(L'an 50 av. Jésus-Christ).
Les élections approchaient, et la lutte pour le consulat s'annonçait comme devant être très âpre. La question du commandement de la Gaule devant enfin être résolue l'année suivante, l'un et l'autre parti avait encore plus à cœur de s'emparer de la magistrature suprême. César, qui, toujours porté à la modération, se serait contenté qu'un des deux consuls lui fût favorable, envoyait des soldats en congé à Rome[1] pour faire réussir son ancien général Servius Sulpicius Galba Mais les conservateurs lui opposaient deux candidats, Lucius Cornélius Lentulus et Caïus Claudius Marcellus, cousin du consul alors en exercice, frère du consul de l'année précédente, et aussi mal disposé que les deux précédents Marcellus en faveur de César. Les deux partis se disputèrent la victoire avec acharnement et César essuya une défaite. S'il réussit à faire élire Marc Antoine tribun du peuple, il ne put pas faire arriver Servius Sulpicius Galba au consulat. La charge la plus disputée et la plus importante de toutes tomba au pouvoir des conservateurs. Cette victoire causa aux ennemis de César une joie incroyable[2]. Ils crurent que c'en était fait de toute l'influence et de toute la puissance de César. Et l'échec était réellement grave pour César, non pas tant en lui-même que pour l'impression faite sur les gens incertains et timides. Sa fortune était-elle donc à son déclin, comme l'affirmaient ses ennemis ? De fait, César, qui préparait alors en Gaule les quartiers d'hiver pour ses légions[3], espérant leur faire prendre un peu de repos, fut tellement agacé par le mauvais résultat des élections et par les intrigues de ses ennemis que, l'élection d'un augure devant avoir lieu en septembre[4], il prit le parti de venir en personne dans la Cisalpine pour aider Antoine, qui était candidat contre Lucius Domitius Ænobarbus. Il voulait tout faire pour éviter le nouvel échec que lui préparaient les conservateurs, encouragés par leurs succès récents. En voyage il apprit qu'Antoine était élu[5] ; mais comme il était déjà à moitié chemin, il en profita pour mettre à exécution un projet qu'il méditait peut-être depuis longtemps. Il était populaire dans la Gaule cisalpine, parce qu'on savait qu'il était disposé à y accorder le droit de cité ; parce que beaucoup de ses soldats étaient nés dans les villages du pays ; parce que, enfin, les populations de la vallée du Pô comprenaient que la conquête de la Gaule transalpine enrichirait la Gaule cisalpine, qui, de pays de frontière qu'elle était, deviendrait un pays de transit pour ce qu'on appellerait aujourd'hui un hinterland vaste et très peuplé. Des agents habiles, envoyés en avant, réussirent donc facilement à amener les notables de la Cisalpine à préparer de grandes démonstrations en l'honneur du conquérant de la Gaule, et César put faire un rapide voyage triomphal dans la province. Des députations allèrent à sa rencontre hors de chaque village ; les municipalités et les colonies l'invitèrent à des fêtes ; les populations des campagnes, qui lui avaient donné tant de soldats et qui connaissaient ses exploits par leurs récits, vinrent en foule le saluer sur les routes[6]. Ces démonstrations étaient destinées, non à satisfaire la vanité du guerrier, mais à montrer de loin à l'Italie, mécontente du conquérant de la Gaule, quel enthousiasme provoquait cette conquête, parmi les populations qui avaient surtout sujet de redouter les Gaulois et qui les connaissaient le mieux. Mais César était toujours si enclin à la conciliation que vers ce temps-là il envoya en Italie la légion qu'on lui demandait pour la guerre contre les Parthes, qu'il rendit à Pompée celle que celui-ci lui avait prêtée[7], et qu'il ordonna à Curion de cesser l'opposition qu'il faisait à Pompée, et de retirer le veto qu'il avait mis sur les fonds pour les légions d'Espagne[8]. En somme, César, après avoir fait créer des embarras à Pompée, lui proposait maintenant la paix, et croyait le moment opportun pour un accord. Il était d'ailleurs si persuadé que ses ennemis ne provoqueraient pas une guerre civile pour un prétexte aussi futile que, vers la fin de septembre, il se remit en route, et repassa encore les Alpes pour aller donner dans la Gaule transalpine ses derniers soins à l'installation des quartiers d'hiver. Cependant Cicéron avait terminé son année de gouvernement ou plutôt d'exil, et il était parti aussitôt, sans même régler lui-même les comptes de son administration. Il avait prié son questeur de venir sans retard à Laodicée pour accomplir cette opération[9], mais ne l'y ayant pas trouvé et son impatience étant trop forte, il avait donné à son scribe l'ordre de préparer les comptes d'accord avec le questeur, et de les déposer, comme le voulait la lex Julia de 59, dans deux édifices publics, à Laodicée et à Apamée, afin que le public pût les contrôler ; puis il était parti[10], sans rien emporter du budget de la province. Il en laissa une partie à son questeur, à qui il confiait le gouvernement, afin qu'il n'eût pas de prétexte pour piller la Cilicie ; et il versa le reste, environ un million de sesterces, dans le trésor de la province, à la grande indignation de ses amis et des officiers qui ne comprenaient pas que le grand orateur se préoccupât davantage de la bourse des Phrygiens et des Ciliciens que de la leur[11]. Et le fait était réellement sans précédents. Quoi qu'il en soit, même en retranchant tout cela, Cicéron put, legibus salvis, comme il le dit, apporter en Italie une somme à dépenser pour le triomphe qu'il espérait se voir décréter pour ses victoires, et déposer entre les mains des publicains d'Éphèse deux millions deux cent mille sesterces[12], qui vaudraient aujourd'hui plus d'un million de francs. C'était là probablement, sa part du butin de guerre. Même les proconsuls honnêtes du vaste empire étaient donc, comme on le voit, assez bien payés des peines qu'ils prenaient pendant l'année de leur gouvernement. Il reçut en route une lettre du questeur qui protestait, en disant que son secrétaire avait versé au trésor cent mille sesterces qui devaient lui revenir[13] ; il lui répondit en le consolant et en se déclarant prêt à l'indemniser lui-même ; il voyagea assez lentement, pour faire voir à son fils et à son neveu les monuments de