Barras me porte des plaintes contre Bonaparte. — Je me refuse à les lui transmettre. — Billet d'Uranie. — Je vais la voir. — Je la prends chez moi. — Vengeance de Chénier. — Conscience d'un régicide. — Madame la Boucharderie et le commissaire de police. — Travail secret que Barras me donne. — Uranie veut m'en distraire. — Lettre inédite de Bonaparte.Barras me mit ensuite sur le chapitre de Bonaparte ; celui-ci déjà n'était plus bien avec la majorité du. directoire. Carnot s'apercevait que son général ne l'était pas, qu'il voulait conserver son indépendance, et ne suivait aucun des plans qu'il ne cessait de lui envoyer. Ceci causait sa mauvaise humeur, et cette insubordination lui paraissait un crime punissable. Barras voyait plus loin encore. Les formes affectées par le jeune vainqueur n'étaient pas celles d'un simple chef d'armée : il agissait moins en supérieur qu'en maitre, taillait, coupait, rognait à sa fantaisie, prenait de swn propre mouvement les mesures les plus importantes, ne consultait les directeurs que pour la forme, et même souvent ne leur disait rien. Sa correspondance était sèche, sévère, réservée : il traitait mal les hommes avides qu'on lui envoyait ; faisait pendre les fripons qui avaient acheté le droit de voler la république ; n'écoutait aucune représentation en faveur des administrateurs coupables ; destituait les imbéciles dont les femmes ou les filles étaient en grand crédit au Luxembourg ; dérangeait des concussions voulues ; rompait des marchés dont il fallait rendre les pots de vin ; enfin faisait crier après lui d'une manière étrange. Il s’avisait d'être homme d'honneur et probe, au milieu de tout ce monde-là. Adoré déjà de l'armée, estimé du peuple, qui voyait ses vertus et ses actions ; craint des ennemis de la république était fort ; et on ne pouvait plus le renverser sans augmenter considérablement la masse énorme des embarras du moment. Le directeur comprenait toutes ces choses ; néanmoins il se plaignait. Savez-vous, me dit-il avec légèreté, que notre ami est sombre comme un orage ? Il est sans pitié pour ceux qui cherchent à vivre ; il ne traite pas le directoire mieux. Où pense-t-il aller avec cette conduite ? il se fait calomnier, on lui, en veut beaucoup conseillez-lui plus de modération. — Je suis bien loin de lui, dis-je, pour traiter de ces points importants. — Écrivez-lui. — Je ne saurais m'y décider, au moins pour de telles matières c'est un homme qu'on ne dirige pas facilement. — On commence à s'en apercevoir au directoire : il nous fera payer le canon de vendémiaire. Sa femme en reçoit des lettres charmantes, mais jamais de réponse à ce que je lui fais mander là-bas. Je vous assure que nous sommes fâchés de le voir s’isoler, lorsque nous aurions tant de joie à marcher avec lui de bon accord. Je me séparai de Barras ; et, de retour chez moi, on me remit un billet ainsi conçu : Mon ami, vous me pardonnerez la démarche que la nécessité m'a contrainte à a faire : je ne suis plus depuis ce matin chez la citoyenne L*** ; je l'ai quittée sans retour, peu après votre sortie. Je sais travailler, et non supporter l'injustice et les mauvais procédés. Adieu. URANIE, Rue de Bracque, n° 7. Ceci fut pour moi un coup de poignard ; rien ne pouvait m'être plus désagréable qu'une démarche dont le motif me serait attribué. Je ne remis pas au lendemain à consoler mademoiselle de Montbert ; je courus à l'heure même au lieu indiqué. Elle occupait, sous les toits, une petite chambre meublée à faire horreur ; j'en fus saisi. Uranie m'en fit les honneurs avec grâce et aisance. Elle ne pleura pas ; me conta qu'à la suite de plusieurs scènes de plus en plus vives, la dernière avait été si violente, que la force d'en supporter une autre lui avait manqué. Je suis partie, poursuivit-elle, disposée à me livrer à la Providence, et très-déterminée à ne plus conserver un