ÉTUDE SUR LA PROPRIÉTÉ À SPARTE

 

CHAPITRE V. — DES REPAS COMMUNS.

 

 

A côté de la propriété privée et de la vie de famille, on rencontre pourtant une coutume qui, à première vue, paraît avoir un caractère communiste ; c'est celle des Syssities ou repas publics. Plusieurs écrivains modernes ont pensé qu'une telle pratique était une sorte de communauté de biens ou était au moins le reste et comme le vestige d'une communauté primitive[1].

Mais il se présente une première objection. Les textes anciens, sur lesquels notre jugement est bien obligé de se régler, nous apprennent que les repas publics n'appartenaient pas à rage le plus antique de Sparte. Hérodote, notre principal guide, et qui connaissait Sparte pour y avoir séjourné[2], fait clairement entendre qu'ils furent inconnus durant les deux premiers siècles de la cité dorienne et qu'ils ne furent institués que par Lycurgue[3]. Plutarque en attribue aussi le premier établissement à ce législateur, et il en parle comme d'une innovation qui aurait remplacé des habitudes toutes contraires[4]. Xénophon est plus clair encore ; il croit formellement qu'avant Lycurgue les Spartiates mangeaient chacun dans sa maison et à sa guise et que les repas communs n'ont été pratiqués qu'à partir de ce législateur[5]. Lors donc que l'on se représente les repas publics comme une des coutumes primordiales de la race, on fait une conjecture qui peut bien à la rigueur s'appuyer sur de bons raisonnements, mais qui est démentie par les textes. A s'en tenir aux documents, on y voit une institution dont le commencement est connu. Elle n'est pas le reste d'une communauté originelle, ainsi qu'on l'a dit ; elle a succédé, au contraire, à des habitudes de vie privée et d'individualisme.

Il faut d'ailleurs observer le détail et la pratique de cette institution. Les repas publics de Sparte ne nous sont pas seulement signalés par les deux ou trois phrases vagues que l'on se plaît à citer toujours ; nous possédons sur eux beaucoup de traits précis, lesquels, à la vérité, se trouvent épars dans Plutarque, dans Aristote et dans beaucoup d'autres écrivains dont les fragments sont dans Athénée. Si l'on réunit ces traits dispersés, on aura une description presque complète de ces repas et l'on pourra se faire d'eux une idée assez exacte. Or, voici les faits caractéristiques que ces textes nous font connaître.

Premier fait. Les hommes seuls prenaient part à ces repas ; les femmes n'y étaient pas admises. Platon le dit formellement ; Aristote le confirme[6] ; cela ressort d'ailleurs de tout ce que décrivent Xénophon et Plutarque qui ne signalent jamais la présence d'une femme. Aussi le nom le plus ancien de ces repas avait-il été celui de άνδρεΐα qui signifiait repas des hommes ou repas des guerriers[7].

Les enfants n'y étaient pas nourris non plus. Plutarque dit bien que les fils des citoyens y étaient conduits et y assistaient ; mais c'était pour écouter et non pas pour prendre part aux repas[8].

Cette absence des femmes et des enfants indique déjà que ces repas n'étaient pas précisément une institution communiste. SU se fût agi d'établir une façon de communauté des biens, il fallait réunir toute la population. Il n'en est pas ainsi. A Sparte, il est bien vrai que le citoyen mange à une table commune, mais sa famille mange et vit dans sa maison.

Il y a même une observation de Plutarque qui nous montre qu'à Sparte, comme dans toute ville grecque, il existe un marché où chaque famille achète sa nourriture ; et il mentionne même cette particularité que c'est ordinairement le Spartiate qui achète lui-même, chaque jour, la provision de sa famille[9].

