Il est une peine qui a été inscrite dans les lois de foules les nations et qu’a fait abolir de nos jours, dans les codes les plus pénétrés de moralité sociale, le souci de maintenir à toutes les sanctions une stricte personnalité ; c’est la confiscation totale des tiens. La cité grecque ne voulut jamais se priver d’une ressource et d’une arme aussi précieuses : tant pis si une famille entière souffrait pour la faute d’un seul ! C’est un des reproches qu’on adresse le plus volontiers et le plus âprement à la Grèce ancienne. Peut- être cependant y a-t-il des distinctions à faire, et toutes les villes n’ont-elles pas également abusé d’une fructueuse injustice. Osons le dire, malgré un préjugé répandu : il serait curieux qu’Athènes n’eut pas senti ce que certains cas légaux de confiscation avaient de contraire au principe nouveau de son droit criminel, et qu’elle n’eût pas essayé, soit par une réforme législative, soit par sa jurisprudence et sa politique, de dépouiller moins souvent l’innocence. De toutes les confiscations, la plus odieuse assurément, c’est celle qui accompagne une condamnation à mort. Elle n’est plus justifiable pour une société qui renonce à fonder son système pénal sur la solidarité passive du père et des enfants. Une seule personne dans toute la famille échappe à cette peine-là, c’est le coupable lui-même. Les Athéniens ont dû être vivement choqués d’une anomalie aussi cruelle. Les sentences capitales étaient rendues, chas eux, par l’Aréopage et par les tribunaux populaires. L’une ou l’autre de ces juridictions confisquait-elle, et, dans l’affirmative, ne cessa-t-elle pas de confisquer les biens de ceux qu’elle faisait mourir ? C’est une question qui a été vivement débattue en ce siècle, de savoir si la confiscation générale des biens atteignait seulement le meurtrier qui échappait à une condamnation pour φόνος έκούσιος par l’exil perpétuel, ou si elle accompagnait aussi la peine de mort prononcée par l’Aréopage. D’après Meier[1], la vie du coupable libère ses biens. Mais cette thèse a toujours été prise à partie[2]. Aujourd’hui on admet sans discussion que le contumax et le condamné, dans une affaire entraînant une sentence capitale, perdaient également leur fortune[3]. Peut-être convient-il de rouvrir le débat. Des deux parts on se refuse désormais à faire état de cette phrase où Démosthène énumère sans les combiner les peines du meurtre prémédité : οί φονικοί (νόμοι) τούς μέν έκ προνοίας άποκτιννύντας θενάτω καί άειφογία καί δημεύσει τών ύπαρχόντων ζημιοΰσιν[4]. On écarte aussi d’un commun accord une autre phrase de Démosthène : τών γάρ έκ προνοίας (πεφονευκότων) δεδήμευται τά όντα ; car l’auteur, loin de parler des meurtriers en général, considère ceux qui ce sont soustraits à la sentence par le bannissement volontaire’. Enfin, il ne semble pas qu’on puisse invoquer dans un sens ou dans l’autre les mots qui terminent le discours de Lysias sur le meurtre d’Ératosthène : Έγώ γάρ νύν καί περί τοΰ σώματος καί περί τών χρημάτων καί περί τών άλλων άπάντων κινδυνεύω[5]. Ici encore, malgré Philippi[6], on doit su résigner à la conclusion négative de Meier[7] : on ne peut pas affirmer sans pétition de principe que le σώμα mis en cause soit la vie de l’accusé et non sa personnalité civile[8], puisque dans la langue judiciaire d’Athènes le mot a les deux sens, et le second plus fréquemment que le premier. Ces trois textes une fois éliminés[9], un quatrième se présente, dont la valeur, sans être nulle, a besoin d’être déterminée avec prudence. Dans une des Tétralogies attribuées à Antiphon[10], l’accusé, prévenu de s’être dérobé à une γραφή ίερών χρημάτων κλοπής par le meurtre de son adversaire, parle en ces termes : Je vais vous montrer que le danger qui me menace aujourd’hui, loin de me sembler moins grave que celui qui serait résulté pour moi de cette γραφή, devait raisonnablement me paraître bien plus redoutable. Condamné par suite de la γραφή, j’aurais perdu ma fortune, mais je n’aurais pas été privé de la patrie et de la vie... Si je succombe maintenant, ou je mourrai, léguant à mes enfants l’ignominie du crâne, ou, fugitif, je serai le vieillard sans patrie qui mendie sur la terre étrangère. Il est bien entendu que ce passage, pas plus qu’aucun autre des Tétralogies, ne peut à lui seul constituer une preuve sur une question de droit attique ; mais il vaut la peine d’être examiné comme fournissant une indication utile sur les idées des Grecs en général. Meier[11] soutenait que faire allusion à la confiscation qui atteignait le meurtrier en fuite et ne mentionner que l’ignominie qui rejaillissait sur les enfants du meurtrier exécuté, c’était dire qu’il n’y avait pas confiscation, s’il y avait exécution. Le seul tort qu’eût Meier, c’était de n’émettre aucun doute sur la valeur juridique du document. Mais quand Philippi[12] vient déclarer qu’il n’y a pas ici énumération limitative des peines et que l’auteur choisit parmi les conséquences de l’exécution capitale les άνόσια όνείδη parce que l’ignominie est plus terrible pour les enfants que la confiscation, il nous donne une opinion personnelle d’une haute moralité, qu’on ne peut ériger en argument. Il ne faut pas oublier que le prétendu Antiphon est un sophiste. Il est décidé d’avance à trouver les peines du φόνος έκούσιος plus graves que celle de la κλοπή ίερών χρημάτων, qui est la perte de la fortune. S’il avait pu dire que la punition du meurtrier consiste également dans la perte de la fortune avec la mort ou l’exil en plus, il n’y aurait pas manqué : c’est ce qu’il fait dans le cas de l’exil, et si, dans le cas de la mort, il se sert d’une expression vague comme άνόσια όνείδη, c’est pour que la symétrie qu’il aurait voulu mettre dans les idées se retrouve au moins dans les mots. La manière antithétique du rhéteur nous garantit que si la vérité lui avait perchis de parler de confiscation, il en aurait parlé : le juriste, malgré tout, a retenu l’artiste. Ainsi, c’était au moins une thèse d’école, empruntée peut-être à la réalité, que l’exécution du meurtrier condamné avait pour effet de sauver ses biens. La conformité de cette thèse avec le droit athénien est fermement établie par une glose de Pollux[13] et une phrase d’Aristote[14]. Pollux dit des pôlètes : Πωληταί τά τέλη πιπράσκουσι μετά τών έπί τό θεωρικόν ήρημένων, καί τάς τών έξ Άρείου πάγου μετά τόν πρότερον λόγον φυγόντων ούσίας καί τά δεδημευμένα. Il ne connaît donc d’autres confiscations prononcées par l’Aréopage que celles dont sont frappés les contumaces[15]. Philippi[16] objecte que le τραΰμα έκ προνοίας pouvait être puni de confiscation aussi bien que le φόνος έκούσιος, et que le silence de Pollux sur la confiscation consécutive à l’exécution du meurtrier rte prouve rien de plus que son silence sur la confiscation consécutive à la tentative du meurtre. Mais Pollux ne mentionne pas seulement les confiscations pour φόνος έκούσιος ; il mentionne, d’une façon générale, les confiscations prononcées par l’Aréopage (pour τραΰμα έκ προνοίας comme pour φόνος έκούσιος) et ne fait de restriction que pour éliminer les meurtriers qui ont attendu la sentence[17]. D’ailleurs, Philippi reconnaît qu’il faudrait attacher de l’importance à la glose du grammairien, si elle avait un garant[18]. Elle en a un maintenant. Dans un paragraphe de la Πολιτεία sur les mêmes pôlètes, Aristote s’exprime ainsi : Πωληταί... τά τέλη μετά... τών έπί τό θεωρικόν ήρημένων... κατακυροΰσιν..., καί τάς ούσίας τών έξ Άρείου πάγου φευγόντων καί τών άλ[λων]... πωλοΰσιν. Pollux est donc couvert par son auteur, Aristote : il ne fait pas allusion à quelque espèce trouvée dans un orateur, il se réfère à une disposition de la loi athénienne. On comprend fort bien que chez les Athéniens du IVe siècle la peine de mort ait suffi au châtiment du meurtrier et qu’au contraire l’exil volontaire de l’accusé ait entraîné la perte de ses biens[19]. Mais on peut se demander si cette distinction remonte à une très haute antiquité où si elle marque un progrès des moeurs. L’hypothèse d’une évolution est séduisante : elle ferait constater, après tant d’autres coups portés à la solidarité familiale, un nouveau triomphe de la responsabilité personnelle. Mais, comme nous l’avons vu, elle n’est pas confirmée par les documents[20]. En toute autre matière, ce silence pourrait être sans signification ; il doit une grande importance au caractère immuable