HISTOIRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉPOQUE DE PUISSANCE ET DE GLOIRE SOUS COLBERT ET LOUVOIS

 

CHAPITRE XVIII. — Continuation des réformes jusqu'à la guerre de Hollande de 1672.

Première partie : Réformes dans l'Église et dans la législation.

 

 

I. — Fin de la première querelle du jansénisme : Paix de l'Église ou de Clément IX. - Tentatives pour la conversion des protestants. - Conversion de Turenne ; Exposition de la foi catholique, par Bossuet ; Traité de la perpétuité, par Nicole. - Projets de réformes dans le clergé et dans les ordres religieux. - Action du clergé sur le bien public.

 

La guerre contre l'Angleterre et l'Espagne n'avait pas ralenti la marche des réformes commencées après la mort de Mazarin. Quelques-unes avaient même reçu une impulsion nouvelle des nécessités de la lutte ; d'ailleurs le roi tenait à gloire de gouverner tout en combattant : Les ordres de l'armée, dit le marquis de Pomponne, ne dérobèrent rien à son application pour le conseil, et le soin des affaires ne l'empêcha pas de se donner tout entier à la guerre[1]. La paix, survenue presque subitement, lui offrit ensuite une occasion toute naturelle de continuer les travaux intérieurs, soit pour mériter le renom de roi pacifique bienfaiteur de son peuple, soit pour mieux dissimuler à l'Europe ses véritables intentions, et rassembler, en vue d'hostilités plus décisives, les ressources nécessaires au triomphe. Il s'appliqua donc à cette œuvre, avant comme après la paix d'Aix-la-Chapelle, avec une ardeur persévérante qui fait des douze premières années de son règne une époque d'autant plus curieuse qu'elle a été jusqu'ici moins étudiée à sa place. Nous avons raconté les premiers essais en tout genre, il convient aujourd'hui d'en constater les progrès et les résultats. Reprenons ce sujet au point où nous l'avons laissé, au commencement de l'an 1666.

Il avait toujours montré un grand zèle pour rétablir la paix et l'unité dans l'Église de France. Or la paix était encore troublée par la résistance des jansénistes. Les rigueurs infligées aux religieuses de Port-Royal passionnaient assez vivement les esprits ; une polémique également ardente des deux côtés multipliait les attaques et les ripostes. Aux Chamillardes, ou lettres contre Chamillard, le directeur imposé à Port-Royal des Champs, se joignaient les Imaginaires de Nicole, répétant cet argument usé que le jansénisme n'existait que dans l'imagination de ses adversaires. Desmarets de Saint-Sorlin, l'auteur de Clovis et de beaucoup de comédies, étant intervenu dans le débat contre la fausse église et la fausse éloquence des jansénistes[2], Nicole encore lui opposa les Visionnaires, titre emprunté à une comédie de Desmarets, où, laissant la doctrine de côté, il s'en prenait à la personne et à la vie privée de son adversaire, et lui reprochait, comme un métier profane et scandaleux, ses travaux pour le théâtre. Alors un dramaturge débutant, Racine, récemment émancipé du système d'éducation de Port-Royal, prit le parti de Desmarets contre ses anciens maîtres. Dans une lettre vive, piquante, dégagée de discussions théologiques, et animée de petites histoires malicieuses, il les mettait en opposition avec eux-mêmes, les montrait pleins d'estime de leur propre mérite, impitoyables envers leurs adversaires, indulgents et commodes aux fautes de leurs amis, et désormais sans puissance sur l'opinion[3]. C'était, sans l'âpreté, l'esprit les Provinciales retourné contre les jansénistes, et peut-être le coup le plus sensible qui leur eût encore été porté (1666).

A ces disputes publiques correspondaient les menées secrètes des amis puissants. La duchesse de Longueville et sa belle-sœur, la princesse de Conti, méritaient, par leur dévouement à la secte, le nom ironique de mères de l'Église que La Rochefoucauld leur a donné. La duchesse de Longueville surtout exerçait une protection secrète sur les persécutés et guerroyait pour eux l'autorité souveraine. Elle cachait sous ses ailes, dit un de ses admirateurs[4], ceux qu'on cherchait de toutes parts ; son nom était comme un bouclier qui parait tous les coups qu'on s'efforçait de leur porter. Elle les recueillait partout, dans ses châteaux et dans son hôtel. Arnault et Nicole étaient cachés chez elle à Paris, et, pendant les premiers mois, à ses dépens. Ils l'entretenaient tous les jours des cinq ou six heures[5]. Ces conversations animaient son ardeur à les défendre. Elle écrivait au roi en leur faveur, lui remontrant qu'il ne pouvait donner de meilleurs directeurs à son peuple pour lui enseigner la fidélité. Elle écrivait au pape, aux cardinaux, pour leur obtenir une paix en règle. Grâce à son appui, ils firent et imprimèrent une de leurs œuvres les plus suspectes, la traduction du Nouveau Testament, dite de Mons ; ce qui n'empêcha pas les évêques de France d'y relever plus de cinq cents altérations du texte de la Vulgate, et d'en défendre la lecture. La condamnation par l'archevêque de Paris (nov. 1667) fut sanctionnée par un arrêt du Conseil du roi. Le pape porta le même jugement l'année suivante.

Ce que Louis XIV avait le plus à cœur, c'était de punir les quatre évêques qui avaient repoussé le formulaire et écrit contre la signature. Les chefs les plus importants une fois abattus, il lui semblait que le parti dût céder définitivement. Il demanda au Saint-Siège une commission d'évêques pour faire le procès aux récalcitrants. L'expédient, si conforme aux allures de son gouvernement, n'était.pas sans difficultés sérieuses. A Rome, Alexandre VII hésita longtemps à toucher une affaire aussi délicate dont il y avait peu d'exemples dans les derniers siècles ; il craignait, de la part des commissaires qui seraient nommés beaucoup de répugnance à juger et à déposer leurs frères[6]. Il se décida quelques jours avant sa mort (27 avril 1667), à expédier le bref demandé. Son successeur, Clément IX, instamment sollicité de maintenir ce qu'il avait réglé, s'y prêta de bonne grâce ; mais aussitôt il se manifesta en France ce qu'Alexandre VII avait prévu : Un très-grand nombre d'évêques, parmi lesquels on en distinguait plusieurs aussi recommandables par leurs vertus que par leurs lumières, virent avec peine s'établir une forme de procédure qui tendait à anéantir les maximes les plus chères à la France sur la forme canonique du jugement des évêques[7]. L'activité de la duchesse de Longueville auprès de plusieurs prélats et des dames de la cour qui avaient le plus de réputation, fortifia et propagea ce scrupule dans beaucoup d'esprits. Une circulaire anonyme, en l'honneur des droits des évêques et de la sainteté de leur dignité, donnait déjà à l'opinion une tournure contraire à la volonté royale.