l'Asie et de la Grèce[14] ; il s'arrêta quelque temps à Athènes, où il apprit la mort de son ami Prétius, qui faisait de lui son héritier[15]. Malheureusement, à Patras, Tiron, le jeune esclave qu'il aimait comme son enfant, tomba malade[16], et le voyage fut un peu retardé. La maladie se prolongeant, Cicéron, à son grand regret, dut laisser Tiron, mais il ne partit qu'après avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour qu'il fût bien soigné, sans regarder à la dépense. Manius Curius, un riche marchand italien de Patras, qu'il connaissait et qui était très lié avec Atticus, fut prié de mettre à la disposition de Tiron, en les portant au compte de Cicéron, toutes les sommes dont il pouvait avoir besoin[17]. Enfin il débarqua le 24 novembre à Brindes[18]. En Italie les esprits s'étaient un peu calmés après les élections, mais le monde politique et les hautes classes avaient été très surpris, en voyant apparaître à Rome un censeur d'une sévérité antique, un véritable émule du vieux Caton. L'événement était étrange en lui-même ; mais plus étrange encore était le personnage en qui s'était incarné soudain l'esprit de sévérité et de discipline des vieilles générations. C'était Appius Claudius, le frère de Clodius ; l'ancien gouverneur de la Cilicie, remplacé par Cicéron qui avait eu tant de peine à réparer le mal fait ou laissé faire par lui dans la province. Publius Cornélius Dolabella, le fiancé de Tullia, l'avait même accusé de concussion ; mais Appius était le beau-père de Brutus et d'un fils de Pompée, et Brutus et Pompée ne l'avaient pas seulement fait absoudre, mais encore élire censeur[19]. Et, une fois élu, Appius était devenu un censeur farouche. Il avait chassé du sénat de nombreux sénateurs, intenté des procès, tourmenté les propriétaires de domaines trop étendus et ceux qui avaient des dettes ; il s'était attaqué même au luxe des tableaux et des statues[20]. Au nombre de ses victimes fut Salluste, qui perdit son siège au sénat ; Cœlius et Curion furent de ceux qu'il persécuta. Appius, en somme. avait voulu singer les répressions de Pompée ; mais sa censure n'était qu'une parodie laissant après elle du mécontentement et des railleries. Tout s'usait vite à Rome ; et cette sévérité à laquelle les conservateurs tenaient tant et que, deux années auparavant, Pompée semblait avoir rétablie comme règle du gouvernement, n'était bientôt plus devenue elle-même qu'un objet de risée. Le mal n'était pas grand, du reste, car l'Italie était pour l'instant suffisamment tranquille. Pompée était reparti pour Naples[21] ; et César, ayant pris toutes ses dispositions dans la Gaule transalpine, revenait dans la Gaule cisalpine, mais sans autre intention que d'y passer l'hiver à préparer sa candidature pour l'année suivante. Il était si loin de croire à la possibilité d'une guerre civile, qu'il n'amenait en Italie qu'une seule légion pour remplacer dans les garnisons de la Cisalpine la légion que César avait détachée pour la guerre des Parthes, et qu'il laissait les huit autres en Gaule, quatre sous le commandement de Caïus Fabius, chez les Éduens, et quatre sous le commandement de Trébonius chez les Belges, c'est-à-dire aussi loin que possible de l'Italie[22]. Pompée n'était plus son ami comme jadis, mais c'était un homme sage et prudent ; ses autres ennemis étaient presque tous, à l'exception de Caton, des hommes de grande famille, mais sans autorité ; ils ne pouvaient guère oser faire violence à l'opinion publique et à l'Italie tout entière qui voulait la paix. On pourrait sans aucun doute arriver à une entente avec Pompée et le sénat. César raisonnait sagement ; et c'est pourquoi il se trompait. Dans le désordre d'une grande crise sociale, l'équilibre moral des partis et des classes est si instable que la légèreté, l'animosité, les rancunes de quelques hommes ou de petites coteries deviennent des forces historiques très importantes, car elles peuvent faire éclater tout d'un coup les antagonismes latents, et précipiter des événements considérables. Marcellus ne voulait pas abandonner le consulat sans avoir pris une revanche sur Curion, qui l'avait toujours battu jusque-là et les ennemis de César ne renonçaient pas à leurs desseins, maintenant surtout qu'ils étaient soutenus par une nouvelle espérance. Si les faits devaient bientôt montrer que la fidélité des soldats de César était à toute épreuve, il semble que parmi ses officiers, et surtout parmi ceux qui appartenaient à de grandes familles, il régnait un certain mécontentement, peut-être parce qu'ils avaient, plus que les soldats, ressenti la répercussion de l'impopularité croissante de César dans les hautes classes. Au nombre de ces mécontents était Labienus lui-même. Or à Rome on prenait facilement ce mécontentement de quelques officiers pour celui de l'armée tout entière ; par cette facilité à croire tout ce que l'on désire, on ajoutait foi volontiers au bruit qui courait que l'armée de César, fatiguée de la guerre, demandait à être licenciée ; les adversaires de César espéraient qu'ils trouveraient un appui dans son armée elle-même ! Marcellus voulut donc dans la séance du 1er décembre tenter un effort suprême pour faire décider que les pouvoirs de César expireraient le mars, et pour faire repousser une proposition analogue dirigée contre Pompée. S'il y réussissait, il atteignait un double but : il humiliait Curion, et en rendant à Pompée un aussi grand service, il l'obligeait à s'unir ouvertement aux conservateurs et à devenir leur chef. Le 1er décembre, en effet, le sénat se réunit. L'assemblée était presque au complet, car quatre cents membres environ étaient présents[23] ; mais leur indécision était grande. Presque tous, inquiets et irrésolus, avaient peur de déplaire à César et peur d'offenser Pompée, redoutaient les conséquences de leurs délibérations, et ne désiraient que deux choses : ne pas se compromettre et ne pas déchaîner une guerre civile. Marcellus et Curion seuls étaient venus avec des idées bien arrêtées : l'un voulait faire voter le rappel de Pompée, et l'autre le rappel de César. Au début de la séance, Marcellus prit la parole et posa nettement la question de savoir si César devait rentrer à Rome, comme homme privé, le lei mars. Tout le monde pensait que Curion mettrait son veto, et