et sacré des φονικοί νόμοι. Si, à l’époque d’Aristote, cette législation particulière autorisait les enfants du meurtrier condamné à mort à entrer en possession de leur héritage, il en était ainsi dès l’époque de Dracon. Il faut même se reporter aux temps les plus lointains, aux siècles où les droits de la vengeance privée commencent à peine à être limités, où l’exécution du meurtrier est seulement une satisfaction accordée aux parents de la victime, pour expliquer que le fisc n’ait rien eu à y gagner. La peine de mort remplaça la vengeance privée ; la confiscation remplaça ποινή. Pas de ποινή là où il y a vengeance privée ; c’était la règle du droit primitif. Pas de confiscation là où il a peine de mort : ce fut la règle appliquée par le vieux tribunal de l’Aréopage. Mais les juridictions d’origine plus récente avaient une tradition tout opposée. Lorsque la peine capitale était prononcée par les tribunaux ordinaires ou par l’assemblée du peuple, principalement dans les affaires de haute trahison, de sacrilège et de κακουργία, c’était la coutume de confisquer la fortune du condamné. Déjà dans l’Odyssée, un des prétendants menace Ulysse et un de ses compagnons de les tuer et de leur enlever tous leurs biens fonciers et mobiliers[21]. Chaque fois que les Athéniens mettaient les ennemis de la démocratie au ban de la société, comme dans le décret porté contre les partisans d’Isagoras[22] ou dans le décret de Demophantos[23], ils dépouillaient de leur fortune ceux qu’il était permis de tuer. Vers la fin du Ve siècle, la loi appliquée par la juridiction ordinaire aux traîtres et aux sacrilèges étant rappelée en ces termes à l’ekklêsia siégeant comme tribunal suprême : Κατά τοΰτον τόν νόμον κρίνατε, ός έσιν έπί τοϊς ίεροσύλοις καί προδόταις, έάν τις ή τήν πόλιν προδιδώ ή τά ίερά κλέπτη, κριθέτα έν δικαστηρίω, άν καταγνωσθή, μή ταφήναι έν τή Άττική, τά δέ χρήματα αύτοΰ δημόσια εΐναι[24]. La sanction de cette loi, y compris la confiscation générale, reparaissait souvent dans les décrets et προβουλεύματα réglant la procédure des procès politiques[25], par conséquent, dans les jugements définitifs. En 415, elle frappe les Hermocopides[26] ; en 410, d’abord Phrynichos[27], puis Archeptolémos et Antiphon[28] ; en 406, les stratèges vainqueurs aux îles Arginuses[29]. Encore le peuple observait-il les formes de la justice[30]. Les Trente ne tuèrent pas moins de quinze cents personnes sans jugement, par avidité autant que par haine, pour s’enrichir par la spoliation de leurs victimes[31] ; pour payer leurs satellites, ils décidèrent de choisir chacun un métèque qu’ils feraient mourir et dont ils prendraient les biens[32] : la confiscation devenait une source sanglante de revenus privés. Et puis, immédiatement après le régime des Trente, si étendus que soient les pouvoirs du tribunal dans les procès par είσαγγελία, si nombreuses qu’apparaissent les confiscations et les condamnations à mort pour attentats politiques, jamais les deux peines ne s’abattent plus sur une même tète, à moins que le peuple ne juge avoir à rentrer dans des fonds lui appartenant. Chaque foie qu’au IVe siècle la cité se fait adjuger les biens du criminel livré aux Onze, le crime puni est la haute Trahison compliquée de malversation ou de détournement au préjudice du trésor. La confiscation, en ce cas, n’est plus une peine cumulative, mais une restitution avec indemnité. En 389, le stratège Ergoclès fut condamné à la confiscation, en même temps qu’à la peine de mort : c’est qu’on lui imputa, non seulement des actes de haute trahison, mais une série de malversations et de concussions s’élevant à plus de trente talents[33]. En 313, Antimachos subit le même sort[34] : c’est que ce personnage était trésorier du stratège Timothée, et cette circonstance permet de penser que l’accusation n’avait pas été seulement une γραφή προδοσιας, mais aussi une γραφή κλοπής[35]. Diphilos, poursuivi par Lycurgue, fut frappé d’une sentence capitale, et sa fortune fut partagée à raison de cinquante drachmes, peut-être même d’une mine, par citoyen : c’est que, concessionnaire de mines du Laurion, Diphilos avait fait abattre les piliers de minerai qui soutenaient les voûtes de ses chantiers et s’était ainsi enrichi au mépris des lois, aux dépens de l’Etat[36]. Ces exemples suffisent à expliquer pourquoi le décret qui fixait la procédure et les pénalités applicables à l’affaire d’Harpalos laissait aux jugea le choix entre une peine pécuniaire et la mort avec confiscation des biens[37]. Mais, quand le crime ne lèse pas le fisc, on ne voit plus après l’année d’Euclide la confiscation prononcée conjointement avec la peine capitale. Tandis que ce cumul de peines était encore autorisé par le προβούλευμα de Callixénos dans le procès des stratèges en 406 et qu’il était naguère pratiqué systématiquement par les Trente, du jour on la démocratie est restaurée, il n’est plus possible. Dès la fin de 403[38], dans l’accusation contre Eratosthène, Lysias, cherchant quel châtiment égal à ses forfaits on pourrait infliger au misérable, examine successivement les effets de la peina capitale et de la confiscation, et les déclare insuffisantes l’une et l’autre, sans proposer cependant de les aggraver l’une par l’autre[39]. Quelques années après, en 387[40], le même Lysias peut en plein tribunal taxer d’illégalité une confiscation opérée après condamnation à mort. Rappelez-vous, fait-il dire à l’un de ses clients, que Nicophèmos et Aristophane furent exécutés sans jugement contradictoire, et que leurs corps mêmes ne furent pas remis à la famille pour être ensevelis. Mais bien plus infortunés me semblent les enfants d’Aristophanès. Sans avoir jamais fait tort à personne ni dans la vie privée ni dans la vie publique, ils ont perdu leur patrimoine au mépris de vos lois[41]. Que Lysias n’ait pas eu raison en l’espèce, c’est ce que laissent entrevoir certaines allusions à des faits de péculat, aveux involontaires[42] ; mais il nous suffit que dans le plaidoyer sur les biens d’Aristophanès — et probablement aussi dans un autre plaidoyer qu’il avait composé pour un procès παρανόμων intenté à l’accusateur d’Aristophanès sur la question spéciale de la confiscation[43]— il ait pu soutenir qu’en principe la loi de son temps ne permet pas de confisquer les biens des traîtres condamnés à mort. Que l’on considère encore la pénalité encourue par Andocide dans le procès en sacrilège qui lui fut intenté par voie d’ένδειξις en 399. Nul doute qu’une condamnation eût entraîné la peine de mort : l’accusation et la défense sont d’accord là-dessus[44]. D’autre part, les biens de l’accusé ne courent aucun risque. Sinon, aurait-il commis l’imprudence mortelle de vanter sa richesse[45], et son adversaire aurait-il soutenu qu’il ne fallait pas s’en laisser accroire par le vain étalage d’une fortune ébréchée[46] ? Le plaidoyer d’Andocide est particulièrement instructif. Il noua apprend que même dans le cas où le condamné à mort ne laissait pas d’héritiers et où une race s’éteignait en sa personne, la succession vacante ne tombait pas dans le domaine public[47]. Si l’Etat, selon la règle de droit commun[48], ne s’empare pas de biens devenus re nullius, à plus forte raison ne dépouille-t-il pas les héritiers naturels ou légaux. Avant de tenir cette conclusion pour fermement acquise, il nous faut encore examiner le plaidoyer de Lysias sur la confiscation des biens du frère de Nicias. Voici les faits de la cause. Eucratès, frère de Nicias, avait été exécuté à l’époque où l’oligarchie préparait la tyrannie des Trente[49]. Ses deux fils mineurs entrèrent en possession de leur patrimoine[50]. Mais, après le rétablissement de la démocratie, ils furent menacés de confiscation par un premier accusateur, qu’ils tirent mettre à l’amende de mille drachmes[51], puis une seconde fois par un orateur nommé Poliochos. C’est évidemment à raison d’actes imputés à leur père qu’ils étaient attaqués ; car au moment du second procès, qui est antérieur à 395 (peut-être de plusieurs années), les actes dont ils avaient à répondre remontaient à un passé déjà lointain, et lors de la révolution de 403 les deux orphelins étaient encore des enfants[52]. On a donc pu Soutenir que la confiscation demandée sous le régime démocratique était la conséquence légale de la condamnation à mort prononcée sous le régime oligarchique[53]. Il y avait jadis une réponse toute