HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA GUERRE DE 1870-1871

TOME PREMIER

 

CHAPITRE II. — DÉCLARATION DE GUERRE À LA PRUSSE.

 

 

L'Espagne avait fait une nouvelle révolution en septembre 1868. Le général Prim et l'amiral Topete s'étaient soulevés contre la reine Isabelle II, avaient vaincu ses troupes à Alcolea (28 septembre) et l'avaient forcée à quitter l'Espagne. Le gouvernement provisoire ayant convoqué les Cortès, l'Assemblée prononça la déchéance d'Isabelle, vota une constitution libérale et décida que la forme du gouvernement continuerait à être la monarchie. En attendant qu'elle eût trouvé un roi qui voulût accepter le lourd fardeau de la couronne d'Espagne, elle donna le titre de Régent de la monarchie au maréchal Serrano.

Le duc de Montpensier et sa femme l'infante Louise, sœur de la reine Isabelle, avaient des chances sérieuses de monter sur le trône, et il paraît que tel était le désir du général Prim. Parmi les obstacles que rencontra la candidature du duc de Montpensier, le plus sérieux fut l'opposition de Napoléon III à l'avènement d'un prince d'Orléans. Le duc de Montpensier échoua, et Prim chercha dès lors un roi à l'étranger. Ainsi, a dit M. Thiers devant la commission d'enquête, la maison Bonaparte a suscité la cause de la guerre dans un intérêt dynastique, sans se douter de ce qui allait en résulter.

Après avoir été refusée par plusieurs princes, la couronne espagnole fut enfin acceptée, du consentement du roi de Prusse, par le prince Léopold de Hohenzollern, d'une branche catholique n'appartenant que de loin à la famille royale de Prusse.

Le gouvernement français, pris au dépourvu, ne put opposer en temps utile son veto à l'acceptation de la couronne d'Espagne par le prince allemand, acceptation qu'il ne connut que quand elle fut publique, le 5 juillet[1].

La France s'émut vivement. On voyait la Prusse, déjà toute-puissante en Allemagne, et nous pressant sur le Rhin, établir son influence en Espagne ; en cas de guerre avec l'Allemagne, on pouvait être attaqué de tous côtés. Pour répondre à l'interpellation d'un député, le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères, monta à la tribune, le 6 juillet, et déclara, dans un langage hautain et peu diplomatique, qu'il était vrai que le prince de Hohenzollern avait accepté la couronne d'Espagne, et qu'il ne connaissait pas encore les détails vrais d'une négociation qui nous avait été cachée ; que, sans vouloir nous mêler des affaires intérieures de l'Espagne, nous ne pouvions souffrir qu'une puissance étrangère, en plaçant un de ses princes sur le trône de Charles-Quint, pût déranger à notre détriment l'équilibre des forces de l'Europe et mettre en péril les intérêts et l'honneur de la France. Pour empêcher cette éventualité de se réaliser, ajoutait le ministre, nous comptons à la fois sur la sagesse du peuple allemand et sur l'amitié du peuple espagnol. S'il en était autrement, forts de votre appui, Messieurs, et de celui de la nation, nous saurions remplir notre devoir sans hésitation et sans faiblesse.

L'effet de cette déclaration fut immense. Sa forme inusitée permettait de croire que le gouvernement français avait sauté avec une violence imprudente sur la première occasion qui se présentait pour faire la guerre à la Prusse[2]. L'opinion publique, à Paris, soutint généralement cette politique brusquement agressive. On croyait qu'on allait prendre une revanche dé Sadowa, et on tombait en plein dans le piège que M. de Bismarck tendait à notre gouvernement. La Prusse, en effet, était décidée à compléter les résultats de Sadowa, c'est-à-dire à réunir à la confédération du Nord la Bavière, le Wurtemberg et Bade, ce qu'elle ne pouvait obtenir que par une guerre victorieuse contre la France. Elle était prête à entrer en campagne et savait que. la France ne l'était pas ; elle voulait surtout nous amener à déclarer nous-mêmes la guerre, afin de paraître réduite encore une fois à se défendre contre l'insatiable ambition de la France.

Dès le premier jour, le cabinet français, se trompant complètement, entra dans le jeu de la Prusse, entassa fautes sur fautes, et, en un mois, fit passer la France de la paix la plus profonde à l'invasion, à la défaite de ses armées et à la chute de l'Empire.

L'Angleterre et l'Autriche blâmèrent vivement la déclaration du duc de Gramont, qui risquait de compromettre la paix de l'Europe. La conduite du général Prim fut condamnée par les mêmes puissances, et l'Angleterre s'associa au gouvernement français pour résoudre diplomatiquement le différend.