joug trop pesant. Qu'elle était belle tandis qu'elle redisait ses chagrins ! Avec quelle véhémence je fis le serinent de les adoucir ! Elle s'y refusa ce soir-là le lendemain, le surlendemain encore. Enfin, force d'amour et d'insistance, je parvins à la déterminer à venir prendre chez moi la direction de mon ménage de garçon. Je ne promis rien pour l'avenir, moi cœur était trop ému pour. xie pas croire à une tendresse éternelle. On se demandera comment Une jeune fille bien née disposait d'elle ainsi. Je répondrai qu’à cette époque toutes les bienséances avaient disparu ; que chacun vivait à sa guise, tant la morale était relâchée depuis que le gouvernement ne cessait de parler de mœurs et de vertu. Madame de L*** me fit dire, par Saint-Aline, que vu notre position respective, il fallait cesser de nous voir momentanément. Je fus charmé de ceci ; mon projet étant de rompre avec elle, il m'était fort agréable de n'être pas forcé de prendre l'initiative. Je voulus néanmoins avoir sur ce fait une explication avec madame d'Esparbès, qui, au premier mot de ma part, me ferma la bondie, ne voulant me dit-elle, se mêler en aucune manière de ce qui ne la regardait pas. Mademoiselle de Montbert embellissait mon intérieur par sa conversation, par l'agrément attaché à sa personne ; non que parfois je ne fusse surpris de certains gestes, de certaines expressions peu en harmonie avec son éducation primitive. Mais combien avait-elle dû être abandonnée à des mains peu dignes de veiller sur elle, pendant la grosse tour. mente révolutionnaire ! Satisfait, néanmoins, de tout ce qu'elle offrait à mon bonheur, je lui montrais à la fois de l'amour, de la confiance ; elle ne me traitait pas plus mai. Sur ces entrefaites, je vis Chénier plus joyeux que de coutume : il riait peu à cette époque, si jamais il a ri beaucoup. Parbleu, mon cher ami, me dit-il, je viens enfin de prendre une vengeance bien légitime de la méchanceté d'un drôle qui me harcelait depuis longtemps, moi et cette pauvre La Boucharderie, qui est une si bonne fille, et que vous connaissez un peut. Savez vous qu'au mois de nivôse dernier il parut, dans le journal contre-révolutionnaire de Peltier, un article sanglant contre moi et contre elle ? Qui l'avait fourni ? J'hésitais, je cherchais, lorsque hier un incident particulier m'a mis sur la voie. Je suis parvenu à savoir à qui j'avais affaire, et sur- le- champ je me suis mis en campagne pour joindre mon homme. Figurez-vous un ci-devant, ou plutôt soi-disant tel déguisé, dans un grenier qui lui sert de demeure, mais plein d'une insolence poltronne, qui lui a fait souffrir les coups de bâton dont je l'ai gratifié sur son refus de se battre avec uq régicide. Un régicide !!... Ils n'ont tous que ce rnot à la bouche. Est-ce qu'on ne peut voter la mort d'un roi ? Je me tus, il poursuivit : Est-ce qu'un roi est plus qu'un homme devant la justice ? Vous ne me répondez pas ! c'est que votre cœur ou vos préjugés me blâment. Je sais que bon nombre font comme vous, que d'autres feront de même dans la postérité. Il y a des instants bien critiques dans la vie Vous êtes pourtant partisan de la liberté. — Sans doute, repartis-je, et de l'équité, non moins. Or, vous avez manqué à celle-ci dans l'acte déplorable auquel vous prîtes part. Mon propos amena une discussion sans résultat. Elle me fit lire à fond dans l'âme de Chénier ; elle voulait se croire sans tache, et le sang de Louis XITI pesait horriblement sur elle. Au reste, tous les régicides en grand nombre que j'ai connus, mime Carnot, auraient bien souhaité être à recommencer leur carrière ; le même vote ne serait plus sorti de leur bouche. Le poète Chénier, satisfait d'avoir rossé son ennemi, se consola par cet exploit de l’insistance de mon opposition à sa conduite ancienne. Il me prend fantaisie de transcrire ici l'article du journal de Peltier, afin