prête : le plaidoyer de Lysias passait pour l’acte d’accusation dirigé par l’un des fils d’Eucratès contre Poliochos dans un procès παρανύμων, et, par conséquent, la confiscation requise par le sycophante pouvait être illégale. Malheureusement, il est incontestable que le plaidoyer en question a été composé pour le défendeur dans une affaire engagée par voie d’άπογραφή [54]. Mais précisément parce que les accusés n’ont pas apposé à l’άπογραφή une γραφή παρανόμων ou du moins protesté dans leur défense contre l’illégalité des poursuites, il est manifeste qu’on n’invoquait pas contre eux la condamnation infligée par l’oligarchie ; car ils n’auraient pas manqué de se prévaloir de cette loi votée après le retour de Thrasybule : Tout acte passé, tout jugement rendu soue les Trente, en matière privée ou publique, seront nuls[55]. Nous arrivons donc à cette conclusion que les fils d’Eucratès étaient en danger de perdre leur fortune en raison de fuite délictueux établis à la charge de leur père défunt par une juridiction fonctionnant après 403. Quels étaient ces faits ? Sans rien préciser, il est permis de conjecturer qu’ils rentraient dans la compétence de ces σύνδικοι qui présidaient le tribunal où comparaissaient les fils d’Eucratès[56]. Or, les σύνδικοι, conjointement avec les συλλογής, semblent avoir exercé, dans les années qui suivirent 403, des fonctions extraordinaires à l’effet de rechercher tous titres à faire valoir au nom du fisc[57]. Eucratès était stratège, lorsqu’il périt sous le coup d’une condamnation politique[58]. Il n’y aurait tien d’étonnant à ça que plus lard, après la tourmente de 604/3, lorsqu’on vérifia les comptes de sa gestion, on eût relevé des irrégularités graves constituant à l’État des droits sur sa succession. D’ailleurs, les exigences du fisc à l’encontre des héritiers tendaient, non pas à la confiscation pure et simple de l’héritage[59], mais au recouvrement d’une somme supérieure, puisque les accusés prévoient, outre la confiscation, l’atimie résultant de l’insolvabilité[60]. Ainsi, le procès intenté aux fils du stratège Eucratès ne diffère pas de celui qui est intenté aux fils de l’orateur Lycurgue et, en général, aux héritiers des fonctionnaires comptables atteints d’une condamnation posthume. Pas plus qu’aucun autre document postérieur à 403, le discours de Lysias relatif à cette affaire n’établit de lien entre la condamnation à mort et la confiscation générale des biens. Les Athéniens ont donc résolu un des problèmes moraux et juridiques que posait la confiscation, en se ralliant autant que possible au principe de la responsabilité personnelle. En même temps qu’ils effaçaient de leur code les autres cas de solidarité pénale, ils décidaient de laisser leur héritage aux enfanta des condamnés à mort, tout en réservant à l’État le droit de revendiquer leur fortune comme partie civile. Ainsi, la confiscation, qui était jusqu’à l’archontat d’Euclide la conséquence nécessaire des condamnations capitales prononcées par tous les tribunaux ordinaires ou extraordinaires, sauf l’Aréopage, ne fut plus cumulée avec la peine de mort : ce genre de clémence, qui était l’exception, devint la règle. Voilà ce qu’ils ont fait, ces Athéniens qu’on accuse toujours d’avoir opéré des confiscations à tort et à travers, par rapacité. Ils ont mis du temps à réaliser un progrès si désirable. C’est vrai. Mais il a moins dépendu d’eux que des circonstances qu’il fût réalisé beaucoup plus tôt. Déjà dans la première moitié du Ve siècle (entre 464 et 457), lorsqu’ils imposèrent à Érythrées une constitution de leur choix, ils y formulèrent de remarquables dispositions sur la haute trahison, d’après lesquelles les enfants du coupable devaient, s’ils établissaient leur innocence, non seulement avoir la vie sauve, usais encore récupérer la moitié des biens unis provisoirement sous séquestre : τά δέ χρέματα...ς κατα(θ)έυτας [έχε]ν τό[ς] παΐδ[α]ς [τ]ό [έμισ]υ...[61] Dès ce moment, le sort des familles frappées dans leur chef intéresse les Athéniens : plus d’un demi-siècle avant de l’assurer définitivement, ils sont en voie de l’améliorer. C’est cette abominable guerre du Péloponnèse, avec son cortège de luttes civiles et de passions déchaîniez, qui retarda le progrès ou même produisit un effroyable recul de la justice. Vers 460, le citoyen d’une ville alliée, condamné à mort même pour crime politique, devait normalement laisser à ses enfants la moitié du patrimoine ; vers 415, le même citoyen d’une ville alliée, condamné à mort pour crime de droit commun, citait de plein droit dépouillé de tous ses biens[62]. Coup sur coup, la pénalité double est autorisée par les décrets de Démophantos, de Cannônos et de Callixénos ; elle est appliquée tantôt par la fureur ou l’égarement populaire aux Hermocopides, à Archeptolémos et Antiphon ou aux stratèges de 406, tantôt par la cruauté froide et avide des Trente aux métèques coupables de richesse. Mais que la démocratie se reprenne, elle revient sana tarder à la tradition interrompue, et les enfanta des condamnés à mort n’ont plus à craindre ni atimie ni confiscation, Pour être pleinement équitable envers les Athéniens du IVe siècle et reconnaître tout le mérite qu’ils ont eu à mettre plus d’humanité dans leur loi pénale, il faut là encore les comparer aux autres peuples de la Grèce. A Mylasa, en 367/6, un homme politique ayant été condamné à mort pour ses menées contre le roi Mausole, on met la main sur ses biens κατά τούς νόμους τούς πατρίους[63]. A Érésos, dans le dernier quart du siècle, le peuple porte contre deux tyrans la peine capitale, bannit leur famille et fait vendre leurs biens κατά τόν νόμον[64], rapprochons-nous d’Athènes. A Argos, en 370, cette exécution en masse de l’oligarchie, qui est appelée dans l’histoire le scylalisme commence par un jugement qui condamne trente conspirateurs à la peine capitale et à la confiscation[65]. A Ioulis, de 364 à 362, a lieu une série de révolutions, où se marque de la façon la plus éclatante la supériorité du principe athénien. Un moment Chabrias y raine le régime oligarchique et l’influence thébaine : alors les principaux chefs du parti déchu sont condamnés à mort par contumace ; l’un d’eux, accusé devant le Conseil athénien d’assassinat politique, est frappé de la même peine ; mais le décret qui rappelle ces faits ne contient pas la moindre allusion à une confiscation de biens prononcée au nom d’Athènes[66]. Puis les bannis reviennent de vive force : ils se vengent aussi par des massacres et par des condamnations à mort, cette fois accompagnées de confiscations[67]. Enfin, lorsque celte révolte est domptée, Athènes fait confisquer les biens des rebelles au profit d’Ioulis, mais les condamne au bannissement, et non pas à la peine de mort[68]. Nous avons là sous les yeux un véritable exposé du droit attique, indiquant les deux cas possibles en la matière, et en même temps un rapprochement lumineux avec le droit plus dur des autres citée. A partir de la fin du Ve siècle, Athènes croyait que le criminel qui avait payé de sa vie sa dette envers la société était quitte envers elle et libérait ses enfants. Elle usait de la confiscation comme du seul moyen d’action qu’elle eût contre l’exilé ou le contumace qui, tranquille à l’étranger, se serait joué de ses lois[69]. Mais les hommes sont ainsi faits, qu’aucun progrès ne s’accomplit dans un organisme social sans qu’à des motifs éleva viennent s’en mêler de bas, qui contribuent à l’œuvre commune pour une large part. Placés dans l’alternative de condamner certains criminels à la peine de mort ou au bannissement avec confiscation, les Athéniens au décidaient d’autant plus aisément pour la sentence la moins cruelle qu’elle était favorable à leurs intérêts matériels. Jamais peut-être les confiscations ne furent plue nombreuses en fait qu’à l’époque où l’usage s’en restreignit en théorie. Déjà au Ve siècle, quand elle accompagnait la peine de mort aussi bien que l’exil et l’atimie, la confiscation, comme on l’a dit, était à la fois une peine et une mesure fiscale[70] : Aristophane la comptait en 423 parmi les sources ordinaires des revenus publics[71]. A partir du moment où elle valait au condamné la vie sauve, elle dut mettre la conscience des jases athéniens tout à fait à l’aise. On la vit devenir la ressource des budgets aux abois. Le Conseil en fonctions, dit Lysias, ne commet pas