GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME I. — LA CONQUÊTE

CHAPITRE II. — PREMIÈRE EXPANSION MILITAIRE ET MERCANTILE DE ROME DANS LA MÉDITERRANÉE.

 

 

Avec cette guerre commence une nouvelle histoire de Rome et du monde, surtout parce qu'elle hâta, eu Italie, l'avènement de l'ère mercantile dans l'antique société agricole, aristocratique et guerrière. La guerre d'Annibal avait laissé un lourd héritage de guerres que Rome fut obligée de faire dès qu'elle eut conclu la paix avec Carthage ; en Espagne, où il y avait partout des barbares à soumettre ; dans la plaine du Pô, où l'invasion punique avait ranimé l'esprit d'indépendance ; contre les Ligures, qui infestaient les routes maritimes entre l'Italie et l'Espagne et pillaient les côtes gauloises et ibériques ; dans la Macédoine, dont le roi Philippe s'était allié avec Carthage. Sanglante entre toutes fut la conquête des régions appelées aujourd'hui la Romagne et l'Émilie, où pendant dix années à partir de l'an 200 les Boïens renouvelèrent sans cesse une guerre terrible d'embuscades, de sur prises, de paix simulée et de révoltes soudaines, jusqu'à ce qu'en 491, quand la noblesse tout entière fut détruite et le pays dévasté de fond en comble, toute la population capable de porter les armes fut anéantie ; les survivants se rendirent et Rome put leur confisquer la moitié du territoire[1]. Cependant il ne faudrait pas en conclure que la seconde victoire sur Carthage eût donné à Rome l'esprit de conquête. La guerre finie, il se forma au contraire dans l'aristocratie romaine un parti, ayant pour chef le vainqueur même de Zama, Publius Scipion, qui chercha à combattre les ambitions de conquête, d'impérialisme, dirions-nous aujourd'hui, qui avaient grandies depuis la première guerre carthaginoise. Le danger couru par l'Italie pendant l'invasion d'Annibal avait épouvanté tous les esprits clairvoyants ; on comprenait que les citoyens sur lesquels Rome pouvait compter avec sécurité et en toute circonstance n'étaient guère plus de 200.000, et qu'un grand nombre d'entre eux, en leur qualité de petits propriétaires, ne pouvaient pas être gardés longtemps sous les armes, loin du pays ; que par suite la grande politique d'expansion n'était pas populaire parmi les classes moyennes et que les alliés pourraient se révolter de nouveau. La Sicile, la Sardaigne, la Corse, l'Espagne, la plaine du Pô formaient donc un empire déjà trop vaste[2] ; conquérir de nouveaux pays, s'engager à y mettre des troupes et à les défendre était imprudent. Rome. au contraire, malgré l'épuisement de la guerre d'Annibal, était en mesure de faire avec succès, aidée par une diplomatie adroite, une politique de guerres courtes et d'interventions répétées, destinée à affaiblir les autres pays à son profit ; si elle eût pu, en réorganisant les finances, disposer des sommes nécessaires à ces guerres, qui, du reste, eussent très vite donné plus qu'elles n'auraient coûté. Scipion, en effet, veilla avec zèle à la réforme des finances et sa politique réussit pleinement[3]. La guerre contre la Macédoine finit sans annexion de territoire ; la Grèce et les cités grecques d'Asie auparavant soumises à la Macédoine furent déclarées libres ; Philippe dut détruire presque toute sa flotte et son armée et payer un tribut annuel de 50 talents, dix ans durant. De l'or, de l'argent, des esclaves, des terres, tel fut encore le profit des guerres livrées dans la plaine du Pô, en Espagne, en Ligurie. Un butin énorme en métaux précieux et un tribut annuel de 4.000 talents imposé au roi de Syrie pour douze ans constituèrent le bénéfice de la guerre contre Antiochus (189-183), qu'avait amenée la guerre de Macédoine. A la guerre de Syrie s'ajouta celle contre les Galates ; mais cette fois encore on laissa les Galates chez eux et les territoires enlevés à Antiochus furent partagés entre Rhodes et le roi de Pergame. Des paroles et des illusions généreuses colorèrent bientôt d'idéalisme cette politique ; Rome ne combattait pas pour elle, mais pour donner la liberté aux peuples opprimés ! En réalité, l'on inaugura et l'on perfectionna dans ces premiers trente ans une politique d'interventions militaires et d'intrigues diplomatiques qui tendait à affaiblir les grands États de l'Orient en les excitant les uns contre les autres ; la Macédoine contre la Syrie, la Syrie contre l'Égypte, le royaume de Pergame contre la Macédoine.

Ces guerres toutefois accrurent rapidement la richesse de l'Italie, et accélèrent le renouvellement des mœurs, des classes et des fortunes commencé depuis un demi-siècle. Après les sacs de la Grèce et de l'Asie ; après les dévastations de l'Espagne et de la plaine du Pô, les généraux commencèrent à être prodigues avec eux-mêmes et avec leurs soldats[4], et ceux-ci se mirent à trafiquer pour leur propre compte. On en avait déjà vu plusieurs exercer l'usure parmi les indigènes[5] pendant la guerre contre Philippe de Macédoine. Beaucoup de paysans pauvres revinrent avec un petit capital[6]. Dans les campagnes d'Italie, la cupidité s'éveilla et les volontaires accoururent en grand nombre pour les guerres lucratives[7]. En même temps, avec tous ces butins et ces tributs, l'État romain remettait de l'ordre dans les finances dérangées par la guerre avec Annibal, payait les dettes, se trouvait en mesure de dépenser largement pour des entreprises civiles ; et comme la diffusion de la culture grecque dans un certain nombre de grandes familles, l'accroissement des moyens, un esprit universel d'audace et d'innovation représenté par le parti de Scipion, incitaient à faire les choses largement, il prodigua l'argent de toutes parts. L'antique politique agraire favorable à la classe moyenne fut reprise ; de 189 à 177 six grosses colonies, outre plusieurs petites, furent fondées ; Bologne, Parme, Modène, Aquilée, Lucques, Luni, dans lesquelles les colons reçurent des champs plus vastes que dans les colonies plus anciennes. En 187 on commença la construction de la voie Émilienne pour relier Rimini à Plaisance. En 181 Caton entreprit, parmi les autres travaux, l'achèvement du drainage de Rome. En 180 on transporta 40.000 Ligures de leurs vallées natales dans les solitudes du Samnium dévasté. En 177 on ouvrit la via Cassia. La censure de 174 fut célèbre par le grand nombre de travaux publics commandés à Rome et dans les colonies. Les adjudications des travaux publics et des fournitures militaires furent. plus fréquentes, et beaucoup de jeunes gens de la classe moyenne qui avaient rapporté un petit capital des guerres d'Orient et d'Occident en sollicitèrent et en obtinrent facilement, tantôt seuls, tantôt associés à des amis, tantôt en se faisant prêter des capitaux par un homme riche qui participait au gain. La connaissance et le maniement de ces affaires se répandirent bientôt, et les entrepreneurs devinrent vite plus nombreux à Rome et dans les villes d'Italie, jusqu'à former une classe de capitalistes moyens qui vivaient à l'aise sur les fournitures publiques[8], et dont les plus audacieux et les plus heureux firent de grandes fortunes. D'autres se disputaient la perception, qui s'affermait, de la dîme de tous les produits — grains, huile, vin — en Sicile et en Sardaigne, où celle des dîmes et des droits de pâturage sur les terres publiques (scriptura) ; d'autres, au contraire, s'enrichirent par l'achat des terres privées et en affermant des mines, des forêts et des terres publiques. L'année qui suivit la paix avec Carthage, on spéculait déjà beaucoup à Rome sur les terres de l'Italie méridionale[9], qui valaient peu, à cause des dévastations et de la mort des propriétaires, et ensuite, au fur et à mesure que les capitaux et les esclaves furent plus nombreux, toute l'Italie spécula sur le nouvel ager publicus. Dans cette grande abondance de terres, beaucoup de petits propriétaires, latins ou alliés, en obtinrent facilement un morceau qu'ils ajoutèrent à leur propre champ et qu'ils mirent en culture[10] après avoir acheté quelques esclaves sur leurs économies de la guerre ; d'autre part, ceux qui avaient de gros capitaux louèrent de vastes terres publiques, soit en Italie, soit dans la vallée du Pô récemment conquise, soit en Sicile pour y faire paitre par des esclaves de gros troupeaux de bœufs, de porcs, de brebis et de chèvres. Le grand élevage nomade devait, durant ces années, être d'un grand rendement par suite des grosses dépenses militaires ; les armées consommaient dans tant de guerres beaucoup de cuir pour les tentes, beaucoup de poil de chèvres pour les machines[11], beaucoup de viande de porc salé[12]. Un certain nombre de familles sénatoriales et beaucoup de particuliers s'enrichirent promptement, surtout par la location des terrains de Sicile[13].