de donner une idée de la manière dure avec laquelle on se traitait réciproquement à cette époque de licence. CHËNIER ET MADAME DE LA BOUCHARDERIE. (Extrait du 34e numéro de Pans pendant l'année 1796.) Honnêtes lecteurs, peut-être n'avez-vous pas entendu parler de la belle La Boucharderie, de sa grosse perruque blonde et de son énorme chignon. C'est une de nos plus aimables courtisanes. Vous la trouverez tous les jours dans les meilleures maisons de Paris ; au club des Césars, au club de Valois, au club des Arcades, et assise autour d'une longue table ovale marquetée, de rouge et de noir à moins qu'elle ne soit occupée à son cours de poésie chez l'immortel auteur de Charles IX et de Henri VIII. Plût à Dieu que, plus fidèle à son Apollon, elle n'eût jamais été se distraire autour d'un tapis vert ! Un jour qu'assise à une de ces tables fatales, elle donnait à penser, à ceux qui la voyaient perdre, lequel vaut mieux du métier de poète ou de législateur, entre brusquement un commissaire de police suivi de la force armée ; des sentinelles placées à toutes les portes empêchent de sortir. Madame La Boucharderie se présente, et déclare vouloir se retirer ; on la refuse. Comment, dit-elle, on ose arrêter la femme du président des cinq-cents ! Elle ouvre une fenêtre, appelle son laquais, qui l'attendait dans la rue avec son cocher. Saint-Jean, dit-elle, allez chercher Chénier, ou, en son absence, Louvet. Saint-Jean part. Le commissaire, tremblant, fait des excuses à la belle ; il lui dit qu'il n'y a pas de sentinelle pour elle, et qu'elle est libre. Non, monsieur, répond madame la représentante, je veux attendre mon mari. Soudain on voit entrer Chénier et Louvet. Ils réclament leur dame, et disparaissent avec elle. L'amour ne tarda pas, sans doute, à essuyer les pleurs de la belle affligée. Que conclure de tout ceci ? Que le métier de poète est devenu bien lucratif depuis la révolution, puisqu'un poète donne voiture à sa maitresse ; Que les mœurs étant les soutiens d'une république, il ne faut pas tant désespérer de la nôtre, puisque ceux qui la gouvernent donnent ces touchants exemples de vertu ; Enfin que, si les hommes doivent trembler au nom d'un représentant comme autrefois au nom d'un duc et pair ; que, si les magistrats subalternes sont encore obligés de respecter la maîtresse d'un représentant, et de faire fléchir la loi devant elle, comme autrefois devant la catin d'un prince, j'aimerais autant celles d'autrefois que celles d'aujourd'hui. On doit croire que cet article dut déplaire à Chénier et à sa femme, qui certainement n'est pas la même dont madame la vicomtesse de Fausse-Landry a fait un éloge si pompeux dans ses mémoires. Barras me remit, quelques jours après, un travail important et tout mystérieux qu'il voulait dérober à la connaissance des employés du directoire, et dont même Botot, son secrétaire particulier, son Michel Morin, son tout ce qu'on voudra, ignorait lui-même l'existence. Je m'enfermai pendant plusieurs jours, sortant peu, et toujours en présence de mes paperasses. Uranie s'apitoyait sur mon assiduité à l'ouvrage ; elle m'invitait à l'abandonner, à sortir, à me distraire. Je ne cédai que rarement à ses instances ; et même, hors une ou deux fois, je ne mis le pied dans la rue qu'en sa compagnie, pour aller le soir nous promener sur les boulevards. Pendant cette réclusion volontaire, je reçus une seconde lettre du général Bonaparte, que je copiai d'abord sur mon registre, et que j’enfermai en original très-soigneusement, à ce que je crus. Cette lettre était en réponse à deux ou trois, dans lesquelles je lui parlais en plaisantant des propositions que lui faisait le comité royaliste, de la mauvaise humeur du directoire, et d'autres sujets pareils. Il me disait : Laissez-les crier, mon cher ami ; leur colère m'honore ; elle prouve que je fais mon devoir. Qui se