d’abus, lorsqu’il dispose de fonds suffisants pour l’exercice financier ; mais lorsqu’il se trouve dans l’embarras, il est bien obligé de recevoir les eisangélies, de confisquer les biens des citoyens et de suivre les pires conseils des orateurs[72]. Les accusateurs décidés à perdre un innocent purent souffler aux héliastes cette ignoble pensée : Si la victime désignée n’est pas condamnée, l’argent manquera pour votre rétribution[73]. Le mal est certain. Encore conviendrait-il de ne pus l’exagérer, comme c’est l’habitude[74], et de ne pus omettre le bien dont il est la contrepartie. On va vraiment trop loin sur les traces d’Aristophane et de Lysias. On n’ose pas trop insister sur le mot du comique, précisément parce que ce n’est qu’un mot de comédie, peut-être aussi parce qu’en tout pays le produit des amendes et confiscations compte pariai les recettes extraordinaires ; mais on n’hésite pan à généraliser le sens des deux tirades empruntées à l’orateur. C’est un tort. Elles ont été prononcées à un moment exceptionnel : elles renferment une allusion évidente aux difficultés financières qui suivirent la guerre du Péloponnèse et la tyrannie des Trente, à cette détresse qu’augmenta la générosité de la démocratie reconnaissant les engagements pris par le régime oligarchique[75]. Le peuple athénien eut recours après une révolution à un expédient regrettable ; il ne se laissa pas aller à chercher dans l’injustice systématique une ressource permanente. On cite toujours[76], il est vrai, le passage suivant d’Isocrate : L’apparence de la richesse est devenue bien plus dangereuse que le crime manifeste ; car les coupables trouvent des juges indulgents ou sont frappés de peines légères, tandis que les riches sont voués à la ruine : on voit plus souvent des citoyens déchus de leur fortune que punis de leurs fautes[77]. Mais cette plainte a été proférée dans une affaire d’antidosis : le rhéteur déplore la situation faite aux riches, non pas spécialement devant les tribunaux, mais dans la cité en général ; il prétend la richesse plus maltraitée que le crime, parce qu’elle est écrasée par les liturgies et les procès qui en résultent[78]. Si donc, en des heures sombres, la démocratie athénienne céda trop facilement à la tentation de multiplier les confiscations pour remédier à la misère publique, elle put, le reste du temps, prononcer les confiscations exigées par la loi et en régler l’emploi[79], sans qu’il faille lui imputer une avidité froidement cruelle[80]. C’est une tendance trop commune qu’on a ainsi à faire d’Athènes le rendez-vous de tous les vices politiques qui ont corrompu les démocraties grecques. Et cependant on était mis en garde contre cette injustice par celui-là même qui en est devenu le complice involontaire, Aristote. A deux reprises, la Politique signale comme le mal ordinaire des démocraties les dénonciations des démagogues contre les riches à l’effet de faire prononcer par les tribunaux de larges confiscations et de fournir des fonds au peuple, surtout pour le μισθός έκκλησιαστεικός[81]. Est-ce forcément une allusion aux moeurs athéniennes ? Aristote songe bien aux Etats particulièrement populeux ; car, selon lui, il est difficile d’y réunir l’assemblée sans indemniser les citoyens présenta, et la nécessité de créer une recette correspondant à cette dépense est une invite aux confiscations[82]. Mais, lorsqu’il en vient à citer des exemples à l’appui de sa thèse, il les emprunte à Cos, à Rhodes, à Héraclée, à Mégare, à Kymê : il les multiplie, il les va chercher jusqu’au fond du Pont, et, pour ne pas prononcer le nom d’Athènes, il faut en vérité qu’il ne veuille pas le prononcer. Il croit au désintéressement d’un peuple toujours soumis à ce régime de 403 qu’inaugura un acte splendide de magnanimité : il fait implicitement une exception en faveur de ces Athéniens dont il déclare ailleurs la conduite exceptionnelle[83]. La principale raison pour laquelle on se laisse généralement entraîner à une appréciation trop sévère, c’est qu’on ne distingue pas avec assez de soin les cas où la confiscation était prononcée indépendamment de toute peine[84] et ceux où elle était la conséquence nécessaire d’une condamnation au bannissement ou à l’atimie. Il s’agit cependant de choses essentiellement différentes. Comme mesure d’exécution, la confiscation n’était jamais employée que contre les débiteurs publics : par exemple, contre quiconque ne payait pas sa part d’είσφορά[85] ou, plus généralement, contre quiconque ne s’acquittait pas d’une dette contractée envers l’État en vertu d’un jugement[86], d’un contrat[87] ou d’un cautionnement[88] ; ou bien encore contre quiconque demandait au Conseil ou à l’assemblée la remise d’une dette résultant d’une condamnation[89] et par là se solidarisait avec le débiteur insolvable de l’État. Dans tous ces cas, le coupable était condamné au paiement d’une somme déterminée[90], mais faute de se libérer dans le délai légal, et après que sa dette eut été portée au double, il voyait ses biens saisis par le fisc[91]. La confiscation était générale, quand la fortune du débiteur était égale ou inférieure à la somme due. Mais, bien que l’inventaire opérât, en principe, transfert à l’État de la totalité de la fortune confisquée, si, après la réalisation de cette fortune et le paiement intégral de la dette, il restait un reliquat, ce reliquat était remis au débiteur par le Conseil des Cinq Cents[92]. Voilà donc une première série de confiscations où les Athéniens n’appliquaient pas d’autres règles que celles qui sont en usage dans les États modernes. Comment blâmerions-nous les anciens d’avoir infligé des amendes énormes pour des infractions légères ? Quand des infractions sont commises au préjudice du fisc, la disproportion entre la faute morale et le châtiment n’est pas une particularité du droit attique, et nulle part l’État lésé ne se préoccupe de savoir si, en frappant une personne, il ne va pas atteindre par répercussion une famille entière. Comme peine, la confiscation était encore bien assez fréquente dans le droit attique du IVe siècle[93]. Cumulée avec l’exil perpétuel ou l’atimie[94], elle était infligée à trois catégories de criminels : les meurtriers, les sacrilèges et les traîtres. Par assimilation, ces trois catégories étaient très étendues. Ainsi, la confiscation prononcée contre l’auteur d’un meurtre prémédité l’était aussi contre l’empoisonneur[95], contre l’incendiaire[96] et contre quiconque avait porté des blessures avec intention de donner la mort[97]. Arracher un olivier sacré, c’était s’exposer à la confiscation comminée contre les sacrilèges[98]. Enfin l’assimilation à la trahison état presque indéfinie : elle autorisait la confiscation pour attentat contre le gouvernement légal[99], ou, plus généralement, pour άδικία πρός τόν δήμον[100], pour proposition illégale[101], pour corruption[102] et pour les infractions les plus graves aux lois militaires[103]. Si fréquente que restât la confiscation pénale à Athènes, elle ne l’était certainement pas moins dans les autres villes[104]. Ailleurs aussi, elle constituait ou aggravait le châtiment réservé aux crimes de lèse-majesté et de haute trahison[105], à l’abolition de certaines lois[106], à la résiliation de certaine contrats[107] ou à la révision de certains jugements[108]. Mais, tandis qu’Athènes n’infligeait. cette peine qu’à des individus isolés, en n’imputant à chacun que ses actes propres même en matière politique, dans le reste de la Grèce, la loi n’était pas moisa dure à l’égard des personnes[109] et, de plus, les partis procédaient à des bannissements et à des confiscations en masse. L’histoire grecque est remplie de spoliations[110]. Bien longtemps les Athéniens avaient fait comme les autres. Dans la guerre livrée aux riches depuis le VIe siècle, si Solon[111] refusa de faire comme Kypsélos à Corinthe[112], Théagénès à Mégare[113], Pittacos à Mitylène[114], Polycrate à Samos[115], Pythagoras à Éphèse[116], Clinias à Crotone[117], Télys à Sybaris[118], Aristodêmos à Cumes[119], Pisistrate suivit la politique commune des tyrans[120]. Parmi les attentats à la propriété qui furent, au cours du Ve siècle, les vengeances habituelles des démocraties ou des oligarchies victorieuses[121], les actes des Trente se distinguèrent par leur violence. Mais depuis le IVe siècle, s’observe en Grèce un contraste frappant. Hors d’Athènes, c’est