HISTOIRE DE LA GRÈCE

PREMIER VOLUME

CHAPITRE V — DEUKALIÔN, HELLÊN ET LES FILS D’HELLÊN

 

 

Dans la Théogonie hésiodique, aussi bien que dans le poème les Travaux et les Jours, la légende de Promêtheus et d’Epimêtheus offre une signification religieuse, morale et sociale, et c’est dans ce sens qu’elle est présentée par Eschyle ; mais aucune fonction généalogique quelconque n’est attribuée ni à l’un ni à l’autre de ces personnages. Le Catalogue hésiodique des Femmes les plaçait tous deux dans le courant de la famille légendaire grecque, en représentant Deukaliôn comme le fils de Promêtheus et de Pandôra, et vraisemblablement son épouse Pyrrha comme la fille d’Epimêtheus[1].

Deukaliôn est important dans le récit mythique grec à un double point de vue. D’abord, c’est l’homme qui a été spécialement sauvé à l’époque du déluge général ; en second lieu, il est le père d’Hellên, le grand éponyme de la race hellénique ; du moins, telle est l’histoire qui avait le plus cours, bien qu’il y eût d’autres récits qui faisaient d’Hellên le fils de Zeus.

Le nom de Deukaliôn est originairement rattaché aux villes lokriennes de Kynos et d’Opos, et à la race des Lélèges, mais il parait finalement comme fixé en Thessalia, et régnant sur la partie de cette contrée appelée Phthiôtis[2]. D’après ce qui semble avoir été l’ancien récit légendaire, c’est le déluge qui le transporta d’un pays dans l’autre ; mais d’après une autre relation, composée dans des temps plus disposés il transformer la légende en histoire, il conduisit un corps de Kurêtes et de Lélèges en Thessalia, et chassa les Pélasges, les premiers occupants[3].

Les iniquités horribles dont la terre était souillée, — comme le dit Apollodore, par la race d’airain existant alors, ou, Selon d’autres, par les cinquante fils monstrueux de Lykaôn, — engagèrent Zeus à envoyer un déluge général[4]. Une pluie incessante et terrible couvrit d’eau toute la Grèce, excepté les sommets les plus hauts, où un petit nombre d’hommes qui y erraient trouvèrent refuge. Deukaliôn fut sauvé dans un coffre ou une arche, que son père Promêtheus l’avait invité d’avance à construire. Après avoir flotté pendant neuf jours sur l’eau, il aborda enfin sur le sommet du mont Parnassos. Zeus lui ayant envoyé Hermês pour lui promettre de satisfaire toutes ses demandes, il souhaita que des hommes lui fussent envoyés pour peupler sa solitude : en conséquence, Zeus lui ordonna, ainsi qu’à Pyrrha, de jeter des pierres au-dessus de leurs têtes : celles que lança Pyrrha devinrent des femmes ; celles que lança Deukaliôn, des hommes. Et c’est ainsi que la race de pierre (si on nous permet de traduire une étymologie que la langue grecque offre exactement, et que n’ont dédaignée ni Hésiode, ni Pindare, ni Épicharme, ni Virgile) vint à occuper le sol de la Grèce[5]. Deukaliôn, en sortant de l’arche, offrit, dans sa reconnaissance, un sacrifice à Zeus Phyxios, ou dieu protecteur de la fuite ; il érigea aussi, en Thessalia, des autels aux douze grands dieux de l’Olympe[6].

On crut fermement à la réalité de ce déluge durant tous les temps historiques de la Grèce ; les chronologistes, calculant par généalogies, lui donnaient une date précise, et le plaçaient à la même époque que la conflagration du monde causée par la témérité de Phaëtôn, pendant le règne de Krotôpas, roi d’Argos, le septième depuis Inachos[7]. Aristote, dans son Traité de Météorologie, raisonne sur ce déluge comme si c’était un fait incontestable ; il l’admet à ce titre, bien qu’il change le lieu de la scène, en le plaçant à l’ouest du Pindos, près de Dôdônê et du fleuve Achelôos[8]. Il le traite en même temps comme un phénomène physique, résultat de révolutions périodiques dans l’atmosphère, — abandonnant ainsi le caractère religieux de la vieille légende, qui le représentait comme un châtiment infligé par- Zeus à une race méchante. Des récits fondés sur cet événement circulèrent dans toute la Grèce, même à une époque très récente. Les Mégariens affirmaient que Megaros, leur héros, fils de Zeus et d’une nymphe du lieu, avait échappé aux eaux sur le sommet élevé de leur montagne Geraneia, qui n’avait pas été complètement submergée. Et dans le magnifique temple de Zeus Olympien, à Athènes, on montrait dans la terre un trou par lequel on assurait que s’étaient retirées les eaux du déluge. Même à l’époque de Pausanias, les prêtres versaient dans ce trou des offrandes sacrées de farine et de miel[9]. Là, comme dans d’autres parties de la Grèce, l’idée du déluge de Deukaliôn se confondait avec les impressions religieuses du peuple, et était rappelée par leurs cérémonies sacrées.

