GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME II. — JULES CÉSAR

CHAPITRE XV. — CLÉOPÂTRE.

(47-48 avant Jésus-Christ.)

 

 

César avec sa prodigieuse activité tira aussitôt parti de sa victoire. Il rappela ses soldats occupés au sac du camp de Pompée ; il en mit une partie à la garde de ce camp et envoya les autres défendre le sien ; puis avec quatre légions il se lança à la poursuite des fuyards sur la route de Larisse. A la chute du jour il atteignait le corps le plus important de l'armée pompéienne déjà retranchée sur une montagne qui dominait la route ; et il campa au pied de cette montagne pour attendre le jour. Mais au lendemain il n'eut rien à faire pour obtenir la capitulation de ces troupes, car pendant la nuit les soldats s'étaient montrés si décidés à déposer les armes, que les chefs irréconciliables, comme Afranius et Labienus, s'étaient enfuis avec de petits détachements vers Dyrrachium, laissant l'armée libre de se rendre. Sans perdre de temps, César continua sa route pour Larisse, où il trouva quelques officiers de Pompée qui se rendirent à lui, entre autres Brutus ; et il apprit que Pompée s'était dirigé par la vallée de Tempé vers l'embouchure du Pénée[1], en détachant en route de sa suite des esclaves pour répandre en Grèce un édit où il ordonnait à tous les jeunes gens grecs et romains résidant en Grèce de venir s'enrôler à Amphipolis[2]. César chargea alors Calénus de soumettre toute la Grèce ; il ordonna à une légion de le suivre à marches forcées ; et le 11 août il partit à la tête d'un escadron de cavalerie pour Amphipolis, dans l'espoir d'y rejoindre Pompée, qui, pendant ce temps, après avoir congédié à l'embouchure du Pénée ses esclaves, était monté dans une petite barque avec Lentulus Spinter, Lentulus Crus, Favonius, le roi Déjotarus et quelques autres ; puis, ayant rencontré le vaisseau d'un marchand de blé, il y était monté et il faisait alors voile vers Amphipolis. César, en brûlant les étapes, réussit à franchir en six jours avec son escadron la distance de Larisse à Amphipolis, qui est de 180 milles romains[3] et il arriva peu après son rival : mais Pompée ayant appris, à peine arrivé à Amphipolis, que son ennemi était déjà dans le voisinage, ne resta dans la ville qu'une nuit, le temps de se faire prêter de l'argent par ses amis et ses clients[4], et il partit précipitamment pour Mitylène, où étaient sa femme et son fils cadet Sextus. Ce départ fit supposer à César que Pompée voulait se rendre en Syrie, la province qu'il avait conquise[5] ; il donna donc à la légion qui était derrière lui l'ordre de continuer à le suivre ; il en envoya une autre à Rhodes, puis se dirigea vers Sestos, sur l'Hellespont. Cependant, vers le milieu du mois d'août[6], Labienus arrivait avec ses Gaulois et ses Germains à Dyrrachium et annonçait que la grande armée de Pompée avait été défaite. Une panique effrayante éclata. On voyait déjà César aux portes de la ville ; personne ne voulut plus rester un jour à Dyrrachium ; on décida de se retirer aussitôt avec la flotte à Corcyre ; les soldats ouvrirent précipitamment les magasins et, dans la hâte où ils étaient, ils répandirent du blé sur toutes les routes qui conduisaient au port ; les vaisseaux qui n'avancèrent pas dès qu'on les poussa furent brûlés. Le soir, à la lueur sinistre des vaisseaux incendiés, l'armée quitta le port, et avec elle Cicéron, Varron et Caton[7]. Bientôt, la nouvelle du désastre de Pharsale s'étant répandue le long des rivages de l'Adriatique, tous les amiraux de Pompée se dirigèrent avec leurs flottes sur Corcyre ; C. Cassius qui était dans les eaux de la Sicile, Cnéus Pompée qui vint d'Oricus, M. Octavius qui croisait sur les côtes de l'Illyrie, D. Lœlius qui stationnait à Brindes. A Corcyre arrivèrent aussi, les uns après les autres, les amis de Pompée qui ne voulaient pas se rendre, et parmi eux Scipion[8] ; de sorte que l'on put tenir, sous la présidence de Caton, un grand conseil. Nous ignorons ce que furent les discussions ; nous savons seulement qu'il s'en fallut de peu que Cnéus Pompée ne tuât Cicéron parce qu'il proposait de conclure la paix ; et qu'après cette réunion la plupart des personnages allèrent les uns d'un côté, les autres d'un autre. Cassius alla avec ses vaisseaux vers le Pont, on ne sait trop dans quelle intention ; Scipion et Labienus se dirigèrent vers l'Afrique, espérant y retrouver Pompée ; M. Octavius retourna en Illyrie pour en achever la conquête ; Caton, accompagné de Cicéron, se rendit à Patras pour recueillir les fugitifs. Il réussit, en effet, à prendre à son bord Pétréius et Faustus Sylla ; mais Calénus approchant, il dut faire voile vers l'Afrique. Cicéron, ne voulant pas continuer la guerre, débarqua à Patras.

