Il n’apparaît pas que beaucoup d’actes publics aient été formellement conçus avec cette clarté qui épouvante dans les lois de Téos et d’Érythrées. On ne dit pas en général : Qu’il meure, avec les enfants née de lui ! La formule la plus ordinairement employée par les Athéniens est : άτιμος έστω αύτός καί γένος[1]. L’atimie collective et transmissible, tel est le châtiment qui frappe tous les crimes commis contre la sûreté de l’État, la haute trahison avec toutes ses variétés, tyrannie[2], conspiration oligarchique[3], modification des lois fondamentales[4]. Ce terme vague d’atimie, qui exprimait proprement la mise au ban de la société, se prêta dans la suite des temps à désigner les situations les plus diverses. Le mot était si souple, qu’il put suivre la transformation des mœurs et des institutions en Grèce sans changer lui-même, et fixer ainsi aux parents des criminels un sort de plus en plus doux. A l’origine de l’époque historique, l’atimie n’était pas une pénalité prononcée par jugement régulier. Avant l’établissement des γραφαί par Solon, il n’y avait pas moyen à Athènes de recourir contre un traître par les voies ordinaires. Il fallait prendre une mesure de salut public par décret spécial rendu contre une ou plusieurs personnes nommément désignées[5]. Une pareille procédure était prévue par des dispositions générales, des θέσμια πάτρια, qui furent formulés définitivement dans une loi contre la tyrannie à l’époque de Pisistrate[6], mais qui remontaient Bans doute à une antiquité encore plus haute, c’est-à-dire à l’époque où Solon n’avait pas encore institué les γραφαί. Pour apprécier l’atimie collective de l’ancien temps, Aristote[7] n’aurait donc pas dû considérer ce que l’atimie était devenue de son temps. Il n’en eût certes pas vanté la douceur, s’il s’était avisé d’en chercher la définition dans le vers où Solon décrit lui-même le sort réservé au tyran : on peut faire une outre de sa peau et réduire sa race en poussière, άσκόν δέ δάρθαι κάπιτετρΐφθαι γένος[8]. Il s’agit bien d’infamie légale ! Démosthène[9] a vu clair, lui : cette atimie qui peut frapper un étranger n’est pas la privation des droits civiques, mais la mise hors la loi. Άτιμος έστω signifie άτιμος τεθνάτω ou, selon l’expression plus fréquemment conservée, νηποινεί (= άτιμητεί) τεθνάτω[10]. Décréter une famille entière d’alimie, c’est autoriser le premier venu à traiter en ennemis[11] tous ceux qui en font partie et à les tuer, sans avoir ni à craindre de vengeance ni à payer de ποινή[12]. Les άτιμοι sont des proscrits dont la tête n’a plus de prix, s’ils échappent, ils sont condamnés en fait au bannissement perpétuel, s’ils sont pris, ils peuvent être miss à mort impunément. La situation des άτιμοι est encore définie par une disposition des φονκοί νόμοι. Il est interdit de poursuivre au delà des frontières ou de dépouiller de son bien l’auteur d’un homicide involontaire, à qui l’exil temporaire n’enlève pas l’έπιτιμία[13]. C’est donc que la personne et la fortune du meurtrier banni à perpétuité et frappé d’atimie sont abandonnées à toutes les vengeances en tout temps et en tout lieu. Sans doute, dans le cas du meurtrier, cette situation reste personnelle. Mais dans les cas exceptionnels où, par raison d’Etat, l’atimie s’étend aux enfants du coupable, elle a les mêmes effets pour eux que pour lui. Pendant de longs siècles, le destin auquel était vouée la famille frappée d’atimie fut tel que le décrit encore, dans la dernier tiers du IVe siècle, un contrat d’Erétrie : Άτιμος έστω καί τά χρήματα αύτοΰ έστω ίερά..., καί αύτός καί γένος τό έξ αύτοΰ ό άν πάθει νηποινεί πασχέτω[14]. Pas de différence, dans les temps reculés, entre une menace d’άτιμία et une menace d’έξώλεια : à la même époque, dans des circonstances identiques, on emploie dans les décrets[15] les formules άτιμον άναι αύτόν καί παϊδες τός έχς έκείνο[16] ou άπόλλυσθαι καί αύτόν καί γένος τό κείνου[17]. Le criminel et les siens sont ou exécutés sans jugement ou voués à un exil perpétuel et, dans les deux cas, dépouillés de tous leurs biens[18]. L’atimie demeure, même à l’époque classique, ce qu’elle était dans le droit primitif, la mise hors la loi de familles entières. Elle se manifeste parfois par un symbole terriblement expressif. En Grèce, comme en maints autres pays, la communauté, pour montrer qu’elle rejetait toute la race du coupable, en même temps qu’elle lui confisquait ses biens, abattait sa maison[19]. Un lien indissoluble unit tous les membres d’une famille à la maison commune, à l’autel où est adoré l’aïeul commun[20], renverser cette maison, jeter à bas cet autel, c’est un châtiment qui atteint, en même temps que la génération vivante, toute la lignée des ancêtres morte et des descendants à naître. Le groupe social qui ne veut plus d’une famille coupable n’a qu’à détruire son foyer, pour lui retirer tout droit à le protection des lois et à l’existence même : άφρήτωρ, άθέμιστος, άνέστιος, ces trois mots sont justement rapprochés dans une synthèse puissante[21]. Il n’est donc pas étonnant que, dans la légende, les Locriens jettent à la mer les meurtriers d’Hésiode et ne laissant rien subsister de leur maison[22]. Mais cette coutume se retrouve même dans les temps historiques. Elle n’était par seulement rappelée par la formule archaïque d’imprécation κατ' έξωλείας αύτοΰ καί γένους καί οίκίας[23], elle était largement pratiquée. Encore à la fin du Ve siècle, elle accompagnait la mise au ban de la société. A la suite d’un attentat grave contre l’intérêt commun, comme pour rendre visible la solidarité qui unissait les parents du coupable, on rasait leur maison jusqu’au sol. Telle fut la conséquence de l’atimie infligée par les Corinthiens aux Kypsélides après la chute de la tyrannie en 583/2[24] : par les Spartiates à Léotychidès, banni pour corruption[25], par les Argiens aux familles de généraux ayant pactisé avec l’ennemi[26]. Les Athéniens en firent autant aux Alcméonides[27], aux partisans d’Isagoras[28], à Phrynichos[29], aux chefs de l’oligarchie Archeptolémos et Antiphon[30]. On fait disparaître tout souvenir de la famille mise hors la loi, la demeure qui l’abritait, et même ses morts. Le sol ne doit pas conserver sa trace. Cependant, pour la famille décrétée d’atimie, la réalité cessa de bonne heure d’être aussi cruelle que le langage de la θέμις figé dans les formulaires. Dés les temps homériques, on fait une différence dans le traitement à infliger au coupable et à ceux qui sont solidaires de son atimie : dans l’idée d’Agélas, Télémaque doit périr avec Ulysse, fils criminel d’un père criminel ; mais la femme et les enfante de Mentor, qui sont personnellement innocents, ne mourront pas comme lui et seront seulement expulsés de la ville sans aucunes ressources[31]. Par une nouvelle concession, quand les passions ne sont pas trop violemment surexcitées, on laisse le coupable gagner lui-même la terre étrangère avec les siens[32] : l’άτιμία se résoud en άειφυγία, et la menace d’έξώλεια ne s’exécute que s’il y a eu rupture de ban. L’atimie collective et transmissible devient alors ce qu’elle est dans un décret rendu à Amphipolis[33]. Rien de plus fréquent en Grèce que les exodes de familles