Le roi cependant aurait tenu bon et passé outre au procès, s'il n'était survenu du nonce lui-même une proposition d'accommodement que le ministre de Lyonne accepta. Il s'agissait de suspendre les procédures jusqu'à ce qu'une nouvelle tentative de persuasion eût été faite auprès des quatre récalcitrants, et de les amener eux-mêmes à donner volontairement satisfaction au Saint-Siège. L'évêque de Laon, depuis cardinal d'Estrées, offrit sa médiation, et s'associa un janséniste qui avait signé, l'évêque de Châlons, Vialart. Le roi répondit alors qu'il ne s'opposait pas à la conciliation, qu'il voulait seulement que le pape fût obéi sur un point de doctrine, et se déclarât satisfait des preuves de soumission que lui donneraient les quatre évêques. Le pape, de son côté, promit d'accepter volontiers un accommodement qui pût être solide, c'est-à-dire une soumission parfaite aux constitutions d'Innocent X et d'Alexandre VII, qui lui paraîtrait telle par une signature pure et simple au formulaire sans distinction de fait et de droit et sans aucune restriction. Pour ménager toutes les susceptibilités, les médiateurs convinrent que les jésuites n'auraient aucune part à l'accommodement, que les évêques inculpés ne seraient pas obligés de révoquer leurs mandements, la soumission qu'on espérait étant une rétractation suffisante, et qu'ils seraient exempts de toute peine canonique pour leur absolution. L'évêque de Laon dit expressément que ce fut lui qui suggéra ces conditions[8].

La négociation entamée sur ces bases marcha assez vite malgré les résistances de l'évêque d'Aleth. Arnault y mettait beaucoup d'empressement, et il triompha de Nicolas Pavillon lui-même comme des trois autres. Tout paraissait terminé le 1er sept. 1668. Ce jour-là les quatre évêques adressèrent au pape une lettre commune rédigée par Arnault. Ils y disaient : Qu'ils avaient convoqué les synodes de leurs diocèses ; qu'ils y avaient ordonné une nouvelle souscription du formulaire ; qu'ils l'avaient souscrit eux-mêmes ; qu'ils s'étaient conformés à l'exemple de plusieurs évêques de France dans la manière d'agir et dans les sentiments de déférence dus aux constitutions apostoliques, que ce n'avait pas été sans peine et sans difficulté qu'ils en avaient usé de la sorte. L'évêque de Laon confirma et amplifia leur témoignage par le sien. Ils promettent, disait-il, de s'appliquer à rendre et à faire rendre aux constitutions apostoliques l'obéissance qui leur est due, et d'user contre les ecclésiastiques qui leur sont soumis de toutes les peines canoniques, s'il s'en trouve aucun qui, sous quelque prétexte que ce soit, à l'occasion du livre de Jansénius ou de sa doctrine, vienne à troubler le moins du monde l'autorité de ces constitutions[9].

Qui avait le droit de contester de pareilles protestations, de suspecter la sincérité de paroles si claires et si expresses ? Cette longue et lamentable querelle se terminait donc tout à coup par l'accord le plus heureux, par la plus complète uniformité de croyances et d'intentions. La paix était faite par l'obéissance de l'esprit et de la volonté, sa plus belle et plus efficace sanction. Hélas ! ce n'était qu'une apparence coupable. Les quatre évêques, dans leurs synodes, avaient renouvelé les restrictions défendues, et ces restrictions étaient consignées dans des procès-verbaux clandestins, dont on pourrait, comme on l'a essayé plus tard, se prévaloir au besoin. Pavillon, en particulier, insistait sur la nécessité de la grâce efficace par elle-même pour toutes les actions de la piété chrétienne, et sur le défaut d'infaillibilité de l'Église dans les questions de fait[10]. Comment qualifier cette différence entre le langage et la pensée, entre les déclarations au dehors et les réserves au dedans. Il eût été assez curieux, dit un historien moderne[11], de savoir, ce que Pascal eût pensé de la conduite de ses anciens amis dans cette singulière négociation. Il est vraisemblable que les jésuites, dont il avait traduit en ridicule les restrictions mentales sous des traits si ingénieux et si piquants, l'auraient invité à s'expliquer sur les restrictions secrètes de Port-Royal. Et qu'en pensait Arnault qui avait déterminé les évêques à céder ? Sans doute la fin de la persécution, Port-Royal libre, sa sœur et ses nièces en repos, tout cela valait bien une restriction mentale ou secrète.

Clément IX eut bien un soupçon assez fondé de cette fraude pour faire attendre quelque temps sa réponse ; mais soit que le nonce n'eût pas pu ou n'eût pas voulu lui envoyer les procès-verbaux clandestins dont il circulait des rumeurs très-fortes, soit qu'il crût devoir s'en rapporter à un nouvel écrit des quatre évêques qui protestaient qu'ab avaient signé et fait signer sincèrement le formulaire, il se déclara satisfait, non pourtant sans leur mettre sur la conscience le mensonge dont ils pouvaient avoir usé. Il leur disait : Nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous faites connaître avec de grandes marques de soumission que vous avez souscrit sincèrement et fait souscrire le formulaire du pape Alexandre VII... A l'occasion de certains bruits qui ont couru, nous avons cru devoir aller plus lentement en cette affaire — car nous n'aurions jamais admis à cet égard ni exception ni restriction quelconque —. Mais ayant depuis reçu des assurances nouvelles et considérables de la vraie et parfaite obéissance avec laquelle vous avez condamné sans aucune exception ou restriction les cinq propositions selon tous les sens dans lesquels elles ont été condamnées par le siège apostolique, nous voulons bien... etc. Il écrivit en même temps au roi que, les quatre évêques s'étant soumis... cette soumission lui donnait la satisfaction d'user de clémence plutôt que d'être contraint par leur désobéissance d'user de rigueur... 28 septembre 1668.

Telle fut la paix de l'Église ou paix de Clément IX. A l'empressement que Louis XIV mit à la faire exécuter, on peut juger qu'il souffrait impatiemment l'agitation que ces débats entretenaient dans les esprits. Un arrêt du Conseil (octobre 1668) 4t défense aux deux partis de s'appeler des noms hérétiques de jansénistes et de servi-pélagiens, et de s'offenser les uns les autres par des termes ou écrits injurieux capables de blesser la réputation de ceux qui avaient signé, à peine de punition exemplaire. Saci fut mis en liberté (31 octobre 1668). Arnault put se montrer ouvertement à l'hôtel de Longueville et fut reçu par le roi. Dans cette audience, pendant qu'il protestait à genoux de sa fidélité et de sa reconnaissance, le roi lui fit promettre de ne plus écrire, de ne plus parler, de ne plus rien dire qui pût troubler la paix du royaume par dés nouveautés. Les religieuses de Port-Royal eurent bientôt leur part. L'archevêque se fit adresser par elles une requête où elles condamnaient les cinq propositions avec toute sorte de sincérité, sans exception ni restriction quelconque. Et quant à L'attribution de ces propositions au livre de Jansénius, elles rendaient encore au Saint-Siège toute la déférence et obéissance qui lui était due, comme tous les théologiens convenaient qu'il la fallait rendre au regard de tous les livres condamnés, et en particulier les cardinaux Baronius, Bellarmin, Pallavicini. A ces conditions, l'interdit fut levé à Port-Royal des Champs (18 février 1669). A partir de cette époque les deux Port-Royal furent séparés. Celui de Paris, remanié, repeuplé, habitué depuis plusieurs années à une autre direction, resta sans lien avec l'autre. On fit entre les deux maisons un partage amiable des biens[12].