Cependant Pompée, qui était arrivé à Mitylène le 20 août, prit à bord Cornélie et Sextus qui n'avaient encore reçu que l'heureuse nouvelle de la victoire de Dyrrachium[9] ; et s'étant séparé de Déjotarus qui retourna en Galatie, il côtoya l'Asie Mineure et la Pamphylie, n'osant toucher terre que pour prendre de l'eau et des vivres, ne s'arrêtant qu'un instant à Phasélis[10] et Attalie[11], où étaient des navires de sa flotte et des sénateurs. De grandes discussions avaient lieu, pendant le voyage, entre Pompée et ses amis sur l'endroit où l'on pourrait refaire une armée et recommencer la guerre. Les uns proposaient la Syrie, d'autres l'Égypte, d'autres l'Afrique. Il fallait prendre un parti : les fugitifs s'arrêtèrent à Synédra pour délibérer[12], et on décida de se réfugier en Syrie. Cependant César était arrivé à Sestos, où, en attendant ses vaisseaux et sa légion, il recevait la soumission d'un amiral de Pompée, L. Cassius, qui commandait dix navires[13], et il prenait probablement les dispositions définitives pour l'Italie, où il n'avait cependant voulu envoyer aucun message officiel de sa victoire. Antoine ramènerait l'armée en Italie, le ferait nommer dictateur et serait magister equitum ou vice-dictateur ; ainsi l'année de son consulat écoulée il aurait encore tous les pouvoirs nécessaires pour continuer la guerre. Quand les bateaux furent réunis et que sa légion l'eut rejoint, ayant appris que la Grèce avait été soumise par Calénus, il partit pour la Syrie avec l'intention de toucher Éphèse et Rhodes[14]. Il croyait toujours que Pompée essaierait de se réfugier en Syrie. Mais Pompée, qui était parti pour Chypre vers le 10 septembre, apprenait alors justement à Paphos que les habitants d'Antioche avaient décidé de n'ouvrir leurs portes ni à lui ni à aucun de ses partisans. Il se fit alors donner de l'argent par une grande société de financiers italiens établis à Chypre ; il rassembla dans les ports de file une petite flotte, choisit environ 2.000 soldats parmi les esclaves que les négociants italiens tenaient là en dépôt pour les vendre en Italie ; et il prit le parti de se rendre en Égypte[15] où régnaient les enfants de ce Ptolémée que Pompée avait fait rétablir sur le trône par Gabinius, Ptolémée Dionysos et Cléopâtre, qui, d'après le testament de leur père, devaient se marier et régner ensemble. César, qui attendait à Rhodes la légion qu'il avait ordonné à Calénus de lui envoyer, ne tarda pas à comprendre, par les armements que Pompée faisait à Chypre, qu'il avait changé de plan et qu'il allait chercher à se réfugier en Égypte[16] ; et dès que ses soldats furent arrivés, c'est-à-dire vers la fin de septembre, il mit lui-même immédiatement à la voile pour le royaume des Ptolémées. Le moment critique où les rivaux se rencontreraient approchait donc. Mais quand César arriva le 2 octobre[17] à Alexandrie, il y trouva une nouvelle inattendue, qui était la conclusion dernière d'une histoire si pleine d'événements imprévus. Pompée était mort. Le roi d'Égypte, au moment où Pompée était venu lui demander l'hospitalité, était en guerre avec sa sœur, qui avait été chassée par les ministres du jeune souverain, parce qu'elle était plus âgée et plus intelligente ; et ses conseillers ne voulant pas entrer en guerre avec César et craignant que Pompée, repoussé par eux, ne prit le parti de Cléopâtre, avaient résolu de le faire périr. Quand la petite flotte du fugitif arriva en vue de Péluse, où était alors Ptolémée avec son armée, une petite barque vint le prendre. Bien qu'il eût de la défiance, Pompée y monta, en disant que celui qui passait le seuil d'une demeure royale devenait un esclave ; mais comme la barque approchait du rivage et que Pompée se levait, pour descendre, Cornélie, qui inquiète le suivait des yeux du vaisseau amiral, vit un soldat qui était dans la barque le frapper par derrière[18]. On était au 29 septembre de l'année 48[19]. Ce même jour, treize ans auparavant, Pompée entrait dans Rome revêtu du costume d'Alexandre le Grand et célébrait son grand triomphe sur l'Asie. Pompée n'était pas un petit esprit, comme se sont plu à le dire plusieurs historiens modernes, mais un grand seigneur intelligent, qui avait tous les défauts et toutes les qualités de la vieille noblesse, et à qui son époque et les circonstances finirent par imposer une tâche au-dessus de ses forges. Si la passion ardente de l'action, l'énergie infatigable et victorieuse, la souplesse intellectuelle de son heureux rival lui manquèrent, il faut reconnaître qu'il fut entraîné à la ruine, non seulement à cause des erreurs qu'il commit, mais aussi à cause des vices et des fautes des hautes classes, à la tête desquelles l'avaient placé son tempérament et les événements plutôt que sa volonté même. Toutefois, la part qu'il eut dans l'histoire de Rome ne peut être oubliée : il annexa au territoire romain la patrie de Jésus dont la conquête eut par ses résultats, comme celle de la Gaule, la plus grande importante ; il fut aussi par la construction du théâtre, par les fêtes qu'il donna au peuple et par ses libéralités, un des hommes qui contribuèrent le plus à répandre la culture orientale en Italie, un des maîtres de ce luxe public de la Rome des Césars dont nous continuons à admirer et même à imiter les ruines.

