La vérité était beaucoup moins terrible que ne le faisaient croire ces nouvelles grossies par l'épouvante. Si César n'allait pas simplement se tenir sur la défensive dans la vallée du Pô, comme beaucoup de gens le croyaient naïvement, il n'avait non plus l'intention de marcher sur Rome. Le 4 janvier, César savait peut-être déjà quel accueil le sénat avait fait à ses propositions de conciliation, et il avait dû se décider à faire face aux éventualités redoutables de la situation. Quel parti fallait-il prendre ? Attendre sans rien faire, ou en écrivant des lettres inutiles, le terme de juillet fixé par le sénat, eût été dangereux, parce que ses ennemis auraient eu le temps de rassembler leurs forces et de semer la discorde parmi les soldats. Depuis quelque temps déjà il revenait à ses oreilles que Labienus était en train de traiter en secret avec ses ennemis[1]. Il fallait appuyer par des faits ses protestations et ses paroles, et avoir recours aux menaces, comme au remède le plus efficace ; mais comment le faire sans déchainer immédiatement la guerre civile ? Quelle impression ferait sur ses soldats un acte révolutionnaire ? Leur attitude dans la crise qui approchait, était le plus grand sujet d'inquiétude aussi bien pour lui que pour ses amis et ses ennemis. Après les fatigues d'une si longue guerre, cette armée le suivrait-elle encore dans une guerre civile ? César s'était appliqué avec le plus grand soin pendant les dix années précédentes à s'attacher ses soldats. Sans doute il avait toujours exigé d'eux dans le service une discipline rigoureuse et un grand zèle ; il était venu souvent à l'improviste vérifier si tout était en ordre ; il n'avait jamais manqué de punir très sévèrement les infractions au service. Mais d'autre part il avait magnifiquement récompensé ses soldats de leurs peines, en leur prodiguant l'or et les présents ; il avait pris le plus grand soin de leur bien-être matériel ; il avait augmenté le nombre de ses légions, en diminuant dans chacune celui des hommes, pour multiplier les postes de centurion ; il avait encouragé chez ses soldats l'amour du luxe, le goût des armes, des casques, des cuirasses dorées ; il avait enfin employé tous les moyens de flatterie qui pouvaient réussir avec des hommes simples et ignorants ; cherchant à savoir leur nom à tous, à connaître leur histoire ; parlant d'eux et vantant leur bravoure dans les documents publics et dans ses Commentaires. Les soldats, qui étaient presque tous de pauvres paysans de la vallée du Pô, avaient même entendu ce patricien de Rome les haranguer en les appelant non pas soldats, mais camarades[2]. Et il était certainement très aimé d'eux. Cependant, bien qu'il ne fût plus qu'une immense fiction légale, le gouvernement de Rome inspirait encore un très grand respect ; le sénat, les magistratures, tout l'édifice monumental de la vieille république étaient l'objet d'une profonde vénération, surtout pour le petit peuple italien. Qu'il y eût un moment d'hésitation, de défiance, de peur au commencement de la guerre, et l'attachement que ses soldats avaient pour lui pouvait disparaître devant ces sentiments séculaires. C'en eût été fait de l'armée de la Gaule, qui se serait dispersée. Jamais César ne fut plus perplexe que pendant les cinq ou six jours qui suivirent[3]. Mais la nouvelle que l'état de siège avait été proclamé à Rome le 7 janvier, et que les tribuns avaient pris la fuite, mit fin à ses hésitations ; et il en vint brusquement, sans doute dans la matinée du 10, à une résolution suprême, celle de s'emparer à l'improviste de Rimini, la première ville d'Italie au delà de la frontière du Rubicon, de partir de Rimini pour occuper d'autres villes importantes, de faire voir par ce coup de force au sénat et à Pompée qu'il n'avait pas peur d'une guerre civile, et que, si ce devait être un duel mortel, il se défendrait en désespéré. Il essaierait ensuite de nouveau de traiter avec ses ennemis, que la peur, sinon la raison, rendrait peut-être plus conciliants. Et aussitôt il agit avec la rapidité qui lui était coutumière. Il fit part de sou dessein aux quelques amis et officiers qui étaient avec lui et qui devaient l'accompagner (Asinius Pollion était de ce nombre) ; et avec eux il prit les dispositions utiles pour que le bruit de la chose n'allât pas jusqu'à Rimini : chacun d'eux, à la tombée de la nuit, sortirait seul de la ville par une route différente ; ils se retrouveraient auprès des cinq cohortes que César avait déjà fait partir sous le commandement d'un certain Hortensius ; avec elles, avant l'aube, on occuperait Rimini ; pendant la journée César s'arrangerait pour détourner l'attention du public. En effet, il se fit voir toute la journée à Ravenne ; il alla prendre un bain, assista à un spectacle public, examina les plans d'une école de gladiateurs ; il donna même le soir un grand dîner auquel il assista avec le calme le plus parfait. Et cependant ce qu'il allait tenter était bien dangereux. Si ses intentions avaient été connues, si Rimini avait fermé ses portes, il n'aurait pu la prendre avec 4.500 hommes, mais, en violant inutilement la frontière d'Italie sans autre résultat que la honte d'un échec, il aurait provoqué en quelques heures une guerre désastreuse pour lui. Au milieu du repas il dit qu'il était obligé de quitter pour quelques instants ses convives, appelé inopinément par son service ; il monta dans un char de marchand, sortit de Ravenne par une autre route que celle de Rimini, mais ne tarda pas à rebrousser chemin pour rejoindre ses légions ; il y trouva ses amis, fit éveiller les soldats. leur ordonna de se mettre en route sans autre arme que l'épée. Le matin du 11 janvier, quand les habitants de Rimini se réveillèrent, César était déjà avec 4.500 légionnaires dans la ville[4]. Ayant trouvé à Rimini Antoine, qui s'était sauvé de Rome, il montra à ses soldats leur ancien général sous les habits d'esclave qu'il avait dû prendre, lui, le tribun, personne sacrée, pour s'enfuir ; et il prononça un vigoureux discours, promettant de fortes