toujours le même spectacle. Aux exemples de Mégare et de Kymê, mentionnés par Aristote[122], on peut en joindre bien d’autres, les uns également fournis par les démocraties, à Phliunte[123], à Elis[124], les autres, fournis par les oligarchies ou les tyrans, à Samos[125], à Delphes[126], à Corinthe[127], d’autres encore fournis successivement par plusieurs partis, à Ioulis[128], à Sicyone[129], à Syracuse[130]. Si grand devint le mal, qu’Alexandre, comme chef de la confédération hellénique, fit interdire par une mesure générale toute condamnation à la peine de mort, au bannissement ou à la confiscation, qui ne serait pas rigoureusement conforme aux lois[131]. Il dut même, pour rétablir la paix, réparer le passé : en 324, il fit proclamer un décret qui rouvrit aux bannis les portes de leur patrie[132] et obligea un grand nombre de villes, telles que Mytilène[133], Calymna[134], Érésos[135], à délibérer sur les condamnations antérieures et les confiscations déjà faites. Mais ce qui prouve que le décret d’Alexandre ne fut pas loyalement exécuté, c’est qu’il fut renouvelé dés 319 par Polysperchon[136]. Partout autour d’Athènes, un admettait dans la lutte des partis une responsabilité collective et presque anonyme. Athènes seule maintenait ferme, dans ses pires injustices et ses plus cruels égarements, le principe de la responsabilité strictement personnelle. Ainsi, lorsqu’on considère la confiscation au IVe siècle, Athènes a sur tant d’autres cités de la Grèce une double supériorité. D’abord, elle fait toujours grâce de la vie au coupable dont elle prend la fortune, si bien que la confiscation, devenue rançon, présente les mêmes avantages, dans les relations de l’individu avec l’État, que présentait jadis la ποινή dans les relations des γενή entre eux. Ensuite, elle n’a plus voulu souffrir ces vengeances politiques qui rendaient l’homme solidaire de sa faction et les enfants solidaires de leur père jusqu’à priver ceux-là de leur patrimoine, sans que celui-ci eût par lui-même commis la moindre faute. Il reste à la charge des Athéniens, comme des Grecs en général, d’avoir tout de même conservé, dans leurs lois pénales la solidarité matérielle de la famille, en confisquant les biens du criminel condamné au bannissement perpétuel ou à l’atimie totale. Mais, avant de les en blâmer, il serait juste de voir ce qu’ont pensé de la confiscation les philosophes les plus éminents du IVe siècle. En Platon, la confiscation offusque moins le sentiment de justice qu’elle ne gêne le préjugé de système. Elle lui est déplaisante, parce qu’elle est en contradiction avec la constitution de sa cité idéale. Il n’en veut pas pour la même raison qu’il rejette la liberté de tester[137]. Les lots de terre doivent rester invariablement au nombre de cinq mille quarante et appartenir à autant de familles : comment en reprendre un ? comment le diminuer ? La confiscation peut porter sur les biens acquis en surplus du lot inaliénable ; elle doit respecter le lot lui-même[138]. De là vient qu’un passage des Lois[139] semble témoigner d’une véritable antipathie contre la confiscation prononcée au préjudice d’enfants innocents. L’époux convaincu de tentative de meurtre sur la personne de son épouse est condamné au bannissement perpétuel, mais ses biens passent à ses enfants, s’il en a, et, s’il n’en a pas, à un héritier que désigne d’office un conseil de famille assisté de nomophylaques et de prêtres. D’une façon plus générale, quand un homme a été légalement condamné à mort ou au bannissement perpétuel pour meurtre, sacrilège ou trahison, s’il ne laisse pas d’enfant, on donne à son père un fils adoptif et posthume qu’on place dans la maison déserte. Le dessein de Platon est sans doute d’enlever sa fortune au coupable, de rompre tous les liens qui l’attachaient à la cité, de l’effacer de sa race, sans punir ses enfants ; mais sa préoccupation dominante est de préserver de toute atteinte le régime foncier qu’il a imaginé. Il admet, en effet, une exception au détriment de ceux dont le père, l’aïeul et le bisaïeul ont été successivement condamnés à mort pour haute trahison. Ceux-là partent pour l’exil et perdent leur lot, dès qu’on trouve dans la cité un cadet non pourvu à qui le transmettre[140]. A condition donc qu’il n’en résulte pas d’accroc à son système de propriété foncière, Platon veut bien déroger au principe de la responsabilité personnelle. Et si, pour les citoyens, il admet la confiscation par une exception que justice l’hérédité dûment établie d’instincts criminels, pour les affranchis et les étrangers il ne demande pas tant de garanties. Au cas où l’un d’eux acquiert une fortune supérieure au maximum légal et ne quitte pas la cité dans le délai fixé, il doit être condamné à la peine capitale et à la confiscation des biens[141]. Aristote tient moins encore que Platon à faire disparaître la responsabilité collective sous la forme de la confiscation générale. S’il proteste longuement contre l’abus des confiscations dans les démocraties, il parle au nom de l’intérêt public, et nullement au nom de la justice. Aujourd’hui, dit-il, les démagogues, pour plaire au peuple, font multiplier les confiscations par les tribunaux. C’est le système opposé qu’on doit pratiquer en bonne politique : on prescrit par la loi que les biens des condamnés... ne reviendront pas au trésor public, mais seront consacrés aux dieux. L’effet préventif de la pénalité n’en sera pas amoindri, puisqu’elle demeure la même, et la foule condamnera moins souvent les accusés, puisqu’elle n’y gagnera rien. Au surplus, ces procès où le peuple est partie doivent devenir aussi rares que possible : de fortes amendes empêcheront les particuliers de porter des accusations au hasard[142]. L’auteur prend bien soin de remarquer que, si la confiscation doit vire prononcée moins fréquemment, c’est pour que tous les citoyens restent autant que possible attachés à la constitution. La pitié n’y est pour rien, ni le sentiment de la justice ; car Aristote n’incrimine nullement le principe ries confiscations et veut mêmes en faire profiter les dieux. Ni Platon ni Aristote n’ont donc eu sur la moralité de la confiscation totale des vues plus fines et plus scrupuleuses que le commun de leurs contemporains. On pourrait s’étonner de cette constatation, si l’on n’avait pus à la faire pour toutes les questions sociales qui reposent sur des principes éthiques. Les philosophes capables de légitimer l’esclavage et l’infanticide n’avaient pas sur l’éminente dignité de l’être humain une idée telle qu’ils ne pussent admettre, comme tout le monde, la répercussion d’une peine pécuniaire sur les enfants du coupable. Vraiment, si les plus grands esprits étaient à ce point dominés par les influences du passé, peut-on reprocher à un peuple tout entier de n’avoir pas su s’en dégager complètement ? Du moins, les Athéniens ont ressenti l’inconvénient moral de la confiscation[143], et, comme on l’a vu, ils ont fait le possible pour y remédier en théorie et dans la pratique. S’ils ne l’ont pas supprimée en droit[144], ce n’est pas pour des motifs vils ; n’est parce qu’il aurait fallu remplacer tout un système de peines pécuniaires par un système de peines corporelles et qu’on ne voulait toucher à la personne de l’homme libre qu’à la dernière extrémité ; en un mot, c’est parce que la confiscation semblait la meilleure garantie de la liberté individuelle[145]. Chez les peuples modernes, elle est remplacée par des peines qui auraient paru plus cruelles, plus intolérables aux Athéniens, et encore n’y a-t-il pas déjà si longtemps qu’elle a disparu de nos codes[146]. En vérité, quand on songe que chez les Athéniens elle était la dernière survivance de l’atroce atimie qui vouait jadis à la mort ou à la fuite et à la misère tous les parents du coupable, loin de blâmer ce peuple de n’avoir pas aboli le passé tout entier, il convient de l’admirer pour avoir secoué délibérément les pires fatalités de la tradition. |
[1] P. 18-23 ; Att. Proc., 1re éd., p. 307 s. Cette opinion avait déjà été soutenue par Matthiæ, Missell. philol., I, p. 168. Otto, p. 40-41, et Caillemer, art. Areopagus, dans le Dict. des ant., ont suivi Meier.
[2] Déjà Heffter, p. 134, et Schömann, Ant. jur. publ. Gr., p. 293 ss., étaient en désaccord avec Meier, dont les idées ont ensuite été combattues par Thonissen, p. 241-243, et Philippi, Areop., p. 109-113.