De toutes les chances de César, cette mort soudaine de Pompée fut certainement la plus grande. Le rival qui n'aurait jamais déposé les armes disparaissait tout à coup, victime d'un misérable complot d'eunuques orientaux, sans que César eût à se reprocher d'avoir versé son sang. En effet, quand la nouvelle de sa mort fut portée en Italie vers la mi-novembre[20] par Diocharès, un des plus rapides esclaves de César, tout le monde estima que César était définitivement victorieux, et l'impression produite fut encore plus grande que César lui-même ne pouvait le supposer. Les statues de Sylla et de Pompée furent enlevées ; le public tomba dans une extase admirative pour César, qu'il méprisait six mois auparavant comme un scélérat[21] ; sur la proposition de ses amis et sans qu'il y eût d'opposition, on lui vota des honneurs inaccoutumés et extraordinaires, tels que Sylla lui-même n'en avait pas connu : on lui donna non seulement cette dictature pour toute l'année 47 qu'il désirait[22],mais la faculté de présider seul les élections des magistrats que présidait le consul, c'est-à-dire de tous les magistrats à l'exclusion des tribuns et des édiles du peuple ; la faculté de distribuer lui-même les provinces aux préteurs au lieu de les tirer au sort, et celle enfin d'être considéré toute sa vie comme un tribun du peuple[23]. En somme, César avait remplacé Pompée dans la considération publique, et était devenu à sa place le maitre de la République avec une rapidité qui est une autre caractéristique de la grande crise sociale et morale à laquelle l'Italie était eu proie. Certainement le désir ardent de paix, la nervosité et l'inconstance de l'esprit public, l'admiration pour la modération que César avait montrée jusqu'alors, contribuaient à cette explosion d'un enthousiasme en partie sincère, en partie fictif. Mais la cause profonde de cet étrange retour, il faut la chercher dans cette transformation de la société italienne, grâce à laquelle il n'existait plus en Italie de classes ni de partis qui fussent politiquement et économiquement assez forts pour résister aux clientèles politiques qui se formaient et se déformaient autour des personnages puissants. Tant qu'il y avait eu plusieurs clientèles rivales, beaucoup de gens avaient pu conserver une certaine indépendance, en allant habilement de l'une à l'autre ; mais maintenant que la clientèle de Pompée avait été détruite à Pharsale, et que celle de César semblait seule maîtresse de la république et des magistratures, l'intérêt contraignait un grand nombre de gens à se soumettre. Une grande partie du monde politique vivait des magistratures ; et, par conséquent, s'obstiner à faire de l'opposition à la clientèle victorieuse, c'eût été pour beaucoup courir à la ruine. Ce qui arrivait alors à Cicéron le prouve. Il était, après César et Pompée, l'homme le plus célèbre du monde romain, et cependant, lui aussi, il avait cette année de gros ennuis, parce que tout le monde croyant sa situation politique compromise, personne ne voulait plus lui prêter d'argent, et beaucoup de ses créanciers, au contraire, avaient insisté pour être payés. Ainsi sa famille s'était trouvée dans la gêne la plus pénible ; il avait fallu suspendre le paiement de la dot de Tullie, et il était à craindre que Dolabella ne demandât le divorce ; Térentia avait dû recourir à des intrigues ; des créanciers avaient même menacé de le faire mettre en faillite et de faire vendre ses biens, et peut-être eût-il été réellement mis en faillite, si Atticus n'était venu à son secours et si un héritage ne lui était arrivé juste à temps[24]. Si même pour Cicéron la situation économique dépendait de la situation politique, on peut s'imaginer ce qu'étaient les embarras d'un grand nombre d'obscurs sénateurs. Dans ces conditions une opposition vigoureuse de ressentiments et de principes contre la clientèle victorieuse n'était pas possible ; chacun était si fortement lié à l'État, que la clientèle maîtresse de la république avait pour le moment tout le monde avec elle.

César n'eut jamais dans sa vie de circonstances aussi favorables. Il eût fallu profiter de cet enthousiasme universel et passager, rentrer en Italie, essayer d'adapter les institutions républicaines à la société mercantile, de concilier l'impérialisme et la liberté, les traditions latines et les nouveaux besoins importés par la civilisation orientale. Mais si César était un homme de génie, il n'était pas un demi-dieu qui pût voir alors ce qui apparaît si clairement à nous, qui considérons l'histoire de ce temps-là à la distance de vingt siècles, et il se laissa facilement égarer, lui aussi, dans ce moment décisif, par des incidents passagers et par les nécessités immédiates de la situation. Il avait besoin d'argent ; l'Égypte était un pays riche et Ptolémée ne lui avait pas payé toute la somme convenue pour l'aide portée par Gabinius. Il songea donc à aller à Alexandrie et à réclamer comme consul le droit de trancher le différend entre le frère et la sœur, et d'interpréter le testament de Ptolémée, de façon à se faire payer à la fois la dette du père et son arbitrage avant de retourner à Rome[25]. Il n'avait, il est vrai, que quelques milliers de soldats, mais après ses grands succès, il ne doutait pas que la chose dût réussir très vite et sans grande difficulté[26]. Il envoya donc à Cléopâtre et à Ptolémée l'ordre de congédier leurs armées et de se soumettre à son jugement ; il s'installa dans le palais royal et imposa un tribut aux habitants d'Alexandrie. Mais tandis que César négociait avec les ministres du roi, qui voulaient l'amener à quitter Alexandrie, tandis que le peuple, vite indigné des exactions et de l'arrogance des soldats romains[27], commençait à se soulever, Cléopâtre, qui était entrée en cachette dans la ville et dans le palais[28], vint un soir à l'improviste le trouver dans son appartement, et elle réussit à lui persuader en une nuit qu'elle avait raison. Alors en un clin d'œil la situation changea : le jour suivant, quand Ptolémée et ses ministres surent que Cléopâtre avait passé la nuit au palais royal et dans la chambre de César, ils comprirent que leur cause était perdue ; le ministre des finances Pothin, qui craignait qu'à César succédât un nouveau Rabirius, excita le peuple à la sédition et poussa le général de Ptolémée à venir à Alexandrie ; la guerre fut déclarée à César. L'armée d'Égypte était une sorte de légion étrangère composée d'anciens soldats de Gabinius, de vauriens, d'esclaves fugitifs, de déserteurs de tous les pays de la Méditerranée[29]. Cette petite armée obligea bientôt César à se retrancher avec ses soldats dans les hautes murailles du palais royal et à y soutenir un siège, en attendant les renforts qu'il avait fait demander à Cnéus Domitius Calvinus, demeuré en Asie comme gouverneur.

