Supposons deux familles, deux tribus, deux villes, indépendantes l’une de l’autre et n’ayant point de supérieur commun ; qu’il survienne une querelle particulière entre deux individus de l’une et de l’autre, comment cette querella ou cette contestation pourra-t-elle se terminer ?... Pour obtenir réparation, l’offensé n’a qu’un moyen, c’est de la prendre ; c’est de se faite justice à lui-même... La plus souvent il sera trop difficile de trouver et d’atteindre l’auteur de l’offensa et de reconnaître ses biens personnels. Aussi la coutume primitive admet-elle une certaine solidarité entre tous les membres d’une même famille, ou d’une même tribu, ou d’une même ville[1]. C’est en ces termes que Dareste a défini le droit de représailles, pris à sa source même. Mais, tout en signalant trois exemples dans l’épopée et la légende grecques, il a surtout porté ses recherches sur l’époque historique et sans se borner à la Grèce. Il ne sera donc pas inutile d’étudier le droit de représailles dans la période lointaine où il avait encore toute sa rudesse. Il faut voir comment ces sociétés, qui admettaient le principe de la solidarité dans les rapports mutuels des citoyens, l’appliquaient dans leurs relations extérieures. Une offense venant d’un étranger autorisa le recours à la force, non seulement contre le coupable, mais contre tous ceux qui font partie du même groupe. La règle est absolue. Un peut s’en prendre indistinctement et simultanément aux hommes et aux biens du groupe adverse ; car le meurtrier et le voleur peuvent, au choix de l’offensé, être tués, emmenés comme captifs ou dépouillés, et la sanction applicable à l’offenseur lui-même peut s’étendre au groupe tout entier. La responsabilité collective est naturellement engagée par un crime collectif, sans se fixer sur les personnes seules qui l’ont commis. La tradition des Νόστοι nous présente un cas où un peuple de la Grande-Grèce a si bien le sentiment de la responsabilité qu’il a encourue en lapidant un étranger, que, malgré l’indignité de la victime, malgré l’absence de vengeur, il se reconnaît coupable et, ne trouvant, devant lui ni parent ni citoyen du mort, offre au mort lui-même sa ποινή [2]. D’après une autre légende, les Pélasges de Lemnos, coupables d’avoir enlevé des Athéniennes, puis de les avoir égorgées, elles et leurs enfants, furent forcés par l’oracle de Delphes d’aller promettre aux Athéniens toutes les satisfactions qu’ils désiraient[3]. Si l’on était tenté de dénier à ces récits toute valeur historique, il suffirait de se rappeler un fait d’une incontestable authenticité. Quand Darius fit demander aux Grecs la terre et l’eau, les deux hérauts qu’il envoya aux Spartiates furent précipités dans un puits. Sparte fut alors en proie au ressentiment de Talthybios. Il y eut tant de tristesse et de malheurs chez les Lacédémoniens, dit Hérodote, que, dans des assemblées convoquées à maintes reprises, ils firent demander par la voix des hérauts. Qui parmi les Lacédémoniens veut mourir pour Sparte ? Sperthiés, fils d’Anéristos, et Boulis, fils de Nicoléos, citoyens spartiates de bonne naissance et placés au premier rang par leur richesse, consentirent de bonne volonté à payer le prix du sang à Xerxès pour les hérauts tués à Sparte. Ainsi les Spartiates les envoyèrent à la mort chez les Mèdes[4]. Par ces exemples, empruntée à des siècles différents, mais où est appliqué de façon identique un principe permanent de internationale, on voit que les citoyens qui commettent un meurtre anonyme sur la personne d’un étranger solidarisent à tout jamais avec leur cause la cité entière et que, par conséquent, des nationaux quelconques de la cité coupable doivent être livrés comme ποινή à la victime ou à ses ayants droit[5]. Le groupe social est responsable des délits commis par chacun de ses membres[6]. Avant tout, il est responsable des meurtres. Sa responsabilité est engagée sitôt qu’un cadavre d’étranger est trouvé sur son territoire, l’as de principe plus répandu en droit comparé[7]. Depuis la loi des Juifs[8] et celle des Arabes[9] jusqu’aux coutumes mongoles[10], cambodgiennes[11], annamites[12] et japonaises[13], on le trouve elles tous les peuples de la race aryenne, Indiens[14], Slaves[15] et Celtes[16], Scandinaves[17] et Anglo-Saxons[18], Italiens[19] et Francs[20]. Ce principe n’a pas manqué d’are appliqué dans la Grèce ancienne. Une vieille loi d’Athènes chargeait le démarque de faire enlever les corps dans son dème, de les faire ensevelir à ses frais, sauf recours contre qui de droit, et de faire purifier le dème[21]. Bien avant d’être une mesure de police sanitaire, et même avant d’être une mesure de police religieuse, ce règlement avait un caractère surtout juridique : dans chaque localité, le peuple (δήμος) répondait des morts violentes qui se produisaient dans son domaine. Si le meurtrier est inconnu, il faut que la collectivité compromise le cherche, il faut qu’elle le découvre ; sinon, elle accepte ou subit la solidarité du crime. Comme gage de bonne volonté, pour garantir le sérieux et la sincérité de l’enquête, elle peut être requise de livrer des otages (ρύσια). Lorsque Hylas disparut sur la côte de Mysie, les habitants de Kio remirent entre lis mains d’Héraclès les enfants des meilleures familles, pour titre déposés en lieu sûr, jusqu’à ce que les recherches qu’ils jurèrent de faire eussent abouti[22]. Si l’enquête ne donne pas de résultats, cette impuissance, réelle ou simulée, est un déni de justice, et les champions de la victime ont droit aux représailles. Après la mort d’Androgéôs, Le Athéniens déclarèrent qu’il avait été tué par un taureau ; mais Minos les rendit responsables et leur fit tant de mal, qu’il les força de composer avec lui[23]. La responsabilité collective est engagée, tant que l’auteur de l’offense reste inconnu. Elle est encore de droit au cas où les concitoyens de l’offenseur avéré prennent fait et cause pour lui en ne faisant pas justice à l’offensé. Cette situation dure même quand le coupable n’est plus, qu’il soit mort de mort naturelle ou en recevant le châtiment mérité[24]. Pour avoir séduit la fille de Lycos, Epôpeus est tué ; sa ville n’en est pas moins mise à sac[25]. Ajax paie de sa vie son attentat contre l’honneur de Cassandra et la majesté de Pallas ; les Locriens n’en sont pas moins obligés d’envoyer tous les ans à Ilion un certain nombre de vierges comme victimes ou comme hiérodules[26]. A Paros, pour venger deux de ses compagnons, Héraclès tue les assassins, au nombre de quatre ; il n’en presse pas moins vivement la ville, jusqu’à ce que, par l’intermédiaire de hérauts et à force de prières, les Pariens obtiennent la paix à condition de lui livrer deux neveux des assassins[27]. La cité reste donc responsable malgré la mort du criminel, surtout si elle continue de donner asile à ses parents, plus spécialement responsables. Du moins, la partie défenderesse a la faculté de se libérer par l’abandon noxal du coupable, En Grèce, l’extradition a de bonne heure figuré dans le droit des gens. Mais elle n’était pas du tout à l’origine ce qu’elle est devenue. Les peuples civilisés des temps modernes ont pour principe de livrer les étrangers présumés coupables de crimes commis en pays étranger, mais non pas leurs nationaux, même pour crimes compris sur terre étrangère[28]. Les anciens se faisaient un point d’honneur de ne pas abandonner le malheureux qui s’était enfui sur leur sol et confié en leur protection. L’hôte est toujours sacré : le foyer d’une cité aussi est un asile inviolable. Quelquefois on avait peur : il y allait d’une rupture[29], peut-être d’une guerre[30] ; on commettait une lâcheté[31], mais dont on rougissait. Les dieux défendaient de dénicher leurs passereaux[32] ; ils lançaient par la voix des oracles de terribles malédictions contre de telles vilenies[33], et l’on n’aurait pas osé partager avec eux le prix de la trahison[34]. Kymê et Crotone étaient fières d’avoir, sur les conseils d’Aristodicos et de Pythagore, refusé à la force menaçante l’extradition des réfugiés[35] ; Athènes tenait pour ses plus beaux titres de gloire ces interventions légendaires en faveur d’Oreste, d’Œdipe et des Héraclides. Par contre, la communauté ne se croyait pas obligée de soutenir, envers et contre tous, les membres qu’elle jugeait criminels[36]. La solidarité n’exigeait pas qu’on repoussât les demandes justifiées. A l’époque historique encore, on voit les Spartiates livrer un de leurs rois aux Éginètes, qui l’accusaient d’injustices graves[37]. C’est l’extradition telle que l’ont pratiquée longtemps les Aryens, ut populus religione solvatur[38]. Les représailles n’ont pas toujours pour but une attaque contre des personnes, mais souvent aussi une mainmise sur des biens. A l’homicide on répond pur l’homicide, à moins que l’un ne préfère des captifs et du butin. Au vol on répond par la razzia. Nous avons tous les renseignements désirables sur la βοηλασίη des temps héroïques. G’est une bonne fortune que nous réserve, au XIe chant de l’Iliade, l’exquis radotage du vieux Nestor. Il raconte comment les Pyliens enlevèrent aux Epéiens, comme ρόσια, deux cents troupeaux de bœufs, de brebis, de porcs et de chèvres, plus cent cinquante cavales avec leurs poulains. Mais à qui doivent aller toutes ces prises ? Les hérauts crièrent, dès que l’aurore parut : Ordre de se présenter, à quiconque a une créance à faire valoir en Elide ! Les chefs des Pyliens se réunirent et procédèrent au partage. Ils étaient nombreux, les créanciers des Epéiens..., victimes de leurs outrages et de leurs attentats criminels. Le vieux Nélée préleva un troupeau de bœufs et un grand lot de brebis, trois cents têtes choisies, avec les pâtres ; car il avait à faire valoir une forte créance en Elide, quatre chevaux de courses avec leurs chars... Après ce prélèvement de valeur immense, le reste fut donné au peuple et