récompenses, affirmant qu'il voulait défendre les libertés du peuple et combattre la tyrannie des factions. Ce discours eut un très grand succès ; les légionnaires surpris et enthousiasmés lui jurèrent fidélité[5]. César alors envoya Antoine trouver les cinq autres cohortes qui étaient sur la via Æmilia, probablement près de l'endroit où est maintenant Forlimpopoli[6], et il lui donna l'ordre de franchir l'Apennin et de prendre Arezzo ; puis, avec les cinq cohortes qu'il avait lui-même, il occupa les jours suivants les principales villes de la côte, Pesaro, Fano, Ancône[7]. Comme il n'avait avec lui que trois mille soldats, il ne pouvait, en agissant ainsi, avoir l'intention de commencer la guerre[8] ; il voulait simplement s'emparer d'un gage qui lui permît de traiter de la paix dans de meilleures conditions, et montrer à ses ennemis que, si on le provoquait, il répondrait à la violence par la violence. Et en effet, quand Roscius et Lucius César, vers le 19 janvier[9], le trouvèrent dans une des villes de la côte de l'Adriatique dont il s'était déjà emparé, il fit les conditions suivantes. Pompée se rendrait en Espagne ; , toutes les milices recrutées en Italie seraient congédiées ; les comices se réuniraient à Rome en l'absence des armées, et quant à lui, il renoncerait à sa province et viendrait à Rome pour solliciter en personne le consulat[10]. Mais il arriva à César ce qui arrive si souvent quand deux ennemis cherchent mutuellement à se faire peur : il manqua son but, non pas parce qu'il ne réussit pas à épouvanter l'adversaire, mais parce qu'il lui fit une trop grande peur. Quand, les 14, 15 et 16 janvier, les nouvelles des occupations successives le long de la côte de l'Adriatique arrivèrent à Rome ; quand l'on apprit qu'après Rimini, Pesaro et Fano avaient été prises ; que Libon, effrayé, abandonnait l'Étrurie et se retirait précipitamment à Rome[11], une telle panique éclata dans le monde politique de Rome, que Pompée ne put l'arrêter. César ne pensait assurément pas avec si peu de chose plonger dans un si grand effarement ses ennemis. Tout le monde se persuada que César préparait un coup de main sur Rome ; qu'il était déjà en route avec sa cavalerie gauloise et ses légions avides de butin ; qu'il ne tarderait pas à arriver[12] ; que Rome ainsi que l'Italie étaient à sa merci, puisque Pompée ne pourrait opposer à ce torrent furieux que deux anciennes légions de César. Du matin au soir sénateurs et magistrats effrayés accouraient aux demeures de Pompée pour prendre des nouvelles, se lamenter, demander des conseils ou en donner ; la confusion était si grande que les affranchis et les esclaves ne pouvaient plus garder les portes ; tout le monde entrait et allait déverser dans le sein de Pompée son angoisse, son épouvante, son irritation ; des scènes violentes eurent lieu en sa présence. La plupart des sénateurs, qui n'avaient accepté la guerre que malgré eux, se révoltaient maintenant contre la petite majorité conservatrice et surtout contre Pompée ; ils l'accusaient d'imprévoyance et de précipitation ; ils regrettaient de n'avoir pas accepté les propositions de César[13] ; quelques-uns eurent pour Pompée des paroles qui ressemblaient à des insultes[14]. Cet effarement universel déconcerta les consuls, les chefs du parti conservateur et tous ceux qui étaient responsables de la rupture ; les préparatifs que l'on faisait en toute hâte le 12[15], furent interrompus ; le sénat ne fut convoqué ni le 14, ni le 15, ni le 16, les consuls craignant que les sénateurs effrayés ne voulussent se rendre sans conditions ; les chefs de la coterie conservatrice se concertaient, mais sans rien pouvoir conclure[16]. Surpris, lui-même, par tant d'événements inattendus, Pompée, qui était affaibli par la maladie, et n'avait pas l'énergie rapide de César, ne réussissait pas à s'orienter au milieu de tant de nouvelles et d'avis contradictoires ; il ne savait même pas de quelles forces militaires disposait César[17] ; et il perdit trois jours dans des pourparlers avec les consuls et les grands personnages de Rome, sans rien décider. Il se rendait compte qu'il devait sortir au plus vite de Rome, prendre le commandement des troupes déjà prêtes, activer les recrutements et organiser la défense ; car il croyait, comme tout le monde, que César allait prendre aussitôt l'offensive. Mais comment laisser à Rome les affaires de l'État entre les mains d'un sénat si peureux et que César avait si facilement épouvanté ? Il suffirait d'un moment de panique quand il ne serait plus là pour que le sénat le désavouât, et alors la situation deviendrait pour lui terriblement difficile. Il aurait fallu faire sortir avec lui de Rome le sénat et les magistrats, emmener ainsi tout le gouvernement pour le sou traire à l'action de César et de ses menaces. Mais c'était là chose trop grave et trop compliquée ; et pendant ces trois jours Pompée n'osa pas la proposer et la faire approuver. Mais le 17[18] on apprit que non seulement Ancône, mais aussi Arezzo, étaient occupées. César marchait donc sur Rome avec une rapidité effrayante ! L'épouvante, qui était déjà grande, devint terrible ; Pompée sortit enfin de son inertie[19] : il réussit à s'entendre avec Caton, avec les consuls, avec les personnages les plus influents, qui comprenaient tous qu'il fallait décider quelque chose, et d'accord avec eux, il convoqua le sénat. La séance fut agitée, confuse, très longue et pleine de contradictions. Plusieurs sénateurs reprochèrent à Pompée son imprévoyance[20] ; Volcatius Tullus et Cicéron proposèrent d'envoyer des ambassadeurs à César pour traiter de la paix[21] ; Caton, au contraire, proposa de donner à Pompée de pleins pouvoirs pour diriger la guerre[22]. Celui-ci reçut les reproches avec une indifférence dédaigneuse ; il ne voulut rien cacher de la situation véritable[23] ; il dit tranquillement qu'il pourvoirait à la défense de l'Italie ; mais il combattit la proposition de Tullus, qui équivalait, selon lui, à dire que l'on avait peur[24]. L'attitude résolue de Pompée fit ainsi