I. — L’αΐδεσις. Dans toutes les sociétés où une offense grave, qui est presque toujours une affaire de sang, vient déchaîner la guerre, les hostilités ne peuvent être arrêtées que par la fuite du coupable ou par un arrangement conclu avec les parents de la victime. Dans le dernier cas, les engagements réciproques constituent moins un contrat d’ordre privé qu’un traité d’ordre international. Deux ennemis prêtent seraient de ne plus se nuire ; deux familles déposent les armes[1]. Il en était ainsi dans la Grèce primitive. L’Athénien qu’un homicide involontaire avait contraint de s’exiler ne pouvait revenir dans sa patrie qu’après entente avec la famille de sa victime[2] : cette autorisation nécessaire rappelait le droit qu’avait eu longtemps le γένος de traiter de gré à gré avec un γένος ennemi. Mais, pour prendre sur le vif cette coutume des conventions amiables entre le coupable et la partie lésée, il faut l’aller chercher dans les récits de l’Iliade et de l’Odyssée. Le substantif abstrait αΐδεσις, qui désignera dans Athènes l’acte de la réconciliation entre le meurtrier et la famille de sa victime, ne paraît pas encore dans les poèmes homériques. Mais plusieurs mots concrets dérivés, du même radical y sont déjà d’un usage constant αίδώς, αίδοΐος, αίδοίως, αίδεΐσθαι, άναιδής, άναιδείη. L’étude de ces termes est nécessaire pour qui veut démêler leur signification exacte, et rechercher l’origine de la procédure que désigne dans la Grèce primitive le mot αΐδεσθαι[3]. Quand on passe en revue tous les sens donnés dans l’Iliade et l’Odyssée, on remarque toujours une double acception, de sentiment[4] et d’obligation, L’αίδώς est essentiellement la conscience du devoir. Mais les manifestations de la conscience et les objets du devoir sont très divers. La loi morale éveille dans tous les cœurs tantôt le désir d’accomplir ses prescriptions sacrées, c’est-à-dire le goût du bien, le respect, tantôt l’aversion pour ce qu’elle détend, c’est-à-dire l’appréhension du mal, la retenue, tantôt le regret d’avoir contrevenu à ses ordres, c’est-à-dire la honte d’un méfait, le remords. Les devoirs qui provoquent ces différents modes d’αίδώς sont ceux de la vie patriarcale. Tout ce qui est commandé par l’homme par la θέμις lui est recommande au dedans de lui-même par l’αίδώς. La θέμις n’a pas seulement une sanction externe, la νέμεσις[5], expression de la conscience populaire (δήμου φήμις) et de la conscience divine ; elle a encore une sanction interne, l’αίδώς, la conscience individuelle qui se lait obéir ou se venge. Chargée de faire exécuter les lois de la θέμις, l’αίδώς a le même domaine que la θέμις elle-même[6]. Or, depuis l’époque des sociétés les plus rudimentaires jusqu’à celle des cités pleinement organisées, jamais la θέμις ne cessa de régler les relations des membres du γένος ou de la tribu entre eux et avec les étrangers. Par suite, le sentiment du devoir a beau s’élargir, on reste loin du temps où la loi morale se donnera pour mission de préserver l’harmonie de l’univers ; elle ne demande encore à chacun que de conformer sa conduite aux règles établies dans le γένος primitif et transportée dans la tribu[7]. D’autre part, les devoirs imposés par la θέμις impliquent réciprocité, parce qu’ils sont conçus d’après ce type unique, les devoirs de la famille envers le père et du père envers la famille. Par suite, l’αίδώς est le sentiment d’un lien entre deux personnes qui ne sont point sur le pied d’égalité[8], et qui se doivent réciproquement aide ou obéissance, protection ou respect. Avant tout, l’αίδώς est donc la conscience des θέμιστες qui obligent mutuellement les membres d’une même famille[9]. Elle est la tendresse et la fidélité de l’épouse[10], la grave affection du mari[11], le respect filial[12], la déférence du neveu ou de la nièce pour l’oncle[13]. Elle est aussi l’instinctive pudeur de la vierge[14], la décence réfléchie de la matrone[15], le sentiment des bienséances imposées à l’honnête homme[16], la modestie qui sied aux jeunes gens devant les vieillards[17]. Comme les esclaves et les domestiques font partie de la famille, l’αίδώς leur inspire cette vénération qui leur fuit redouter les reproches et les retient de prononcer le nom du maître[18]. Enfin, la maison, foyer commun de toutes les personnes liées entre elles, les lie elle-même par des devoirs communs qui la rendent αίδοίη tous ses habitants[19]. Les γένη étant agglomérés dans une communauté plus grande, l’αίδώς devient le sentiment juridique des θέμιστες qui lient les gens de la Thème tribu on de la même cité. Elle déclare inviolable la maison d’autrui[20], entourant d’une considération particulière la maison riche et florissante[21]. L’homme puissant est digne d’égards[22] : qualifier quelqu’un d’αίδοΐος, c’est dire qu’il est de bonne maison, de haute lignée[23]. L’αίδώς devient ainsi le sentiment des obligations dont on est tenu, à tout degré de la hiérarchie sociale, envers ses inférieurs et ses supérieurs[24]. C’est ce sentiment d’honneur qui anime Patrocle et ses féaux compagnons dans leurs rapports avec Achille[25], ce sentiment de loyauté active qui guide les rois eux-mêmes dans leur conduite envers les rois plus élevés ou le roi suprême[26], ce sentiment du devoir militaire à quoi les chefs font appel pour exciter leurs guerriers au combat[27]. Quiconque inspire l’αίδώς éprouve l’αίδώς : le vrai roi sent qu’il doit l’exemple sur le champ de bataille[28]. Un idéal de justice est un acte de forfaiture, et l’άναιδείη, d’une partie[29] rompt le contrat tacite qui obligeait l’autre partie à l’obéissance et à la fidélité[30]. Ainsi, l’αίδώς s’étend de la famille aux concitoyens. Toujours semblable à elle-même, toujours docile à la θέμις, elle comprend dans tu famille agrandie ceux mêmes qui ne sont point de la cité, les étrangers, les mendiants qui errent sans famille et sans patrie. Puisque la maison est chose sacrée, il suffit d’en franchir le seuil pour devenir inviolable[31]. Le père de famille est comme le prêtre d’un temple où les misérables trouvent asile : ayant conscience de ce qu’il doit à son sanctuaire, il prend conscience de ce qu’il doit aux prières de l’infortune. A chacun l’αίδώς persuade ce que la θέμις ordonne à tous, d’admettre les étrangers à sa table[32], des leur offrir des vêtements[33], des cadeaux[34], d’assurer leur retour[35], d’avoir pour eux tous les ménagements d’une tendre amitié[36]. Et, comme l’αίδώς, entraîne toujours réciprocité des devoirs, l’hôte qui reçoit devient αίδοΐος[37] en même temps que l’hôte reçu[38] : tous ceux qui sont sous le même toit (ύπωρόφιοι), qu’ils soient ou non du même sang, se sentent mutuellement soumis aux obligations d’une parenté naturelle ou fictive[39]. Il est enfin des devoirs, également imposés par la θέμις, également présentés à la conscience par l’αίδώς, dont on peut maintenant entrevoir le véritable caractère : ce sont les devoirs envers les suppliants. Les malheureux n’ont pour titre que leur malheur ; mais cette faiblesse est leur force. A qui n’a point de droits, il en reste toujours un, celui que donne la conscience du devoir provoquée en autrui. L’αίδώς devient alors la pitié[40], et quand un offensé l’éprouve pour l’offenseur, la clémence. Mais ce n’est pas le vague sentiment de l’équité naturelle, ce n’est pas la parole des dieux[41] qui dicte et qui définit ce nouveau devoir d’αίδώς ; c’est le droit des gens, ce sont les vieilles θέμιστες admises de γένος à γένος. Bien de commun avec la philanthropie[42] ou la charité : il ne s’agit point ici d’une obligation philosophique ou religieuse, mais seulement d’une obligation quasi-internationale. Bien des personnages des épopées homériques paraissent dans l’humble attitude qui sied quand on implore une grâce. Chaque fois que dans leurs supplications vient le mot αΐδεσθαι[43], le sens en est très net : il faut traiter l’infortune avec des dispositions conciliantes, avoir pour l’ennemi abattu quelques-uns de ces égards qu’on a entre parents, concitoyens, hôtes ou alliés, ne pas épuiser dans son implacable rigueur le droit que donne la force, suspendre les hostilités privées quand on est vainqueur et que le vaincu reconnaît sa défaite, bref, soustraire à sa propre vengeance, admettre à la paix, recevoir en son alliance quiconque se rend a discrétion. Le premier suppliant a été un guerrier terrassé. Déjà il sent le froid du fer qui va le transpercer ; d’un dernier effort, il se redresse à moitié ; il parvient, sous le pied qui l’écrase, à saisir le genou de son adversaire, il lui promet tous ses biens en échange de la vie. C’est cette scène primitive[44] qui fixe à jamais le cérémonial de la supplication et les obligations réciproques qu’elle impose. Dans toute scène de supplication, les personnages se reconnaissent aux gestes consacrés. On dirait des rites qui ont passé des siècles les plus lointains à l’âge homérique et seront transmis aux générations futures[45]. L’un entoure du bras gauche les genoux de l’autre[46], et de la main droite lui touche le menton[47] ; parfois il va jusqu’à couvrir de baisers les genoux qu’il tient embrassés[48], les mains qu’il parvient à saisir[49] : sa posture, sa mimique sont d’un vaincu qui n’a plus d’espoir qu’en la paix[50]. L’autre, s’il consent à ce qu’on lui demande, avance la main droite et prend par le poignet la main tendue vers lui[51] : c’est un hôte qui conclut ou renouvelle un pacte d’hospitalité[52], un vainqueur qui accorde une trêve ou un traité[53]. Que le suppliant soit un guerrier qui reconnaît son infériorité ou un coupable qui veut échapper aux coups d’une juste vengeance. La supplication est toujours la démarche d’un homme qui se déclare prêt à tout pour n’être plus considéré comme ennemi. Αΐδεσθαι, c’est donc modérer assez sa douleur, faire assez fléchir sa haine[54], pour se résigner à une transaction. C’est accorder une grâce sollicitée et laisser la vie au solliciteur. Pour Agamemnon, c’est rendre à Chrysès sa fille captive et lui donner à lui-même un sauf-conduit[55]. Pour Achille, c’est se réconcilier avec un offenseur repentant, et rendre ainsi à des messagers de paix ce qui est dû à leur caractère sacré[56] ; c’est encore permettre à Priam d’emporter le cadavre de son fils, et de rentrer à Troie sain et sauf[57]. Pour un héros dont l’ennemi s’avoue incapable de prolonger une lutte inégale, c’est traiter à des conditions raisonnables et épargner le négociateur[58]. Quand le suppliant implore son propre salut, les deux devoirs dont il provoque le sentiment se confondent : άΐδεσθαι, c’est à la fois faire grâce et faire sa paix[59]. La voilà, l’αίδώς qui sauve le meurtrier poursuivi par les parents de la victime. C’est toujours le sentiment des devoirs que le chef de famille doit remplir envers tous ceux qui obéissent à ses lois. Le mot est resté le même, parce que la chose n’a pas changé. Quand, bien des siècles après la période des aèdes, les Athéniens honoreront l’autel de la déesse Αίδώς[60], quand ils appelleront αΐδεσις la réconciliation privée qui donne toute sécurité à l’homicide, ils ne se douteront pas qu’ils emploient le même mot qui, à son heure, désigna les relations mutuelles du père et des enfants, des chefs et des citoyens, des hôtes et des étrangers, enfin des suppliants et de ceux qu’on supplie. Mais ils diront encore άΐδεσθαι, aussi bien pour exprimer l’acte du meurtrier qui fait sa soumission[61] que pour parler des parents lésés qui lui accordent l’absolution et la paix. Ils prouveront ainsi une fois de plus que l’αίδών impliqua jadis la réciprocité des devoirs, que la conscience des Grecs conçut toutes les relations de la vie sociale d’après le type unique et ineffaçable de la vie patriarcale, que dans l’Hellade primitive, comme dans tous les pays où l’État n’a pas ruiné les groupes moindres et inférieurs, les guerres privées n’admirent qu’une fin juridique, la conclusion formelle d’un traité bilatéral entre les belligérants[62]. II. — La ποινή. Quand le parent de la victime relevait le meurtrier agenouillé, quand il consentait à ne pas prendre cette vie qui lui appartenait, il n’obéissait pas à une pitié qu’il eût jugée noblement importune. Il pouvait s’émouvoir un instant ; vite il devait se ressaisir. Achille, placé brusquement en face du vieux Priam, compatit à tant de misère et se sent touché jusqu’aux larmes[63]. Ainsi, le Grec déjà civilisé des temps homériques et même le Grec des temps primitifs, enfant barbare dont la cruauté devait avoir de singuliers retours d’attendrissement, se sentait peut-être le cœur troublé dans l’œuvre des représailles par des velléités de clémence. Mais allait-il oublier qu’entre ce suppliant et lui il y avait du sang ? Il fallait autre chose qu’un accès de commisération pour faire déposer les armes à l’homme qui tenait enfin sa vengeance. Un seul sentiment avait assez de puissance pour étouffer la voix de la haine, pour réprimer une fureur homicide : la cupidité. Dans l’Iliade, chaque fois qu’un Troyen, près d’être immolé sur le champ de bataille, cherche à détourner la mort, il se hâte de promettre une rançon immense[64]. Adrestos devant Ménélas, Peisandros et Hippolochos devant Agamemnon, Dolon devant Ulysse et Diomèdes, Lycaon devant Achille[65], en même temps qu’ils tombent aux genoux de leur adversaire[66] et demandent grâce[67], s’engagent à livrer des bœufs par centaines[68], de l’airain et de l’or, du fer, des objets précieux[69]. Telle est, dans l’Odyssée, la situation des prétendants ; telles sont leurs offres, lorsqu’ils sont au pouvoir d’Ulysse et prennent peur[70]. A la guerre comme dans les querelles privées, accorder à quelqu’un la vie sauve, c’est l’admettre à rançon. En fin de compte, αΐδεσθαι signifie épargner moyennant paiement, et Homère définit ce terme, lorsqu’il fait dire aux suppliants : Ζώγρει..... σύ δ' έξια δέξαι άποινα[71]. Dans les affaires d’homicide, l’αΐδεσις est une transaction par laquelle le coupable évite l’alternative de la mort ou de l’exil à prix d’or. Il reste en son pays après avoir