qu'on ne serait pas obligé d'entrer dans une discussion aussi grave et aussi dangereuse. Mais, au grand étonnement de tous, Curion resta silencieux et immobile sur son banc. La proposition de Marcellus put donc être mise aux voix et elle fut approuvée à une grande majorité. Et alors aussitôt, sans que Curion eût pu intervenir, Marcellus reprit la parole et déclara soumettre au sénat l'autre question qui avait été posée : à savoir si Pompée devait résigner son commandement. Ainsi formulée, la proposition frappait directement Pompée, et elle semblait la violation d'une loi approuvée par le peuple. Marcellus le savait, et c'est pour cela qu'il avait voulu faire la proposition lui-même et prévenir Curion. Le sénat, qui avait peur d'offenser Pompée, la repoussa. La surprise avait réussi ; Curion et César avaient subi un nouvel échec ; et Marcellus, très content, était déjà sur le point de lever la séance. Mais Curion, avec une grande présence d'esprit, demanda aussitôt la parole et dans un discours habile il présenta au sénat une autre proposition : César et Pompée devaient abandonner ensemble Fun et l'autre leur commandement. Ainsi formulée, la proposition perdait son caractère d'hostilité personnelle envers Pompée ; elle semblait seulement une mesure de haute équité et de concorde, que seuls les mauvais citoyens pouvaient désapprouver. Marcellus cependant la mit aux voix, persuadé que le sénat, déjà engagé par le vote précédent, allait la repousser et que la défaite de Curion serait ainsi complète et définitive. Mais il arrive souvent que les assemblées se contredisent sans honte à quelques instants d'intervalle. La proposition de Curion correspondait au désir de tous, et quand on en vint au vote, il y eut 370 oui et 22 non[24]. Curion l'emportait encore une fois ; et l'échec était d'autant plus honteux pour les ennemis de César, que l'on voyait ainsi qu'ils ne disposaient que de vingt-deux voix au sénat. Marcellus furieux congédia le sénat, s'écriant que l'on avait voté en faveur de la tyrannie de César. S'il n'avait pas voté en faveur de la tyrannie, le sénat avait sans le vouloir et malgré son désir de la paix décidé la guerre. Ce vote fut la cause occasionnelle et directe de la guerre civile. Marcellus et les ennemis de César, furieux de cet échec, imaginèrent un expédient suprême pour se relever : proposer un coup d'État à Pompée, qui devait autant qu'eux et plus encore être froissé du vote du sénat. Marcellus proposerait au sénat de déclarer César ennemi public ; et si les tribuns intervenaient ou si le sénat n'approuvait pas, il déclarerait de sa propre autorité l'état de siège, et chargerait Pompée du soin des affaires politiques, en lui donnant le commandement des deux légions de César qui devaient aller en Perse et qui étaient encore à Lucera[25]. Le succès de ce coup d'État ne paraissait pas douteux. Avec les deux légions que lui aurait données le consul, l'armée de Pompée serait montée à neuf légions, c'est-à-dire à l'effectif dont disposait César. Pompée ayant des forces égales et faisant des menaces sérieuses, était-il possible que César et ses amis voulussent encore résister, au risque de provoquer une guerre qui eût été désastreuse pour eux ? La majorité du sénat aurait alors cédé, et obéissant à la peur plus grande, voté tout ce que les ennemis de César voulaient. Un observateur impartial aurait pu, il est vrai, objecter que la situation militaire n'était pas aussi favorable à Pompée, parce que ses neuf légions étaient séparées, deux étant en Italie et sept en Espagne, tandis que César avait en Gaule ses neuf légions sous la main. Mais on avait partout confiance dans le prestige et dans l'habileté de Pompée ; on était aussi porté à croire que César n'oserait pas provoquer la guerre, de crainte que la Gaule se soulevât de nouveau, s'il en avait retiré son armée[26]. Des lettres et des messages furent donc expédiés en toute hâte et en grand secret à Pompée. Marcellus et ses amis avaient calculé justement. Pompée, qui n'avait jamais eu l'intention sérieuse de renoncer à son commandement proconsulaire, était après le vote du sénat plus résolu que jamais à ne pas céder aux intimations de Curion, qui agissait évidemment pour le compte de César ; à ne pas renoncer à un droit qui lui avait été conféré par une loi ; à ne pas reconnaître un vote de surprise arraché au sénat par un tribun trop remuant et en contradiction avec une décision prise quelques instants auparavant. Il aurait peut-être annulé de lui-même tous ses droits, si cela était utile à la paix désirée par toute l'Italie ; mais il ne pouvait capituler devant les menées d'un tribun tel que Curion, d'un politicien d'aussi bas étage, lui l'homme qui avait été élu consul' sans avoir exercé aucune magistrature, qui avait rendu tant de services à Rome, détruit les pirates, vaincu Mithridate, conquis la Syrie, doublé les revenus publics et rétabli l'ordre. Si César, à court d'argent et incapable de tenir les promesses fallacieuses qu'il ; avait faites, voulait tout brouiller, en provoquant une guerre civile, lui, il l'attendait de pied ferme[27]. Il comptait beaucoup sur son prestige, et certains officiers mécontents de César avec qui il était en relation semblent lui avoir donné des illusions : Labienus, entre autres, qui avait déjà commencé à comploter avec lui ; et l'officier chargé de conduire les deux légions destinées à la guerre des Parthes, qui lui avait dit que l'armée de César ne combattrait jamais contre lui[28]. En somme, Pompée se croyait maitre de la situation : l'Italie était prête à se soulever au premier signe et à lui donner toutes les légions qu'il voudrait ; l'ennemi n'oserait lui faire face : la guerre civile n'était pas possible. Quand il se verrait menacé, César céderait. Pompée accepta donc ; et bientôt le public vit la situation devenir menaçante, sans en comprendre la raison. Cicéron qui, par la voie Appienne, s'acheminait vers Rome, s'arrêta à Naples et fit le 10 décembre une visite à Pompée. Mais il fut surpris et attristé de le trouver très irrité, très pessimiste, de l'entendre déclarer que la guerre était certaine, et qu'il n'était plus possible de s'entendre avec César[29]. Cicéron, qui ne connaissait pas les intrigues qui se tramaient entre Rome et Naples, se demandait