C'est ainsi que jusqu'au 13 décembre César continua à gouverner l'Italie et l'empire ; et il eut encore le temps de nommer Antoine magister equitum, de défendre par une loi à tous les pompéiens de retourner en Italie, à l'exception seulement de Cicéron et de D. Lélius[30]. Puis l'hiver et la guerre le bloquèrent dans le palais royal d'Alexandrie en le séparant du reste du monde, au point que, pendant les six premiers mois de l'année, l'Italie et l'empire n'eurent plus de nouvelles de lui[31]. C'est la longue absence à laquelle Cicéron attribua, non sans raison, la cause de bien des malheurs qui arrivèrent dans la suite[32]. Les sénateurs qui, après avoir abandonné l'armée pompéienne, s'étaient cachés dans les différentes villes des bords de la Méditerranée, et y attendaient le retour de César pour regagner l'Italie, furent condamnés à une attente, qui leur laissa un trop grand loisir pour songer à leurs intérêts lésés, à leurs susceptibilités blessées, aux rancunes semées par la guerre civile. Nous pouvons nous représenter l'état d'âme, incertain et douloureux, d'un grand nombre de personnages pendant ces mois, d'après ce que nous dit de lui-même Cicéron, qui passa l'hiver et le printemps à Brindes à méditer sur ses amis morts à la guerre ; sur sa brouille avec son frère Quintus, qui l'accusait de l'avoir obligé à abandonner César ; sur le trésor d'Éphèse qu'il avait prêté à Pompée et qui était perdu ; sur la pauvreté à laquelle il se trouvait réduit, ainsi que sa femme et sa fille ; sur les malheurs de Tullie, avec qui Dolabella se conduisait d'une façon infâme ; sur l'aversion insolente de la partie la plus grossière du parti de César ; enfin sur la considération du public qui s'évanouissait[33]. Pharsale avait amené la division dans sa famille et la ruine dans sa fortune, avait détruit sa situation politique et enfin jeté un voile sur la gloire du De Republica. Était-il encore quelqu'un qui le considérât comme le grand maitre de l'art politique ? Mais Cicéron était du moins fermement résolu à ne plus reprendre les armes. D'autres, au contraire, moins patients que lui, commencèrent à se fatiguer, à prêter l'oreille aux bruits qui circulaient le long des rivages de la Méditerranée, et qui pouvaient faire renaître des espoirs dans des esprits irrités. On disait que si l'Illyrie défendue par le questeur de César Q. Cornificius et par Vatinius, qui était venu de Brindes au secours, avait été abandonnée définitivement par M. Octavius, celui-ci avait pu, au moins, se réfugier avec sa flotte en Afrique ; qu'en Afrique on était en train de refaire avec les restes de l'armée de Pompée une armée que l'on conduirait en Italie ; que César courait de grands dangers à Alexandrie ; que la guerre pouvait recommencer. Mais l'Italie elle-même fut bientôt en proie à de plus grandes calamités. Comme, d'après la loi approuvée après Pharsale, César seul devait présider toutes les élections que présidait ordinairement un consul, on ne pst élire en son absence que les tribuns et les édiles du peuple. La république resta ainsi privée des magistrats les plus importants, et tout entière au pouvoir du vice-dictateur Antoine qui, jeune, frivole et débauché, bon soldat mais peu versé encore dans le gouvernement civil, considéra la vice-dictature comme une fête, se mit à faire ripaille en compagnie de chanteuses, de danseuses et de Cithéris[34], et entre une débauche et l'autre laissa éclater une sorte de révolution sociale.