Mais la prospérité et les progrès rapides de l'esprit mercantile changèrent peu à peu l'antique façon de vivre. Les soldats revenus d'Orient, les gros entrepreneurs, les riches fermiers des terres publiques ne voulurent plus vivre comme leurs ancêtres. Ce n'était pas que les mœurs rustiques de la vieille Italie se fussent raffinées, car en 174 Rome était encore méprisée en Grèce comme un gros village sans belles rues, sans monuments ni palais[14]. Dans la métropole elle-même les maisons des grands étaient toujours petites et dénuées d'ornements[15] ; l'antique et dure éducation de la jeunesse ne s'était pas adoucie[16]. Mais le désir de jouir, si longtemps contenu, éclata dans les appétits primordiaux et animaux ; la gloutonnerie, la sensualité, la vanité, le besoin d'émotions violentes, cette ostentation des choses coûteuses et cette profusion de la richesse faite uniquement pour montrer qu'on la possède, le luxe absurde et grossier des parvenus. A Rome un cuisinier habile fut payé extrêmement cher[17] ; les repas frugaux de jadis se prolongeaient en banquets interminables pour lesquels on rechercha les friandises les plus rares, comme les vins de la Grèce, les saucisses et les poissons salés du Pont[18]. L'art délicat d'engraisser les volailles fut apporté de Grèce en Italie[19] ; on vit des citoyens se montrer en état d'ébriété dans les assemblées, des magistrats s'acheminer vers le Forum à demi ivres, les yeux brillants. et interrompre de temps à autre leurs affaires pour courir aux amphores que les édiles faisaient déposer dans les coins écartés des rues et des places[20]. Les belles esclaves et les beaux éphèbes coûtèrent fort cher[21] ; et la débauche se répandit tellement qu'en 186 le Sénat dut réprimer les désordres des Bacchanales et en 181 promulguer la lex Orchia contre les ripailles. Les cultes orientaux, dissolus et excitants, commencèrent à se divulguer[22] ; non seulement le public des classes moyennes apprit à goûter des traductions et des adaptations de comédies grecques ; mais dans les antiques, simples et trop rares fêtes latines on intercala des spectacles violents, comme les chasses aux bêtes sauvages[23] et les jeux de gladiateurs à l'occasion des funérailles[24]. La loi Oppia contre le luxe fut abolie[25] ; les marchandises de l'Orient, les parfums, les tapis babyloniens, les meubles incrustés d'or et d'ivoire furent achetés à Rome à des prix exorbitants par des parvenus[26]. Naturellement les cités plus petites imitaient la métropole dans la mesure de leurs moyens, de même que les petites noblesses locales copiaient le faste croissant des grands de Rome, se pressant comme eux à des fêtes et à des banquets. Ainsi l'agriculteur de l'Ombrie ou des Pouilles, qui avait guerroyé dans les riches pays d'Orient, rentrait chez lui, comme aujourd'hui nos paysans libérés du régiment, avec des désirs et des besoins plus grands. Beaucoup prirent en dégoût les durs travaux si chers à leurs pères ; on vit des soldats aller à la guerre avec un serviteur pour porter leur fardeau et préparer leurs repas[27], des petits propriétaires acheter des esclaves pour avoir eux-mêmes moins de peine.

Mais ces nouveaux besoins, et ce luxe des classes moyennes et des riches développaient à leur tour, à Rome et en Italie, le travail des artisans, les occasions de gain pour les petits et les grands capitalistes. Beaucoup de Romains et d'Italiens qui, en qualité de soldats ou de fournisseurs des armées, avaient visité les pays étrangers et s'étaient rendu compte de leurs ressources, furent poussés au commerce par l'abondance du capital, par la consommation croissante des produits asiatiques en Italie, par la puissance de Rome dans la Méditerranée. Beaucoup d'entre eux vendirent le champ de leurs pères et achetèrent un navire ; certains — pour la plupart des hommes de. l'Italie méridionale, à ce qu'il semble — s'établirent à Délos, après 192, et y ouvrirent des entrepôts de marchandises asiatiques, pour les acheteurs qui venaient d'Italie emplir d'objets divers leur vaisseau, et auxquels il était plus commode de mettre le cap sur Délos que sur Rhodes ou sur Corinthe[28]. D'autres exercèrent le commerce entre Délos et Rome ou dans la Méditerranée occidentale. Il s'éleva beaucoup de petits chantiers sur les côtes italiennes ; les forêts publiques de la Sila, où l'on recueillait la poix pour les navires, furent affermées pour de grosses sommes[29] ; il n'y eut pas jusqu'aux membres de la noblesse sénatoriale qui ne participassent aux gains de ce commerce maritime en prêtant à des citoyens romains ou à des affranchis les capitaux nécessaires pour leurs entreprises[30]. A l'expansion militaire succédait l'expansion mercantile. A Rome, sur ces entrefaites, on ouvrit les premiers bains publics[31] peu après la seconde guerre punique, puis, en 174, les premiers fours pour les ouvriers et les marchands célibataires qui ne pouvaient se faire fabriquer le pain à la maison par des esclaves[32]. Beaucoup d'artisans grecs y furent amenés par les généraux, pour préparer leurs fêtes et leurs triomphes[33] ; beaucoup d'orfèvres se firent changeurs, tant il affluait de monnaies étrangères à Rome, et un grand nombre de ces changeurs, encouragés par les gains et par l'abondance du capital, devinrent banquiers, acceptèrent des dépôts, firent des prêts. De nombreux étrangers et Italiens vinrent ouvrir des tavernes, des bains, des teintureries, des boutiques de savetiers, d'orfèvres, de tailleurs[34] ; se firent impresarios de théâtre ou écrivains de comédies. Un Ombrien de Sarsina, Plaute, après avoir échoué dans diverses spéculations et exercé différents métiers pour vivre. faisait alors de l'argent à Rome en adaptant avec beaucoup de verve comique et d'habileté littéraire des comédies grecques pour le public romain. Les gens de la campagne étaient attirés des environs à Rome en si grand nombre que les cités latines s'en plaignirent au Sénat en 187 et en 177[35]. Le prix des terrains augmentait avec la population ; les maisons de rapport, en bois, prodigieusement hautes, administrées par un affranchi ou par un locataire général, étaient d'un grand rendement. les artisans ou les petits marchands de Rome étant obligés de louer une chambre à des prix très élevés[36]. Dans les environs de Rome on affermait très cher les jardins potagers, les cours d'eau pour les teintureries, les étangs et les sources chaudes pour des bains[37]. Celui qui possédait déjà ou avait su acheter à temps des terrains à Rome s'enrichit rapidement.