beaucoup payé[72]. Ποινή est le mot qui désigne la dette contractée envers ceux qui veulent bien αΐδεσθαι. On n’a pas toujours été d’accord sur l’étymologie de ποινή. Les anciens la fabriquaient de toutes pièces, la réglant sur l’emploi le plus fréquent du mot : pour Aristarque et Eustathe, ποινή vient de φόνος[73]. De nos jours, quelques-uns ont songé à la racine pû, qui exprime l’idée de pureté : on a établi une relation étroite entre les mots grecs πΰρ et ποινή, entre les mots latins purus, punire, pœna[74]. La ποινή serait ainsi, dès le berceau des races indo-européennes, la punition considérée comme moyen de purification, mais dans toute l’épopée homérique on ne trouve pas trace de cette conception mystique. De vrai, ποινή doit être rapproché de τί ω et des mots apparentés τί-νω, τί-νομι, τι-μάω, τί-σις, τι-μή[75]. La racine commune est ki[76] : elle a passé dans la plupart des idiomes aryens, le sanscrit[77], le zend[78], le lithuanien, l’irlandais. Le π de ποινή n’a rien de surprenant, puisqu’à Cypre τί-σει se dit τεί-σει[79] et que les noms de Πισί-δικος et Πεισι-δίκη, usités à Orchomène et à Lesbos[80] sont de même formation que Τεισί-φονος[81] ou Τισι-φόνη. La substitution de la diphtongue οι à la voyelle ι se retrouve également dans ce mot κοΐος, qui, chez les Macédoniens, voulait dire nombre[82] et qui a conservé le k primitif. Or, dans tous les idiomes, les mots dérivés de cette racine ki expriment l’idée de classer, compter, apprécier, compenser, Pareillement, en grec le radical τι désigne le fait de fixer un prix, priser, estimer (τιμάν) et le fait de donner un prix, payer, dédommager[83]. Compensation, voilà l’équivalent le plus exact de ποινή, si l’on ne consulte que l’origine du terme ; c’est aussi le sens qui convient universellement à ποινή dans la langue de l’Iliade et de l’Odyssée. La compensation est-elle due à raison du crime commis ou du criminel épargné ? Si l’on se bornait à étudier l’emploi homérique du mot ποινή, elle serait la réparation d’un acte, et non la rançon de l’agent. Le rapport indiqué est toujours celui de la ποινή à l’objet pour lequel un dédommagement est dû, jamais celui de la ποινή, au sujet qui a causé le dommage[84]. La ποινή est donc essentiellement une indemnité morale : mais elle est autre chose encore. Il faut la placer dans la procédure de l’αΐδεσις. L’αΐδεσις, l’accommodement entre le meurtrier et les parents de la victime, a pour résultat et pour condition un accord sur la ποινή, sur la compensation due au mort et à sa famille. L’αΐδεσις est une grâce que la partie lésée fait à la partie adverse moyennant paiement, mais le paiement se mesure à la gravité de la lésion. La ποινή est un dédommagement ; mais l’offenseur ne consent à fournir ce dédommagement que pour sauver sa vie. Il n’y a pas d’αΐδεσις sans ποινή ; il n’y a pas de ποινή sans αΐδεσις. La ποινή est donc le prix du sang, servant de prix de rachat. Dans la guerre ouverte à la suite de l’homicide, c’est une indemnité pour la perte subie et tout ensemble pour la renonciation au droit de vengeance. Nous sommes donc amenés à reconnaître que la composition, chez les Grecs, procède d’un principe double. Ce résultat doit être défendu contre une théorie qui tendrait, au nom du droit comparu, à le déclarer contradictoire[85]. Un prétend que chez les Aryens et chez les grecs en particulier, la composition est uniquement le prix du sang versé. On considère même comme l’indice d’une affinité morale et juridique avec les nations de l’Asie Orientale le simple fait qu’un peuple voie dans la composition la rançon du coupable. En Europe, dit-on, le meurtrier paie pour la mort de la victime, non pour sa propre vie. Si cette observation devait être érigée en une loi absolue et universelle, l’origine aryenne du peuple hellénique démentirait nos explications sur les caractères primitifs de l’αΐδεσις et de la composition. Mais, quand un examine de près l’institution des réparations pécuniaires, il n’y a point à établir de distinction essentielle entre les deux races qui ont dominé l’Europe et L’Asie. Partout la composition varie selon le rang de la victime[86] et salon le rang du coupable : elle est à la fois la rançon du meurtrier et le prix du sang vergé. Elle est la combinaison de deux éléments, dont le dosage n’est pas partout le même, mais qui se retrouvent partout. Si les Magyars, qui ne sont point aryens, demandent aux homicides de se racheter juxta æstimationem capitum suorum[87], s’ils exigent du noble un honomagium supérieur à celui du soldat et du vilain, ils tiennent aussi un large compte de la personnalité du mort et admettent une diminution pour le meurtre d’un esclave ou pour le meurtre d’une femme par son mari. Si les nations germaniques tarifent le crime d’après le wehrgeld de l’homme tué, un historien éminent a néanmoins pu soutenir que pour elles la composition est un rachat, non pas rachat du crime commis, mais rachat de la peine encourue ; non pas rachat de la victime, mais rachat de la vie du coupable[88]. En réalité, chez tous les peuples qui ont remplacé la vengeance du sang par la composition, ce système nouveau implique une dualité de principes : il faut une compensation à la mort de la victime, il en faut une à la vie du meurtrier[89]. Il est vrai que les Aryens semblent généralement accorder plus d’importance à l’un de ces principes qu’à l’autre[90]. Mais d’où vient cette prédilection ? Il faut se garder d’y voir un caractère de la race. Le phénomène est bien moins ethnologique que politique et social. Qu’on ne parle point ici de différence primordiale, catégorique, dans le tempérament moral de doux familles humaines. Qu’on considère plutôt que nos documents nous font connaître l’usage de la composition chez la plupart des Aryens à une époque où la composition, autorisée ou commandée par les tribunaux de l’État, était déjà bien distincte de ce qu’elle avait été dans les premiers temps. Nous n’avons même quelques détails sur cette pratique que par des codes de lois, des tarifs officiels. Fait à remarquer ; car une société est déjà relativement vieille, qui sent le besoin de rédiger ses coutumes ; une autorité est déjà relativement puissante, qui réglemente les conventions entre particuliers et fait brèche au droit de la famille. Il est donc assurément téméraire, parce qu’on a reconnu un certain caractère à une institution qu’on voit à son déclin chez les peuples mûrs, d’attribuer le même caractère à cette institution à peine née, en concluant de ces peuples à tous les peuples de même origine. Une société qui se modifie, modifie ses idées juridiques. L’accommodement à conclure est conçu de tout autre façon par l’offensé, suivant qu’il croit à son entière indépendance et à la pleine souveraineté de sa famille, ou qu’il a conscience de faire partie d’une communauté plus grande. Ce n’est pas la race qu’il faut regarder, c’est le degré de civilisation, c’est le progrès de la juridiction publique. A tout moment de l’évolution, la composition est à la fois un dédommagement pour la partie lésée et une rançon pour l’offenseur épargné ; mais elle est surtout envisagée comme prix de rachat dans les débuts et plus tard comme prix du sang. C’est précisément à cette transformation qu’on assiste chez les Grec, en suivant l’histoire du mot ποινή. A l’origine, tant que l’organisation des γένη, conserve sa force, la compensation due en cas de meurtre, c’est presque toujours la mort du meurtrier. Des représailles, pas de réparation. Les représentants naturels de la victime ne peuvent guère accorder la paix sans qu’il y ait une victime nouvelle. En ces temps où les institutions demandent du sang pour du sang, où les mœurs exigent qu’un homicide soit la réponse à un homicide, la ποινή, loin de désigner la composition, désigne tout juste le contraire. Elle est ce qu’elle restera dans les relations internationales[91], une vengeance. Fournir une ποινή, c’est mourir[92]. Si, par exception, on parvient à éviter la ποινή, c’est qu’on paie de quoi échapper à la ποινή, τά άπό ποινής, τά άποινα[93]. Ainsi, la composition apparaît d’abord comme la rançon de l’offenseur. Sans doute on n’oublie pas la cause de la lutte engagée, puisque la ποινή dont l’offenseur se rachète par les άποινα est justifiée par l’offense. Mais, comme les ramilles contractantes sont des groupes politiques dont les relations sont d’ordre internationale, la composition, qui tient lieu subsidiairement de dommages-intérêts pour le passé, est surtout dans le présent le prix payé pour racheter une vie. A mesure que les liens du γένος se relâchent, que la communauté s’élargit, par un double effet de cette seule cause, l’offenseur est abandonné des siens, mais, par contre, au lieu d’avoir à faire à des ennemis dont la haine à quelque chose de national, de patriotique, il trouve en face de lui ses concitoyens. La partie offensée est plus facile à la réconciliation. Elle songe plus souvent qu’il peut y avoir une autre réparation du meurtre commis qu’un second meurtre. La compensation recherchée sous le nom de ποινή n’est plus à l’ordinaire la vengeance, mais la satisfaction pécuniaire. Le mot qui désignait les représailles joint à ce sens celui de composition[94]. Ποινή se substitue même peu à peu en cette acception à άποινα. Par άποινα on entend toujours une rançon de guerre ; mais cette rançon est le plus souvent payée par l’étranger vaincu en échange de la vie, par l’étranger captif en échange de la liberté. Jadis la composition avait pour but principal de racheter la tête du meurtrier ; désormais elle a plutôt le caractère d’une indemnité dévolue à la famille de la victime. Elle n’a pas, pour cela, dépouillé son ancien caractère de rançon. La mimique de l’αίδεσις, est la même pour le meurtrier que pour le guerrier. Si généralement on appelle ποινή la dette de l’un, et celle de l’autre άποινα, ce dernier terme continue pourtant de désigner l’obligation délictuelle. L’Iliade[95] présente deux épisodes, deux tentatives de conciliation, où il est question de réparation matérielle pour une offense semblable[96], et la réparation porte ici le nom de ποινή, là celui d’άποινα. Dans un de ces cas, Hélène doit être rendue à Ménélas[97] ; mais, cause de la querelle[98], elle n’est plus la seule fin de la lutte[99] : il doit, de plus, être payé aux Argiens une indemnité qui est appelée ποινή[100]. Dans l’autre cas, il ne suffit pas non plus que Briséis suit restituée à Achille[101] ; l’offenseur lui promet encore des présents agréables[102], qui sont qualifiés άπιρείσι' άποινα[103]. En considérant surtout l’homicide, nous avons pu observer que la composition s’élève ou s’abaisse suivant la position sociale de l’offenseur et suivant la gravité de la lésion. Mais cette gravité peut être appréciée différemment. Il est des infractions qui causent plus encore un dommage moral qu’un dommage matériel. L’homicide même, dans une société qui repose sur l’inégalité des hommes, est plus ou moins outrageant selon la classe à laquelle appartient la victime et selon les circonstances du crime. Voilà pourquoi la composition, dans laquelle nous avons déjà reconnu une compensation et une rançon, renferme encore un prix de l’honneur. Nous avons vu que la somme payée pour le rapt d’une femme est appelée ποινή ou άποινα ; elle est appelée aussi τιμή[104], lorsqu’elle a plus spécialement le caractère d’une satisfaction ϋβριος εϊνεκα[105]. Quand Eurymachos propose une transaction à Ulysse au nom des prétendants, il offre, non pas seulement de l’airain et de l’or, à litre de restitution, en retour des déprédations commises, mais, indépendamment de ces dommages intérêts, une τιμή consistant en bœufs[106]. Et, si ποινή est synonyme d’άποινα dans une affaire de rapt, si la composition est une rançon quand la vie du coupable ne semble nulle part menacée, à plus forte raison, la même idée doit-elle se retrouver dans l’engagement que prend un meurtrier, jusque-là voué à la mort. La composition est appelée le plus fréquemment ποινή, parce que le plus grand nombre de personnes intéressées y voit une indemnité pour le préjudice subi, le prix du sang ; mais elle s’appelle encore άποινα, comme jadis, parce qu’une personne au moins y trouve un moyen de salut et y voit le prix du rachat. Dans les deux exemples que nous venons de tirer de l’Iliade, c’est le même homme, c’est toujours Agamemnon qui parle : lorsqu’il demande la restitution d’Hélène, il est partie prenante et dit ποινή ; lorsqu’il propose la restitution de Brinéis, il est partie payante et dit άποινα. La ποινή de l’offensé et de sa famille sert d’άποινα à l’offenseur. La chose reste constante ; le point de vue se déplace, le nom varie. Le montant de la composition homérique dépend donc de plusieurs éléments. 1° Elle est, avant tout, la réparation matérielle du préjudice causé, et c’est par là qu’elle mérite son nom ordinaire de compensation, ποινή. 2° Elle est aussi la réparation morale de l’outrage ; à ce titre, elle s’appelle le prix de l’honneur, τιμή, et varie selon le rang de l’offensé. 