prévaloir le parti de la guerre ; la proposition de Caton fut approuvée et le tumultus décrété[25]. Pompée fit alors connaître son plan : les consuls et le sénat abandonneraient Rome, se retireraient à Capoue et y emporteraient le trésor ; Pompée punirait les villes qui ouvriraient leurs portes à César et considérerait comme ennemis tous les sénateurs qui ne quitteraient pas Rome avec lui[26]. On peut s'imaginer quelle fut la stupeur générale. On abandonnait Rome à l'ennemi ! Cet ordre donné par Pompée était un coup d'État que Sylla lui-même n'avait jamais osé. Pompée, à ce qu'il semble, quand il fut sorti du sénat, partit aussitôt pour Capoue. La soirée était déjà avancée[27], et de nombreux sénateurs qui ne s'étaient pas fait accompagner par des esclaves porteurs de lampes, ne voulant pas s'aventurer dans Rome, qui n'était pas éclairée, passèrent la nuit à la Curie. L'agitation était extrême. On trouvait bien ennuyeux un départ aussi précipité. Pompée, qui avait partout tant d'esclaves, tant d'argent, tant d'hommes d'affaires et tant d'amis, n'avait pas réfléchi que le plus grand nombre des sénateurs n'étaient pas aussi à leur aise que lui. Que faire des nombreuses familiæ d'esclaves qu'ils avaient tous chez eux ? Les laisseraient-ils à Rome sans maîtres, au moment où le désordre de la guerre civile allait probablement augmenter le prix du blé et exciter l'esprit de révolte chez les esclaves[28] ? Où envoyer leurs femmes et leurs enfants[29] ? Beaucoup d'entre eux n'avaient même pas l'argent nécessaire pour un voyage qui pouvait être long et ne savaient comment se le procurer. Les amis étaient gênés ; le commerce des syngraphæ était presque arrêté ; les emprunts étaient très difficiles, parce que les capitalistes redoutaient la guerre civile[30]. Pompée cependant, grâce à son attitude énergique et à ses menaces, avait repris son ascendant sur le monde politique faible et changeant ; et le premier mécontentement passé, bien des gens s'étaient mis à réfléchir à leur intérêt véritable. Si César l'emportait, n'aurait-on pas une révolution politique et les riches ne seraient-ils pas dépouillés de leurs biens ? Aussi, bien que la conduite de Pompée occasionnât beaucoup de mauvaise humeur, le plus grand nombre des sénateurs se décida à partir avec Pompée. Caïus Cassius lui-même, le questeur de Crassus, se rangea du côté de Pompée, et avec lui son beau-frère Brutus, pour qui César cependant avait été comme un second père, et dont le père véritable avait été tué traîtreusement par Pompée dans la révolution de Lépide, à Modène. Brutus s'était jusque-là refusé à être l'ami de Pompée, mais dans cette crise suprême il céda lui aussi. Les partisans de César furent peu nombreux : parmi eux étaient Salluste et Cœlius qui voulaient se venger des persécutions d'Appius Claudius, Dolabella, ce libertin devenu le gendre de Cicéron, et Asinius Pollion. Le jour suivant au milieu d'une grande confusion, tout le monde commença ses préparatifs de départ, mais sans trop se hâter, bien des gens espérant encore qu'un événement inattendu leur permettrait de rester. Pour se procurer l'argent nécessaire au voyage, beaucoup de sénateurs eurent recours à Atticus, qui mit à la disposition de ses amis les grosses sommes cachées dans les caves de sa maison ou déposées dans les temples de Rome[31]. On avait cependant de la peine à se mettre en route ; et bien des gens auraient encore prolongé leurs préparatifs, si, par bonheur pour Pompée, le 18, la fausse nouvelle n'eût couru que César marchait déjà sur Rome à la tète de la cavalerie gauloise[32]. Ce fut une panique soudaine : les consuls partirent immédiatement ; sans avoir vidé le trésor ; les plus embarrassés dans leurs préparatifs les eurent achevés en un instant ; et le jour même la voie Appienne fut encombrée de litières, d'esclaves, de chars et de bêtes de somme. Un grand nombre de sénateurs, de chevaliers, d'affranchis et de plébéiens aisés, enfin toute la société riche et cultivée[33] sortait de Rome, et, bizarrerie des révolutions, elle laissait les femmes, les enfants et les esclaves dans une ville sur laquelle on croyait que César allait fondre avec la cavalerie gauloise. Cicéron était parti avant la panique, le matin du 18[34], de mauvaise humeur lui aussi et très mécontent de Pompée. Il ne trouvait pas qu'il fût sage d'abandonner ainsi Rome[35], et ne croyait pas que Pompée pût rapidement, comme il s'en flattait, parvenir à former une grande armée en Italie[36] ; il était donc fort inquiet : il lui semblait que Pompée avait été trop violent et trop faible à la fois, surtout en présence de l'attitude résolue de César ; il en voulait beaucoup à celui-ci, mais en somme il était plus porté à croire à son succès qu'à celui de Pompée. Les événements confirmaient les sinistres pressentiments qu'il avait eus au commencement de cette guerre. Il se repentait d'avoir accepté la mission de Capoue, et maintenant que Capoue devenait le poste avancé de l'armée de Pompée, il voulait y renoncer, acceptant en échange de surveiller la plaine et les côtes du Latium[37]. Tandis qu'il était en proie à une aussi grande anxiété, il ne fut pas fâché de voir que son gendre Dolabella se rangeait du côté de César. C'était sans doute une honte pour la famille, mais il y aurait des avantages pour lui, si César l'emportait ; Dolabella pourrait intercéder auprès du vainqueur[38]. César cependant ne pensait nullement à marcher sur Rome, comme tout le monde le croyait. Après avoir occupé Ancône et Arezzo, il avait encore le 19 janvier envoyé Curion pour s'emparer de Gubbio, d'où le préteur Thermus partit avec cinq cohortes[39] ; puis il s'était arrêté pour attendre des renforts. Il ne pouvait aller plus loin avec 3.000 hommes Mais bientôt les événements qu'il avait mis en marche l'entrainèrent plus loin qu'il n'avait pensé. Très vexé d'apprendre que Pompée, les consuls et une partie du sénat avaient quitté Rome, craignant que Pompée n'eût voulu lui enlever le moyen de négocier avec le sénat une paix équitable et l'obliger à cette