Deuxième fait. Les documents qui signalent les repas communs de Sparte, n'indiquent jamais qu'un seul repas par jour qui fût de cette nature ; or, c'était le repas du soir, puisque nous voyons que la loi interdisait au citoyen qui retournait chez lui de se faire éclairer d'un flambeau[10]. Nous pouvons bien penser qu'il y avait d'autres repas dans la journée, et c'est dans la maison qu'ils avaient lieu. Plutarque mentionne ce détail que, même pour le souper, il était permis de le prendre chez soi pour peu que l'on fût revenu de la chasse un peu trop tard[11]. Nous savons aussi qu'il y avait des sacrifices domestiques ; or, ces sacrifices entraînaient toujours des repas, et les repas de cette sorte ne pouvaient avoir lieu que dans la maison ; aussi Plutarque dit-il que ceux qui avaient accompli chez eux un sacrifice, pour peu qu'il se fût prolongé un peu tard, étaient dispensés du repas public[12].

Ainsi l'usage des repas publics n'excluait pas absolument celui des repas privés ; ceux-ci nous sont encore signalés par Hérodote, par Xénophon, par Plutarque[13]. Nous devons donc conclure que, si les citoyens étaient en général obligés de prendre ensemble un repas chaque jour, pour tout le reste chacun vivait chez soi. Tout cela est fort éloigné de la communauté des biens.

Troisième fait : les dépenses des repas communs n'étaient pas supportées par l'État. Chaque citoyen apportait sa quote-part. A Lacédémone, dit Aristote, chacun est tenu de fournir la quantité de vivres fixée par la loi[14] ; Plutarque nous apprend même quelle était cette quantité. Chaque membre d'une table commune devait apporter chaque mois un médimne de farine (environ 54 kilogrammes) huit congés de vin (environ 26 litres) cinq mines de fromage, deux mines et demie de figues, et enfin de l'argent pour la viande[15]. Dicéarque, cité par Athénée, donne des chiffres un peu plus élevés, un médimne et demi de farine et onze ou douze congés de vin. Ce qu'il importe de constater, c'est que dans ces repas communs la communauté ne fournissait rien. L'homme n'était pas nourri par l'État. Il devait manger avec d'autres, mais il mangeait à ses frais. Il possédait une terre et des revenus, et il apportait une partie de ses revenus pour se nourrir en commun avec des concitoyens. Le repas en commun se conciliait donc avec la propriété privée.

Voici un quatrième fait. Les pauvres ne prenaient pas part aux repas communs. C'est Aristote qui nous l'apprend : Il faut, dit-il, que chaque membre fournisse la quote-part fixée ; mais il est des citoyens qui sont tout-à-fait pauvres et hors d'état de supporter cette dépense. Ceux-là sont-ils admis gratuitement ? Non pas ; car Aristote ajoute : Il n'est pas facile de prendre part à ces repas quand on est pauvre ; or la loi veut que, si l'on cesse d'y prendre part, on perde en même temps le rang de citoyen. Aussi fait-il encore cette remarque que, si le législateur a voulu que ces repas fussent une institution démocratique, ils sont, au contraire, ce qu'il y a de moins démocratique au monde[16]. Voilà qui est bien clair. Pour faire partie des repas publics, il faut pouvoir fournir la contribution mensuelle de 54 kilogrammes de farine, de 26 litres de vin, et d'une somme d'argent pour la viande, le tout à prélever sur la nourriture de la famille et les dépenses de la maison ; ne sont admis aux repas publics que ceux qui peuvent supporter ces frais. Les repas en commun étaient si peu une institution de communisme ou d'égalité que les pauvres en étaient exclus, même quand ils étaient de sang Spartiate et dorien.