La France déclara à l'Espagne qu'elle s'opposait à l'avènement du prince Léopold. L'Angleterre, l'Autriche et l'Italie appuyèrent cette résolution, et le général Prim fut obligé d'abandonner son candidat, en y mettant une seule condition : c'est que le prince se retirerait de lui-même. L'Angleterre qui négociait pour nous et conduisait l'affaire avec habileté, après avoir obtenu la renonciation de Prim, obtint le désistement du prince Léopold. Le 12 juillet, le prince Antoine de Hohenzollern, père de Léopold, notifia au cabinet de Madrid la renonciation de son fils, et Le roi de Prusse, en l'annonçant à M. Benedetti, notre ambassadeur à Berlin, lui déclarait qu'il avait donné à cette renonciation son acquiescement comme souverain et comme chef de la famille. Le même jour, l'ambassadeur d'Espagne faisait connaître à M. de Gramont la renonciation du prince Léopold.

Pour tout esprit impartial, la question était terminée. Grâce à l'intervention de l'Angleterre et à la modération personnelle du roi de Prusse, l'intrigue ourdie à Berlin avait échoué. Elle avait, il est vrai, deux foyers : Madrid et Berlin. Il y avait deux meneurs : l'un apparent, Prim, l'autre caché, M. de Bismarck ; mais l'Angleterre avait eu la sagesse de ne voir que Madrid et le général Prim, et de laisser de côté Berlin et M. de Bismarck. Pour le moment, les projets de M. de Bismarck étaient déjoués par la défaite de son complice, le général Prim. Que ses mauvais desseins contre la France existassent encore, c'était évident, mais ils avaient échoué en cette occasion. C'était un succès dont le gouvernement français aurait dû se contenter provisoirement. Dès lors il fallait mettre le temps à profit, chercher des alliés et se préparer sérieusement à la guerre pour être en mesure de vaincre la Prusse, œuvre difficile, dont le gouvernement, malgré les informations les plus exactes qu'il recevait de ses agents en Allemagne, n'avait jamais soupçonné la gravité.

Au lieu d'adopter cette ligne de conduite, que commandaient l'état de nos forces militaires et la plus vulgaire prudence, on voulut régler complètement la question à Madrid et à Berlin, au risque d'avoir la guerre immédiatement.

Il y avait dans le gouvernement français, à la Cour, dans les Chambres et dans la presse, un parti qui voulait la guerre. L'Impératrice, qui le dirigeait, disait que cette guerre serait sa guerre. Son entourage avait l'ambition de prendre une revanche éclatante de l'échec moral que la politique française avait subi à Sadowa ; il espérait, à l'aide d'une victoire sur la Prusse, consolider l'Empire.

Napoléon III hésitait, comme toujours, entre ceux qui voulaient la guerre et les partisans de la paix. Il inclinait à la paix ; mais, souffrant depuis longtemps, il était devenu plus incertain que jamais. Sa volonté était malade, a dit Sainte-Beuve, et ceux qui voulaient la guerre exploitaient audacieusement cette situation d'un souverain tout-puissant en apparence, très-faible ou nul en réalité. Le parti de la guerre n'hésita pas à commettre, à l'insu de l'Empereur, un acte bien grave. Napoléon III et le conseil des ministres avaient trouvé, le 6 juillet, que la déclaration de M. de Gramont était trop raide ; la rédaction en avait été atténuée, et cependant M. de Gramont vint lire à la tribune le texte primitif, le texte non modifié de cet acte.

Les ministres pacifiques, MM. Emile Ollivier et Chevandier de Valdrôme, jugeaient avec raison qu'après la renonciation du prince Léopold l'incident était terminé, et terminé à la satisfaction de la France. L'Empereur fut de cet avis, et pendant une demi-heure la paix fut décidée à Saint-Cloud. Mais l'Impératrice revint à la charge et finit par l'emporter.

A peine le prince Léopold eut-il renoncé à la couronne d'Espagne, que M. de Gramont reprit l'affaire avec la Prusse et fit demander au roi Guillaume de s'engager à ne pas relever plus tard la candidature du prince Léopold. On voulait obtenir un désaveu complet, public, des menées qui venaient d'échouer. C'était la Prusse qui avait engagé la querelle à Madrid, et elle avait échoué devant l'intervention diplomatique de l'Angleterre. Maintenant c'est nous qui commençons une nouvelle querelle avec la Prusse, qui changeons volontairement la question espagnole en une question allemande, au bénéfice de la politique de M. de Bismarck, et avec la certitude de trouver la guerre au bout de cette impasse.

Ce désir bien évident de vouloir la guerre, en provoquant une affaire prussienne, blessa profondément le cabinet de Londres, qui venait de résoudre à notre satisfaction l'affaire espagnole. L'Autriche blâma le gouvernement impérial, et l'Europe entière rendit la France responsable de la guerre que ses exigences imprévoyantes allaient faire éclater. L'opinion, qui jusqu'alors était avec nous, se prononçait dès lors contre nous.

Lord Lyons, ambassadeur d'Angleterre à Paris, exprima à M. de Gramont, le 12 juillet, le mécontentement de son gouvernement et essaya de lui faire comprendre la gravité de la situation.