grande guerre à travers l'empire, qui l'effrayait, il avait écrit aussitôt et fait écrire à un grand nombre de sénateurs qui partaient, et entre autres à Cicéron, pour les engager à rester à Rome[40]. Mais un plus gros danger le menaçait du côté d'Osimo. Actius Varus armait à la hâte de nombreuses cohortes, et on disait qu'il voulait attaquer l'ennemi, qui n'avait en tout que 3.000 hommes dispersés dans un grand triangle entre Arezzo, Ancône et Rimini. César, qui n'avait en tout que sa petite armée de Gaule, comprit qu'il fallait à tout prix empêcher l'ennemi de recruter des troupes, car la disproportion des forces eût bientôt été dangereuse pour lui : il réunit donc sa légion sur le bord de l'Adriatique, peut-être à Ancône, et il ordonna à Curion et à Antoine d'évacuer Gubbio et Arezzo[41]. Tant il est vrai qu'Arezzo n'avait été occupé que pour faire peur. Là-dessus arriva vers la fin de janvier la réponse aux conditions de paix qu'il avait proposées. L'ambassadeur de Pompée, revenant de son entrevue avec César, avait rencontré les consuls et plusieurs sénateurs à Teano, sur la route de Capoue[42] ; la plupart d'entre eux étaient si ennuyés de leur brusque départ de Rome et de la dangereuse aventure dont personne ne voyait clairement la fin, qu'ils étaient disposés à accepter les propositions de César, en l'absence de Pompée. César voulait la paix, le sénat voulait la paix : comment ne serait-il pas possible de la conclure ? Mais les hommes n'étaient plus les maîtres des événements. Les sénateurs réunis à Teano avaient, en fait, ajouté aux propositions de César la condition qu'il se retirerait dans sa province, afin que le sénat pût délibérer en pleine indépendance[43] : une condition bien naturelle de leur part, car ils voulaient avoir au moins ce gage de la sincérité de César. Malheureusement César ne pouvait l'accepter, car il sentait combien il serait facile à ses ennemis de trouver un prétexte à la guerre, dès qu'ils se sentiraient les plus forts. Aetius Varus continuait en effet à armer des soldats ; et César était forcé d'empêcher les recrutements de ses adversaires, à n'importe quel prix. Aussi quand il eut sous la main toute sa légion, c'est-à-dire probablement le février, il marcha sur Osimo, défit Varus, prit la ville après une escarmouche, fit passer de son côté, en leur promettant une bonne solde, un grand nombre des soldats de Varus[44] ; puis il s'empara de Cingoli et de tout le Picenum[45]. A quelques jours de là peut-être le 3 février[46], ayant été rejoint par la douzième légion[47], il s'avança dans la direction de Fermo[48], avec l'intention de marcher sur Ascoli, que Lentulus Spinter occupait avec dix cohortes. Ces opérations militaires auxquelles César avait été contraint pour empêcher les recrutements des adversaires, anéantissaient les tentatives de paix, au moment où elles paraissaient près d'aboutir. La destinée entraînait à la guerre civile ceux-là mêmes à qui elle répugnait le plus. Mais chaque jour les forces de César semblaient augmenter et celles de ses ennemis s'amoindrir. Ces premières opérations si hardies, le désordre qu'il avait jeté inopinément parmi ses adversaires, la fuite de Pompée, la mainmise sur une partie de l'Italie, entraînaient l'armée à la guerre civile, et l'amenaient petit à petit à la révolution. Lé bruit n'avait-il pas couru que César ferait chevaliers tous les soldats qui le suivraient ? L'espoir de cette récompense avait encore augmenté la vieille admiration des soldats de la Gaule pour leur imperator[49]. Au contraire, si Pompée avait réussi à faire sortir le gouvernement de Rome et à le soustraire à l'action de César, il n'avait cependant pas pu s'en servir, lui non plus. Comment se faire suivre dans les villages et les petites villes, où une telle foule ne pouvait trouver à se loger, par ce sénat qui était découragé, mécontent de lui, et dont les avis discordants le gênaient ? Il avait donc abandonné à eux-mêmes les sénateurs au bout de quelques jours, et il avait décidé de se rendre à Lucera pour y prendre le commandement des deux légions et pour concentrer dans cette ville toutes les troupes que l'on recrutait sur la côte de l'Adriatique[50]. Le sénat s'éparpillait ainsi dans la Campanie : les consuls étaient dans un endroit, les tribuns dans un autre, la foule des sénateurs un peu partout, dans les villas solitaires, dans les campagnes désertes et tristes à cette époque de l'année ; les courriers ne savaient ni où ni à qui remettre les lettres ; les nouvelles les plus importantes n'arrivant pas en même temps à Pompée et aux consuls[51], les ordres aussi arrivaient trop tard, et à distance ils étaient moins suivis. En somme la confusion était extrême parmi les conservateurs ; tout le monde se plaignait, mais bien peu de gens agissaient ; et ceux-ci n'obéissaient point à Pompée, qui n'était le chef qu'en apparence. Les enrôlements se faisaient avec lenteur, car on ne rencontrait partout que mauvaise volonté[52] ; Pompée avait envoyé le tribun Caïus Cassius de Lucera à Capoue, pour y donner aux consuls l'ordre d'aller à Rome prendre le trésor, mais les consuls, prétextant que les routes n'étaient pas sûres, n'avaient pas obéi[53]. Le trésor public allait donc aussi être abandonné à l'ennemi. Déjà découragés par la marche de la guerre et par les dommages que leur causait une telle confusion, les sénateurs devenaient encore plus lâches dans la solitude des maisons de campagne et des petites villes, où les nouvelles arrivaient tard et comme les voix éteintes d'un monde très lointain. L'abandon de Rome surtout avait rempli les esprits d'une terreur presque superstitieuse. Rome, la grande ville, la métropole, pour la première fois était abandonnée à elle-même. Comment rendre un peu d'énergie, un peu d'ardeur pour la guerre à des gens aussi abattus ? On fut pourtant bien aise d'apprendre que Labienus était passé au parti de Pompée. Nous ne savons pas exactement quelles raisons le décidèrent. Il semble qu'il y ait eu depuis quelque temps déjà des divergences et des froissements