LA CITÉ ANTIQUE

 

Livre premier — Antiques croyances

CHAPITRE III — LE FEU SACRÉ.

 

 

La maison d'un Grec ou d'un Romain renfermait un autel ; sur cet autel il devait y avoir toujours un peu de cendre et des charbons allumés[1]. C'était une obligation sacrée pour le maître de chaque maison d'entretenir le feu jour et nuit. Malheur à la maison où il venait à s'éteindre ! Chaque soir on couvrait les charbons de cendre pour les empêcher de se consumer entièrement ; au réveil le premier soin était de raviver ce feu et de l'alimenter avec quelques branchages. Le feu ne cessait de briller sur l'autel que lorsque la famille avait péri tout entière ; foyer éteint, famille éteinte, étaient des expressions synonymes chez les anciens[2].

Il est manifeste que cet usage d'entretenir toujours du feu sur un autel se rapportait à une antique croyance. Les règles et les rites que l'on observait à cet égard, montrent que ce n'était pas là une coutume insignifiante.

Il n'était pas permis d'alimenter ce feu avec toute sorte de bois, la religion distinguait, parmi les arbres, les espèces qui pouvaient être employées à cet usage et celles dont il y avait impiété à se servir[3]. La religion disait encore que ce feu devait rester toujours pur[4] ; ce qui signifiait, au sens littéral, qu'aucun objet sale ne devait être jeté dans ce feu, et au sens figuré, qu'aucune action coupable ne devait être commise en sa présence. Il y avait un jour de l'année, qui était chez les Romains le 1er mars, où chaque famille devait éteindre son feu sacré et en rallumer un autre aussitôt. Mais pour se procurer le feu nouveau, il y avait des rites qu'il fallait scrupuleusement observer. On devait surtout se garder de se servir d'un caillou et de le frapper avec le fer. Les seuls procédés qui fussent permis, étaient de concentrer sur un point la chaleur des rayons solaires ou de frotter rapidement deux morceaux de bois d'une espèce déterminée et d'en faire sortir l'étincelle[5]. Ces différentes règles prouvent assez que, dans l'opinion des anciens, il ne s'agissait pas seulement de produire ou de conserver un élément utile et agréable ; ces hommes voyaient autre chose dans le feu qui brûlait sur leurs autels.

Ce feu était quelque chose de divin ; on l'adorait, on lui rendait un véritable culte. On lui donnait en offrande tout ce qu'on croyait pouvoir être agréable à un dieu, des fleurs, des fruits, de l'encens, du vin, des victimes. On réclamait sa protection ; on le croyait puissant. On lui adressait de ferventes prières pour obtenir de lui ces éternels objets des désirs humains, santé, richesse, bonheur. Une de ces prières qui nous a été conservée dans le recueil des hymnes orphiques, est conque ainsi : Rends-nous toujours florissants, toujours heureux, ô foyer ; ô toi qui es éternel, beau, toujours jeune, toi qui nourris, toi qui es riche, reçois de bon coeur nos offrandes, et donne-nous en retour le bonheur et la santé qui est si douce[6]. Ainsi on voyait dans le foyer un dieu bienfaisant qui entretenait la vie de l'homme, un dieu riche qui le nourrissait de ses dons, un dieu fort qui protégeait la maison et la famille. En présence d'un danger on cherchait un refuge auprès de lui. Quand le palais de Priam est envahi, Hécube entraîne le vieux roi près du foyer : tes armes ne sauraient te défendre, lui dit-elle ; mais cet autel nous protégera tous[7].

Voyez Alceste qui va mourir, donnant sa vie pour sauver son époux. Elle s'approche de son foyer et l'invoque en ces termes : Ô divinité, maîtresse de cette maison, c'est la dernière fois que je m'incline devant toi, et que je t'adresse mes prières ; car je vais descendre où sont les morts. Veille sur mes enfants qui n'auront plus de mère ; donne à mon fils une tendre épouse, à ma fille un noble époux. Fais qu'ils ne meurent pas comme moi avant l'âge, mais qu'au sein du bonheur ils remplissent une longue existence[8]. Dans l'infortune l'homme s'en prenait à son foyer et lui adressait des reproches ; dans le bonheur il lui rendait grâces. Le soldat qui revenait de la guerre le remerciait de l'avoir fait échapper aux périls. Eschyle nous représente Agamemnon revenant de Troie, heureux, couvert de gloire ; ce n'est pas Jupiter qu'il va remercier ; ce n'est pas dans un temple qu'il va porter sa joie et sa reconnaissance ; il offre le sacrifice d'actions de grâces au foyer qui est dans sa maison[9]. L'homme ne sortait jamais de sa demeure sans adresser une prière au foyer ; à son retour, avant de revoir sa femme et d'embrasser ses enfants, il devait s'incliner devant le foyer et l'invoquer[10].