Je ne dissimulai pas à M. de Gramont, dit lord Lyons dans sa dépêche à lord Granville[3], ni ma surprise ni mon regret de voir le gouvernement français hésiter un instant à considérer la renonciation du prince comme une solution de l'affaire. Je lui rappelai en détail les assurances qu'il m'avait formellement autorisé à donner au gouvernement de la reine, à savoir que, si le prince retirait sa candidature, tout serait fini. Je fis observer en outre à M. de Gramont que la renonciation du prince avait totalement modifié la position de la France. Si la guerre survenait à présent, toute l'Europe dirait que c'était la faute de la France ; que la France s'est jetée dans une querelle sans cause sérieuse, simplement par orgueil et par ressentiment. Un des avantages de la première position de la France, c'était que la querelle avait pour objet un incident qui touchait très-peu aux passions de l'Allemagne et pas du tout à ses intérêts. A présent, la Prusse peut espérer rallier l'Allemagne pour résister à une attaque qui ne pouvait être attribuée qu'au mauvais vouloir, à la jalousie de la France et à un désir passionné d'humilier ses voisins. En fait, dis-je, la France aura contre elle l'opinion du monde entier, et sa rivale aura tout l'avantage d'être manifestement contrainte à la guerre pour sa défense et pour repousser une agression.

Les sages conseils de lord Lyons furent inutiles. Le parti de la guerre était résolu à ne rien écouter.

Aigri par le malheur, le public français a voulu s'en prendre à quelqu'un, et il a cherché parmi les ministres de l'Empire. Il devait chercher plus haut et suivre sur ce point la constitution de 1852. C'est l'Empereur qui, flottant sans cesse de la paix à la guerre, regrettant la paix quand il s'en voyait tout près, parce qu'elle ne lui donnait pas les satisfactions qu'il espérait de la guerre ; regrettant la guerre quand il la voyait s'avancer, parce qu'il avait l'instinct de son danger ; c'est l'Empereur qui, dans cette journée du 12 juillet, lorsqu'il venait d'acquiescer à la paix, changeant tout à coup de résolution, soit qu'il fût troublé du mécontentement qu'avait et surtout qu'affectait cette coterie de la guerre qu'il prenait pour un parti, soit qu'il s'égarât lui-même à suivre les traditions mal comprises de sa famille ; c'est l'Empereur qui a écrit à M. de Gramont la lettre suivante, dont il a autorisé la publication, sans doute pour disculper son ministre et pour maintenir sa responsabilité souveraine jusqu'à la chute de son règne.

MON CHER DUC,

En réfléchissant à nos conversations d'aujourd'hui et en relisant la dépêche du prince Antoine, je crois qu'il faut se borner à accentuer davantage la dépêche que vous avez dû envoyer à Benedetti, en faisant ressortir les points suivants :

1° Nous avons eu affaire à la Prusse et non à l'Espagne ;

2° La dépêche du prince Antoine, adressée à Prim, est un document non officiel pour nous, que personne n'a été chargé en droit de nous communiquer ;

3° Le prince Léopold a accepté la candidature au trône d'Espagne, et c'est le père qui renonce ;

4° Il faut donc que Benedetti insiste, comme il en a l'ordre, pour avoir une réponse catégorique par laquelle le roi s'engagerait pour l'avenir à ne pas permettre au prince Léopold (qui n'est pas engagé) de suivre l'exemple de son frère[4] et de partir un beau matin pour l'Espagne ;

5° Tant que nous n'aurons pas une communication officielle d'Ems[5], nous ne sommes pas censés avoir eu de réponse à nos justes demandes ;

6° Tant que nous n'aurons pas cette réponse, nous continuerons nos armements ;

7° Il est donc impossible de faire une communication aux Chambres avant d'être mieux renseignés[6].

Ce même jour, le 12, le parti de la guerre fit à la Chambre des manifestations belliqueuses et soutint, d'accord avec la lettre de l'Empereur, qu'il fallait demander des garanties à la Prusse. La rue se mêla de la partie et fit aussi des manifestations spontanées ou payées. Quant au ministère, il refusa de communiquer à la Chambre les dépêches relatives à la renonciation du prince Léopold, parce qu'elles auraient fortifié le parti de la paix.

M. Benedetti, notre ambassadeur à Berlin, était alors à Ems auprès du roi de Prusse. Il fit connaître au roi les nouvelles demandes de la France, et il en obtint, le 13, une dernière réponse. Le roi de Prusse lui fit dire par un aide de camp qu'il l'autorisait à faire savoir à l'Empereur qu'il approuvait le désistement du prince Léopold, complètement et sans réserve, mais qu'il ne pouvait aller plus loin sans aggraver le mécontentement que cette renonciation allait causer en Allemagne, et qu'on n'obtiendrait rien de plus de lui. M. Benedetti, qui jugeait très sainement la question, prévint son gouvernement de la gravité de la situation en envoyant la réponse du roi à M. de Gramont. Ses avis ne furent pas plus écoutés que ceux de lord Lyons.

Le 13, le parti de la guerre, au Corps législatif, manifesta plus bruyamment que la veille ses ardeurs belliqueuses. Il blâma le ministère sur la modération de sa conduite et lança de virulentes attaques contre la Prusse. Dans les couloirs, on déclarait que MM. Emile Ollivier et Chevandier de Valdrôme étaient des traîtres, des misérables, parce qu'ils se contentaient de la renonciation du prince Léopold.