Deukaliôn et Pyrrha eurent deux fils : Hellên et Amphiktyôn, et une fille Prôtogeneia, qui eut de Zeus un fils nommé Aëthlios ; cependant beaucoup d’auteurs soutenaient qu’Hellên était fils de Zeus, et non de Deukaliôn. Hellên eut d’une nymphe trois fils : Dôros, Xuthos et Æolos. Il donna, à ceux qui auparavant avaient été appelés Grecs[10], le nom d’Hellênes, et partagea son territoire entre ses trois enfants. Æolos régna en Thessalia ; Xuthos reçut le Péloponnèse, et eut de Kreüsa pour fils, Achæos et Iôn ; tandis que Dôros occupa le pays placé en face du Péloponnèse, sur le côté septentrional du golfe de Corinthe. D’après les noms de ces trois personnages, les habitants de leurs contrées respectives furent appelés Æoliens, Achæens, Ioniens et Dôriens[11].

Voilà la généalogie telle que nous la trouvons dans Apollodore. Pour ce qui est des noms et des filiations, il y a bien des points dans cette généalogie qui sont donnés différemment, ou implicitement contredits, par Euripide et d’autres écrivains. Bien que, comme histoire littérale et personnelle, elle ne mérite pas d’être remarquée, sa portée est à la fois intelligible et compréhensive. Elle explique et symbolise la première réunion fraternelle des hommes helléniques, en même temps que leur distribution territoriale et les institutions qu’ils vénéraient collectivement.

Toutes les sections des Grecs avaient en commun deux grands centres d’union. L’un était l’assemblée amphiktyonique, qui se réunissait semi annuellement, alternativement à Delphes et aux Thermopylæ ; dans l’origine, spécialement pour, des projets religieux communs, mais indirectement, et par occasion, embrassant en même temps des objets politiques et sociaux. L’autre était les fêtes ou jeux publics, parmi lesquels les jeux Olympiques étaient les premiers en importance ; ensuite les jeux Pythiens, les Néméens et les Isthmiques, — institutions qui combinaient des solennités religieuses avec sine effusion récréative et de cordiales sympathies d’une manière si imposante et si incomparable. Amphiktyôn représente la première de ces institutions, et Aëthlios la seconde. Comme l’assemblée amphiktyonique se rattachait toujours spécialement aux Thermopyles et à la Thessalia, on fait d’Amphiktyôn le fils du Thessalien Deukaliôn ; mais, comme la Pète olympique ne se rattache nullement par la place à Deukaliôn, Aëthlios est représenté comme ayant Zeus pour père, et comme ne touchant Deukaliôn que par la ligne maternelle. On verra bientôt que la seule chose affirmée concernant Aëthlios, c’est qu’il s’établit clans le territoire d’Élis, et engendra Endymiôn : ceci le met en contact local avec les jeux Olympiques, et sa fonction est alors finie.

Après avoir ainsi trouvé la Hellas formant un agrégat avec les forces principales qui en faisaient le lien, nous arrivons à sa subdivision en parties, opérée par Æolos, Dôros et Xuthos, les trois fils d’Hellên[12], distribution qui est loin d’épuiser le sujet : cependant les généalogistes que suit Apollodore ne reconnaissent pas plus de trois fils.