chassées pour crime politique ou par mesure politique. C’était la pratique favorite des anciens tyrans. Ainsi, entre 605 et 591, Sappho fut exilée de Mytilène en même temps que ses frères par le fameux Pittacos[34]. L’exemple le plus célèbre et le plus ancien qui soit fourni par l’histoire d’Athènes, c’est l’exemple double des Cylonides et des έναγεΐς[35]. Mais, vers la fin du VIe siècle, Isagoras et Cléoménès prononçaient encore l’expulsion en masse de sept cents familles[36]. Beaucoup de villes conservèrent toujours comme arme politique l’άειφυγία collective[37]. Elles connaissaient une autre atimie, du genre mitigé, mais ne voulaient pas renoncer à celle-là. Le décret rendu par Amphipolis contre Philon et Stratoclès est de l’an 357. Vers la même époque, Iasos punissait de la même façon un certain nombre de citoyens qui avaient conspiré contre Mausole[38]. Dans le dernier tiers de ce siècle, les Erésiens maintenaient obstinément, en dépit d’Alexandre et d’Antigone, leur droit de bannir à perpétuité les descendants de tyrans condamnés à mort[39]. Au commencement du IIIe siècle, Ilion, ayant à punir ceux qui avaient fait mourir un citoyen sous le régime de la tyrannie, leur infligea Pâli mie et le bannissement, à eux et à leurs descendants[40]. Le seul tempérament que le progrès des mœurs publiques mit quelquefois à la rigueur de cette pénalité consistait à ne pas citer au peuple le droit d’être pitoyable à l’égard des exilés qui étaient rentrés indûment dans leur patrie. Amphipolis bannit deux pères avec leurs enfants, mais n’ose pas dire que les enfants, si l’on s’empare de leurs personnes, seront, à l’égal des pères, traités en ennemis et tués impunément. L’inscription d’Erésos, d’après une restitution probable, prescrit que si l’un des tyrans ou de leurs descendants est pris le pied sur le territoire interdit, il en sera délibéré dans l’assemblée[41]. Pour périlleuse que sait encore la situation des enfants en rupture de ban, ce n’est pourtant plus la mort assurée, sans autre forme de procès. Mais la douceur en cas de rupture de han est une douceur exceptionnelle. Athènes fit mieux. Elle ne tarda pas à transformer radicalement l’atimie familiale. Tandis qu’ailleurs la proscription collective et héréditaire demeurait la vengeance préférée des partis victorieux et que les démocraties rejetaient les enfants des tyrans et des aristocrates, dans Athènes s’améliorait progressivement le sort des personnes impliquées dans l’atimie d’un parent condamné à mort ou au bannissement. D’abord elles furent autorisées à demeurer dans la cité qui les avait exclues. L’atimie eut ainsi comme effet réel, non pas l’έξώλεια ni même l’άειουγία, mais la dégradation civique. Seulement, ce fut longtemps une simple tolérance, cet exil à l’intérieur, un fait exceptionnel qui ne pouvait constituer un droit, une grâce essentiellement révocable, faute d’άδεια formelle. Les Alcméonides, condamnés à la proscription perpétuelle vers la fin du VIIe siècle[42], purent bientôt rentrer dans Athènes, à la faveur de l’épitimie décrétée par Solon[43], et même reprendre leur place parmi les protagonistes de la scène politique[44]. S’ils furent bannis par Pisistrate après la bataille de Pallène[45], ce fut au même titre que les autres ennemis du tyran. Mais lorsque Clisthènes entra en lutte avec Isagoras, l’épitimie ne tint plus : pour contraindre à l’exil l’Alcméonide, il suffit de réveiller, sur l’ordre du Spartiate Cléoménès, l’acte de proscription héréditaire rendu contre les έναγεΐς plus de cent ans auparavant[46]. Aussi les Lacédémoniens espérèrent-ils encore parts moyen faire chasser ou du moins discréditer Périclès[47] ; mais c’était trop compter sur la naïveté des Athéniens et leur attachement aux vieilles idées : la révolte de leur patriotisme servit la cause de l’équité. Au VIe siècle, lorsque les Pisistratides se retirèrent à Sigée, ils ne furent suivis que de leurs enfants[48]. La stèle d’atimie érigée sur l’Acropole[49] pur lait les noms des trois frères légitimes, Hippias, Hipparque et Tessalos, et des cinq fils légitimes d’Hippias[50]. Tous les autres membres de la famille qui ne s’étaient pas compromis personnellement, δεοι μή συνεξαμαρτάνοιεν purent demeurer dans la ville immédiatement[51], sans même être astreints à l’άπενιαυτισμός qui avait été imposé aux Alcméonides. Ils ne furent pas englobés dans les vengeances successives d’Isagoras contre les démocrates et de Clisthènes contre les partisans de l’oligarchie[52]. L’un d’eux Hipparque, fils de Charmos, fut même l’archonte de l’an 495/4[53]. S’il faut, avec Aristote, faire honneur de cette décision à la douceur qui caractérise le peuple athénien, il faut convenir aussi que la douceur lui était rendue facile par la réforme de Solon, qui avait si fortement entamé la solidarité des γένη. Et cependant la rupture n’était pas encore consommée entre le γένος, et la famille restreinte. Tous ceux qui tenaient au tyran de près ou de loin et après eux leurs descendants, comme s’ils étaient marqués d’une atimie spéciale[54] ou plutôt virtuellement sujets à l’atimie ordinaire, furent soumis 3 une surveillance assidue. Comme le peuple s’était retirai la faculté de leur appliquer de plano les mesures prises contre les Pisistratides, il forgea contre eux une arme nouvelle, la loi sur l’ostracisme. Le premier que frappa l’ostracisme, dit Aristote, fut un parent de Pisistrate, Hipparque, fils de Charmes, de Collyte[55] : c’est particulièrement contre ce personnage, qu’il voulait expulser, que Clisthènes avait porté sa loi... Puis fut ostracisé Mégaclès, fils d’Hippocrate, d’Alôpéké[56]. Durant trois ans, l’ostracisme ne fut appliqué qu’aux parents des tyrans, contre lesquels la loi avait été dirigée[57]. La loi sur l’ostracisme est donc un νόμος έπί γένει d’où sort, au cas échéant, un ψήφισμα έπ' άνδρί, et l’atimie résultant de l’ostracisme, atimie partielle et temporaire, mais susceptible plus tard d’être convertie en atimie totale et perpétuelle[58], est encore un vestige de la solidarité passive englobant un γένος entier. Pour juger sainement l’ostracisme, il faut le considérer à ses débuts. Sans doute, même lorsqu’il a cessé de frapper la famille des Pisistratides, pour atteindre des chefs de parti quelconques, jamais il n’a mérité les critiques dont l’accablent les détracteurs et parfois même les défenseurs de la démocratie antique[59]. Il a toujours été une mesure de salut public, dont l’urgence devait être, reconnue d’un commun accord par les deux partis aux prises, avant d’être dirigée avec toutes sortes de formalités, à la majorité des voix, contre un personnage déterminé[60] ; il a toujours été en droit public ce qu’avait été primitivement la cojuration, ce qu’avait été la loi de Solon punissant l’abstention dans les luttes civiles, le moyen de terminer une guerre intestine aux moindres frais possible. Mais, si l’ostracisme, pris à n’importe quel moment, est d’une douceur remarquable par comparaison avec les sanglantes pratiques des oligarchies en général et de quelques démocraties[61], pris à sa naissance, il a été un bienfait pour ceux qui, sans lui, auraient été bannis sur-le-champ et à perpétuité pour la faute