La paix de Clément XI, quoique masquée, comme on avait appelé cent ans plus tôt un traité peu durable, pouvait, en se consolidant, apporter à l'Église une estimable utilité. Deux forces, jusque-là hostiles, semblaient se rapprocher pour un travail commun, et concourir ensemble à la défense de la vérité toujours combattue par la réforme calviniste. Le Père Annat, confesseur du roi, semblait entrevoir ce résultat, quand il écrivait, dès l'arrivée du bref, que tous les jésuites étaient prêts à embrasser la paix, à vivre avec le parti contraire dans la pratique de tous les devoirs de la charité chrétienne, dans un parfait accord de paroles et de sentiments[13]. Arnault, présenté au nonce, lui offrait sa plume pour défendre l'Église. Le nonce, dit le Père Rapin, le releva en l'embrassant, appela cette plume une plume d'or, et n'oublia rien pour le bien traiter. Le roi également lui exprima le désir qu'il employât ses talents pour défendre la religion. On put croire, pendant quelques années, que ces promesses ne seraient pas stériles. Port-Royal avait toujours tenu à honneur de défendre contre les protestants le dogme de l'Eucharistie. Au moment de commencer la publication de la Perpétuité, Nicole et ses auxiliaires demandèrent Bossuet pour censeur. Alors s'établirent des rapports où Bossuet a dit qu'il avait toujours eu à se louer de la déférence d'Arnault. Un des meilleurs ouvrages de Port-Royal fut ainsi consacré par le jugement du docteur éminent qui, loin d'avoir jamais partagé les erreurs de cette maison, les avait énergiquement combattues dans ses religieuses. Les trois premiers volumes, les seuls qui soient de Nicole, parurent successivement (1669, 1670, 1674) avec l'approbation de Bossuet. Il se prêta également à un travail plus délicat et plus difficile, puisqu'il avait pour objet de renouveler et de rendre catholique un livre condamné par plusieurs autorités comme auxiliaire de l'hérésie. Arnault pria Bossuet de l'aider à corriger la traduction de Mons. Avec la permission de l'archevêque Péréfixe, Bossuet entreprit cette réforme, et les auteurs de la version faisaient avec une docilité sans bornes toutes les corrections qu'il leur demandait. On avait déjà corrigé les épîtres de saint Paul, et en particulier l'épître aux Romains, la plus difficile, quand la mort de Péréfixe (1671) interrompit le travail. Harlay, son successeur, n'en voulut jamais permettre la continuation[14]. Il est regrettable que Bossuet ait été empêché de rendre utile un livre défectueux en le purgeant des inexactitudes et des imperfections qu'on lui reprochait, et peut-être de contenir les chefs jansénistes, par la communauté de travail, dans la bonne voie où ils paraissaient rentrés.

La conversion que le roi croyait avoir obtenue des jansénistes, il v avait longtemps qu'il travaillait à l'obtenir des protestants. En prenant la direction des affaires, si on l'en croit lui-même, il s'était proposé à leur égard des moyens de persuasion qu'il fait expliquer catégoriquement dans ses Mémoires : Ne pas presser les huguenots par la rigueur, faire observer ce qu'ils avaient obtenu des rois précédents, mais ne rien leur accorder au delà ; attirer par des récompenses ceux qui se rendraient dociles ; mais quant aux grâces qui dépendraient de lui, ne leur en faire aucune, et cela par bonté, non par aigreur, afin de les obliger à considérer d'eux-mêmes s'ils avaient vraiment de bonnes raisons pour se priver des avantages accordés à d'autres. Il ne mettait pas moins d'importance à leur ôter le prétexte dont ils justifiaient leur antipathie pour l'Église catholique. Il savait que la réforme avait tiré une grande force de son nom même, qui semblait promettre de purifier l'Église de désordres, hélas ! trop flagrants. Il avait donc résolu de ne placer dans les fonctions ecclésiastiques, dont il avait la nomination, que des personnes de piété, d'application et de savoir, capables de réparer les scandales de leurs prédécesseurs, et de dissiper, par leur exemple comme par leurs instructions, les préjugés qui éloignaient les huguenots de la véritable Église[15].

Il persévérait dans ce système. Quelques huguenots du Havre étant impliqués dans une affaire assez grave, il écrivait au duc de Saint-Aignan, gouverneur (1er avril 1666) : Vous avez bien fait de ne rien précipiter touchant quelques habitants du Havre de la religion prétendue réformée. Ceux qui en font profession ne m'étant pas moins fidèles que mes autres sujets, il ne faut pas les traiter avec moins d'égards et de bonté. Aussi la vigilance de votre part doit être égale envers tous ; et si vous trouviez quelque chose parmi ceux de ladite religion qui ne fût pas à souffrir, vous devez bien vous garder d'en l'aire une affaire générale, et vous contenter de prendre pour les particuliers seulement les précautions nécessaires. En même temps que la tolérance, il pratiquait les encouragements. Un jeune seigneur avait abandonné l'hérésie sans aucune induction ; il le retint pour un des pages de sa grande écurie, et, par une lettre de sa main, assura le grand-père du jeune homme qu'il voulait avoir soin de lui. Avec ce zèle, il se gardait bien de l'indiscrétion qui trop souvent compromet les succès obtenus. Une demoiselle de Castelmoron ayant abjuré, une grande dame proposait de la mettre dans un couvent ; le roi trouva plus sage de la placer chez une personne de qualité, où elle pût trouver de la douceur et de l'édification. Car de la mettre dans un couvent, disait-il, l'extrémité me paraît trop grande pour une nouvelle convertie, et ce serait un mauvais moyen d'avancer la conversion de celles qui voudront l'imiter. Je me promets que nos soins ne seront pas épargnés, afin que le public connaisse que nous n'abandonnons pas ceux qu'il plait à Dieu d'appeler à un si heureux changement[16].

En 1666, on soumit au roi un mémoire qui renfermait, disait-on, les meilleurs moyens de convertir les protestants. Il s'agissait de gagner une cinquantaine de ministres, les assembler en synode, ouvrir des conférences avec des docteurs catholiques, dans lesquelles les pasteurs gagnés d'avance se réuniraient à l'Église, et obtenir du pape une dispense de quelques pratiques catholiques en faveur des calvinistes scrupuleux ; cela fait, on révoquerait l'édit de Nantes comme devenu inutile[17]. Le roi en délibéra en Conseil, mais il ne se laissa pas prendre aux espérances téméraires de l'auteur. Il consulta Turenne qui, né huguenot, et longtemps retenu dans la société de ses coreligionnaires par l'amour de sa femme et de sa sœur, inclinait ouvertement, et par une conviction sincère, vers la religion catholique. Turenne donna, sur cette question délicate, les avis les plus sages. Il représenta que le trop de zèle et d'empressement produirait, au lieu de conversions, de l'aigreur et une réputation de violence, que des conférences ordonnées par le roi seraient suspectes, que les ministres abjurant dans ces conditions passeraient pour de faux protestants. Il vaudrait mieux, disait-il, des conférences évidemment libres, et surtout l'assurance que les ministres qui ne se convertiraient pas ne seraient pas inquiétés, ni les édits révoqués. Il finit par une pensée qui rentrait dans celle de Louis XIV, la nécessité de dissiper par de bons enseignements l'ignorance du peuple, car beaucoup de catholiques, et principalement du peuple, n'étaient pas bien instruits de leur religion, et c'était sur cette croyance incomplète que les réformés jugeaient l'Église catholique. Il serait très-important que les docteurs catholiques donnassent une exposition bien nette de leur croyance.