Dans le parti de César comme dans tous les partis démocratiques qui représentent les classes les plus nombreuses et les plus pauvres, mais qui ont à leur tête des hommes appartenant aux hautes classes, se cachait une contradiction et une sorte de malentendu inconscient. Il y avait dans ce parti des personnes appartenant aux hautes classes, comme Caïus Trébonius, Marcus et Decimus Brutus, Sulpicius Rufus, Sulpicius Galba, Asinius Pollion, c'est-à-dire des hommes riches ayant une fine éducation et une vie assez décente, selon la morale de l'époque, qui avaient toujours été avec César ou s'étaient réconciliés avec lui après Pharsale, et qui avaient les sentiments, les idées, les préjugés, les intérêts des hautes classes. Ceux-ci. s'ils voulaient un gouvernement démocratique et libéral avec le petit peuple, ils ne voulaient ni la démagogie, ni une révolution qui troublât les hautes classes dans la jouissance des richesses, de la culture et des plaisirs. Mais il y avait aussi dans le parti de César, et ils étaient beaucoup plus nombreux, des aventuriers, des mécontents, des condamnés, des fous, des hommes venus de toutes les classes, des plus hautes et des plus basses, souvent intelligents et énergiques, souvent très ignorants, presque toujours sans principes et sans idées politiques, que poussait le seul désir de satisfaire leur ambition, tels que Dolabella, que Vatinius, que Fufius Calénus et Ventidius Bassus, qu'Oppius, Cornélius Balbus et Fabérius, l'habile mais peu scrupuleux secrétaire de César. L'ordre public, les traditions, la tranquillité des hautes classes importaient peu à ces derniers ; ce qu'ils voulaient, c'était une puissance plus grande, et pour cela ils étaient disposés à satisfaire les rancunes, les fureurs et les plus extravagants désirs de la population pauvre. Il y avait, en somme, dans le parti une aile droite et une aile gauche, qui avaient marché ensemble tant que dura la lutte pour la conquête du pouvoir ; mais qui ne tardèrent pas à se brouiller, dès que le pouvoir parut assuré, au commencement de l'année 47. La misère avait grandi et devenait épouvantable ; les dettes et les loyers se payaient de moins en moins : Dolabella, qui était le plus endetté des tribuns du peuple, ne se laissa pas épouvanter par le sort de Cœlius ; mais, encouragé par la désorganisation du parti conservateur et par la demi-anarchie où l'absence des principaux magistrats plongeait la république, il voulut se faire une immense popularité, en proposant de nouveau au mois de janvier les lois de Cœlius sur l'abandon des loyers et l'abolition des dettes. L'alarme fut grande pour les propriétaires de maisons tels qu'Atticus et pour les riches capitalistes. Cette révolution sociale dont on avait eu peur au commencement de la guerre civile et dont le danger pendant quelque temps avait paru se dissiper, survenait-elle donc tout d'un coup ? César avait plusieurs fois affirmé son intention de respecter la propriété ; mais il était loin ; le parti conservateur était détruit et il ne restait plus dans la république aucune autorité capable de maintenir l'ordre. Le moment semblait donc très favorable pour une révolution sociale, même à ceux qui la redoutaient le plus ; car aucune défense ne semblait plus possible. Mais à leur grande surprise, les classes supérieures s'aperçurent bientôt que le salut devait venir d'où elles l'attendaient le moins. Influencés par leurs amitiés et leurs relations personnelles, obéissant à leurs scrupules moraux et juridiques, préoccupés par leurs intérêts, ceux des partisans de César qui appartenaient à l'aile droite du parti agirent, en présence de la proposition de Dolabella, comme auraient agi des conservateurs. Les tribuns du peuple Trébellius et Asinius Pollion s'opposèrent à la loi. Dolabella insista ; la multitude des artisans, des petits marchands, des affranchis pour qui les profits et le blé diminuaient depuis deux ans, et qui étaient menacés d'être chassés de chez eux par leurs propriétaires qu'ils ne payaient pas, s'agitèrent ; des émeutes éclatèrent[35]. Le sénat suspendit alors la constitution et chargea Antoine de maintenir l'ordre en appelant à Rome les soldats[36]. Mais là-dessus survint un autre danger : en Campanie les légions qui revenaient de Grèce, rendues arrogantes par la guerre civile et par l'éloignement de César, menacèrent de se révolter, si elles ne recevaient pas leur congé et les récompenses qu'on leur avait tant de fois promises[37]. Antoine dut se rendre immédiatement en Campanie, où il eut grand peine à apaiser la rébellion. Malheureusement la révolte des légions encouragea l'agitation du peuple ; à son retour à Rome, Antoine trouva une situation encore plus critique, et Dolabella qui continuait l'agitation, non seulement en prononçant des discours, mais en organisant des bandes armées, comme aux temps de la guerre sociale. Antoine alors, poussé aussi, semble-t-il, par des motifs personnels, car il soupçonnait Dolabella d'être l'amant de sa femme, se décida à se ranger du côté des partisans de l'ordre ; et il se mit à réprimer rigoureusement la révolte. Point intimidé, Dolabella, le jour où il mit la loi en discussion devant les comices, fit barricader le forum par ses partisans pour ne pas être dérangé. Mais Antoine, excité par ces bagarres, vit rouge, et lança ses soldats à la conquête du forum ; il renversa tous les obstacles et dispersa les bandes. 800 personnes furent tuées[38]. On n'avait pas vu depuis longtemps un tel carnage à Rome. L'agitation du petit peuple se calma pour quelque temps ; mais ces événements excitèrent une grande méfiance envers tout le parti de César, que les nouvelles plus précises arrivant d'Afrique et d'Asie ne firent qu'augmenter. Les fils de Pompée, Caton, Scipion et Labienus, après avoir rassemblé en Afrique les restes de l'armée pompéienne, s'étaient alliés à Juba, le roi de Numidie ; ils recrutaient des archers, des frondeurs, des cavaliers gaulois ; ils accumulaient des armes, inquiétaient avec leur flotte la Sicile et la Sardaigne, et tentaient de gagner à eux les populations espagnoles mécontentes du gouvernement de Quintus Cassius. Au moment même où une nouvelle armée se préparait à attaquer César en Afrique, sous le commandement suprême de Scipion, en Asie apparaissait tout à coup, venant du petit royaume de Chersonèse, Pharnace, le fils de Mithridate, à la tête d'une armée pour reconquérir les royaumes de son père, et il infligeait une défaite à Domitius Calvinus. Toutes les espérances que l'Italie, fatiguée de discordes politiques et de guerres civiles, avait caressées dans l'automne de l'année 48 faisaient place à un grand malaise au printemps de 47 : la révolution sociale allait éclater en Italie, la guerre civile allait se rallumer en Afrique, le fils de Mithridate allait disputer à Rome l'empire de l'Orient. Et pourtant on ne savait plus rien de César, qui ne donnait aucun signe de vie.