3° Comme le crime met en danger les jours du coupable, elle n’est pas seulement une ποινή et une τιμή, elle est encore une rançon, άποινα. En résumé, la composition est une obligation délictuelle qui se proportionne, d’une part, à la gravité quantitative et qualitative de la lésion qui la nécessite, d’autre part, à la position sociale des deux parties contractantes. A quelque époque qu’on la prenne, la composition chez les Hellènes répond à des besoins divers. Elle vient s’opposer au principe universellement admis, que tout homicide est suivi d’un choc en retour qui tue le meurtrier : il faut donc qu’elle offre au moins les mêmes avantages que la vengeance du sang. Pour l’offenseur, nulle hésitation : il ne demande, lui, qu’à racheter sa tête au prix de sa fortune. Mais les offensés ? La vengeance du sang est d’abord une satisfaction posthume pour la victime : le mort se réjouit en son cœur de ne pas aller seul chez Hadès[107], et, plus est nombreux le cortège des ennemis immolés à sa gloire, plus grande est sa joie[108]. La vengeance du sang est aussi une réparation due aux parents de la victime, une réparation matérielle qui rétablit l’équilibre entre les γένη, une réparation morale qui leur donne l’âpre plaisir de la haine triomphante et du devoir accompli. La composition doit donc d’abord agréer au mort et lui profiter : sous une forme ou sous une autre, il lui revient une part convenable[109]. La composition doit, de plus, signifier que la famille lésée a puisé dans la conscience de son devoir l’énergie nécessaire pour revendiquer son, droit, et dans la solidarité de ses membres assez de force pour léguer un fier exemple aux hommes futurs[110]. Vengeance du sang ou composition, la ποινή, est pour les morts et pour les vivants[111]. III. — Droits de la famille en matière d’αΐδεσις et de ποινή. Jusqu’ici nous avons reconnu dans l’αΐδεσις une libre transaction entre l’offenseur et la partie offensée, dans la ποινή une compensation librement fixée par les adversaires. Pas trace d’intervention étrangère. Mais nous n’avons examiné ces contrats ex delicto que d’une façon abstraite et théorique. Il se peut que les parties contractantes ne soient pas souveraines l’une en face de l’autre partout et toujours. Il faut voir par le détail pratique : 1° qui décide si en l’espèce il y a lieu ou non à un accommodement ; 2° comment et par qui est déterminé le montant de la composition. La légende et l’épopée présentent en foule des exemples de querelles terminées par des contrats réels sans intervention de la cité, ou d’offres rejetées par l’offensé sans appel possible pour l’offenseur. Les accords conclus entre Héphaïstos et Arès[112], entre Thésée et Pirithoos[113], ne nécessitent pas le concours d’un tiers arbitre. Achille refuse les présents d’Agamemnon, Ulysse dédaigne les promesses des prétendants, Eurytos renvoie Hermès avec la ποινή proposée par Héraclès[114], et ces décisions implacables sont définitives. Mais toute énumération d’accords ainsi conclus entre particuliers est impuissante à prouver qu’il n’y ait pas eu, à un certain moment de la période héroïque, une juridiction chargée de prononcer sur les délits passibles de ποινή[115]. On devra peut-être condamner cette hypothèse. Mais encore convient-il de vérifier si elle ne semble pas confirmée par les parties les plus récentes des poèmes homériques. Dès l’abord, un sauge aux deux passages de l’Iliade où il est formellement parlé de composition pour homicide[116]. Ce sont le discours d’Ajax à Achille au chant IX et la scène judiciaire figurée sur le bouclier d’Achille au chant XVIII. Même pour le meurtre d’un frère, dit Ajax, on accepte une compensation, ou pour un enfant mort. L’offenseur reste en son pars, après avoir beaucoup pavé ; l’offensé contient son âme et les virils élans de son cœur, après avoir reçu la compensation. A ne considérer que ces quelques vers, on pourrait croire que le représentant de la victime est contraint à transiger par une force supérieure. Mais la description du poète se comprend, sans qu’il faille imaginer une pression quelconque exercée sur les particuliers. Un homme lésé dans ses intérêts et blessé dans ses affections a bien assez besoin, même pour un pardon payé, de faire effort sur lui-même et de refouler ses vrais sentiments. Un consentement peut être volontaire, sans litre spontané. Qu’on jette, d’ailleurs, un coup d’œil sur le contexte. Ajax reproche à Achille de refuser une réconciliation pour un simple rapt, tandis qu’an admet à rançon les meurtriers des êtres les plus chers. Bien ne prouve ici que la justice sociale intervienne à quelque titre et de quelque manière que ça suit, ni pour imposer ou conseiller un accommodement, ni pour indiquer le montant de la composition. L’autre texte va-t-il être moins négatif ? C’est un document capital que la description du bouclier d’Achille : le poète nous représente là une scène unique, enveloppée malheureusement d’une profonde obscurité. Un procès grave se débat sous nos yeux. Mais quelles sont les prétentions des parties, et, par suite, quelle est l’autorité des juges ? La question n’a point reçu de réponse catégorique. Voici ce qu’en dit le poète : ..... Δύο δ' άνδρες ένείκεον εΐνεκε ποινής άνδρός άποφθιμένου . ό μέν εΰχετο πάντ' άποδοΰναι, δήμω πιφαύσκων, ό δ' άναίνετο μηδέν έλέσθαι. Selon l’opinion classique[117], l’un des adversaires allume avoir acquitté intégralement le prix du sang, l’autre nie avoir rien reçu : par conséquent, les γέροντες jugent au civil si ποινή a été payée. Selon une interprétation plus récente[118], l’un veut tout payer, l’autre refuse de rien recevoir : par conséquent, le tribunal statue au criminel sur la question même de la ποινή. La grammaire ni la philologie ne peuvent être ici d’aucun secours[119]. Il suffit de parcourir les lexiques homériques pour trouver au verbe εΰχισθαι le double sens qui lui est attribué. Si l’on trouve plus fréquemment άναίνομαι dans le sens de refuser, on a plusieurs exemples du mot dans le sens de nier[120]. Enfin, l’aoriste άποδοΰναι convient mieux au rappel du passé qu’à un engagement ; mais il n’est pas impossible non plus que l’aoriste soit destiné à exprimer le futur ou le présent[121]. Il ne reste donc qu’à voir si l’une ou l’autre des hypothèses émises cadre exactement avec le contexte et avec la vie homérique. La première soulève plusieurs abjections. D’abord elle n’explique guère l’intérêt violent, général, qu’excite la querelle : Ainsi,... toute cette scène se réduit à un procès vulgaire sur la réalité d’un payement, C’est une simple question de quittance. C’est pour cela que le peuple se passionne et prend parti ![122] Ensuite, au lieu d’envisager la texte en lui-même comme un récit que le poète ferait pour son compte, voyons-y, comme de juste, la description d’une œuvre d’art. Chaque détail est censément reproduit par la ciselure : on ne doit pas seulement tout comprendre dans ces tiers, on doit tout voir ; or, comment figurer deux personnes dont l’attitude, la mine, le geste soient assez expressifs, pour qu’on reconnaisse aussitôt des types aussi complexes que le débiteur récalcitrant ou libéré et le créancier sans pitié ou sans fui ? La seconde interprétation échappe à ces critiques. Qu’on l’admette un instant. Dès lors, la scène est d’un intérêt saisissant. Il s’agit de savoir si les deux familles sont en paix ou en guerre, si les parents du mort renonceront à leur droit de vengeance. Il n’est pas de question plus grave chez les peuples primitifs qui pratiquent les guerres privées et la vengeance du sang[123]. Dès lors, aussi nous sommes en présence d’une de ces situations simples et fortes, riches d’expression, qui conviennent bien aux arts plastiques[124]. Malheureusement, dans les nombreux cas d’homicide qu’on relève chez Homère, si le meurtrier est réduit à s’exiler, c’est que le vengeur refuse toute rançon de sa propre initiative et de sa pleine autorité. Nulle intervention de la société : la famille lésée ne prend conseil que de son intérêt ou de son ressentiment. Dira-t-on que la prérogative de l’offensé n’est pas violée, s’il l’abdique spontanément et momentanément entre les mains d’un arbitre ou d’un juge, si l’arbitre ou le juge n’a pas qualité pour se saisir lui-même[125] ? Soit : en droit, il est loisible au vengeur de suspendre, d’aliéner son pouvoir discrétionnaire. Mais, en fait, s’il refuse la rançon qu’on lui propose, pourquoi soumettrait-il à un tiers une décision souveraine ? Pourquoi cet homme en qui gronde une passion sanguinaire s’infligerait-il l’humiliation de demander, au risque d’un échec, le droit qu’il possède ? Non, dès l’instant où son offre est rejetée, le meurtrier n’a plus qu’à enfuir : rester, pour réclamer un arbitrage, serait un suicide. Dans le tableau tracé sur la bouclier d’Achille, si le vengeur du sang n’admet pas de composition, il n’y a plus lieu à une médiation judiciaire, et, du coup, la scène qui suit devient incompréhensible. Ainsi, nous sommes amenés à écarter les deux explications proposées jusqu’à ce jour. Si l’on va au fond des arguments qui les détruisent l’une après l’autre, on trouve que la première n’est pas assez dramatique et que la seconde substitue violemment dans les affaires criminelles la justice sociale à la vengeance privée. Nous voilà prévenus des objections que devra éviter toute hypothèse nouvelle ; mais par là même, nous sommes en état d’entrevoir les caractères principaux du procès qui nous occupe. Il faut qu’il appartienne à la catégorie des causes civiles, et que toutefois il provoque ce déchaînement de haine et d’épouvante qui est l’effet de l’homicide chez les peuples jeunes. Il faut que sous une simple question de quittance il y ait une question de vie et de mort. Cette double condition peut être remplie. Quelles conséquences, en effet, doit entraîner le non-paiement du prix du sang ? Quand l’offensé consent à épargner l’offenseur moyennant un certain nombre de femmes, de bœufs ou de chevaux, le contrat intervenu opère entre les deux parties une obligation réciproque : c’est un contrat synallagmatique sous condition résolutoire. Si donc la composition n’est pas payée dans les délais fixés, par cela même que le débiteur n’a pas fait honneur à sa parole, le créancier est dégagé de la sienne, et la situation respective des adversaires se retrouve ce qu’elle était avant la conclusion de l’accord. Une convention pour ποινή, entre particuliers est, à l’époque héroïque, ce que sera plus tard un traité entre États. Si l’un des contractants manque à la foi donnée, l’autre n’a aucun moyen de contrainte juridique à son profit[126] ; il ne peut que se dédire à son tour d’engagements pris à titre conditionnel, et suppléer aux voies de droit par les voies de fait : la guerre recommence. Et maintenant qu’on se ligure le cas oit le vengeur du sang prétend que les promesses faites n’ont pas été tenues, où le meurtrier prétend avoir donné toute satisfaction. On ne peut imaginer dans la vie antique de crise plus violente, de péripétie plus poignante pour la cité entière. Les hostilités, un instant suspendues, menacent d’éclater à nouveau les deux ennemis, qui déjà se résignaient mal à une transaction, échangent des injures, en attendant qu’ils se cherchent les armes à la main. Cependant, comme il s’agit en somme de savoir si le débiteur s’est acquitté ou non, comme le fond du débat est une question de lait, comme les questions de ce genre sont, à l’ordinaire, résolues par un arbitrage agréé des parties elles-mêmes, l’affaire, si importante qu’elle soit par ses conséquences, peut être réglée devant une juridiction librement acceptée. Ainsi, le tribunal devra prononcer sur une cause civile ; mais que de suites pourra entraîner sa décision ! Quelle différence dans la situation du meurtrier, selon que sa défense sera accueillie favorablement ou rejetée ! Dans les hypothèses émises jusqu’aujourd’hui, il sera quitte ou devra payer, il sera admis à rançon ou devra s’exiler. Dans notre hypothèse, l’écart est bien plus grand, et le drame plus pathétique : il peut y avoir une sorte d’acquittement pur et simple, il peut y avoir un jugement de condamnation entraînant l’esclavage ou la mort. Nous retrouvons ainsi dans la Grèce héroïque une conception juridique qui prédomine dans toutes les sociétés primitives. Partout où existe le système de la vengeance privée, l’offensé reprend son droit naturel, dès que l’offenseur ne livre pas la compensation promise[127]. Même quand la justice sociale a fait assez de progrès pour fixer elle-même le taux de la composition, l’inexécution du jugement annule la procédure et livre la partie condamnée aux mains de son adversaire. Qui non habet unde luat in ære, luat in cute. Chez les Francs[128], le débiteur insolvable d’une composition est livré au créancier, si ses parents sont hors d’état de payer pour lui. De sua vita componat, c’est la règle absolue[129]. Le droit de vengeance se trouve alors formellement consacré par la loi ; il prend le caractère d’une exécution judiciaire. L’effusion du sang du meurtrier est déclarée légitime, parce que la réparation légale est devenue impossible[130]. Cette conception de la vengeance érigée en institution légale contre l’insolvable réparait chez les autres peuples germaniques[131], chez les Suédois[132] et les Norvégiens[133], chez les Slaves[134], les Celtes[135], les Ossètes[136], et c’est elle qui dictait à Rome la fameuse prescription des Douze-Tables : Partes secunto. Si plus minusve secuerint, sine fraude esto[137]. Qu’une pareille coutume ait existé en Grèce, c’est ce dont il est impossible de douter. Bien des siècles après Homère, les vestiges en subsistent dans les cas oit subsiste, plus ou moins visible, lu vengeance privée. Dans la loi de Gortyne, le séducteur surpris en flagrant délit peut se faire racheter par ses parents ; mais s’il n’est pas racheté dans les cinq jours, le mari outragé en fait sa volonté[138]. Ce droit de vie et de mort peut être suspendu par un procès[139] ; mais la condamnation du débiteur le met définitivement à la merci de son implacable créancier. En droit attique, la règle générale est que l’époux trompé a sur l’offenseur un droit discrétionnaire[140] ; mais quand il a préféré une satisfaction pécuniaire à une vengeance sanglante, il est exposé à une action άδίκως είρχθήναι ώς μοιχόν, et, suivant l’issue du procès, la prétendue dette est déclarée éteinte, ou la personne du débiteur livrée au créancier[141]. Enfin, l’esclavage pour dettes et la contrainte par corps, ces moyens d’exécution qui se sont toujours conservés eu Grèce, ne font que des adoucissements progressifs au droit du créancier sur la vie du débiteur et, à cause de leur origine, ne peuvent être pratiqués qu’après un jugement de condamnation[142]. Par une rencontre qui n’a rien de fortuit, on peut donc voir dans le titre de la Loi Salique sur la chrene cruda le véritable commentaire du texte homérique. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un litige civil, mais dont les effets sont, par contrecoup, ceux d’un procès criminel. Chez tous les peuples qui nous ont laissé des fragments de leur législation primitive, c’est d’abord sous la forme indirecte d’obligations contractées à la suite des délits que les délits mêmes ont été jugés[143]. Les arbitrages qui ont été les premières manifestations d’une juridiction rudimentaire ont porté, non sur le fond des affaires criminelles, mais sur les contrats qui en étaient issus, non sur la question principale de culpabilité, mais sur la question subsidiaire de solvabilité ou de quittance. C’est là une phase par ois passent nécessairement les sociétés humaines. Les Hellènes n’ont pas échappé à la loi commune. Qu’on donne aux notions de droit renfermées dans l’Iliade la signification et la date logique qui leur conviennent ; on reconnaîtra que la juridiction criminelle a eu la même genèse en Grèce que dans les autres pays. Le poète qui a décrit le bouclier d’Achille vivait au début de cette évolution, dans un milieu infiniment curieux où déjà se préparait le régime de la répression sociale, mais où dominait encore et-lui de la vengeance privée. C’est à son γένος, ce n’est pas à l’État que la partie offensée demandait de soutenir son droit à la ποινή. Il a intérêt à le faire : autrement, il n’obtiendrait rien de l’adversaire. Il est obligé de le faire ; car accepter un compromis, c’est renoncer à la vengeance, et un seul ne peut pas renoncer au droit de tous. De son côté, l’offenseur a l’avantage de ne pas être soumis à l’arbitraire individuel. Il a besoin, lui aussi, de garanties. Qui répond au meurtrier qu’après un vengeur qui se sera laissé apaiser à prix d’argent, ne surgira pas un autre vengeur ? Ainsi celui qui traite au nom d’une ramille lésée doit avoir pleins pouvoirs d’agir au nom de, tous ou en référer au groupe qu’il représente. L’αΐδεσις a donc pour condition le consentement unanime du groupe lésé. On nous dit, en parlant d’une société bien différente des Hellènes, mais qui a conservé les institutions familiales de l’âge homérique, que le pardon doit être accordé par la famille entière, parce que les opposants auraient le droit de prendre la vengeance pour leur compte[144]. C’est la règle αίδέσασθαι άπαντας, ή τόν κωλύοντα κρατεΐν[145]. Mais, avant d’être recueillie par Dracon dans le code athénien, cette règle n’était pas du tout comprise rte la nième façon. D’abord, les personnes dont un demandait l’avis étaient bien plus nombreuses. Il suffit à Dracon que l’accord s’établisse entre le père, le frère et les fils, et, seulement à leur défaut, entre leurs parents ; jusqu’au degré de cousin. A l’origine, tous les membres du γένος étaient appelés à exercer le droit du vengeance : tous devaient donc, sous une forure ou une autre, faire connaître leur désistement. Ensuite, l’alternative à laquelle s’oppose l’αΐδεσις et à laquelle la famille n’échappe qu’à l’unanimité, c’est bien à toutes les époques la vengeance ; mais à partir du jour où existent des tribunaux, c’est la vengeance autorisée par l’Etat, la simple poursuite en justice, tandis qu’auparavant c’était purement et simplement la vengeance du sang. Si les lois de l’Etat peuvent exiger de la famille une entente unanime pour l’autoriser à un compromis qui est devenu son droit maximum, c’est parce que les coutumes des γένη posaient la règle τόν κωλύοντα κρατεΐν pour le cas où les intéressés renonçaient à tuer l’offenseur et ne résignaient à leur droit minimum. Cette nécessité d’un consentement universel a pour conséquence la publicité du contrat intervenu entre les deux parties. C’est là le plus grand obstacle aux abus de l’αΐδεσις ; c’est par là que le sentiment de l’honneur peut le plus facilement combattre la cupidité. Dans bien des cas, en effet, les sociétés primitives jugent que la vengeance brutale est moralement supérieure à la composition[146]. La défaveur s’attache à qui trafique trop légèrement d’un mort. Arabes[147] et Kabyles[148], Afghans[149] et Tcherkesses[150] sont très chatouilleux sur ce peint. Je ne veux pas porter mon fils dans ma bourse, disait l’homme du Nord[151]. Le Grec de l’épopée éprouve le même scrupule. Même à la guerre, il n’accepte pas volontiers de rançon[152]. Dans une vendetta, il lui en coûte beaucoup de refouler sa haine[153]. Il a peur de mécontenter l’autre là-bas, qui s’impatiente dans sa tombe[154]. Eurytos refuse la ποινή de son fils Iphiclos, qu’Hermès lui apporte de la part d’Héraclès[155]. Achille, au moment de consentir au rachat d’un cadavre détesté, supplie Patrocle de lui pardonner sa faiblesse[156]. Pour que la victime se résigne, il lui faut au moins u part de la somme reçue[157] : au sang de l’homme épargné est substitué, comme offrande, du sang de bête. Malgré l’opinion atavique, deux faits contribuèrent à faire prévaloir le système de la réparation. L’un est un lait économique : le développement du commerce produisit de grandes fortunes, qui rendirent possibles les propositions alléchantes[158]. L’autre est un fait psychologique : on s’habitua peu à peu à distinguer parmi les crimes ceux où la responsabilité remontait par delà l’homme à l’inexorable Atè, ceux où les divines Prières, laides et douces, pouvaient exercer une intervention d’impérieuse bienfaisance[159]. Si la société n’a pas conquis avant le VIIIe siècle le droit de contraindre les parties au paiement ou à l’acceptation d’une ποινή, n’a-t-elle pas au moins le droit d’indiquer aux parties le prix de chaque délit ? Partout où le chiffre de la composition est fixé soit par l’Etat soit par la coutume, on remarque un système d’indemnités graduées invariablement selon la gravité de l’offense, et puis aussi selon le rang de l’offensé et de l’offenseur. La justice publique fait son apparition dans l’histoire du droit en imposant des pénalités pécuniaires d’un taux détermine. L’identité des dommages-intéréts, quand les circonstances sont identiques, leur augmentation ou leur diminution calculée suivant des procédés simples et constants : voilà ce qui caractérise, d’après les premières législations de tous les peuples, l’intervention de la société dans les règlements de comptes consécutifs à des crimes. On voit quelque chose d’analogue chez les Grecs dès l’époque homérique. Nous avons pu discerner, en effet, dans l’Iliade et l’Odyssée, les divers éléments de la composition. Doit-on en conclure à une certaine fixité des obligations délictuelles ? La question est d’abord de savoir si, à l’époque homérique, les éléments de la composition étaient combinés par des juges. Dans la légende attique, Pirithoos, après avoir enlevé les bœufs de Marathon, au lieu d’engager la bataille avec Thésée, lui tend la main et le prie d’arbitrer lui-même le dommage, acceptant à l’avance sa décision[160]. Dans une scène de l’Odyssée qui n’a rien de judiciaire, les prétendants proposent spontanément à Ulysse de lui payer, outre une τιμή individuelle en bœufs, telle quantité d’or et d’airain qu’il désirera[161]. Ulysse refuse : il ne renoncera pas au plaisir de la vengeance, dussent ses ennemis lui offrir comme dédommagement leur patrimoine entier et comme supplément tous leurs acquêts présents et à venir[162]. Voilà une composition dont on démêle très clairement les différentes parties, et qui cependant n’est fixée par aucune juridiction, par aucune loi. En était-il toujours ainsi ? C’est un fait frappant que la ποινή, dans Homère, est toujours d’une très grande valeur. Il faut beaucoup payer, quand on renvoie une femme mariée à la maison paternelle sans motifs suffisants[163] ; il faut a beaucoup payer s pour désarmer le vengeur du sang versé[164]. Si l’expression est naïve, elle n’en est que plus juste. On sait ce qu’il doit en coûter à Agamemnon pour faire sa paix avec Achille : ces présents agréables[165] et illustres[166], cette immense rançon[167], ce sont a sept trépieds qui n’ont point été au feu, dix talents d’or, vingt bassins reluisants, douze chevaux vigoureux, qui courent aux courses et qui ont remporté des prix par leur vitesse[168]..., sept femmes expertes en travaux irréprochables... et d’une beauté à vaincre tout ce qui est femme[169] ; ce seront, après la prise de Troie, vingt captives[170], puis en or et en airain de quoi charger un vaisseau[171]. La τιμή offerte par les prétendants à Ulysse, outre une énorme indemnité en métaux précieux, est de vingt bœufs par personne : comme ils sont au nombre de cent sept[172], leur proposition ne laisse pas que d’être fort honnête. Considérons la composition, non comme ποινή un prix du sang, mais comme άποινε ou rançon du meurtrier ; nous constaterons encore qu’elle atteint un taux fort élevé. Pour racheter la mère d’Andromaque ou la fille de Chrysès, on donne ou l’on offre d’immenses[173], de brillantes[174] rançons. Pour délivrer des prisonniers de guerre, il faut acquitter leur juste valeur[175], qui est toujours immense[176], en fer[177], en airain[178], en or[179], en objets rares[180]. Voici des renseignements plut explicites. Lycaon est précisément un de ces hommes pour qui l’on paie beaucoup[181] : après avoir valu à Achille une hécatombe, il en offre trois pour se racheter une seconde fois[182]. Ce n’est qu’un cadavre que vient demander Priam dans la tente d’Achille, et pourtant il apporte beaucoup[183], lui aussi, pour réjouir le cœur[184] du Grec : à savoir, douze voiles de merveilleuse beauté, douze manteaux simples, autant de tapis, autant de celles pièces d’étoffe et, de plus, autant de tuniques,... de l’or, en tout dix talents bien pesés, puis une coupe de merveilleuse beauté[185]. Enfin, Priam vivant vaudrait bien trois fois la rançon d’Hector mort[186]. Il est vrai que nous sommes là en pleine épopée. On ne peut pas toujours conclure des chefs à tous les membres d’une société. Mais cet inconvénient, d’ailleurs inhérent à presque tous les documents homériques, n’est pas bien gave pour la question particulière qui nous occupe. Dans la vie quotidienne aussi bien que dans les fictions de la poésie, seuls les hommes les plus opulents pouvaient subvenir aux frais de la composition. L’αΐδισις était une faveur qui se payait cher : il fallait aux offensés de très sérieuses raisons pour renoncer à leur vengeance[187]. Cependant il y a dans l’Iliade un texte d’où pourrait résulter qu’en certains cas la ποινή étant très modique. Dans la scène judiciaire figurée sur le bouclier d’Achille, on voit, déposés au milieu du cercle formé par les anciens, deux talents d’or[188]. N’est-ce pas l’objet du différend, la ποινή à propos de laquelle se disputent le meurtrier et le plus proche parent de la victime ? Il n’est pas impossible a priori que le prix du sang, le montant de la dette, soit consigné par le débiteur entre les mains des juges. Il reste à voir si, dans l’état économique de la Grèce à l’époque d’Homère, deux talents d’or ont pu représenter le prix d’un citoyen. Quelle est la valeur de deux talents d’or[189] ? Elle ne semble pas considérable[190]. Au XXIIIe chant de l’Iliade, le second prix de la course est un bœuf, le troisième, un demi-talent d’or[191]. Deux talents d’or sont donc moins que quatre bœufs. On peut préciser davantage[192]. Dans la course de chars, Achille offre comme quatrième prix deux talents d’or[193]. Le troisième prix étant un bassin d’une contenance de quatre mesures[194], deux talents d’or sont moins estimés qu’un bassin de ce genre. Mais le bassin est de prix médiocre. La description qu’en esquisse Homère[195] rappelle cet autre bassin dans lequel Euryclée lave les pieds des mendiants[196]. D’ailleurs, on sait positivement qu’un bassin aussi neuf, aussi beau et, de plus, couvert d’ornements ciselés, a une valeur égale à celle d’un bœuf, inférieure à celle d’une javeline d’airain[197]. Ainsi, les deux talents d’or valent moins qu’un bassin, qui vaut tout au plus un bœuf[198]. Or, le prix d’une simple esclave est couramment de quatre bœufs[199] et peut s’élever à vingt bœufs[200]. Si un homme du commun ne peut pas valoir les trois cents ni même les cent bœufs qu’on a pavés pour un Lycaon, du moins il doit être coté, lui homme libre, plus haut qu’une esclave. Que son prix soit quatre fois moindre que celui de l’esclave la plus vile, il y a là une impossibilité flagrante. Les deux talents d’or déposés au milieu du tribunal ne sont pas une ποινή. Il n’y a donc point de texte qu’on puisse opposer à ceux qui nous montrent le prix du sang comme étant toujours une forte somme. C’est d’une vraie fortune que le meurtrier doit faire abandon. Pauvre, qu’il s’enfuie ou se résigne à l’inévitable mort. Riche, qu’il s’estime heureux de rester en son pays après avoir renoncé à une bonne part de sa richesse. On ne doit pas se figurer la ποινή comme une amende plus ou moins légère, à la portée de tout le monde[201]. Comment séduire une famille irritée ? comment apaiser une rancune qui demande du sang ? Cela n’est donné qu’à peu de privilégiés. Il faut tenter l’offensé[202], l’éblouir, — et L’offenseur promet ou apporte tout ce qu’il possède de plus beau. Voilà de pesants lingots d’or. Ce n’est pas assez ? Voici encore d’admirables tissus apportés par des marchands étrangers. J’ajoute ces vases ciselés, ornement de la même maison depuis plusieurs générations. A vous mes esclaves : elles sont parmi les plus belles, et bonnes à tous les travaux. Prenez tout ; mais laissez-moi la vie. Et c’est un étalage de cadeaux variés, jusqu’à ce que l’adversaire en perde la tête, jusqu’à ce qu’il en ait le cœur réjoui[203]. La ποινή, c’est une large, parfois peut-être une totale[204] dépossession de l’offenseur au profit de la partie lésée[205]. A la mort juste on n’échappe que par la ruine. Ainsi, la composition, comme la rançon en général, est immense. Elle varie au gré des conventions particulières, selon le genre de biens possédés par la partie payante et selon la rigueur déployée par la partie prenante. Elle peut consister, non seulement en objets et métaux précieux, en têtes d’animaux et d’esclaves, mais en