Il y a enfin une cinquième série de détails qu'il faut bien remarquer. Pour ces repas communs, les Spartiates n'étaient pas tous ensemble. Ces repas étaient, au contraire, de petites réunions séparées, et ils avaient lieu dans de petites salles parfaitement closes. On se réunissait, dit Plutarque, au nombre de quinze, un peu plus ou un peu moins[17]. Ce qui est encore plus digne d'attention, c'est que les citoyens n'étaient pas répartis entre ces tables d'après un ordre fixe. Chacun choisissait la table de laquelle il voulait être membre, et il ne pouvait d'ailleurs y être admis que du consentement de ceux qui la composaient. Il fallait se présenter, solliciter, et il y avait un vote sur la réception de chaque nouveau candidat. Quand un citoyen, dit Plutarque, demandait à faire partie d'une table, voici comment le vote avait lieu : un des serviteurs faisait le tour de la table avec un vase sur la tête ; chaque convive jetait dans le vase, sans dire mot, une boulette de mie de pain ; si la boulette était aplatie, c'était le signe du rejet. Un seul suffrage de cette nature suffisait pour écarter le postulant ; car on ne voulait admettre que des hommes qui eussent du plaisir à se trouver ensemble[18]. Voilà un trait bien curieux et qui est certainement l'opposé d'un régime de communauté. Ces tables communes étaient en fait de petites sociétés fermées. Aristote fait même cette remarque singulière qu'à Carthage, où l'on ne connaissait assurément pas la communauté des biens, il se formait des sociétés ou cercles, έταιρείαι, qui prenaient leurs repas ensemble ; or ces repas d'amis, συσσίτια έταιρών, ressemblaient, dit Aristote, aux repas communs de Sparte[19]. Plutarque aussi fait observer que les tables communes de Sparte avaient toute l'ordonnance de petites sociétés secrètes et de petits conciliabules aristocratiques[20]. Il paraît qu'en effet on y parlait beaucoup, et particulièrement sur la politique[21]. Seulement, le secret devait être rigoureusement gardé ; c'était la première loi de cette petite société ; quand on entrait dans la salle, le président de la table disait à chacun en montrant la porte : Il ne sort pas un mot par là[22].

Tous les traits que nous venons de rapporter sur les syssities montrent bien qu'elles n'étaient pas une institution d'un caractère communiste et qu'elles ne visaient pas à faire régner une sorte de communauté des biens[23].