Et enfin par l'effet de cette prospérité universelle le commerce des esclaves s'accrut bientôt. En trente ans tout le monde en Italie eut besoin de travailleurs ; les concessionnaires des terres publiques pour les troupeaux, les entrepreneurs pour les travaux publics et les fournitures militaires, l'État pour les services publics, les marchands navigateurs pour les chiourmes des vaisseaux, les riches pour le service domestique et pour les jeux des gladiateurs, les petits propriétaires et les classes moyennes pour se faire aider dans les travaux les plus durs.

Le commerce des esclaves s'organisa sur une grande échelle, non seulement dans les campements où les prisonniers de guerre étaient aussitôt vendus à très vil prix, aux officiers, aux soldats, aux marchands qui suivaient l'armée, mais sur toutes les frontières de l'Empire, où les petits rois et les chefs barbares, comme les négriers d'Afrique, vendaient les prisonniers de guerre et parfois même leurs sujets. De l'extrême Gaule, de la Germanie, des montagnes du Caucase, les longs convois d'esclaves enchaînés descendaient continuellement vers les rives riantes de la Méditerranée et de la mer Noire, dirigés sur Marseille, sur Aquilée, sur Penticapée, sur Phanagorie, sur Diomiriade, où les marchands indigènes et italiens les attendaient. Ils les payaient aux chefs barbares ou à leurs agents en vin, en sel, en or et en argent ; puis ils les embarquaient directement pour l'Italie ou pour Délos, où les marchands venaient les chercher en même temps que les autres denrées asiatiques[38]. Beaucoup d'Italiens s'enrichirent par le commerce des hommes ; d'autres s'adonnèrent à Rome ou en Italie à l'éducation des esclaves, firent apprendre des métiers aux jeunes gens pour les revendre[39], les dressèrent à l'escrime pour les louer ensuite comme gladiateurs dans les funérailles de luxe.

Les premières trente années du second siècle avant Jésus-Christ furent pour l'Italie une de ces époques heureuses où celui-là même qui commence avec peu de capital peut faire fortune, parce que la production et la consommation grandissent rapidement et à la fois ; quand le travail abonde, les beaux gains sont aisés ; de toute richesse nouvelle naissent beaucoup de nouvelles occasions de gain ; l'accumulation des capitaux est facile, rapide, intense. Beaucoup de gens pauvres devinrent aisés, beaucoup de gens aisés devinrent très riches ; à côté de la noblesse historique, il surgit ce que nous appellerions une bourgeoisie nouvelle de capitalistes millionnaires, inscrits par les censeurs dans les centuries des chevaliers et qui s'étaient enrichis dans la traite des esclaves, le commerce maritime, le fermage des impôts, des terrains et des mines de l'État, les fournitures militaires. L'ordre équestre qui était auparavant une classe de propriétaires aisés, mais non nobles, devint bientôt une classe de riches capitalistes et de marchands. L'esprit mercantile se répandit partout, dans le petit peuple comme dans l'aristocratie, triomphant peu à peu, même dans les familles les plus conservatrices, des préjugés et des répugnances de l'ère agricole. Caton, par exemple, le premier qui fût entré au Sénat appartenant à une famille de propriétaires moyens de la Sabine, avait d'abord voulu être le persécuteur des usuriers et le type achevé du landlord antique ; mais il se jeta. ensuite dans les affaires et devint lui aussi un homme de son temps, s'associa avec des marchands armateurs, fit de l'usure, des spéculations sur les terrains, et le commerce d'esclaves[40].

Et pourtant sous cette prospérité se préparait un changement immense et terrible en toutes choses, car partout le contraste violent entre l'ancien et le nouvel ordre de choses altérait la composition des classes. Si la plèbe romaine, demeurée dans la campagne, vivait encore à la manière antique ; était sobre, simple, honnête ; respectait la noblesse et la loi, au contraire les citoyens qui allaient s'établir à Rome pour s'adonner aux métiers, au commerce, à la navigation, aux entreprises, contractaient tous les vices de la plèbe des riches cités mercantiles ; la débauche, l'avidité, la paresse, le désir des amusements, l'indiscipline, l'égoïsme du célibat, la forfanterie. La pureté de la race se perdait ; le peuple de Rome se transformait en un mélange informe de gens de toute extraction et de tout pays, au fur et à mesure que les esclaves orientaux, espagnols, gaulois, scythes étaient affranchis et devenaient citoyens ; bientôt les vieillards de l'époque d'Annibal ne reconnurent plus leur Rome de jadis tranquille et réservée. De quels tapages on saluait désormais chaque escarmouche victorieuse sur une tribu barbare ! Les honneurs du triomphe étaient prodigués à tous les généraux[41] dont on appréciait la discipline relâchée, la générosité des dons au moment des triomphes et la rapidité à finir la guerre. Tous à Rome étaient maintenant professeurs de stratégie et (le tactique ; jusque dans les camps et devant l'ennemi, ces plébéiens turbulents et riches critiquaient les mouvements du général, obéissaient à regret[42], méprisaient comme des sujets les Latins et les alliés[43].

Dans la noblesse historique, beaucoup de familles ne surent pas profiter des occasions qui s'offraient alors, de même que peu de familles nobles de la vieille Europe ont su, dans notre siècle, fonder des industries ou spéculer à la Bourse. Elles continuèrent à vivre à la mode ancienne sur des patrimoines qui autrefois représentaient une belle fortune ; tels étaient les Elii qui vivaient au nombre de seize, et, chacun avec ses enfants, dans une seule maison avec ce que leur rapportait un seul domaine[44] ; les Fabricii Luscini, les Atilii Calatini, les Manlii Acidini[45], les Paul Émile[46]. D'autres au contraire s'enrichirent, mais conservèrent les usages et les idées anciennes, s'enorgueillissant d'être les champions de la tradition. Tiberius Sempronius Gracchus était de ceux-là ; préteur en Espagne, il avait conclu d'équitables traités d'alliance avec les principaux peuples ; et le pays pacifié, il l'avait sauvé des capitalistes en introduisant dans cette province comme tribut, non pas la dîme affermée aux publicains qui était en vigueur en Sardaigne et en Sicile, mais le stipendium, contribution moitié en numéraire et moitié en nature, qui était recouvrée par le gouverneur[47]. Mais il ne tarda pas à paraître, même dans l'aristocratie romaine, une génération de politiciens jeunes, ambitieux, orgueilleux et avides qui-transformèrent l'esprit modéré et sage d'innovation représenté par Scipion et son parti en un effort révolutionnaire destiné à faire prévaloir dans la vie privée et publique, contre l'antique esprit de discipline familiale et sociale, les passions les plus violentes ; la cupidité, l'orgueil, la hâte de parvenir à tout prix, le mépris des traditions, la facile admiration de la civilisation gréco-asiatique. Les uns se portaient comme candidats aux magistratures avant l'âge légal[48] ; d'autres osèrent corrompre ouvertement les électeurs[49] ; d'autres encore se mirent à spéculer ou se servirent des magistratures pour s'enrichir, se faisant céder par des censeurs amis des terres publiques au delà de la mesure fixée par les lois liciniennes, les usurpant comme biens propres[50], gardant l'argent retiré de la vente du butin, dépouillant les populations sujettes et les alliés[51] ; d'autres enfin corrompirent la diplomatie de Rome, méprisant comme un préjugé stupide ce droit des gens que Rome avait observé jusque-là scrupuleusement à la guerre. Dédaigner tous les étrangers, s'imposer à n'importe quel prix et réussir par tous les moyens, tels furent les principes de la nouvelle diplomatie qui, par des intrigues d'une astuce de plus en plus perfide, abaissa les États alliés, Rhodes, le roi de Pergame, l'Égypte, jusqu'à l'abjection de vassaux ; qui, dans les cités indépendantes de la Grèce, dans les grands États de l'Asie, encouragea les discordes, l'espionnage, l'esprit séditieux, les guerres civiles, y protégea les hommes et les partis les plus méprisables, afin seulement de dominer sans effort ni danger. On considéra désormais que n'importe quelle perfidie était légitime contre les barbares, qu'on pouvait même les attaquer et les exterminer sans provocation ni déclaration de guerre[52], quitte à les protéger contre les États civilisés, quand cela paraissait avantageux[53]. Dans la cavalerie, les turnes — nous dirions les régiments — où servaient les jeunes gens des familles riches devinrent un grand souci pour les généraux à cause de leur indiscipline[54]. Dans la noblesse les femmes acquirent plus de liberté ; elles se débarrassèrent de la tutelle perpétuelle du mari et s'assurèrent la libre administration de leur dot ; les adultères et les divorces devinrent fréquents et le tribunal domestique ne fut plus guère convoqué. Les familles nobles qui, altières et austères, conservaient les traditions antiques, les hommes insignes par leur intelligence et leur caractère, les vieillards qui avaient vu la seconde guerre punique, les pédants, les mécontents, les envieux des nouvelles fortunes regrettaient alors, pour des motifs divers, comme Dante au début du quatorzième siècle et comme les cléricaux et les conservateurs de nos jours, ces temps où Rome se tenait en paix, sobre et pudique. Ils se répandaient en plaintes sur la brutale cupidité des publicains, la corruption des familles, la perfidie de la nouvelle diplomatie, l'invasion des mœurs asiatiques. De temps en temps ils parvenaient même à faire approuver quelque loi destinée à réprimer les abus nouveaux, et ils faisaient élire quelqu'un des leurs aux magistratures. Parfois aussi quelque scandale retentissant agitait et indignait le public. Mais la colère publique se calmait ; les magistrats rentraient dans la vie privée ; les discours et les lois s'oubliaient peu à peu[55] ; la sévérité des temps anciens se relâchait, non seulement dans l'opinion publique, mais encore dans les lois qui, vers le début du second siècle, abolirent la peine des verges et celle de mort pour les citoyens romains, à Rome et dans les provinces[56], abolirent aussi la peine des verges dans l'armée, et prescrivirent pour les condamnations à mort des soldats, qui étaient citoyens, une procédure moins expéditive.