lentilles[206], en farine, vin, rayons de miel, huile et sel[207]. Elle peut être payée par abonnement annuel[208], ce qui explique les légendes de monstres exigeant des tributs réguliers de jeunes gens et de jeunes filles. C’est bien parce que la ποινή est déterminée par la situation respective de deux familles que la vendetta se termine quelquefois par un mariage. Le roi des Lyciens fait sa paix avec Bellérophon en le prenant pour gendre[209]. Les fils d’Aigyptos exigent, pour renoncer à leurs idées de vengeance, que les Danaïdes les suivent[210]. Agamemnon propose à Achille celle de ses trois filles qu’il préférera. Le sentiment n’était pour rien dans ces sortes de mariages ; on le voit bien par le crime des Danaïdes. A une époque où le mari achetait sa femme, une fille de naissance libre avait une valeur vénale, comme une esclave, mais une valeur considérable, surtout si elle était belle. Lorsque Agamemnon promet, outre tant d’objets précieux et tant de captives, la main d’une de ses filles, sans demander les έεδνα et même avec un douaire de sept villes, il ajoute un supplément splendide à une ποινή spontanément offerte[211]. Dans ce genre d’unions, qui fournit la fille ? c’est la famille de l’offenseur : le trait est suffisamment caractéristique[212]. Cependant, la liberté de la famille ne fut pas toujours absolue, même aux temps épiques. Ses droite, souverains à l’égard de l’autorité publique, turent limités dans certains cas par la force morale de la coutume. A la longue se formait une façon de jurisprudence latente, mais très influente, dépourvue de sanction officielle, mais presque imposée par le sentiment populaire, aux prescriptions tout ensemble facultatives et obligatoires. Bien des espèces de compositions devaient être évaluées ainsi. On admettait, par exemple, lu restitution au triple pour l’attentat qualifié à la propriété, ou spécialement pour le rapt d’une captive[213]. Il y avait quelque chose de pareil pour la complicité d’adultère. Dans l’épisode chanté par l’aède Démodocos[214], Arès, surpris avec Aphrodite par Héphaïstos, n’est rendu à la liberté que moyennant une promesse de μοιχάγρια. La procédure est décrite en détail. Toutes les formes d’un engagement solennel sont observées : on discute avec une rigueur vétilleuse le mode de paiement, les garanties. Toutes les questions accessoires sont réglées par des maîtres en l’art de la chicane. Et ils oublient la question principale ! Pas un mot sur le chiffre de la somme due ! Je paierai cette dette, déclare sans plus la caution[215], de même que les témoins, après le constat, ont reconnu à l’époux offensé le droit de réclamer les dommages intérêts au taux le plus fort[216]. C’est donc qu’il n’y a ni doute ni désaccord possible sur ce taux ? C’est donc qu’il y a un tarif établi, connu d’avance ? Oui, mais établi par le consentement universel des γένη et connu par tradition. Arès doit payer, au commandement d’Héphaïstos, tout ce qui est fixé par la coutume des dieux immortels[217]. Voilà un contrat dont les conditions secondaires sont laissées à la discrétion des parties, surtout de la partie offensée, mais dont l’objet même suffit à déterminer la clause essentielle, le quantum de l’obligation. Le silence des intéressés sur la question qui les intéresse le plus prouve que la coutume fournit pour les différents cas possibles des solutions toutes prêtes. Le seul fait du contrat implique l’accord sur le chiffre[218]. Mais de ce que la personne lésée se conforme aux usages établis pour certains dommages plus ou moins graves, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il en soit ainsi pour tous les délits sans exception. L’homicide se place à part des autres attentats. Exceptionnel par sa gravité, il l’est aussi par ses conséquences il force les parents de la victime à se souvenir de tous leurs droits, à mettre en action toute leur puissance. C’est à leur passion qu’ils mesurent la ποινή, et à la fortune du meurtrier. Jamais dans l’Iliade et l’Odyssée ne s’interpose entre le meurtrier et son adversaire aucune force ni matérielle ni morale[219]. Quand, pour toute autre lésion, l’offenseur pouvait sans crainte composer à prix d’argent, pour l’homicide il avait toujours à redouter qu’on ne préférât prendre sa vie ; quand les autres compositions étaient déjà tarifées par la coutume, la composition pour homicide fut longtemps encore déterminée par une convention privée. Décidément la feinte d’archaïsme qui restera toujours attachée à la législation athénienne sur l’homicide se remarque dés l’époque héroïque dans les idées des Hellènes. Le même phénomène de survivance qui fera durer si longtemps les lois de Dracon fait respecter dans la cité nuisante le droit souverain du γένος sur le meurtrier. Il y a là un anachronisme remarquable. Pour en faire ressortir toute l’étranger, il ne suffit pas de comparer le prix du sang aux autres compositions de la Grèce homérique ; il faudrait encore comparer, pour la pratique des compositions, les Grecs aux autres peuples. Constatons au moins qu’en règle générale, dans les sociétés à peine sorties de la sauvagerie primitive et, à plus forte raison, dans celles qui sont assez avancées pour laisser des monuments littéraires nu juridiques, le prix du sang est fixé par l’autorité publique ou par des traditions immuables. Au contraire, dans la Grèce homérique, quand un γένος est aux prises avec un meurtrier pour la fixation d’une ποινή, la vieille constitution des γένη retrouve sa vigueur plutôt latente que perdue, et le droit privé de la θέμις réduit les coutumes de la δίκη à l’impuissance. L’Hellade déjà parée d’une civilisation assez brillante, déjà peuplée d’artistes et de beaux parleurs, en reste pour les affaires de sang à celte période du droit où la justice sociale est sans armes et la coutume implacablement muette. Quoique sans force contre les vengeurs du sang, nous avons vu l’usage devenir capable d’imposer aux parties un tarif d’indemnités pour certaines catégories de lésions. Ce progrès caractérise la fin de l’âge homérique. En effet, les vers placés dans la bouche de Démodocos sont relativement modernes. Ce voyage simulé[220], ruse classique de la jalousie conjugale, cette colère sauvage qui se soulage en cris terribles et qui ne gêne pas la ponctuelle exécution des formalités requises[221], le rire inextinguible des divins spectateurs, qui s’amusent fort des amante penauds et du mari humilié, les plaisanteries égrillardes de la jeunesse Olympienne : tant cela répand un gentil parfum d’ironie légère et sceptique ; tout cela ne va point avec la naïveté grave des siècles primitifs. Dans un autre ordre d’idées, le cautionnement, substitué à l’esclavage du débiteur comme garantie de l’obligation, marque un notable progrès des institutions juridiques. Ce n’est que vers la fin du VIIIe siècle, quand commence ce mouvement des esprits qui devait amener la forte organisation de la cité hellénique, que la coutume a pu exercer une action quasi coercitive. Les parties les plus récentes des épopées homériques présentent donc ce très grand intérêt de nous montrer par quelle transition la ποινή fixée librement par l’offenseur deviendra l’indemnité fixée obligatoirement par l’Etat. Le fabliau de Démodocos relie les siècles où les μοιχάγρια variaient à la convenance de l’époux outragé aux siècles où ils seront assignés par les tribunaux d’après le taux légal. Et la valeur de ce document est d’autant plus grande, que la loi de Gortyne nous permettra d’aller jusqu’au terme de l’évolution. L’épisode chanté par Démodocos se rapporte, d’autre part, à la même époque que la scène judiciaire représentée sur le bouclier d’Achille : la coutume fixait le prix des transactions en même temps qu’elle commençait à faire arbitrer par les représentants de l’État les règlements de ποινή litigieux. Là encore Homère ne permet pas seulement de saisir les linéaments d’une institution qui s’ébauche ; le présent fait entrevoir l’avenir, et il n’est pas impossible de conjecturer comment peu à peu l’arbitre réglant le contentieux des compositions a pu se transformer en juge statuant sur des accusations formelles. En résumé, l’histoire des compositions en droit grec comprend trois périodes, dont la dernière est postérieure aux temps homériques. 1° La composition est la condition, essentiellement variable, d’un traité de paix librement débattu par deux familles souveraines. 2° La composition est la condition d’un accord à peu près imposé aux adversaires par l’opinion publique ; le montant en est conforme aux usages établis ; seule la question de quittance peut donner lieu à un arbitrage, qui doit être accepté par les deux parties. 3° La composition est exigée de l’offensé au profit de l’offenseur par la juridiction sociale, suivant des tarifs empruntés à la coutume et fixés par la loi[222]. |
[1] Aux premiers siècles de Rome, faire une convention, pactum, ou conclure la paix, pacem, c’est une seule et même chose, pacisci ; à la belle époque, un pacte suffira encore à éteindre les obligations civiles nées de délits. De là les dispositions classiques recueillies dans le Digeste, 11, 14, De pactis, par exemple : Quædam actiones per pactum ipso jure tolluntur (Paul, l. c., 17, 1). Cf. Von Ihering, Geist des röm. Rechts, trad., I, p. 198.
[2] Démosthène, C. Aristocrate, 72 ; C. Pantain., 59 ; C. Nausim., 22 ; C. Macart., 57 ; I. J. G., n° XXI, l. 13-19 ; Platon, Lois, IX, p. 860 A-B, 867 E.
[3] O. Müller, p 134, a quelques mots intéressants sur l’αίδώς. Il faut citer surtout l’étude de L. Schmidt, I, p. 168-184, 208-219. A consulter encore, Nigelsbach Autenrieth, p. 270-271, 294-297 ; Buchholz, III, II, p. 179-182 ; Eug. de Faye, Et. sur les idées rel. et mor. d’Eschyle, p. 76-78. Mais on n’a point essayé encore de suivre la filiation du mot en étudiant d’après Homère les différentes manifestations du sentiment.
[4] Έν φρεσίν ou έν θυμώ (Iliade, X, 237 ; XIII, 121 ; XV, 561, 661 ; XXIV, 40, 44), Pott, Etym. Forsch., IV, p. 671 ss., tire αΐδομαι de la même racine que οΐδα et αίσθάνμαι.
[5] Iliade, VI, 335, 351 ; Odyssée, II, 136 ; XXII, 40. Cf. Iliade, XV, 115 ; Odyssée, I, 288 ; II, 101 ; XIX, 146, 169 ; XXIV, 136.
[6] L’αίδώς et le νέμεςις sont souvent rapprochées l’une de l’autre : voir Iliade, XIII, 122 ; Hésiode, Œuvres et jours, 200 ; cf. Iliade, XI, 649 ; XVII, 93-93 ; XXIV, 43, 53 ; Odyssée, II, 64, 65.
[7] Dans Hésiode, l. c., 192, l’αίδώς est rapprochée de la δίκη et opposée aux voies de fait.
[8] D’où la définition de l’αίδώς donnée par le Tarentin Ariatoxénos (F. H. G., II, p. 289, fr. 78).
[9] C’est la pietas des Romains. Quand Fustel de Coulanges, dans la Cité antique, p. 111, recherche ce qu’il y avait de respect et d’affection réciproque dans la famille, voici ce qu’il dit : Les anciens donnaient aux vertus domestiques le nom de piété ; l’obéissance du fils envers le père, l’amour qu’il portait à sa mère, c’était de la piété, pietas erga parentes ; l’attachement du père pour son enfant, la tendresse de la mère, c’était encore de la piété, pietas erga liberos.
[10] Odyssée, XVI, 75 ; XIX, 527.
[11] Odyssée, III, 381 ; X, 11.
[12] Iliade, XXII, 82 ; Odyssée, VIII, 420 ; XX, 343-344 ; cf. Iliade, III, 172 ; XXII, 451.
[13] Iliade, XXI, 468-469 ; Odyssée, VI, 329-330. Il s’agit bien ici de dieux ; mais les parentés et toutes les relations sont les mêmes chez les dieux que chez les hommes (cf. Iliade, XIV, 240 ; XV, 124 ; XVIII, 386, 394, 425 ; XXI, 419 ; XXIV, 90, 111 ; Odyssée, V, 88).
[14] Odyssée, VI, 66.
[15] Odyssée, VIII, :124 ; XVIII, 184.
[16] Odyssée, VI, 66 ; cf. Iliade, III, 568 ; II, 262 ; XXII, 73.
[17] Iliade, XXII, 419-422 ; Odyssée, III, 14, 24.
[18] Odyssée, XVII, 189 ; XIV, 146-147 ; cf. XVIII, 314. Je serais tenté d’expliquer αίδοίη ταμίη (Odyssée, I, 139 ; IV, 57 ; VII, 175 ; XV, 138 ; XVII, 94, 259), non pas par le sens passif de vénérable intendante, sens qui me parait en contradiction avec les mœurs homériques, mais par le sens actif d’intendante qui connaît ses devoirs, assidue, empressée (cf. ότρηρή dans l’Iliade, VI, 381 ; χαριζομένη παρεόντων dans l’Odyssée, I, 140 ; IV, 56 ; VII, 176 ; XV, 139 ; XVII, 95).
[19] Iliade, IX. 639. Il paraîtra peut-être bien étrange de compter l’amour de la maison parmi les vertus ; c’en était une chez les anciens (Fustel de Coulanges, l. c.).
[20] Odyssée, XIII, 376-377 ; XX, 171 ; cf. I, 250-254 ; XX, 29, 39, 386 ; XXIII, 37.
[21] Odyssée, XI, 360 ; XIV, 231 ; cf. Théognis, 1067.
[22] Αίδοΐος est souvent joint à δεΐνος (Iliade, III, 178 ; XVIII, 394 ; Odyssée, VIII, 22 ; XIV, 234).
[23] On voit en quel sens est αίδοίη cette Astyoché qui se livre clandestinement à Arès (Iliade, II, 514). Le poète n’a pu appeler jeune fille pudique la mère de deux bâtards ; il appelle noble une fille de roi dont il donne la généalogie.
[24] C’est ce sentiment du devoir qui caractérise aussi le pieux Enée. Le héros doit cette épithète à de vieilles traditions, que Virgile a recueillies dans les poèmes épiques d’Ennius et de Nævius. Virgile... n’a rien inventé ; il a reçu son personnage de la tradition antérieure ; il n’a pas pu ne pas l’appeler sans cesse pater et pius. (Benoist, Œuvres de Virgile, 2e éd., I, p. CXVIII ; cf. Corssen, Orig. poes. rom., p. 183 ; Preller, Röm. Myth., trad. Dietz, 2e éd., p. 449-451 ; Fustel de Coulanges, op. cit., p. 167-170).
[25] Iliade, II, 649 ; XXIV, 435 ; cf. Euripide, Héraclès, 6.
[26] Iliade, X, 237-239, 114 ; IV, 402.
[27] Iliade, V, 530-531 ; XV, 561-563, 657, 661 ; cf. VII, 93.
[28] Iliade, XVII, 95.
[29] Iliade, I, 149, 158 ; IX, 372.
[30] Iliade, I, 150-151 ; IX, 370-371, 374. C’est là le droit dont se prévaut Achille pour se retirer sous sa tente.
[31] Iliade, IX, 639-640 ; XXI, 74-76 ; Odyssée, XXI, 27.
[32] Odyssée, XXI, 28.
[33] Odyssée, XIV, 505.
[34] Odyssée, VIII, 544.
[35] Odyssée, VIII, 544 ; XIX, 243.
[36] Odyssée, III, 96 ; IV, 326.
[37] Odyssée, XIX, 191 ; XVII, 152 ; XIX, 165, 262, 336, 583. Cf. XVII, 317, 352, 449, 378 ; Hésiode, Œuvres et jours, 317.