entre César et Labienus, et qu'après la guerre contre Vercingétorix, pendant laquelle les seules grandes victoires véritables avaient été remportées par Labienus sur les Sénones et sur les Parisiens, cet obscur plébéien, dont l'amitié de César avait fait un personnage riche et en vue, s'imagina qu'il était supérieur à César lui-même comme capitaine. En tout cas sa défection remonta un peu les esprits abattus des partisans de Pompée ; mais leur mécontentement continuait à être grand. Cicéron allait et venait continuellement de Formie à Capoue, impatient d'avoir des nouvelles, toujours agité par des sentiments divers : tantôt il s'indignait de l'audace de César, et tantôt de l'inertie de Pompée ; puis il revenait à son projet favori d'intervention et de paix. Le 10 février, dans son domaine de Formie, s'étaient réunis différents amis et des membres influents du parti de Pompée, C. Cassius, M. Lepidus, L. Torquatus : ils avaient longuement discuté au sujet de la situation, et ils avaient tous conclu que si une bataille était inévitable, il fallait qu'elle fut unique. Tous les hommes de bonne volonté s'entendraient ensuite pour amener le vaincu à renoncer à ses prétentions, et pour l'obliger à conclure la paix[54]. Tandis que ses adversaires organisaient la défense avec lenteur et avec mollesse, César avançait résolument. Arrivé à Fermo, il avait appris qu'on avait évacué Ascoli, et que Lentulus effrayé par sa rapidité et par ses forces avait cédé en route le commandement à Vibullius Rufus[55] et s'était retiré à Corfinium, où Domitius Ænobarbus était en train de réunir des troupes sérieuses. Lucilius Hirrus, qui avait quitté Camérinum, se retirait lui aussi à Corfinium avec ses soldats. Corfinium devenait donc le point de ralliement pour ses adversaires ; et par cela même que ses ennemis fuyaient, César était obligé d'aller de l'avant. Comprenant qu'il était désormais impossible d'arriver à conclure la paix sans livrer d'abord une bataille qui pliât l'entêtement des uns et vainquît les hésitations des autres, il forma à Fermo un nouveau dessein qu'il mit aussitôt à exécution. Il ferait en Italie une guerre brève et rapide, détruirait les forces qui se concentraient à Corfinium, obligerait Pompée et les consuls à conclure une paix raisonnable, et bientôt ainsi la tranquillité serait rendue à l'Italie. Il demeura un jour à Fermo pour y faire des approvisionnements ; il lança par de nombreux courriers un manifeste aux principales villes d'Italie dans lequel il exposait ses intentions pacifiques ; puis, avec sa rapidité ordinaire, il se remit en route le 8 février, à grandes journées, en longeant la côte[56] dans la direction de Corfinium. Dans cette ville, dans Sulmone et dans Alba s'étaient réunies trente et une cohortes, c'est-à-dire un peu plus de 10.000 hommes[57]. Mais Pompée, très sagement, voulait concentrer ses troupes, plus au sud, à Lucera, faire trouver à César le pays des Muses déjà abandonné. L'incertitude et la lenteur continuaient cependant à enrayer les meilleurs projets de Pompée. Il avait un pouvoir illimité, mais il hésitait à s'en servir avec un personnage tel que Domitius Ahenobarbus : ainsi c'était sous forme de conseil et non d'ordre qu'il lui avait dit de se replier sur Lucera[58] ; et il avait été satisfait en apprenant le 10 février que Domitius comptait se mettre en route le 9[59]. Puis il n'avait plus reçu de nouvelles de Domitius, jusqu'à ce que, quelques jours plus tard, il apprit indirectement que Domitius avait changé d'avis et qu'il voulait maintenant attendre César de pied ferme. Pompée, qui connaissait les faiblesses des hautes classes italiennes, en vint à penser qu'il y avait dans l'armée de Domitius de grands propriétaires des environs de Corfinium, et qu'ils insistaient pour qu'on défendit le pays et qu'on l'empêchât d'être pillé par les soldats de César[60]. Grand propriétaire lui-même, indulgent pour les faiblesses de ce genre, et trop peu énergique pour s'imposer, Pompée fit alors une chose indigne d'un général : il pria le 12 février Domitius de lui envoyer dix-neuf cohortes et de conserver les autres pour la défense[61]. Mais le 13 ou le 14 février[62], ayant perdu l'espoir de voir Domitius se conformer à son avis, et persuadé qu'il allait être surpris par César, il en vint à faire le projet de se retirer en Grèce. Il n'était plus possible de se défendre en Italie ; il fallait donc quitter la péninsule, aller en Orient, refaire une armée et remettre la guerre à plus tard, pour avoir des forces plus sérieuses. Mais même après avoir pris ce parti Pompée manqua de l'énergie nécessaire. Le 13[63] il envoya Decimus Lélius aux consuls avec une lettre dans laquelle il les priait, si la chose leur paraissait opportune, l'un de se rendre en Sicile avec des troupes recrutées aux environs de Capoue et avec douze des cohortes de Domitius, pour protéger cet important grenier, l'autre, avec le reste des forces, à Brindes pour s'y embarquer[64]. Il invita aussi Cicéron à le rejoindre à Brindes[65]. Malheureusement, les craintes qu'il avait au sujet de Domitius n'étaient que trop fondées. Le 14 février Domitius se laissait surprendre et assiéger à Corfinium avec dix-huit cohortes. L'émotion fut grande en Italie quand on apprit cette nouvelle. On pensait que Pompée allait se porter aussitôt au secours des assiégés ! Mais à la nouvelle du siège de Corfinium et du désastre qui menaçait, Pompée, sortant enfin de sa paresse, se ressaisit, retrouva son énergie, et à partir de ce moment il ne cessa plus de montrer une grande fermeté. Au risque de précipiter la république dans un affreux désordre, et de mourir avec les siens dans un effondrement gigantesque, il voulut prendre sa revanche sur César. Jugeant que les deux légions qu'il avait à Lucera ne suffisaient pas pour secourir Domitius, qu'un échec aurait été désastreux pour son prestige, il résista aux supplications de toute la Rome élégante et aristocratique qui, impatiente de porter secours à Domitius, voulait se lancer aveuglément dans une aventure trop