partagé de façon que personne ne fût frustré de sa juste part. Chaque chose fut faite en règle, et dans toute la ville furent offerts des sacrifices aux dieux[39]. On est frappé de la ressemblance entre ce partage et celui qui suit une entreprise de brigandage ou de piraterie. Il convient toutefois de noter une différence essentielle. Dans un cas, le butin constitue un bénéfice social à répartir proportionnellement aux services rendus ; dans l’autre, il constitue une masse de dommages-intérêts à distribuer aux ayants droit proportionnellement aux pertes subies. Les parties prenantes ne sont plus ici ceux qui ont été de la bande armée, mais ceux qui ont un titre de créance à invoquer, οΐσι χρεΐος όφείλετο. Le roi même n’use de sa prérogative (le droit d’έξαιρεΐσθαι) qu’en tant que créancier[40]. Il peut arriver que le particulier lésé exerce un droit de représailles de sa propre main, tout seul. Une affaire de ce genre nous est connue avec quelques détails. Elle date d’une époque où l’histoire avoisine la légende. Un Messénien, Polycharès, avait de terribles griefs contre un Lacédémonien, le vol d’un troupeau, le meurtre d’un fils. Il vint se plaindre à Sparte, alla d’un magistrat à l’autre, exposa les choses froidement, supplia. Rien n’y fit. De ce jour, chaque Lacédémonien qu’il trouva sur son chemin fut un homme mort[41]. Mais, en général, il est impossible à un particulier de lutter contre toute une cité. Aussi le plus souvent le droit des particuliers est-il soutenu par leur ville. La solidarité active se dresse en face de la solidarité passive. Le grief d’un homme déchaîne un conflit de peuples, et, pour l’injure faite à Ménélas, les Grecs se ruent contre Troie. Si pourtant la communauté à laquelle appartient l’offensé est trop faible, trop éloignée ou trop indifférente pour entreprendre la lutte ? Alors il reste à l’offensé l’appel aux dieux et à l’avenir sous forme de malédiction. C’est à quoi est réduit un pauvre Eubéen qu’un Spartiate avait aussi privé de son fils et dont la plainte aussi avait été dédaigneusement rejetée[42]. Enfin, si l’offensé ne se résigne pas à l’impuissance, il n’a que la dernière ressource du désespoir, le suicide. Il peut toujours lancer contre un peuple oublieux du droit une implacable Erinys. Qu’on se rappelle la tombe de l’éternel ressentiment, prés de Leuctres. Là, d’innocentes victimes attendaient l’heure de la justice. Un oracle leur promettait du sang ennemi. Quand enfin les Spartiates rencontrèrent les Thébains dans cette plaine, Pélopidas put prédire une large satisfaction aux vierges dolentes et inapaisées. Nul ne n’y trompa en Grèce : les milliers de Spartiates qui jonchèrent le sol en ce jour étaient les hécatombes dues aux tilles de Skédasos. La responsabilité qu’un citoyen injuste fait retomber sur la cité entière est héréditaire, imprescriptible, et c’est pourquoi il eut impossible qu’à un moment donné elle n’ait pas sa sanction. Une fois que deux cités ont pris en mains les intérêts de l’offenseur et ceux de l’offensé, il faut un contrat bilatéral, soit pour prévenir les représailles, soit pour y mettre un terme. Les essais de transaction ne sont pas tellement rares. Un négocie à la suite d’un homicide. Bien qu’ils aient eux-mêmes rejeté les réclamations de Polycharès et l’aient ainsi forcé à se faire justice, les Spartiates envoient aux Messéniens une requête à fin d’extradition[43]. Dans la légende d’Héraclès, après le meurtre des Actorides, les Eléens, concitoyens des victimes, demandent réparation aux Argiens, concitoyens du meurtrier[44]. On négocie, à plus forte raison, après un vol, que l’objet enlevé soit un animal ou une femme. Ulysse, dans sa jeunesse, est envoyé à Messène par son père et les anciens d’Ithaque, afin de régler l’indemnité due par tout le peuple pour enlèvement de troupeaux et de pâtres[45]. Hérodote raconte qu’après le rapt de Médée, le roi de Colchide fit demander justice en Grèce par un héraut[46], et qu’après le rapt d’Hélène, les Grecs, à leur tour, tentèrent un arrangement amiable[47]. De pareilles tentatives réussissent quelquefois ; la plupart du temps, elles sont vouées à l’insuccès. Mais alors même, comme les représailles provoquent les représailles, comme des deux parts on croit riposter à des violences injustifiées par des violences légitimes[48], il résulte de là un enchaînement fatal qui ne peut être rompu que par une convention en forme[49]. De toute façon, les traités d’άσυλία, que les villes grecques concluent plus tard en si grand nombre, pour garantir la vie et les biens de leurs nationaux à l’étranger, ont pour antécédents de véritables traités de paix qui avaient pour principal objet de régler un litige déterminé. Avant de chercher une solution équitable pour les futurs contingents, on se contente longtemps de pourvoir par des ententes spéciales à des difficultés urgentes. C’est dans la période de la thalassocratie crétoise que semble avoir