Bonaparte commandant de l'armée de l'intérieur. — Il cause avec Cambacérès. — Ce qu'il me dit de cet homme d'état. — Ses maximes. — Nous passons en revue les directeurs futurs, ainsi que ceux que la minorité porte au directoire. — Quelques hommes fameux jugés par Bonaparte. — Eugène de Beauharnais lui demande l'épée de son père. — Madame de Beauharnais vient le remercier. — Il lui rend sa visite. — Fin dramatique de l’existence de la convention. — Les cinq cents. — Les anciens. — Le directoire. Sieyès refuse sa place de directeur. — Intrigue pour éloigner Cambacérès. — Carnot. — Merlin de Douai. — Charles Lacroix. — Aubert du Rayet. — Pleville le Pellay. — Gaudin. — Benezech.Les événements se pressaient ; le général Bonaparte fut nommé commandant de l'armée de l'intérieur, sur la présentation de Barras. Ce choix, amené par la circonstance, ne souffrit aucune contradiction dans les comités, où l'on conservait le souvenir des services qu'il venait de rendre à la convention. Barras, qui déjà. savait quel rôle lui-même jouerait dans le nouveau gouvernement, s'imagina qu'il lui serait avantageux d'avoir sous sa main un homme brave dont il aurait fait la fortune ; il compta sur la reconnaissance du jeune Corse, ce fut son erreur. Bonaparte visita chacun des membres des comités ; il fut
chez Cambacérès, qui lui fit un accueil flatteur, louant sa conduite au 13
dans des termes qui annonçaient la sincérité de son admiration. Ma foi, citoyen, dit Bonaparte, il n'a tenu qu'à vous que je demeurasse les bras croisés ;
ce jour-là vous parliez toujours de ménagements à garder. Je craignais la
guerre civile. — Eh ! le meilleur moyen de la
finir vite était de la commencer promptement. Cambacérès sourit :
Au reste, poursuivit son interlocuteur, vous et moi ferons un bon directeur : vous parlerez pour
moi, et j'agirai pour vous. — Qui sait,
général, répondit Cambacérès, ce que l'avenir
vous destine, et où nous nous retrouverons ensemble ? — Ce ne sera pas, au moins de longtemps, au directoire, car
il me faudra dévorer quatorze ans de ma vie avant d'acquérir le droit d'y
siéger. — La victoire, dit Cambacérès,
donne des dispenses d'âge. — Me conseillez-vous de les lui demander ? — Général, vous savez là-dessus mieux que moi ce que vous avez
à faire. Quoi qu'il arrive, je serais charmé de vous avoir pour collègue. La conversation finit là. Ce fut le premier lien d'estime et d'amitié qui rapprocha ces deux personnages ; ni l'un ni l'autre, dans ce moment où elle avait lieu, ne se doutait qu'ils parviendraient ensemble au pouvoir souverain avant quatre années complètement révolues, et que, par le fait, la victoire aurait rendu l'un d'eux majeur pour gouverner la France sans tutelle ni partage. Je vis Bonaparte le lendemain ; il me parla de Cambacérès dans les meilleurs termes, et me dit : Je suis charmé de m'en faire un ami, car il me sera utile dans le directoire, où il va entrer. — Ne croyez pas, répliquai-je, qu'il parvienne à cette dignité éminente. On ne veut pas de lui. — Où ? et qui ? — Les patriotes purs du moment, les républicains par excellence ; ils le regardent comme un modéré, comme prêt à transiger avec la royauté. — Cela est impossible : il a voté la mort de Louis XVI. — Mais pas très-clairement son vote n'a pas compté pour le supplice de ce prince. Cambacérès a l'air d'accepter aujourd'hui sa part de la responsabilité de ce grand acte, il pourra s'en blanchir le cas échéant. — Et il fera bien, répliqua Bonaparte avec vivacité ; car ce fut une mesure bien fâcheuse pour ceux qui l'exécutèrent. Les rois ne doivent recevoir leur arrêt de mort que de celui qui leur succède immédiatement ; mais malheur à la multitude qui prend part à un tel crime : on ne se lave pas de ce sang-là comme on veut. Cette manière d'envisager un tel événement me parut
singulière ; Bonaparte me répondit : Elle est
toute conforme à l'histoire. Voyez si Charles d'Anjou. a été dégradé parmi
les souverains pour avoir fait mourir Conradin, son compétiteur, et si
Élisabeth a été moins reine d'Angleterre après la mort de Marie Stuart.