dangereuse ; et il eut la force de prendre la résolution la plus difficile de toutes, celle de s'avouer vaincu pour l'instant. Il considéra comme perdues les recrues que l'on avait faites sur les côtes de l'Adriatique ; il abandonna Domitius à son sort, et prit le parti décisif de se retirer en Grèce ; il renonça même, en voyant ses forces insuffisantes, à son idée de conserver la Sicile, et il envoya aux consuls l'ordre très net de concentrer à Brindes toutes les recrues qu'ils avaient faites à Capoue et toutes les armes dont ils pouvaient disposer[66]. De fait Domitius capitula au bout de sept jours, tandis que Pompée se retirait à Brindes, où se formait déjà la flotte qui devait l'emmener en Grèce. Après Corfinium, ce fut Sulmone qui capitula ; et sur ces entrefaites une autre des légions de la Gaule, la huitième, arrivait à César, ainsi que vingt-deux cohortes de recrues nouvelles et que 300 cavaliers envoyés par le roi du Norique[67]. Les hautes classes d'Italie furent épouvantées à la nouvelle de la chute de Corfinium. Le terrible démagogue avait capturé cinq sénateurs qui lui étaient très hostiles, un grand nombre de chevaliers et de jeunes nobles. Mais César les remit tous en liberté, leur restitua toutes les richesses qu'ils avaient sur eux, et les traita avec beaucoup de bienveillance. A mesure que les événements l'engageaient plus avant dans une guerre qu'il n'avait pas voulue, César s'attachait davantage à son désir sincère de mettre fin très vite à la lutte en Italie, et d'obliger Pompée à conclure un accord honorable, de façon à contenter l'opinion publique qui voulait, qui réclamait la paix, qui était prèle à adorer celui qui saurait la lui donner. Cette guerre civile, bien qu'encore assez restreinte, compromettait déjà trop d'intérêts ; le crédit était devenu si difficile que les débiteurs étaient obligés de vendre pour payer les intérêts ; une nouvelle liquidation des dettes commençait, très ruineuse, où tout tombait à vil prix ; le travail diminuait, tandis que la misère faisait des progrès rapides, à Rome surtout, d'où tant de gros personnages étaient absents. César voulait à tout prix arriver à une entente avec Pompée, en Italie même, en quelques semaines, et de manière à en avoir tout le mérite aux yeux de l'Italie. Toujours prodigieusement actif, il écrivait à Cicéron qu'il était disposé à rentrer dans la vie privée et à laisser à Pompée le premier rang dans la république, pourvu qu'il pût vivre en sécurité[68] ; il envoyait le neveu de Balbus au consul Lentulus pour le prier de retourner à Rome et de s'y occuper de la paix[69] ; il écrivait à Rome à Oppius, pour qu'il déclarât qu'il ne prétendait pas être le Sylla de la démocratie, mais se réconcilier avec Pompée et triompher grâce à sa générosité[70] ; enfin le 21 février, le jour même de la prise de la ville, il quittait Corfinium, emmenant avec lui six légions, dont trois faisaient partie de l'armée de la Gaule, et dont les trois autres avaient été formées sur les lieux mêmes de nouvelles recrues et de soldats de Domitius. Dans sa marche, il remettait aussitôt en liberté tous les officiers et tous les partisans de Pompée pris le long de la route ; enfin le 9 mars, en brillant les étapes, il arrivait sous les murs de Brindes. Mais Pompée s'était déjà décidé pour la guerre et avait pris ses dispositions. Se souvenant enfin qu'il avait une armée en Espagne, il avait envoyé Vibullius Rufus pour en prendre le commandement ; il avait chargé d'autre part Domitius d'aller à Marseille pour tenir la ville dans la fidélité[71] ; il avait déjà expédié une partie de l'armée avec les consuls en Épire, et il attendait que les navires revinssent pour y monter à son tour. La paix était-elle encore possible dans ces conditions ? César eut là-dessus une dernière illusion, quand il vit arriver[72] Magius apportant des propositions de la part de Pompée. Et certes, en ce moment suprême, Cicéron, s'il se fût trouvé à Brindes, eût pu encore tenter cette conciliation, dont il caressait l'idée depuis longtemps. Malheureusement le vieil écrivain ne s'était pas rendu à l'invitation de Pompée, prétextant que les routes n'étaient pas sûres, mais en réalité, parce qu'il ne voulait pas s'aventurer dans cette guerre civile qui lui était odieuse comme à tous les Italiens un peu sensés ; et à l'heure où il fallait agir et marcher, il restait dans son domaine de Formie, à rêver, se complaisant dans sa mélancolie, dans ses inquiétudes et dans ses espérances. La clémence dont César avait fait preuve à Corfinium l'avait profondément ému ; et les lettres de César et de Balbus l'avaient infiniment flatté, bien qu'il se plût à dissimuler son plaisir sous une amère défiance, pour pouvoir en parler plus fréquemment avec ses amis, et les entendre lui répéter que César ne le trompait point et comptait bien sur lui pour conclure la paix. Cependant l'occasion dernière lui échappa, si toutefois la paix était encore possible. César avait en vain attendu plusieurs jours le retour de Magius[73] ; il avait en vain aussi envoyé Titus Caninius Rébilus pour conférer à Brindes avec un ami intime de Pompée, Scribonius Libon. La réponse fut que Pompée ne pouvait pas traiter de la paix en l'absence des consuls[74]. L'envoi de Magius avait été une ruse pour gagner du temps[75]. Pompée voulait la guerre, et il la voulait grande et décisive. Après la reddition de Corfinium, l'Italie le considérerait toujours comme ayant été vaincu par César, s'il consentait à faire la paix sans avoir pris sa revanche. L'atrocité de cette guerre civile, les maux infinis qu'elle allait entraîner, tout disparaissait désormais dans la conscience de cet homme grisé par les grandeurs, et qui n'obéissait plus qu'à un égoïsme farouche. La fortune extraordinaire dont il avait joui jusque-là l'entraînait à sa ruine. César ne put empêcher que le 17 mars Pompée ne partît avec toute la flotte[76]. Ainsi la petite querelle née entre deux factions s'était démesurément agrandie ; et une vraie guerre civile commençait. |
[1] HIRTIUS, B. G., VIII, 52.