été fait le premier effort sérieux pour réglementer le droit de représailles. On a toujours fait gloire au légendaire Minos d’avoir donné l’exemple de la lutte contre la piraterie[50]. Mais, comme la piraterie et l’état de représailles ne se distinguaient guère en pratique, Minos le législateur a dû définir et limiter le droit, pour empêcher l’abus. Et s’il est vrai que les Athéniens, comme ils s’en vantaient, ont cessé avant les autres Grecs du continent de porter le fer et de vivre de pillage[51], ils ont dû, eux aussi, établir des lois sur la légitimité des représailles. L’oracle de Delphes a exercé, de son côté, une puissante influence : il a surtout pesé sur les offenseurs, pour les décider aux justes réparations[52]. Ce n’est donc point par une coïncidence fortuite que Minos et les Athéniens sont mis en présence dans une légende qui jette une lumière très vive sur les origines des traités d’άσυλία et des lois conformes à ces traités. Suivant Plutarque, qui cite ses sources, les Athéniens furent à tel point maltraités après la mort d’Androgéôs, qu’ils envoyèrent à Minos des hérauts pour implorer la paix à tout prix : ils durent s’engager à payer, pendant neuf ans, un tribut annuel de sept gavons et de sept filles[53]. Laissons de côté l’invention mythique du Minotaure, et la dramatique légende reste pleine de réalités, — Nous y voyons d’abord qu’on fixa un délai au delà duquel le droit de représailles était périmé. Rien d’extraordinaire à une telle prescription, puisque telle était précisément la durée de l’άπενιαυτισμός pour le meurtrier en fuite. — Nous voyons ensuite qu’on fixa le nombre maximum des personnes que le vengeur du gang ou ses ayants cause pouvaient enlever dans le pays étranger qui était tenu pour responsable. C’est précisément ce que nous retrouvons dans une loi attique qui n’était pas encore abrogée à l’époque de Démosthène, cette loi sur l’άνδροληψία qui autorisait l’Athénien, lorsqu’une ville étrangère lui refusait toute satisfaction pour la meurtre d’un des siens, à mettre la main sur trois sujets de cette ville. Il est même assez vraisemblable qu’on ne descendit pas du premier coup au nombre de trois conservé par Dracon, et que le nombre de sept est plus conforme aux coutumes plus anciennes. — Enfin, que deviennent les enfants livrés à Minos[54] ? A cette question la légende fournit trois réponses différentes. D’après la version la plus répandue en Attique et par cela même demeurée la plus célèbre, les enfants étaient abandonnes au Minotaure, c’est-à-dire mis à mort[55] ; d’après la version crétoise, que rapportent Philochore[56] et Aristote[57], ils étaient réduits en esclavage[58] ; d’après une version toute spéciale et que Clitodèmos n’a pu développer amplement que parce qu’elle était surchargée de détails récents, ils tuaient détenus à titre d’otages. Ainsi, on peut distinguer trois moments dans l’histoire deys représailles à l’époque épique et légendaire. — 1° Au début, l’offensé et les membres du groupe social auquel il appartient ont un droit presque absolu. Pourvu qu’ils n’aient pas recoure au meurtre, à moins d’être provoqués par le meurtre ou en étal de légitime défense, la θέμις autorise tout ; elle n’exige aucune proportion entre le dommage et la réparation ; elle proclame le principe : Adversus hostem æterna auctoritas. A ce moment, on use de représailles pour se venger. — 2° L’usage nouveau des contrats en matière de représailles introduit dans le droit des gens de notables adoucissements. La règle du talion qualitatif n’est plus appliquée dans toute sa rigueur, en ce mens que les prisonniers enlevés pour la punition de l’homicide ne sont plus inévitablement voués à la mort, mais peuvent être emmenés en servitude. On se rapproche du talion quantitatif, en ce sens qu’an impose aux revendications de la partie lésée un maximum de plus en plus réduit. Peut-être même essaie-t-on de la déclarer déchue de son droit, si elle ne l’exerce pas dans un délai déterminé. A ce moment, on use de représailles pour se faire justice. — 3° Enfin, les traités d’άσφάλεια et d’άσυλία se multiplient au point de présider en règle générale aux relations juridiques entre hommes de villes différentes. On s’habitue à faire droit aux étrangers comme aux citoyens, pour avoir la paix nourricière de la jeunesse et n’être pas obligé de courir la mer[59]. Alors les représailles ne sont plus autorisées que dans des cas exceptionnels, contre les villes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas donner satisfaction à l’étranger. Il y a là un nantissement, plutôt qu’une exécution définitive et sans appel ; les σΰλαι sont une saisie provisoire de biens mobiliers[60] ; l’άνδροληψία[61], une saisie de personnes, une détention d’otages[62]. A ce moment, ou use de représailles pour se faire rendre justice. — Le même acte a été successivement une vengeance, une exécution, une procédure[63]. |
[1] Dareste, Nouv. Et., p. 88-38.