Ainsi malgré les molestations et les scandales, au fur et à mesure que la cupidité, le luxe, l'orgueil personnel et familial se propageaient dans la noblesse, l'esprit de clientèle et de caste, les égards d'amitié ou de famille, l'ambition, l'avidité de l'argent prévalaient sur le sentiment du devoir, et les efforts pour accélérer la révolution mercantile de l'ancienne société rurale se faisaient plus intenses et plus résolus. Plusieurs censeurs, tels que Titus Quintius Flamininus, Marcus Claudius Marcellus, Marcus Emilius Lepidus, Marcus Fulvius Nobilior, remanièrent à diverses reprises, dans les trente premières années du siècle, les listes des citoyens, dans le but d'accroître dans le corps électoral la puissance de la petite plèbe urbaine, moins conservatrice et plus corruptible, au détriment de la classe moyenne des campagnes. Non seulement ils inscrivirent facilement parmi les citoyens les Latins venus à Rome pour exercer le petit commerce et les humbles métiers ; mais ils donnèrent des droits politiques aux affranchis, qui étaient tous des étrangers, et les firent voter dans trente et une tribus rurales, se servant ainsi d'eux pour diminuer la prédominance des électeurs des campagnes dans toutes les circonscriptions et pour composer un corps électoral cosmopolite et hétérogène avec une politique démagogique qui n'a d'analogue peut-être que celle d'aujourd'hui aux États-Unis. Singulière ironie de l'histoire ! Une démagogie cosmopolite d'étrangers arrivés par hasard dans la métropole, comme hâtes adventices, opéra le changement décisif d'où devait naître la politique impériale et l'empire de Rome, malgré les répugnances de la population sincèrement romaine, qui ne voulait abandonner ni les mœurs ni la politique de ses pères[57].

Cependant avec l'esprit mercantile, avec la puissance mondiale et le cosmopolitisme, la culture intellectuelle progressait, et c'était là une dernière et terrible force de dissolution de la vieille société. La philosophie grecque, spécialement le stoïcisme, s'enseignait dans les familles nobles et ouvrait l'esprit à la compréhension des idées générales. Les théories politiques, élaborées par les Grecs sur la démocratie et sur la tyrannie, commencèrent à être connues et discutées dans la noblesse qui n'avait gouverné jusque-là qu'avec l'empirisme traditionnel. Les tentatives littéraires commencées depuis un demi-siècle aboutirent enfin, au milieu du ferment de ce renouveau ethnique, intellectuel et social de Rome, et par l'entremise d'écrivains sortis de ce monde cosmopolite, à la création des premières œuvres suffisamment originales et complètes pour pouvoir être ensuite admirées comme classiques. L'Ombrien Plaute écrivit, dans une langue saine et puissante, les plus belles comédies latines. De la Calabre, à demi grecque, vint à Rome le père de la littérature, Ennius, qui introduisit l'hexamètre dans le Latium, mit en vers l'histoire de Rome pour flatter l'orgueil de ses protecteurs et écrivit un traité sur la bonne cuisine pour satisfaire leur gourmandise. Un peintre et poète de Brindisi, Pacuvius, composa des tragédies qui demeurèrent longtemps célèbres ; des comédies furent écrites par, Statius Cécilius, un Gaulois, probablement milanais, qui avait été fait prisonnier dans les guerres pour la conquête de la Gaule cisalpine et vendu comme esclave à Rome. Par contre la peinture et la sculpture grecques étaient encore assez peu connues, et seuls les artistes des colonies grecques de l'Italie méridionale travaillaient pour toute la péninsule et pour Rome.

La guerre contre Persée (172-168), fils de Philippe de Macédoine, qui avait tenté de reconquérir les domaines perdus par son père, parut déterminer une réaction contre l'esprit mercantile de la nouvelle époque. La guerre, à cause de l'inaptitude des généraux et de l'indiscipline des soldats, commença par des défaites retentissantes, qui firent un instant chanceler le prestige de Rome en Orient, au point que nombre de petits États et de petites villes se déclarèrent contre elle et qu'Antiochus, roi de Syrie, osa prendre les armes et s'emparer de l'Égypte. Mais le peuple se ressaisit et choisit pour diriger la guerre Paul-Émile, illustre survivant de la génération qui avait combattu contre Annibal et qui depuis de longues années vivait à l'écart. Et tout d'abord ses brillantes victoires semblèrent ramener au pouvoir le parti conservateur. Il fit approuver par le Sénat une paix qui ne répondait nullement aux idées de la nouvelle diplomatie ; tout l'immense butin, sauf une faible partie distribuée à ses soldats et à ses amis, fut versé au Trésor public ; la Macédoine fut partagée en quatre districts, chacun avec un gouvernement propre et sans qu'il leur fût permis de trafiquer entre eux ; un tribut, égal à la moitié de celui que la Macédoine payait à son roi, lui fut imposé ; les mines d'or furent fermées, afin que les capitalistes italiens n'envahissent pas le pays[58]. En même temps les censeurs Tiberius Sempronius Gracchus et Caius Claudius revoyaient à Rome avec une grande sévérité les listes des chevaliers, cherchaient à refréner l'avidité des entrepreneurs et à diminuer la puissance de la démagogie cosmopolite en chassant les affranchis des tribus urbaines et eu les inscrivant tous, semble-t-il, dans une seule tribu[59]. Un moment, le Sénat et les comices, épouvantés, parurent vouloir rétrograder et ramener Rome à son ancien état[60] ; mais ce revirement dura peu. La paix, à cause des immenses sommes versées au Trésor par Paul-Émile, fut suivie d'un rapide enrichissement de toutes les classes[61], qui augmenta bientôt la corruption et fit oublier tous les malheurs de la guerre, et la diplomatie de Rome devint plus violente, plus cruelle, plus perfide dès que, la Macédoine tombée, la république romaine se sentit la puissance prédominante de la Méditerranée. Les rois de Bithynie et de Pergame virent leurs hommages repoussés avec dédain ; Antiochus reçut brusquement de Popilius, comme un serviteur, l'ordre de lever le siège d'Alexandrie. Ceux qui en Asie et en Grèce avaient seulement hésité à prendre parti pour Rome furent sévèrement punis ; Délos donnée aux Athéniens, Antissa rasée ; dans toutes les villes de la Grèce les personnages de marque exécutés ou déportés en Italie, entre autres plus de mille Achéens et parmi ceux-ci le plus grand historien de l'antiquité, Polybe. Un grand parti voulait même la destruction de Rhodes, en disant qu'elle avait désiré la défaite de Rome pendant la guerre et qu'elle était trop orgueilleuse ; en réalité on voulait la dépouiller[62] ; le Sénat se contenta de la ruiner. Elle avait de grands entrepôts et retirait d'énormes[63] revenus des douanes ; on n'eut qu'à déclarer Délos port franc, et le marché de cette île grandit jusqu'à pouvoir rivaliser avec Carthage et Corinthe[64].