A ce moment, l'Allemagne commençait à s'irriter de nos exigences, blâmait le roi de Prusse de sa modération et de sa condescendance. M. de Bismarck, qui était resté jusqu'alors, au moins en apparence, en dehors des négociations, intervint tout à coup et les dirigea. Le moment était opportun, en effet.  M. de Bismarck voulait une guerre allemande et non pas une guerre causée par l'incident Prim et Hohenzollern. Il allait mettre à profit nos exigences maladroites, qui soulevaient le sentiment national de l'Allemagne, et nous amener à déclarer la guerre.

M. de Bismarck a-t-il de longue date préparé et conduit cette affaire encore ténébreuse ? a-t-il soulevé la candidature Hohenzollern pour en faire sortir la guerre, ou a-t-il seulement profité de nos fautes et de notre aveuglement dans la seconde partie de cette affaire ? Nul ne peut encore le dire avec certitude. Il faut se contenter actuellement de constater que la question espagnole s'était terminée à notre avantage, et que, si nous avions été prudents, si nous avions su nous contenter de ce succès, M. de Bismarck subissait un échec et était obligé d'attendre ou de provoquer une nouvelle occasion de conflit.

Mais, en présence de la situation qu'on lui fait, M. de Bismarck pousse résolument à la guerre. Il la veut, parce que l'armée prussienne est prête, et, comme il le dit, parce que, tenant la victoire, il ne la laissera pas échapper. Il la veut, parce que l'Allemagne est irritée contre la France, et que nos fautes la livrent complètement à la politique prussienne. Il trouve un nouveau prétexte de guerre dans le cas où la querelle actuelle viendrait à s'arranger : il déclare à l'ambassadeur d'Angleterre que la Prusse ne peut rester humble et impassible sous l'affront infligé au roi et à la nation par la déclaration de M. de Gramont, et qu'il n'aura plus de communications avec notre ambassadeur tant que l'affront n'aura pas été réparé.

En même temps (le 13 au soir), M. de Bismarck faisait publier par son journal officieux un article sur les négociations d'Ems. On y racontait la demande de garantie présentée au roi par l'ambassadeur de France et le refus du roi de satisfaire à cette exigence ; on y disait que M. Benedetti, à la promenade à Ems, avait accosté le roi de Prusse et l'avait requis de promettre qu'il ne permettrait jamais à un Hohenzollern d'être candidat au trône d'Espagne ; que le roi, offensé de cette audace, s'était tourné vers un de ses officiers et lui avait dit d'informer le comte Benedetti qu'il n'y avait pas de réponse et qu'il ne pouvait le recevoir de nouveau. Cette indiscrétion de notre ambassadeur et la réponse insultante du roi étaient d'odieux mensonges, destinés, en soulevant l'indignation des Prussiens et des Français, à mettre le feu aux poudres. Cet article paraissait à la même heure dans la Gazette de Cologne, journal très répandu ; on l'affichait dans les rues de Berlin, et sa substance était envoyée par le télégraphe aux ambassadeurs de la Prusse dans les cours de l'Allemagne du Sud et dans les divers États de l'Europe.

Le 13 au soir, quand la guerre est devenue imminente ; inévitable peut-être, grâce à son impéritie, le gouvernement français commence à s'inquiéter de la guerre. Les idées de paix reprennent le dessus, et il s'opère un changement dans la politique du cabinet de Saint-Cloud. M. de Gramont adoucit ses exigences et envoie à M. Benedetti la dépêche suivante : Faites un dernier effort auprès du roi ; dites-lui que nous nous bornons à lui demander de défendre au prince de Hohenzollern de revenir sur sa renonciation ; qu'il vous dise : Je le lui défendrai, et qu'il vous autorise à me l'écrire, ou qu'il charge son ministre ou son ambassadeur de me le faire savoir, cela nous suffira.

M. de Gramont pria en même temps lord Granville d'insister auprès du roi de Prusse pour obtenir cette concession, qui devait être la dernière, assurait-il.

Rien n'est plus misérable que ces vacillations, que les arrogances précédentes comparées à ce ton presque suppliant, et à ces prières si souvent adressées à l'Angleterre de venir à notre secours et de nous tirer d'embarras. Pourquoi refuser le 12 ce qu'on demandera le 14 par l'intermédiaire de l'Angleterre ? Le roi de Prusse n'avait-il pas déclaré, le 12, qu'il consentait entièrement et sans réserve au désistement du prince Léopold ? On avait refusé d'accepter cette déclaration pour terminer le différend, et le 14, quand on invoquait la médiation de l'Angleterre, cette puissance ne consentait à demander au roi de Prusse de renouveler sa déclaration qu'à la condition que la France renoncerait à sa demande de garantie, c'est-à-dire qu'elle reviendrait à la situation que l'Angleterre lui avait déjà faite le 12. Ces nouvelles démarches furent inutiles. M. de Bismarck rejeta l'offre de la médiation de l'Angleterre et les propositions d'arrangement. Ce même jour, le cabinet de Saint-Cloud hésitait à mobiliser l'armée ; les ordres donnés sont retirés le soir, puis redonnés dans la nuit. Pendant la journée du 14, la nouvelle de l'insulte faite à notre ambassadeur s'était répandue dans Paris et soulevait l'indignation des Chambres, des journaux et du public. La manœuvre de M. de Bismarck réussissait complètement et préparait les esprits à la déclaration de guerre du lendemain.

