PREMIER VOLUME
Les plus anciens noms de la généalogie Laconienne sont ceux d’un indigène Lélex et d’une nymphe naïade Kleochareia. De ce couple naquit un fils, Eurôtas, et de celui-ci une fille, Sparta, qui devint l’épouse de Lacedæmôn, fils de Zeus et de Taygetê, fille d’Atlas. Amyklas, fils de Lacedæmôn, eut deux fils, Kynortas et Hyakinthos, — ce dernier beau jeune homme, le favori d’Apollon, qui le tua accidentellement en jouant au disque ; et c’était à cette légende que remontait la fête des Hyakinthia, qui fut célébrée pendant toute la durée des temps historiques par les Lacédœmoniens en général et par les Amyklæens avec une solennité spéciale. Kynortas eut pour successeur son fils Periêrês, qui épousa Gorgophonê, fille de Perseus, et eut une nombreuse progéniture, — Tyndareus, Ikarios, Apllareus, Leukippos et Hippokoon. Quelques auteurs présentaient la généalogie différemment ; ils faisaient de Periêrês, fils d’Æolos, le père de Kynortas, et d’Œbalos, le fils de Kynortas, de qui naissaient Tyndareus, Ikarios et Hippokoon[1]. Tyndareus et Ikarios, chassés tous deux par leur frère Hippokoon, furent forcés de chercher un asile dans la demeure de Thestios, roi de Kalydôn, dont Tyndareus épousa la fille Lêda. On compte parmi les exploits d’Hêraklês, le héros présent partout, qu’il tua Hippokoon et Ses fils ; et rétablit Tyndareus dans son royaume, créant ainsi pour les rois Hêraklides postérieurs un titre mythique au trône. Tyndareus, aussi bien que ses frères, sont des figures intéressantes dans le récit légendaire : il est le père de Kastôr, — de Timandra, mariée à Echémos, le héros de Tegea[2], et de Klytæmnêstra, mariée à Agamemnôn. Pollux et Hélène à jamais mémorable sont enfants de Lêda et de Zeus. Ikarios est le père de Penelopê, épouse d’Odysseus : le contraste entre sa conduite et celle de Klytæmnêstra et d’Hélène fut d’autant plus frappant par suite de leur étroite relation de parenté. Aphareus est le père d’Idas et de Lynkeus, tandis que Leukippos eut pour filles Phœbê et Ilaëira. Selon l’un des poèmes hésiodiques, Kastôr et Pollux furent tous deux fils de Zeus et de Lêda, tandis qu’Hélène n’était fille ni de Zeus ni de Tyndareus, mais d’Okeanos et de Têthys[3]. Les frères Kastôr et Pollux (Polydeukês)
ne, sont pas moins célèbres par leur affection fraternelle que pour leurs
éminentes qualités corporelles : Kastôr, le grand conducteur de chars et l’habile
écuyer ; Pollux., le premier des pugiles. Ils sont compris tous deux parmi les
chasseurs du sanglier de. Kalydôn et parmi les héros de l’expédition des
Argonautes, dans laquelle Pollux réprima l’insolence d’Amykos, roi des
Bébryces, sur la côte de Les deux frères entreprirent aussi une expédition en Attique, dans le but de recouvrer leur soeur Hélène, qui avait été enlevée par Thêseus, dans sa première jeunesse, et déposée par lui à Aphidnê, tandis qu’il accompagnait Peirithoos dans les Enfers, voulant aider son ami à enlever Persephonê. La force de Kastôr et de Pollux étant irrésistible, et quand ils redemandèrent leur soeur, le peuple de l’Attique était jaloux de la rendre ; mais personne ne s’avait où Thêseus avait déposé son précieux butin. Les envahisseurs, ne croyant pas è, la sincérité de cette dénégation, se mirent ù ravager le pays, qui aurait été entièrement ruiné, si Dekelos, l’éponyme de Dekeleia (Décélie), n’eût, pu indiquer Aphidnê comme le lieu où était cachée Hélène. L’indigène Titakos livra Aphidnê à Kastôr et à Pollux, qui recouvrèrent Hélène : les frères, en évacuant l’Attique, emmenèrent en captivité 1Ethra, la mère de Thêseus. Dans les temps ultérieurs, où Kastôr et Pollux, sous le titre de Dioskures, vinrent à être honorés comme de puissants dieux, et où les Athéniens ressentirent une grande honte de cette action de Thêseus, la révélation faite par Dekelos fut considérée comme lui donnant un titre à la durable reconnaissance de son pays, aussi bien qu’au souvenir bienveillant des Lacédæmoniens, qui conservèrent aux Décéliens la jouissance constante de certains privilèges honorifiques à Sparte[5], et même respectèrent ce dême dans toutes les invasions qu’ils firent en Attique. Il n’est pas improbable que l’existence de cette légende ait eu quelque influence sur la détermination que prirent les Lacédæmoniens de choisir Dekeleia comme le point central de leur occupation pendant la guerre du Péloponnèse. Le fatal combat qui eut lieu entre Kastôr et Pollux d’un
