Mœurs des Goths. - Vandales. - Histoire et mœurs des
Ibériens. - Ligures. - Iones de Marseille. - CHEZ les Goths, au sud-est de l’Europe, une mythologie
scandinave aboutissait à un olympe de classement hellénique, — Odin (Wotan), Tyr (Zio), Thor (Donar), Frigga (Freya), — hiérarchisé, modifié,
cependant, par des influences diverses. Le clergé de cette religion était
centralisé en Scandinavie, à Upsal. L’écriture sacrée — les runes — et la transmission de chants héroïques,
témoignaient d’une civilisation à la fois aryenne et anaryenne. Ces Barbares
avaient rapporté du Nord le féroce et répugnant symbolisme de Les Goths demeuraient aryens, au contraire, en la forme de leurs bijoux et la distribution de leurs ornements, avec une nuance toutefois de goût scandinave ; leur conception de divinités agissantes, providentielles, de héros vivants révérés comme des dieux ; la pratique d’une justice équitable ; une soif de connaître les choses, assez vive pour que cette velléité scientifique eût une supériorité marquée, chez eux, sur les manifestations de la force ; leur culte des ancêtres, que célébraient des chants antiques, où la poésie était de l’histoire, dont les joueurs de cithare accompagnaient les récits ; leur beauté blanche enfin, qui donna tant de prix aux esclaves de leur race. Ce fut l’opinion de Trogue-Pompée, et celle de Jornandès aussi, que les Parthes avaient été de même sang que les Goths. Mais, ainsi que les légions romaines devenaient progressivement barbares par le continuel recrutement de Germains, d’Alamans, la nation gothique, scythique, de plus en plus grossie d’hommes arrivés du nord, de Scandinaves, de Finnois, perdait son originalité, tendait à résumer son type en celui des Vandales, pourtant spécial. Abandonnant les côtes de A l’autre extrémité de l’Europe, au sud-ouest, l’Ibérie —
Celtibérie, depuis l’invasion celte, — se formait en unité nationale, tout en
conservant les stigmates indélébiles d’une histoire déjà vieille, et
tourmentée. Phéniciens d’Asie, Phocéens de Marseille, Carthaginois d’Afrique
et Romains y étaient venus, et y demeuraient, cantonnés en des villes ou
disséminés sur des territoires vastes. Auguste avait divisé l’Hispanie en
Tarraconaise, Lusitanie et Bétique ; il y eut ensuite, au IIIe siècle, Malgré ces démarcations — purement administratives
d’ailleurs, — l’Hispanie, ou Ibérie, garda, grâce à ses éléments disparates,
les caractères contradictoires de civilisations diverses. On put donc, à la
fois, et exactement, vanter l’esprit studieux de la docte Ibérie et la sauvagerie indomptable de
certains de ses habitants, tel le Concanien d’Horace, par exemple, qui boit avec délices le sang du cheval. Près
de Gibraltar, les colonies libyco-phéniciennes, mélange
d’Africains et de Chananéens, reliaient encore le pays des Tartesses à cette Afrique que le
détroit d’Hercule ne sépara pas toujours du continent. Les Pyrénées — et c’est le privilège des montagnes, — conservaient sur leurs deux versants le type
pur des Eusques, ensuite nommés Ibères, — appellation que leur valut le voisinage
de l’Èbre, accidentellement, — et assez répandus en Aquitaine pour en faire
comme le prolongement de l’Ibérie en Gaule. L’Ibère se distinguait par la petitesse
relative de sa taille, le brun mat de sa peau et de ses cheveux, la vigueur
accentuée de sa musculature, la prédominance de la couleur noire dans le ton
de ses vêtements courts. Il y avait entre les Galli, ou Galls, et les Ibères,
ou Sicanes, assez d’affinités pour qu’on les crût positivement issus d’une
même race première, aryenne, — De l’autre côté des Pyrénées, le long dès côtes
méditerranéennes, au moins jusqu’à Antibes ; et sans doute beaucoup plus