Il faut le répéter, le lendemain, le ministère allait tomber lourdement dans le traquenard ouvert sous ses pieds, et donner à son redoutable adversaire la joie suprême de nous voir déclarer la guerre à la Prusse et de lui fournir le moyen de mettre à exécution ses desseins : l'abaissement de la France et la domination de la Prusse sur l'Allemagne.

Cependant l'Empereur était averti depuis longtemps par M. Benedetti que toute l'Allemagne s'unirait à la Prusse dans le cas où la guerre éclaterait, surtout si nous étions les premiers à la déclarer. Jamais nous ne vous ferons la guerre, disait M. de Bismarck au colonel Stoffel[7] ; il faudra que vous veniez nous tirer des coups de fusil chez nous, à bout portant.

C'est qu'en effet M. de Bismarck savait qu'une déclaration de guerre faite par la France à la Prusse soulèverait les haines de la Patrie allemande contre l'ennemi héréditaire, contre cette France exécrée[8], et que cette incomparable maladresse, si nous la commettions, rallierait autour de la Prusse les forces de la Bavière, du Wurtemberg, de la Saxe et du Hanovre, et leur ferait oublier leur antipathie contre la race prussienne et son hégémonie.

On comprendrait à la rigueur cette conduite, si la France avait eu une armée suffisante et des alliances. Mais, sans armée et sans alliés, il était insensé de se conduire ainsi devant de tels adversaires, et c'est ce qui peut expliquer le retour momentané aux idées pacifiques qui semblent avoir triomphé un moment pendant ces tristes journées.

Mais, le 15, le parti de la guerre avait repris son ascendant. A la Chambre, au Sénat, dans la presse, dans les cafés, partout, on ne parlait plus que de l'insulte faite à notre ambassadeur, et on demandait la guerre. Au Corps législatif, M. Émile Ollivier, vivement pressé par M. Thiers d'expliquer en quoi consistait cette insulte, déclara que le gouvernement considérait comme une insulte de la part du roi d'avoir refusé de recevoir notre ambassadeur, de lui avoir fait dire par un aide de camp qu'il n'avait aucune communication ultérieure à lui faire, et d'avoir fait connaître cette résolution aux cabinets de l'Europe. La commission de la Chambre trouva que c'était une offense qu'on ne pouvait tolérer.

Enfin, le gouvernement annonça que la guerre venait d'être déclarée. Cette résolution fut approuvée par l'unanimité enthousiaste du Sénat et par une grande majorité au Corps législatif, malgré l'opposition énergique et prophétique de M. Thiers. Il faut dire que la Chambre croyait que l'on était en mesure de soutenir la guerre ; mais que sa crédulité, trop facile en vérité, avait été trompée à la fois par le ministre des Affaires étrangères et par le ministre de la Guerre.

Le premier insistait sur l'insulte, évitait de parler de la demande de garantie qui avait rallumé la querelle et laissait soupçonner que nous avions des alliés, ce qui n'était pas vrai, car il n'y avait eu jusqu'alors que des pourparlers avec l'Autriche et l'Italie. Le second avait affirmé qu'on était prêt à entrer en campagne, qu'on avait huit jours d'avance sur la Prusse, qu'on passerait le Rhin trois jours après la déclaration de guerre, que l'armée était prête, et tellement pourvue de tout, que pendant un an elle n'aurait pas besoin d'un bouton de guêtre, enfin qu'elle était archiprête.

Et cependant on n'était pas prêt. On n'avait que des quantités insuffisantes de chassepots, de canons, de munitions, de projectiles et de chevaux. Les places fortes manquaient absolument de tout[9]. Toutes les ressources avaient été absorbées depuis longtemps pour payer les frais de l'expédition du Mexique ; tous les fonds alloués pour l'entretien de notre état militaire avaient été détournés de leur destination et jetés dans ce gouffre, parce qu'on n'osait pas demander au pays le milliard qu'on avait si follement dépensé pour faire gagner quelques millions à M. de Morny et à d'autres familiers.

Les hommes faisaient défaut autant que le matériel de guerre. On avait à peine 270.000 soldats pour entrer en campagne et lutter contre 450.000 Allemands[10]. Mais l'entourage de l'Empereur et notre haut état-major, comme tous les favoris et les ignorants, étaient pleins d'infatuation. Ils croyaient que la bravoure du soldat, le chassepot et les mitrailleuses suffiraient pour vaincre un ennemi qu'ils méprisaient et dont ils ne connaissaient ni le nombre, ni la valeur, ni l'organisation. On se berçait des souvenirs d'Iéna, et on ne parlait que d'aller à Berlin. Les cartes d'Allemagne étaient seules recherchées. Certains journaux débitaient au public les plus folles extravagances, entre autres qu'il suffirait d'un Français pour jeter cinq Prussiens dans le Rhin à coups de crosse. En descendant plus bas, on trouvait des gens avinés et des soldats débraillés qui hurlaient la Marseillaise sous prétexte d'affirmer leur patriotisme.