Dites-moi quelle est la puissance d'Europe qui a refusé d'envoyer ses_
ambassadeurs à Cromwell, milord protecteur de l'Angleterre ? La souveraineté
rend qui l’exerce respectable dans tout ce qu'il lui plaît de tenter tandis
que des masses divisibles à l'infini n'ont aucune force pour repousser la
vindicte publique. On n'accable que les faibles, rappelez-vous-en. Il y a
toujours impunité ou amnistie en faveur de celui qu'on redoute ; aussi est-il
un sot, si dans son intérêt il ne sait pas tout oser. Mais changeons de
propos, poursuivit Bonaparte vous me semblez
plus au fait que des intrigues du moment, je n'ai pas le loisir de m'en mêler
; achevez de me faire connaitre les candidats au directoire futur, que
portent la majorité et la minorité. — N'en
savez-vous donc rien ? — Si peu de chose, que
cela n'en vaut pas la peine. J'espère en la nomination de Barras. — Il sera certainement au nombre des élus ; on lui adjoindra
Sieyès, La Révellière Lepaux, Rewbell et Letourneur de la Manche. — Savez-vous, dit Bonaparte, que
Sieyès excepté, ces gens-là me semblent bien obscurs Les connaissez-vous ?
— Oui : La Révellière Lepaux est un bourgeois
d'Angers, honnête homme, petit et bossu, laid à faire plaisir, régicide je ne
sais pourquoi, et qui veut se faire pape. — Ah !
mon Dieu ! s'écria Bonaparte, pouvez-vous lui prêter un tel ridicule ? — Je ne le lui prête pas, au moins gratuitement ; il
l'accepte volontiers. Mais ce n'est pas des cardinaux qu'il attend la tiare ;
ia imaginé je ne sais quelle religion, celle des théophilantrophes, dont il
propage les opinions, et on va l'en déclarer souverain pontife. — Allons, dit Bonaparte, voilà
un de nos gouvernants qui va de gaîté de. cœur déconsidérer la représentation
nationale. On le sifflera, on rira de lui, et la majesté de la France en
souffrira. Rewbell, dis-je, était naguère un excellent avocat au conseil supérieur de
Colmar ; il a de l'esp rit sous une enveloppe épaisse, de l'activité, de
l'éloquence même, quoique un peu lourd. Celui-là ne croit que faiblement à la
vertu, il s'environne de fournisseurs. — Dans
ce cas, mon cher, dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. — La suite le prouvera mieux encore, repartis-je. D'ailleurs vous ne l'aurez pas pour vous, c'est un vrai
jurisconsulte, il déteste les militaires, et les caresse parce qu'il en a
peur. — Je lui ferai la grimace. — Oh ! il tremblera jusques en la moelle des os. D'ailleurs
lui aussi a voté la mort de Louis XVI. Quant à Letourneur de la Manche,
quoiqu'il ait été officier de génie avant la révolution, c'est une manière
d'imbécile sans cervelle, incapable de marcher seul. — Sieyès ou Cambacérès le mèneront. — Il a de la probité, il vit de peu ; c'est un avare amateur
dont la lésinerie amusera tout Paris. — Ainsi
il y aura dans le directoire deux hommes, Barras et Sieyès ; les autres
assisteront à la marche dies affaires. Je crois que Cambacérès aurait mieux
valu que Letourneur, par exemple ; eh bien, avec qui la minorité
l'accole-t-elle ? — Avec Barthélemy, le neveu
de l'auteur du Voyage d'Anacharsis. Barthélemy est une sorte de
diplomate qui n'a guère de sympathie pour le système actuel ; ce n'est pas un
génie, mais un talent de second ordre, ayant la conscience de son infériorité
qui le condamne à toujours obéir à quelqu'un ; il préférerait la monarchie à
la république. — Entendons-nous, dit
Bonaparte ; est-il pour le gouvernement d'un seul en
général, ou pour celui des Bourbons en particulier ? — Il penche vers ceux-ci. — Et
les autres ? — Boissy-d'Anglas. — Excellent choix à faire ; c'est un homme du temps antique,
qui joint à l'enthousiasme des Périclès la sévérité primitive des mœurs
spartiates j'ai bien peur qu'il n'entre pas au directoire. — Serait-ce parce
qu'il en est digne ? — Cela se pourrait bien. — L'amiral Villaret-Joyeuse. — Homme de mer : pourquoi le faire servir sur terre ?