[2] SUÉTONE, César, 65-70.
[3] PLUTARQUE, César, 32.
[4] PLUTARQUE, César, 32 ; SUÉTONE, César, 31.
[5] Selon SUÉTONE, César, 33, et DION, XLI, 4, ce pronunciamento eut lieu à Rimini ; selon CÉSAR, B. C., I, VII, à Ravenne. Voy. dans SCHMIDT, B. W. C., 105, n. 1 ; NISSEN, H. Z., XLVI, page 97, n. 1, les raisons pour lesquelles ce n'est pas ici à César qu'il convient d'ajouter foi. Il a probablement cherché à dissimuler qu'il surprit en quelque sorte ses soldats et leur révéla son plan quand il avait déjà commencé à le mettre à exécution.
[6] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 96.
[7] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 97, et SCHMIDT, B. W. C., 114 et suiv., ont démontré qu'il résulte des passages de CICÉRON, A., VII, XI, 1 et F., XVI, III, 2, que le 17 janvier on savait déjà à Rome qu'Ancône et Arezzo avaient été occupées. Il faut donc que ces villes aient été occupées au plus tard le 14. Certains points du récit de César sont par suite inadmissibles : par exemple il est impossible qu'il ait occupé Pesaro, Fano et Ancône, après avoir vu échouer les tentatives pour la paix dont Roscius et Lucius César étaient les intermédiaires. César, en d'autres termes, altère les premiers épisodes de la guerre dans le but de faire voir qu'il fut absolument surpris des violentes décisions du sénat.
[8] Voy. SCHMIDT, dans Rh. mus., XLVII, p. 261 ; B. W. C., 123, dont les considérations me paraissent montrer très bien quelles étaient les véritables intentions de César.
[9] Voy. SCHMIDT, B. W. C., p. 123, n. 1.
[10] CÉSAR, B. C., I, IX ; CICÉRON, F., XVI, XII, 3.
[11] FLORUS, IV, 2 ; LUCAIN, II, 462.
[12] PLUTARQUE, Pompée, 60 ; APPIEN, B. C., II, XXXV.
[13] APPIEN, B. C., II, XXXVI.
[14] PLUTARQUE, Pompée, 60 ; César, 33.
[15] CICÉRON, F., XVI, XI, 3.
[16] APPIEN, B. C., II, XXXVI.
[17] Un passage de CICÉRON, A., VII, VII, 2, nous montre que Pompée ne se rendit compte du peu de forces dont disposait César qu'après l'arrivée de Labienus, c'est-à-dire en février.
[18] SCHMIDT, B. W. C., 115.
[19] Les passages de CICÉRON, F., XVI, XII, 2 ; A., IX, X, 2, prouvent que le 17 janvier il y eut une séance du sénat où Pompée, plenus formidinis à la suite de la prise d'Ancône et d'Arezzo, fit approuver l'abandon de Rome. Je crois que cette séance fut la même que celle où Pompée fit les déclarations dont parlent CICÉRON, A., VII, XI, 1, et PLUTARQUE, Pompée, 60 ; CÉSAR, B. C., I, XXXII, 8, et APPIEN, B. C., II, XXXVI, où Caton (PLUTARQUE, Pompée, 60 ; Caton U., 52), proposa de donner à Pompée la dictature, et où fut rendu le decretum tumultus. En ce qui concerne celui-ci, je crois avec SCHMIDT, B. W. C., 106 et suiv. qu'il fut rendu après que César eut fait irruption en Italie, mais non le 14 janvier, puisque tout porte à croire qu'il n'y eut qu'une séance, celle du 17 ; l'état général d'irrésolution empêcha peut-être qu'il n'y en eût auparavant une autre, dont nous saurions certainement quelque chose si elle avait eu lieu.
[20] PLUTARQUE, Pompée, 60 ; César, 33 ; APPIEN, B. C., II, XXXVII.
[21] PLUTARQUE, Pompée, 60 ; APPIEN, B. C., II, XXXVI.
[22] PLUTARQUE, Pompée, 60 ; Caton U., 52.
[23] Voy. CICÉRON, A., VII, XI, 1 (les paroles de Pompée).
[24] CÉSAR, B. C., I, 32, 8.
[25] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 100, s'appuyant sur les termes vagues de Plutarque (Pompée, 60 et Caton U., 52) et sur la faiblesse de Pompée pendant la guerre, croit que la proposition de Caton ne fut pas approuvée. SCHMIDT, B. W. C., 135, semble être du même avis. Mais VELLEIUS, II, 49, dit que consules senatusque... Pompeio summam imperii detulerunt. Il me semble que Velleius a raison. On ne pourrait pas expliquer autrement que Pompée ait ordonné l'évacuation de Rome et la retraite en Grèce, non seulement de l'armée, mais de tout le sénat. En outre, pendant la guerre en Italie il dirigea à Lucera toutes les opérations ; si ce haut commandement ne fut pas efficace, la raison n'en est pas dans le manque de pouvoirs légaux, mais dans la faiblesse même de Pompée et de son parti.