[38] Odyssée, VII, 165, 181 ; IX, 271 ; XIX, 254, 318. Les étrangers suppliants sont même les αίδοΐοι par excellence (XV, 373).
[39] Iliade, IX, 840-842.
[40] L’αίδώς et l’έλεος sont rapprochés à chaque instant (Iliade, IX, 639-640 ; XXI, 74 ; XXII, 82, 123-124, 419 ; XXIV, 44, 207-248 ; Odyssée, III, 96 ; IV, 326 ; XXII, 312, 344) ; cf. Antiphon, C. la belle-mère, 26.
[41] L’αίδώς, envers les suppliants ne peut dériver de l’αίδώς envers les dieux. L’adjectif αίδοΐος, qui semble plus tard qualifier spécialement les dieux, n’est jamais, dans Homère, appliqué par un homme à une divinité. Au contraire, ta seule fois qu’il sert à déterminer les rapports entre le monde céleste et la terre, il exprime les devoirs qui s’imposent aux dieux (Odyssée, V, 447). Quant au verbe αΐδεσθαι, qui paraîtra désigner surtout le sentiment religieux, il est employé quatre fois (Odyssée, XXI, 28 ; IX, 269 ; Iliade, XXIV, 503 ; IX, 508) pour désigner les sentiments des hommes à l’égard de divinités ; mais ces divinités ne sont jamais que les symboles vivants, les personnifications idéales de la protection due aux hôtes et aux suppliants. Le droit divin, loin d’être l’archétype du droit humain, en est une copie. Ce n’est pas au ciel, c’est sur terre, dans le γένος, qu’est le berceau de la θέμις.
[42] Le mot φιλάνθρωπος est inconnu d’Homère. Quand on ne se contente pas d’être δίκαιος, on est tout au plus φιλόξεινος (Odyssée, VI, 120-121 ; IX, 175-176 ; XIII, 201-202).
[43] L’Iliade en offre cinq exemples (I, 23, 377 ; IX, 508, 639 ; XXI, 74-75 ; XXII, 124 ; XXIV, 44, 207, 803), et l’Odyssée deux (XXII, 312, 344).
[44] Cette scène se retrouve fréquemment dans Homère. C’est naturellement au milieu des batailles que la présente l’Iliade, et dans la vie privée que la présente l’Odyssée (Iliade, VI, 45-50 ; X, 374-381, 454-455 ; XI, 130-137 ; XX, 468-469 ; XXI, 64-98 ; Odyssée, X, 321-324 ; XXII, 310-319, 342-353, 365-370). Mais il n’y a pas de distinction à faire, selon qu’un combat se livre entre deux armées, deux familles ou deux hommes, ni, par conséquent, selon qu’un suppliant cherche à écarter de sa tête le coup fatal ou qu’il implore une grâce quelconque (Iliade, I, 32-33 ; XXII, 122-125 ; XIV, 156-158, 185-187, 207-208, 226, 287, 328, 559-571). Entre les scènes de supplication qui se passent dans le palais d’Ulysse ou dans la campagne d’Ilion, il n’y a d’autres différences que celles de lieu et de temps.
[45] Voir Thucydide, III, 58, 67. Cf. Stephani, Compte-rendu de la commis. arch. de l’Ac. de St-Petersb., 1891, p. 69-113 ; C. Sittl, Die Gebärden der Gr. und Röm., Leipz., 1890, p. 147 ss.
[46] Iliade, I, 500 ; XXI, 71. Cf. Iliade, I, 407, 427, 512, 557 ; VI, 45 ; IX, 451, 583 ; XI, 130, 609 ; XV, 76, XVIII, 457 ; XX, 463 ; XXI, 65, 68, 74 ; XXII, 240, 338, 345 ; XXIV, 357, 463. Odyssée, III, 92 ; IV, 322 ; VI, 142, 147, 149, 196 ; VII, 147 ; IX, 266 ; X, 264, 323, 481 ; XI, 66 ; XIII, 231, 324 ; XXII, 310, 312, 337, 339, 342, 344, 365. Quelquefois on entoure des deux mains les genoux de celui qu’on supplie (Iliade, XX, 463 ; XXIV, 478 ; Odyssée, VI, 310 ; VII, 142).
[47] Iliade, I, 501 ; VIII, 371 ; X, 454. Deux fois sur trois, il s’agit de Thémis, gardienne des traditions authentiques. Par exception, la main droite de Lycaon tient écartée le lance d’Achille (Iliade, XXI, 72). Cf. C, Sittl, op. cit., p. 165.
[48] Iliade, VIII, 371 ; Odyssée, XIV, 279.
[49] Iliade, XXIV, 478. C’est I’hommage solennel d’esclave à maître (Odyssée, XXIV, 398).
[50] Cette humiliante mimique s’est conservée en Dalmatie, même devant le tribunal. Le meurtrier doit se présenter rampant sur les mains, sabre au cou. Trois fois il demande pardon ; le vengeur le repousse du pied. Il faut que le plus âgé d’entre les juges lui relève la figure, pour qu’il revienne. Alors il couvre de baisers les pieds, les genoux, les mains de l’adversaire, et obtient sa grâce à force de sanglots (voir Pappafava, Note sur les jugements de sang dans la circonscription des Bouches du Cattaro, trad. dans le Bull. de la soc. de lég. comparée, 1881, p. 513-514). Une scène analogue est décrite par Vialla de Sommières, I, p. 338-353, et représentée sur une gravure coloriée à la p. 339. Cf. Wesnitch, p 72.
[51] Iliade, XXIV, 87,3 ; cf. Odyssée, XVIII, 258 ; XXIV, 398. De là vient la formule de supplication πρός δεξίας (Euripide, Hipp., 605 ; Iph. Taur., 701). Voir Stephani, l. c., p. 75-76.
[52] Odyssée, I, 121 ; XX, 197 ; Iliade, VI, 233.
[53] Iliade, IV, 159 ; XXIV, 672.
[54] Iliade, IX, 496 ; XXIV, 40-49.
[55] Iliade, I, 23, 20, 32-33.
[56] Iliade, IX, 640 ; cf. 496-526, 628-642.
[57] Iliade, XXIV, 44, 207-503.
[58] Iliade, XXII, 111-125.
[59] Iliade, XXI, 74-75 ; Odyssée, XXII, 312, 344. De là le sens d’άναιδής qualifiant la mer meurtrière dans une inscription de Corinthe, une des plus anciennes de la Grèce (I. G. A., n° 13).
[60] Eustathe, ad Il., X, 151, p. 1279, 42 ; Hesychius, s. v. Δίδοΰς βευμός ; Lex. Rhet., dans Bekker, Anecd. gr., I, p. 355, 16 ; Pausanias, I, 17, 1 ; C. I. A., III, n° 367 ; Sophocle, Œdipe Col., 1268. Cf. Hésiode, Œuvres et jours, 200 ; Pausanias, III, 20, 10 ; Anthologie, II, 341 ; Lucien, Am., 17. Voir Preller-Robert, Gr. Myth., 4e éd., I, p. 535-536. Comme on le verra pur la note suivante, ce culte d’Αίδώς doit être rapproché, à l’origine, de celui de Πειθώ (voir Pausanias, II, 7, 7-9 ; 21, 1-2 ; I, 22, 3), ainsi bien que de celui d’Έλεος (id., I, 17, 1).
[61] Démosthène, C. Aristocrate, 72 ; cf. Lex. Rhet., l. c., p. 354, 33. La plupart des commentateurs rejettent le texte qui nous est parvenu : φεύγειν έως άν αίδέσηταί τινα τών έν γένει. Lambin veut remplacer τινά par τίς, et Sauppe par τίς αύτόν (cf. Philippi, Areop., p. 115, n.). Weidner propose άρέσηται par αίδεσηται ; H. Weil demande une correction radicale, quelque chose comme γνώμα τών έν γένει. Mais, s’il n’y a pas d’autre exemple d’αίδέσθαι dans le sens d’obtenir une réconciliation (voir les textes cités par Westermann), il n’y en a aussi qu’un à d’ίκέτης signifiant celui qui accueille un suppliant (Odyssée, XVI, 422 ; cf. le Schol. ; voir Fr. J. Engel, Zum Rechte der Schutzfljlchende bei Hom., p. 12). Quelle raison d’admettre une de ces deux anomalies et de rejeter l’autre ? Si la double acception d’ίκέτης s’explique par l’analogie de ξεΐνος qui désigne l’hôte reçu et l’hôte qui reçoit, à plus forte raison faut-il reconnaître qu’αίδέσθαι, qui exprime déjà la réciprocité des devoirs entre parents, concitoyens et hôtes, peut aussi exprimer le rapport du meurtrier à la famille de la victime, tout comme le rapport inverse. L’αΐδεσις est une transaction entre deux parties : toutes les deux doivent αίδέσθαι. Il faut donc s’en tenir au texte de Démosthène, tel que le donnent les manuscrits, tel que l’expliquaient les scoliastes. Harpocration dit à bon droit : αΐδέσασθαι... άντί τοΰ έξιλάσασθαι καί πείσαι, et le Scoliaste de Patmos (B. C. H., I, 1877, p. 138 ; cf. O. Riemann, ibid., p. 183) αΐδεσις δ'ΐστι τό δυσωπήσαι ίκετεία καί χρήμασι τούς οίκείους τοΰ πεφονευμένου. Tout ce qu’on peut concéder, c’est que ce sens particulier d’αΐδεσθαι a une teinte archaïque, que les Grecs de l’époque classique préfèrent le verbe πείθειν, déjà connu d’Homère dans cette acception et qui ne laisse aucune obscurité (Iliade, I, 100 ; IX, 112, 181, 184, 315, 345, 386, 587 ; XXII, 356 ; Aristophane, Grenouilles, 1168 ; Harpocration, l. c., ; cf. Aristote, Const. des Ath., 39 ; Démosthène, C. Midias, 30, 39 ; C. Pantain., 58 ; C. Nausim., 21 ; B. C. H., X, 1886, p. 459, l. 14 ; I. J. G., n° XIV, l. 15-16, 135 ; voir Blass, dans le Rhein. Mus., XXXVI, 1881, p. 608, et Soph. Bugge, dans les Studien de G. Curtius, IV, 1871, p. 338-340). Mais l’archaïsme s’explique, puisque Démosthène cite la loi de Dracon (ό νόμος κελεύει).
[62] Comparez le double sens d’expiare, en latin. Scelus expiare, c’est aussi bien exiger que donner satisfaction ; l’épithète inexpiabilis s’applique aussi bien à l’ennemi offensé qu’à l’attentat commis.
[63] Iliade, XXIV, 507-516.
[64] Voir Alb. Martin, art. Lytra, dans le Dict. des ant., p. 1431.
[65] Iliade, VI, 45-50 ; XI, 130-135 ; X, 376-381, 454-455 ; XXI, 64-99.
[66] Iliade, VI, 45 ; XI, 130 ; X, 454-455 ; XXI, 65, 68, 71, 74.
[67] Iliade, VI, 46, 50 ; XI, 131, 135 ; X, 378, 391, 383.
[68] Iliade, XXI, 79-80, 90.
[69] Iliade, VI, 46-49 ; XI, 131-134 ; X, 378-380 ; cf. II, 230.
[70] Odyssée, XXII, 54-59.
[71] Iliade, VI, 45 ; XI, 131 ; cf. X, 38. Par une association d’idées inévitable, le mot ζωάγρια en vient à désigner la rançon due pour la vie (Iliade, XVIII, 407).
[72] Iliade, IX, 634.
[73] Lehrs, De Aristarchi stud. hom., 3e éd., p. 149. Cf. Eustathé, p. 779, 63.
[74] Cf. Pott, Etym. Forsch., I, II, p. 1107 ss. ; Corssen, Krit. Beitr. z. lat. Formenlehre, p. 178 ; Ital. Sprachkunde, p. 140 ; G. Curtius, Grundzüge, 2e éd., p. 253, n° 373 ; Pictet, III, p. 173-174.
[75] Bugge, dans la Zeitschr. f. vergl. Sprachforsch., XIX, 1870, p. 406 s. ; Fick, Vergl. Wörterb., 2e éd., p. 126 ; Die ehemalige Spracheinheit der Indogerm. Europas, p. 80 s. ; G. Curtius, Grundzüge, 5e éd., p. 472, n° 633 ; p. 489, n° 649 ; Vanicek, Gr.-lat. etym. Wörterb., p. 153-155 ; Leist, Gr.-It. Rechtsgesch., p. 321, 741 ; Schrader, Sprachvergl. und Urgesch., p. 381, 183, 188 ; Reallex., p. 831-832. Sur la distinction entre ποινή (= τΐω) et τιμή (= τίω), voir W. Schulze, Quæst. epic., Gueterslohæ, 1892, p. 505-506.
[76] Outre les références de la note précédente, v. Benfey, Gr. Wurzellex., II, p. 232 ss. ; Kahn, dans la Zeitschr. f. vergl. Sprach forsch., II, (1853), p. 387 ss.
[77] Voir Roth, dans la Zeitschr. d. deutsch. Morgenl. Gesellch., XLI, p. 672.
[78] En zend, ποινή se dit kaénâ. Sur la kaénâ dans l’Avesta, voir Geiger, p. 453.
[79] Deacke-Siegismund, Die wichetgsten Kypr Inschr., dans les Stud. de G. Curtius, VIII (1875), p. 252, n° III ; G. D. I., n° 60, l. 12, 25.
[80] Michel, n° 637, l. 10 ; Von Wilamowitz, Ind. Götting., 1885/6, p. 14 ; cf. Bechtel-Fick, Gr. Personnamen, 2e éd., p. 262.
[81] Mionnet, Méd. gr. et rom., III, p. 304.
[82] Athénée, X, 83, p. 455 E.
[83] Cf. Brugmann, Morphol. Untersuch., IV, p. 96-97.
[84] Le génitif qui suit ποινή, désigne la personne lésée, et non l’offenseur, que l’attentat soit un homicide (Iliade, IX, 632-633 ; XIII, 659 ; XIV, 483 ; XVI, 398 ; XVII, 498-499 ; XXI, 28 ; Odyssée, XXIII, 312) ou un rapt (Iliade, V, 286), que la compensation soit pécuniaire (Iliade, V, 266 ; IX, 632-633 ; XVIII, 498-499) ou non (Iliade, XIII, 659 ; XIV, 453 ; XVI, 398 ; XXI, 28 ; Odyssée, XXIII, 382). De même βοών άμοιβή (Odyssée, XII, 382) signifie compensation pour des bœufs tués.