Nous devons maintenant essayer de voir quel but s'était proposé le législateur en les instituant. Sur ce point encore, les écrivains anciens sont suffisamment clairs. Hérodote nous dit qu'avant Lycurgue les Spartiates avaient les plus mauvais usages de toute la Grèce, et que Lycurgue les fit passer à de bonnes mœurs, μετέβαλεν είς εύνομίον, surtout en instituant, pour ce qui concernait les choses de là guerre, les énomoties, les triacades, et les syssities[24]. On voit par là que, dans la pensée d'Hérodote, les repas communs avaient été, aussi bien que les énomoties et les triacades, une institution d'ordre militaire. Lycurgue, voulant régler les mœurs des Spartiates, aurait avant tout, suivant Hérodote, établi des groupements de guerriers, soit pour les exercices, soit pour les repas. Platon exprime la même pensée : Les syssities et les exercices ont été imaginés par le législateur en vue de la guerre[25]. Platon ne signale jamais dans les syssities une institution de communauté, il y voit toujours une institution de discipline. Isocrate en parle d'une façon analogue ; il place les syssities entre les devoirs militaires et les exercices du corps[26]. Il y a dans la description que Xénophon fait de ces repas, une ligne qui a passé à peu près inaperçue : celui qui a pris, part à la syssitie, dit-il, et qui retourne à sa maison, n'a pas le droit de se faire éclairer d'un flambeau ; car la loi interdit à l'homme qui est encore au service militaire, de faire éclairer sa marche pendant la nuit[27]. Voilà donc encore un rapprochement entre l'usage des syssities et le devoir militaire ; il semble bien que ces deux obligations marchent ensemble et s'imposent aux mêmes hommes. Enfin, un trait curieux que nous a conservé Plutarque, met en pleine lumière cette pensée du législateur : On demandait à Lycurgue pourquoi il avait institué les repas communs et dans quel but il avait distribué les citoyens dans ces repas en petites réunions avec leurs armes ; Lycurgue répondit qu'il les avait groupés en armes afin qu'ils fussent toujours prêts à exécuter les ordres qui pouvaient leur être donnés[28]. Il est bien vrai que les paroles que Plutarque rapporte, n'ont pas une authenticité absolue ; nul ne peut affirmer que cette question ait été réellement posée à Lycurgue ni qu'il y ait fait cette réponse. Mais nous devons croire que la question et la réponse se trouvaient dans la légende qui avait cours sur Lycurgue. Or, cette légende ne laissait pas d'être vieille, et Plutarque la trouvait dans des auteurs plus anciens que lui, qui l'avaient eux-mêmes trouvée à Sparte. Comme toutes les légendes que les cités grecques conservaient pieusement de leurs fondateurs et de leurs législateurs, celle-ci avait dû se former dans la génération qui avait suivi la mort de Lycurgue. Le détail que nous donne ici Plutarque n'est pas de ceux qui ont pu s'y introduire postérieurement ; il est sans doute d'une époque ancienne ; car, ni de son temps, ni même au temps de Xénophon, les Spartiates ne mangeaient plus avec leurs armes. Ce trait de mœurs appartient donc aux premiers siècles et Plutarque nous fournit ici, d'après la légende, le renseignement le plus antique que nous puissions avoir sur les syssities de Sparte. Or, il nous les montre comme de petits groupes armés, semblables à des pelotons de soldats qui seraient astreints à se réunir le soir à des tables communes. Cette association d'idées entre le repas public et le service militaire, apparaît encore ailleurs que dans Xénophon et dans Plutarque. Un document ancien définit ainsi les syssities : ce sont des repas que les Lacédémoniens font en commun, afin que les soldats soient compagnons de table[29]. Denys d'Halicarnasse exprime ainsi la pensée qu'on attribuait à Lycurgue : En instituant les repas publics, il a fait qu'à la guerre, le soldat eût honte d'abandonner son compagnon de rang avec lequel il avait partagé les libations et les repas sacrés[30]. Quand on est familier avec les pensées habituelles des anciens, on ne s'étonne pas de cette association étroite entre les idées religieuses, les devoirs militaires, et les pratiques de la vie quotidienne.

Tous ces renseignements nous montrent comment les anciens considéraient les repas publics de Sparte ; tous les représentent comme une institution de discipline militaire qui persiste même en temps de paix et dans la vie civile. Une table commune était, à l'origine, une petite compagnie de citoyens armés pour la guerre. Ce caractère essentiel des repas publics a pu se modifier avec le temps ; mais il ne s'est jamais complètement effacé[31].

On ne peut guère douter qu'à cette pensée de discipline militaire il ne s'en joignît une autre dans l'esprit du législateur, celle d'imposer des règles de tempérance. Nous pouvons croire qu'il y a du vrai dans ce que dit Xénophon : Lycurgue ayant trouvé les Spartiates vivant comme le reste des Grecs et mangeant dans leurs maisons, mais convaincu que cette habitude mettait trop de laisser-aller dans leurs mœurs, voulut que les repas eussent lieu en commun, au grand jour, sûr moyen de forcer les hommes à obéir aux règlements ; il détermina aussi quelle nourriture on y prendrait, et lien fixa la mesure[32]. Plutarque exprime la même idée : Lycurgue établit les syssities, afin que les hommes se nourrissent des mêmes viandes et des mêmes mets fixés par la loi, au lieu de vivre dans leurs maisons sur des lits somptueux et devant des tables richement servies[33]. Il voulait, dit-il ailleurs, que la nourriture et la boisson fussent les mêmes pour tous, ainsi que la vaisselle et les sièges, et que le riche eut même part que le pauvre[34]. Plutarque ne dit pas que le repas commun fût une institution égalitaire, puisqu'il laissait subsister des riches et des pauvres ; mais suivant lui le législateur avait voulu Imposer à tous la tempérance, soumettre tous les citoyens aux mêmes règles et les rendre égaux, sinon en richesse, au moins en frugalité. Platon, Aristote et Denys d'Halicarnasse attribuent la même pensée à Lycurgue ; les repas publics, suivant Platon, étaient un exercice de tempérance, οωφροσυνής έπιτήδευμα ; Aristote les considère comme un moyen d'éducation, παιδεία[35].