La généalogie est essentiellement postérieure à Homère ; car Homère ne tonnait la Hellas et les Hellènes qu’en rapport avec une portion de la Phthiôtis Achæenne. Mais comme elle est reconnue dans le Catalogue hésiodique[13], — composé probablement pendant le premier siècle après le commencement des Olympiades mentionnées dans l’histoire, ou 676 ans avant J.-C., — les particularités qu’elle renferme, datant d’une époque aussi ancienne, méritent beaucoup d’attention. Nous pouvons remarquer d’abord qu’elle semble nous présenter Dôros et Æolos comme la seule lignée pure et véritable d’Hellên. Car leur frère Xuthos n’est pas marqué comme éponyme ; il ne fonde et ne nomme aucun peuple ; ce sont seulement ses fils Achæos et Iôn, après que son sang a été mêlé avec celui de l’Érechthide Kreüsa, qui deviennent éponymes et fondateurs, chacun de son peuple séparé. Ensuite, quant à la distribution territoriale, Xuthos reçoit le Péloponnèse de son père, et se rattache lui-même à l’Attique (qui, à ce qu’il semble, paraissait à l’auteur de la généalogie n’avoir aucun lien avec Hellên) par son mariage avec la fille du héros indigène Érechtheus. Les enfants issus de ce mariage, Achæos et Iôn, nous présentent la population du Péloponnèse et celle de l’Attique ensembles comme rattachés entre elles par le lien de la fraternité, mais étant plus éloignées d’un degré et des Dôriens et des Æoliens. Æolos règne sur les contrées voisines de la Thessalia, et donne au peuple de ces parages le nom d’Æoliens ; tandis que Dôros occupe la contrée située en face du Péloponnèse, sur le côté opposé du golfe de Corinthe, et appelle les habitants Dôriens, de son nom[14]. On voit tout de suite que cette désignation ne peut, en aucune façon, s’appliquer au district restreint placé entre le Parnassos et l’Œta, qui seul est connu sous le nom de Dôris, ainsi que ses habitants sous celui de Dôriens, dans les âges historiques. Dans la pensée de l’auteur de cette généalogie, les Dôriens sont les habitants primitifs de ce grand espace de pays situé au nord du golfe de Corinthe, comprenant l’Ætolia, la Phôkis et le territoire des Lokriens Ozoles. Et cette idée s’accorde en outre avec l’autre légende mentionnée par Apollodore, quand il rapporte qu’Ætôlos, fils d’Endymiôn, ayant été forcé de s’expatrier du Péloponnèse, se rendit dans le territoire des Kurêtes[15], et y trouva un accueil hospitalier de la part de Dôros, de Laodokos et de Polypœtês, fils d’Apollon et de Phthia. Il tua ses hôtes, se rendit maître du territoire et lui donna le nom d’Ætôlia : son fils Pleurôn épousa Xanthippê, fille de Dôros ; pendant que son autre fils, Kalydôn, épousa Æolia, fille d’Amythaôn. Ici encore nous trouvons le nom de Dôros, ou les Dôriens, rattaché au pays nommé plus tard Ætôlia. Que Dôros ait été, appelé dans un endroit fils d’Apollon et de Phthia, et dans un autre fils d’Hellên et d’une nymphe, ce fait ne sera pas un sujet d’étonnement pour quiconque est accoutumé à ces fluctuations dans la nomenclature personnelle de ces vieilles légendes ; de plus, il est facile de concilier le nom de Phthia avec celui d’Hellên, vu que tous deux sont identifiés avec la même partie de la Thessalia, même dès le temps de l’Iliade.