[85] Cf. Dareste, Ét. d’hist. du dr., p. 252-253, 273.
[86] Cf. Kœnigswarter, p. 100-118. Elle varie aussi selon le sexe et l’âge de la victime (voir id., p. 118-119 ; Post, Anfänge, p. 192-194 ; Afr. Jurispr., I, p. 69-70 ; Studien, p. 119-121 ; Kovalewsky, p. 357-358).
[87] Il en est ainsi dans l’Opus tripartitum de Werboczi aussi bien que dans le décret de St-Étienne, c’est-à-dire au XVIe siècle comme au XIe (voir Dareste, l. c.).
[88] Fustel de Coulanges, La monarchie franque, p. 473-474 ; Cf. Rech. sur quelques prob. d’hist., p. 475 ss.. Voir encore Glasson, III, p. 539 ss. ; Kovalewsky, p, 348 : d’après ces auteurs, le wehrgeld a pour but essentiel, exclusif, d’obtenir la renonciation de la partie offensée au droit de vengeance.
[89] Cette dualité rend inutiles bien des discussions. Pourquoi les érudits qui présentent des théories sur la composition se croient-ils forcés de tout ramener à l’unité ? Ce sont adversaires qui ont raison les uns et les autres, à part les exagérations négatives.
[90] Aux exemples bien connus des peuples germaniques on peut joindre ceux des peuples celtiques (D’Arbois de Jubainville, Ét. sur le dr. celt., I, p. 79-83). Dans l’ancien droit de la Norvège, chaque parent de la victime, ou plutôt chaque parentèle, perçoit une indemnité en sus de la somme due à la victime elle-même (Dareste, Ét. d’hist. du dr., p. 324). De même chez les Ossètes (Kovalewsky, p. 359).
[91] Qu’on se rappelle les Spartiates envoyés à Xerxès comme ποινή (Hérodote, VII, 134).
[92] Après avoir tué en état de légitime défense Hippacoon et ses enfants, Héraclès dédia un temple à Athéna άξιόποινος. Pausanias (III, 15, 6) explique l’épithète en disant : τάς τιμωρίας οί παλαιοι τών άνθρώπων ώνόμαζον ποινάς. Pour venger la mort d’un enfant, Apollon envoya aux Argiens un monstre qui arrachait les enfants à leur mère, la Ποινή (Pausanias, I, 13, 7). Ποινή, c’est le nom d’une des Erinyes (Eschine, C Tim., 191), nom qui équivaut à celui de Τισιφόνη (cf. Fick, dans le Zeitschr. f. vergl Sprachforsch., XXI, 1873, p. 463). Par extension, comme toutes les Erinyes sont ποίνιμοι (Sophocle, Ajax, 843), comme toutes sont associées à la ποίνιμος Δίκη (Id., Trach., 808-810), on appelle le groupe entier Τίσεις ou Ποιναι (Eschine, l. c., 190 ; Platon, Axioch., p. 372 A ; Lucien, Am., 47 ; Sur le deuil, 6 ; Synésius, Lettres, XLIV, p. 658 des Epistologr. Qr., éd. Didot ; Hesychius, s. v. ποιναΐς έφικταΐς ; Suida, s. v. ποιναί ; Tibulle, I, 9, 4; Horace, Odes, III, 2, 32 ; Val. Flaccus, Arg., I, 793 ; Lucain, VI, 692 ; voir le vase d’Altamura, dans M. Collignon, Myth. fig. de la Gr., p. 297). Ποινή, a conservé le sens de vengeance dans la langue poétique des siècles postérieur (Eschyle, Euménides, 203, 322 ; Ag., 1281 ; sur l’emploi du mot dans la littérature classique, voir Alb. Martin, art. Lytra, dans le Dict. des ant., p. 1453, n. 3).
[93] G. Curtius, Grundzüge, 5e éd., p. 472, n° 633, et Vaniceck, Gr.-lat. etym. Wörterb., p. 164, expliquent bien άποινά par άπόποινα = άπποινα = άποινα. Mais ils semblent considérer ce mot comme équivalent à άπο.ποινή, et non pas à τά άπό ποινής. On ne voit guère dès lors pourquoi, à côté de ποινή, on a, au lieu de άποίνη, le pluriel άποινα (comme plus tard ύποφόνια). Peut-être même trouve-t-on dans άποινα l’ά privatif (cf. νήποινον) ; de là résulterait la quantité de άποινα (ά bref), quantité qui ne se comprend pas avec άποινα = άπ-ποινα. En tout cas, quand même on suivrait G. Curtius, il n’en resterait pas moins que le mot άποινα a été créé par opposition à ποινή : il fallait distinguer la compensation-rançon de la compensation-vengeance.
[94] Si l’on consulte le Lex. Homer. d’Ebeling, on constate que le mot ποινή est employé par Homère onze fois (dont une fois seulement dans l’Odyssée). Dans l’Iliade, ποινή a une fois le sens général de compensation (XVII, 207), quatre fois le sens de vengeance meurtrière (XIII, 659 ; XXI, 28 ; XIV, 483 ; XVI, 398, les deux dernières fois avec métaphore rappelant la composition), cinq fois le sens de dédommagement matériel (pour rapt III, 290 ; V, 266, ou pour homicide IX, 633, 636 ; XVIII, 498). La seule fois que le mot ποινή est employé dans l’Odyssée, il semble avoir déjà la signification générale de châtiment, qui résulte naturellement de la double acception de vengeance et de composition, en tout cas, dans ce texte (XXIII, 312), il ne s’agit ni de mort ni de satisfaction pécuniaire, mais de lésion corporelle. Aussi le mot composé νήποινος ou νήποινον, qui revient huit fois dans l’Odyssée et pas une seule fois dans l’Iliade, a-t-il bien l’air de signifier impunément : il fait allusion tantôt à une compensation sanglante (I, 380 ; II, 145), tantôt à une compensation matérielle (I, 160, 377 ; II, 42 ; XIV, 377, 417 ; XVIII, 280) ; mais le rapprochement continuel de l’une et de l’autre compensation (I, 317, 384 ; II, 142, 145) oblige à traduire par un terme qui convienne à l’une et à l’autre.
[95] L’Odyssée ne fournit aucun renseignement sur la question. On n’y trouve pas une seule fois le mot άποινα, employé vingt-cinq fois dans l’Iliade. Mais on ne peut rien conclure de ce fait. En effet : 1° Le poème guerrier emploie le mot, vingt-trois fois sur vingt-cinq, pour des faits de guerre ou des faits connexes ; six fois, c’est la rançon offerte par le vaincu (VI, 46, 49 ; X, 389 ; XI, 131, 134 ; XXI, 99) ; dix fois, la rançon du captif (I, 13, 20, 23, 95, 111, 373, 377, cf. 99 ; II, 230 ; VI, 427 ; XI, 106), sept fois, la rançon d’un cadavre racheté à l’ennemi (XXII, 349 ; XXIV, 276, 502, 553, 579, 591, 686). 2° Le mot ποινή non plus ne se trouve pas dans l’Odyssée au moins dans le sens de composition (une seule fois dans un autre sens). Ainsi, l’Odyssée, muette sur la composition pour homicide, n’appelle les autres compositions ni ποινή, ni άποινα. Pour complicité d’adultère, on y paie une somme dite μοιχάγρια (VIII, 332), χρέος (335, 355), αίσιμα πάντα (348) ; pour détournement une τιμή (XXII, 57).
[96] Le rapprochement est indiqué par Achille (Iliade, IX. 337-343).
[97] Iliade, III, 285-290, 438-460 ; cf. VII, 383-384 ; XXII, 114-120.
[98] Iliade, XXII. 116.
[99] Iliade, III, 291.
[100] Iliade, III, 290. Zeus donne aussi une pour l’enlèvement de Ganymède (Iliade, V, 266).
[101] Iliade, IX, 131-132.
[102] Iliade, IX, 113 ; et 121-156, 240-898.
[103] Iliade, IX, 120 ; XIX, 138. Même expression pour les rançons de guerre (VI, 49 ; X, 380 ; I, 13, 372 ; VI, 427 ; XXIV, 276, 579).
[104] Iliade, I, 159 ; III, 286, 288, 459 ; V, 552 ; cf. XVII, 92 ; Odyssée, XIV, 70, 117.
[105] Iliade, I, 214.
[106] Odyssée, XXII, 56-59.
[107] Iliade, XIII, 414-416.
[108] Iliade, XXI, 28 ; XXIII, 181-184.
[109] Achille demande pardon à Patrocle d’avoir accepté les présents de Priam et promet de lui donner pour sa part όσσ' έπέοικεν (Iliade, XXIV, 595).
[110] Iliade, III, 887.
[111] Eschyle, Euménides, 323.
[112] Odyssée, VIII, 325-359.
[113] Plutarque, Thésée, 30.
[114] Apollodore, II, 4, 3, 1.
[115] C’est à cet argument que se borne Bréhier, p. 47 ss.
[116] Iliade, IX, 632-636 ; XVIII, 498-508.
[117] L’antiquité n’en a point connu d’autre. Elle a été adoptée par D. Müller, p. 130 ; Clemens, De Homeri clipeo Achilleo, Bonn, 1844 ; Friedreich, p. 423 ; Nägelsbach-Autenrieth, p. 289 ; Schömann Galuski, I, p. 35 ; Grote, II, p. 93, n. ; Gladstone, III, p. 126 ; Thonissen, p. 97 ; Robiou, p. 101 ; Hearn, p. 433 ; Ebeling, Lex. Hom. s. v. άναίνομαι ; Buchholz, I, II, P. 76-77, 79 ; Fanta. p 82 ; d’Arbois de Jubainville, dans la Rev. arch., III (1884), p. 179 ; Declareuil, p. 225 ; Lipsius, Die Gerichtsscene der Il., dans les Leipz. Stud., XII (1890), p. 225-231 ; Budeut. d. gr. Rechts, p. 20 ; Rohde, I, p. 262, n. 1 : Busolt, Gr. Staatsalt., p. 29 ; K. Sidgwick, The trial scene in Hom., dans la Class. rev., VIII (1894), p. 1-3 ; Bréhier, p. 62.
[118] On la doit à Müncher, Allgem. Schulzeitung, 1829, II, p. 579, et elle a trouvé pour défenseurs A. Hofmeister, p. 446-447 ; Leist, Gr.-It. Rechisgesch., p. 329-330 ; Dareste, Nouv. ét., p. 2-3, 5-7 ; Leaf, The trial scene in Il. XVIII, dans le Journ. of hell. stud., XIII (1887), p. 123-526.
[119] Hofmeister, p. 146, a tort de soutenir que, dans l’hypothèse contraire à la sienne, le langage d’Homère est particulièrement obscur.
[120] Iliade, IX, 116 ; Odyssée, XIV, 149.
[121] Lipsius, Die Getichtsscene der Il., l. c., p. 226-228, dit que cet emploi n’est pas homérique. Cf. Sidgwick, l. c., p. 2, Mais voyez, en sens contraire, B. Delbrück, Syntax, t. II (Brugmann, Grundriss d. vergl. Grammatik, t. IV). p. 475, n. 1 ; Dareste, op. cit., p. 6-7.
[122] Dareste, Sur un passage de l’Iliade, dans l’Ann. de l’ass. pour l’encour. des ét. gr., 1881, p. 43. Cf. Hofmeister, l. c. ; Leist, l. c., p. 320 ; Leaf, l. c., p. 123 ; Lipsius, l. c., p. 238.
[123] Dareste, l. c., p. 93,44. Cf. Hofmeister, p. 446-447 ; Leist, l. c.
[124] C’est bien ainsi que la scène était comprise des artistes qui essayaient, dans l’antiquité, de refaire le bouclier d’Achille ; ils représentaient parfois le cadavre de la victime. Voir les Mitth. d. arch. Inst. in Rom, VI (1891), pl. IV (Cf. Bienkowski, ibid., p. 187-188) ; Mon. dell’ Inst., XI, pl. XLIV (Cf. Hülsen, Annali, 1882, p. 309-314).
[125] Dareste, l. c., p. 92 ; Nouv. ét., p. 4.
[126] Voir Esmein, Sur un contrat, p. 426.436, surtout p. 427-419.
[127] Cf. Kœnigswarter, p. 68 ss., 90 ; Dareste, Ét. d’hist. du dr., p. 411 ; Post, Bausteine, I, p. 153 ; Aft. Jurispr., II, p. 36 ; Studien, p. 121-122. Le principe est nettement posé par Post, Grundlagen, p. 414 : Wird die Composition nicht gezahlt, so tritt die ursprüngliche Folge des Rechtsbruchs ein : der Thäter muss sterben.
[128] Loi Salique, titre LVIII, De chrene cruda, éd. Behrend, p. 76.
[129] Elle est ainsi formulée dans le Pactus Childeberti et Clotarii de 593.
[130] Thonissen, La loi Salique, p. 172, cf. 226. Voir aussi Dareste, op. cit., p. 411-412.
[131] Voir, par exemple, la loi des Ripuaires, tit. LXXVII, et la loi de Luitprand, tit. XX et LXXIX. Cf. H. Züpfl, Deutsche Rechtsgesch., 3e éd., Stuttg., 1858, p. 925-928 ; Dareste, Sources du dr. germ., dans le Journ. des sav., 1896, p. 26. En Frise, même à l’époque où la composition est remplacée par l’amende, dans la seconde moitié du XIIe siècle, le condamné qui ne paie pas l’amende est mis à mort par jugement du peuple, au nom de l’empereur (cf. Dareste, Hist. du dr. frison, dans le Journ. des Sav., 1894, p. 464).
[132] Cf. Wilda, p, 503.
[133] Cf. Dareste, Ét. d’hist. du dr., p. 333.
[134] Cf. Post, Bausteine, I, p. 479 ; Ewers, p. 338. En Russie, d’après les traités conclus avec les Grecs par Oleg (912) et Igor (945), le meurtrier insolvable doit être tué par les parents de la victime (cf. Dareste, op. cit., p. 206-208, 211 ; Kovalewsky, p. 248), et, jusqu’au XVIe siècle, tout condamné insolvable est livré pieds et poings liés à son adversaire (cf. Kovalewsky, p. 512). Le droit polonais dit nettement : Quoniam non poterant puniri in ære, puniti sunt in corpore. (statut de Wislica, I, 4 ; cf. Kœnigswarter, l. c. ; Dareste, op. cit., p. 194).