[2] Politès, compagnon d’Ulysse, ayant fait violence à une jeune fille, fut lapidé par les gens de Témésa. Ulysse ne fit rien pour le venger. Mais le spectre du mort jeta un tel effroi dans la ville, qu’on se décida, sur l’ordre de la Pythie, à lui construire une chapelle et à lui livrer tous les ans une jeune fille (Pausanias, VI, 6, 7-8 ; Strabon, VI, 5, p. 255 ; Suidas, s. v. Εΰθαμος).
[3] Hérodote, VI, 138-139.
[4] Hérodote, VII, 134, cf. 136.
[5] La θέμις religieuse est identique en ce point à la θέμις internationale. L’offrande d’un φαρμακός aux divinités, pour laver le peuple de toute faute, est une vieille coutume, qui fut conservée à l’époque classique et pratiquée, par exemple, dans les Thargélia d’Athènes.
[6] Voir, en général, Post, Geschlechtsgenoss., p. 160 ; Grundriss, I, p. 350.
[7] Le principe est appliqué dans sa brutalité primitive par les sauvages qui rendent tous les blancs solidairement responsables, ou par cas Koukis de l’Asie Orientale qui vengent le mal fait par un tigre par le premier tigre qu’ils rencontrent (Tylor, trad., II, p, 328).
[8] En Judée, on mesure la distance entre le lieu du crime et les villes voisines ; puis, les anciens de la ville la plus proche jurent solennellement que ni leurs mains n’ont répandu le sang, ni leurs yeux ne l’ont vu répandre (Deutéronome, XXI, 1-8 ; cf. Thonissen, II, p. 188-189, Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 23-24).
[9] La dia peut être payée par la commune ou le propriétaire du sol sur lequel le corps est trouvé (Dareste, op. cit., p. 64 ; cf. Smith, Early Arabia, p. 263 ; Procksch, p. 49).
[10] Dareste, Nouv. Et., p. 275-276.
[11] Dareste, Nouv. Et., p. 333.
[12] E. Jobbé-Duval, La commune annamite, dans la Nouv. rev. hist. de dr. fr, et étr., XX (1896), p. 629.
[13] G. Appert, Un code japonais au VIIIe siècle, ibid., XYII (1893), p. 314.
[14] La responsabilité du canton en cas d’homicide est posée en principe dans le code de Yajnâvalkyia (II, 271-274 ; cf. Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 92). A Ceylan, le village sur le territoire duquel est trouvé un cadavre paie une amende, même quand il y a eu suicide (Kohler, Rechtsvergl. Stud., p. 444).
[15] Dareste, op. cit., p. 167, 168, 183, 191, 202, 232.
[16] D’Arbois de Jubainville, Et. sur le dr. celt., I, p. 193 ss.
[17] D’après les anciennes lois de Suède, la centaine doit l’amende du meurtre et répartit cette obligation entre les habitants mâles et majeurs (Dareste, op. cit., p. 296). Voir la loi de Vestrogothie, Livre de l’homicide, XIV, éd. Beauchet, p. 157.
[18] La fameuse loi d’anglaiserie (voir les textes dans Aug. Thierry, Hist. de la conq. de l’Angl., 11e éd., II, p. 2 33 ss. ; A. du Boys, Hist. du dr. crim. des peuples mod., III, p. 17-22) n’est que l’application d’une loi plus générale. Si un cadavre est trouvé, le hundrerd entier est mis à l’amende, à moins qu’il ne livre l’auteur du crime. Si un objet inanimé a causé la mort d’une personne, la township doit payer une amende égale à la valeur de cet objet. De ces deux dispositions, la première a été abolie en 1340, la seconde ne l’a été qu’en 1846 (Dareste, Hist. du dr. angl., dans le Journ. des sav., 1897, p. 92 ; cf. Glasson, Hist. du dr. et des inst. de l’Angl., I, p. 66 ; Pollack-Maitland, I, p. 545-546, 550-551).
[19] Tissot, I, p. 139.
[20] Chez les Francs, la commune est pécuniairement responsable, sous certaines conditions, à moins que les anciens ne se disculpent par un serment purgatoire (comme chez les Juifs). Voir, à ce sujet, le premier capitulaire annexé à la loi Salique, 9 (éd. Reprend, p. 91) et le Pactus Childeberti et Clotarii ; cf. Thonissen, La loi Salique, p. 17 ; Declareuil, p. 318 ss. La responsabilité pécuniaire de la commune envers l’État, règle dont l’origine est à l’origine même de la société (voir Hildebrand, p. 183), a entraîné en France la solidarité de la paroisse pour le paiement de l’impôt. La responsabilité pénale de la commune a également subsisté en France au Moyen-âge et même dans les temps modernes : on peut consulter, à ce sujet, E. Bouvier, De la resp. pén. et civ. des pers. mor. en dr. fr., Lyon, 1887, p. 146-155 ; A. Spire, Et. hist. et jar. de la resp. des communes en cas d’attroupement, Paris, 1893. En vertu de la loi du 14 vendémiaire, an IV (art. V, titre IV), dont les dispositions n’ont été abrogées que par la loi du 5 avril 1884, sur l’organisation municipale (art. 106 109), la commune française était responsable de tous délits commis sur son territoire par des rassemblements ou attroupements et pouvait de ce chef être frappée d’une amende, en même temps que tenue de dommages-intérêts.