— Pichegru. — Ah !
de par tous les diables, renvoyez celui-là, je n'en veux à aucun prix ; je ne
sais, mais il me semble... Bonaparte s'arrêta ; craignant sans doute
de me trop faire connaitre sa pensée ; moi, qui la devinais, je lui dis en
riant : Vous êtes orfèvre, M. Josse. — Soit ; toujours est-il certain à mes yeux que ce citoyen
général essaiera de faire du mat à la république. En définitif, si je le
peux, je tâcherai de contrebalancer ses projets. Je raconte avec exactitude tout ce que j'ai entendu Napoléon entrevoyait avec sa perspicacité ordinaire ce qu'il y avait de tortueux dans la conduite de Pichegru ; mais ni lui ni moi cependant ne soupçonnions ce que la fortune destinait pour l'avenir, soit aux uns, soit aux autres. Quelques jours après, un jeune homme, un véritable adolescent, parut devant Bonaparte ; il y avait dans ses traits un mélange de candeur et de fierté : Citoyen général, dit-il, je viens vous conjurer de me faire rendre un objet bien précieux, l'épée de mon malheureux père, dont on s'est emparé dernièrement dans une visite domiciliaire. Hélas ! elle ne saurait être encore redoutable dans mes mains. — Je crois, répondit Napoléon, touché de ses paroles, qu'elle le deviendra un jour. Quel était le citoyen votre père ? — Alexandre de Beauharnais. — Digne Français, et qu'un meilleur sort aurait dû récompenser des services qu'il a rendus à la patrie. Mon enfant, je vais vous donner un ordre, avec lequel vous irez à l'Arsenal retirer l'épée de votre père, à moins que quelque amateur munitionnaire ne s'en soit emparé. — Elle n'est que de fer. — Vous la retrouverez, mon ami, ces gens-là n'en veulent pas à la gloire. Ces mots flatteurs enchantèrent Eugène de. Beauharnais. ; il revint joyeux vers sa mère, avec l'arme, qui leur rappela à l'un et à l'autre un si cruel souvenir. Madame de Beauharnais pleura de nouveau son époux ; les larmes ne lui coulaient guère ; et puis elle songea que peut-être il était convenable d'aller en personne remercier le général, de -la, bonne grâce qu'il avait mise à faire un acte de justice. Elle me proposa de l'accompagner. ; ainsi je fus le témoin de la première entrevue de ce couple que la Providence voulait conduire par la main au trône impérial. Nous trouvâmes le général chez lui ; il occupait un appartement très-modeste dans la rue Traversière-Saint-Honoré, hôtel Louviers, alitant que je m'en souviens. Peu accoutumé à voir familièrement ce qui existait en France de la bonne compagnie, il demeura frappé de la grâce et des belles manières de madame de Beauharnais ; il fut presque galant à son début ; il me surprit à mon tour par l'urbanité de ses formes. Il me dit le surlendemain : Il faut que je rende à madame de Beauharnais la visite qu'elle m'a faite ; je ne vous demanderai pas de venir avec moi, parce que je tiens à marcher seul. C'est une femme aimable ; le ton d'autrefois vaut mieux, je l'avoue, que celui d’aujourd'hui. — D'autrefois ! m'écriai-je ; bon Dieu ! ne vous servez pas de cette locution dans le compliment que vous lui ferez. Mais cela veut dire il a cinq ou six années environ. — Ce qui, pour une femme jeune ; est un siècle ! — Oh ! je sais bien que toutes ne veulent jamais s'écarter des lisières de l'enfance : j'ai connu une pécheresse de cinquante ans passés qui, dans les heures d'épanchement, avouait se sentir du goût encore pour jouer à la poupée. Napoléon alla donc chez madame de Beauharnais, s'y plut beaucoup, y revint, et finit par erg faire sa société ordinaire. Je retournerai à eux après que j'aurai rendu compte de ce qui se passa antérieurement. Les jours couraient, et fleure de la convention nationale allait finir ; elle mourut sous la présidence de Génissieux. Celui-ci, montagnard ardent, député de l'Isère, vota la mort du roi ; il se prononça toujours avec