Ce ne fut que vers la fin d'avril[39], que l'on apprit par des nouvelles privées que César, ayant reçu du renfort, s'était, le 27 mars[40], emparé d'Alexandrie. Tout le monde s'imagina qu'il allait rentrer aussitôt en Italie ; et la situation intérieure parut s'améliorer à Rome et en Italie[41]. Mais les jours, les semaines passèrent sans qu'arrivât aucune nouvelle officielle de sa victoire[42], ni même la nouvelle de son départ d'Alexandrie[43]. Bientôt les troubles recommencèrent à Rome[44] ; les bruits les plus divers coururent sur les causes de ce retard ; les amis de César, très inquiets, lui écrivirent en le suppliant de revenir bien vite ; beaucoup même partirent pour aller le chercher et pour hâter son retour[45]. Mais César, après avoir reconquis Alexandrie et donné le trône d'Égypte à Cléopâtre (Ptolémée était mort pendant la guerre), avait ajouté une nouvelle faute à la première, celle d'entreprendre avec la reine un voyage sur le haut Nil[46] ; et il prolongea encore pendant deux mois, dans les festins et les banques, dans les jeux et les voluptés, avec la reine, qui était enceinte, son aventure galante et son funeste séjour. La situation devint bientôt si dangereuse à Rome que les amis de César firent voter par le peuple certaine lois destinées à abattre le courage renaissant des ami. de Pompée : c'est-à-dire que César aurait le droit de faire la guerre et la paix avec tous les peuples, et de traiter les partisans de Pompée comme il lui plairait[47]. Enfin, dans les premiers jours de juin[48], César partit pour la Syrie après avoir perdu neuf mois précieux[49] à une époque où les jours valaient pour lui des années, et les années des siècles. Mais bien qu'arrivé à Antioche, il trouvât des paquets de lettres et un grand nombre de personnages qui l'engageaient à venir immédiatement en Italie, il y eut un nouveau retard. César ne voulut revenir à Rome qu'après avoir rétabli un peu d'ordre en Orient ; et avec une rapidité prodigieuse, quelques jours lui ayant suffi pour réorganiser les choses en Syrie, il quitta Antioche dans les premiers jours de juillet ; il rencontra à l'embouchure du Cydnus l'escadre pompéienne, commandée par Caïus Cassius, qui avait passé une grande partie de son temps à étudier l'éloquence à Rhodes avec Brutus[50] et qui se rendit ; il débarqua à Éphèse et avec une armée peu nombreuse il marcha à la rencontre de Pharnace, sans négliger sur son chemin de lever des impôts et de faire de l'argent par tous les moyens possibles. Le 2 août à Zéla il battait Pharnace[51]. Il tint ensuite une diète à Nicée, distribua des royaumes et des domaines, en se faisant donner en échange de riches présents par les rois d'Orient, sans toutefois user de représailles envers ceux qui avaient combattu contre lui à Pharsale ; il pardonna à Déjotarus, roi de Galatie, dont la cause avait été plaidée par Brutus ; puis, passant par la Grèce et par Athènes, il retourna en Italie, débarqua à Tarente vers le 24 septembre[52] ; il reçut cordialement Cicéron qui était venu à sa rencontre et rentra enfin à Rome.