[21] (Démosthène) C. Macart., 58 ; cf. C. I. A., IV, II, n° 834 b, col. I, l. 42-43 ; Aristote, Const. des Ath., 50.
[22] Apollonius de Rhodes, I, 1348-1357 (sur l’origine mysienne de cette légende, voir R. Kœhler, dans les Leipz. Stud.. XVIII, 1898, p. 264 ss.). Les recherches n’ayant jamais abouti, ne cessèrent jamais. Tous les ans, en les reprenait à l’occasion d’une fête : c’était l’όρειβασία (Apollon. de Rhodes, l. c. ; Strabon, XII, 4, 3, p. 584).
[23] Plutarque, Thésée, 15 ; Pausanias, I, 37, 10.
[24] Par un archaïsme ironique, Agathoclès disait qu’il pillait Ithaque pour venger le Cyclope Polyphème (Plutarque, Des délais de la vengeance divine, 12, p. 557 C).
[25] Apollodore, II, 5, 9, 3-4.
[26] Plutarque, l. c., p. 557 D ; Polybe, XII, 5, 7 ; cf. Schœmann-Galuski, II, p. 276.
[27] Chants Cypriens, dans Proclus, Chrest. (Kinkel, Epic. gr. fragm., I, p. 18).
[28] Voir Caillemer, art. Asulia, dans le Dict. des ant.
[29] Le refus opposé par les Corinthiens aux Eléens après le meurtre des Molionides est un exemple de rupture des relations diplomatiques et sacrées à l’époque héroïque : voir Pausanias, V, 2, 2 ; cf. Phérék., fragm. 38, et Istros, fragm. 48 (F. H. G., I, p. 82 et 424).
[30] Agathoclès faisait encore allusion aux mœurs antiques, quand il expliquait aux Corcyréens pourquoi il dévastait leur île : Parce que, disait-il en riant, vos ancêtres ont donné l’hospitalité à Ulysse (Plutarque, l. c., p. 557 C).
[31] Les Héraclides errent de ville en ville, rejetés de partout (Euripide, Héracl., 14 ss.).
[32] Hérodote, I, 159.
[33] Hérodote, I, 159.
[34] Hérodote, I, 160.
[35] Hérodote, I, 154-180 ; Diodore, XII, 9, 3.
[36] Plutarque, Banquet des sept Sages, 19, p. 162 E.
[37] Hérodote, VI, 85. En 189, une pareille demande d’extradition fut adressée à Sparte par les Achéens (Tite-Live, XXXVIII, 31).
[38] La légende et l’histoire romaines présentent un grand nombre de ces extraditions. Les Romains renvoient les meurtriers de Tatius, livrés par les Laurentins (Plutarque, Rom., 23). Ils refusent les Fabii aux Gaulois (Tite-Live. V, 36). Ils livrent Postumius aux Samnites (Id., IX, 5, 8-11), et Mancinus aux Numantins (Cicéron, De or., I, 40 ; Flor., Epit., II, 18). Pour dégager sa responsabilité, le peuple livre parfois le cadavre du coupable (Zonaras, VII, 36 ; Tite-Live, VIII, 39). Il faut lire, sur l’abandon noxal en droit des gens à Rome, l’analyse de Ihering, Geist d. röm. Rechts, trad., I, p. 132 (cf. P. F. Girard, Les act. noxales, dans la Nouv. rev. hist. de dr. fr, et étr., XII, 1868, p. 41-49). Ces extraditions de nationaux se sont faites, cela va sans dire, chez bien d’autres peuples, même, en dehors de la race aryenne. Chez les Juifs, David livre aux Gabaonites, aux lieu et place de Saisi mort, sept de ses fils et petit-fils (Samuel, II, 41, 1-14).
[39] Iliade, XI, 671-707.
[40] Il est curieux de comparer ces représailles par entreprise publique avec celles qui furent exercées par la ville de Chalcédoine pour le compte des particuliers (Aristote, Econom., II, 12). Ou voit aussi à Ilion l’Etat confisquer les biens d’un tyran et de ses suppôts, puis autoriser les citoyens lésés à s’indemniser sur le produit des confiscations (Michel, n° 524, B, l. 2-4). Il y a encore une remarquable analogie entre cette procédure, empruntée à la θέμις des anciens temps, et la procédure de droit civil, admise dans les contrats d’Athènes, d’après laquelle les cocréanciers pouvaient, après terme échu, procéder contre le débiteur commun au moyen d’une saisie, opérée par l’un des intéressés ou par tous conjointement, sauf règlement ultérieur des droits respectifs (Démosthène, C. Lacr., 13 ; cf. Hitzig, Das gr. Pfahdrecht, München, 1865, p. 119.120 ; Beauchet, IV, p. 487-488).