d’un autre et qui, grâce à lui, étaient seulement menacés d’expulsion à temps, en cas de faute personnelle[62]. La loi de Clisthènes a laissé une mauvaise réputation ; comme les lois de Dracon, elle n’a pas eu de chance. Elle doit être réhabilitée, comme les lois de Dracon ; car elle fut, elle aussi, à son heure, une loi de progrès et d’humanité. Enfin, au cours du Ve siècle, un dernier pas est franchi dans cette voie où l’atimie collective se restreint et se mitige. Dans le décret rendu en 411/0 contre Archeptolémos et Antiphon, l’atimie des deux condamnés à mort épargne tous leurs parents, à l’exception de leur descendance en ligne légitime ou bâtarde, et à ceux qu’elle atteint elle enlève, non le droit de séjour, mais seulement les droits civiques[63]. Le progrès constaté à cette date était-il récent ? Il n’y aurait pas à en douter, si l’on devait se fier à une scolie d’Aristophane qui rapporte à Thucydide, fils de Mélésias, chassé par ostracisme en 442[64], ces mots de l’historien Idoménée : Οί μέντοι Άθηνΐοι αύτοΰ καί γένους άειφυγίαν κατέγνωσαν[65]. Mais le scoliaste s’accuse lui-même d’inadvertance, lorsqu’il dit que le proscrit en question se réfugia auprès du roi Artaxerxés. Il s’agit de Thémistocle. Ce ne serait pas en soi une anomalie surprenante, que, vers le tiers du Ve siècle[66], les Athéniens eussent condamné au bannissement perpétuel la famille d’un traître. Le fait est que Thémistocle, dans son fastueux exil de Magnésie, était entouré de ses enfants[67]. Mais le fait ne prouve rien, Thémistocle fut bien rejoint aussi par un neveu[68]. On n’ira pas jusqu’à prétendre que toute sa famille, et non pas seulement sa descendance, fut liée solidairement à son sort : la colère qu’excitait le médisme tant d’années après Salamine ne pouvait pas dépasser dans ses explosions vengeresses la fureur qu’excitait la tyrannie des Pisistratides le jour même de leur chute. La présence des enfants aux côtés de leur père exilé n’est donc pas nécessairement la conséquence d’une condamnation collective. Bien plus, les circonstances dans lesquelles ils se sont rendus à sa suite sur la terre étrangère, d’après une version bien difficile à rejeter, excluent toute possibilité d’une pareille condamnation. Stésimbrote[69] racontait qu’un partisan de Thémistocle, Epicratès d’Acharnés, déroba aux Athéniens et lui envoya sa femme et ses enfants, dévouement que Cimon fit punir de la peine capitale. Entre Stésimbrote et Idoménée il faut choisir : on n’a pas pu décréter d’exil les enfants de Thémistocle et en thème temps leur interdire de quitter Athènes[70]. Mais comment choisir ? S’il n’y a rien d’impossible à ce que les Athéniens aient encore puni la trahison de la proscription collective, comme par le passé, il n’y a rien d’impossible non plus à ce que, par une mesure nullement insolite en Grèce[71], ils aient aggravé pour le traître la peine de la proscription, en lui refusant la consolation de vivre en famille. Puisque les deux témoignages contradictoires présentent en eux-mêmes un degré de vraisemblance à peu prés égal, c’est à leur source qu’il faut les contrôler. Stésimbrote était un pamphlétaire, un homme de parti capable des plus effrontés mensonges, le cynique ancêtre de la hochmoderne Revolverpresse[72] ; il écrivait quarante ans après l’événement[73] ; mais il ne pouvait pas inventer un procès comme celui d’Epicratès, et, s’il n’énumère pas tous les chefs d’accusation[74], il n’avait aucun intérêt à imaginer celui qu’il mentionne. Quant à Idoménée, philosophe plutôt qu’historien[75], grand ami d’Epicure, il ignore le passé de la Grèce au point d’attribuer au contemporain de Thémistocle, Aristide, une charge qui n’a existé qu’à la fin du IVe siècle[76] : c’est dire à quel point il manque d’autorité. Il est vrai qu’il était originaire de Lampsaque[77]. Cette ville, qui avait été assignée à Thémistocle pour son vin[78], lui voua une telle sympathie, que, plus de deux siècles après, elle conservait son souvenir vivant[79]. Pour ces gens-là, tout naturellement, les enfants de l’exilé étaient des exilés. La tradition orale que recueillît Idoménée devait forcément attribuer aux Athéniens une sentence de bannissement collectif. Mais elle avait tort, au fond. Les Athéniens voulurent retenir dans leur ville la famille de Thémistocle : donc ils ne l’avaient pas proscrite. Mais de quel droit pouvait-on lui interdire d’aller librement où elle voulait ? Une pareille interdiction marquait, à elle seule, une diminutio capitis. C’était l’une des conséquences de l’atimie décrétée contre la famille du proscrit. Grote[80] prétend que les fils de Thémistocle ne cessèrent pas d’avoir le titre de citoyens. Mais, si l’on rejetait le texte de Stésimbrote, on rendrait toute sa valeur à celui d’Idoménée : est-ce pour les accuser d’avoir banni toute une famille que Grote ne veut pas soupçonner les Athéniens de l’avoir dégradée ? Άτιμοι, les enfants de Thémistocle l’étaient, par l’effet immédiat de sa condamnation ; ils le furent, à plus forte raison, après leur évasion[81]. Suidas raconte sur deux d’entre eux une anecdote invraisemblable, mais qu’il connaît par Phylarque et qui n’aurait pu être inventée sans le fait historique d’une atimie collective[82]. Le peuple athénien appliqua donc encore aux enfants de Thémistocle le principe de la solidarité passive, mais de la façon la plus bénigne, presque à regret. Même, il ne tarda pas à revenir sur sa décision. Dans quelles circonstances eut lieu la réhabilitation et quelles en furent les formalités, nous n’en savons rien[83] ; mais nous constatons que les filles de Thémistocle épousèrent des Athéniens[84] et firent souche de dadouques et de prêtres[85], qu’un de ses fils se fit remarquer à Athènes par son talent d’écuyer[86], qu’un de ses petits-fils fut enseveli sur le chemin d’Éleusis[87]. Ce qu’avaient fait le respect de la tradition et la colère fut défait par la mémoire des services rendus et une nouvelle poussée de sentiments humains. Même après avoir renoncé à la proscription collective, Athènes conserva, outre la peine de la confiscation totale, la coutume qui avait toujours symboliste l’atimie collective, l’abatis de maison. Les fils d’Archeptolémos et d’Antiphon n’eurent pas à subir toutes les conséquences de l’atimie, ils n’échappèrent pas à celle-là. Toutefois, quand les idées changèrent en Grèce, et surtout quand les immeubles y acquirent une plus grande valeur, on laissa debout les maisons des proscrits, pour les confisquer avec le reste de leurs biens. C’est ainsi que le peuple athénien fit au démagogue Cléophon la gracieuseté de le loger dans la maison historique d’Andocide[88]. On considère souvent ce fait comme une exception qui prouverait l’égoïsme cynique du démagogue et la faiblesse du peuple. Mais, dans tout le monde grec et depuis longtemps, l’intérêt bien entendu prévalait parfois sur la fureur de détruire. Dès la fin du Ve siècle, à Cumes, la tourbe qui soutenait le tyran Aristodémos occupa les habitations des proscrits[89]. Lorsque le Perse, Artayctès voulut se faire céder le riche tombeau de Protésilaos à Elæus, dans la Chersonèse de Thrace, il écrivit au roi que c’était la maison d’un traître et