Mais après la guerre contre Persée tout se relâcha peu à peu ; la guerre, le commerce, la spéculation. La Gaule cisalpine une fois domptée, la Ligurie, l'Espagne et l'Orient réduits à l'impuissance, les occasions d'interventions et de guerres importantes manquèrent de 168 à 154. Par suite les fournitures militaires furent rares et les gains extraordinaires que la noblesse et les paysans rapportaient chez eux diminuèrent. De même les travaux publics, au lieu d'augmenter chaque année, restèrent stationnaires quand au bout de trente ans on eut terminé les grandes entreprises nécessaires à la nouvelle situation de Rome en Italie. C'est ainsi que le Trésor de l'État, ne pouvant tout dépenser, se trouva, en l'an 157, gros de 46.840 livres d'or, de 22.070 livres d'argent et de plus de 61 millions de livres d'argent monnayé[65]. La spéculation sur les terrains publics elle-même s'arrêta, parce que la plus grande et la meilleure partie de l'ager publicus était déjà affermée, divisée entre des colonies, ou volée par des familles puissantes. Le commerce fit des progrès moins rapides, quand les gains subits se furent faits plus rares ; la génération qui vint après la guerre de Persée ne connut pas comme la génération précédente les enrichissements faciles et rapides. Au contraire le changement dans les mœurs qui faisait croitre les besoins et les frais de l'existence ne se ralentit pas ; il se fit même plus intense dans cette génération, plus avide de plaisir, d'argent, d'excitation, moins prête aux dures fatigues que la génération précédente. Il en arrive toujours ainsi dans l'histoire ; le désir d'agrandir son propre train de vie naît d'abord chez quelques-uns seulement, mais si ceux-ci ne sont pas vaincus par la résistance des vieilles mœurs qu'ils doivent en partie troubler pour se satisfaire, on voit grossir à chaque génération le nombre de ceux qui veulent participer aux jouissances nouvelles, et s'accroître leurs désirs par la contagion de l'exemple et par la nécessité presque mécanique des événements, au fur et à mesure que l'ancienne société périt ; comme on ne sait plus vivre à la manière antique, on cherche de plus en plus à vivre d'après la nouvelle. Tout alors change, traditions, institutions, idées, sentiments, pour satisfaire l'universel besoin d'une existence plus riche. C'est ainsi que dans le second tiers de ce siècle-là les frais de la vie s'accrurent, non seulement à Rome, mais partout en Italie, à la ville et à, la campagne. Les besoins augmentèrent ; le luxe de la table[66] et la débauche sous toutes les formes[67] firent de rapides progrès ; le prix des objets industriels augmenta sans doute par suite de l'abondance de l'argent, tandis qu'au contraire les rentrées de beaucoup de propriétaires diminuèrent, les gains extraordinaires des guerres se faisant plus rares. Dans les environs de Rome cependant la terre rapportait beaucoup à mesure que la population et la richesse de la ville croissaient. La Gaule cispadane, elle aussi, semble avoir moins souffert que les autres régions[68] sans doute parce que la voie Émilienne était très fréquentée par les armées qui allaient dans la vallée du Pô ; par les marchands et les convois d'esclaves, de troupeaux et de bergers qui venaient de Rome, de sorte que dans les villes fondées sur son parcours les denrées des campagnes avoisinantes se vendaient bien. Mais il n'en était pas ainsi dans les régions qui s'étendaient autour de villes solitaires, éloignées des grandes routes, surtout dans l'Italie méridionale. Les propriétaires italiens cultivaient alors principalement le blé et un peu aussi la vigne et l'olivier[69] ; mais le blé dans le monde antique, même dans les pays pourvus de bonnes routes, devait être vendu sur les marchés voisins, parce que les frais et le risque d'un transport lointain l'auraient mis à un prix trop élevé pour qu'il pût se vendre. Les autres denrées, comme le vin et l'huile, étaient rares, mauvaises et souvent, faute de routes, impossibles à transporter. Il arrivait donc que lorsque le petit et le moyen propriétaires d'une région d'Italie très éloignée, pressés par le besoin d'argent et les dépenses croissantes, produisaient davantage ou consommaient moins eux-mêmes ; il leur fallait vendre sur le marché à si vil prix que les habitants de Rome où la vie était si chère en demeuraient stupéfaits[70].

Sur les campagnes d'Italie l'usure s'abattit comme un fléau ; de nombreuses familles qui depuis des siècles s'asseyaient paisiblement autour du foyer des ancêtres durent partir et s'en aller à l'aventure le long des grands chemins de l'Italie et du monde. L'antique agriculture italienne se mit à décliner et avec elle s'abîma lentement, dans l'océan du passé, l'Italie fédérale, osque, sabellique, ombrienne, latine, étrusque, gauloise, aux innombrables cités fortifiées de tours et de murs ; l'Italie des petites républiques alliées, des colonies latines et des municipes romains. Beaucoup de financiers et de sénateurs qui marquèrent à Rome au commencement du siècle suivant étaient nés de familles originaires des municipes et des colonies latines[71]. Il est donc vraisemblable de supposer qu'un demi-siècle auparavant beaucoup de bonnes familles des municipes, des colonies latines, des cités alliées, qui commençaient à s'appauvrir, vinrent à 'tome où elles pouvaient espérer se refaire et vivre modestement sans rougir devant ceux qui les avaient vus dans la prospérité. De même dans la classe moyenne beaucoup de jeunes gens durent abandonner la campagne pour la ville voisine, avec l'espoir de s'enrichir ; et ne trouvant pas de travail dans les petites villes, appauvries par l'émigration des grandes familles et par la détresse croissante des paysans, la plupart d'entre eux furent poussés jusqu'à Rome... La lutte pour la vie commença à se faire dure à Rome et en Italie ; dans tous les métiers et dans les entreprises qu'on pouvait aborder avec peu de capital, la concurrence augmenta et les gains diminuèrent ; la misère se mit à croupir partout dans de vastes marais, qui auraient bientôt, comme il arrive toujours, empoisonné de leurs miasmes l'air respiré par les riches. A Rome, où tous se pressaient, attirés par le remous d'opulence de la métropole, la famine devint un tourment et une humiliation de toutes les heures. Dans sa grandeur croissante, à mesure que la population augmentait, la ville devait chercher sur des marchés plus lointains du blé pour se nourrir ; mais plus les marchés étaient distants, plus le pain renchérissait à Rome, et aussitôt qu'il survenait une année mauvaise. le petit peuple souffrait de la faim et faisait des dettes chez les boulangers[72].