Le feu du foyer était donc la Providence de la famille. Son culte était fort simple. La première règle était qu'il y eût toujours sur l'autel quelques charbons ardents ; car si le feu s'éteignait, c'était un dieu qui cessait d'être. A certains moments de la journée, on posait sur le foyer des herbes sèches et du bois ; alors le dieu se manifestait en flamme éclatante. On lui offrait des sacrifices ; or l'essence de tout sacrifice était d'entretenir et de ranimer ce feu sacré, de nourrir et de développer le corps du dieu. C'est pour cela qu'on lui donnait avant toutes choses le bois ; c'est pour cela qu'ensuite on versait sur l'autel le vin brûlant de la Grèce, l'huile, l'encens, la graisse des victimes. Le dieu recevait ces offrandes, les dévorait ; satisfait et radieux, il se dressait sur l'autel et il illuminait son adorateur de ses rayons. C'était le moment de l'invoquer ; l'hymne de la prière sortait du coeur de l'homme.

Le repas était l'acte religieux par excellence. Le dieu y présidait. C'était lui qui avait cuit le pain et préparé les aliments[11] ; aussi lui devait-on une prière au commencement et à la fin du repas. Avant de manger, on déposait sur l'autel les prémices de la nourriture ; avant de boire, on répandait la libation de vin. C'était la part du dieu. Nul ne doutait qu'il ne fût présent, qu'il ne mangeât et ne bût ; et, de fait, ne voyait-on pas la flamme grandir comme si elle se fût nourrie des mets offerts ? Ainsi le repas était partagé entre l'homme et le dieu : c'était une cérémonie sainte, par laquelle ils entraient en communion ensemble[12]. Vieilles croyances, qui à la longue disparurent des esprits, mais qui laissèrent longtemps après elles des usages, des rites, des formes de langage, dont l'incrédule même ne pouvait pas s'affranchir. Horace, Ovide, Pétrone soupaient encore devant leur foyer et faisaient la libation et la prière[13].

Ce culte du feu sacré n'appartenait pas exclusivement aux populations de la Grèce et de l'Italie. On le retrouve en Orient. Les lois de Manou, dans la rédaction qui nous en est parvenue, nous montrent la religion de Brahma complètement établie et penchant même vers son déclin ; mais elles ont gardé des vestiges et des restes d'une religion plus ancienne, celle du foyer, que le culte de Brahma avait reléguée au second rang, mais n'avait pas pu détruire. Le brahmane a son foyer qu'il doit entretenir jour et nuit ; chaque matin et chaque soir il lui donne pour aliment le bois ; mais, comme chez les Grecs, ce ne peut être que le bois de certains arbres indiqués par la religion. Comme les Grecs et les Italiens lui offrent le vin, le Hindou lui verse la liqueur fermentée qu'il appelle soma. Le repas est aussi un acte religieux, et les rites en sont décrits scrupuleusement dans les lois de Manou. On adresse des prières au foyer, comme en Grèce ; on lui offre les prémices du repas, le riz, le beurre, le miel. Il est. dit : Le brahmane ne doit pas manger du riz de la nouvelle récolte avant d'en avoir offert les prémices au foyer. Car le feu sacré est avide de grain, et quand il n'est pas honoré, il dévore l'existence du brahmane négligent. Les Hindous comme les Grecs et les Romains se figuraient les dieux avides non seulement d'honneurs et de respect, mais même de breuvage et d'aliment. L'homme se croyait forcé d'assouvir leur faim et leur soif, s'il voulait éviter leur colère.

Chez les Hindous cette divinité du feu est souvent appelée Agni. Le Rig Véda contient un grand nombre d'hymnes qui lui sont adressées. Il est dit dans l'un d'eux :

Ô Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l'homme... Pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t'implore, la gloire et la richesse... Agni, tu es un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille. Ainsi le feu du foyer est, comme en Grèce, une puissance tutélaire. L'homme lui demande l'abondance : Fais que la terre soit toujours libérale pour nous. Il lui demande la santé : Que je jouisse longtemps de la lumière, et que j'arrive à la vieillesse comme le soleil à son couchant. Il lui demande même la sagesse : Ô Agni, tu places dans la bonne voie l'homme qui s'égarait dans la mauvaise... Si nous avons commis une faute, si nous avons marché loin de toi, pardonne-nous. Ce feu du foyer était, comme en Grèce, essentiellement pur ; il était sévèrement interdit au brahmane d'y rien jeter de sale, et même de s'y chauffer les pieds. Comme en Grèce, l'homme coupable ne pouvait plus approcher de son foyer, avant de s'être purifié de sa souillure.