Le récit qui rapporte que les Dôriens furent, une époque les possesseurs ou les principaux possesseurs de l’étendue du pays situé entre le fleuve Achelôos et le côté septentrional du golfe de Corinthe, s’accorde mieux du moins avec les faits attestés par des preuves historiques que les légendes données dans Hérodote, qui représente les Dôriens comme étant primitivement dans la Phthiôtis ; passant alors sous Dôros, fils d’Hellên, dans l’Histiæôtis, au pied de l’Ossa et de l’Olympe ; ensuite chassés par les Kadméens dans les régions du Pindos ; de là, passant dans le territoire des Dryopes, sur le mont Œta : enfin, de là, dans le Péloponnèse[16]. Le récit admis était que les grands établissements dôriens dans le Péloponnèse résultaient d’une invasion venue du nord, et que les envahisseurs avaient traversé le golfe en partant de Naupaktos, — assertion qui, bien que contestable par rapport à Argos, semble extrêmement probable par rapport et à Sparte et à la Messênia. On doit admettre que le nom de Dôriens comprenait beaucoup plus que les habitants de l’insignifiante tétrapole de la ; Dôris propre, si l’on croit qu’ils ont conquis Sparte et la Messênia. La grandeur de la conquête elle-même, ainsi que le passage d’une grande partie d’entre eux partis de Naupaktos, s’accordent avec la légende telle que la donne Apollodore, et clans laquelle les Dôriens sont représentés comme les principaux habitants du rivage septentrional du golfe. Les récits que nous trouvons dans Hérodote, concernant les antiques migrations des Dôriens, ont été considérés comme ayant une plus grande valeur historique que ceux d’Apollodore, l’auteur de récits fabuleux. Mais ils sont également chez ces deux écrivains fonds de légende, tandis que les brèves indications du second semblent s’accorder le plus avec les faits que nous voyons ensuite attestés par l’histoire.

Nous avons déjà mentionné que la généalogie, qui fait d’Æôlos, de Xuthos et de Dôros les fils d’Hellên, est aussi ancienne que le Catalogue hésiodique : probablement aussi celle qui fait d’Hellên le fils de Deukaliôn. Aëthlios aussi est un personnage hésiodique. Amphiktyôn l’est-il ou non ? Nous n’avons pas de preuve sur ce point[17]. Il était impossible qu’ils eussent été introduits dans la généalogie légendaire avant que les jeux olympiques et le concile amphiktyonique eussent conquis un respect bien établi et étendu dans toute la Grèce.

Au sujet de Dôros, fils d’Hellên, nous ne trouvons ni légende ni généalogie légendaire ; au sujet de Xuthos, bien peu au delà du conte de Kreüsa et d’Iôn, qui a sa place plus naturellement parmi les fables attiques. Achæos cependant, qui est ici représenté comme fils de Xuthos, paraît dans d’autres récits avec une origine et un entourage bien différents. Selon l’assertion que nous trouvons dans Denys d’Halicarnasse, Achæos, Phthios et Pelasgos sont fils de Poseidôn et de Larissa. Ils émigrent du Péloponnèse en Thessalia, et se partagent le territoire thessalien, donnant leurs noms à ses principales divisions. Leurs descendants è, la sixième génération furent chassés de cette contrée par l’invasion de Deukaliôn à la tête des Kurêtes et des Lélèges[18]. Tel était le récit de ceux qui voulaient donner un éponyme aux Achæens dans les districts méridionaux de la Thessalia. Pausanias remplit le même objet par un moyen différent : il représente Achæos, le fils de Xuthos, comma étant revenu en Thessalia et ayant occupé la partie de ce pays à laquelle son père avait droit. Alors, dans le but d’expliquer comment il se faisait qu’il y avait des Achæens à Sparte et à Argos, il nous dit qu’Archandros et Architelês, fils d’Achæos, revinrent de Thessalia dans le Péloponnèse et épousèrent deux filles de Danaos ; ils acquirent une grande influence à Argos et à Sparte, et appelèrent le peuple Achæen, du nom de leur père Achæos[19].

Euripide aussi s’éloigne d’une manière très considérable de la généalogie hésiodique par rapport à ces personnages éponymes. Dans le drame appelé Iôn, il représente Iôn comme fils de Kreüsa et d’Apollon, mais adopté par Xuthos. Selon lui, les fils réels de Xuthos et de Kreüsa sont Dôros et Achæos[20], éponymes des Dôriens et des Achæens dans l’intérieur du Péloponnèse. Et un point de différence plus capital, c’est qu’il omet complètement Hellên, faisant de Xuthos, Achæen de race, le fils d’Æolos, lequel est fils de Zeus[21]. C’est d’autant plus remarquable que, clans les fragments de deux autres draines d’Euripide, Melanippè et Solos, nous trouvons Hellên mentionné à la fois comme père d’Æolos et comme fils de Zeus[22]. Le public, en général, même clans la cité la plus éclairée de la Grèce, ne semble avoir été ni surpris ni offensé des fluctuations et des contradictions que présentaient ces généalogies mythiques.