qu’il convenait de la lui donner, à lui, pour l’exemple[90]. En 412, les démocrates de Samos se partagèrent les maisons, aussi bien que les terres, de sis cents adversaires exécutés ou proscrits[91]. A Itanos, en Crète, au IVe siècle, il fallut prendre des précautions contre le renouvellement de pareils excès par une formule introduite dans le serinent civique[92]. Et, malgré tout, la foule n’oublie pas le temps oit elle pouvait se ruer sur la demeure condamnée et se venger des hommes sur les choses. Elle était toujours prête à envahir les maisons qu’on aurait jadis abandonnées à sa rage dévastatrice : elle en arrachait les portes, et l’on avait grand’peine à l’empêcher d’en emporter les meubles[93]. Le pillage[94] remplaça souvent la destruction interdite[95]. Quelle que fût l’avancée d’Athènes sur les autres villes de la Grèce, seuls les citoyens y étaient admit, vers le milieu du Ve siècle, au bénéfice de la non solidarité en matière de proscription. Qu’on rapproche le traité imposé à Erythrées et la règle appliquée auparavant dans l’affaire rie Thémistocle : on verra qu’à une époque où le bannissement et, à plus forte raison, la mort étaient déjà des peines exclusivement personnelles pour les Athéniens. Athènes se réservait le droit d’impliquer la famille du traître dans une condamnation capitale, si ce traître appartenait à une ville alliée. De même, assez longtemps après avoir exilé Thémistocle sans ses enfants, les Athéniens lancèrent encore un décret de proscription collective contre Arthmios de Zélein et sa famille. Cette affaire est obscure, en dépit de laborieuses discussions. Arthmios frit traité en ennemi par les Athéniens pour avoir semé l’or des Mèdes dans le Péloponnèse ; le peuple fit graver sur la stèle d’atimie : Άρθμιος Πυθώνακτος Ζελείτης άτιμος έστω καί πολέμιος τοΰ δήμου τοΰ Άθηναίων καί τών συμμάχων, αύτος καί γένος[96]. Quoique Plutarque attribue ce décret à Thémistocle[97], la formule de proscription en ramène la date à l’époque de la confédération athénienne[98]. C’est Cimon qui en fut l’auteur[99], et l’on a chance de ne pas se tromper en le plaçant entre le retour de Cimon et sa mort (entre 457 et 449), probablement en 457[100]. A cette époque, Zéleia faisait partie de la confédération[101]. On appliqua au Zéleien, convaincu de trahison, des dispositions identiques à celles qui venaient d’être édictées (entre 464 et 457) contre la trahison à Erythrées. Si Arthmios et les siens avaient attendu le jugement des Athéniens, ils auraient été condamnés à mort. Ils n’attendirent pas, et par contumace furent décrétés d’atimie, c’est-à-dire bannis à perpétuité du territoire fédéral sous peine de mort. Ainsi, Athènes ne proscrivait plus la famille du proscrit que il n’était pas citoyen. En 457, Arthmios de Zéleia était encore mis au ban de la confédération avec les siens ; mais, plus de dix ans auparavant, l’arrêt prononcé contre Thémistocle, comme soixante ans plus tard le décret rendu contre Archeptolémos et Antiphon, épargnait aux enfants la dure nécessité de l’exil. Sauf pour le coupable, l’atimie collective entraînait la simple privation des droits civiques. Athènes ne donna plus jamais une autre sanction à la responsabilité pénale de la famille. Si les rhéteurs anciens ont sacrifié la vérité au goût des effets oratoires, nous n’avons pas le droit de prendre leurs hypothèses dramatiques pour de l’histoire. Les Marcellinus et les Quintilien disent hardiment : Νόμος τώ προδότη συμφεύγειν τούς παϊδας, lex... exulare et proditoris liberos jubet[102]. Affirmations sans preuve. Des la première moitié du Ve siècle, le droit public d’Athènes s’était relâché de la sévérité primitive. La calomnie la plus atroce que l’esprit de parti lançât contre les Quatre Cents, ce fut l’accusation d’avoir outragé ou emprisonné les femmes, les enfants et les proches de leurs adversaires politiques[103], les Trente osèrent bannir des fils de bannis[104] ; que n’osèrent-ils pas ? Mais la démocratie triomphante ne suivit pas cet exemple, même à l’égard de ceux qui l’avaient donné. Depuis longtemps elle n’exilait plus personne à raison du fait d’autrui : elle resta fidèlement attachée à ses préceptes d’équités et de philanthropie[105]. Avant la révolution de 103, Athènes avait accompli un progrès qui ne devait être réalisé en France que par la révolution de 1789[106]. |
[1] Aristote, Const. des Ath., 16 ; Démosthène, Phil., III, 42 (cf. C. Macart., 58). La formule du décret reproduit dans (Plutarque) Vies des dix orat., I (Antiph.), 26, p. 834 B, est d’une remarquable précision.
[2] Aristote, Const. des Ath., 16 ; Michel, n° 524, C, l. 18-19, cf. 1-2 (Ilion).
[3] (Plutarque) Vies des dix orat., I (Antiph.), 26, p. 834 B.
[4] Démosthène, C. Aristocrate, 62.
[5] Cf. Démosthène, Phil., l. c. (Plutarque), l. c. ; Michel, n° 324 (Amphipolis).
[6] Aristote, Const. des Ath., 16. Cf. Schöll, De extraord. quibusd, magistr. Ath., dans les Comment. in hon. Mommsenii, p. 480 ; Stahl, Ueb. Amnestiebeschlüsse, dans le Rhein. Mus., XLVI (1891), p. 250-286 ; Zum Pseph. des Demophantos, ibid., p. 614-617 ; H. Swoboda, Arthmios von Zeleia, dans les Arch. epigr. Mitth. aus Œsterreich-Ungarn, XVI (1893), p. 60 ss. ; P. Gantzer, Verfussungs-und Gesetzrevision in Ath., p. 36 ; Dareste-Haussoullier-Th. Reinach, II, p. 47-48. Outre Athènes, un grand nombre de villes avaient leur loi contre la tyrannie ou l’oligarchie, comme Ilion (Michel, n° 534) et Nèsos (Id., n° 363, B, l. 55-58). A Érésos existait une stèle περί τών τυράννων καί τών έκγόνων (I. J. G., n° XXVII, A, l. 23-25 ; D, l. 7, 14-18, 31-32). Sur ces lois voir H. Swoboda, l. c., p. 57 ss. ; Dareste-Haussoullier-Th. Reinach, II, p. 47 ss.
[7] L. c.
[8] Solon, XXXIII, 7 (Bergk, II, p. 434).
[9] Démosthène, Phil., III, 42-44. Cf. Platon, Gorg., p. 508 D ; Eschyle, Ag., 1750 et le Scol.
[10] Voir l’étymologie d’άτιμος dans G. Curtius, Grundzüge, 5e éd., p. 488-489, n° 649, et l’emploi d’άτιμητεί dans les I. J. G., n° XXII, II, l. 31-32. Cf. les gloses des grammairiens sur le mot.
[11] Sur les rapports des termes πολέμιος, άτιμος et νηποινεί τεθνάναι, voir les textes relatifs à Arthmios de Zeleia, le décret de Démophantos (Andocide, Sur les myst., 66) et plusieurs inscriptions telles que C. I. A., n° 115 b, l. 30 ss., Michel, n° 334, l. 9 s. (Amphipolis) ; I. J. G., n° V, l. 30-32 (Éphèse). Cf. Platon, Lois, II, p. 856 B.
[12] Telle est sur l’atimie primitive l’idée de Meier, p. 102, n. 339 ; van Lelyveld, p. 17 ; Funkhänel, Die Steliteusis des Arthmios von Zeleia, dans la Zeitschr. für die Alterthumswiss., 1841, n° 37-38 ; Fustel de Coulanges, Cité ant., p. 237-238 ; Swobeda, l. c., p. 55-65 ; Dareste-Haussoullier-Th. Reinach, II, p. 49, 55 ; Schrader, Reallex., II, p. 835-836. Récemment, G. Kaibel (Stil und Text der Πολ. Άθ. des Aristoteles. p. 104, n. 1) et von Willamowitz (I, p. 54, n. 23) ont soutenu, d’accord avec Aristote et contre Démosthène, que l’atimie n’a été qu’une dégradation civique jusqu’à l’établissement de l’ostracisme ; mais cette thèse est démentie par tout ce qu’on sait sur l’évolution de l’atimie en Grèce et de la mise hors la loi dans toutes ses sociétés (voir Post, Grundlagen, p. 398-399).
