(1122 sqq.), décrit la bataille en général. V. aussi Æsch. S. Th., 392. Il
parait, d’après Pausanias, que les Thébains avaient des poèmes ou des légendes
particulières relatives à cette guerre : ils différaient sur divers points de
Quelques-uns affirmaient que le village de Karma, entre Tanagra et Mykalêssos, avait été le lieu où Amphiaraos finit sa vie (Strabon, IX, p. 404) ; Sophocle plaçait la scène à l’Amphiaræion près d’Orôpos ; ap. Strabon, IX, p. 399).
[37]
Pindare, Olymp., VI, 16. — Le
Scholiaste affirme que Pindare emprunte ces deux dernières expressions de
Le temple d’Amphiaraos (Pausanias, II, 23, 2), son oracle semblent avoir été estimés autant que tous les autres, à l’exception de ceux de Delphes (Hérodote, I, 52 ; Pausanias, I, 34 ; Cicéron, Divin., I, 40). Crésus envoya un riche présent à Amphiaraos (Hérodote, l. c.) ; ce qui prouve d’une manière frappante combien on racontait et on croyait ces intéressantes légendes comme des faits historiques véritables. D’autres aventures d’Amphiaraos dans l’expédition contre Thêbes étaient rappelées dans les sculptures sur le Thronos à Amyklæ (Pausanias, III, 18, 4).
Eschyle (Sept. ad Theb., 611) semble entrer dans la pensée thébaine, sans doute pleine d’un grand respect pour Amphiaraos, quand il met dans la bouche du roi kadméen Eteolkês un si haut éloge d’Amphiaraos, et un contraste si marqué avec les autres chefs d’Argos.
[38]
Pausanias, VIII, 25, 5, emprunte ces mots de
La célérité du cheval Areiôn était vantée dans l’Iliade (XXIII, 316), dans
[39]
Sophocle, Antigone, 581. — Le récit
pathétique est traité dans cette belle tragédie de Sophocle dont Bœckh suppose
que le sujet a été emprunté dans ses éléments primitifs de
Eschyle aussi parle incidemment de l’héroïsme d’Antigonê (Sept. ad Theb., 984).
[40] Apollodore, III, 7, 1 ; Euripide, Suppl., passim ; Hérodote, IX, 27 ; Platon, Menex., cap. 9 ; Lysias, Epitap., cap. 4 ; Isocrate, Orat. Panegyr., p. 196, Auger.
[41] Pausanias, I, 39, 2.
[42] Homère, Iliade, IV, 406.
[43] Apollodore, III, 7, 4. Hérodote, V, 57-61. Pausanias, IX, 5, 7 ; IX, 2. Diodore IV, 65-66.
Pindare représente Adrastos comme compris dans la seconde expédition contre Thêbes (Pyth., VIII, 40-58).
[44] Tvrtæus, Eleg., 9, 7, Schneidewin ; cf. Platon, Phèdre, c. 118. Adrasti pallentis imago est aperçue par Enée dans les Enfers (Énéide, VI, 480).
[45] Au sujet de Melanippos, V. Pindare, Nem., X, 36. On montrait son tombeau près des portes Prœtides de Thèbes (Pausanias, IX, 18, 1).
[46] Cette très curieuse histoire, pleine d’enseignements, est contenue dans Hérodote, V, 67. Voir de qu’il dit des Sikyoniens.
Adrastos était adoré comme héros à Megara aussi bien qu’à Sikyôn ; les Mégariens affirmaient qu’il y était mort en revenant de Thèbes (Pausanias, I, 43, 1 ; Dieuchidas, ap. Schol. ad Pindare, Nem., IX, 31). On montrait encore sa maison à Argos quand Pausanias visita la ville (II, 23, 2).
[47] Pausanias, IX, 18, 3. Cf. Hygin. f. 68. Ovide, Ibis, 35. Ovide copiait le conte sur Callimaque (Tristes, V, 5, 38).
[48] Pindare, Nem. IX, 16. Les compositions mythiques de Stésichore comprenaient un poème appelé Eriphylê ; il y mentionnait qu’Asklêpios avait ressuscité Kapaneus, et que pour cette raison il avait été tué parla foudre de Zeus (Stésichore, Fragm. Kleine, XVIII, p. 74). Il existait jadis deux tragédies de Sophocle, Epigoni et Alkmæôn (Welcker, Griechisch. Tragoed., I, p. 269) : il reste encore un petit nombre de fragments des pièces latines d’Attius Epigoni et Alphesibœa ; Ennius et Attius composèrent tous les deux ou traduisirent du grec un Alkmæôn en latin (Poet. Scenic. Latin., éd. Both, p. 33, 164, 198).