Encore faut-il, au sujet de cette frugalité des Spartiates, nous mettre en garde contre les exagérations. On a parlé du brouet noir, comme s'il était tout le repas. Il n'en était que le commencement : jus nigrum quod cœnœ caput erat dit Cicéron[36]. Plutarque nous apprend aussi qu'après cette sorte de potage on servait des viandes[37]. Il y avait d'ailleurs deux sortes de mets, les uns qui étaient prescrits par la loi et qui ne variaient pas, les autres qui s'ajoutaient aux premiers pour satisfaire le caprice ou la gourmandise. Xénophon dit qu'en dehors de la nourriture fixée par les règlements, on y servait le gibier tué à la chasse et qu'en outre les riches y faisaient porter un pain plus délicat[38]. Celui qui, chez lui, avait accompli un sacrifice dans la journée, envoyait à sa syssitie une part de la victime. On commençait par servir lés aliments prescrits, le pain réglementaire, le brouet noir, le petit morceau de viande de porc ; mais ensuite se présentait assez souvent un second service qui pouvait comprendre du poisson, du gibier, de la volaille, de la pâtisserie[39] ; chacun de ces plats était fourni par un des riches de la table, ou par les moins riches se cotisant entre eux, et il était d'usage que les serviteurs, en apportant chaque plat, nommassent celui qui l'avait fourni. On s'explique qu'avec de telles habitudes, la syssitie soit devenue peu à peu une sorte de société fermée, comme nous l'avons dit d'après Plutarque, et que les pauvres en fussent exclus, ainsi que l'assure Aristote. Ces tables communes, d'où la tempérance fut de plus en plus bannie, devinrent insensiblement des réunions de bonne chère ; c'est ainsi que les décrivait au IIe siècle avant notre ère, l'historien Phylarque[40]. Mais nous pouvons croire que, dans les trois siècles qui avaient suivi Lycurgue, la règle de tempérance avait été assez bien observée. Tels furent, autant qu'on en peut juger par les textes, les repas publics, ou pour parler plus exactement les repas en commun des Spartiates. Ils n'impliquaient en aucune façon la communauté des biens. L'institution de la propriété privée et celle des syssities existaient l'une à côté de l'autre sans se confondre et sans se nuire. Car les repas communs n'étaient qu'une institution de discipline. La table commune était analogue à l'éducation commune, au vêtement uniforme, au groupement en pelotons militaires ; c'était une des nombreuses obligations que l'État Spartiate imposait à ses citoyens. L'idée de communauté de biens en était absente ; c'était celle d'obéissance qui y dominait. L'usage des repas communs s'opposait, non à la propriété privée, mais à la liberté individuelle, qui fit toujours défaut à Sparte[41].

 

 

 



[1] Em. de Laveleye, Des formes primitives de la propriété, p. 167-161 ; P. Viollet, Caractère collectif des premières propriétés, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, 1872, p. 470. Cf. Trieber, Forschungen zur Spart-Verfassungsgeschichte, p. 19 à 26. — Les meilleurs travaux sur le même sujet, sont : Kopstadt, De rerum Laconicarum et constitutionis Lycurgeœ indole, p. 132 et suiv. ; Schœmann, Griechische Altertkümer, 2e édition, t. I, p. 278 ; K. Fr. Hermann, Lehrhuch der Griech Antiquitœten, 6e édition, § 28 ; Grote, Hist. de la Grèce, trad. Sadous, t. III ; Wallon, Hist. de l'esclavage, 2e édition, t. I, p. 120 ; Bielschowsky, De Spartanorum syssitiis, Breslau, 1869 ; Claudio Jannet, Les institutions sociales et à droit civil à Sparte, 2e édition, 1880, p. 38, 39, 71.