[13] Démosthène, C. Aristocr., 44.
[14] I. J. G., n° IX, l. 32-33, 56-58.
[15] Cf. Swoboda, Die gr. Volksbeschlüsse, p. 86-87.
[16] Michel, n° 72, l. 23 (Bréa) ; cf. Démosthène, C. Aristocr., 62.
[17] Michel, n° 1318, l. 39-41 (Téos).
[18] Pindare, Pyth., IV, 290. Pour Athènes voir, par exemple, Xénophon, Hell., I, 1, 22 ; (Plutarque), Vie des dix orat., l. c. ; Démosthène, l. c. ; Andocide, Sur les myst., 96 ; Scol. d’Aristophane, Lys., 273 ; Hérodote, VI, 121 ; Michel, n° 72, l. 24 (cf. n° 86, l. 53-54). Pour Étrétrie, voir I. J. G., l. c., l. 57 ; pour Erésos, ibid., n° XXVII, A, l. 22.
[19] Sur cette coutume en droit comparé, voir Makarewics, p. 158-159. Pour la Grèce, la note de Bergk, dans le Rhein. Mus., XXXVIII (1893), p. 529, n. 3, est insuffisante. Pour l’Assyrie, on peut consulter de Pastoret, I, p. 293. D’après Cornélius Nepos, Annib., 1, les Carthaginois rasèrent la maison d’Annibal proscrit. Meier, De bon. damn., p. 110, a réuni les exemples fournis par l’histoire romaine. En Germanie, la maison du proscrit était détruite ou brûlée, ou du moins le toit enlevé (voir Grimm, p. 729 ss. ; Wilda, p. 288 ; R. His, p. 176-177 ; Dareste, Hist. du dr. frison, dans le Journ. des sav., 1894, p. 461, n. 1 ; p. 461) : cela se faisait encore à Leipzig au XVIIIe siècle (Grimm, l. c.). Il en était de même chez les Slaves (Miklosich, p. 136 ; Kovalewsky, p. 313 ; Makarewicz, p. 158) et dans l’empire byzantin (Miklosich, p. 131). Pour la France du Moyen Age, on peut citer cet intéressant passage d’Aug. Thierry, Hist. du Tiers État, p. 481 : L’abatis de maison, vengeance de la Commune lésée ou offensée, était à la fois un châtiment par lui-même et le signe qui rendait plus terrible la sentence du bannissement conditionnel ou absolu. Il avait lieu dans la plupart des communes du nord de la France avec un appareil sombre et imposant, en présence des citoyens convoqués à son de cloche, le Maire frappait un coup de marteau contre la demeure du condamné, et des ouvriers, requis pour service public, procédaient à la démolition qu’ils poursuivaient jusqu’à ce qu’il ne restât plus pierre sur pierre. L’abatis de maison avait pour équivalent l’arsin et la mise à hanot (voir Ch. Desmaze, Les pénal. anc., Paris, 1866, p. 40-42, 136-137). Le débiteur insolvable de la commune voyait enlever les portes et fenêtres de sa demeure, ou du moins les gonds, symbole de bannissement (Id. ibid., p. 41). Jusqu’en 1789, la maison natale de régicide était rasée (exemples : Jean Châtel, Ravaillac et Damiens) : Saint-Simon ne manque pas de rappeler cette règle à propos de la destruction de Port-Royal, et, en effet, elle pouvait être appliquée à tout cas de lèse-majesté, puisque les châteaux de Concini furent rasés par jugement du Parlement (Mém. de Fontenay-Mareuil, coll. Michaud, 2e série, t. V, p. 132). Même la Convention décréta que la maison du girondin Busot serait démolie. La même peine était appliquée en grand dans les républiques italiennes (voir Edg. Quinet, Les révol. d’It., p. 182), et une ordonnance de Philippe II la recommandait d’une façon générale à l’usage des hérétiques. Il n’y a donc pas lieu d’être étonnés que de nos jours encore on ait vu brûler ou détruire la maison du banni dans le Caucase et le Daghestan (Kovalewsky, p. 351 ; cf. Dareste, Nouv. ét., p. 263), ainsi qu’en Albanie (Miklosich, p. 137) et dans la Kabylie (Hanoteau-Letourneux, III, p. 70, 132).
[20] Peut-être cette idée est-elle exprimée dans deux vers très obscurs d’Eschyle (Ag., 1565-1566).
[21] Iliade, IX, 63.
[22] Plutarque, Banquet des sept sages, 19, p. 162 E.
[23] C’est la formule employée à Delphes (Eschine, C. Ctés., 111 ; cf. Hérodote, VI, 89 ; Ælien, Hist. var., IIII, 43). A Athènes, elle était usitée de temps immémorial dans les serments qu’imposait la procédure de l’Aréopage et des éphores (Démosthène, C. Aristocr., 47 ; C. Néair., 10 ; Antiphon, Sur le meurtre d’Hérode, 11 ; Eschine, Sur la fausse amb., 87) et dans les serments sur l’état civil des enfants (Andocide, Sur les myst., 126). Aussi servit-elle aux formalités de l’ekklèsia (Démosthène, Sur la fausse amb., 71 ; Aristophon, Thesm., 369) et prit-elle place dans le serment des héliastes (Démosthène, C. Timocr., 151). Cf. Eschyle, Suppl., 434-437 ; Euripide, Hipp., 1341.
[24] Ephore, dans Nicol. de Damas, fragm. 60 (F. H. G., III, p. 394).
[25] Hérodote, VI, 72. Après la prise d’Orchomène, les Spartiates voulurent raser la maison du roi Agis et consentirent seulement à l’ajournement de cette mesure (Thucydide, V, 83).
[26] Diodore, XII, 78, 5 ; cf. Thucydide, V, 60.
[27] Isocrate, De bigis, 26.
[28] Scol. d’Aristophane, Lysistrata, 273.
[29] Id, ibid., 313.
[30] (Plutarque) Vie des dix orat., l. c.
[31] Odyssée, XXII, 213-223.
[32] Déjà dans la légende, Eurysthée chasse Héraclès coupable de complot, avec Alcmène, Iphiclès et Iolaos (Diodore, IV. 33, 2).
[33] Michel, n° 344, l. 1-12. C’est probablement pour un cas de rupture de ban analogue à celui qui est prévu ici que les Athéniens lancèrent contre Myrrhinè, femme d’Hippias, un décret dont il sera parlé plus loin.
[34] Marbre de Paros, l. 51-52 (F. H. G., I, p. 348) ; cf. Croiset, II, p. 229.
[35] Thucydide, I, 126 ; Aristote, Const. des Ath., 1.
[36] Hérodote, V, 72 ; Aristote, op. cit., 20. Cette mesure générale de bannissement doit être identifiée avec le διαψήφισμός signalé par Aristote, op. cit., 13, selon l’observation de Willamowitz, I, p. 31 (Cf. Ad. Bauer, Die Forsch. zur gr. Gesch., München, 1990, p. 279) et malgré Busolt, Beitr. zur att. Gesch., dans la Festschr. für Friedländer, Leipz., 1895, p 521 ss., et Gr. Gesch., II, p. 310, n. 2.
[37] Cf. Denys d’Halicarnasse, Ant. rom., VIII, 80.
[38] Michel, n° 400, l. 5-6.
[39] I. J. G , n° XXVII, A, l. 20 ss., 36 ss. ; C, 39 s. ; D, l. 15 ss., 21, 29 ss., 35 ss. ; voir le commentaire, p. 173-176.