pourquoi cette guerre était inévitable, et ne pouvait s'expliquer la nouvelle attitude de Pompée. A Rome les amis de César, et surtout Cornélius Balbus, étaient très inquiets : ils flairaient le danger, espionnaient les vaincus du Pr décembre et leurs menées secrètes, et attendaient avec impatience l'arrivée de César, qui pendant ce temps se dirigeait tranquillement sur la Cisalpine sans se douter de rien, s'imaginant même qu'à son arrivée l'accord avec le sénat serait déjà conclu. Le 6 décembre arriva à Rome un officier de César, Hirtius, qui apportait des lettres pour Pompée, et il descendit chez Balbus. Très inquiet, celui-ci ne le laissa pas continuer sa route sur Naples ; il se chargea de transmettre le message à Scipion, le beau-père de Pompée ; et il fit repartir Hirtius le soir même, pour qu'il revint à marches forcées auprès de César et lui apprit, mieux qu'on ne pouvait le faire par correspondance, le brusque changement de la situation et les grands dangers qui menaçaient. Mais cette situation incertaine et anxieuse ne dura pas longtemps. Dès que le consentement de Pompée fut arrivé, c'est-à-dire probablement le 9 décembre[30], Marcellus convoqua le sénat, prononça un discours violent dans lequel il traita César de brigand et proposa de le déclarer ennemi public, en ordonnant à Pompée de prendre le commandement des légions qui étaient à Lucera, où elles devaient s'embarquer pour la Syrie. Mais Curion déclara qu'il n'y avait rien de sérieux dans tout cela et il opposa son veto. Alors Marcellus commença l'assaut à grand spectacle qu'il avait organisé d'avance : il déclara que puisque les factieux l'empêchaient de défendre la république, il aurait recours à d'autres moyens que les moyens légaux ; il quitta le sénat, sortit de Rome le jour même, avec une troupe d'aristocrates furieux, et il se rendit en toute hâte à Naples, où il arriva le 13 décembre, pour aller trouver Pompée[31]. Ce départ dut jeter l'étonnement et l'inquiétude dans le public, qui ignorait les intrigues qui l'avaient préparé. Pompée allait-il accepter l'offre téméraire qu'on lui faisait ? Curion, dès qu'il fut redevenu simple citoyen, le 10 décembre, jugea qu'il était en tout cas prudent pour lui de s'éloigner de Rome, et il partit pour rejoindre César, qui échelonnant sa légion le long de la voie Émilienne[32], se rendait de Plaisance à Ravenne pour y passer l'hiver[33]. César croyait toujours au maintien de la paix ! Mais vers le 18 ou le 19 décembre une nouvelle terrible arriva à Rome[34], et trois ou quatre jours après à Ravenne : Pompée avait accepté la proposition de Marcellus, tout en prononçant un discours modéré en apparence, et s'était mis en route pour Lucera, où il serait bientôt et où il prendrait le commandement des légions. La stupeur fut générale, ainsi que l'indignation et l'effroi. Les hommes impartiaux, et Cicéron parmi eux, désapprouvèrent la conduite de Pompée qui provoquait la guerre[35] ; Antoine, dans une réunion populaire, prononça un discours très violent contre lui, rappelant entre autres choses le grand nombre de victimes que ses lois et ses procès avaient faits à Rome[36]. Seuls les conservateurs intransigeants étaient enchantés. Mais l'homme le plus déconcerté de tous fut César, quand à peine arrivé à Ravenne, le 24 ou le 25 décembre[37], il reçut la nouvelle et vit d'un coup toutes ses espérances tomber. Il ne pouvait se faire d'illusions. La conversion de Pompée faisait disparaître les derniers restes de faveur qu'il avait dans les hautes classes : tous les gens comme il faut seraient désormais pour Pompée, tandis que partisan de César deviendrait synonyme d'homme de rien[38] ; bien peu de gens auraient osé braver la colère de Pompée ; et si celui-ci continuait à demander que César abandonnât son commandement le 1er mars, le sénat n'oserait pas s'y opposer. César n'aurait plus alors qu'à se mettre ouvertement en révolte ou à se soumettre. César réunit un conseil d'amis, où Curion proposa de rappeler l'armée de Gaule et de marcher aussitôt sur Rome. Puisque la guerre était inévitable, il fallait la précipiter. Mais César, qui savait l'opinion publique favorable à la paix[39], espéra encore pouvoir interposer l'Italie entière entre ses ennemis et lui. On était loin des temps farouches de Sylla ; il n'y avait plus de ces antagonismes terribles de classe à classe qui avaient provoqué la dernière guerre civile ; si les querelles mesquines de quelques politiciens en déchaînaient une autre, ce serait là une chose monstrueuse. César rappela aussitôt en Italie deux légions, la douzième et la huitième, et il ordonna à Caïus Fabius d'aller avec trois légions de Bibracte à Narbonne, pour s'opposer à une marche possible des légions que Pompée avait en Espagne[40]. Mais il voulut encore tenter une conciliation. On était le 25 ou le 26 décembre ; le sénat devait se réunir le 1er janvier ; si un courrier pouvait arriver à Rome avant ce jour, il serait encore temps de parer le coup que les ennemis méditaient certainement pour ce jour-là Curion se déclara prêt à accomplir ce prodige de vitesse ; César écrivit une lettre au sénat et une autre au peuple ; et Curion partit le 27 au petit jour[41]. Dans sa lettre au sénat, César se déclarait prêt à abandonner son commandement si Pompée en faisait de même ; sans quoi il songerait à défendre ses droits. Dans sa lettre au peuple il se disait prêt à rentrer dans la vie privée et à rendre compte de ce qu'il avait fait ; et il invitait Pompée à en faire autant[42]. Les derniers jours de l'année furent pour tout le monde très agités. Les déclarations de Pompée avaient en effet, bien qu'un peu à contre-cœur, rendu ennemis de César bon nombre de sénateurs et les hautes classes, qui n'osaient pas s'opposer trop ouvertement à un homme si puissant. Ce revirement d'opinion encourageait Pompée qui, irrité par les violents discours d'Antoine, avait déclaré à Cicéron le 25, dans les environs de Formia, qu'il s'opposerait absolument à ce que César redevint consul, ni en 48, ni jamais. Un second consulat de César eût été trop fatal à la république. S'il était assez fou pour faire une guerre, il n'avait qu'à essayer ; lui, Pompée, n'avait pas peur[43]. En somme le petit peuple qui avait appuyé et admiré Catilina était seul maintenant à