A cela vint s'ajouter un autre mal, plus grave encore, l'appauvrissement, la corruption et la disparition de la vieille aristocratie romaine ; la décadence progressive, physique, économique et morale de la classe dirigeante de Rome. Dans les familles nobles enrichies pendant la période prospère du commencement du siècle, l'orgueil et la débauche corrompirent beaucoup de jeunes gens, qui grandirent paresseux, stupides et vicieux. Dans d'autres familles qui, par incapacité ou par orgueil, avaient négligé d'accroître leurs propres richesses, si une première génération avait encore pu vivre d'après les antiques traditions, la génération suivante céda à la force de l'exemple. Beaucoup de jeunes gens se couvrirent de dettes ; les uns congédièrent leur clientèle, vendirent la maison des ancêtres, se résignèrent à habiter une maison louée[73], essayant de disparaître dans la foule et de vivre des débris de leur fortune ; d'autres encore tentèrent de gagner de l'argent en faisant de la politique. Peu à peu, sans s'en apercevoir, Rome en venait à n'être plus gouvernée par une aristocratie qui considérait le pouvoir comme un devoir, mais par une noblesse dégénérée, besogneuse, qui voulait par les magistratures se procurer des richesses et qui, tout en méprisant par envie les millionnaires récemment inscrits dans l'ordre des chevaliers, se liait d'amitié avec eux. Pour quelles raisons, il est facile de le supposer. La corruption, il est vrai, n'était pas encore effrontée ni évidente, bien que des scandales éclatassent parfois, comme celui du préteur Hostilius Tubulus, qui en 142 fut convaincu d'avoir vendu sa sentence dans un procès d'assassinat [74]. Mais qui pouvait surveiller les corruptions invisibles, les orgies auxquelles les riches banquiers invitaient les nobles besogneux et gloutons ; l'aide donnée dans les élections au moyen de l'argent et de la clientèle ; les dons secrets, partes — nous dirions d'actions — accordés dans les sociétés des publicains ? Et en attendant — quoique les gens naïfs ne comprissent pas pour quelle raison —les mines d'or de la Macédoine, fermées par Paul-Émile, étaient louées, dix ans après, avec les terres du roi de Macédoine à des capitalistes romains[75] ; chaque fois que de riches chevaliers étaient appelés en jugement par le Sénat pour des fautes ou des négligences, ils étaient toujours défendus par des patrons influents, et acquittés[76] ; l'on voyait désormais les financiers occuper au théâtre des places d'honneur, et usurper les insignes du rang des sénateurs[77]. L'argent devenait la puissance suprême de la république. Chose pire encore, l'armée se décomposait. A mesure que croissaient l'aisance, l'orgueil, les vices, la cupidité de cette oligarchie mercantile d'artisans, d'affranchis, d'entrepreneurs, d'armateurs qui formaient alors le peuple romain ; à mesure que la noblesse en dégénérant perdait le prestige et les richesses, et qu'au lieu de dépenser magnifiquement ses revenus pour le bien général elle aspirait au pouvoir pour les augmenter, l'esprit démocratique, l'idée que le peuple était maître de. toutes choses et devait commander à tous, faisait de grands progrès[78]. Cette idée ne menaçait pas encore l'État de ruine ; elle avait néanmoins déjà détruit la discipline dans l'armée. Les consuls, au moment des levées, et pour ne pas se faire trop d'ennemis, exemptaient un grand nombre de citoyens romains, les riches surtout, pour qui le service militaire dans des pays lointains, en les enlevant à leurs affaires et aux plaisirs de la ville, était un fardeau insupportable. Les officiers n'osaient plus punir les citoyens, qui se seraient ensuite vengés en votant dans les comices ; ils les laissaient amener aux camps des esclaves, des maîtresses ; s'enivrer, prendre leurs bains chauds, commettre des cruautés et des rapines, fuir les fatigues et les dangers, de sorte que la lâcheté et la bassesse éclataient dans toutes les armées[79]. On s'ingéniait à trouver toutes sortes de moyens pour alléger les maîtres de l'empire de ce poids de la milice, en abaissant le cens pour ceux qui étaient astreints au service, réduisant celui-ci à six ans ; en congédiant les soldats qui avaient fait six campagnes[80] ; en augmentant les contingents des colonies latines et des alliés, parmi lesquelles les paysans robustes abondaient encore[81]. Mais depuis que les légions des citoyens romains n'étaient plus le modèle, mais le scandale des campements, on ne pouvait plus maintenir la discipline dans les cohortes des alliés et des Latins ; et les armées dégénéraient en écoles de gloutonnerie, de rapines et de cruauté.

De cette lente décomposition d'une société guerrière, agricole et aristocratique, commencée alors qu'elle avait déjà conquis l'hégémonie militaire dans la Méditerranée, naquit ce que nous appellerions volontiers le véritable impérialisme romain. L'esprit de violence brutale et l'orgueil croissaient avec la richesse et la domination dans tontes les classes ; la cupidité de la noblesse et des capitalistes, la crainte d'une décadence militaire, changèrent à la fin la sage politique d'intervention imaginée par Scipion en une politique féroce de destruction et de conquête. Cette politique fut inaugurée par la troisième déclaration de guerre à Carthage (149), par la conquête de la Macédoine (149-148) et de la Grèce (146). En 154 la guerre s'était allumée en Espagne ; on la crut sans importance, avec un petit peuple allié ; mais bientôt les défaites se succédèrent et, ce qui fut pis, quand on sut à Rome que cette guerre d'Espagne ne serait pas une simple promenade militaire, mais une épreuve longue et difficile, on ne trouva plus ni soldats ni officiers disposés à partir. Ce scandale qui dévoila à tous la décadence militaire, dont les observateurs perspicaces avaient noté les premiers symptômes durant la guerre avec Persée, augmenta les inquiétudes causées depuis quelque temps par la prospérité grandissante et la richesse de Carthage. Caton reprit avec énergie la campagne, déjà tentée par lui plusieurs fois, pour décider Rome à détruire sa rivale, avant que celle-ci ne la détruisît elle-même ; et cette fois le projet, soutenu par les riches capitalistes qui désiraient se rendre maîtres du commerce entre l'intérieur de l'Afrique et la Méditerranée, par la noblesse besogneuse qui espérait faire des gains à la guerre, fut approuvé. En vain les antiques scrupules de la loyauté romaine essayèrent-ils d'empêcher cette iniquité abominable. Après une perfide déclaration de guerre, après de honteuses défaites, après beaucoup d'efforts et trois ans de guerre, Carthage fut incendiée par Scipion Émilien, et son commerce passa aux mains des marchands romains[82]. A la même époque, encouragées par les revers des armées romaines en Afrique et en Espagne, la Macédoine et la Grèce se révoltèrent ; mais, vaincues l'une et l'autre, elles furent traitées férocement, réduites en provinces, annexées à l'empire et saccagées. Corinthe, la plus belle ville de la Grèce, fut incendiée. Quelques années plus tard, en 143, le consul Appius Claudius attaqua sans provocation les Salasses dans le Piémont encore sauvage — le Transvaal des capitalistes de ce temps-là — leur enleva une partie des territoires aurifères et aussitôt une société romaine afferma les mines, y transporta plus de cinq mille esclaves et fit de Victumule, dans la région de Verceil, le centre du commerce de l'or en Piémont[83]. Ainsi aux premiers symptômes de faiblesse et de décadence l'esprit public eut à Rome un violent accès d'orgueil et de férocité qui, comme un tourbillon, arracha de leurs fondations Corinthe et Carthage.