[41] Pausanias, IV, 4, 8 ; Diodore, VIII. 5, 6. D’après Pausanias (l. c., 3), ce Polycharès aurait été vainqueur aux jeux olympiques dans la 4e olympiade (764/3), ce qui donne la date approximative de l’anecdote.
[42] (Plutarque), Amat. narr., 4-13, p. 773 F-774 A.
[43] Pausanias, IV, 4, 8. Si les spartiates ne réclament pas pour le meurtre de Téléclos (Ibid., 3), c’est qu’ils ont conscience que la première agression est venue d’eux.
[44] Pausanias, V, 2, 1-2.
[45] Odyssée, XII, 16-21.
[46] Les hérauts ont rendu les mêmes services aux Grecs que les féciaux aux Italiens (Tite-Live, I, 32) : c’étaient les intermédiaires sacrés pour les relations internationales (voir encore Apollod., II, 5. 9, 4). Quand ils avaient échoué dans leur mission pacifique, ils annonçaient officiellement l’ouverture des représailles : c’est ce qu’on appelle λάφυρον έπικηρύττειν, ρόσια καταγγέλλειν (voir surtout Thucydide, V, 115 ; cf. Schœmann-Galuski. II, p. 7). Plus tard, ils annoncent le partage des prises (Iliade, XI, 685-686).
[47] Hérodote, I, 2.3. Il faut, comme de juste, des circonstances exceptionnelles pour que les offenseurs fassent les premières offres (cf. Plutarque, Thésée, 30 ; Hérodote, VI, 139 ; VII, 134).
[48] Dans l’exemple déjà cité, les Pyliens se croient en droit de faire une βοηλασίη, chez les Epéiens ; mais ceux-ci, à leur tour, viennent attaquer Pylos (Iliade, XI, 708 ss.).
[49] Cf. Plutarque, Thésée, 15 ; Pausanias, I, 29, 10 (Minos et les Athéniens) ; Apollod., II, 4, 11, 3 (Erginos et les Thébains) ; Plutarque, Des délais de la vengeance divine, 12, p. 551 D (Ilion et les Locriens).
[50] Clitodèmos, dans Plutarque, Thésée, 19 (F. H. G., I, p. 339, fr. 8),
[51] Thucydide, I, 6 ; Plutarque, Cimon, 8.
[52] C’est en ce sens que la Pythie intervient auprès des Témésiens (Pausanias, VI, 6, 8), des Athéniens (Plutarque, Thésée, 15 ; Apollod., III, 15, 8, 6), des Pélasges, de Lemnos (Hérodote, VI, 130).
[53] Plutarque, Thésée, 15 ; cf. Pausanias, I, 27, 10 ; Apollod., III, 15, 8, 6-8. Il y a maints rapports entre la légende athénienne de Minos-Thésée et la légende thébaine d’Arginos-Héraclès. Pour venger son père, le roi des Minyens, frappé mortellement par le Thébain Périérès, Erginos vint sur le territoire de Thèbes et y tua beaucoup de monde, jusqu’à ce que la cité coupable eût promis, par un traité solennel, d’envoyer à Orchomène un tribut annuel d’une hécatombe pendant vingt ans (Apollod., II, 1, 11, 2-3). On peut rappeler aussi le fait historique des vierges régulièrement envoyées à Troie par les Locriens.
[54] Il n’importe de se demander avec les anciens si les enfants étaient désignés par le tirage au sort (Plutarque, Thésée, 17 ; cf. Apollon. de Rhodes, I, 1351-1352) ou par le choix de Minos (Hellan., dans Plutarque, l. c. = F. H. G., I, p. 54, fr, 73 ; cf. Apollod., II, 5, 9).
[55] Platon, Minos, p. 318-319 ; Plutarque, Thés., 15 ; Pausanias, l. c. ; Apollod., l. c., 8.
[56] Philochore, dans Plutarque, Thés., 16 (F. H. G., I, p. 390, fr. 38).
[57] Aristote, Cont. des Bottiéens, dans Plutarque, l. c., et Quest. gr., 35, p. 296 F (Ibid., II, p. 153, fr. 137).
[58] Ce fut longtemps le cas pour les Locriennes livrées à Ilion. On voit par la légende thébaine d’Erginos que des bœufs auraient pu remplacer les esclaves dans les représailles par abonnement.