[40] Michel, n° 524, C, l. 18-19 ; cf. l. 2.
[41] L. c., D, l. 35 ss.
[42] Aristote, Const. des Ath., 1 ; Plutarque, Solon, 12 ; Thucydide, I, 128. D’après Fr. Cauer (Parteien und Politiker in Meg. und Ath., p. 64 s. ; Hat Aristot. die Schrift vom Staat der Ath. geschrisben ? Suttg., 1891, p. 62) et J. Beloch (I, p. 339, n. 1), cette expulsion des Alcméonides ne serait qu’une répétition apocryphe de celle qui fut prononcée sur la demande de Cléoménès à la fin du VIe siècle. Mais le fait de la première condamnation est suffisamment prouvé par les textes. Pour échapper à toute difficulté, on n’a qu’a reporter au second procès un ou deux détails qui font anachronisme dans le premier. Sur le démotique de l’accusateur Myron de Phlya, voir Busolt, Gr. Gesch., II, p. 209, n. 1, et G. W. Botsford, The trial of the Alcmænidæ, dans les Harvard stud. in class. philol., VIII (1897), p. 18-20.
[43] Il est vrai que, par la huitième loi du treizième axôn, Solon exceptait de l’épitimie la plupart de ceux qui avaient été proscrits en raison de leur conduite dans l’affaire de Cylon (Plutarque, Solon, 19) ; mais cette exception ne s’appliquait point nui Alcméonides. Ils n’étaient pas de ceux qui avaient été bannis ; ils avaient été condamnés par un tribunal extraordinaire, probablement pour άσέβεια (Meier-Schömann-Lipsius, p. 368, n. 480 ; von Willamowitz, I, 17, n. 26 ; Busolt, l. c,. Botsford, l. c., p. 22). On a soutenu aussi que les Alcméonides jouissaient de leurs droits civiques avant la loi d’épitimie, puisque, d’après la tradition de Delphes, Alcméon commandait le contingent athénien dans la première guerre sacrée (Plutarque, Solon, 11 ; cf. Isocrate, De bigis, 25). Si vraiment cette guerre avait duré dix ans, comme le prétend un auteur (Callisthénès, dans Athénée, XIII, 10, p. 560 C), elle aurait effectivement précédé la loi d’épitimie, qui est de 594 ; car incontestablement Solon contribua pour beaucoup à la faire déclarer (voir Busolt, op. cit., I, p. 693), et il partit pour l’Egypte en 593 ou 592. Mais la durée décennale de cette guerre, où la légende se mêle à l’histoire, est de pure légende : la date généralement admise (cf. J. Droysen, De Demoph. Patrocl. Tisam. populiscitis, p. 18 ss. ; Grote, III, p. 477) doit lire notablement rapprochée (cf. Stahl, Ueb. Amnestiebeschlüsse dans le Rhein. Mus., XLVI, 1891, p. 253, n. 1 ; Busolt, l. c., p. 694 et 697).
[44] Alcméon, général des Athéniens pendant la guerre sacrée, eut pour fils Mégaclès, le chef des Paraliens (Aristote, op. cit., 13).
[45] Hérodote, I, 64 ; Philochore, dans le Scol. de Pindare, Pyth., VII, 9 (F. H. G., I, p. 395, fragm. 70) ; Isocrate, l. c. ; cf. Andocide, Sur son retour, 36 ; Isocrate, Panath., 148.
[46] Hérodote, V, 70, 72 ; Aristote, op. cit., 20 ; Thucydide, I, 123.
[47] Thucydide, I, 127. C’est l’importance donnée à l’affaire des έναγεΐς par l’accusation des Lacédémoniens qui explique l’énergie arec laquelle Hérodote, partisan d’Athènes, défend les Alcméonides.
[48] Aristote, op. cit., 19 ; Hérodote, V, 65 ; Thucydide, VI, 55 ; Scol. d’Aristophane, Lysistrata, 1153 ; cf. Andocide, Sur les mystères, 106. Voir Stahl, l. c., p. 265, n. 1. Nous devons ici mentionner le renseignement fourni par une scolie (scolie de Patmos sur Démosthène, C. Aristocr., 71, dans le B. C. H., I, 1877, p. 136) : Τοΐς γοΰν Μυρρίνην τήν Πεισιστράτου θυγατέρα άνηρηκόσι καί άλλους τινάς έψηφίσαντο πολιτείαν καί δωρεάν . έκιλεύσθεσαν δέ όμως έν Σαλαμΐνι οίκεΐν, δια τό μή έξεΐναι τής Άττικής έπιβαίνειν τόν όλως φονιύσαντα. Ce passage renferme des erreurs évidentes : Myrrhinè n’était pas la fille, mais la bru de Pisistrate (Thucydide, VI, 55), et l’auteur glorieux d’un tyrannicide n’avait pas à s’exiler. Töpffer, Quæst. Pisistr., Dorpat, 1880, p. 113 (Meier., p. 84), propose la correction καί άλλας τινάς έψηφίσατο δωρεάς καί πολιτείαν. Willamowitz, op. cit., I, p. 113-115, montre que la récompense spécifiée par le décret en question était promise à l’auteur éventuel d’un meurtre déclaré louable, et nan pas accordée à l’auteur nommément désigné d’un meurtre accompli. Suivant Willamowitz, ce décret fut rendu quelque temps après 480. Ce n’est pas une raison pour qu’il n’y ait pas eu un décret d’atimie lancé contre les Pisistratides immédiatement après leur expulsion.
[49] Thucydide, VI, 55. Il faut lire άτιμίας, au lieu de άδικίας, d’après la correction de van Herwerden, dans la Mnemos., VIII (1880), p. 156.
[50] On est surpris de voir inscrits sur la stèle d’atimie trois fils de Pisistrate. Pour expliquer cette anomalie, on a imaginé toutes sortes d’hypothèses ; signalons, à titre d’exemple, la tentative désespérée de Gaet. de Sanctis, p. 307-308. Il n’y a pas de difficulté pour Hippias et Hipparque, nés d’une femme athénienne. Mais Hégésistratos, surnommé Thessalos, était né de l’Argienne Timônassa, ainsi qu’un quatrième fils de Pisistrate, qui prit également part au maniement des affaires publiques après la mort de son père (Aristote, op. cit., 17 ; Plutarque, Caton, 24 ; Hérodote, V, 94). Ces deux derniers n’étaient donc pas de naissance légitime. Il faut admettre : 1° que Pisistrate les avait légitimés, faisant ainsi du νόθος Hégésistratos le γνήσιος Thessalos (Hérodote, V, 94 ; Thucydide, VI, 55) ; 2° qu’Iophôn était mort sans laisser d’enfants avant la rédaction du décret, Töpffer, Die Söhne des Peisistr., dans l’Hermès, XXXIX (1894), p. 463-467 (Beitr., p. 231-255), a le premier expliqué le cas de Thessalos, qui embarrassait si fort les auteurs (cf. Busolt, Gr. Gesch., II, p. 51, n. 1) ; mais il se trompe sur le cas d’Iophôn, qui a dû être légitimé, lui aussi, puisqu’il a reçu sa part de la succession paternelle.
[51] Aristote, op. cit., 22.
[52] Scol. d’Aristophane, Lysistrata, 273.
[53] Voir sur ce personnage von Willamowitz, I, p. 114, n. 27.
[54] Andocide, Sur les mystères, 106.
[55] Cf. Androt., Atthis, l. II, dans Harpocration s. v. Ίππαρχος (F. H. G., I, p. 371, fragm. 5) ; Plutarque, Nic., 11 ; Harpocration, Suidas, s. v. Ίππαρχος. C’est cet Hipparque qui avait été archonte en 495/4.