[3] Cf. Fränkel, Staatsh., 3e éd., I, p. 465 ; Gilbert, Handb, der gr. Staatsalt., I, 2e éd., p. 427 ; Herrlich, Die Verbrechen geg. das Leben nach att. Recht, p. 15 ; Lipsius, Att. Proc., 2° éd., p. 379, 943, n. 503. D’une façon générale, la thèse de P. Villard, De la confisc. à Ath. et à Rome, Paris, 1884, ne renferme rien de personnel dans la partie consacrée à la Grèce.
[4] Démosthène, C. Midias, 43, Cf. Meier, De bon. Damn., p. 20 ; Philippi, Areop., p. 110 ; Thonissen, p. 242. Démosthène ne veut qu’insister sur la sévérité de ces dispositions (voir § 44).
[5] Démosthène, C. Aristocr., 45. Cf. Meier, Philippi, l. c. Thonissen se sert ici d’une arme qui ne vaut rien.
[6] Areop., p. 113, 124-125 ; cf. Frohberger, éd. de Lysias, ad loc. ; Blass, Art. Bereds., I, 2e éd., p. 672 ; Thonissen, p. 243 ; Herrlich, l. c. ; Lipsius, op. cit., p. 379, n. 519.
[7] Op. cit., p. 20-21 ; cf. Schömann, op. cit.. p. 244.
[8] On trouvera des exemples pour la première interprétation dans Meier, p. 142, n. 468, et Schömann, De comitiis Ath., p. 75 ss. ; pour la seconde, dans Frohberger, l. c., et Philippi, Areop., p. 124, n. 23. Dans toute cette question, Philippi est aussi peu logique que possible : il veut prouver que la pénalité au Delphinion était la même qu’à l’Aréopage, et pour cela il admet a priori que σώμα désigne la vie de l’accusé, ce qui était précisément à démontrer.
[9] On ne peut rien tirer non plus d’un passage où Platon reconnaît cependant le droit de succession aux enfants de ceux qui ont été condamnés pour meurtre, trahison ou sacrilège (Lois, IX, p. 878 A). C’est que Platon admet la droit des enfants, quelle que soit la peine prononcée, mort ou bannissement.
[10] Tétralogies, I, β, 9.
[11] Op. cit., p. 21-22.
[12] Areop., p. 111.
[13] VIII, 99.
[14] Const. des Ath., 47.
[15] Cf. Meier, 23.
[16] Areop., p. 111-112.
[17] Il se trouve précisément que pour le τραΰμα έκ προνοίας il n’est également question de confiscation que dans le cas de l’exil. Voir Lysias, C. Sim., 38.
[18] Erheblicker würde des Zeugniss des Pollux sein,... wenn a nicht eben das Zeugniss des Pollux wäre.
[19] Le code monténégrin de 1796 renferme des dispositions semblables. L’assassin est condamné à mort ; s’il réussit à passer à l’étranger, ses biens sont confisqués (cf. Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 836).
[20] On ne peut arguer, pour le Ve siècle, d’Antiphon, Sur le meurtre d’Hérode, 59. Le discours a bien été composé vers l’an 415, mais pour une affaire d’homicide engagée par voie d’άπαγωγή (voir p. 429 ss.), jugée par les héliastes et susceptible de peines appréciables (§ 62).
[21] Odyssée, XXII, 220-221.
[22] Scol. d’Aristophane, Lysias, 273.
[23] Andocide, Sur les Mystères, 46.
[24] Xénophon, Helléniques, I, 7, 22.
[25] En 406, le procès des stratèges, dont la procédure aurait pu se conformer au décret de Cannônos (Xénophon, l. c., 21), se fit d’après le προβούλευμα de Callixénos (ibid., 10).
[26] Andocide, l. c., 51 ; Philochore, dans le Scol. d’Aristophane, Ois., 766 (F. H. G., I, p. 404, fr. 111). Polystratos, un des Hermocopides qui furent exécutés (Lysias, C. Thrasyb., dans Harpocration, s. v. Πολύστρατος = Or. att., Didot, II, p. 274, fr. 116) figure aussi dans les comptes des pôlètes parmi ceux dont les biens furent vendus (Michel, n° 387, l. 7-13). A plus forte raison, la confiscation fut-elle prononcée contre ceux qui se réfugièrent à l’étranger et furent condamnés à mort par contumace, comme Alcibiade (Thucydide, VI, 61 ; Isocrate, De bigis, 8 ; Lysias, C. Alcib., 1, 17 ; Plutarque, Alcib., 22 ; Corn. Nepos, Alcib., 4 ; cf. Pollux, X, 36) et Axiochos (Andocide, l. c., 16 ; Athénée, XII, 47, p. 534 F-535 A ; Michel, n° 564, l. 6 ss. ; 585, l. 2, 10).
[27] L’assassinat de Phrynichos fut légitimé par une sentence posthume qui valait condamnation capitale et prononçait la confiscation (Plutarque, Alcib., 25 ; Scol. d’Aristophane, Lysias, 313 ; Lycurgue, C. Léocr., 113).
[28] (Plutarque), Vie des dix orat., I (Antiphon), 27-28. Onomactès, Aristarchos, Peisandros et les réfugiés de Décélie ont dû être frappés des mêmes peines par contumace. En tout cas, on sait qu’Aristarchos fut condamné à mort (Xénophon, Hell., I, 7, 29 ; cf. Lycurgue, C. Léocr., 115 ; voir Grote, VII, p. 329, n. 1) et que les biens de Peisandros furent confisqués (Lysias, Sur le tronc d’oliv. sacré, 4). Sur Onomactès, voy. Meier, De bon. damn., p. 182, n. 69 ; Meier-Schömann-Lipsius, p. 370 ; Grote, VII, p. 326.
[29] Xénophon, Helléniques, I, 7, 36.
[30] Thucydide, VIII, 97, rend hommage à la modération de peuple après la chute des Quatre Cents (cf. Grote, VII, p. 330-332). On peut croire que le procès d’Archeptolémos et Antiphon fut le seul qui entraîna la confiscation en même temps que la peine de mort. Le discours de Lysias intitulé δήμου καταλύσεως άπολογία (XXV), 25-26, s’élève bien contre certains démagogues qui auraient arraché à la démocratie de 410 force condamnations politiques par décrets ou sentences ; mais il montre clairement qu’en ces occasions la confiscation ne fut pas jointe à la peine de mort. Un peu plus tard, les suppôts de l’oligarchie qui préparèrent la voie aux Trente obtinrent, grâce à une procédure irrégulière, la condamnation à mort de Cléophon (Lysias, C. Nicom., 11-14 ; C. Agor., 12 ; cf. Grote, VIII, 19 ; Lallier, Cléophon d’Ath., dans la Rev. hist., 1877, III, p. 10-11), mais ne purent empêcher ses proches de recueillir son petit patrimoine d’honnête homme (Lysias, Sur les biens d’Aristoph., 48). Le dernier exemple est d’autant plus remarquable que l’accusation se fondait sur un de ces délits militaires pour lesquels la peine ordinaire était l’atimie avec confiscation (Lysias, C. Alcib., 1, 9).
[31] Aristote, Const. des Ath., 35, cf. 37.
[32] Xénophon, Hell., II, 3, 11 ; Lysias, C. Erat., 4-7 ; Diodore, XIV, 5, 4 ; Pollux, X, 97 ; cf. Lysias, Sur la confisc. des biens du frère de Nic., 11. Voir Meier, p. 184-186 ; Clerc, Les mét. ath., p. 427-428.
[33] Lysias, C. Philocr., 2 ; C. Ergocl., 1-4, 6-7, 10-11, 13, 16 ; cf. Démosthène, Sur la fausse amb., 180. Voir Meier, p. 194-195 ; Grote, IX, p. 194, n. 1 ; Blass, Att. Bereds., I, 2e éd., p. 437.
[34] (Démosthène) C. Timoth., 10, 47.
[35] Hauvette-Besnault, Les strat. ath., p. 118.
[36] (Plutarque) Vie des dix orat., VII (Lycurgue), 34, p. 843 D ; cf. Thonissen, p. 404 ; Ardaillon, Les mines du Laurion dans l’ant., p. 201-205.
[37] Dinarque, C. Philocl., 5.
[38] Cf. Blass, l. c., p. 542.
[39] Lysias, C. Eratosthène, 82-83.
[40] Cf. Blass, l. c., p. 533.
[41] Lysias, Sur les biens d’Aristophanès, 7-8.
[42] Id., ibid., 21-29, 33-36. Meier, p. 193-194, n’a voulu chercher le motif de cette condamnation que dans un fait de trahison.