tenir pour César. Mais tout le monde, dans un camp comme dans l'autre, était inquiet et partagé entre des appréhensions et des craintes chimériques. Que se passerait-il à la séance du 1er janvier ? Cicéron regrettait presque d'avoir quitté sa province. Il se sentait plus d'obligations envers Pompée qu'envers César, et maintenant que la rupture était imminente, il regrettait de n'avoir pas entièrement payé ses dettes au proconsul des Gaules ; mais il désirait par-dessus tout la paix, et comptait sur une conciliation pour éviter la plus absurde et la plus funeste des guerres civiles. Car lui, il ne se faisait pas d'illusions, comme tant de gens, sur les forces de César[44]. En outre qu'adviendrait-il de son triomphe si la guerre éclatait ? Mais c'est à César, dans la petite ville de Ravenne, que ces affreuses journées durent apporter le plus de tourments. Malgré le scepticisme contracté au milieu de tant de luttes, de corruptions et de mensonges, il ne pouvait pas ne pas être en proie à une exaspération terrible contre les hommes, le monde et la fortune. Que serait pour lui l'avenir ? Il n'avait pas eu beaucoup de chance jusqu'alors. Tout ce qui avait si bien réussi à Pompée n'avait-il pas tourné au contraire au plus mal pour lui ? Ils avaient tous les deux courtisé la foule, flatté les passions démocratiques, corrompu le peuple, combattu le sénat, cherché à détruire les vieilles institutions pour acquérir de la gloire, de la puissance et de la richesse. Mais Pompée avait été trois fois consul, avait célébré plusieurs triomphes ; il avait amassé un immense patrimoine et il en jouissait à Rome où il était bien vu du peuple et des grands ; il était admiré comme le premier général de son temps et était devenu le représentant des hautes classes sans cesser d'être respecté par la multitude. Sa vie entière n'avait été qu'une suite de succès. A lui César, au contraire, que lui avaient rapporté de si longues fatigues ? Il avait dû monter lentement, degré par degré, l'échelle des magistratures ; il n'avait pu arriver qu'en se lançant dans la mêlée, intriguant, luttant et se faisant des ennemis ; et quand, âgé déjà de plus de quarante ans, il avait enfin obtenu une province pour y acquérir gloire et richesse, il était mal tombé ; on lui avait donné un pays très pauvre en comparaison de l'Orient et d'une conquête très difficile, où il avait eu à lutter pendant neuf ans contre des insurrections continuelles. Et en fin de compte que lui rapportait tout cela ? De la gloire ? Il était l'homme le plus méprisé et le plus haï des hautes classes, et tout Italien ayant lu Xénophon croyait pouvoir lui donner des conseils sur la façon de terminer promptement la guerre des Gaules. Des richesses ? Il sortait de cette lutte gigantesque presque aussi pauvre que quand il l'avait commencée, ayant employé à corrompre le monde politique presque tout ce que lui avaient rapporté les pillages de la Gaule, et sans même obtenir la reconnaissance que méritait une si grande générosité. L'Italie tout entière lui reprochait justement ces pillages dont elle avait tiré tant de profits, et cette politique dont tout le fruit avait été pour elle. Et si César tournait ses regards sur le passé pour rechercher la cause d'un sort si différent, il ne pouvait pas ne pas s'apercevoir que si Pompée avait été aussi favorisé, c'était parce qu'il avait pris part aux massacres de Sylla. Ce lointain début avait exercé une si grande influence sur leurs destinées, qu'ils en sentaient encore les effets. Pompée avait dans cette crise terrible acquis une grande considération auprès des hautes classes, et cela même lui avait été utile pour devenir populaire en passant du côté des démocrates sans trop se compromettre ; puis sa popularité une fois établie, il avait eu tout ce qu'il voulait : des honneurs, des provinces, des commandements, des triomphes, tout en ne donnant que très peu au parti populaire. Ainsi il avait fini par être reconnu par tout le monde comme l'homme nécessaire en toute chose. César au contraire s'était attiré la haine de la coterie régnante pendant les années de la réaction ; et de cette haine étaient résultés tous les malheurs de sa vie : ses débuts difficiles, les dettes énormes contractées pour se faire connaître, ses premières luttes avec les conservateurs, la révolution nécessaire du consulat, la politique d'impérialisme à outrance qu'il avait suivie pour chercher à soutenir la révolution démocratique, et cette alliance avec la démagogie à laquelle il n'avait jamais pu se soustraire, et qui menaçait de le mener à sa ruine. Tous ses malheurs étaient la conséquence fatale de sa parenté avec le vainqueur des Cimbres et des premières et vraiment nobles actions qu'il avait accomplies ; de la foi gardée, au milieu de la terreur, à la fille et à la mémoire de Cinna ; de la noble attitude qu'il avait eue vis-à-vis de Sylla ; de son horreur des luttes fratricides. S'il avait voulu alors trahir les vaincus il aurait fait sa carrière bien plus vite, il serait devenu lui aussi heureux et puissant. Les malheurs de César étaient en grande partie l'effet d'une profonde injustice : injustice des choses, des hommes et des événements. nue cette injustice ne l'ait pas dans cette crise terrible exaspéré et poussé à la haine, à la cruauté et à la violence, c'est à la fois une preuve de la puissance de son esprit et un de ses plus grands titres de gloire. La guerre civile jusqu'à Pharsale est peut-être la plus belle partie de sa vie, parce qu'il y fit preuve d'une modération, d'une intelligence et d'une prévoyance, qui compensent les imprudences et les atrocités de la guerre des Gaules. A ce moment encore, pendant que Curion chevauchait sans reprendre haleine sur la voie Flaminia, César, toujours confiant dans la paix, espérait que sa lettre, conçue en des termes à la fois énergiques et modérés, arriverait à temps et ramènerait à résipiscence les esprits intransigeants. Tout semblait dépendre de la vitesse de Curion et de l'effet de la lettre. Et Curion réussit à accomplir son tour de force. Quand le sénat se réunit le 1er janvier, la lettre était bien en effet entre les mains d'Antoine. Mais les consuls redoutaient si fort l'effet qu'elle pourrait produire, qu'ils cherchèrent à en empêcher la lecture. Naturellement, Antoine