Il y a une remarquable coïncidence entre ce conseil de Turenne, et un ouvrage entrepris à cette époque par Bossuet, comme tout exprès pour y satisfaire. L'Exposition de la doctrine catholique, un des plus courts et des plus triomphants traités du grand théologien, fut alors composée pour l'instruction de tous, et particulièrement des protestants qui calomniaient l'Église catholique, en lui prêtant des dogmes et des maximes qui n'étaient pas les siennes. Exposer au lieu de discuter, proposer simplement les sentiments de l'Eglise et les bien distinguer de ceux qui lui ont été faussement imputés, c'était la plus sûre manière de supprimer les disputes qui n'étaient fondées que sur de fausses explications de la croyance catholique, et montrer que les autres n'avaient rien qui blessât les sentiments de la foi[18]. Ce petit livre fut d'abord donné manuscrit à quelques personnes particulières, et il s'en répandit plusieurs copies[19]. Une de ces copies décida de la conversion du marquis de Dangeau et de son frère. Une seconde, remise à Turenne, produisit sur lui l'effet qu'il avait annoncé pour les autres. Ce grand homme avait souvent lu la première édition de la Perpétuité de Nicole[20]. Ses lettres à sa famille témoignent surabondamment que, depuis dix ans, il ne trouvait plus la vérité dans le protestantisme, que les discours des ministres ne lui semblaient pas capables de contredire victorieusement les sentiments des catholiques, et qu'il voyait claires comme le jour certaines vérités que ses coreligionnaires refusaient de reconnaître ingénument. Mais tantôt par ménagement pour une femme qu'il aimait avec tendresse, tantôt par la crainte honorable qu'on n'attribuât sa conversion au désir de plaire à Louis XIV et à l'espérance de devenir connétable, il persistait à ne pas se déclarer[21]. A la vêture d'une de ses nièces qui prenait le voile chez les carmélites (1660), comme sa religion le tenait éloigné de la cérémonie, Bossuet s'était écrié en présence des deux reines : Quelque illustre que soit cette assemblée, on ne s'aperçoit que trop de ce qui lui manque. Dieu veuille que l'année prochaine la compagnie soit complète, que ce grand et invincible courage se laisse vaincre une fois, et qu'après avoir tant servi, il travaille enfin pour lui-même ![22] Huit ans s'étaient écoulés depuis ce vœu d'un admirateur et d'un ami ; enfin l'Exposition de la doctrine catholique en détermina l'accomplissement. Deux ans après la mort de sa femme, et à la suite de nouvelles et sérieuses études, Turenne, vaincu par Bossuet, annonça au roi qu'il voulait changer de religion (novembre 1668). Il le fit avec la dignité d'un homme vraiment libre, qui ne cherche pas l'agrément des puissances, mais son devoir. Comme le roi, ravi de cette nouvelle, parlait de dépêcher sur l'heure un courrier au pape : Ah ! sire, répond Turenne, je supplie Votre Majesté de n'en rien faire ; car si je croyais que cette action pût m'attirer les gants qu'Elle tient, je ne la ferais pas.

On essaya en divers sens d'expliquer cette abjuration de Turenne : comme toujours il y eut des interprètes d'intentions qui donnèrent tout d'abord dans la calomnie, rapportant à de vils calculs un acte de conscience et de foi. Mais, dit un protestant[23], ces raisonnements n'étant que des conjectures, ils s'évanouirent aussitôt ; il aurait pu ajouter que la conscience publique, qui connaissait Turenne, en fit promptement justice. Le roi triompha. Il demanda au pape le chapeau de cardinal pour le neveu de Turenne, puisque lui-même ne consentait à accepter aucune récompense. Il parlait du fruit que produirait dans le public l'exemple de ce nouveau converti[24]. Il y avait en effet, à ce moment, un retour à la foi catholique capable de réjouir les enfants de l'Église. La noblesse, autrefois soutien ardent du calvinisme, renonçait en foule à ce vieil instrument de son ambition. Les malveillants même avaient essayé de faire croire que, si Turenne ne voulait plus aller au temple de Charenton, c'est qu'on n'y voyait presque plus de personnes de qualité. Si la conduite modérée de Louis XIV était pour quelque chose dans ce résultat, il avait le droit de s'applaudir d'un système qui, en ménageant les personnes, n'en réduisait pas moins le nombre des partisans de l'erreur.

L'Exposition de la doctrine catholique marque une poque solennelle dans l'histoire des controverses or le protestantisme. Turenne pressa Bossuet de faire imprimer pour l'utilité de tous le livre qui lui avait si bien profité à lui-même[25]. Avant de s'adresser au monde, au nom de toute l'Église, Bossuet voulut avoir le sentiment des évêques et des cardinaux ; il leur soumit confidentiellement des épreuves imprimées de son travail ; et ce ne fut qu'après avoir reçu les approbations les plus formelles qu'il se décida à l'impression publique (1670). La sensation fut si grande dans toute la chrétienté, que les protestants, pour en prévenir les suites, prétendirent que ce livre n'était pas l'expression fidèle de la doctrine catholique, que l'auteur avait cherché des tempéraments propres à contenter tout le monde. Mais, comme dit Bossuet, quelle apparence que la foi catholique eût été trahie plutôt qu'exposée par un évêque qui avait prêché toute sa vie l'Évangile tans que sa doctrine eût jamais été suspecte ? Les sentiments écrits et signés de tant d'autres évêques et de docteurs romains, la traduction du livre en tant de langues, l'usage que les catholiques en firent en Allemagne, attestaient bien haut que l'auteur n'avait pas parlé de lui-même. Les adversaires essayèrent encore de chicaner sur le silence du pape et de tenir pour nulles les approbations des Églises particulières, tant que l'oracle de Rome n'avait pas parlé. Ce dernier retranchement leur fut enlevé quelques années plus tard, lorsque Innocent XI écrivit à Bossuet : Votre livre contient une doctrine, qui est composé avec une méthode et une sagesse qui le rendent propre à instruire nettement et brièvement les lecteurs, et à tirer des plus opiniâtres un aveu sincère des vérités de la foi[26]. L'autorité infaillible du souverain pontificat consacrait ainsi la plus retentissante et la plus unanime adhésion que l'œuvre d'un particulier eût jamais reçue.