ressemble s'assemble. Les fripons pullulent à Paris, où on les soutient ; ici, ils fuient ou tremblent devant moi. Je n'ai pas pris le commandement de l'armée d'Italie pour l'avantage du directoire, des amis, des flatteurs, des maîtresses des gens en place, mais pour la gloire et la sûreté de la patrie, et pour entourer mon nom de te quelque éclat. Ce serait mal faire que de marcher selon qu'on le Je veux avoir des fonds pour solder la troupe, pour qu’elle ne manque de rien. Peu m'importe ensuite si les restaurateurs, les maisons de jeu, les filles, se plaignent que je leur coupe les vivres. Ne craignez pas qu'on me renvoie, car ce n’est plus au pouvoir de qui que ce soit à Paris. La victoire a placé entre moi et la disgrâce un abîme que je ne franchirai pas. Je puis déplaire aux directeurs, mais je conviens à la France ; et dans cette position je puis demeurer tranquille. Au reste les directeurs qui se plaignent de mon indépendance ne feront désormais rien qu'avec mon concours. Laissez-les donc se fâcher, leur colère ne saurait être de durée. Quant au reste, en vérité, je vaux mieux que cela. Il n'est pas un simple général de mon armée qui ne s'estimât à un plus haut prix. On offre davantage à Pichegru, et je trouve qu'il fait une sottise de ne pas demander encore plus. Vous devez savoir maintenant tous les détails de son affaire ; elle est peu honorable. Pourquoi le ménage-t-on pourquoi attendre de le punir il n'est plus à craindre. Tout général qui traite avec l'ennemi n'est plus Français, et reste isolé au milieu des soldats. Voyez Dumouriez. Vous avez bien fait de répondre que vous rie pouviez consentir à me proposer de pareilles infamies. Quant à moi, je ferais fusiller à l'heure même celui qui me les adresserait sérieusement. Il faut être tombé bien bas pour supporter un pareil outrage. Je ne traiterai jamais avec la ci-devant maison régnante. Il y aura toujours guerre ouverte entre elle et moi, persuadé que .je suis que sa destruction est nécessaire au repos, au bonheur, à la gloire de la France. Malheur à ceux de ses membres qui tomberont dans mes mains ! Je croirai leur sacrifice nécessaire à la tranquillité publique. Ils ne sont pas redoutables, je le sais ; mais leur nom est un arrêt de mort. Le chef de cette maison a des vertus ; tous les Italiens qui l'ont vu, et qui m'en parlent, vantent sa fermeté sa patience, sa sagesse. Je vais faire peur au sénat de Venise, afin de le décider à chasser ce personnage des provinces de Saint-Marc. Si je a pouvais le faire enlever, ce serait une belle prise. J'y aviserai. Pourquoi a-t-on rendu aux ennemis la fille de Louis XVI ? Cet acte a été une faute. Le renvoi des d'Orléans est un crime ; ils devraient mourir en France. Plus le nombre des Bourbons sera grand, plus la république sera en péril de se perdre. Je n'en aurais délivré aucun. Mais ceux qui vous gouvernent sont de bonnes gens, à courte vue, qui ont frayeur de leur ombre, et qui, en secret, pleurent ceux qu'ils ont tués. Je ne voudrais pas avoir jugé Louis XVI ; mais, si j'avais été des votants, je ne l'aurais condamné à mort qu'avec conviction. Eux en ont eu peur, et voilà tout..... Le reste de sa lettre regardait madame Bonaparte ; je ne le transcrivis pas. Ce que j'en donne au public est d'un intérêt majeur ; l'âme de Napoléon s'y dévoile tout entière. On y voit déjà son mépris profond pour les directeurs, la 'certitude qu'il avait de l'impossibilité où ils étaient de lui nuire, et sa détermination bien prononcée à tirer toute sa valeur à venir de l'amitié des soldats pour lui et à ne pas souffrir que des fournisseurs, misérables vampires les dévorassent de son consentement. Ce qu'il disait relativement à Pichegru était encore un secret pour tout le monde, non néanmoins pour le directoire et pour quelques initiés. Le comte de Montgaillard nous tenait au courant de toutes les