loin, jusqu’en Étrurie, un peuple indéfinissable déconcertait : Les Ligures, écrit Florus, retranchés au fond des Alpes, entre le Var et Les Ligures, — type mystérieux, déconcertant, — anaryens,
pourraient être des Finnois venus des contrées
baignées par Les Ligures occupèrent surtout les côtes du nord de
l’Italie et Les Celtes, venus ensuite, marchant également de l’est à
l’ouest, auraient supplanté les Ibères et les Ligures en Gaule. Festus
Aviénus établit, par un document, cette substitution
des Celtes aux Ligures, réputés indomptables,
et l’expansion des vainqueurs au delà des Pyrénées, fondant en Hispanie Des bois sacrés, celtiques, se rencontreront désormais en Irlande, en Gaule, en Germanie, en Galatie, et les dolmens demeureront, de l’Océan à l’Indus, au Gange, comme les monuments d’une civilisation anaryenne. En Gaule toutefois, et en Italie, les races subjuguées laisseront des groupes en quelques districts, épargnés. On remarqua longtemps, parmi les Gaulois, des centres d’Ibères et d’Iones. Des Iones conservèrent assez d’autonomie à Marseille pour
qu’au temps de Claude, Pomponius Mela pût encore les féliciter de n’avoir pas
abandonné la langue, le costume, les manières, les meurs et les lois des
Grecs, bien que les Marseillais eussent déjà subi l’influence de En détruisant le Royaume celtique, au milieu de l’Europe,
les Barbares germains avaient arrêté net le développement de la civilisation
aryenne, dispersé son trésor de
sentiments, d’idées et de souvenirs. Les Hyperboréens d’Orphée — arrivés du
pays où gémit la mer pernicieuse, —
les Finnois, grossis d’Asiatiques, avaient , comme jadis les Touraniens en
Iran et les Spartiates en Grèce, troublé pour des siècles les destinées de la
race blanche, pure, en la refoulant,
vaincue, au delà du Rhin et du Danube. Au Ier siècle de Jésus-Christ l’œuvre néfaste
était consommée : C’est dans ce recul de civilisation , dans ces mouvements désordonnés de peuples, réunis au hasard des convoitises et des besoins, dans cette expansion incohérente de barbarie inondant l’Europe, qu’il faut chercher et reconnaître l’œuvre aryenne s’accomplissant malgré tout, comme par l’effet d’une loi inéluctable, souveraine. L’ardeur juvénile, la confiante audace et l’aptitude au changement et au progrès, qui sont les ressorts inusables de la race aryenne européenne, l’emporteront finalement sur toute la sauvagerie égoïste du Nord, avec ses dieux cruels ou stupides, ses guerriers ivrognes et voleurs, ses hordes aveugles, à la suite, gloutonnes et dévergondées. L’armée d’invasion entrera — c’est la tactique barbare maintenant — en faisant une trouée, au moyen de la phalange en carré, coin ou losange. L’unité romaine, isolée, — la légion, — ne résistera pas, et ce sera la chute irrémédiable de l’Empire romain. Mais sur le territoire conquis, les colons barbares s’attacheront au sol qu’ils auront cultivé ; les bénéficiaires deviendront ces possesseurs de fiefs dont l’indépendance et l’autorité s’affirmèrent ; tandis que des municipalités — communes aryennes, complètes, — se gouverneront elles-mêmes dans cette grande confusion, prêtes à recevoir de l’Église, avec le lien social, là formule des hiérarchies nécessaires, du pacte d’union basé sur le monothéisme. En effet, la défense d’un Dieu retrouvé, un et bon, après les incertitudes de tant d’olympes, de divinités multipliées, bizarres, odieuses, ou ridicules, devait passionner glorieusement ces hommes, qui s’imaginaient sans doute créer un monde nouveau, alors qu’en réalité ils ne faisaient que revenir à la simplicité des origines aryennes, où la plupart se reconnaissaient. En outre, .l’administration impériale, qu’ils méprisaient, mais dont ils seront contraints d’adopter, d’admirer la logique et formelle théorie, leur arriverait sous la forme respectable des institutions chrétiennes : l’Empereur, épée de Dieu ; l’évêque, intermédiaire