Le roi roulait encore dans sa tête bien d'autres projets de réformes pour l'Église ; il voulait compléter l'épuration du clergé, et rétablir dans toute la régularité l'ordre monastique. Il y avait des abbés de cour ou de salon, comme Fléchier, qui, précepteur des fils de M. de Caumartin, passait son temps à faire de petits vers ou à raconter aux dames, d'un style leste et joyeux, les fredaines ou les crimes des accusés de Clermont. Il y avait des évêques qui aimaient peu à résider, et dont la malice de Mme de Sévigné n'était pas seule à plaisanter[27]. Bien des couvents, selon l'expression du roi, présentaient le double mal de la difformité et du scandale, ou de moines qui vivaient trop à leur gré, ou de religieuses qui n'avaient d'autre vocation que les convenances ou la contrainte adroite de leurs familles[28]. La matière ne manquait donc pas au zèle des réformateurs ; dans les conditions de rapports mutuels, et parfois de dépendance, où l'Église vivait alors avec les princes, l'autorité du roi aurait pu aider efficacement à la réparation, s'il n'eût pas mêlé à ses intentions pieuses un sentiment exagéré de ses droits, et trop de préoccupation pour les intérêts temporels.

On trouve, dans ses Mémoires pour 1666, une théorie de ses droits sur le temporel de l'Église, qu'il importe d'autant plus de faire connaître, qu'elle a été un obstacle considérable au bien qu'il se proposait d'accomplir. Il déclare qu'il est seigneur absolu, et qu'il a naturellement la disposition pleine et libre de tous les biens, tant des ecclésiastiques que des séculiers, pour en user selon les besoins de l'État. Les noms mystérieux de franchises et de libertés de l'Église ne l'éblouissent pas, parce qu'ils ne sauraient dispenser personne de la sujétion prescrite à tous par l'Évangile. Les biens de l'Église n'ont pu être affranchis par les donateurs des redevances dues aux seigneurs, encore moins de la redevance que le prince, seigneur universel, reçoit pour le bien général de tout le royaume. La liberté laissée aux ecclésiastiques de délibérer dans leurs assemblées, sur la somme qu'ils doivent fournir, ne les dispense pas plus de contribuer aux charges publiques que la même liberté laissée aux peuples de plusieurs provinces ; quand les uns et les autres refusent de s'acquitter volontairement de leur devoir, on les v contraint par la force. Les ecclésiastiques mêmes sont plus tenus que les autres à servir le roi de tous leurs biens, parce que les bénéficiers ne tiennent tout ce qu'ils ont que du choix du roi. Quand la noblesse donne à la fois ses travaux et son sang, et consume si souvent ses biens à soutenir les emplois dont elle est chargée, il ne serait pas équitable que les ecclésiastiques fussent exempts des dangers de la guerre, des profusions du luxe et du poids des familles, ans jamais contribuer en rien aux besoins du public[29].

Au point de vue de l'égalité de tous devant 'impôt, cette théorie pourrait être fort acceptable. Si Louis XIV eût voulu sincèrement la faire prévaloir, et l'appliquer énergiquement à tous les biens-fonds, il eût rendu un grand service à la société française en supprimant un des griefs les plus tenaces contre l'ancien régime, et peut-être prévenu la Révolution. Mais que d'erreurs dans les détails ! Où avait-il vu que le clergé ne prit aux charges publiques d'autre part que l'argent prélevé directement sur ses biens par le roi ? Les biens d'Église n'étaient-ils donc pas chargés d'obligations de toutes sortes pour les pauvres, pour les malades, pour les écoles, pour tous ces services qu'on appelle aujourd'hui l'assistance publique, et qui sont, depuis la spoliation de l'Église, à la charge du budget de l'État ou des communes ? Assurément la noblesse donnait beaucoup moins ; car les pays d'états, où elle votait le don gratuit, n'étaient que le petit nombre ; et dans l'exercice d'emplois qui lui étaient payés, et dans la guerre dont elle ne faisait -plus les frais, elle trouvait plus de profits que de sacrifices pour son orgueil ou sa cupidité. Il n'était pas vrai non plus que l'Église tint ses possessions du prince. Elle en devait la meilleure partie aux donations volontaires des particuliers auxquelles, dans la suite des siècles, s'étaient joints au même titre les dons des rois. Que par une pression tyrannique, la puissance temporelle fût parvenue à extorquer le droit de nommer aux fonctions ecclésiastiques, cette irruption dans le choix des personnes n'impliquait pas la propriété des choses attachées aux fonctions. Mais le roi usait de ce droit de nomination pour disposer des biens en faveur des familles ou des individus qu'il voulait favoriser ; il avait besoin de l'ériger en seigneurie absolue pour excuser l'usage, ou plutôt l'abus, qu'il en faisait. Or ce fut son attachement à ce prétendu droit qui nuisit le plus à ses projets de réforme.

En fait de réformes utiles à l'Église, il en était une qui dépendait absolument de sa volonté et qu'il s'imposa de bonne grâce. On a vu qu'il mettait un grand prix à rétablir la considération du clergé parmi les peuples. Dans ce but, il avait accueilli de bonne heure (1662) une proposition du président de Perignv, son secrétaire, que Pellison a rédigée en ces termes (1671) : Il serait bon de faire observer dans cette milice sacrée ce que j'observe aujourd'hui dans la plupart de mes troupes où l'on monté par degrés de grade en grade. Il suffirait aujourd'hui de n'admettre aux évêchés et aux autres dignités considérables que ceux qui auraient actuellement servi l'Église, soit dans la prédication assidue et continuelle, soit dans les missions, soit en faisant les fonctions de curés et de vicaires qui embrassent toutes ces choses et plusieurs autres ; de quoi les jeunes gens de la plus haute naissance ne seraient pas plus à plaindre qu'ils le sont quand ils portent le mousquet dans mes gardes pour parvenir quelque jour à commander mes armées[30]. Voilà qui était bien entendre le recrutement ecclésiastique ; proclamer l'égalité par le mérite entre toutes les classes, et réserver les honneurs à quiconque s'en rendait ligne par le travail : deus grandes leçons que l'Église mule avait données au monde sans danger. Il fut assez fidèle à cette résolution ; c'est ce qui a rendu sous son règne au corps épiscopal, au moins dans l'ensemble, un caractère justement honoré. A quinze ans de là, Bossuet pouvait, sans aucune apparence de flatterie, le louer d'avoir déchargé sa conscience de la partie la plus périlleuse de ses devoirs, et de tenir exclus de l'épiscopat ceux qui ne voulaient pas y arriver par des travaux apostoliques[31].

Il y avait moins de désintéressement dans les soins qu'il prit de faire modifier certaines pratiques religieuses. Le nombre des fêtes chômées, augmenté par des dévotions particulières, était alors assez considérable. Une opinion, que La Fontaine a versifiée plus tard[32], dénonçait dans cet usage un préjudice notable pour les travailleurs. Colbert, avec sa haine de la fainéantise, appuyait tout ce qui promettait une réforme. Le roi résolut de la faire ; il en donne deux raisons, d'abord l'intérêt du bien-être : ces fêtes diminuaient la richesse du royaume par la diminution des produits du travail ; en second lieu l'honneur même de la religion : La plupart des artisans, dit-il, étant des hommes grossiers, donnaient ordinairement à la débauche et au désordre ces jours destinés à la prière et aux bonnes œuvres. Était-ce déjà l'esprit moderne, avec sou culte de la matière et le besoin d'usurper pour l'homme la part de temps que Dieu s'est réservée ? Il est certain que les arguments allégués par Louis XIV, y compris l'honneur de la religion, se retrouveront dans mille attaques de Voltaire contre le dimanche et les fêtes[33]. Disons, pour être juste, que c'était aussi l'esprit ancien, l'esprit de ces empereurs chrétiens qui avaient peur des vocations ecclésiastiques comme d'une atteinte à leurs finances ; en un mot, l'éternel antagonisme du corps et de l'âme, de la matière et de l'esprit. Ici pourtant Louis XIV n'avait pas tout à fait tort ; des écrivains religieux en conviennent volontiers. L'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, invité le premier à entrer dans la pensée du roi, donna en effet l'exemple et supprima dix-sept fêtes (1667). Les autres évêques le suivirent de plus ou moins près : ce dont les pauvres artisans profitèrent, dit le Père Rapin, car il y avait trop de fêtes[34].