résolutions de ce général, et= faisait savoir les offres que les agents des princes avaient mises sous ses yeux. On les connaît aujourd'hui, je ne les répète pas. Enfin, on trouve dans cette lettre le germe de l'attentat commis sur le duc d'Enghien, et stout le fond de la conduite de Bonaparte contre les descendants de Louis XIV. Pensait-il déjà qu'ils deviendraient un jour ses adversaires directs, que la lutte commencée contre la république continuerait corps à corps avec lui ? cela est possible ; on le comprendra lorsque je transcrirai plus loin ce que lui-même me dit à une époque plus éloignée. Sa politique profonde était terrible, elle ne cheminait pas à demi. Peu de temps après, voulant revoir cette lettre et la confronter avec la copie, je fus la chercher où je l'avais mise avec celle que Bonaparte m'avait écrite antérieurement, et que j'ai déjà fait connaître ; je ne la trouvai plus. Ma surprise fut extrême ; je fouillai tous les recoins de mon secrétaire, sur mon bureau, partout où je serrais des papiers ; la pièce ne se trouva nulle part. Uranie m'aida dans ces perquisitions sans savoir de qui était cette lettre que je ne rencontrais en aucun endroit de mon appartement. Je finis par croire que je l'aurais brûlée sans y prendre garde. Cependant ma mémoire me retraçait d'une manière fidèle le soin que j'avais pris de sa conservation. Le surlendemain, en remuant des livres que j'avais sur une console, la lettre de Bonaparte tomba du milieu de ceux-ci. J'admirai comment elle se présentait dans un endroit que certes je n'avais pas négligé d'explorer. Je me bâtai, pour cette fois, de la renfermer en présence d'Uranie, qui, comme moi, ne revenait point de cette particularité. Il se passa quelques jours, une décade peut-être sans nouvel incident ; mais ma surprise fut extrême lorsque, la première fois que j'allai chez Barras, je Fus reçu par lui avec une froideur à laquelle je n'étais pas accoutumé. Je lui en demandai le motif. Il est légitime, me dit-il ; vous vous refusez à correspondre avec le général Bonaparte pour lui transmettre notre mécontentement, et vous le faites quand il s'agit de le gagner t la cause des Bourbons. Ce reproche, quoique non mérité, fut un trait de lumière qui m'éclaira à demi. Je répondis vivement au directeur que les espions l'avaient mal informé, et qu'il n'y avait rien de pareil dans ma correspondance. J'ajoutai que mes lettres étant entre les mains du général, qu'on pouvait les lui demander ; que je montrerais les réponses, et qu'on ne verrait là-dedans rien à mon désavantage. Barras m'écouta avec une sorte d'impatience. Puis reprenant la parole : Il ne sera pas nécessaire de faire venir d'Italie ce que vous mandez au général. Il suffira, pour vous confondre, de la dernière épître que vous avez reçue de lui. — Vous ne l'avez donc pas vue, citoyen ? repartis-je, et votre propos me le prouve. On vous a très-mal rapporté les expressions qu'elle renferme. Je ne vous j'aurais pas montrée, parce qu'elle renferme des choses qui vous seraient désagréables, quoiqu'elles vous eussent prouvé que je tenais à vous contenter. Mais maintenant mon devoir, puisqu'elle m'a été rendue, est de la mettre sous vos yeux ; je vais la querir sur-le-champ. Il faut, ajoutai-je, que vous me donniez, pour m'accompagner jusque chez moi, une personne qui possède votre confiance, afin qu'elle voie bien où j'irai prendre le papier, et avec quel autre il est réuni. Barras, étonné de la franchise de ma proposition, mollit. Je tins bon. Il ordonna à son secrétaire de venir avec moi. Je pris la première voiture venue, et demi-heure après j'étais de retour au Luxembourg avec la lettre de Bonaparte, de laquelle j'attendais mon entière justification, quoique je lui dusse l'incident désagréable qui me mettait justement de mauvaise humeur, et dont la cause ne m'était pas encore bien connue. |