C'est une grande preuve de l'antiquité de ces croyances et de ces pratiques que de les trouver à la fois chez les hommes des bords de la Méditerranée et chez ceux de la presqu'île indienne. Assurément les Grecs n'ont pas emprunté cette religion aux Hindous, ni les Hindous aux Grecs, Mais les Grecs, les Italiens, les Hindous appartenaient à une même race ; leurs ancêtres, à une époque fort reculée, avaient vécu ensemble dans l'Asie centrale. C'est là qu'ils avaient conçu d'abord ces croyances et établi ces rites. La religion du feu sacré date donc de l'époque lointaine et mystérieuse où il n'y avait encore ni Grecs, ni Italiens, ni Hindous, et où il n'y avait que des Aryas. Quand les tribus s'étaient séparées les unes des autres, elles avaient transporté ce culte avec elles, les unes sur les rives du Gange, les autres sur les bords de la Méditerranée. Plus tard, parmi ces tribus séparées et qui n'avaient plus de relations entre elles, les unes ont adoré Brahma, les autres Zeus, les autres Janus ; chaque groupe s'est fait ses dieux. Mais tous ont conservé comme un legs antique la religion première qu'ils avaient conçue et pratiquée au berceau commun de leur race.

Si l'existence de ce culte chez tous les peuples indo-européens n'en démontrait pas suffisamment la haute antiquité, on en trouverait d'autres preuves dans les rites religieux des Grecs et des Romains. Dans tous les sacrifices, même dans ceux qu'on faisait en l'honneur de Zeus ou d'Athéné, c'était toujours au foyer qu'on adressait la première invocation. Toute prière à un dieu, quel qu'il fût, devait commencer et finir par une prière au foyer[14]. A Olympie, le premier sacrifice qu'offrait la Grèce assemblée était pour le foyer, le second pour Zeus[15]. De même à Rome la première adoration et ait toujours pour Vesta, qui n'était autre que le foyer[16] ; Ovide dit de cette divinité qu'elle occupe la première place dans les pratiques religieuses des hommes[17]. C'est ainsi que nous lisons dans les hymnes du Rig Véda : Avant tous les autres dieux il faut invoquer Agni. Nous prononcerons son nom vénérable avant celui de tous les autres immortels. Ô Agni, quel que soit le dieu que nous honorons par notre sacrifice, toujours à toi s'adresse l'holocauste. Il est donc certain qu'à Rome au temps d'Ovide, dans l'Inde au temps des brahmanes, le feu du foyer passait encore avant tous les, autres dieux ; non que Jupiter et Brahma n'eussent acquis une bien plus grande importance dans la religion des hommes ; mais on se souvenait que le feu du foyer était de beaucoup antérieur à ces dieux-là. Il avait pris, depuis nombre de siècles, la première place dans le culte, et les dieux plus nouveaux et plus grands n'avaient pas pu l'en déposséder.

Les symboles de cette religion se modifièrent suivant les âges. Quand les populations de la Grèce et de l'Italie prirent l'habitude de se représenter leurs dieux comme des personnes et de donner à chacun d'eux un nom propre et une forme humaine, le vieux culte du foyer subit la loi commune que l'intelligence humaine, dans cette période, imposait à toute religion. L'autel du feu sacré fut personnifié ; on l'appela hestia, Vesta ; le nom fut le même en latin et en grec, et ne fut pas d'ailleurs autre chose que le mot qui dans la langue commune et primitive désignait un autel. Par un procédé assez ordinaire, du nom commun on avait fait un nom propre. Une légende se forma peu à peu. On se figura cette divinité sous les traits d'une femme, parce que le mot qui désignait l'autel était du genre féminin. On alla même jusqu'à représenter cette déesse par des statues. Mais on ne put jamais effacer la trace de la croyance primitive d'après laquelle cette divinité était simplement le feu de l'autel ; et Ovide lui-même était forcé de convenir que Vesta n'était pas autre chose qu'une flamme vivante[18].

Si nous rapprochons ce culte du feu sacré du culte des morts, dont nous parlions tout à l'heure, une relation étroite nous apparaît entre eux.