entre l’Empereur et l’unique divinité, Providence. L’Église, trop imitatrice de l’ordre romain, et s’emparant de sa succession, attroupait autour du siège de Pierre une aristocratie dirigeante, enrichie, opposée à l’esprit évangélique. Ce scandale n’éclatant pas aux yeux des foules converties, les sectateurs du Christ, fidèlement, concoururent à l’établissement du despotisme clérical romain. C’est merveille de voir comment, à la fois, les qualités et les défauts de l’Arya servirent, contrairement à son génie, à la formation, puis à la consolidation d’un catholicisme autoritaire, impérial, presque asiatique. Cicéron avait découvert le fond arya des premiers Barbares, en relevant leurs superstitions semblables à celles des Grecs. Le culte des eaux jaillissantes et fraîches, pour lesquelles les Celtes avaient une dévotion toute particulière, les reliait directement aux Aryas du Pendjab ; leurs ornements et leurs bijoux préférés trahissaient leur origine hindoue, et le paupérisme, chez eux, l’eût rapidement emporté, — grâce à l’importance de chacun dans la masse agissante, et le partage des terres sans distinction, pratique brutalement égalitaire, — si, par leur conversion au Christianisme, les Barbares, vainqueurs, ne s’étaient soumis et dévoués au dogme de l’inégalité en cette vie, formulée et glorifiée par l’Église du Christ. L’avènement de l’Europe aryenne, que les Barbares devaient inaugurer, que les Alamans compromirent, en fut retardée de mille ans. Et pendant que l’Église universelle recrutait partout des soldats, principalement chez les Barbares, pour défendre l’autorité ecclésiastique centralisée à Rome, le gouvernement impérial — dédaignant l’apparente force des Barbares, qui, pensait-on, ne pouvaient rien organiser de stable, — continuait le morcellement de l’Empire, entamé par Dioclétien, pour aboutir, sous Constantin, au transfert, de Rome à Constantinople, du trône impérial. La corruption romaine allait se compliquer de corruption asiatique. Rome, du moins, était au milieu de l’Europe ; Constantinople choisie, c’était l’installation du pouvoir en dehors, au-dessus du courant civilisateur nouveau, du mouvement chrétien irrésistible, utilisé par l’Empereur. L’Asie immédiate échappait à l’Empire rapproché de l’Orient. L’Asie Mineure, en effet, peuplée de Phrygiens et de Galates crédules, aryens, devait se rallier aux antagonistes de l’Empire déchu, transporté. Les Arméniens — que l’on pourrait croire venus d’Europe en Asie, comme les Galates, — se joindront aux fidèles de l’Asie Mineure. Les Phryges, sous diverses dénominations, — suivant les hérésies dominantes, ou les controverses en activité passionnelle, — et qui se qualifiaient de purs, ou pneumatiques, étaient une démocratie rebelle à la conception de l’Empire. Or, par Éphèse, l’Asie Mineure trafiquait avec l’Europe de
marchandises et de sentiments ; les corporations y entretenaient un esprit
contraire à la domination intronisée à Constantinople ; les églises mères de
Phrygie et d’Asie, enfin, correspondaient avec les Chrétiens de Lyon et de
Vienne. Quant aux Galates, ils étaient Des groupes celtiques, des groupes aryens, parfaitement
déterminés, s’échelonnaient donc, presque sans discontinuité, — Hindous,
Perses, Phryges, Galates, Scythes, Sarmates, Boïens, Helvètes, Gaulois, Gaëls