et les amis de César insistèrent d'autant plus pour la lire, espérant amener encore un de ces revirements qui avaient été si fréquents dans ces derniers temps. Aussi ce ne fut qu'après une discussion très longue et très violente qu'on lui permit de la lire[45]. Mais l'effet fut désastreux pour les partisans de César. Soit irritation véritable, soit crainte de Pompée, que les sénateurs savaient maintenant tout à fait opposé à César, soit besoin de trouver un prétexte à la mauvaise humeur qui dominait l'assemblée, la lettre de César fut accueillie par des protestations indignées, comme un document menaçant et insolent[46] ; et en un clin d'œil la cause de César fut perdue au sénat. Antoine, déconcerté, dut se taire ; le parti conservateur, oubliant qu'il avait cherché à empêcher la lecture de cette lettre, saisit vite l'occasion pour anéantir l'adversaire ; Lentulus et Scipion prononcèrent des discours violents ; les défenseurs de César ne purent parler qu'au milieu des rumeurs. Marcellus lui-même, le consul de 51, fut sifflé et obligé de se taire, parce qu'il osa demander si avant de provoquer une guerre il ne fallait pas s'assurer d'y être suffisamment préparé[47]. Pompée n'avait-il pas déclaré que tout était prêt ? C'est ainsi qu'au milieu de l'excitation générale et d'une grande confusion fut approuvée la proposition par laquelle César était déclaré ennemi de la patrie, s'il n'abandonnait pas son commandement avant le 1er juillet[48]. Grâce à l'intervention d'Antoine et de Quintus Cassius, le vote n'eut pas d'effet immédiat[49] ; mais cela fut presque indifférent aux conservateurs. Ils étaient sûrs maintenant de faire voter, quand ils le voudraient, l'état de siège, qui annulerait le veto des tribuns. Et alors, tout à coup, l'on vit surgir de partout les conciliateurs zélés, les instigateurs méchants, les conseillers inopportuns, les prophètes funèbres, les pleureurs inconsolables, qui apparaissent toujours à la veille des grandes crises sociales. Le soir même du 1er janvier, Pompée fit venir chez lui de nombreux sénateurs ; il leur adressa des louanges et des exhortations, et les invita à se trouver au sénat le lendemain. En même temps les levées commençaient et on rappelait à Rome les vétérans[50]. Toutefois, pendant la nuit, il sembla se faire une certaine réaction dans l'esprit des sénateurs : le lendemain, les tribuns ayant mis leur veto, les consuls n'osèrent pas passer outre ; le beau-père de César et le prêteur Roscius demandèrent une suspension de six jours pour tenter une conciliation ; d'autres demandèrent que l'on eût recours à des ambassadeurs[51]. Le hasard voulut que le sénat ne tint de séance ni le 3 ni le 4, et que Cicéron arrivât le 4 janvier dans les faubourgs de Rome, accueilli avec joie par la partie la plus raisonnable du sénat, qui désirait la paix et espérait qu'il pourrait intervenir[52]. Cicéron se mit en effet aussitôt à l'œuvre, parlementa avec les chefs des partis, et fut d'avis que l'on autorisât César à solliciter le consulat en son absence, et que Pompée se rendit en Espagne[53], pendant la durée de son consulat. Dans le même temps, Curion recevait de César de nouvelles propositions encore plus modérées : il était prêt à se contenter de la Gaule cisalpine et de l'Illyrie avec deux légions[54]. Pour un instant, on put croire que ces deux propositions allaient arranger les choses. Pompée, qui semble avoir eu un moment de résipiscence, chargea secrètement un jeune homme dont le père était général dans l'armée de César, Lucius César, d'aller traiter la pais ; Lucius Roscius, à qui Pompée avait déclaré être disposé à accepter les dernières conditions proposées par Curion, partit de son côté pour se rendre lui aussi auprès de César[55]. Mais Lentulus, Caton et Scipion vinrent à la rescousse ; ils entourèrent Pompée et l'étourdirent de leurs protestations : serait-il assez maladroit pour tomber dans le piège que lui tendait César[56] ? Toutefois, comme Pompée, le sénat avait hésité le 5 et le 6 janvier, et avait discuté sans prendre aucune décision. Mais le soir du 6, Pompée était reconquis par les conservateurs intransigeants ; le 7, l'état de siège était décrété[57], et Antoine et Quintus Cassius s'enfuyaient de Rome. Au bout d'un an et demi de luttes, d'intrigues et de ruses l'ennemi détesté était donc enfin vaincu : il ne serait plus consul, à moins d'une guerre civile, et comment oserait-il la tenter ? Les ennemis de César étaient, désormais, avec l'aide de Pompée, les maîtres de l'État : ils disposaient du trésor, des provinces, des alliés, des armées ; ils avaient pour eux le plus célèbre des capitaines, le plus illustre des citoyens. César, au contraire, n'avait que neuf légions exténuées par la longue guerre ; une petite province et la Gaule soumise depuis peu et encore hostile. Aussi l'opinion commune était qu'il n'oserait jamais envahir l'Italie, en laissant derrière lui les Gaulois à peine vaincus, et qu'il se tiendrait plutôt sur la défensive dans la vallée du Pô[58]. Les jours suivants, le sénat tint plusieurs séances sous la présidence de Pompée ; on entendit les déclarations rassurantes de Pompée au sujet de la situation militaire ; on y approuva sans difficulté les différentes mesures contre César. On mit à la disposition de Pompée le trésor de l'État, les caisses des municipes et les caisses privées ; on l'autorisa à faire des emprunts forcés[59] ; on distribua les meilleures provinces aux favoris du parti conservateur. Scipion eut la Syrie, Domitius la Gaule transalpine, Considius Nonianus la Gaule cisalpine[60]. On décida enfin de faire une grande levée ; et dans ce but on divisa l'Italie en un certain nombre de circonscriptions, on choisit pour chacune d'elles un sénateur influent et y possédant des biens : Cicéron eut Capoue[61], Domitius le territoire des Muses, Scribonius Libon l'Étrurie, Lentulus Spinter le Picénum. Le gouvernement conservateur semblait déjà rétabli. Mais tout à coup, le matin du 14 janvier[62] une nouvelle extraordinaire éclata à Rome comme la foudre : César avait passé le Rubicon et occupé Rimini avec des forces considérables ; le chef des démagogues, des aventuriers et des désespérés marchait sur Rome, à la tête de ses légions et des cavaliers gaulois. |
[1] PLUTARQUE, Pompée, 58.