[2] Hérodote, III, 55.

[3] Hérodote, I, 65.

[4] Plutarque, Lycurgue, 10.

[5] Xénophon, Respubl. Laced., V. Il n'entre pas dans le cadre de notre étude d'examiner si ce petit traité est réellement de Xénophon ; la question est encore discutée ; mais quel qu'en soit l'auteur, il est pour nous un document ancien ; nous sommes loin de lui accorder la même valeur qu'aux renseignements fournis par Hérodote ou par Aristote ; encore ne peut-on pas le négliger

[6] Platon, Lois, VI, p. 781 ; Aristote, Politique, II. 7, éd. Didot, p. 616.

[7] Aristote, Politique, II, 7, 3, éd. Didot, p. 616. C'est aussi ce que dit Ephore qui cite un vers d'Alcman, dans Strabon, X, 4, 18.

[8] Plutarque, Lycurgue, 12.

[9] Plutarque, Lycurgue, 24.

[10] Plutarque, Lycurgue, 12.

[11] Plutarque, Lycurgue, 12.

[12] Plutarque, Lycurgue, 12.

[13] Hérodote parle de rois invités à dîner par des particuliers, VI, 57. — Xénophon, Commentarii, I, 2, 61, rappelle que le Lacédémonien Lichas était renommé pour la générosité avec laquelle il recevait ses hôtes à dîner. Plutarque, Cléomène, 13, montre comment le roi Cléomène recevait les siens.

[14] Aristote, Politique, II, 7, éd. Didot, p. 515.

[15] Plutarque, Lycurgue, 12.

[16] Aristote, Politique, II, 6, 21, éd. Didot, p. 514.

[17] Plutarque, Lycurgue, 12.

[18] Plutarque, Lycurgue, 12. — Il est assez vraisemblable que cette liberté du choix et ce vote n'avaient pas existé dans les temps très-antiques, et ils se concilient mal avec tout ce qu'on nous dit de Lycurgue. C'est pourtant dans la vie de Lycurgue et pour son époque que Plutarque nous signale ce trait de mœurs. Peut-être l'historien a-t-il confondu les temps et attribue-t-il à l'antiquité ce qui n'a été vrai que plus tard. Mais ce n'est là qu'une conjecture.

[19] Aristote, Politique, II, 8, 2, éd. Didot, p. 616-517.

[20] Plutarque, Symposiaca, VII, 9.

[21] Plutarque, Lycurgue, 12. Il signale la même habitude dans les Symposiaca, VII, 9. C'est aussi ce que donne à entendre Xénophon, Resp. Laced., 5.

[22] Plutarque, Lycurgue, 12.

[23] On a quelquefois allégué cette phrase d'Aristote : Τ περ τς κτσεις τος συσσιτοις νομοθτης κονωσε, que l'on a traduite comme si elle signifiait que le législateur eût rendu les prophètes communes par l'usage des syssities. Cette phrase peut, en effet, présenter ce sens, quand on l'isole de son contexte ; mais il faut lire le chapitre tout entier (Politique, II, 2, 10, éd. Didot, p. 501) ; Aristote combat l'idée émise par Platon d'établir la communauté des biens, et il raisonne ainsi : Platon, dit-il, a prétendu que la cité serait parfaitement une si les biens étaient en commun ; mais il ne faut pas exagérer l'unité ni centraliser à l'excès ; la cité doit rester une association d'individus, un πλήθος ; l'unité qui lui convient n'est pas celle qui résulte de la communauté des biens, mais plutôt celle qui résulte de l'éducation, des coutumes, des lois ; c'est ainsi, par exemple, que le législateur de Lacédémone a, en ce qui concerne la propriété, uni et lié les citoyens par la communauté des repas. Aristote dans ce passage est si loin de dire que la communauté des biens existe à Sparte, qu'il oppose au contraire l'exemple de Sparte aux théories de Platon ; il compte l'usage des syssities parmi ces institutions d'éducation qui unissent les citoyens mieux que la communauté des biens ne saurait faire ; il les présente comme corrigeant ce que la propriété privée peut avoir d'excessif ; il dit qu'à côté de cette propriété privée qui divise les citoyens, le législateur a établi les repas communs qui les unissent. La pensée d'Aristote dans ce passage est à peu près la même que celle de Xénophon quand celui-ci dit que les repas publics ôtent au Spartiate le moyen de jouir individuellement de sa richesse (Resp. Laced., 7).