[59] Hésiode, Œuvres et jours, 225-237. Tout ce passage montre le bonheur d’une ville qui n’a ni à craindre ni à exercer de représailles. On voit que l’équité envers l’étranger a pour source un gentiment égoïste, une idée utilitaire. On peut rappeler, à propos des Grecs d’une époque lointaine, que les Celtes du Ier siècle av. J.-C. punissaient plus gravement le meurtre de l’étranger que celui du citoyen, évidemment par peur des représailles (Nicol. de Damas, dans Stobée, Florilèges, XLIV, 41 = F. H. G., III, p. 437, fr. 105). Les Égyptiens semblent avoir eu le même sentiment (Hérodote, II, 515).
[60] Pour remplacer les brebis dévorées par les prétendants, Ulysse se promet d’en enlever un grand nombre (Odyssée, XXIII, 356-357) : c’est la coutume de la deuxième période. Les fils de Ptérélaos demandent à Electryon, roi de Mycènes, de reconnaître leur droit de succession. Sur son refus, ils prennent un troupeau, qu’ils mettent en dépôt chez un tiers, le roi d’Elide, et qui est racheté par Amphitryon pour le compte de l’offenseur (Apollod., II, 6, 6. 1-2) : c’est la coutume de la troisième période.
[61] On trouve le rapprochement des σΰλαι et de l’άνδροληψία dans (Démosthène), Sur la triérarchie, 13. Comme les bestiaux, les hommes saisis pouvaient être mis en dépôt chez des tiers. Au commencement du Ve siècle, on voit encore les deux rois de Sparte remettre aux Athéniens des otages éginètes, et Les Athéniens refuser de restituer ce dépôt à l’un des déposants sans l’autre (Hérodote, VI, 73, 116).
[62] On a vu plus haut la cas des enfants de Kio emmenée par Héraclès après la disparition de Hylas (Apollonius de Rhodes, I, 1348 ss.), l’exemple des Pariens également emmenés par Héraclès (Apollod., II, 5, 9, 5) et le texte de Clitodèmos sur les otages envoyée d’Athènes en Crète. On peut y joindre le cas d’Aithra emmenée par Castor et Pollux (Hellen., dans le Scol. de l’Iliade, III, 144 = F. H. G., I, p. 53, fr. 74). L’άνδροληψία n’est pas une coutume spéciale au droit des Grecs. Elle a existé chez les Romains (Plutarque, Rom., 23-24 ; cf. d’Arbois de Jubainville, dans la Rev. arch., III, 1884, p. 160-181). Chez les Ossètes, le créancier pouvait prendre en otage un des membres de la communauté débitrice, ou mime un voisin de celle-ci, tout voisin étant d’ordinaire un parent (Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 141) : il s’agit naturellement, dans ce cas, de l’exécution des obligations délictuelles. De même qu’en droit attique l’άνδροληψία pouvait s’exercer à l’encontre de trois personnes étrangères (Démosthène, C. Aristocrate, 82-83, 219), de même, en droit irlandais, le droit de saisie peut s’exercer sur trois maisons de la tûath du coupable (d’Arbois de Jubainville, Et. sur le dr. celt., I, p. 192 ; cf. Sumner Maine, Inst. Prim., trad., p. 169, 194, 216 ; Dareste, op. cit., p. 361). Quand on songe à ces analogies et au caractère primitif de la coutume, quelques-unes des questions qu’on s’est posées au sujet de l’άνδροληψία semblent ne plus comporter de doute. Il est impossible, par exemple, que l’άνδροληψία ait été spécialement pratiquée entre cités liées par des traités (cf. Weber, éd. de Démosthène, C. Aristocrate) : Meier (Opusc. acad., II, p. 189) a raison sur ce point (cf. Caillemer, art. Androlepsia, dans le Dict. des ant. ; Lipsius, Att. Proc., p. 344, n. 413 ; voir l’inscription de Trézène publiée dans le B. C. H., XXIV, 1900, p. 191). D’autre part, il est bien difficile que cette procédure internationale par voie de fait, dont l’archaïsme est évident, ait été suivie d’une procédure civile et régulière : l’άνδροληψία n’a jamais dû être une espèce d’action. L’erreur des lexicographes (Pollux, VIII, 41, 50 ; Suidas, s. v. ; Etym. Magn., p. 101, 32 ; Lex. Rhet., dans Bekker, Anecd. gr., I, p 213-214), erreur partagée par certains auteurs modernes (Meier-Schœmann, 1re éd., p. 279-280 ; Caillemer, l. c.), inspire une juste défiance à Heffler, p. 429, à Schœmann-Galuski, II, p. 7, à Töpffer, art. Androlepsia, dans la Realencycl., de Pauly-Wissowa, et est réfutée par Lipsius, op. cit., p. 347-348.
[63] Chronologiquement, il y a entre ces trois périodes de continuelles interférences. En pleine époque historique, les citoyens des villes qui n’avaient pas conclu de traités d’άσυλία étaient libres d’opérer réciproquement une saisie définitive : c’est ce que démontrent précisément les traités d’άσυλία (voir B. C, H., IX, 1885, p. 11 ; Michel, n° 3 ; cf. Kirchhoff, Philol., XIII, 1858, p. 3 ; Dareste, Nouv. ét., p. 40 ss. ; Gilbert, Handb., II, p. 381-382).