Cependant les hommes éclairés, comme Caton, comme Sempronius Gracchus, comme Scipion Émilien, comme Metellus le Macédonien, comme Caius Lélius, Mucius Scævola, Licinius Crassus Mucianus, étaient épouvantés. ils admiraient la nouvelle puissance et la richesse de Rome ; ils favorisaient les progrès de la culture par des efforts semblables à celui de Metellus, le conquérant, de la Macédoine, qui, ayant à ce moment décidé de construire un temple à Jupiter et un à Junon et de les entourer d'un grand portique, faisait venir de Grèce des architectes et des sculpteurs, parmi lesquels Polyclète et Timarchide, les deux frères, dit-on, et qui les premiers firent connaître à Rome la pure sculpture attique[84]. Mais ils ne se résignaient pas à voir périr la meilleure partie de l'antique société agricole et aristocratique, la discipline familiale, le zèle civique, la modération des passions, la concorde des classes. Que serait-il en effet advenu de Rome si les campagnes avaient continué à s'endetter et à se dépeupler ; si tous les citoyens romains, autrefois paysans, fussent devenus marchands, entrepreneurs, artisans et mendiants ; si le luxe, l'insouciance, la corruption de la noblesse se fussent accrus ? Certes la politique perfide et habile de Rome avait à tel point. accéléré la décadence des grands États de l'Orient que rien ne semblait plus à craindre de leur part ; du royaume de Pergame à l'Égypte ils gisaient tous, si affaiblis par les intrigues, si avilis par les violences du Sénat et des ambassadeurs romains, que l'on était à la veille de voir un des phénomènes les plus bizarres de l'histoire universelle, le suicide d'une des plus riches et puissantes monarchies orientales. Attale, roi de Pergame, allait bientôt laisser en mourant le peuple romain héritier de son royaume et de ses sujets ; singulier épisode de l'histoire ancienne, préparé sans aucun doute par de longues intrigues, sur lequel nous ne sommes malheureusement que très mal renseignés, mais qui fut un des plus grands de la diplomatie de Rome. Sans déplacer une légion, profitant simplement de sa supériorité et de son prestige pour activer la dissolution déjà à l'œuvre dans cc vieil État, Rome mettait ainsi la main sur une des plus riches et des plus fertiles régions du monde. Cependant si la puissance romaine s'étendait tranquillement en Asie et dans tout le bassin de la Méditerranée, si Carthage et Corinthe étaient détruites, les populations barbares de l'Espagne résistaient et la guerre continuait, interminable, malgré les dévastations et les massacres organisés par les généraux romains, appauvrissant le Trésor et diminuant l'armée. Ce fait suffisait à alarmer les esprits supérieurs. L'instinct de conservation qui, à toutes les époques, oppose une résistance si grande à l'histoire, et voudrait s'éviter les douleurs nécessaires du progrès, s'épouvantait, et de toutes parts s'élevaient les lamentations que les sages répètent dans tous les âges où la civilisation change. Et beaucoup de choses bonnes et de choses mauvaises périssent ensemble par une loi supérieure dont la raison échappe trop souvent aux contemporains. Ceux-ci jugent les événements d'après leurs premiers résultats ; ils répugnent par instinct à la destruction de ce qui est bien ; ils redoutent toujours des ruines définitives au milieu des vicissitudes des civilisations qui ressemblent aux étés hyperboréens ; un jour extrêmement long, un long crépuscule, l'extinction de toutes choses dans la totale obscurité d'une nuit courte ; puis de nouveau l'aurore qui ressuscite le monde. Mais, quand après avoir vécu le jour resplendissant d'une civilisation, l'homme en voit descendre le lent crépuscule, craignant que la lumière s'éteigne à jamais, il se retourne toujours avec angoisse en arrière, vers le soleil du jour qui disparaît... Les gens éclairés de ce temps pensaient qu'il fallait restaurer ce qu'il y avait de bon dans la société antique, en y ajoutant les excellentes acquisitions des temps nouveaux ; mêler le passé et le présent ; reconstituer la classe des petits propriétaires qui fournissait les soldats[85], ramener à l'antique simplicité les mœurs de l'aristocratie[86], rappeler aux Romains leur devoir d'engendrer une race nombreuse[87]. Éternelle illusion et contradiction des hommes à chaque étape pénible de civilisation, et qui fut le tourment et la grandeur du personnage le plus célèbre de cette génération. Publius Cornelius Scipion Émilien, fils de Paul-Émile, adopté par un fils de Scipion l'Africain, fut un homme supérieur, un savant distingué, un grand général, un noble caractère, peu soucieux de richesses ou de plaisirs, qui ne dépensa pas en débauches ses magnifiques qualités naturelles. Ami et disciple favori de Polybe, le grand penseur qui lui avait ouvert tous les secrets de sa profonde science historique, il avait compris que l'impérialisme finirait par détruire l'empire ; que l'orgueil, la cupidité, la soif des plaisirs, le célibat, toutes les passions de l'ère mercantile et la politique de conquête qui en résultait, détruiraient la puissance militaire de Rome, l'ordre intérieur, l'entente des classes, et déchaîneraient dans la métropole de l'empire l'anarchie démagogique, où avaient sombré tant de républiques de la Grèce. Et pourtant, comme il était un des rares hommes habiles, forts, consciencieux de la noblesse dégénérée et le seul grand général intelligent et énergique de sa génération, ce fut lai qui dut accomplir toutes les entreprises les plus difficiles et les plus cruelles du féroce impérialisme de son temps, que les autres généraux ne réussissaient pas à mener à bien ; la destruction de Carthage d'abord ; puis, en Espagne où la guerre continuait, la destruction de Numance. Mais était-il possible de s'opposer à cette fatale marche des choses ? Le disciple de Polybe entendit mieux que tout autre de loin le bruit de la cascade où allait se précipiter le courant du temps ; mais il sentit aussi, et avec une effrayante lucidité, qu'il était impossible de remonter le fleuve de l'histoire et son cours fatal[88]. Dans cette même contradiction se débattaient tous ceux en qui couvait une rancune contre leur propre temps ; les prolétaires misérables, les propriétaires harcelés de dettes, les anciennes familles nobles appauvries, les conservateurs à outrance, mécontents du grand changement déjà survenu, et les révolutionnaires mécontents du changement encore imparfait. Nul ne pouvait prévoir les compensations futures du mal présent ; imaginer que tout en roulant au fond de la même misère les diverses populations d'Italie se mélangeaient les unes dans les cités des autres et toutes dans Rome, oubliant les traditions et les idiomes locaux dans la commune ambition de conquérir une fortune et une patrie plus grandes ; que l'esprit romain se débarrassait de l'ignorance obstinée, de l'empirisme étroit, des superstitions grossières des temps anciens et acquérait à l'école des Grecs l'esprit scientifique. Sans cette éducation scientifique, le monde n'eût pas vu apparaitre dans le siècle suivant les architectes, ni les ouvriers qui allaient bâtir le merveilleux édifice de l'empire ; mais les contemporains de Scipion Émilien ne voyaient encore que l'ancienne société se miner, l'armée se désorganiser, la misère se l'épandre et monter sur Rome, comme un nuage menaçant. la plus grande horreur de l'histoire ; la guerre civile entre les riches et les pauvres.

 

 

 



[1] L'histoire de ces guerres est résumée dans des passages suivants de TITE-LIVE ; XXXI, 40, 21 ; XXXII. 7, 26, 29, 32 ; XXXIII, 22, 23, 36 ; XXXIV, 22, 46 ; XXXV, 3, 22 ; XXXVI, 38.

[2] MOMMSEN, R. G., I, 177. — NITZSCH, G. V., 75, 88. — LANGE, R. A., II, 189.

[3] LANGE, R. A., II, 187.

[4] PLUTARQUE, Cat. M., 10.

[5] TITE-LIVE, XXXIII, 20.

[6] MOMMSEN, R. G., I, 810.