une véhémence croissante contre les prêtres réfractaires, les nobles, les émigrés et leurs parents ; il ne voulut la rentrée de personne, pas même celle de Talleyrand Périgord et de Montesquieu Fezensac. De substitut au tribunal de cassation, il devint sous le directoire, ministre de la justice, combattit de tout son pouvoir en faveur de la république ; ses efforts, aux approches du 18 brumaire, pour en paralyser les effets, contraignirent le nouveau gouvernement à le faire arrêter et conduire à la Conciergerie, où il demeura six heures environ ; Cambacérès le fit relâcher. Nommé juge ai tribunal d'appel de. la Seine, il mourut en 1804. Il possédait une imagination vive, des moyens étendus, une intrépidité plus commune qu'on ne pense parmi la magistrature. Il détestait franchement le despotisme d'un seul, et s'accommodai t de celui de plusieurs. Le 4 brumaire (26 octobre 1795), à l’instant où la pendule de la chambre des représentants marquait deux heures et demie de l’après-midi, il annonça d’une voix forte que la convention nationale avait terminé ses séances, et qu'elle allait se réunir en corps électoral, afin de compléter la nomination des cinq cents membres qu'elle devait fournir aux deux corps législatifs de la constitution nouvelle, afin de procéder ensuite à la formation du conseil des anciens et des cinq cents. Des applaudissements équivoques partis des tribunes ne satisfirent personne. La présidence d'âge échut au député Dussaut ; Gamon, Peniers et Tallien, comme les plus jeunes, devinrent les secrétaires provisoires. Le choix furent faits, les deux conseils complétés, et ceux-ci concoururent à la nomination du directoire : le conseil des cinq cents devait présenter une liste de cinquante candidats, parmi lesquels les anciens choisiraient les cinq directeurs. La majorité, toute républicaine, avait fait ses désignations à l'avance ; elle manœuvra avec une telle habileté et une homogénéité si parfaite, que les cinq premiers sur.la liste de candidature furent dans l'ordre suivant : La Révellière Lepaux, Sieyès, Rewbell, Letourneur de la Manche, et Barras. Quarante-cinq noms des plus insignifiants, parmi les membres des deux conseils, venaient ensuite, et le quarante-sixième fut Cambacérès ; Boissy-d'Anglas, Barthélemy, Villaret-Joyeuse, et Pichegru, fermaient liste. Le directoire était donc nommé flans sa totalité, mais Sieyès refusa d'en faire partie : il n'aimait pas Rewbell ; des querelles particulières, des succès d'estime acquis pat l'un et par l'autre, et dam une sorte d'opposition, les avaient rendus ennemis. Sieyès ne voulut donc pas se rencontrer avec lui dans une fréquentation journalière. Son opiniâtreté à se tenir à l'écart embarrassa ses collègues ; il dérangeait par là un calcul bien combiné, et oui/rait forcément la porte à ce Cambacérès, que les républicains repoussaient. On lui reprochait d'incliner en secret pour l'ancien régime, et on s'appuyait sur une lettre du comte d'Antraigues, réellement enlevée, et qui disait : Je ne suis nullement étonné que Cambacérès soit du nombre de ceux qui voudraient le retour de la royauté ; je le connais et l’ai vu souvent c'est un homme de beaucoup d'esprit ; et si quelque chose m'a étonné de lui, ç'a été de le voir s'asservir à des gens qu'en tout autre temps il eût commandés. Cette opinion du chef des intrigues de l'intérieur, fondée on non, nuisit au jurisconsulte habile ; on tenta de le repousser une seconde fois ; et malgré Barras ce fut Carnot que l'on mit en avant. Certes, le patriotisme de celui-là ne pouvait être contesté-par ceux qui veulent la fin et les moyens. Carnot, au fond, homme d'honneur, de mœurs pures, d'une probité à toute épreuve, avait montré trop de complaisance pour les membres du comité de salut public, ses collègues ; les signatures de confiance