Remarquons d'abord que ce feu qui était entretenu sur le foyer n'est pas, dans la pensée des hommes, le feu de la nature matérielle. Ce qu'on voit en lui, ce n'est pas l'élément purement physique qui échauffe ou qui brûle, qui transforme les corps, fond les métaux et se fait le puissant instrument de l'industrie humaine. Le feu du foyer est d'une tout autre nature. C'est un feu pur, qui ne peut être produit qu'à l'aide de certains rites et n'est entretenu qu'avec certaines espèces de bois. C'est un feu chaste ; l'union des sexes doit être écartée loin de sa présence[19]. On ne lui demande pas seulement la richesse et la santé ; on le prie aussi pour en obtenir la pureté du coeur, la tempérance, la sagesse. Rends-nous riches et florissants, dit un hymne orphique ; rends-nous aussi sages et chastes. Le feu du foyer est donc une sorte d'être moral. Il est vrai qu'il brille, qu'il réchauffe, qu'il cuit l'aliment sacré ; mais en même temps il a une pensée, une conscience ; il conçoit des devoirs et veille à ce qu'ils soient accomplis. On le dirait homme, car il a de l'homme la double nature : physiquement, il resplendit, il se meut, il vit, il procure l'abondance, il prépare le repas, il nourrit le corps ; moralement, il a des sentiments et des affections, il donne à l'homme la pureté, il commande le beau et le bien, il nourrit l'âme. On peut dire qu'il entretient la vie humaine dans la double série de ses manifestations. Il est à la fois la source de la richesse, de la santé, de la vertu. C'est vraiment le Dieu de la nature humaine. - Plus tard, lorsque ce culte a été relégué au second plan par Brahma ou par Zeus, le feu du foyer est resté ce qu'il y avait dans le divin de plus accessible à l'homme ; il a été son intermédiaire auprès des dieux de la nature physique ; il s'est chargé de porter au ciel la prière et l'offrande de l'homme et d'apporter à l'homme les faveurs divines. Plus tard encore, quand on fit de ce mythe du feu sacré la grande Vesta, Vesta fut la déesse vierge ; elle ne représenta dans le monde ni la fécondité ni la puissance ; elle fut l'ordre ; mais non pas l'ordre rigoureux, abstrait, mathématique, la loi impérieuse et fatale, anagkê, que l'on aperçut de bonne heure entre les phénomènes de la nature physique. Elle fut l'ordre moral. On se la figura comme une sorte d'âme universelle qui réglait les mouvements divers des mondes, comme l'âme humaine mettait la règle parmi nos organes.

Ainsi la pensée des générations primitives se laisse entrevoir. Le principe de ce culte est en dehors de la nature physique et se trouve dans ce petit monde mystérieux qui est l'homme.

Ceci nous ramène au culte des morts. Tous les deux sont de la même antiquité. Ils étaient associés si étroitement que la croyance des anciens n'en faisait qu'une religion. Foyer, Démons, Héros, dieux Lares, tout cela était confondu[20]. On voit par deux passages de Plaute et de Columelle que dans le langage ordinaire on disait indifféremment foyer ou Lare domestique, et l'on voit encore par Cicéron que l'on ne distinguait pas le foyer des Pénates, ni les Pénates des dieux Lares[21]. Nous lisons dans Servius : Par foyers les anciens entendaient les dieux Lares ; ainsi Virgile a-t-il pu mettre indifféremment, tantôt foyer pour Pénates, tantôt Pénates pour foyers[22]. Dans un passage fameux de l'Énéide, Hector dit à Énée qu'il va lui remettre les Pénates troyens, et c'est le feu du foyer qu'il lui remet. Dans un autre passage, Énée invoquant ces mêmes dieux les appelle à la fois Pénates, Lares et Vesta[23].

Nous avons vu d'ailleurs que ceux que les anciens appelaient Lares ou Héros, n'étaient autres que les âmes des morts auxquelles l'homme attribuait une puissance surhumaine et divine. Le souvenir d'un de ces morts sacrés était toujours attaché au foyer. En adorant l'un, on ne pouvait pas oublier l'autre. Ils étaient associés dans le respect des hommes et dans leurs prières. Les descendants, quand ils parlaient du foyer, rappelaient volontiers le nom de l'ancêtre : Quitte cette place, dit Oreste à sa soeur, et avance vers l'antique foyer de Pélops pour entendre mes paroles[24]. De même, Énée, parlant du foyer qu'il transporte à travers les mers, le désigne par le nom de Lare d'Assaracus, comme s'il voyait dans ce foyer l'âme de son ancêtre.

Le grammairien Servius, qui était fort instruit des antiquités grecques et romaines (on les étudiait de son temps beaucoup plus qu'au temps de Cicéron), dit que c'était un usage très ancien d'ensevelir les morts dans les maisons, et il ajoute : Par suite de cet usage, c'est aussi dans les maisons qu'on honore les Lares et les Pénates[25]. Cette phrase établit nettement une antique relation entre le culte des morts et le foyer. On peut donc penser que le foyer domestique n'a été à l'origine que le symbole du culte des morts, que sous cette pierre du foyer un ancêtre reposait, que le feu y était allumé pour l'honorer, et que ce feu semblait entretenir la vie en lui ou représentait son âme toujours vigilante.