Mais après un an il trouvait la situation bien changée à son désavantage. Le moment favorable était irrévocablement passé. Non seulement sa longue absence et tout ce qui s'était dit au sujet de ses amours avec Cléopâtre lui avaient nui dans la considération de bien des gens ; mais la révolte des légions, les luttes éclatées dans son parti, la nouvelle armée organisée par les Pompéiens en Afrique, rendaient de nouveau bien des gens incertains sur l'issue de la guerre, surtout dans les hautes classes, où la défiance et l'aversion pour César étaient endormies mais non éteintes. Beaucoup de gens commençaient à se demander si l'avenir ne réservait pas des surprises. Le parti de César, qui paraissait si uni, était déchiré par des luttes acharnées ; et on avait vu depuis quelque temps des changements si subits de la fortune ! Ainsi César ne fut plus accueilli avec l'enthousiasme qu'on eût eu pour lui l'année précédente ; et il ne tarda pas à s'apercevoir qu'une froide obséquiosité et la guerre d'Afrique, qui causait une joie secrète à tant de gens à Rome, étaient la seule récompense de sa modération envers les hautes classes, des soins avec lesquels il avait évité les confiscations et les rapines, au risque d'amener les légions à la révolte. L'impression de l'éclatante victoire de Pharsale était en grande partie effacée ; et la situation redevenait très incertaine : la réconciliation avec les hautes classes était peu sincère, la fidélité des légions était chancelante, l'unité du parti était atteinte, les masses populaires étaient refroidies, ayant vu les espérances qu'elles avaient mises clans les lois de Dolabella déçues par la faute de tout un groupe du parti césarien. César comprit aussitôt que la meilleure façon de couper court aux espérances renaissantes des conservateurs était de détruire sans retard la nouvelle armée pompéienne d'Afrique ; mais il s'aperçut aussi qu'il ne pouvait sortir de nouveau d'Italie sans avoir cherché à modifier un peu la situation intérieure, devenue si confuse et même si dangereuse, à cause de sa politique incertaine. S'il continuait cette politique, ne risquerait-il pas de perdre sa popularité dans les classes inférieures, sans acquérir la confiance des hautes classes ? Préoccupé par ce danger, irrité par la nouvelle guerre qui était la récompense de sa modération, César, avant de partir, voulut revenir à la politique populaire, et montrer par des signes bien clairs son intention de favoriser les classes pauvres qui pouvaient lui donner des légionnaires, des électeurs et la force invincible d'une immense popularité. Alors que tout le monde s'attendait à ce qu'il récompensât Antoine et fit périr Dolabella, il prouva publiquement que celui-ci avait ses bonnes grâces et qu'il était au contraire très irrité contre l'auteur des terribles répressions dans lesquelles avaient péri 800 plébéiens : il alla même jusqu'à adopter une partie des propositions de Dolabella, non pas l'abolition universelle des dettes, mais l'abandon pendant un an des loyers au-dessous de 2.000 sesterces à Rome et de 500 dans les autres villes d'Italie[53]. Il ne voulut cependant pas accepter d'être nommé consul pour cinq ans[54] ; il interdit par une loi d'hypothéquer plus d'une certaine partie de la propriété ; il obligea les capitalistes à mettre une partie de leurs capitaux dans les biens fonciers[55] ; il imposa des prêts obligatoires aux riches particuliers et aux villes[56] ; il se mit aussi à faire quelques confiscations, en mettant en vente le patrimoine de nombreux citoyens qui avaient péri dans la guerre civile, et entre autres celui de Pompée[57]. C'était là à la fois, une représaille contre les irréconciliables, un avertissement donné à ceux qui hésitaient, et un expédient financier pour se procurer de l'argent. Antoine acheta le palais de Pompée, avec l'intention de ne pas le payer ; et il fit aussitôt main basse sur les collections artistiques, sur le mobilier, et sur les caves bien montées. Enfin César remplaçant le consul présida les élections des magistrats pour les années 47 et 46, c'est-à-dire qu'il fit nommer les gens qui lui plurent, distribua lui-même les proprétures, et récompensa largement ses fidèles partisans. Vatinius et Calénus furent les consuls de l'année 47 ; César lui-même et M. Æmilius Lepidus ceux de l'année 46 ; au nombre des préteurs était Hirtius ; il laissa dans la Gaule transalpine Decimus Brutus pour qui il avait une prédilection marquée ; dans la Gaule cisalpine il envoya M. Brutus qu'il se mit à favoriser à cause de Servilia ; dans l'Espagne ultérieure il envoya C. Trébonius ; dans la citérieure Q. Pédius son neveu, et Q. Fabius Maximus ; en Achaïe, Servius Sulpicius Rufus, le juriste qui avait fait la loi électorale contre Catilina ; en Illyrie, Publius Sulpicius Rufus ; en Bithynie Pansa. L'Asie échut au proconsul P. Servilius Isauricus[58]. A peu de temps de là quand César eut chargé Salluste de conduire les légions de Campanie en Sicile, en leur promettant de grosses sommes d'argent, les soldats se révoltèrent de nouveau, faillirent mettre Salluste à mort, et marchèrent en troupes serrées sur Rome, tuant deux sénateurs, pillant et dévastant tout sur leur passage. César dut les faire entrer à Rome, et il eut beaucoup de peine à les calmer[59]. Mais il était si pressé de finir la guerre en Afrique que vers la fin de décembre[60] il se rendit en Sicile, arriva le 19 à Lilybée[61], s'embarqua avec six légions le 25, débarqua le 28 à Adrumète[62], et commença aussitôt la guerre.

 

 

 



[1] PLUTARQUE, Pompée, 73.

[2] CÉSAR, B. C., III, 102 ; le fait que Pompée alla véritablement à Amphipolis semble prouver que c'était un projet bien réel.

[3] SCHMIDT, B. W. C., 207.

[4] CÉSAR, B. C., III, 102.

[5] Il résulte d'un passage de CÉSAR, B. C., III, 102, que quand il écrivait les Commentaires, il croyait encore que le premier dessein de Pompée avait été de s'arrêter en Syrie.

[6] SCHMIDT, B. W. C., 179.

[7] CICÉRON, De div., I, XXXII, 68.

[8] DION, XLII, XIII ; APPIEN, B. C., II, 87.

[9] Pour les détails et les documents concernant cette fuite, voyez DRUMANN, G. R., III, 519 ; SCHMIDT, B. W. C., 207 et suiv. Je m crois pas que Pompée ait jamais pensé à se réfugier chez les Parthes, ce qui eût été trop peu patriotique et trop dangereux. Voyez DION, XLII, II.

[10] LUCAIN, VIII, 251.

[11] PLUTARQUE, Pompée, 76.

[12] LUCAIN, VIII, 259.

[13] DION, XLII, VI. Il ne s'agit pas de Caïus Cassius ; JUDEICH, C. O., 60, l'a démontré.

[14] APPIEN, B. C., II, 89.

[15] SCHMIDT, B. W. C., 208. ; CÉSAR, B. C., III, 103.

[16] CÉSAR, B. C., III, 106.

[17] SCHMIDT, B. W. C., 208.

[18] PLUTARQUE, Pompée, 78-79 ; APPIEN, B. C., II, 84-85 ; DION, XLII, III-IV.

[19] DION, XLII, V. Voyez ZUMPT, S. R., 211.

[20] Voyez, au sujet du voyage d'Alexandrie à Rome, les justes réfutations que fait SCHMIDT, B. W. C., 205, des opinions de JUDEICH.

[21] DION, XLII, XIX.