[56] Cf. (Lysias), C. Alcib., I, 39 ; (Andocide), C. Alcib., 34. On a trouvé sur l’Acropole une coquille avec les mots Μεγακλής [Ίππο]κράτους Άλωπεκήθε (C. I. A., IV, III, p. 192, n° 569). Le personnage en question est celui que Töpffer, Att. Geneal., p. 243, appelle Mégaclès III ; mais il est le neveu, et non le fils de Clisthènes (cf. Studniczka, dans l’Arch. Jahrb., 1887, p. 161 ; Kirchhoff, C. I. A., l. c. ; von Willamowitz, II, p. 323 ; Busolt, Gr. Gesch., II, p. 567, n. 2 ; voir cependant R. Zahn, dans les A. M., XXII, 1897, p. 345 ss.). La famille de Pisistrate avait de temps immémorial des rapports de parenté avec le γένος des Alcméonides, auquel appartenait Mégaclès (Pausanias, II, 18, 8 ; Isocrate, De bigis, 225 ; cf. Töpffer, op. cit., p. 225). Ces rapports venaient d’être renouvelés et rendus étroits par le mariage de Pisistrate avec la fille de Mégaclès II, la sœur d’Hippocrate et de Clisthènes (Hérodote, I, 60-61) : Clisthènes était ainsi cousin germain des Pisistratides. C’est comme parents des tyrans que les Alcméonides, malgré leur affectation de zèle démocratique, étaient tenus en suspicion (Hérodote, VI, 121-124 ; cf. Isocrate, l. c.), et c’est à ce titre que Mégaclès fut ostracisé.
[57] Aristote, op. cit., 22 ; cf. Philochore, Atthis, l. III, fragm. 79 b (F. H. G., I, p. 396). Les deux auteurs comprennent dans le mot φίλοι les parents, et non pas seulement les amis, ainsi qu’il ressort des exemples fournis par l’histoire. Sur l’ostracisme à ses débuts, voir Busolt, Gr. Staatsalt., p. 162-163 ; Beloch, I, p. 360 ; Gaet. de Sanctis. p. 347.
[58] Aristote, l. c.
[59] Burckhardt, par exemple, juge l’ostracisme sans chercher à le comprendre (I, p. 269).
[60] Plutarque, Arist., 7 ; Philochore, l. c. ; Héraclide du Pont, fragm. I, 7 (F. H. G., II, p. 209) ; Scol. d’Aristophane, Guêpes, 947 ; Chev., 835 ; Pollux, VIII, 19 ; Diodore, XI, 55, 2-3 ; Ælien, Hist. var., XIII, 24.
[61] Aristote, Politique, III, 8, 2-6 ; VIII (V), 2, 4-5 ; cf. Schömann-Galuski, I, p. 213.
[62] On ne peut pas nous objecter que la même institution a servi de défense à d’autres démocraties qu’à celle d’Athènes. L’ostracisme d’Argos, de Milet et de Mégare (Aristote, Pol., VIII (V), 2, 5 ; Scol. d’Aristophane, Chev., 855), ainsi que le pétalisme de Syracuse (Diodore, XI, 86, 5 ; 87, 1-2), a été copié sur l’ostracisme d’Athènes à une époque où celui-ci avait déjà changé de caractère (cf. Gilbert, Handb. der gr. Staatsalt., II, p. 80, 254, 284). Il est évident, du reste, que les formalités de l’ostracisme et du pétalisme sont de beaucoup antérieures aux lois politiques qui ont fait leur célébrité : peut-être servaient-elles, dès avant la formation des cités, pour la mise au ban du γένος. En tout cas, une étude comparée de l’ostracisme serait très utile ; car l’institution a existé ailleurs qu’en Grèce, par exemple, dans le Valais, où la mazza était un ostracisme par envoûtement avec abatis de la maison (voir Raoul-Rochette, Lettres sur la Suisse, II, p. 71).
[63] (Plutarque), Vie des dix orat., I (Antiph.), 27, p. 834 A-B.
[64] Cf. Grote, V. p. 282 ; Busolt, Gr. Gesch., III, I, p. 495, n. 3.
[65] Idoménée de Lampsaque, Περί δημαγωγών, l. II, dans le Scol. d’Aristophane, Guêpes, 947 (F. H. G., II, p. 491, fragm. 6).
[66] Von Willamowitz, I, p, 143-144, assigne au procès de Thémistocle la date de 471/0 ; Ed. Meyer, p. 522, se prononce pour 468/7.
[67] Plutarque cite fréquemment le mot de Thémistocle à ses enfants réunis autour de sa table : Ώ πκΐδες, άπωλόμεθ' άν, εί μή άπολώλειμεν (Thémist., 29 ; Apophth. des rois et des emp., Thémisit, 17, p. 185 F ; Du bonheur ou du mérite d’Alex., 5, p. 328 F ; Sur l’exil, 7, p. 602 A ; cf. Tèlès, dans Stobée, Floril., XL, 81. Une de ses filles exerce un sacerdoce à Magnésie (Plutarque, Thémist., 34). Après sa mort, ses fils continuent d’y résider : ils y marient une de leurs sœurs et y font élever la plus jeune (Id., ibid., 31).
[68] Id., ibid.
[69] Stésimbrote, dans Plutarque, Thémist., 24 (F. H. G., II, 54, fragm. 2).
[70] On a souvent accepté l’un et l’autre de ces deux témoignages, sans voir qu’ils sont inconciliables (cf. Busolt, Gr. Gesch., III, I, p. 128, 130). En Élide, les femmes des bannis ne pouvaient pas suivre leurs époux, puisque le tyran Aristotémos fit faire une proclamation spéciale pour les y autoriser (Plutarque, De mul. virt., 15, p. 231 D).
[71] A Sparte, les Éphores interdirent à Damocrita et à ses filles de rejoindre en exil Alkippos (Plutarque, Amat. narrat., XV, 3, p. 775 D ; cf. Meier, p. 199). Pour Athènes on a un témoignage suspect dans les lettres attribuées à Eschine, XII, 13 (cf. Thonissen, p. 101).
[72] Le mot est de Willamowitz, dans l’Hermès, XII (1877), p. 362-367. Il n’y avait qu’une voix sur le compte de Stésimbrote (cf. C. Müller, F. H. G., II, p. 52 : Ed. Heuer, De Stesimbr, Thas. ejusque reliquiis, diss. in., Münster, 1863 ; W. Vischer, XI, Schr., I, p. 26), lorsque Ad. Schmidt, (Das Perikl. Zeitalter, Jena, 1877-1879, I, p. 183-278 ; II, p. 3-360) a tenté de le réhabiliter. Mais la cause est trop mauvaise : l’avocat n’a convaincu personne (voir Arn. Schäfer, dans l’Hist. Zeitschr., XL, 1878, p. 211-216 ; A. von Gutschmid, Kl. Schr., IV, p. 9-2106 ; Holzapfel, Untersuch. üb. die Darstellung der gr. Gesch., 1879, p. 139 ss. ; Bauer, Thémist., 1881, p, 54-60 ; Busolt, l. c., p. 7-13).
[73] L’époque où vivait Stésimbrote est fixée d’une façon certaine par Plutarque (Cim., 4 ; Péricl., 13) et Athénée (XIII, 56, p. 589 D). Son ouvrage Sur Thémistocle, Thucydide et Périclès, est un peu postérieur à 430 (voir le fragment 11).
[74] Epicratès détourna encore au profit de Thémistocle une partie des biens confisqués (cf. von Willamowitz, I, p. 147, n. 43). Peut être aussi Stésimbrote a-t-il exagéré la sévérité de la sentence (cf. Bauer, op. cit., p. 55-57).
[75] Fustel de Coulanges, Nouv. rech., p. 162.
[76] Cf. Busolt, Gr. Gesch., II, p. 629-630.