[26] CICÉRON, A., IX, X, 2 ; APPIEN, B. C., II, XXXVII ; DION, XLI, VI.
[27] Voy. APPIEN, B. C., II, 37.
[28] Voy. CICÉRON, F., XIV, VII, 3.
[29] Voy. CICÉRON, A., VII, VIII A, 3.
[30] Voy. CICÉRON, A., VII, XVIII, 4.
[31] CORNELIUS NEPOS, Att., 7.
[32] Il me semble que l'on peut corriger ainsi le récit de César vrai au fond, mais exagéré (CÉSAR, B. C., I, XIV), en le comparant avec celui de DION, XLI, VI. César cependant se trompe en disant que ce fut la nouvelle de la prise d'Osimo qui causa la panique. En effet, il dit lui-même que la panique eut lieu le 18 janvier, le jour qui suivit le départ de Pompée ; or, ce jour-là Osimo n'était pas encore prise.
[33] DION, XLI, VII.
[34] CICÉRON, A., VII, X ; A., IX, X, 4.
[35] CICÉRON, A., VII, XI, 3.
[36] CICÉRON, A., VII, XII, 2.
[37] Voy. les intéressantes observations de SCHMIDT, B. W. C., 117, sur les passages de CICÉRON, A., VII, XI, 5 ; A., VIII, XI B, 3 ; A., 8, 11 D, 6 ; F., XVI, XI, 3.
[38] CICÉRON, A., VII, XIII A, 3.
[39] SCHMIDT, B. W. C., 122 ; in Rh.
Mus., XLVII, p. 261.
[40] CICÉRON, A., VII, XVII, 3 ; A., VII, XXI, 3.
[41] CÉSAR, B. C., I, XII. Au sujet de cette concentration voy. SCHMIDT, B. W. C., 125.
[42] CICÉRON, A., VII, XIV, 1 ; VII, XV, 2. Voy. pour les dates SCHMIDT, B. W. C., 124.
[43] CICÉRON, A., VII, XIV, 1.
[44] CÉSAR, B. C., I, XIII.
[45] CÉSAR, B. C., I, XV.
[46] SCHMIDT, B. W. C., 127, n. 1.
[47] CÉSAR, B. C., I, XV.
[48] SCHMIDT me parait dans le vrai quand il traduit les mots de César, B. C., I, XV, Asculum Picenum pro ficiscitur, par il partit dans la direction de Ascoli. On peut expliquer ainsi le recepto Firmo de I, XVI, sans supposer que César ait d'abord pris Ascoli, puis ait fait volte-face pour marcher sur Fermo, et sans chercher à corriger le texte.
[49] SUÉTONE, César, 33.
[50] CICÉRON, A., VII, XV, 3.
[51] Par exemple la nouvelle de la perte de Picenum, CICÉRON, A., VII, XXI, 2.
[52] CICÉRON, A., VII, XXI, 1.
[53] CICÉRON, A., VII, XXI, 2.
[54] CICÉRON, A., VII, XXII, 1 ; F., XV, XV, 1.
[55] Voy. SCHMIDT, B. W. C., 131.
[56] Le fait que César ait côtoyé la mer est démontré par CICÉRON, A., VIII, XII B, 1. Voy. SCHMIDT, B. W. C., 129.
[57] CÉSAR, B. C., I, 15, estime à environ 33 les cohortes de cette région, dont 20 étaient sous le commandement de Domitius ; CICÉRON, A., VIII, XI A, et A., VIII, XII A, 1, dit qu'au témoignage de Pompée, il y en avait 31 ; 14 étaient sous le commandement de Vitellius, 5 sous celui de Hirrus, 12 (11 d'après certains éditeurs) sous celui de Domitius. Les informations de Pompée sont plus sûres que celles de César, qui ne les avait qu'indirectement. Les garnisons de Sulmone (7 cohortes d'après CÉSAR, B. C., I, XVIII), et celles d'Alba Fucétia étaient comprises dans ces 31, en sorte qu'il n'y en avait que 18 à Corfinium. Voy. CICÉRON, A., VIII, XII A, 4. SCHMIDT, B W. C., 133.
[58] CICÉRON, A., VIII, XII A, 1.
[59] CICÉRON, A., VIII, XI A.
[60] CICÉRON, A., VIII. XII B, 2.
[61] CICÉRON, A., VIII, XII B, 2. Pour la date de cette lettre, voy. SCHMIDT, B. W. C., 136. Voy. CICÉRON, A., VIII, XII A, 1.
[62] CICÉRON, A., VIII, XII A, 3. Pour la date que l'on peut fixer en se reportant au texte de CICÉRON, A., VIII, XI D, 1, voy. SCHMIDT, B. W. C., 136.
[63] Pour la date à laquelle fut donné cet ordre, voy. SCHMIDT, B. W. C., 136.
[64] CICÉRON, A., VIII, XII A, 3.
[65] CICÉRON, A., VIII, XI D, 4.
[66] CICÉRON, A., VIII, XII A, 4 ; SCHMIDT, B. W
C., 139.
[67] CÉSAR, B. C., I, XVIII.
[68] CICÉRON, A., VIII, IX, 4.
[69] CICÉRON, A., VIII, IX, 4 ; XI, 5.
[70] CICÉRON, A., IX, VII C, 1.
[71] CÉSAR, B. C., I, XXXIV.
[72] On peut, il me semble, de cette façon faire concorder CÉSAR, B. C., I, XXVI, et CICÉRON, A., IX, XIII A. SCHMIDT, B. W. C., p. 152, suppose que l'envoi de Magius était une feinte, et la chose me parait vraisemblable.
[73] C'est ainsi, selon moi, qu'il faut interpréter CÉSAR, B. C., I, XXVI.
[74] CÉSAR, B. C., I, XXVI.
[75] SCHMIDT, B. W. C., 152.
[76] CICÉRON, A., IX, XV A, 1.