[24] Hérodote, I, 65.

[25] Platon, Lois, I, p. 633.

[26] Isocrate, Busiris, 18.

[27] Xénophon, Resp. Laced., 5, 7 : τόν έμχρουρον, l'homme qui est au service ; c'est le service de garde, même en temps de paix et dans la ville ; le sens de ce mot est bien précisé par un passage d'Aristote qui nous apprend que le père qui avait engendré trois fils était exempt du service de garde, άφρουρος (Politique, II, 6, 13, éd. Didot, p. 512) ; ce service se prolongeait jusqu'à un âge très-avancé.

[28] Plutarque, Apophthegem. lacon., Lycurgi, c. IV.

[29] Bekker, Anecdota, t. I. p. 303.

[30] Denys d'Halicarnasse, II, 23, éd. Reiske, p. 282, 283.

[31] Aussi est-il remarquable que dans la langue grecque le mot συσσίτιον désigne à la fois une table commune et une troupe de soldats. Voyez ce dernier sens dans Xénophon, Helléniques, V, 3, 17. Cf. Polyen, Strateg, II, 2, éd. Wolfflin, p. 64. — Le caractère militaire des syssities a été bien observé par Bielschowsky, De Spartanorum syssitiis, p. 32 et suiv. Voyez aussi Cl. Jannet, Institutions sociales de Sparte, p. 35 et 36. Toutefois, je n'oserais pas affirmer comme ces deux érudits que la composition des syssities civiles fût exactement la même que celle des syssities militaires. L'identité a pu être complète à l'origine ; elle ne l'était plus au temps de Xénophon.

[32] Xénophon, Resp. Laced., 6.

[33] Plutarque, Lycurgue, 10.

[34] Plutarque, Apophth. laconica, Lycurgi, c. IV.

[35] Platon, Lois, I, p. 636-637 ; Aristote, Politique, II, 2, 10, éd. Didot, p. 601.

[36] Cicéron, Tusculanes, V, 34.

[37] Plutarque, Lycurgue, 12.

[38] Xénophon, Resp. Laced., 5.

[39] Dicéarque, dans Athénée, IV, 19 — Molpis, dans Athénée, ibidem.

[40] Phylarque, dans Athénée, IV, 20.

[41] Nous n'avons pas à parler ici d'une autre sorte de repas communs, qui étaient des repas sacrés ; il y en avait à Sparte comme partout. Hérodote, VI, 57 ; Athénée, IV, 17 ; XI, 66 ; Denys d'Halicarnasse, II, 23. Ce qu'on appelait κοπίς, était un repas de cette nature ; il avait lieu à certains jours de fête, devant des temples et avec des rites religieux. Il ne ressemblait d'ailleurs en rien aux syssities ; c'était un sacrifice privé où chacun invitait ses amis, ses hôtes, même ses serviteurs. De ce que l'un des rites consistait à répandre par terre le feuillage de certains arbustes, il serait puéril de conclure, ainsi qu'on l'a fait, que le κοπίς fût un reste d'une antique vie nomade. Il faut lire la description complète de ce repas dans Athénée, IV, 16 et 17. — Pour les syssities Crétoises, voir Aristote, Politique, II, 7, 4, éd. Didot, p. 615, et Dosiadas, dans Athénée, IV, 22.