[43] Ce plaidoyer est perdu. Harpocration, qui seul nous en a conservé une phrase (s. v. Χύτροι), l’intitule κατ' Αίσχίνου περί τής δημεύσεως τών Άριστφένους ρημάτων (voir Or. att. Didot, II, p. 253). Blass, l. c., p. 532, n’hésite pas à dire qu’il fut prononcé dans une accusation παρανόμων. Lipsius, Att. Proc., 2e éd., p. 304, veut que ce soit le plaidoyer du défendeur dans une action en άπογραφή, et Blass, par inadvertance, semble adhérer à cette opinion, d’après la liste de la p. 360. Mais le titre donné par Harpocration infirme nettement l’hypothèse de Lipsius.
[44] Andocide, Sur les myst., 2. 30, 32, 101, 145, 146, 149 (cf. 4, 5, 105) ; (Lysias), C. Andoc., 55. Voir Blass, l. c., p. 292 ; Croiset, IV, p. 425.
[45] Andocide, l. c. 149-150.
[46] (Lysias), l. c., 31, 48.
[47] Andocide, l. c., 146 ; cf. Blass, l. c., p. 243. Sur ce point les idées de Platon, Lois, IX, p. 878 A, sont conformes au droit attique.
[48] Voir Guiraud, p. 224-225 ; Beauchet, III, p. 566 ss. Cf. p. 346 ss.
[49] § 5.
[50] Il est question, dans le plaidoyer, de la terre que les deux frères possédaient au moment du procès (§ 14), ainsi que de leur triérarchie et de leurs contributions volontaires (§ 21). D’ailleurs, leur cousin, le fils de Nicias, Nikèratos, également exécuté sous les Trente (§ 6), laissa quatorze talents en biens-fonds à son héritier (Lysias, Sur les biens d’Aristophane, 47).
[51] § 14.
[52] Le plaidoyer a précédé la rupture qui eut lieu en 395 entre Athènes et Sparte (§ 15 ; cf. Xénophon, Helléniques, III, 5, 2 ss.) ; mais il doit être éloigné de 403 ; l’orateur le dit expressément (§ 19), et il faut un assez long intervalle pour qu’enfant à cette époque (§§ 10, 22), il ait pu avant le procès exercer la triérarchie, qui ne peut suivre la majorité qu’après un an écoulé (Lysias, C. Diog., 24). Blass, l. c., p. 526-527, place ce plaidoyer vers 396 ; mais le ton général et les allusions politiques lui assignent peut-être une date un peu plus reculée et donnent de la vraisemblance à l’opinion de Stutzer (Zur Abfassungszeit der Lysian. Reden, dans l’Hermès, XV, 1880, p. 31-33), qui fixe comme terme extrême l’an 397.
[53] Cf. Francken, Comment. Lysicæ, Traj. ad Rhen. 1865, p. 125.
[54] L’hypothèse de Meier (Att. Proc., 1re éd., p. 111, n. 27 : p. 253, 283), adoptée par Dobree (Advers., I, p. 235) et Hœlscherr (De vit. et script. Lysias, p. 90), faisait encore hésiter Blass, dans la 1re éd, de l’Att. Bereds., I, p. 524. Mais en faveur de cette hypothèse on ne pouvait invoquer que le titre faux sous lequel le plaidoyer est une fois cité dans l’antiquité (κατά Πολιόχου) et le § 14, où les manuscrits portent παρανόμων au lieu de παρανόμως ; (cf. Scheibe, Vindiciæ Lysiac., p. 94 ; Lipsius, Quæstionum Lysiac. specimen, Lips., 1864, p. 15 ; Att. Proc., 2e éd., p. 124, n. 264 ; A. Schœll, Quæstiones fisc. jur. att. ex Lysias orat. illustratæ, p. 4 ; Blass, op. cit., 2e éd., I, p. 525). Le ton de l’orateur est loin d’être celul d’un accusateur. La question de l’incrimination est définitivement résolue dans le sens de Platner, II, p. 123 ; Hamaker, Quæstiones de nonn. Lys. orat., p. 67 ss. ; Francken, l. c.
[55] Démosthène, C. Timocr., 56. L’orateur aurait été d’autant plus facilement amené à se plaindre de cette illégalité, qu’il met constamment en opposition le sort du père tué par l’oligarchie et celui des fils qui vont être dépouillés par la démocratie (§§ 8, 12, 22, 23).
[56] § 26 ; cf. R. Schœll, op. cit., p. 2-3.
[57] Sur les σύνδικοι, voir Isée, C. Elpagoras et Démophanès, dans Harpocration, s. v. (Or. att., Didot, II, p. 329, fr. 34) ; Lysias, C. Dexippos, dans Harpocration, Suidas, s. v. (ibid., p. 266, fr. 67) ; Photius, s. v. ; Etym. Magn., p. 734, 57 ; Lysias, P. Mantith., 7 ; De pecun. publ., 10 ; Sur les biens d’Aristophane, 32 ; Cf. R. Schœll, op. cit., p. 5-8. Sur les συλλογής, voir Isée, Μετοικικός, dans Harpocration, s. v. (Or. att., Didot, II, p. 339, fr. 95) ; Lex. Rhet., dans Bekker, Anecd. gr., I, p. 301 ; cf. R. Schœll, op. cit., p. 8-10.
[58] § 4 ; cf. C. Agor., 6, 12 ss.
[59] Cf. §§ 8, 12, 14, 17, 20-23, 27.
[60] § 1.
[61] Dittenberger, n° 2, l. 35-36 ; cf. I. J. G., II p. 52.
[62] Antiphon, Sur le meurtre d’Hérode, 59. Sur la date de ce discours voir Kirchner, De temporibus orat. Antiph., 1864, p. 2-6 ; Blass, Att. Bereds., I, 2e éd., p. 166.
[63] Michel, n° 471, I, t. 4-11.
[64] I. J. G., n° XXVII. D, l. 12-18. Cf. A, l. 17-22.
[65] Diodore, IV, 59, 2 ; cf. Plutarque, Préc. pour gouv. la rep., XVII, 9, p. 814 B.
[66] Michel, n° 46, l. 30.
[67] Ibid., l. 31-35.
[68] Ibid., l. 41-42.
[69] Il va sans dire que la confiscation a pu être prononcée contre le contumace condamné à mort. Tel est le cas de Kydimachos, dans Dinarque, C. Aristog., 8. Cf. Philochore, Atthis, l. VIII (F. H. G., I, p. 408, p. 144).
[70] Guiraud, De la condit. des alliés pendant la prem. conféd. ath., dans les Ann. de la fac. des lettres de Bord., V (1883), p. 205, n. 4.
[71] Guêpes, 639, et suiv.
[72] Lysias, C. Nicom., 23.
[73] Id., C. Epicr., 1 ; cf. Aristophane, Chevaliers, 1339-1360 ; Aristote, Politique, VII (VI), 3, 3.
[74] Cf. Meier, p. 171-178 ; Böchk-Fränkel, Straatsh., I, p. 465 ss. ; Thonissen, p. 123-128 ; Caillemer, art. Demioprata, dans le Dict. des ant., p. 63-64 ; Guiraud, p. 204-205 ; Burckhardt, I, p. 255 ; Pöhlmann, II, p. 279-282.
[75] Aristote, Const. des Ath., 40 ; Isocrate, Aréop., 68 ; Démosthène, C. Lept., 12.
[76] Cf. Meier. p. 172 ; Thonissen, p. 194.
[77] Isocrate, Sur une antidosis, 160.
[78] Isocrate approprie à la circonstance un lieu commun qui lui sert ailleurs plus justement à décrire le régime des Trente (C. Euthyr., 12).
[79] Le peuple s’occupait des biens confisqués à la première assemblée de chaque prytanie (Aristote, op. cit., 43 ; Pollux, VIII, 95 ; Lex. Cantabr., p. 878, 9 ; Scol. d’Eschine, C. Tim., 104). La saisie de ces biens et leur vente comptaient parmi les attributions des Onze (Aristote, op. cit., 52 ; I. J. G., n° XXVI, l. 131 ss., 143 ss.) et des pôlètes (Aristote, op. cit., 47 ; Pollux, VIII, 99 ; Harpocration, s. v. πωληταί). Les σύνδικοι et les συλλογής, préposés au contentieux en matière de confiscation, n’eurent qu’une existence momentanée après 404/3.
[80] Meier, p, 169.197, raconte longuement les procès politiques qui donnèrent lieu dans Athènes à des confiscations. Mais lorsqu’il en arrive au IVe siècle, il est obligé de remarquer que dès lors les cas connus deviennent rares (p. 190).
[81] VIII (V), 4, 1-3 ; VII (VI), 3, 2-3.