La marine n'était pas plus prête à entrer en campagne que l'armée de terre ; elle n'était pas en état de transporter un corps de troupes en Danemark, ce qui était indispensable si on voulait l'avoir pour allié.

La France venait de combler la mesure de ses fautes.

Mais les torts de notre gouvernement ne créent point par contre-coup au gouvernement prussien les mérites de moralité internationale qu'il s'est attribués ; nos fautes ont fait son triomphe, nous ne le savons que trop ; elles ne font pas sa vertu, et nous demandons qu'il soit bien entendu que, lorsque nous disons : le gouvernement français a eu tort, cela ne veut pas dire : le gouvernement prussien a eu raison[11].

Nous avons été indignement trompés, ont dit depuis plusieurs députés de la Chambre de 1870. L'un d'eux, M. Lafond de Saint-Mür, l'a écrit en 1876, et sa lettre mérite d'être reproduite :

Savez-vous pourquoi je n'ai pas été au nombre des douze députés qui ont voté contre la guerre de 1870 ?

Nous avons été indignement trompés !

Oui, l'on est venu dire à la Chambre française que la France était outragée ; mais que notre armée était là, nombreuse, préparée, et par conséquent invincible ; que le temps marchait, qu'il fallait se hâter, si l'on ne voulait pas être surpris, et frapper un de ces coups foudroyants dont notre génie semblait jusqu'ici avoir seul le secret.

J'entends encore la voix émue et respectée de l'honorable marquis de Talhouet, dans cette séance fameuse du 15 juillet, proposant à la Chambre, au nom de la Commission, de verser son sang et son or pour venger notre injure.

Cette Commission, monsieur, avait appelé devant elle le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Armes ; elle les avait interrogés avec une attention redoutable, scruté les causes de la guerre, passé en revue nos flottes et nos armées ; elle nous disait d'une voix unanime, par la bouche de son honorable rapporteur, ces mémorables et patriotiques paroles : Le sentiment profond produit par l'examen des documents qui nous ont été soumis est que la France ne pouvait subir l'affront fait à la nation.

Elle ajoutait : Qu'inspirées par une sage prévoyance, les deux administrations de la guerre et de la marine se trouvaient en état de faire face avec une promptitude remarquable aux nécessités de la situation.

J'ai cru, monsieur, comme les membres qui formaient cette Commission, à ces affirmations solennelles.

On nous trompait. L'histoire sévère et inexorable dira sur qui doit peser cette effrayante responsabilité[12].

Le lendemain de cette déplorable séance du 15 juillet, M. Rouher, en présentant à l'Empereur l'adresse du Sénat qui venait de voter la guerre, lui adressa l'allocution suivante :

La dignité de la France est méconnue. Votre Majesté tire l'épée : la patrie est avec vous, frémissante d'indignation et de fierté.

Les écarts d'une ambition surexcitée par un jour de grande fortune devaient tôt ou tard se produire.

Se refusant à des impatiences hâtives, animé de cette calme persévérance qui est la vraie force, l'Empereur a su attendre ; mais, depuis quatre années, il a porté à sa plus haute perfection l'armement de nos soldats, élevé à toute sa puissance l'organisation de nos forces militaires.

Grâce à vos soins, la France est prête, Sire, et par son enthousiasme elle prouve que, comme vous, elle était résolue à ne tolérer aucune entreprise téméraire.

Si l'heure des périls est venue, l'heure de la victoire est proche. Bientôt la patrie reconnaissante décernera à ses enfants les honneurs du triomphe. Bientôt, l'Allemagne affranchie de la domination qui l'opprime, la paix rendue à l'Europe par la gloire de nos armes, Votre Majesté qui, il y a deux mois, recevait pour elle et sa dynastie une nouvelle force de la volonté nationale, Votre Majesté se dévouera de nouveau à ce grand œuvre d'amélioration et de réformes dont la réalisation, la France le sait et le génie de l'Empereur le lui garantit, ne subira d'autre retard que celui que vous emploierez à vaincre.

Dix-sept mois auparavant, le 18 janvier 1869, l'Empereur, s'adressant aux grands corps de l'État, leur avait dit :

La loi militaire et les subsides accordés par votre patriotisme ont contribué à affermir la confiance du pays, et, dans le juste sentiment de sa fierté, il a éprouvé une réelle satisfaction, le jour où il a su qu'il était en mesure de faire face à toutes les éventualités.

Les armées de terre et de mer, fortement constituées, sont sur le pied de paix ; l'effectif maintenu sous les drapeaux n'excède pas celui des régimes antérieurs ; mais notre armement perfectionné, nos arsenaux et nos magasins remplis, nos réserves exercées, la garde nationale en voie d'organisation, notre flotte transformée, nos places fortes en bon état, donnent à notre puissance un développement indispensable.