[22] Fasti capit., an 706. C. I. L., I2, p. 40. On n'est guère d'accord sur l'époque à laquelle César fut fait dictateur, JUDEICH, C. O., 182 ; STERNKOFF, Programm., Dortmund, 1891, p. 27, disent que ce fut au commencement de novembre. MOMMSEN, C. I. L., I2, 41, pendant les derniers mois de l'année ; SCHMIDT, B. W. C., 211, au milieu de septembre ; GROEBE, App. a DRUMANN, I2, p. 404, à la fin de septembre ou au commencement d'octobre. Les arguments des uns et des autres me paraissent peu concluants ; je me range cependant à l'avis de Schmidt en pensant comme lui que César eut l'idée de se faire donner la dictature aussitôt après Pharsale, quand il s'aperçut qu'il aurait encore à continuer la guerre même après que l'année de son consulat serait écoulée. Je ne crois pas cependant qu'il faille croire Cicéron quand il dit, Phil., II, XXV, 62, qu'Antoine se nomma lui-même magister equitum. C'eût été un trop grand abus, et César, qui était encore disposé à la modération, ne l'aurait pas toléré. Il me parait plus vraisemblable que, quand César apprit à Alexandrie, vers le 25 octobre selon SCHMIDT, B. W. C., 211, qu'il était nommé dictateur, il envoya à Rome la nomination du magister equitum, qui put arriver dans les premiers jours de décembre, On pourrait aussi accepter la correction faite au texte de DION, XLII, XXI, par ZUMPT, R. S., 211-212.

[23] DION, XLII, XX.

[24] Voyez CICÉRON, A., XI, I, 1 ; XI, 2 ; XI, IV, 20.

[25] Que César ait été amené à s'arrêter en Égypte et à intervenir dans la guerre civile par le besoin d'argent où il était, cela résulte des passages de DION, XLVII, IX et XXXIV ; d'OROSE, VI, XV, 29 ; de PLUTARQUE, César, 48.

[26] CÉSAR, B. C., III, 106.

[27] C'est l'opinion que l'on peut se faire en comparant DION, XLII, XXXIV, PLUTARQUE, César, 48, CÉSAR, B. C., III, 106. Les έσπράξεις τών χρημάτων, auxquelles fait allusion DION, ne peuvent être que les contributions auxquelles fait aussi allusion PLUTARQUE, César, 48.

[28] DION, XLII, XXXIV. Naturellement, dans les Commentaires, cette partie de l'histoire est passée sous silence.

[29] CÉSAR, B. C., III, 110.

[30] CICÉRON, A., XI, VII, 2. Au sujet de cet édit, voyez JUDEISCH, C. O., p. 185, SCHMIDT, B. W. C., 214 et suiv., GROEBE, dans DRUMANN, G. R., I2, 402. L'histoire de ce décret est cependant très obscure.

[31] CICÉRON, A., XI, XVII, 13.

[32] CICÉRON, F., XV, XV, 2.

[33] Voyez CICÉRON, A., XI, XXIII ; XI, XXIV.

[34] PLUTARQUE, Antoine, 9.

[35] DION, XLII, XXIX.

[36] DION, XLII, XXIX ; PLUTARQUE, Antoine, 9.

[37] (CÉSAR), B. Alex., 65 ; DION, XLII, XXX.

[38] DION, XLII, XXXI ; TITE-LIVE, Periochæ, 113. Voyez ZIEHEN, dans le Rein. Mus. 1896, p. 593 et suiv.

[39] SCHMIDT, B. W. C., 222.

[40] C. I. L., p. 304. Fasti Maffeiani, 27 mars.

[41] DION, XLII, XXX.

[42] CICÉRON, A., II, XV, 1.

[43] CICÉRON, A., XI, XVII, 3.

[44] DION, XLII, XXX.

[45] (CÉSAR), B. A., 65.

[46] APPIEN, B. C., II, 90.

[47] DION, XLII, XX, énumère ensemble tous les honneurs votés pour César aussitôt après Pharsale et dans la suite, pendant l'année 47 ; mais au sujet du pouvoir de faire la guerre et la pais. Il dit qu'il lui fut accordé plus tard, quand le danger d'une guerre en Afrique parut très sérieux. Il me parait vraisemblable que le droit même de traiter les pompéiens à sa guise lui fut accordé alors et que c'était une menace des césariens. Aussitôt après Pharsale, cette mesure aurait été en contradiction avez l'esprit de conciliation qui régnait alors.

[48] Date établie par JUDEICH ; SCHMIDT, B. W. C., 224.

[49] APPIEN, B. C., II, 90.

[50] BYNUM, B., 23.

[51] C. I. L., I, p. 306 (Fasti Maffeiani), p. 324 (Fasti Amiternini) 2 août.

[52] SCHMIDT, B. W. C., 226, établit cette date d'après CICÉRON, F., XIV, XX (lettre écrite le 1er octobre).

[53] PLUTARQUE, Antoine, 10 ; DION, XLII, LI ; SUÉTONE, César, 38.

[54] C'est une conjecture de ZUMPT, S. R., 221, qui me parait vraisemblable.

[55] TACITE, Annales, VI, XVI.

[56] DION, XLII, L ; CORNELIUS NEPOS, Att., 7.

[57] DION, XLII, L ; PLUTARQUE, Antoine, 10.

[58] LANGE, R. A., III, 433.

[59] DION, XLII, LII-LV.

[60] SCHMIDT, B. W. C., 233.

[61] (CÉSAR), Bell. Afr., I.

[62] (CÉSAR), Bell. Afr., II.