 

 

 



[1] Schol. ad Apollon. Rhod. III, 1085. D’autres récits de la généalogie de Deukaliôn sont donnés dans les Schol. ad Homer., Odyssée, X, 2, sur l’autorité et d’Hésiode et d’Acusilas.

[2] Catalogue Hésiodique, Frag. XI ; Gaisf. LXX. Düntzer.

La descendance censée de Deukaliôn se continua à Phthie jusqu’au temps de Dicéarque, si nous pouvons en juger par le vieux Phérécrate de Phthie, qu’il introduisit dans un de ses dialogues comme interlocuteur, et qu’il déclara expressément descendre de Deukaliôn (Cicéron, Tuscul. Disp., I, 10).

[3] La dernière relation est donnée par Denys d’Halicarnasse, I, 17 ; la première semble due à Hellanicus, qui assurait qu’après le déluge l’arche s’arrêta sur le mont Othrys, et non sur le mont Parnassos (Schol. Pind., ut sup.), le premier convenant mieux pour un établissement en Thessalia.

Pyrrha est l’héroïne éponyme de Pyrrhæa ou Pyrrha, le nom ancien d’une partie de la Thessalia (Rhianus, Fragm. 18, p. 71, éd. Düntzer).

Hellanicus avait écrit un ouvrage aujourd’hui perdu, intitulé Δευxαλιώνεια ; tous les fragments qui en sont cités se rapportent à des lieux situés en Thessalia, en Lokris et en Phokis. V. Preller, ad Hellanicum, p. 12 (Doerpt. 1840). Probablement Hellanicus est la principale source de la position importante qu’occupe Deukaliôn dans la légende grecque. Thrasybule, et Acestodore représentaient Deukaliôn comme ayant fondé l’oracle de Dôdônê, immédiatement après le déluge (Étym. Mag., v. Δωδωναϊος).

[4] Apollodore rattache ce déluge à la méchanceté de la race d’airain dans Hésiode, suivant l’habitude générale des logographes de lier ensemble une suite de légendes qui n’ont absolument aucune connexion entre elles (I, 7, 2).

[5] Hésiode, Fragm. 135, éd. Mirkts. ap. Strabo. VII, p. 322, où le mot proposé par Heyne comme la leçon du texte inintelligible, me paraît préférable à toutes les autres conjectures. Pindare, Olymp., IX, 47. Άτερ δ̕ Εύνάς όμόδαμον Κτηάσθαν λίθινον. Λαοί δ̕ώνόμασθεν. Virgile, Georg., I, 63. Unde homines nati, durum genus. Epicharm. ap. Schol. Pind., Olymp., IX, 56 ; Hygin. f. 153. Philochore conservait l’étymologie, bien que, pour l’expliquer, il donnât une fable totalement différente, sans aucun lien avec Deukaliôn ; preuve curieuse du plaisir qu’y trouvait l’imagination des Grecs (V. Schol. ad. Pind., l. c., 68).

[6] Apollodore, I, 7, 2. Hellanic., Fr. g. 15, Didot. Hellanicus affirmait que l’arche s’arrêta sur le mont Othrys, non sur le mont Parnassos (Fragm. 16. Didot). Servius (ad Virgil., Eclog., VI, 41) la plaçait sur le mont Athos, Hyginus (f. 153), sur le mont Ætna.

[7] Tatien adv. Græc., c. 60, adopté et par Clément et par Eusèbe. Les marbres de Paros plaçaient ce déluge sous le règne de Kranaos, à Athènes, 752ans avant la première Olympiade dont il soit fait mention, et 1528 ans avant l’ère chrétienne ; Apollodore aussi le place sous le règne de Kranaos, et sous celui de Nyctimos en Arcadia (III, 8, 2 ; 14, 5).

Le déluge et l’ekpyrosis ou conflagration sont aussi rattachés l’un à l’autre dans Servius ad Virg., Bucol., VI, 41 : il les condense en une mutationem temporum.

[8] Aristote, Météorologie, I, 14. Justin enlève à la fable son caractère surnaturel en nous disant que Deukaliôn, étant roi de Thessalia, donna asile et protection aux hommes qui avaient échappé au déluge (II, 6, 11).