côté, et Idas et Lynkeus (Lyncée) de l’antre, pour la possession des filles de
Leukippos, fut célébré par plus d’un ancien poète, et forme le sujet de l’une
des Idylles de Théocrite qui nous restent. Leukippos avait formellement
fiancé ses filles à Idas et à Lynkeus ; mais les Tyndarides, devenus épris d’elles,
renchérirent sur leurs rivaux pour l’importance des cadeaux de noce
accoutumés, persuadèrent au père de violer sa promesse, et emmenèrent Phœbê
et Ilaëira comme fiancées. Idas et Lynkeus les poursuivirent et leur
remontrèrent l’injustice de leur procédé : selon Théocrite, ce fut la cause
du combat, mais il existait un autre récit, qui semble le plus ancien, et qui
attribue à la querelle un motif différent. Ces quatre personnages avaient
fait de concert, en pillards, une incursion dans l’Arcadia, et avaient enlevé
quelque bétail ; mais ils ne s’accordèrent pas sur le partage du butin ; Idas
en emmena en Messênia une partie que les Tyndarides réclamèrent comme leur
appartenant. Pour se venger et se dédommager, les Tyndarides envahirent Les Dioskures, ou fils de Zeus, comme on nommait les deux
héros Spartiates, Kastôr et Pollux, furent reconnus comme dieux dans les
temps historiques de Kastôr et Pollux étant écartés, la généalogie spartiate passe de Tyndareus à Menelaos, et de celui-ci à Orestês. Dans l’origine, il paraît que Messênê était le nom de la
partie occidentale de Aphareus, après la mort de ses fils, fonda la ville d’Arène, et céda la plus grande partie de ses États à son parent Nêleus, avec lequel nous passons dans la généalogie Pylienne. |
[1] Cf. Apollodore, III, 10, 4. Pausanias III, 1, 4.
[2] Hésiode, ap. Schol. Pindare, Olymp., XI, 79.
[3] Hésiode, ap. Schol. Pindare, Nem., X, 150. Fragm. Hésiode, Düntzer, 58, p. 44. Tyndareus était adoré comme dieu à Lacédæmone (Varron ap. Serv. ad. Virgil., Énéide, VIII, 275).
[4] Apollon. Rhod. II, 1-96. Apollodore, I, 9, 20. Théocrite, XXII, 26-133. Dans le récit d’Apollonius et d’Apollodore, Amykos est tué pendant la lutte : dans celui de Théocrite, il est seulement vaincu et forcé de céder, avec la promesse de renoncer pour l’avenir à sa brutale conduite. Il y avait plusieurs récits différents. V. Schol. Apoll. Rhod., II, 106.
[5] Diodore, IV, 63. Hérodote, IX, 73. Selon d’autres auteurs, ce fut Akadêmos qui fit la révélation, et le lieu appelé Akadêmia (Académie), près d’Athènes, que les Lacédæmoniens épargnèrent en considération de ce service (Plutarque, Thêseus, 31, 32, 33, où il donne plusieurs versions différentes de ce conte par des écrivains attiques, faites en vue de disculper Thêseus).
On voyait représentés sur l’ancien coffre de Kypselos, les frères reprenant Hélène et emmenant en captivité Æthra, avec la curieuse inscription suivante : — Τυνδαρίδα Έλέναν φέρετον, Αίθραν δ̕Άθέναθεν Έλxετον. Pausanias, V 19, 1.
[6] Cypria, Carm. Fragm. 8, p. 13, Düntzer. Lycophrôn, 538-566, avec les Schol. Apollod., III, 11, 1. Pindare, Nem., X, 55-90 ; et encore Homère, Odyssée, XI, 302, avec le Commentaire de Nitzsch, vol. III, p. 245. Le combat finit ainsi d’une manière plus favorable aux Tyndarides : mais probablement le récit qui leur est le moins favorable est le plus ancien, puisque leur dignité alla toujours en augmentant, jusqu’à ce qu’enfin ils devinssent de grandes divinités.
[7] Odyssée, XXI, 15. Diodore, XV, 66.
[8] Pausanias, IV, 2, 1.