Ce n'est là qu'une conjecture, et les preuves nous manquent. Mais ce qui est certain, c'est que les plus anciennes générations, dans la race d'où sont sortis les Grecs et les Romains, ont eu le culte des morts et du foyer, antique religion qui ne prenait pas ses dieux dans la nature physique, mais dans l'homme lui-même et qui avait pour objet d'adoration l'être invisible qui est en, nous, la force morale et pensante qui anime et qui gouverne notre corps.

Cette religion ne fut pas toujours également puissante sur l'âme ; elle s'affaiblit peu à peu, mais elle ne disparut pas. Contemporaine des premiers âges de la race aryenne, elle s'enfonça si profondément dans les entrailles de cette race, que la brillante religion de l'Olympe grec ne suffit pas à la déraciner et qu'il fallut le christianisme.

Nous verrons bientôt quelle action puissante cette religion a exercée sur les institutions domestiques et sociales des anciens. Elle a été conçue et établie dans cette époque lointaine où cette race cherchait ses institutions, et elle a déterminé la voie dans laquelle les peuples ont marché depuis.

 

 

 



[1] Les Grecs appelaient cet autel de noms divers, bômos, eschara, hestia ; ce dernier finit par prévaloir dans l'usage et fut le mot dont on désigna ensuite la déesse Vesta. Les Latins appelaient le même autel ara ou focus.

[2] Hymnes homér., XXIX. Hymnes orph., LXXXIV. Hésiode, Opera, 732. Eschyle, Agam., 1056. Euripide, Hercul. fur., 503, 599. Thucydide, I, 136. Aristophane, Plutarqque, 795. Caton, De re rust., 143. Cicéron, Pro domo, 40. Tibulle, I, 1, 4. Horace, Epod., II, 43. Ovide, A. A., I, 637. Virgile, II, 512.

[3] Virgile, VII, 71. Festus, v. felicis. Plutarque, Numa, 9.

[4] Euripide, Hercul. fur., 715. Caton, De re rust., 143. Ovide, Fastes, III, 698.

[5] Ovide, Fastes, III, 143. Macrobe, Saturnales, I, 12. Festus, felicis. Julien, Oraison à la louange du soleil.

[6] Hymnes orph., 84. Plaute, Captiv., II, 2. Tibulle, I, 9, 74. Ovide, A A., 637. Pline, Hist. nat., XVIII, 3.

[7] Virgile, En., II, 523. Horace, Epit., I, 5. Ovide, Tristes, IV, 8, 21. Perse, Satires, V , 31.

[8] Euripide, Alceste, 162-168.

[9] Eschyle, Agam., 1015.

[10] Caton, De re rust., 2. Euripide, Hercul. fur., 523.

[11] Ovide, Fastes, VI, 315.

[12] Plutarque, Quest. rom., 64 ; Comm. sur Hésiode, 44. Hymnes homér., 29.

[13] Horace, Satires, II, 6, 66. Ovide, Fastes, II, 631. Pétrone, 60.

[14] Hymnes hom., 29 ; Ibid., 3, v. 33. Platon, Cratyle, 18. Hesychius, aph' stias. Diodore, VI, 2. Aristophane, Oiseaux, 865.

[15] Pausanias, V, 14.

[16] Cicéron, De nat. Deor., II, 27.

[17] Ovide, Fastes, VI, 304.

[18] Ovide, Fastes, VI, 291.

[19] Hésiode, Opera, 731. Plutarque, Comm. sur Hés., frag. 43, édit. Didot.

[20] Tibulle, II, 2. Horace, Odes, IV, 11. Ovide, Tristes, III, 13 ; V, 5. Les Grecs donnaient à leurs dieux domestiques ou héros l'épithète de ephestioi ou hestiouchoi. Eustathe, in Odyss., p 1756, 20, 1814, 10.

[21] Plaute, Aulul., II, 7, 16 : In foco nostro Lari. Columelle, XI, I, 19 : Larem focumque familiarem. Cicéron, Pro domo, 41 ; Pro Quintio, 27, 28.

[22] Servius, in Aeneid, III, 134.

[23] Virgile, IX, 259 ; V, 744.

[24] Euripide, Oreste, 1140-1142.

[25] Servius, in Aeneid., V, 84 : VI, 1, 32. Voyez Platon, Minos, p. 315.