Le but constant de mes efforts est atteint : les ressources militaires de la France sont désormais à la hauteur de ses destinées dans le monde.

Le Journal officiel, dans son numéro des 16-17 août de la même année, avait publié l'article qui suit :

L'histoire dira avec quelle activité, quelle persévérance, quelle force de volonté, quelle merveilleuse fécondité de ressources le maréchal Niel, entrant profondément dans la pensée de l'Empereur, est parvenu à résoudre ce problème jusqu'alors réputé insoluble, de doubler les forces militaires de la France, non seulement sans augmenter ses charges en temps de paix, mais en les allégeant pour les familles et en diminuant les dépenses du Trésor.

Rappelons ici ce qui a été fait ; le tableau est assez grand pour se passer de commentaires :

Une armée de ligne de 750.000 hommes disponibles pour la guerre ; près de 600.000 hommes de garde nationale mobile ; l'instruction dans toutes les branches poussée à un degré inconnu jusqu'ici ; nos règlements militaires remaniés et mis en rapport avec les exigences nouvelles ; les conditions de l'existence du soldat et de l'officier largement améliorées ; l'avenir des sous-officiers qui ne veulent pas poursuivre leur carrière militaire, assuré par leur admission aux emplois civils ; 1.200.000 fusils fabriqués en moins de dix-huit mois, les places mises en état et armées, les arsenaux remplis, un matériel immense prêt à suffire à toutes les éventualités quelles qu'elles soient, et, en face d'une telle situation, la France confiante dans sa force, garantie solide de la paix.

Tous ces grands résultats obtenus en deux années !

Mieux que personne cependant, l'Empereur savait que toutes ces paroles étaient absolument fausses. Il connaissait exactement la situation de notre armée, et, en mai 1870, il avait fait imprimer une brochure[13] destinée à prouver aux Chambres, qui demandaient sans cesse la réduction des effectifs, la nécessité d'augmenter nos forces militaires. Il en signalait l'insuffisance et constatait que la Prusse et l'Allemagne pouvaient mettre 900.000 hommes sur pied[14].

Quant aux alliances, il paraît certain que des négociations avaient eu lieu avec l'Autriche, l'Italie et le Danemark. L'Autriche se serait peut-être engagée dans la lutte ; mais la Russie, dès le 23 juillet, menaça le cabinet de Vienne de lui faire la guerre, s'il ne gardait pas la neutralité[15]. Elle empêcha aussi le Danemark de se joindre à la France, et le força de conserver aussi la plus complète neutralité[16].

Aussi, à la fin de la guerre, le nouvel empereur d'Allemagne écrivit-il au Czar : C'est la Russie qui a tout permis.

Je n'ai pas à m'occuper ici de rechercher quel devait être le prix des services que la Russie rendait à la Prusse. Il me suffit de constater que Sedan a été pour la Russie ce que Sadowa avait été pour la France, une première défaite. La guerre d'Orient ne tarda pas à le prouver.

La Russie était donc liée à la Prusse par des engagements dont elle devait être bientôt la dupe, quand, à la veille de Sedan, Napoléon chargea son ambassadeur à Saint-Pétersbourg de demander au Czar son appui. Le général Fleury ne reçut qu'une réponse évasive ; il la fit connaître à l'Empereur dans sa dépêche du 30 août 1870.

J'ai eu ce matin un long entretien avec l'empereur Alexandre. Il a écrit tout dernièrement au roi de Prusse : il lui fait comprendre que, dans le cas où la France serait finalement vaincue, une paix basée sur une humiliation ne serait qu'une trêve, et que cette trêve serait dangereuse pour tous les États. Le Roi aurait fait une réponse satisfaisante, dans laquelle serait signalée la grande difficulté pour lui de faire accepter par l'Allemagne l'abandon d'une partie des provinces conquises. Après un échange d'idées et une protestation énergique de ma part, le Czar n'a pas insisté. Visiblement impressionné par mes paroles, il m'a dit avec animation qu'il partageait mon opinion, et qu'il saura bien, le moment venu, parler hautement si cela devenait nécessaire. Si j'insiste sur ces nuances, c'est pour constater une fois de plus combien l'empereur Alexandre est dominé par les influences prussiennes, et combien il paraît utile de venir périodiquement combattre le travail incessant de M. de Bismarck.

Restait l'Italie. Dès la fin de l'année 1868, le cabinet de Florence avait proposé aux cabinets de Vienne et des Tuileries une alliance offensive et défensive contre la Prusse. L'affaire du duché de Luxembourg montrait alors aux moins clairvoyants que la rivalité entre la France et la Prusse devait amener tôt ou tard une formidable guerre.

La révolution de septembre 1868 à Madrid et les convoitises que la politique du cabinet de Berlin laissait déjà deviner déterminèrent l'Italie à s'entendre avec l'Autriche-Hongrie pour parer aux éventualités que l'on prévoyait. Le souvenir de la campagne de 1866, encore très-vivant à Vienne, contribua à faciliter une entente. L'Italie fit alors directement les premières ouvertures à Paris. Elle posait comme condition de sa coopération éventuelle l'évacuation immédiate de Rome par les troupes françaises, et sa liberté d'action, dans certaines circonstances déterminées, pour la prise de possession de sa capitale naturelle[17].