[2] HIRTIUS, B. G., VIII, L.
[3] Ainsi que le remarque NISSEN, H. Z., XLVI, p. 67, n. 1, les termes dont se sert HIRTIUS, B. G., VIII, L, hibernis peractis, ne signifient pas que les quartiers d'hiver de 52-51 étaient finis, mais qu'on avait préparé ceux de 51-50. En réalité pendant l'hiver de 52-51 presque toutes les légions durent aller au combat au lieu de se reposer.
[4] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 68, n. 1, me parait avoir démontré que l'élection de l'augure et par suite le voyage de César dans la Cisalpine eurent lieu après les autres élections, et non avant, comme on l'a cru, et que ce fut bien en septembre. On en trouve la preuve dans CICÉRON, F., VIII, XII, 3 qui fait allusion aux ludi circenses qui avaient lieu en septembre, et dans PLUTARQUE, Antoine, 5, qui dit qu'Antoine fut élu d'abord tribun, puis augure. En outre on ne comprendrait pas pourquoi César aurait fait un si grand voyage simplement pour l'élection d'un augure, s'il n'y avait été poussé par l'échec de Sulpicius.. Bien que ces raisons soient plus confuses, on peut les voir aussi dans HIRTIUS, B. G., VIII, L.
[5] HIRTIUS, B. G., VIII, I.
[6] HIRTIUS, B. G., VIII, LI.
[7] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 69.
[8] CICÉRON, F., VIII, XIV, 4.
[9] CICÉRON, A., VI, VII, 2.
[10] CICÉRON, F., V, XX, 1-2. Il me semble que l'on peut résoudre ainsi la contradiction qu'il y a entre ce passage et celui (A., VI, VII, 2) cité plus haut.
[11] CICÉRON, A., VII, I, 6.
[12] CICÉRON, F., V, XX, 9.
[13] CICÉRON, F., V, XX, 8.
[14] CICÉRON, A., VI, VII, 2.
[15] CICÉRON, F., XIV, V, 2.
[16] CICÉRON, A., VII, II, 3.
[17] CICÉRON, F., XVI, IV, 2. Ce Curius est certainement le Manius Curius de la lettre ad F., XIII, XVII.
[18] CICÉRON, F., XVI, IX, 2.
[19] LANGE, R. A., III, 389.
[20] CICÉRON, F., VIII, XIV, 4 ; DION, XL, 63.
[21] Cela résulte du fait que les entretiens de Cicéron et de Pompée du mois de décembre eurent lieu probablement à Naples. Voy. SCHMIDT, B. W. C., 91.
[22] HIRTIUS, B. G., VIII, LIV.
[23] APPIEN, B. C., II, XXX. — NISSEN, H. Z., XLVI, page 71, n. 1, me parait avoir démontré d'une façon définitive que la séance eut lieu le 1er décembre.
[24] APPIEN, B. C., II, XXX ; PLUTARQUE, Pompée, 58. Si l'on rapproche le passage d'APPIEN, B. C., II, XXX-XXXI, de celui de PLUTARQUE, Pompée, 58, on voit que Plutarque fait entrer dans une seule séance les faits qui, selon Appien, se sont passés dans deux séances et à quelque intervalle. C'est la version d'Appien qui doit être la vraie : elle seule permet d'expliquer le coup d'État de Marcellus dont nous parlerons bientôt, et l'attitude de Pompée. Celui-ci s'était jusque-là tenu dans une grande réserve, bien qu'il fût en froid avec César ; il fallut un motif très sérieux pour qu'il se rait résolument à la tête du parti révolutionnaire conservateur et qu'il acceptât à Naples le commandement des légions d'Italie. L'événement qui explique ce fait, c'est ce vote, et pour les raisons exposées dans le texte. Mais le coup d'État dut être combiné entre les chefs du parti conservateur et Pompée ; et comme celui-ci était alors à Naples, la chose demanda quelque temps.
[25] Nous n'avons aucun renseignement sur ce complot, mais il me parait nécessaire de l'admettre, car il est absolument impossible que Marcellus ait tenté son coup d'État sans s'être entendu avec Pompée. Il se serait, en pareil cas, exposé à un échec retentissant. N'est-il pas probable que dans les paroles sinistres que Pompée adressait à Cicéron le 10 décembre (A., VII, IV, 2), il ait fait allusion au coup d'État qu'il savait imminent à Rome ?
[26] Voy. CICÉRON, F., XVI, XII, 4.
[27] SUÉTONE, César, 30.
[28] PLUTARQUE, Pompée, 57.
[29] CICÉRON, A., VII, IV, 2. En ce qui concerne la date et le lieu de cette entrevue, voy. SCHMIDT, B. W. C., 94. Ce changement imprévu, si Pompée n'était pas atteint de folie, ne peut s'expliquer que par quelque événement, et je n'en vois pas d'autre que le vote du far décembre. C'est une nouvelle preuve qu'il y eut deux séances importantes ; en effet quand Cicéron écrivit cette lettre, le coup d'État qui fut la conclusion d'une séance du sénat, n'était pas encore fait.
[30] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 72, place cette séance le 4 décembre ; SCHMIDT, B. W. C., 97, la place le 10 décembre. Ces deux dates me semblent également impossibles : la première, parce qu'on n'aurait pas eu le temps de s'entendre avec Pompée qui n'était pas, comme le croit NISSEN, aux portes de Rome, mais à Naples, ou tout au moins dans un endroit distant de trois ou quatre jours de Rome, comme cela résulte du passage de CICÉRON, A., VII, IV, 2. En outre si le coup d'État avait été fait alors, il aurait dû être l'objet principal de l'entretien qui eut lieu le 10 décembre entre Cicéron et Pompée et dont parle CICÉRON, A., VII, IV. Au contraire Cicéron ne parle du coup d'État, qu'il désapprouve d'ailleurs que dans A., VII, V, 4. De même la seconde date est impossible parce que le 10 Curion n'aurait plus été tribun. APPIEN, B. C., II, XXXI ; DION, XL, 66 ; PLUTARQUE, Pompée, 58 sont d'accord pour dire que le veto fut mis par Curion, et on ne peut pas supposer qu'ils aient tous écrit Curion au lieu d'Antoine. La supposition de Schmidt que Marcellus ait voulu attendre l'entrée en charge des nouveaux tribuns est inutile : dès que le coup d'État était décidé, la résistance ou la complaisance des tribuns n'avaient aucune portée. Je crois donc que la séance eut lieu le 8 ou le 9, dès que fut parvenu le consentement de Pompée.