[135] Cf. Walter, p. 138 ; d’Arbois de Jubainville, Ét. sur le dr. celt., I, p. 195-196 ; Kohler, Shakesp., p, 149.
[136] Cf. Dareste, op. cit., p. 159. Même coutume chez d’autres peuples du Caucase (id., Nouv. ét., p. 238).
[137] Aulu-Gelle, XXI, 46 s. ; voir M. Voigt, Die XII Tafeln, I, p. 703.
[138] Loi de Gortyne, II, 28 ss.
[139] Ibid., 45 ss.
[140] Démosthène, C. Aristocrate, 53, 55 ; Lysias, Sur le meurtre d’Erat., 49.
[141] Démosthène, C. Néair., 85-66. L’offensé pouvait maltraiter l’offenseur, et, s’il rotait défendu d’employer le fer, c’est qu’à un certain moment la loi réagit contre une cruauté surannée.
[142] Cf. Beauchet, IV, p. 449 ss. On peut remarquer encore que l’affranchi qui n’exécute pas ses obligations pécuniaires envers son ancien maître retombe en esclavage (cf. Id. ibid., p. 458, n. 4). Peut-être aussi le principe primitif subsiste-t-il dans la législation commerciale, lorsqu’elle condamne à mort le débiteur pour non-exécution du contrat de prêt fit la grosse (Démosthène, C. Phorm., 54 ; cf. Beauchet, l. c., p, 316).
[143] Cette proposition n’est nullement en contradiction avec cette autre, qu’à l’origine les obligations ont toutes été ex dedicto et qu’en un certain sens, le droit civil a ses racines dans le droit criminel.
[144] Haneteau-Letourneux, III, p. 69 (on trouvera aux p. 68-67 l’intéressant récit d’une rek’ba qu’éteignit mal l’ânaïa concédée par un seul homme). Voyez encore, pour le droit islamique, Kohler, Neue Beitr. z. Islamrecht, dans la Zeitschr. f. vergl. Rechtwiss., XII (1895), p. 89. Dans la Bible, Abner, ayant tué Asaël, obtient de David une réconciliation solennelle ; mais Joab, le frère de la victime, s’élève contre cette trahison, attire le meurtrier dans un guet-apens et le tue (Rois, II, 2, 22-24, 3, 20-21, 27). Voir, pour les peuples aryens, Defacqs, p. 86 (Belgique) ; Dareste, Ét. d’hist. du dr., p. 352 (Islande).
[145] I. J. G., n° XXI, l. 13-14.
[146] Steinmetz, I, p. 407 ss., 472 ss., a fait une remarquable étude sur la composition au point de vue psychologique et sociologique.
[147] Thonissen, II, p. 174.
[148] Hanoteau-Letourneux, III, p. 61 s.
[149] Steinmetz, I, p. 409, 449.
[150] Post, Geschlechtsgenoss., p. 160.
[151] Wilda, p. 175 ; Grimm, p. 647.
[152] Cf. Alb. Martin, art. Lytra, dans le Dict. des antiquités.
[153] Iliade, IX, 635.
[154] Iliade, XXIV, 592-595.
[155] Apollodore, II, 6, 3, 1.
[156] Iliade, XXIV, 393-394.
[157] Iliade, XXIV, 395.
[158] Cf. Steinmetz, I, p. 429.
[159] Iliade, IX, 502-512.
[160] Plutarque, Thésée, 30.
[161] Odyssée, XXII, 56-59.
[162] Odyssée, XXII, 61-63.
[163] Odyssée, II, 132-133.
[164] Iliade, IX, 634.
[165] Iliade, IX, 113.
[166] Iliade, IX, 121.
[167] Iliade, IX, 120 ; XIX, 138.
[168] Ce sont aussi des chevaux merveilleux que Zeus donne au roi Tros en échange de son fils Ganymède (Iliade, V, 366).
[169] Iliade, IX, 122-124, 128, 130.
[170] Iliade, IX, 139-140.
[171] Iliade, IX, 137-138.
[172] Il y a 52 prétendants de Doulichion, 24 de Samos, 20 de Zacynthe, 12 d’Ithaque, en tout 108 (Odyssée, XVI, 247-251) ; mais Antinoos vient d’être tué au début du XXIIe chant. Dans une version de l’Odyssée, qui ne nous est pas parvenue, mais que nous connaissons par un fragment d’Apollodore (Epit., VII, 26 ss.), le nombre der prétendante était plus élevé encore. Le fragment en question en annonce 136 (57 de Doulichion, 23 de Samos, 44 de Zacynthe, 12 d’Ithaque) et en énumère 129 (53 de Doulichion au lieu de 57, 41 de Zacynthe au lien de 44).
[173] Iliade, VI, 427 ; I, 13, 372.
[174] Iliade, I, 23, 111, 377.
[175] Iliade, VI, 46 ; XI, 131.
[176] Iliade, VI, 49 X. 380 ; XI, 134.
[177] Iliade, VI, 48 X, 379 ; XI, 133.
[178] Mêmes textes ; cf. XXII, 40.
[179] Aux textes précédents ajouter II, 229.
[180] Iliade, VI, 41 ; XI, 13.
[181] Iliade, XXI, 42.
[182] Iliade, XXI, 79-80 ; cf. 41-43. D’après un autre passage de l’Iliade (XXIII, 741-751), la première rançon de Lycaon est un cratère d’argent de fabrication sidonienne, le plus beau qui soit sur terre de beaucoup : il sert de premier prix dans un concours où le deuxième prix est un bœuf grand et gras, le troisième, un demi-talent d’or.
[183] Iliade, XXIV, 556, 885. Sur la rançon du cadavre voir Alb. Martin, art. Lytra, dans le Dict. des ant., p. 1452.
[184] Iliade, XXIV, 119, 147, 176, 196.
[185] Iliade, XXIV, 229-234.
[186] Iliade, XXIV, 688.
[187] À la guerre, les offres les plus brillantes sont souvent rejetées. Malgré toutes sortes de prières, Agamemnon tue Adrestos (Iliade, VI. 45), Peisandros et Hippolochos (XI, 131 ss.) ; Diomèdes tue Dolon (X, 378 ss.) ; Achille tue Tros (XXII, 463 ss.) et Lycaon (XXI, 33 ss.), Jamais dans l’Iliade, la scène de la supplication ne se termine favorablement pour le vaincu, Cf. Alb. Martin, l. c., p. 1431.
[188] Iliade, XVIII, 507.
[189] Sur cette question en peut consulter Hultsch, Metrol., 2e éd., p. 165 ; Brandis, Das Munz-Mass und Gewichtwesen in Vorderasien, Berlin, 1866, p. 4 ; Naber, Quæst. hom., Amstelod. 1877, p. 62-63 ; Buchholz, t. II, p. 301-303 ; Holmeister, p. 451-452 ; Dareste, Nouv. ét., p. 4, n. 1 ; Hidgeway, The hom. trial scene, l. c., p. 30-33 ; The hom. talent, dans le Journ. of hell. stud., VIII (1887), p. 133-158 ; The origin of metallic currency and weight standards, Cambr., 1892, p. 39 ; Schrader, Reallex, p. 284, 928.
[190] Sumner Maine, L’anc. dr., trad., p. 356-357 ; Hearn, p. 435 ; P. M. Laurence, dans le Journ. of phil., VIII (1879), p, 125 ss., ont prétendu le contraire. Mais les textes qu’on serait tenté de ramener à cette conclusion (Iliade, IX, 121-128, 234-270 ; cf. XXIV, 229-235) ne prouvent rien.
[191] Iliade, XXIII, 750-751.
[192] L’hypothèse de Ridgeway, d’après laquelle le talent vaudrait un bœuf, est très séduisante, mais n’est qu’une hypothèse.
[193] Iliade, XXIII, 249.
[194] Iliade, XXIII, 268.267.
[195] Iliade, XXIII, 613.
[196] Odyssée, XIX, 388, 459.
[197] Iliade, XXIII, 883 884, 896-897.
[198] Cette conclusion n’est pas infirmée par le passage de l’Odyssée (IV, 526) où le guetteur aposté par Égisthe épie durant une année entière le retour d’Agamemnon, afin de gagner deux talents d’or. A une époque où le travail ne rapporte qu’un misérable salaire (Iliade, XII, 435), la valeur d’un bœuf, ce n’est point une si chétive récompense ; c’est une bonne aubaine pour un esclave dont le pécule augmente d’ordinaire avec une pénible lenteur (cf. Hofmeister, l. c.).
[199] Iliade, XXIII, 705.
[200] Odyssée, I, 431.
[201] D’Arbois de Jubainville, Ét. sut le dr. celte, I, p. 80-83, insiste sur l’élévation de la composition chez les Gaulois. Certaines peuplades de Malais répètent cet aphorisme de droit : Qui a du bien reste en vie ; qui n’a pas de bien doit mourir. (Post, Grundlagen, p. 414). Le fait est constaté par Chardin dans la Perse moderne (Voyages, VI, p. 294 ; cf. Geiger, p. 453). Voir surtout ce que dit, sur l’énormité de la rançon chez les Ossètes, Kovalewsky, p. 271-272, 355-359.
[202] C’est le mot d’Achille (Iliade, IX, 345) : qu’il ne me tente pas..., il n’obtiendra pas l’αΐδεσις.
[203] Odyssée, XXII, 58-59 ; cf. Iliade, XXIV, 119, 141, 176, 196.
[204] Voir Odyssée, XXII, 61. Cf. Kovalewsky, l. c. (Ossètes) ; Dareste, Et. d’hist. du dr., p. 209 (Russes).
[205] La ποινή reste dans les relations internationales ce qu’elle est dans la vie civile. La principale condition d’une paix éventuelle entre Grecs et Troyens est le paiement d’un ποινή (Iliade, III, 290) ou τιμή (ibid., 388, 268, 454). La plupart des personnages se contentent de dire qu’elle doit être raisonnable (ibid., 296, 459 ; cf. VII, 301), mais Hector se charge de préciser : il s’agit de partager également toutes les richesses renfermées dans Troie (XXII, 117-118).
[206] Plutarque, Quest. gr., 46, p. 302 C.
[207] Aristote, dans Plutarque, l. c., 14 (F. H. G., II, p. 147).
[208] Aristote, l. c.
[209] Iliade, VI, 184-193.
[210] Apollodore, II, 1, 5.
[211] Cf. d’Arbois de Jubainville, La civil. des Celtes et celle de l’épopée hom., p. 298. Au VIe siècle, le mariage de réconciliation entre Pisistrate et la fille de Mégaclès (Hérodote, I, 60-61) a déjà le caractère dynastique qu’ont dans les temps modernes les mariages stipulée dans des traités de paix. Mais la Thrace, où le père vendait toujours sa fille en mariage (Héraclide du Pont, fragm. XXVIII, dans les F. H. G., II, p. 220), présente encore au IVe siècle des offres d’alliance assez semblables en la forme à celle que fait Agamemnon : Seuthès propose à Xénophon de lui acheter sa fille, à lui Xénophon, s’il en a une, et de lui donner sa fille, à lui Seuthès, avec la plse belle ville qu’il possède sur la mer (Xénophon, Anabase, VII, 2, 38 ; cf. Thucydide, II, 101 ; Démosthène, C. Aristocrate, 10 ; voir Grote, X. p. 136-137). Le plus curieux, c’est de retrouver au IIIe siècle, dans la loi d’Ilion contre les tyrans (I. J. G., n° XXII, III, l. 19-21), une disposition interdisant dans certains cas de meurtre la composition par mariage, ou à prix d’argent. Il s’agit bien là du mariage ad sedandas inimicitias, tel qu’il s’en est toujours conclu dans les pays de régime familial, chez les Iraniens de l’Avesta et les Afghans modernes (Geiger, p. 452-153), chez les Scandinaves (Grimm, p. 879) et les Gallois (Dareste, Nouv. ét., p. 369), ou chez des peupler aussi éloignés que les Marocains, les Bogos et les Tcherkesses (Makarewicz, p. 151). Loin d’être interdit comme à Ilion, ce mariage est quelquefois obligatoire dans les sociétés primitives, par exemple, chez les Ossètes après un meurtre (voir Kovalewsky, 355).
[212] Ce genre de mariage a donc un rapport direct avec la légende si répandue de la vierge offerte en expiation. Les Viennois obéissaient à un instinct historique, quand ils couraient aux représentations d’Iphigénie à Aulis pendant les cérémonies du mariage de Marie-Louise avec Napoléon.
[213] Iliade, I, 213-214.
[214] Odyssée, VIII, 325-359.
[215] Odyssée, VIII, 356.
[216] Odyssée, VIII, 392.
[217] Odyssée, VIII, 347-348.
[218] C’est au même résultat qu’arrive l’auteur du meilleur commentaire qui ait été fait sur cette tragi-comédie mythologique et judiciaire. A la fin de l’article Sur un contrat (p. 426-436), Esmein écrit : Il est de la nature des contrats, dans les systèmes anciens, d’avoir un objet précis et rigoureusement déterminé d’avance. C’est ainsi que dans le vieux droit romain, soit dans le nexum, soit dans la sponsio, l’objet dû était nécessairement une somme d’argent déterminée, certa pecunia. Ici ce certum manque, dans la promesse de Poséidon. Mais il y a là, je le crois, qu’une apparence trompeuse. Tout dans notre récit montre que la coutume avait déjà fixé le taux de la composition pour adultère ; elle avait déterminé, non la somme d’argent, mais sans doute le nombre de têtes de bétail ou des esclaves qui représentaient alors cette composition. Il suffisait de se référer à ce tarif coutumier, comme le fait le dieu, pour que la promesse eût un objet certain.
[219] Cf. Rohde, I, p. 260. Contra Dareste, dans le Journal des savants, 1889, p. 52.
[220] Odyssée, VIII, 283.
[221] Odyssée, VIII, 304-305.
[222] En général, dans les études d’ethnologie juridique, on pause du premier au dernier terme de l’évolution (voir Post, Studien, p. 124-123, cf. 160 ; Geschtechtsgenoss., p. 164-169 ; Grundriss, I, p. 243 ss. ; P. Rée, Enstehung d. Gewissens, p. 62-64, 68 ss.). Je ne vois guère que Steinmetz, I, p. 469 ss., qui ait noté la période de transition.