Pour peser davantage sur les décisions de l'Empereur, on faisait valoir cette raison que l'évacuation demandée pouvait faire renaître en Italie des sympathies qui avaient reçu un coup mortel après la bataille de Mentana.

Outre les voies diplomatiques ordinaires suivies par le cabinet italien, un envoyé spécial du roi Victor-Emmanuel s'était rendu à Paris pour entraîner les résolutions de l'Empereur. Il est inutile d'ajouter que Victor-Emmanuel fit personnellement tous ses efforts pour arriver à son but, qui était le couronnement du programme national.

Après avoir beaucoup hésité, Napoléon III finit par décliner les propositions de l'Italie et de l'Autriche, en déclarant qu'il ne pouvait abandonner la cause du Pape.

Plus tard, à la veille de la guerre de 1810, l'Empereur essaya de renouer les négociations ; mais le prince de Bismarck, qui avait eu vent de la réponse déclinatoire du cabinet des Tuileries en février 1869, sut prévenir celui-ci et enleva à l'Italie tout motif d'accepter de nouvelles propositions de la France en la mettant à même d'obtenir sans aucun sacrifice ce que Napoléon III, mal conseillé, lui avait refusé au prix d'une alliance.

Voilà la vérité vraie. Cet exposé des faits détruit donc l'assertion que l'Italie, en 1870, avait marchandé son aide quand la France avait déjà déclaré la guerre à la Prusse[18].

Il n'est pas inutile d'ajouter qu'un article de ce traité proposé déclarait respecter la neutralité de la Suisse, avec cette réserve que, si la Suisse prenait parti, l'Italie serait autorisée à profiter de l'occasion pour rectifier sa frontière du côté du Tésin.

En résumé, on commençait la guerre manquant de tout : de généraux, de soldats, de matériel et d'alliés. On ne vit que trop tôt dans quels abîmes la criminelle imprudence de ce gouvernement allait jeter la France.

 

 

 



[1] Cependant la candidature du prince Léopold remontait au mois de mars 1869. et le cabinet des Tuileries la connaissait. Avec plus de soin et de finesse, il aurait pu suivre la piste de cette menée et ne pas être aussi complètement surpris en juillet 1870.

[2] Expression de M. de Metternich dans une dépêche adressée à son gouvernement.

[3] Le 12 juillet 1870.

[4] Le prince de Roumanie.

[5] Où le roi de Prusse prenait les eaux.

[6] Extrait du Rapport présenté a l'Assemblée nationale par M. Saint-Marc Girardin sur les actes du gouvernement de la Défense nationale. Nous avons puisé abondamment dans cet excellent travail.

[7] Envoyé militaire de la France à Berlin.

[8] Grâce aux violences de Louvois et à celles du premier Empire en Allemagne, pendant la longue occupation militaire de 1806 à 1813. C'est cette haine profonde de toutes les nations allemandes contre la France qui a servi de lien à M. de Bismarck pour les réunir contre nous. On ne s'imaginait pas en France qu'il y avait en Allemagne des gens savants, professeurs, docteurs, qui, en 1870, voulaient prendre leur revanche de Tolbiac.

[9] Voir le Rapport de M. le duc d'Audiffret-Pasquier, sur les marchés, dans l'Officiel du 5 mai 1872.

[10] Après avoir nié longtemps le million d'hommes armés de l'Allemagne, l'opinion, toujours aveugle, est tombée dans une autre erreur : on a cru que nous avions été écrasés au début de la guerre par 7 ou 800.000 hommes. La vérité est que la Prusse n'a commencé les hostilités qu'avec 450.000 soldats. Un général habile pouvait gagner du temps, manœuvrer, laisser arriver les réserves et compléter ses effectifs. La guerre, appuyée sur les Vosges, la Moselle et sur nos grandes places, pouvait être tout autre que ce qu'elle a été.

[11] Nous avons emprunté à M. Saint-Marc Girardin ces lignes si vraies et si éloquentes.

[12] Cette lettre a paru dans la République de la Corrèze du 23 janvier 1876.

[13] Réimprimée en 1871 par les soins de M. Amédée Le Faure.

[14] Voir sur l'état de la situation militaire en 1870 le discours de M. le duc d'Audiffret-Pasquier, dans le Rapport à l'Assemblée nationale n° 1831, et le Dossier de la guerre par M. Émile de Girardin. Ces documents et tant d'autres attestent d'une manière irréfutable que la France manquait de tout.

[15] Revue des Deux-Mondes, 15 novembre 1875, p. 398.

[16] Revue des Deux-Mondes, 15 novembre 1875, p. 399.

[17] Voir à ce sujet le discours du prince Jérôme Napoléon dans l'Officiel du 25 novembre 1876.

[18] Cet article du journal l'Italie a été évidemment rédigé sur des documents officiels.