qu'il avait apposées à tous leurs actes sanguinaires étaient des crimes dont il ne s'est jamais justifié ; mais en revanche nul ne poussa plus loin l'amour de la patrie et de la gloire française. Il possédait cette capacité supérieure qui dirige les évènements, cette fermeté qui triomphe des obstacles, cette patience qui en assure le succès. Désintéressé comme Fabricius, au-dessus du soupçon, il a pu essayer de justifier sa conduite, parce qu'elle a été sincère. Il est certain qu'il y a en lui quelque chose de ces qualités qui font les. grands citoyens ; j'en tire la preuve de l'estime que des rois mérne lui ont montrée, de la protection qu'il a trouvée parmi eux à chacune de ses disgrâces : car de quel gouvernement n'en a-t-il pas éprouvé ? Sorte de Romain à Paris, hors de tout rapport avec les contemporains, il forme une figure à part au milieu de son époque il n'appartient précisément à aucun parti ; il les a tous combattus sans songer à son avantage personnel, n'a vu que l'intérêt de la chose publique, et, en se trompant quelquefois, a conquis l'estime de presque tous. Ce fut Lui qui devint le cinquième directeur, et qui apporta, au milieu d'un gouvernement destiné à soutenir les dilapidations de tout gen're, une inflexible vertu, qui le fit pair de ceux dont elle était la satire vivante : les fournisseurs, accapareurs, agioteurs, le détestèrent ; et pour le perdre on en fit un royaliste l'accusation était à peine croyable, Carnot ne le fut jamais et ne, pouvait l'être. Le directoire dut s'installer au palais du Luxembourg, où ses membres furent logés aux frais de l'état ; !es anciens prirent possession de la salle des Tuileries, les cinq cents de celle du palais Bourbon. Cela fait, il fallut nommer les ministres. Cette attribution appartenait au directoire : il désigna Merlin de Douai à la justice. Un autre est connu sous le nom de Merlin moustache : celui-ci 'est un jurisconsulte du premier ordre, mais qui, hors de son cabinet, n'a guère fait que des sottises, et dont la poltronnerie est passée en proverbe. Régicide comme les directeurs, ardent révolutionnaire, il ne pouvait être, malgré l'éminence de ses talents, qu'un ministre très-partial. Charles Lacroix, autre votant, prit le portefeuille des relations extérieures. L'un des actes de son ministère fut d'inviter, en 1796, les ambassadeurs de Prusse et d'Espagne à la fête sacrilège de l'anniversaire de l'assassinat de Louis XVI, auquel il avait contribué par son vote. Peu de talents, beaucoup de suffisance, du pathos en place d'éloquence, c'était tout ce qu'avait Lacroix. Aubert Dubayet fut ministre de la guerre. Bon militaire, républicain, enthousiaste sans beaucoup de capacité, et très-opiniâtre dans ses idées, il combattit avec un mélange de succès et de revers, qui ne fixèrent pas sa réputation. Il ne voulait aucune paix avec les Vendéens, prétendant qu'il ne fallait accorder aux rebelles que le pardon, et ne point traiter avec eux. Pleville le Peley honora le ministère de la marine par des vertus des temps optiques, par un désintéressement dont le directoire se moqua beaucoup. On lui donna, pour fournir aux frais d'une tournée dans les ports de la république, une somme de quarante mille francs ; il en dépensa douze mille, et rapporta le reste au trésor ; on se refusa à les recevoir. Alors il consacre cette somme à l'établissement des télégraphes placés au faite de l'hôtel de la Marine. La vie entière de ce ministre est remplie de pareils traits. On voulut mettre aux finances Gaudin depuis duc de Gaëte. Là encore était la loyauté unie à des connaissances variées. M. Gaudin refusa, Faypoult vint à la place, et fut un administrateur honorable et honoré. Benezech de Montpellier devint ministre de l'intérieur. Celui-là aussi était un homme habile et digne de meilleurs temps. |