[49] Hygin donne la fable brièvement (Fragm. 73 ; V. aussi Asklepiadês, ap. Schol. Odyssée, XI, 326). C’est de la même manière que, dans le cas du matricide d’Orestês, Apollon non seulement sanctionne, mais ordonne le meurtre ; mais sa protection qu’il lui accorde contre les Erynnies vengeresses est très lente à se montrer, elle n’est efficace qu’après qu’Orestês avait été longtemps persécuté et tourmenté par elles (V. Eschyle, Eumen., 76, 197, 462).
Dans l’Alkmæôn de l’auteur tragique plus récent, Théodecte, il y avait une distinction établie : les dieux avaient décrété qu’Eriphylê devait mourir, mais non pas qu’Alkmæôn la tuerait (Aristote, Rhetor., II, 24). Astydamas défigura encore plus l’histoire dans sa tragédie, et introduisit Alkmæôn comme tuant sa mère sans le savoir et sans connaître qui elle était (Aristote, Poetic., c. 27). Le meurtre d’Eriphylê par son fils était un des παρειλήμμενοι μΰθοι dont on ne pouvait s’éloigner ; mais on avait recours à des interprétations et à des modifications, pour empêcher que le conte ne blessât les sentiments devenus plus humains des spectateurs ; V. la critique que fait Aristote de l’Alkmæôn d’Euripide (Ethic. Nicom., III, 1, 8).
[50] Éphore ap. Athenæ, VI, p. 232.
[51] Thucydide, II, 68-102.
[52] Athenæ, l. c.
[53] Apollodore, III, 7, 5-6 ; Pausanias, VIII, 24, 4. Ces deux auteurs ont conservé le récit des Akarnaniens et la vieille forme de la légende, représentant Alkmæôn comme ayant trouvé asile dans la demeure d’Achelôos, personnage ou roi, et épousé sa fille ; Thucydide ne parle pas de la personnalité d’Achelôos, et il dit simplement qu’Alkmæôn errant s’est établi sur certaines îles nouvelles déposées par le fleuve.
Je puis faire remarquer que c’est là adapter d’une manière singulièrement heureuse une légende à un fait topographique existant. Généralement parlant, avant qu’un tel rapport puisse être rendu plausible, la légende subit nécessairement beaucoup, de transformations ; ici elle est prise exactement comme elle est, et encore s’ajuste-t-elle avec une grande précision.
Ephore racontait toute la suite des événements comme étant de l’histoire politique, les dépouillant entièrement du caractère légendaire. Alkmæôn et Diomêdês, après avoir pris Thèbes avec les autres Epigones, entreprirent ensemble une expédition en Ætôlia et en Akarnania ; ils punirent d’abord les ennemis du vieil Œneus, grand-père de Diomêdês, et installèrent ce dernier comme roi de Kalydôn ; ensuite ils conquirent l’Akarnania pour Alkmæôn. Celui-ci, bien qu’invité par Agamemnôn à le joindre au siège de Troie, n’y consentit pas (Éphore ap. Strabon, VII, p. 326 ; X, p. 462).
[54] Apollodore, III, 7, 7 ; Pausanias, VIII, 24,3-4. Ses remarques sur le funeste désir que Kallirhoê eut d’obtenir le collier sont curieuses ; il les annonce en disant que, beaucoup d’hommes, et encore plus de femmes, sont enclins à tomber dans d’absurdes désirs, etc. Il raconte cela avec toute la bonne foi qui appartient aux faits positifs les mieux certifiés.
On trouve une courte allusion dans les Métamorphoses d’Ovide (IX, 412).
[55]
Thêbaïd. Cycl. Reliqu., p. 70,
Leutsch ; Schol. Apoll. Rhod., I, 408. Bœckh suppose avec assez de raison que
les vers suivants, cités dans Athénée (VII, p. 317), sont pris de
Il y avait deux tragédies composées par Euripide, sous le titre d’Άλxμαίων, ό διά Ψωφϊδος, et Άλxμαίων, ό διά Κορίνθου (Dindorf, Fragm. Euripe, p. 77).
[56] Apollodore, III, 7, 7 ; Thucydide, II, 68.