[9] Pausanias, I, 18, 7 ; 40, 1. Selon les marbres de Paros (s. 5), Deukaliôn était venu à Athènes après le déluge, et y avait fondé lui-même le temple de Zens Olympien. L’étymologie que donne Voelcker des noms de Deukaliôn et de Pyrrha, en les allégorisant, dans son ingénieuse Mythologie des Iapetischen Geschlechts (Giessen, 1824), ne me parait nullement convaincante.

[10] Telle est l’assertion d’Apollodore (I, 7, 3) ; mais je ne puis me décider à croire que le nom Γραϊxοί (Grecs) soit quelque peu ancien dans la légende, ou que le passage d’Hésiode, dans lequel Græcus et Latinus sont supposés être mentionnés, soit authentique.

V. Hésiode, Théog., 1013, et Catalogue, Fragm. 29, éd. Goettling, avec la note de Goettling ; de plus, Wachsmuth, Hellen. Alterth., I, 1, p. 311, et Bernhardy, Griech. literat., vol. I, p. 167.

[11] Apollodore, I, 7, 4.

[12] Ce qui peut prouver combien d’une manière littérale et implicite même les Grecs les plus capables croyaient à ces personnages éponymes, tels que Hellên et loin, comme étant les auteurs réels des races appelées de leurs noms, c’est qu’Aristote donne cette descendance commune comme la définition de γένος (Métaph., IV, p. 118, Brandis).

[13] Hésiode, Fragm. 8, p. 278, éd. Marktsch.

[14] Apollodore I, 7, 3.

Strabon (VIII, p. 383) et Conon (Nar., 27) qui, évidemment, copient d’après la même source, représentent Dôros comme allant s’établir dans le territoire particulièrement connu sous le nom de Dôris.

[15] Apollodore, I, 7, 6.

[16] Hérodote, I, 56.

[17] Schol. Apollod. Rhod., IV, 57.

Au sujet de l’extraction d’Hellên, les renseignements empruntés à Hésiode sont très confus. Cf. Schol. Hom., Odyssée, X, 2, et Schol. Apollon. Rhod. III, 1086. V. aussi Hellanic., Fragm. 10. Didot.

Apollodore et Phérécyde avant lui (Fragm. 51, Didot), appelaient Prôtogeneia fille de Deukaliôn ; Pindare (Olymp., IX, 64) la désignait comme fille d’Opos. Un des artifices mentionnés par le Scholiaste pour se débarrasser de cette contradiction généalogique était la supposition que Deukaliôn avait deux noms (διώνυμος) ; qu’il se nommait aussi Opos (Schol. Pind., Olymp., IX, 85).

Hésiode et Hécatée ont mentionné tous deux que les Deukalides ou postérité de Deukaliôn régnèrent en Thessalia, ap. Schol. Apollon. Rhod., IV, 265.

[18] Denys d’Halicarnasse, A. R., I, 17.

[19] Pausanias, VII, 1, 1-3. Hérodote aussi mentionne (II, 97) Archandros fils de Phthios et petit-fils d’Achæos, qui épousa la fille de Danaos. Larcher (Essai sur la Chronologie d’Hérodote, ch. 10, p. 321) nous dit que ce ne peut être le Danaûs qui vint d’Égypte, le père des cinquante filles, qui doit avoir vécu deux siècles plus tôt, comme on peut le démontrer par des preuves chronologiques ; selon lui, celui-ci doit être un autre Danaûs.

Strabon semble donner un récit différent au sujet des Achæens dans le Péloponnèse. Il dit qu’ils formaient la population primitive de la Péninsule, qu’ils y vinrent de Phithia avec Pélops, et habitèrent la Laconie, qui, de leur nom, fut appelée Argos Achaicum, et que, lors de la conquête des Dôriens, ils allèrent en Achaïa proprement dite, et en expulsèrent les Ioniens (Strabon, VIII, p. 365). Ce récit est, je le présume, emprunté d’Ephore.

[20] Euripide, Ion, 1590.

[21] Euripide, Ion, 64.

[22] V. les Fragments de ces deux pièces dans l’édition de Matthiæ. Cf. Welcker, Griechisch. Tragoed., v. II, p. 843. Si nous pouvons juger d’après les fragments de la pièce latine d’Ennius, Melanippè (V. Fragm. 2, éd. Bothe), Hellên était introduit comme un des personnages de la pièce.