Quant aux ordres religieux, la réforme qu'il méditait avorta véritablement par suite des mesures mêmes qu'il jugea propres à l'accomplir. Il s'était facilement laissé persuader qu'il y avait beaucoup de moines inutiles. Il aurait voulu ne conserver que ceux qui servaient à l'instruction des peuples, et à l'administration des sacrements, ou encore ceux qui, par un austère exemplaire, étaient un grand exemple[35]. Les autres lui paraissaient stériles pour l'État. Il crut que la plus sûre manière d'en restreindre le nombre à l'avenir, c'était de retarder l'âge des ceux ; si nul ne pouvait franchir la porte des cloîtres avant l'âge de vingt-cinq ans, bien des esprits s'engageraient, en attendant, dans une autre profession, et quand ils en auraient pris le goût par la pratique, ils y demeureraient pour la plus grande utilité commune ; de là sortiraient des familles dont État serait fortifié. Aussi bien — c'est toujours lui qui parle —, l'Église y trouverait l'avantage de n'accueillir que des vocations éprouvées plus longuement et partant plus certaines. Ces deux raisonnements étaient plus spécieux que solides. Est-ce donc un si grand bien que de pousser au développement indéfini de la population ? L'encombrement de notre société moderne est une réponse péremptoire. Est-ce une garantie pour la morale publique que de retenir dans le monde, à l'âge le plus dangereux, dès âmes faites pour la solitude ; et n'a-t-on pas à craindre de rendre irrésistibles, par les entraînements du dehors, des passions qu'une retraite opportune convertirait en vertus également énergiques et utiles ? Aussi le projet de retarder l'émission des vœux fut mal accueilli par tous ceux qui avaient le véritable esprit dé l'Église. Le roi, sur la foi de ses conseillers, s'attribuait le pouvoir de décider l'affaire par sa seule autorité. Une déclaration était même déjà rédigée d'après ce principe ; mais Lamoignon lui représenta qu'il n'en était pas ainsi. Le nonce fit valoir qu'une pareille réforme n'était pas un sujet de délibération au Conseil royal, qu'en Angleterre et en Hollande, le Conseil civil ne décidait pas des affaires de religion, qu'en Turquie on ne consultait sur cela que le muphti, et qu'il était étrange que, dans le royaume Très-Chrétien, on voulût en user d'une autre manière[36]. Le roi s'arrêta devant ces raisons, par ces sentiments de respects, dit-il, que nous devons toujours avoir pour l'Église en ce qui est de sa véritable juridiction.

Battu sur un point, il ne renonça pas encore à supprimer ce qu'il regardait comme un mal ; il espéra mieux réussir par les moyens qui dépendaient purement de lui. En conséquence, il défendit à tous séculiers ou réguliers d'établir ou de permettre d'établir dans son royaume aucune communauté religieuse sans un ordre exprès de sa part. Il ordonna d'examiner les titres des maisons régulières fondées depuis trente ans, et de supprimer celles qui n'auraient pas satisfait aux anciennes ordonnances du royaume (1667). Il y avait là une entrave à la liberté d'autant plus contraire à son désir de réforme que le zèle des fondations exclut toute crainte de désordre et de relâchement. Le premier résultat de ces mesures fut d'arrêter les fondations que préparaient de véritables réformateurs, et en particulier l'établissement de monastères de l'observance de la Trappe[37]. Sur un rapport du procureur général, le parlement ordonna aux ordres mendiants, qui s'étaient multipliés outre mesure, de nommer des commissaires français pour réformer les abus introduits chez eux ; l'intention n'était pas mauvaise. Mais en même temps on chercha chicane à des monastères de religieuses qui acceptaient, moyennant une dot ou pension, plus de filles que leur ancienne dotation ne leur permettait d'en nourrir. Elles durent représenter l'état de leurs biens et de leurs charges, pour servir à régler avec plus de connaissance le nombre de religieuses qu'elles pourraient recevoir. Évidemment le but du roi était moins d'assurer leur régularité que de diminuer leur nombre. La charité et la pauvreté n'étaient un danger ni pour la foi ni pour l'honneur de l'ordre monastique. Ce n'étaient pas les maisons pauvres qui vivaient dans le désordre, et ce n'était pas l'espérance de l'oisiveté et de la mollesse qui poussait les novices dans des monastères où l'austérité et le travail étaient forcés.

Un véritable zèle de réforme aurait- procédé autrement. Qu'il y eût des moines inutiles, nous l'avons reconnu ailleurs, et nous le répétons ici sans embarras. Mais ils n'étaient devenus inutiles que par la négligence et l'abandon de leurs règles primitives ; pour les rétablir dans leur vraie vocation et dans l'estime publique, il suffisait de les forcer à reprendre et observer ces règles, et pour les y ramener rien n'eût été plus efficace que de leur rendre des supérieurs réguliers, c'est-à-dire de renoncer au système désastreux des commendes. Or Louis XIV ne voulut jamais subir lui-même cette grande réforme. Il avait trop de profit à trouver dans les biens monastiques un fonds tout prêt pour récompenser les services de ses agents, confidents et amis. S'il s'abstenait de donner les évêchés en commende, il maintenait dans celte condition dégradée un bon nombre de monastères ; il ne consentait qu'avec peine à laisser tomber un bénéfice de commende en règle, comme on le voit par toute l'histoire de la Trappe. A ce moment même, il dédommageait Jean-Casimir, roi de Pologne, de son abdication par la possession de revenus monastiques. Monsieur mon frère, lui écrivait-il, je suis bien fâché que le retardement du mariage de mon oncle le duc de Verneuil m'empêche de vous envoyer, comme je l'avais résolu, les brevets des abbayes qui vaqueront par le changement de sa condition. Je vous dépêche l'abbé Courtois pour tous en dire le détail, et vous assurer que je pourvoirai incessamment à ce qui vous a été promis, à mesure qu'il y aura des bénéfices vacants, comme L'évêque de Béziers vous l'expliquera aussi de vive voix à son arrivée[38]. Casimir fut bientôt investi de l'abbaye de Saint-Germain des Prés ; ce qui n'empêcha pas ce singulier abbé de se remarier quelque temps avant sa mort, avec la veuve du maréchal de L'Hôpital, l'ancienne blanchisseuse Françoise Mignot.