[31] SCHMIDT, B. W. C., 77-78. La rectification de dates faite par Schmidt me parait excellente.
[32] Voy. SCHMIDT dans le Rh. Museum, XLVII, page 248.
[33] Il ne me parait pas nécessaire de modifier comme le voudrait SCHMIDT, B. W. C., 99, le récit vraisemblable d'APPIEN, B. C., II, XXXII, qui dit que Curion ne fit à marches forcées que le voyage du retour. Il est probable que Curion partit le 10 ou le 11 décembre, qu'il rejoignit César à Plaisance ou ailleurs et se rendit avec lui à Ravenne : et que, quand la nouvelle du coup d'État fut arrivée, il courut porter à Rome l'ultimatum de César. En tout cas il me parait certain que Curion partit de Ravenne, qui est à environ 260 milles de Rome et non de Plaisance ou de Milan, qui est à plus de 400 ; il n'est pas possible, en effet, qu'un homme ait pu faire 400 milles en trois jours. Il faut donc accepter la correction proposée par Mendelssohn et au lieu de τρισχιλίοις lire δισνιλίοις.
[34] SCHMIDT, B. W. C., 98.
[35] CICÉRON, A., VII, V, 4. Sur la date, voy. SCHMIDT, B. W. C., 101. L'iter Pompei est certainement le voyage à Lucera.
[36] CICÉRON, A., VII, VIII, 5. Voy. SCHMDIT, B. W. C., 98.
[37] SCHMIDT, B. W. C., 99.
[38] Voy. CICÉRON, A., VII, III, 5, et le très intéressant passage : A., VII, VII, 7.
[39] CICÉRON, A., VII, VI, 2.
[40] NISSEN, H. Z., XLVI, p. 75.
[41] SCHMIDT, B. W. C., 99.
[42] Cette lettre peut être reconstituée avec les passages de APPIEN, B. C., II, XXXII ; DION, XLI, 1 ; CÉSAR, B. C., I, IX ; SUÉTONE, César, 29 ; PLUTARQUE, Pompée, 59 ; César, 30 ; CICÉRON, F., XVI, XI, 2.
[43] CICÉRON, A., VII, VIII, 4. Cette lettre, qui nous rapporte un entretien avec Pompée est d'une grande importance parce qu'elle nous prouve que le 25 décembre de l'an 50 Pompée lui-même pensait que César ne voulait pas par ambition d'un plus grand pouvoir provoquer la guerre civile, mais seulement défendre sa position politique. Cicéron dit en effet que Pompée putat eum, quum audierit contra se diligenter parari, consulatum hoc anno neglecturunt ac potius exercitum provinciamque retenturum. Cicéron ajoute encore que Pompée ne voulait pas la paix : pacificationis... ne voluntas quidem. Que l'on rapproche ces paroles de celles d'HIRTIUS, B. G., VIII, LII, (Cæsar) judicabat... liberis sententiis patrum conscriptorum causam suam facile obtineri ; et l'on verra que deux autorités très sérieuses affirment directement ou indirectement que César ne voulait pas la guerre. En ajoutant à ces témoignages les actes mêmes de César, qui sont inexplicables si l'on n'admet pas qu'il croyait à la paix, n'arrive-t-on pas à cette conclusion absolue que ce ne fut pas lui, mais Pompée et les conservateurs qui furent responsables de la rupture ?
[44] CICÉRON, A., VII, VII, 6.
[45] CÉSAR, B. C., I, I ; DION, XLI, 1.
[46] Ce n'est pas César qui le rapporte, mais APPIEN, B. C., II, XXXII.
[47] CÉSAR, B. C., I, II.
[48] C'est une supposition vraisemblable que fait NISSEN, H. Z., XLVI, 80, n. 1.
[49] CÉSAR, B. C., I, II.
[50] CÉSAR, B. C., I, III.
[51] CÉSAR, B. C., I, III.
[52] CICÉRON, F., XVI, XI, 2.
[53] CICÉRON, F., VI, VI, 5.
[54] NISSEN, H. Z., XLVI, page 84, n. 1, réfutant l'erreur d'APPIEN, B. C., II, XXXII, a démontré que c'était là la date de la proposition.
[55] Je ne crois pas, comme SCHMIDT (B. W. C., 123), que Roscius et César aient été envoyés après la nouvelle de la prise de Rimini, et comme délégués officiels du sénat. CICÉRON, A., VII, XIII, B., et CÉSAR, B. C., I, VIII, démontrent que chacun d'eux vint de son côté et mandé par Pompée. LANGE, R. A., III, 401 me parait plus près de la vérité, avec cette différence que je ne crois pas qu'ils furent envoyés après la nouvelle de la prise de Rimini qui parvint le 14 janvier. Ils n'auraient pas pu être le 23 à Minturnes ; le temps leur aurait suffi seulement, selon SCHMIDT, (B. W. C., page 123), pour aller jusqu'à Fanum ; et, puisque César affirme que l'entretien eut lieu à Rimini, je ne vois pas de raison pour en douter. On dut décider de les envoyer au moment où l'on eut de nouveau des espérances de paix.
[56] CICÉRON, F., VI, VI, 6 ; VELLEIUS, II, XLIX ; SUÉTONE, César, 29 ; PLUTARQUE, Pompée, 59 ; César, 31.
[57] CÉSAR, B. C., I, V.
[58] CICÉRON, F., XVI, XII, 4.
[59] APPIEN, B. C., II, XXXIV.
[60] CÉSAR, B. C., I, VI ; CICÉRON, XVI, XII, 3.
[61] CICÉRON, F., XVI, XI, 3.
[62] SCHMIDT, B. W. C., 406.