[77] Diogène Laërce, X, 25 ; cf. C. Müller, l. c., p. 489. Un autre citoyen de Lampsaque, Charon, a également fourni des documents sur la biographie de Thémistocle (Plutarque, Thémist., 27).
[78] Thucydide, I, 138 ; Plutarque, Thémist., 29 ; Diodore, XI, 51, 7 ; Cornelius Nepos, 10 ; Athénée, I, 54, p. 29 F ; Strabon, XIII, 1, 12, p. 587 ; Scol. d’Aristophane, Chev., 84 ; Suidas, s. v. Θεμιστοκλής.
[79] A. M., VI (1891), p. 103-104 ; cf. von Willamowitz, I, p. 151-152, 54, 157 ; Busolt, Gr. Gesch., III, I, p. 129, n. 1.
[80] V, p. 143.
[81] Il se peut même que les enfants de Thémistocle, après s’être sauvés, aient été proclamés en rupture de ban, c’est-à-dire proscrits à leur tour. En ce cas, l’erreur d’Idoménée serait encore plus facilement explicable.
[82] Suidas, s. v. Θεμιστοκλέους παΐδες. D’après le récit de Suidas, emprunté à Phylarque (Plutarque, Thémist., 32 = F. H. G., I, p. 354, fragm. 64), Néoclés et Dèmopolis se présentèrent incognito aux concours organisés à Athènes en l’honneur des guerriers morts et remportèrent chacun son prix. Reconnus, après coup, ils pensèrent être lapidés par les ennemis de leur père, qui demandèrent l’application de la loi sur la rupture de ban. Cette anecdote appartient manifestement à la légende qui se forma autour du proscrit. Comme le dit Plutarque, on voulut faire du pathétique ; le nom même de Démopolis n’existe pas sur la liste authentique des enfants de Thémistocle (Plutarque, l. c.).
[83] Cf. von Willamowitz, I, p. 147 ; Busolt, l. c., p. 139.
[84] Plutarque, l. c.
[85] Pausanias, I, 37, 1 ; cf. Dittenberger, Die Eleus. Keryken, dans l’Hermès, XX (1885), p. 17-18 ; Töpffer, Att. Geneal., p. 73, 87, 318 ; A. Nikitsky, Eine Urkunde zur att. Geneal., dans l’Hermès, XXVIII (1893), p. 620, A, l. 10, et p. 624.
[86] Plutarque, l. c. ; Platon, Ménon, p. 93 D.
[87] Pausanias, l. c.
[88] Andocide, Sur des mystères, 146.
[89] Denys d’Halicarnasse, Ant. rom., VII, 8.
[90] Hérodote, IX, 116.
[91] Thucydide, VIII, 21.
[92] Michel, n° 1317, l. 22.
[93] Lysias, Sur les biens d’Aristoph., 3I ; (Démosthène), C. Euboul., 65 , et. Démosthène, C. Timocr., 197. Il ne faut pas oublier que le droit de piller la maison du banni est reconnu dans certaines législations (voir Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 217) et que les Grecs attachaient un grand prix aux pièces de menuiserie qui entraient dans la construction des maisons (voir Thucydide, II, 14 ; I. J. G., n° VII, l. 36, 44, 63).
[94] Le pillage de la maison se retrouve en droit comparé, comme la destruction de la maison. Dans la vieille Russie, la demeure du criminel était livrée au torrent et au pillage (Kovalewsky, p. 351 ; Dareste, op. cit., p. 210), et cette coutume est consacrée en Serbie par le code d’Etienne Douchan (art. 49 et 122). Le droit de ravage a existé chez les Francs, les Frisons, les Saxons (Makarewicz, p. 158).
[95] Quant au besoin d’abolir la mémoire du coupable, on le satisfit dans certains cas par des pratiques dont l’origine est évidemment récente et qui n’impliquent plus l’idée de solidarité familiale, telles que la destruction des statues (Denys d’Halicarnasse, l. c. ; Lycurgue, C. Léocr., 117-119 ; Tite-Live. XXXI, 44), la destruction on le martèlement des inscriptions (voir, par exemple, Michel, n° 524, C, l. 31-43 ; Tite-Live, l. c.).
[96] Démosthène, Phil., III, 42 ; Sur la fausse amb., 271 ; Dinarque, C. Aristog., 24-25 ; Plutarque, Thémist., 6 ; Ælius Aristide, ύπέρ τών τεττάρων, p. 218, 5 ; 303, 5 ; Panath., p. 190 ; Eschine, C. Ctés., 258 ; Harpocration, s. v. άτιμος.
[97] Ælius Aristide ne fait que suivre Plutarque sur ce point, de même qu’il s’en rapporte à Démosthène quant au texte du décret, voir A. Haas, Quib. fontibus Æl. Arist. in compon. decl., quæ inscribitur Πλάτωνα ύπέρ τών τεττάρων, usus sit, diss. in., Grypbisw., 1884, p. 51-53.
[98] Il est impossible d’aller à l’encontre des observations présentées par Grote, V, p. 124, n. 1.
[99] Cratère, dans le Scol. d’Æl. Aristote, Panath., l. c. Ce passage a été signalé par von Willamowitz, Conjectanea, Ind. schol., Götting. 1884, p. 20.
[100] Ad. Bauer, Liter. und hist. Forsch. zu Aristot. Άθ. π ο λ., München, 1891, p. 74, 90, 137, plaçait le décret entre 465/4 et 462/1. Les arguments de Swoboda, l. c., p. 68, nous semblent l’emporter. Ils sont confirmés sur les points essentiels par Busolt (Gr. Gesch.. II, p. 653. n. 3 ; III, I, p. 316, n. ; p. 328, n. 1), qui conclut à la date de 457, à cause de la mission remplie cette année par Mégabazos à Sparte (Thucydide, I, 109).
[101] C. I. A., I, n° 228, 239.
[102] Marcellinus, C. Hermog. ; Quintilien, Décl., 365. Meursius, II, 2, admet ces affirmations sans les discuter, Elles sont rejetées par Thonissen, p. 168, 201 ; Lipsius, Att. Proc., 2e éd., p. 428, n. 629.
[103] Thucydide, VIII, 74, 86.
[104] Isocrate, De bigis, 45.
[105] Démosthène, C. Boiot., II, 32. Cf. Aristote, Const. des Ath., 22.
[106] En France, sous l’ancien régime, la famille du régicide était condamnée au bannissement perpétuel. Il en fut ainsi, en 1594, pour le père de Jean Châtel, qui avait pourtant fait son possible pour empêcher le crime (Henri Martin, t. X, p. 372). L’arrêt de 1610 enjoignit aux père et mère de Ravaillac, de, dans les quinze jours, vuider le royaume, sous peine d’être pendus, et à tous ses autres parents de changer de nom, sous la même peine (Ch. Desmaze, Les pénal. anc., p. 142-143). En 1757, le père, la femme et la fille de Damiens furent exilés, et le roi, de honte, leur servit une pension (Voltaire, Le siècle de Louis XV, ch. 37). Par application des lois sur la lèse-majesté, le Parlement trouva moyen, en 1617, de faire périr la femme de Concini et de rejeter ses enfants dans la roture (Mém. de Fontenay-Mareuil, coll. Michaud, 2e série, t. V, p. 122). Ce n’est pas seulement la monarchie absolue qui, dans les pays modernes, condamne les innocents avec les coupables : les républiques italiennes ont usé de la proscription collective (Edg. Quinet, Les révol. d’It., p. 181-182), et, en Angleterre, Bracton expliquait les pénalités comminées contre la lèse-majesté par ces mots lugubres : Est enim tam grave istud crimen, quod vix permittitur hæredibus quod vivant (De leg. et consuet. Angliæ, éd, Twiss, II, p. 258).