Cependant en dehors de l'action du roi, il s'accomplit des réformes réelles dans l'ordre monastique. L'abbé de Rancé est alors le réparateur le plus heureux. Son exemple, ses conseils, son intervention, soutiennent et propagent l'étroite observance de Cîteaux. Déjà il réforme Septfonds (1667), en attendant que, hors de France, il change Orval et Tamied ; il fait respecter, par la commune observance de Cîteaux, hommes et femmes, un bref pontifical de réformation adoucie, il est vrai, mais encore capable de supprimer bien des abus (1671). Il pousse au développement de la congrégation de Saint-Maur, il dirige des supérieurs d'autres ordres ; partout il travaille, et réussit souvent à faire revivre la vertu des anciens jours. Dans le clergé, où l'influence et l'action du roi sont plus sincères et plus soutenues, il y a également un mouvement de zèle, qui, sans tout purifier, porte des fruits estimables. Bossuet prêche hautement le rétablissement des mœurs ecclésiastiques. Ses apostrophes solennelles aux ambitieux et aux 'mercenaires dans l'Église vengent la vérité divine des faiblesses des hommes, et font rentrer en eux-mêmes les coupables. Il crie malheur aux âmes mercenaires qui n'ont d'autre but, en acquérant la science de l'Évangile, que d'en trafiquer avec le monde pour acquérir des biens temporels[39]. S'il défend les droits de l'Église, il s'oppose à ce qu'on fasse servir ces droits à l'orgueil, cette puissance à la tyrannie, cette richesse à la vanité et à l'avarice... Que tous ceux qui sont appelés aux honneurs ecclésiastiques...  maintiennent la dignité de l'ordre sacré par le mépris des grandeurs du monde... par l'exemple de leur modestie... par la mortification et la pénitence... que leur vie soit l'édification des peuples, leur parole l'instruction des simples, leur doctrine la lumière des dévoyés, leur vigueur et leur fermeté la confusion des pécheurs, leur charité l'asile des pauvres, leur puissance le soutien des faibles, leur maison la retraite des affligés, leur vigilance le salut de tous. Ainsi nous réveillerons dans l'esprit de tous les fidèles cette ancienne vénération pour le sacerdoce[40].

Un bon nombre d'évêques poursuivent le même but par leurs règlements et leur vigilance. Nous trouvons encore des mandements de cette époque où l'esprit de Bourdoise et de Vincent de Paul continue à parler : défense aux ecclésiastiques de s'erre-„ter dans les places publiques sans nécessité, de fréquenter les jeux, d'entrer dans les cabarets et hôtelleries, excepté pour des besoins de voyage, de poire et dé manger dans la rue vis-à-vis ou proche de ces maisons ; prescription de faire le catéchisme les jours de dimanches et des principales fêtes de l'année, et de tenir entre eux des conférences pour leur instruction et leur édification[41]. Ce que Nicolas Colbert, évêque de Luçon et frère du ministre, adonnait en 1668, on le relit quelques années près (1673), dans un mandement de François de Harlay, archevêque de Paris, augmenté de quelques articles, tels que l'ordre de porter la soutane, d'observer la résidence, la défense de s'établir à Paris et d'y prendre des emplois quand on appartient à un autre diocèse. Quelques reproches personnels qu'ait m'accourir ce prélat, sa parole au moins est un hommage à l'esprit de régularité qui dominait alors dans le corps épiscopal.

Aussi le clergé reconquérait la confiance publique, et il en profitait pour proposer et patronner des œuvres favorables à tous les intérêts. En voici une, peu connue, qui eut un instant beaucoup de popularité, quoique l'exécution ne fût pas aussi praticable que l'intention était bonne. En 1670, l'assemblée du clergé invita tous les évêques de France à établir dans leurs diocèses deux actions de charité : l'accord des procès et les remèdes des pauvres. Trente et un archevêques et évêques du Midi, et quarante-cinq autres répondirent à cet appel. De grands seigneurs et officiers du roi promirent d'y contribuer dans leurs gouvernements ou dans leurs terres. Il s'agissait d'abolir la chicane, ce fléau de la vie et des biens de la plupart des hommes, et de guérir promptement les maladies funestes an travail et aux services publics. Une assemblée charitable à Paris, composée de personnes de qualité, faisait les frais d'achat des remèdes ; un dépôt devait être, dans chaque localité, tenu à la portée des besoins. Un livre contenant le catalogue des remèdes indiquait le traitement convenable à chaque maladie. Contre la chicane, on opposait à la manie des procès la soumission aux décisions arbitrales. Évêques, curés, missionnaires, s'appliquaient dans leurs visites pastorales, dans leurs prônes et sermons, à persuader aux fidèles le grand avantage des voies amiables sur la dispute. Ils s'employaient ensuite à réconcilier eux-mêmes les parties ou à leur faire accepter des arbitres. La notice, qui courait alors pour recommander l'œuvre, donne de curieux détails. Les inimitiés pour causes légères étaient accordées par les curés ou les missionnaires seuls ; on amenait les ennemis à s'entr'embrasser, à s'entre-visiter ensuite pour l'édification du prochain, à s'entre-régaler s'ils étaient de qualité pour cela. Les querelles nées d'injures qualifiées et demandant réparation étaient encore terminées par le curé ou les missionnaires, mais en présence et de l'avis des laïques du lieu les plus considérables. Quant aux procès, ils étaient soumis à des arbitres. Le curé de Saint-Sulpice à Paris est distingué comme un des plus actifs promoteurs du système. Il réunissait chez lui une assemblée de docteurs de Sorbonne, d'abbés, de ducs et pairs, de cordons bleus, présidée par le due de Luynes ; il poussait énergiquement ses paroissiens à ne plus chercher d'autres juges. La notice dit encore que, si une partie refusait de convenir d'arbitres, on pouvait lui refuser la communion, selon l'avis de saint François de Sales. Le roi y joignait la sanction de l'autorité souveraine ; on cite une personne considérable exilée par son ordre, pour un refus de ce genre adressé à son archevêque et au gouverneur de la province. Le roi était persuadé que, si les malades étaient bien soignés, les soldats et les matelots guériraient promptement ; les maladies étant prévenues dans les armées et sur les vaisseaux, le service militaire serait meilleur et moins coûteux. Il espérait, en abolissant la chicane, donner plus de repos et de régularité au clergé, à la noblesse, plus d'assiduité au service, au paysan plu, de temps pour labourer la terre, plus de facilité à payer la ferme, la taille et la gabelle[42]. C'était donc moins la charité qui l'inspirait que l'intérêt de financier et du réformateur de la justice. La bonne œuvre s'accordait à propos avec la législation nouvelle qu'il imposait à ses magistrats.

 

 

 



[1] Mémoires du marquis de Pomponne : Négociations de Suède.

[2] C'est le titre de l'ouvrage de Desmarets.

[3] Lettre de Racine à l'auteur des Hérésies imaginaires et des Deux Visionnaires :

Dieu merci, vous ne louez jamais que ce que vous faites..... On n'est point accoutumé à vous croire si légèrement. Il y a vingt ans que vous dites tous les jours que les cinq propositions ne sont pas dans Jansénius ; cependant on ne vous croit pas encore..... Fallait-il interrompre vos saintes occupations pour mettre en français les comédies de Térence ? Encore si vous nous les aviez données avec leurs grâces, le public vous serait obligé de la peine que vous avez prise..... On vous a vus de tout temps louer et blâmer le même homme selon que vous étiez contents ou mal satisfaits de lui..... qu'une femme fût dans le désordre, qu'un homme fût dans la débauche, s'ils se disaient de vos amis vous espériez toujours de leur salut..... La science était traite comme la vertu : ce n'était pas assez pour être savant, d'avoir étudié toute sa vie, d'avoir lu tous les auteurs ; il fallait avoir lu Jansénius et n'y avoir pas lu les propositions.