[82] VII (VI), 3, 3.
[83] Const. des Ath., 40.
[84] Sur la confiscation prononcée d’une manière principale on peut lire Meier, p. 144-152, cf. Thonissen, p. 122, mais ni l’un ni l’autre n’a observé que, dans ce cas, la confiscation est une exécution, et non une sanction pénale.
[85] Démosthène, C. Androt., 48 ss. ; C. Timocr., 160 ss.
[86] Parmi les άτιμοι dont les biens étaient confisqués figurent dans Andocide, Sur les myst., 73, οί άργύριον όφείλοντες τώ δημοσίω, όπόσοι εύθύνας ώφλον άρξαντες άρχάς, ή έξούλας γραφάς ή έπιβολάς ώφλον. Signalons le cas où la confiscation frappait les héritiers du fonctionnaire convaincu de malversation après sa mort. Les exemples ne manquent pas : qu’on se rappelle les fils de Lycurgue, les fils d’Eucratès et Sôpolie (voir p. 511-512, 524-527).
[87] Andocide, l. c., continue par ces mots : ή ώνάς πριάμενοι έκ τοΰδημοσίου μή κατέβαλον τά χρήματα.
[88] Andocide, l. c. ; Démosthène, C. Nicostr., 27.
[89] Démosthène, c. Timocr., 60.
[90] Il est vrai qu’en 356 le décret de Chairédèmos prononçait la confiscation non seulement contre les détenteurs d’agrès qui refuseraient de les restituer à l’Etat, mais encore contre les particuliers qui refuseraient de vendre ceux dont ils seraient propriétaires (Démosthène, C. Everg., 44 ; cf. 20). Mais c’est une mesure de circonstance, un décret de réquisition rendu en un jour de danger public.
[91] Cf. Andocide, l. c., 73 ; Aristote, Const. des Ath., 54 ; (Démosthène), C. Théocr., 1 ; C. Néair., 7.
[92] Dareste-Haussoullier-Th. Reinach, II, p. 155-156 ; Cf. Meier, p. 143 ; Heffler, p. 391 ; Beauchet, III, p. 720. Voir à ce sujet Démosthène, C. Boiot., II, 20, 23.
[93] Voir Meier, p, 1-24, 99-101 ; Böckh-Fränkel, Staatsh., I, p. 455 ; Thonissen, p. 121 ; Caillemer, art. Demioprata, dans le Dict. des ant., p. 64 ; Thalheim, p. 125 ; Meier-Schömann-Lipsius, p. 959.
[94] Dans la γραφή ξενίας, la confiscation est encore jointe à la servitude pénale. Voir (Démosthène), C. Néair., 16, 52 ; Lettres, III, 7 ; Scol. de Démosthène, C. Timocr., 131 ; cf. Meier, op. cit., p. 94-97 ; Meier-Schömann-Lipsius, p. 440.
[95] Démosthène, C. Aristocr., 45 ; C. Mid., 43.
[96] Ibid. Il faut que l’incendie soit un attentat contre la vie humaine (voir l’art. Incendium, dans le Dict. des ant.).
[97] Lysias, C. Sim., 38 ; Sur une blessure, 18.
[98] Lysias, Pour un tronc d’olivier sacré, 3, 32.
[99] Andocide, Sur les myst., 97 ; cf. Hérodote, VI, 121-122.
[100] Xénophon, Helléniques, I, 7, 20.
[101] Démosthène, C. Aristocr., 62 ; C. Lept., 56 ; Michel, n° 86, l. 51-56 ; cf. Michel, n° 72, A, l. 24 (Ve siècle).
[102] Démosthène, C. Midias, 113.
[103] (Lysias), C. Alcib., I, 9 ss. Ce passage est cependant contredit par Andocide, l. c., 74.
[104] On voit, par exemple, à Pellène, l’administration des biens confisqués rentrer dans les attributions d’une magistrature ordinaire (Harpocration, Photius, s. v. μαστήρες).
[105] Michel, n° 471, II, l. 25 ss. ; III, l. 45 ss. (Mylasa) ; n° 460 (Iasos).
[106] Lucien, Toxaris, 24 (Massilie) ; Plutarque, Amat. narr., V, 3, p. 175 D (Sparte) ; cf. Michel, n° 451, l. 35 (Halicarnasse au Ve siècle) ; n° 285, B, l. 15-16 (Locriens Orientaux au Ve siècle).
[107] I. J. G., n° IX, l. 57 (Erétrie).
[108] Michel, n° 324 (Amphipolis).
[109] Voir ce que dit de la confiscation dans les procès politiques à Sparte Meier, p. 198-199 ; cf. Grote, IX, p. 123.
[110] De ces âpres luttes pour la possession de la terre, Guiraud a tracé un tableau magistral (p. 597-603).
[111] Aristote, Const. des Ath., 11 ; Plutarque, Solon, 14.
[112] Hérodote, V, 92, 5.
[113] Aristote, Politique, VIII (V), IV, 5 ; cf. Théognis, 341 ss., 1197 ss.
[114] Plutarque, l. c.
[115] Hérodote, III, 44, 46.
[116] Suidas, s. v. Πυθαγόρας Έφέσιος.
[117] Denys d’Hal., Ant. rom., XX, 7.
[118] Diodore, III, 9, 4.
[119] Id., VII, 10 ; Denys d’Hal., Ant. rom., VII, 8.
[120] Hérodote, III, 63 ; Aristote, Politique, l. c.
[121] Citons seulement les exemples d’Halicarnasse (Michel, n° 451), de Léontium (Thucydide, V, 4), de Samos (Id., VIII, 21), de Chio (Diodore, XIII, 65), de Thasos (A. M., XXII, 1897, p. 113 ss., n° 5 ; cf. Thucydide, VIII, 64).
[122] Aristote, l. c., 3. Pour Mégare, voir encore Diodore, XV, 40, 4 ; cf. 1.
[123] Diodore, l. c., 4-5 ; Xénophon, Helléniques, V, 2, 10.
[124] Michel, n° 1334.
[125] Xénophon, Helléniques, II, 3, 6.
[126] Michel, n° 94, l. 21 ss.
[127] Diodore, l. c., 3.
[128] Michel, n° 95.
[129] Diodore, l. c., 4 ; Xénophon, Helléniques, VII, 1, 46.
[130] Plutarque, Dion, 43 ; Diodore, XV, 70, 8.
[131] (Démosthène), Sur le traité avec Alex., 15.
[132] Diodore, XVIII, 8.
[133] Michel, n° 356.
[134] Id., n° 417.
[135] I. J. G., n° XXVII.
[136] Diodore, XVIII, 56.
[137] Lois, XI, p. 983 ; cf. Dareste, Sc. de dr., p. 117-119 ; Beauchet, III, p. 430-431.
[138] Lois, IX, p. 854 E-885 A. Est ordonnée, par exemple, la confiscation de la monnaie étrangère détenue illicitement (V, p. 741 B) ou de la fortune personnelle qui dépasse le cens de la classe (VI, p. 754 B-E). De même, les amendes et, généralement, toutes sommes dues après condamnation doivent être prélevées sur la fortune personnelle, sans porter atteinte tu lot patrimonial (cf. V, p. 745).
[139] IX, p. 877 C-878 B.
[140] IX, p. 836 C-D.
[141] XI, p. 915 C.
[142] Politique, VII (VI), 3, 2 ; cf. ibid., 3 ; 1, 12 ; VIII (V), 4, 1-3.
[143] Démosthène, C. Néair., 6 ss.
[144] Les Juifs ont été le seul peuple de l’antiquité qui n’ait pas connu la peine de la confiscation générale (cf. Thonissen, II, p. 80).
[145] Démosthène, C. Timocr., 167 ; C. Androt., 55. Ces textes fournissent la meilleure réponse qu’on puisse faire à Durkheim, Année sociol., IV (1401), p. 78-79, 81. Cet auteur fait une place trop grande en Attique à la peine de l’emprisonnement et croit à tort qu’avec les progrès de la centralisation elle choquait moins la moralité établie. Il ne voit pas que la véritable origine de cette peine, origine dont les Athéniens eurent toujours conscience, est l’antique servitude pour dettes.
[146] La confiscation des biens n’a disparu en France que depuis la Charte de 1814. Par exception, elle s’applique encore aujourd’hui en Corse aux meurtriers qui ont gagné le maquis. Si je suis bien renseigné, l’administration des domaines à Ajaccio a fait affermer trois fois, depuis les environs de 1860, des biens séquestrés de contumaces. La dernière adjudication de ce genre a été une mesure prise contre le fameux bandit Jacques Bellacoscia.