de Cette hostilité violente des Goths contre les Sarmates, en Scythie, incident historique qui eut une influence décisive sur les destinées de l’Europe, fut une des raisons qui amenèrent à considérer les Goths comme anaryens, alors que les Goths et les Sarmates ne furent d’abord que des frères ennemis, des adversaires de même race. Une superficielle observation conduisit à une erreur de même nature relativement aux Goths : L’adoption du dieu Odin par le peuple gothique suffit pour leur faire attribuer une origine scandinave ? Et l’emploi qu’ils firent de vocables scandinaves, saxons, — Visigoths, Ostrogoths, Wessex, Sussex, Essex, — parut justifier leur expulsion de la race celte. La facile conversion des Goths au Christianisme montre cependant le lien étroit qui attachait ce groupe, scythique au fond — au moins en son aristocratie gouvernementale, — à la famille européenne. La famille indo-européenne a pu s’appeler famille scythique, la langue originale,
identique, étant le sanscrit. Éphore plaçait les Scythes entre les Celtes, qui s’étendent au nord, jusqu’au couchant d’été,
et les Indiens, qui s’avancent au nord, jusqu’au
levant d’été, couvrant toutes les
régions septentrionales. Les Scythes d’Éphore, devenus historiquement
les Goths, étaient plus Celtes que les
Alamans destructeurs de La fondation de Constantinople et le schisme d’Arius
allaient bientôt diviser les Hindous, les Perses, les Scythes et les Celtes,
et retarder, pour des siècles et des siècles, l’union de race, l’union européenne que, politiquement, les Alamans
avaient compromise de leur côté, en occupant Délivrées de l’exploitation romaine, les populations du continent européen subissaient l’invasion désordonnée des Alamans, brutale, mal définie, incompréhensible. Ammien Marcellin, dans son récit des premiers succès de julien en Gaule (356), nomme les envahisseurs, Alamans, Germains et Francs, à la fois, dans la même phrase. Le mot Barbare, qui s’appliquait jadis à tout homme ne parlant ni le grec ni le latin, s’était réparti en désignations confuses ; un sentiment général de mépris et de crainte ne permettait pas de rechercher, parmi les peuples nouveaux, un groupe sympathique ; encore moins distinguait-on, dans l’ensemble du mouvement, une idée commune agréable. Et voici, par surcroît, que la façon dont les Barbares connurent le Christianisme fit d’eux — pourtant Aryens en majorité — des guerriers imbus de l’esprit asiatique, armés pour le triomphe d’Israël et non de Jésus, excités par la lecture du Vieux Testament, ignorant les Évangiles et le vrai Christ. Un Jéhovah malfaisant prenait, dans leur mythologie, la place d’Odin, simplement. Cela, au même moment, d’ailleurs, où l’on représentait, à Rome, l’Apôtre Pierre sous les traits de Moïse. Chez les Francs, qui croyaient à l’au-delà et comptaient sur les joies de l’autre vie, promesse consolatrice de la mort terrible, croyance qui adoucissait les douloureuses séparations, — car le survivant mettait dans la main rigide du mort la moitié d’une pièce de monnaie coupée, conservant l’autre moitié pour aider à la reconnaissance future, — chez les Francs, on ne devait rien comprendre à cette Bible désespérante terminant tout à la cessation de la dure existence des humains. Et l’Église, appelant les Barbares, dans tous les cas désirant les voir venir, les considérant comme son peuple, — en imitation du peuple d’Israël, — comptant sur eux comme sur son armée, acceptait cette contradiction, d’une religion de mansuétude et d’amour s’appuyant des exploits d’une horde capable de tous les excès, de toutes les haines. L’Église ne repoussait pas la responsabilité des déchaînements d’une guerre atroce, d’une exaltation du courage militaire — seule vertu ouvrant aux mortels le Walhalla scandinave ! — prêchée par des sacerdotes obligés, cependant, de redire et de commenter la redoutable parole de Jésus : Qui se servira de l’épée périra par l’épée. Les Celtes apporteront, avec leur bravoure, le fond de
superstition naïve qui les caractérise, et l’Église du Christ se verra
contrainte d’adopter, pour complaire à ses défenseurs, des pratiques
sacrilèges. Les Finnois dépasseront en cruautés les Israélites
victorieux, dont ils auront lu les saintes abominations dans |