[4] Mémoires de Fontaine, cités par Cousin : Vie de Mme de Sablé.

[5] Racine, Œuvres diverses : Fragments sur Port-Royal.

[6] Mémoires de René Rapin, tome III, livre XIX, page 394, et livre XX, page 423.

[7] Histoire de Fénelon, par Beausset : Pièces justificatives du livre V, t. III. Il y e a un résumé clair et précis de la querelle du jansénisme, auquel nous empruntons encore plus bas quelques pensées.

[8] Discours du cardinal d'Estrées, en 1693, à Rome, dans une congrégation chargée d'examiner la paix de Clément IX, cité par Fénelon, tome XI de ses Œuvres.

[9] Histoire ecclésiastique de Dupin, cité par l'annotateur de Rapin, tome III, livre XX, page 461.

[10] Dans le procès-verbal de Pavillon, on lit : Nous vous déclarons que ce serait faire injure à l'Église que de comprendre, entre ces sens condamnés dans ces propositions, la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas sur la grâce efficace par elle-même nécessaire pour toutes les actions de la piété chrétienne.

Nous vous déclarons qu'à l'égard du fait contenu dans ledit formulaire, vous êtes seulement obligés à une soumission de respect et de discipline..... et à demeurer dans le silence..... parce que l'Église n'étant pas infaillible dans ces sortes de faits, qui regardent les sentiments des auteurs ou de leurs livres, elle ne prétend pas obliger, par la seule autorité de ses décisions, ses enfants à les croire.

[11] Cardinal de Beausset, Histoire de Fénelon, pièces justificatives du tome III.

[12] Sainte-Beuve, Histoire de Port-Royal.

[13] Lettre du Père Annat au roi, 10 octobre 1668, rapportée par Rapin, tome III, page 472.

[14] Histoire de Bossuet, tome Ier, livre II.

[15] Mémoires de Louis XIV, rédaction de Pellisson, rapportés à 1661, mais rédigés en 1671, sous l'impression des sentiments du roi à cette date.

[16] Œuvres de Louis XIV, tome V : Lettres à Saint-Aignan, 1er avril 1666 ; au marquis de Théobon, 9 juillet 1668 ; à la duchesse de Richelieu, 8 avril 1672.

[17] Œuvres de Louis IV, pièces annexes.

[18] Bossuet, Exposition de la doctrine catholique, 1re page.

[19] Bossuet, Remarque sur le livre de l'Exposition, à la fin du sixième avertissement aux protestants.

[20] L'ouvrage de Nicole avait d'abord été publié en un volume. C'est ce qu'on appelle la Petite Perpétuité.

[21] Mémoires de Choisy, livre X : Turenne disait au roi en 1668 : Je me suis converti dans un temps non suspect. — Il est vrai, lui dit le roi, que si vous l'aviez voulu faire en 1660, vous pouviez espérer autre chose qu'un chapeau rouge. En 1668 il était question du chapeau du cardinal pour le neveu de Turenne.

[22] Bossuet, Sermon pour la vêture de Mlle de Bouillon de Château-Thierry.

[23] Frémont d'Ablancourt, d'ailleurs ami de Turenne, cité par Beausset, Vie de Bossuet.

[24] Œuvres de Louis XIV, Lettre à Clément IX, 31 janvier 1669.

[25] Mémoires de Choisy, livre X : Il dit à l'évêque de Condom, avec lequel il fit depuis une amitié très-intime, que la plupart des huguenots ne se convertissaient pas faute d'entendre la véritable doctrine de l'Église catholique, et lui donna peut-être les premières vues qui ont produit le livre de l'Exposition de ln Foi, en lui exposant les arides qui lui avaient fait le plus de peine, et qui ne lui en faisaient. Plus de la manière dont l'évêque de Condom les expliquait.

[26] Voir en tête de l'Exposition de la doctrine catholique les approbations des évêques et des docteurs, et le bref d'innocent XI.

[27] Sévigné, Lettres, 20 mars 1871 : Madame de Coulanges disait au coadjuteur de Reims : Quelle folie d'aller à Reims, et qu'allez-vous faire là ? Vous vous y ennuierez comme un chien ; demeurez ici, nous vous promènerons. Ce discours à un archevêque nous fit rire ; nous ne le trouvâmes nullement canonique, et nous comprimes pourtant que si plusieurs dames le tenaient à des prélats, elles ne perdraient pas leurs paroles.

[28] C'était au moins l'opinion, fortifiée par des faits particuliers qui couraient le monde, comme le témoigne ce passage des Grands Jours d'Auvergne par Fléchier : On nous parla de plusieurs religieuses qui réclamaient ou qui avaient quitté l'habit depuis quelque temps en Auvergne. Je ne m'en étonnai pas ; on les contraint par des intérêts domestiques, on leur ôte par des menaces la liberté de refuser, et les mères les sacrifient avec tant d'autorité, qu'elles sont contraintes de souffrir le coup sans se plaindre. Une jeune fille, au moment de faire ses vœux, répondit à la première question de l'évêque : Je demande les clefs du monastère pour en sortir. On le lui fit répéter deux fois. Elle déclara qu'elle n'avait encore eu que ce moyen de faire une protestation qui pût être entendue. Si les filles qu'on sacrifie tous les jours avaient cette résolution, les couvents seraient moins peuplés ; mais les sacrifices y seraient plus saints et plus volontaires.

[29] Mémoires de Louis XIV, 1666, rédigés en 1671.

[30] Mémoires de Louis XIV, pour 1666.

[31] Bossuet, Oraison funèbre du chancelier Le Tellier.

[32] La Fontaine, Fables, le Savetier et le Financier :

On nous ruine en fêtes :

L'une fait tort à l'autre, et monsieur le curé

De quelque nouveau saint charge toujours son prône...

Cette fable fait partie d'un recueil qui ne fut publié qu'en 1678.

[33] Voltaire, Correspondance, passim ; Requête aux magistrats. 1756 ; Idées républicaines par un citoyen de Genève ; Dictionnaire philosophique, article Fêtes ; Canonisation de saint Cucufin, 1766 ; Pot-pourri, § XIV ; les Filles de Minée, etc., etc.

[34] Mémoires de René Rapin, tome III, livre XIX. Mémoires de Louis XIV, pour 1666.

[35] Journal qui sert de base aux Mémoires de 1666.

[36] Mémoires de René Rapin, tome III, livre XIX.

[37] Voir notre Histoire de la Trappe, tome I, chapitre V, à la fin.

[38] Œuvres de Louis XIV, tome V.

[39] Bossuet, Panégyrique de sainte Catherine.

[40] Bossuet, Panégyrique de saint Thomas de Cantorbéry prêché en 1668, devant la reine.

[41] Mandement de Nicolas Colbert, dans une collection de pièces détachées à la Bibliothèque Mazarine.

[42] Voir cette notice, dans une collection de pièces détachées. Bibliothèque Mazarine.