[7] TITE-LIVE, XXXVII, 4 ; XLII, 32

[8] Cf. le célèbre passage de POLYBE, VI, 17, qui est un des documents les plus importants sur l'histoire de l'impérialisme romain. Je crois que Delorme, les Manieurs d'argent à Rome, Paris 1890, p. 19 et suiv., ne doit pas l'avoir compris exactement. Polybe ne parle pas des grandes sociétés de publicains dont les actions étaient possédées par un grand nombre, mais il dit qu'à Rome il y avait un si grand nombre d'adjudicataires moyens et de petites sociétés adjudicatrices qu'on pouvait presque dire que tous les citoyens romains participaient à ces affaires. Si l'on considère que Polybe décrit Rome telle qu'elle était vers la moitié du second siècle avant Jésus-Christ ; si l'on examine les allusions aux adjudicataires qui se trouvent dans la narration de la seconde guerre punique faite par Tite-Live, il est légitime de conclure que ce capitalisme se développa dans la première moitié du siècle à la suite des grandes dépenses publiques.

[9] TITE-LIVE, XXXI, 13.

[10] Il me paraît vraisemblable que la culture de l'ager publicus par les Italiens dont parle APPIEN, B. C., I, 18 ait commencé après la seconde guerre punique, à un moment où la terre, l'argent, les esclaves abondaient et où la confiance était grande dans toute la nation.

[11] VARRON, De Re rust., II, 2.

[12] POLYBE, II, 15.

[13] DIODORE DE SICILE, XXXIV, fr. 32.

[14] TITE-LIVE, XL, 5. — FRIEDLÆNDER, D. S. G. R., I, 4.

[15] FRIEDLÆNDER, D. S. G. R., III, 87 et suiv.

[16] POSIDONIUS, in Ath., VI, 109 (275).

[17] TITE-LIVE, XXXIX, 6.

[18] DIODORE DE SICILE, XXXVII, 3. — POSIDONIUS, In Ath., VI, 109 (275).

[19] PLINE, H. N., X, 50, 139.

[20] LANGE, R. A., II, 242. — Cf. MACROBE, Sat., III, 16 ; V, 17, 2. Ces textes de 161 décrivent dans sa plénitude un mal qui commençait aux temps dont nous parlons.

[21] DIODORE DE SICILE, XXXVII, 3, 5.

[22] LANGE, R. A., II, 228.

[23] FRIEDLÆNDER, D. S. G. R., II, 390.

[24] FRIEDLÆNDER, D. S. G. R., II, 359.

[25] TITE-LIVE, XXXIV, 1 et suiv.

[26] PLAUTE, Stich., II, 2, 52 et suiv.

[27] PLUTARQUE, Paul-Émile, XXII, 2.

[28] HOMOLLE, B. C. H., VIII, 86 et suiv.

[29] CICÉRON, Brut., 22, 85.

[30] PLUTARQUE, Cat. M., 21.

[31] SCHILLER-VOIGT, 399, n. 48.

[32] PLINE, H. N., XVIII, 11, 107.

[33] TITE-LIVE, XXXIX, 22.

[34] PLAUTE, Aul., 3, 5, 34 et suiv.

[35] TITE-LIVE, XXXIX, 3, 41, 8.

[36] Sur le prix élevé des loyers à Rome dans la première moitié du second siècle avant Jésus-Christ, cf. DIODORE DE SICILE, XXXI, 18, 2 ; PÖHLMANN, U. A. G., 74.

[37] PLUTARQUE, Cat. M., 21, 8.

[38] DURUY, H. R., II, 380.

[39] PLUTARQUE, Cat. M., 21.

[40] PLUTARQUE, Cat. le J., 21.

[41] MOMMSEN, R. G., I, 810.

[42] PLUTARQUE, Paul-Émile, 41 et 13, 4. — TITE-LIVE, XLIV, 22.

[43] NEUMANN, G. R. V., 16 et suiv.

[44] VALÈRE-MAXIME, IV, 4, 8. — PLUTARQUE, Paul-Émile, 5.

[45] CICÉRON, De lege agr., II, 24, 64.

[46] LANGE, R. A., II, 293.

[47] NITZSCH, G. V., 146.

[48] LANGE, R. A., II, 245.

[49] LANGE, R. A., II, 241.

[50] TITE-LIVE, XLII, 1 et 19. — C. I. L., I, 583. — PLUTARQUE, Tib. et C. Gr., 8.

[51] TITE-LIVE, XLIII, 2.

[52] TITE-LIVE, XLII, 7, 8 ; XLIII, 1 et 5.

[53] APPIEN, Mithr., 13. — REINACH, M. E., 96. Une belle étude sur la politique extérieure des Romains à cette période est celle d'un jeune historien italien, CORRADO BARBAGALLO, Les rapports politiques de Rome avec l'Égypte, depuis les origines jusqu'en avant Jésus-Christ. Rome, 1901.

[54] CATON, Or. 5.

[55] Cf. TITE-LIVE, XLII, 22 ; XLIII, 2.

[56] LANGE, R. A., II, 519 et suiv.

[57] Cf. sur cette importante question NEUMANN, G. R., V, 88 et suiv. — LANGE, R. A., II, 218 et suiv. ; 249 et suiv. — NITZSCH, G. V., 132. et suiv.

[58] TITE-LIVE, XLV, 18 et 29.

[59] NITZSCH, G. V., 162 et suiv. — LANGE, R. A., II, 277.

[60] LANGE, R. A., II, 228 et suiv.

[61] POLYBE, XXXII, 11.

[62] AULU-GELLE, VII, 3, 6.

[63] POLYBE, XXXI, 7.

[64] HOMOLLE, B. C. H., VIII, 93 et suiv.

[65] PLINE, H. N., XXXIII, 3, 55.

[66] La preuve en est dans le fait qu'en 143 on étendit avec la Lex Didia cibaria à toute l'Italie les dispositions de la Lex Fannia contre les orgies et les prodigalités des banquets. Cf. MACROBE, Sat., III, 17.

[67] PLINE, H. N., XVII, 25, 244. — POLYBE, XXXII, 11.

[68] MOMMSEN, R. G., I, 852.

[69] MAX WEBER, R. A. G., 223, 224.

[70] Sur le bon marché extraordinaire des vivres dans la vallée du Pô, cf. POLYBE, II, 45. Il devait en être de même dans toutes les régions éloignées des grandes routes.

[71] WILLEMS, S. R. R., I, 179 et suiv.

[72] Cf. sur cette crise l'appendice A.

[73] Cf. dans PLUTARQUE, Sul., I, l'histoire de la famille de Sylla, exemple typique de la décadence, alors très fréquente, des familles nobles et qui explique l'épouvantable corruption de la noblesse, à l'époque de la guerre contre Jugurtha.

[74] CICÉRON, Ad Att., XII, 5, 3 ; De fin., II, 16, 54.

[75] CICÉRON, De leg. agr., II, 19. — CASSIODORE, an. 596-158.

[76] Par ex., cf. CICÉRON, Brutus, 22.

[77] LANGE, R. A., II, 317 et suiv.

[78] APPIEN, Pun., 112.

[79] APPIEN, Pun., 113-117 ; Hisp., 85.

[80] NITZSCH, G. V., 231.

[81] NEUMANN, G. B. V., 17-18.

[82] SUÉTONE, Ter. vita, c. I.

[83] STRABON, V, 1, 12 (518). — PLINE, H. N., XXXIII, 4, 78 ; C. I. L., V, 715.

[84] Ct. sur le texte de Pline, H. N., XXXIV, 8, 52. les discussions de BRUNN, G. G. K., I, 535 et suiv. ; OVERBECK, G. G. P., II, 423 et suiv., B. C. H., V, 390 et suiv.

[85] Scipion Émilien et Lélius avaient, avant Tiberius Gracchus, proposé de donner des terres aux soldats pauvres. PLUTARQUE, Tib. Gr., 8.

[86] Cf. le discours de Scipion Émilien dans AULU-GELLE, IV, 20.

[87] Cf. le discours de Metellus Macédonicus : De prole augenda, SUÉTONE, Aug., 89 ; AULU-GELLE, I, 6.

[88] Cf. MEYER, U. G. G., 22.